Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 10 mai 2015

Les juifs éthiopiens ne veulent plus être les «nègres» d’Israël

scheiner-falachas.jpg

LES FALACHAS ET LE RACISME A L’ISRAÉLIENNE

Les juifs éthiopiens ne veulent plus être les «nègres» d’Israël

Jean Bonnevey
Ex: http://metamag.fr
Israël s’est retrouvé aux prises avec une «  intifada «  noire. Tout a commencé il y a une dizaine de jours, lorsqu’une chaîne de télévision israélienne a diffusé une vidéo montrant deux policiers passant à tabac, sans raison, un soldat de peau noire. Le lendemain, un autre Israélien d’origine éthiopienne a également été battu dans la rue, mais par trois inspecteurs municipaux cette fois.
 
Ce qui s’est passé a déclenché un mouvement de protestation contre les violences policières vis à vis des noirs, similaire à celui des USA.

Arrivés massivement en Israël dans le courant des années 1980, les juifs d’Ethiopie représentent aujourd’hui 2% de la population de l’Etat hébreu mais 30% de sa population carcérale et 40% de sa jeunesse délinquante.

Sans doute parce qu’ils étaient pauvres et illettrés, les olim (nouveaux immigrants) ont immédiatement souffert du racisme. Depuis lors et contrairement aux autres communautés de la diaspora, les ex-Ethiopiens sont les seuls juifs à ne pas pouvoir émigrer comme ils le veulent en Israël. Ils sont soumis à un quota et lorsqu’ils veulent acquérir un logement, l’Etat ne leur accordera une aide que s’ils installent dans des zones excentrées bien définies où les infrastructures sociales sont aussi défaillantes que le système scolaire.

Les manifestations violentes en Israël de juifs éthiopiens rappellent étrangement les manifestations des originaires d’Afrique du Nord dans les années 1970. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La cohabitation de communautés de différentes contrées ne se fait pas sans heurts, même si elles ont en commun la même religion. Hier, les juifs d’Afrique du Nord souffraient de discrimination et aujourd’hui c’est au tour des juifs éthiopiens, victimes en plus de racisme.

En Israël, dans les années 1970, les Blacks Panthers, par similitude avec les Afro-Américains, conduits par le leader marocain Charlie Biton, avaient créé un mouvement de protestation et de soutien des immigrants d’origine marocaine. En communauté de destin avec les Arabes israéliens, ils avaient constitué la première organisation qui s’était donnée pour mission d’œuvrer pour la justice sociale et pour la défense des défavorisés orientaux, victimes de discrimination dans le pays.

En mars 1971, les Blacks Panthers avaient manifesté pour protester contre la pauvreté de leur communauté, contre l’écart entre riches et pauvres et contre les tensions ethniques dans la société juive. Le 18 mai 1971, entre 5.000 et 7.000 manifestants s’étaient réunis à la place Sion à Jérusalem alors que la manifestation avait été interdite par la police. Les forces de l’ordre s’étaient violemment opposées à une foule en colère faisant une vingtaine de blessés hospitalisés et 74 arrestations. Le Premier ministre de l’époque, Golda Meir, avait refusé de reconnaître ce mouvement social. Mais la manifestation du 18 mai avait contraint le gouvernement israélien à prendre en compte les revendications des Orientaux en créant une commission dont les conclusions avaient confirmé que la discrimination existait à de nombreux niveaux de la société.

Les Falachas ou Falashas étaient des habitants de l'Éthiopie, maintenant qualifiés en Israël de « juifs éthiopiens ». Le terme Falasha est rarement utilisé par les juifs éthiopiens qui emploient plutôt Beta Israël (la « maison d’Israël », au sens de la « famille d’Israël »). Il signifie en amharique « exilé » ou « immigrés » et est généralement considéré comme péjoratif. Les Beta Israël ont une origine mal définie. Ils ont vécu pendant des siècles dans le Nord de l’Éthiopie, en particulier les provinces du Gondar et du Tigré. Après avoir bénéficié de petits États indépendants jusqu’au XVIIe siècle, ils ont été conquis par l'empire d'Éthiopie, et sont devenus une minorité marginalisée, à laquelle il était interdit de posséder des terres et qui était accusée d’avoir le « mauvais œil ».
 

Titi-Aynaw1.jpg


Ils rentrent en contact avec le judaïsme occidental à la fin du XIXe siècle. À compter du début du XXe siècle, une redéfinition en profondeur de l'identité de la communauté se fait jour et l'amène à se considérer désormais comme juive, et plus seulement comme Beta Israël. Cette évolution réduit progressivement les forts particularismes religieux originels et rapproche la religion des Beta Israël du judaïsme orthodoxe.

En 1975, le gouvernement israélien reconnaît la judaïté des Beta Israël. Ceux-ci vont alors mener une difficile émigration vers Israël dans les années 1980 et 1990. En 2009, ils sont environ 110 0002 en Israël.

Les Beta Israël eux-mêmes ont deux principaux récits concernant leurs origines. Selon le premier, « la plus répandue dans la tradition orale », les Beta Israël descendraient des Israélites ayant accompagné le prince Ménélik, fils du roi Salomon et de la reine de Saba lorsqu’il apporta l’arche d’alliance en Éthiopie, au Xe siècle av. J.-C. On peut noter que ce récit est étroitement connecté à la légende des chrétiens d’Éthiopie concernant l’Arche d’alliance. Elle en est peut-être une adaptation.

racisme,israël,anthropologie,ethnologie,éthiopie,afrique,affaires africaines,falachasLe second récit présente les Beta Israël comme les descendants de la tribu de Dan, une des « Dix tribus perdues » (déportées par les Assyriens en 722 avant Jésus-Christ). En Israël, ce récit tend à devenir dominant, sans doute car il est officiellement accepté par le grand rabbinat israélien en 1973.

On trouve aussi des récits moins répandus et qui tendent à disparaître de la tradition orale Beta Israël :
  • les Falashas descendraient d’un groupe d’Hébreux ayant refusé de suivre Moïse lors de la sortie d’Égypte.
  • selon un récit du XIXe siècle, qui semble aujourd’hui disparu, les Falashas seraient des Éthiopiens convertis par Moïse lors d’une ancienne visite dans le pays.
  • les Falashas seraient venus en Éthiopie à la suite de la fuite d’Israélites après la prise de Jérusalem en 587 avant Jésus-Christ par les Babyloniens.
  • les Beta Israël se considèrent comme les descendants des Hébreux .

Les Falashas n’ont pas une perception claire et unique du lien entre eux-mêmes et leurs ancêtres supposés. Mais la réciproque est encore plus vraie.
 

Les commentaires sont fermés.