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vendredi, 21 février 2020

ACTUALITÉ DE CARL SCHMITT: Les notions de politique, de guerre discriminatoire et de grands espaces

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ACTUALITÉ DE CARL SCHMITT:

Les notions de politique, de guerre discriminatoire et de grands espaces

Sur le NOMOS de la Terre et la dissolution de l'ordre européen

par Irnerio Seminatore

Ex: http://www.ieri.be

TABLE DES MATIÈRES

La République de Weimar et ses débats

L'ami et l'ennemi

La théorie moderne de l’État

La dissolution de l'ordre européen

Union européenne et Confédération d’États. De la guerre inter-étatique à la "guerre civile mondiale"

Ordre cosmopolitique, logique de la terre  et droits circonscrits

Le "pluriversum" comme nouvel ordre planétaire

Le Nomos de la Terre, la criminalisation de l'ennemi et la géopolitique des grands espaces

Types de Guerre et ordres juridiques

L'unification des théâtres et la sécurité collective

Conflits et systèmes d'équilibre: C.Schmitt et H.Kissinger

Le dilemme de l'ordre international. Système de règles ou système de forces? 

L'Europe, la démondialisation et les dangers du consensus de masse.

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La République de Weimar et ses débats

Carl Schmitt (1888-1985),  figure centrale  de la "révolution conservatrice" allemande fut l'une des personnalités  marquantes du débat constitutionnel  de la République  de Weimar, puis de la montée et triomphe du national-socialisme des années 20 et 30.

Ses ouvrages et en particulier "La notion de politique" ne cessèrent d'être les références de base de la politologie allemande de l'époque.

Quant à cette notion, il bouleversa les paradigmes de la politique, comme lieu de discrimination de l'ami et de l'ennemi et dans le sillage  de celle-ci  il décela les fondements  des concepts de souveraineté et de décision, en gardant pour maîtres Machiavel, Bodin et Hobbes. Sa contribution est au confluant de doctrines et de situations diverses et elle est  redevable,pour l'aspect doctrinal de  la mise en relation de la métaphysique et de la théologie politiques, propres à  la tradition de la "Respublica Christiana" du Moyen Age , avec le rationalisme de la politique moderne et, pour la conjoncture politique et intellectuelle, de  la période d'incertitudes et d'instabilité, ouverte par le Traité de Versailles et par le passage de l'Empire allemand à la République de Weimar.

Lorsque parut, en 1927, la "Notion de politique", la plupart des politistes déduisaient la spécificité de la politique de la théorie générale de l’État. Or la politique est une activité primordiale, consubstantielle à la constitution de la société et précède l'invention moderne  de l’État, forme historique et périssable de la politique. Puisque Schmitt refuse de définir la politique par le droit ou par l'institution de l’État, il en radicalise le trait essentiel, celui d'une "relation spécifique et fondamentale, ne se laissant déduire d'aucune autre relation et à laquelle on peut réduire toute autre activité et tout motif politique, qui est celle de l'ami et de l'ennemi".

Dans la conception de Schmitt le primat du  politique sur le droit est fondé sur la distinction, selon laquelle le politique est constituant et le droit régulateur. Ce primat repose en effet  sur une décision souveraine, qui rend effectives, en temps de crise ,les situations d'exception, car "il n'existe pas de normes, que l'on puisse appliquer au cahos".

"Souverain est qui décide de l'exception en situation d'exception. En effet la normalité ne prouve rien et l'exception prouve tout, car la règle ne vit qu'à partir  de l'exception". Dans ces conditions, la dictature souveraine préserve l'unité, face au danger d'une situation prolongée de crise. Ici le risque extrême est la dangerosité existentielle de l'ennemi, à combattre et à anéantir. Dans ce cas la dictature du souverain rétablit l'ordre détruit, le droit bafoué et la sécurité menacée , par un pouvoir d'exception et d'urgence.

L'ami et l'ennemi

C'est par le primat du politique qu'on peut faire le partage entre l'ami et l'ennemi, fondement du concept de politique dans sa réalité existentielle, lorsque l’État est mis lui même en question et qu'une lutte est à mener sans limites juridiques.

La distinction entre l'ami et l'ennemi est d'exprimer le"degré d'intensité d'un lien, ou d'une séparation, d'une association ou d'une dissociation". Quant à la figure de l'ennemi, il s'agit d' un ennemi public (hostis) et non privé (inimicus), contre lequel une guerre est toujours possible.Or, pour qu'une guerre soit déclarée contre l'ennemi interne ou extérieur, il faut qu'un certain type d'ordre soit  remis en cause. Or,à l'époque de Weimar,cette remise en cause concernait la stabilité politique, par l'absence d'un État fort et d'une économe saine. Ce fut alors la raison pour laquelle, dès cette période, la constitution de l’État opposa C.Schmitt à l'inspiration libérale de la période et à la démocratie de masse, professés par les courants sociaux démocrates, en raison de leur capacité  de dissolution de l' homogénéité sociale du pays.

L'homogénéité est ici à entendre comme l'accord de tous sur les décisions fondamentales de l'être politique, ce qui constitue une masse en unité. Or la substance  de cet ensemble   est de l'ordre des sentiments et des affects, tandis que sa dissolution résulte de la problématisation de la raison moderne, sans foi ni transcendance.

Poussant plus loin sa critique de la  paralysie de la démocratie de Weimar, et opposant à l'idéologie du progrès  l'image de l’État qui décide et qui gouverne, Carl Schmitt blâme  la neutralisation et la dépolitisation du régime des partis, le parlamentarisme érodé et la ploutocratie, ainsi que la "passivité" de la bourgeoisie, comme classe "discutidora" (Donoso Cortès) et devient un partisan de "l’État fort" et  de la "démocratie plébiscitaire".

51mFmfLmnNL._SX319_BO1,204,203,200_.jpgLa théorie moderne de l’État


Quant à la Constitution de la République de Weimar, paralysée par le pluralisme des intérêts particuliers et le libéralisme montant, considéré comme l'indécision organisée au sein de débats parmementaires sans fin, l’État se  rend incapable, selon Schmitt,  d'affronter la démocratie de masse. En se démarquant des droits de l'homme universel, indépendants du droit positif,  Schmitt soutient l'idée que toute constitution politique résulte d'un ordre qui se rend effectif par le droit, sans s'identifier à celui-ci. Or, dans toute constitution le souverain,( homme ou office), crée le cadre des conditions préalables du droit, l'ordre fondateur, la constitution.  Sous cet angle, l’État moderne est  légitimé démocratiquement, mais la démocratie, comme régime politique, est conditionnée à son tour, par la forme d’État et par l'homogénéité du peuple.
Enfin, en matière de relations internationales, Schmitt est à considérer comme le dernier représentant du " Ius Publicum Europaeum", le courant de pensée qui esquissa la trame du droit public européen, fondé sur la reconnaissance de la légalité et légitimité du "droit à la guerre" des États , au XVI ème et XVIIème siècles, tant exalté au XVIIIème, remis en cause par la Révolution française, repris avec le Congrès de Vienne en 1815 et prolongé jusqu'à l'universalisme abstrait de la Société des Nations et des Nations Unies au XXème siècle.

La dissolution de l'ordre européen


L'universalisme des institutions internationales   du premier et du deuxième après guerre, est tenu comme inapte à concevoir la variété des formes de la communauté juridique mondiale , car fait défaut à la Société des Nations et aux Nations Unies "toute pensée constructive  et toute substance d'une communauté" de peuples.

Quant au système international international publique, l'architecture  de celui-ci ne peut être assurée par une quelconque application de la "théorie pure du droit" ,à la Kelsen, dérivée d'une "Grundnorm", car celle-ci est de nature logico-transcendentale et  occulte l'origine profonde des normes.

D'après le Traité de Versailles et vis à vis  de l'Allemagne, les institutions universelles prolongeraient, pour Schmitt, sous un manteau juridique formel, la situation de guerre, derrière un ordre de façade et une paix "inauthentique".

Dans le cadre d'une situation européenne instable ou menaçante, la possibilité de l’État de s'autoconserver repose, pour Schmit, sur une action qui émane de sa souveraineté et de son autonomie, la capacité d'une décision  d'exception.

Ainsi , la survie  d'une communauté politique a besoin d'un État pourvu du "ius belli", car la guerre comme inimitié radicale ne peut exister que d’État à État et seul l’État peut lui consacrer des ressources vitales.

Sous cet angle, l’État qui mène une politique pacifiste ou humanitaire cesse d'être un sujet politique ou une unité significative du système international (Union européenne), car seul l’État, caractérisé par un rapport stable à son territoire et qui reste dans une relation de possession naturelle avec lui,  peut assurer l'auto-conservation d'une société.

41-mdkcq6IL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgUnion européenne et Confédération d’États. De la guerre inter-étatique à la "guerre civile mondiale"

La naissance de l'Union Européenne,dans les années 50, anticipant sur un monde pacifié, remplace l'ancien ordre étatique autour d'un concept dépolitisé et fonctionnel, l'intégration régionale, se situant entre les deux niveaux, du globalisme  et les États nationaux classiques. Elle marque la fin de la géopolitique traditionnelle, comme rivalité entre sujets belliqueux et résiste à la tendance continentale et eurasienne  des "grands espaces", ainsi qu'à la diversification du monde multipolaire.

Sa constitution d'acteur incomplet, lui interdit de se ranger du coté des puissances eurasiennes  et de pratiquer un jeu d' équilibre  et de contre-poids entre le pouvoir thalassocratique dominant et la logique continentale du Heartland. Par ailleurs elle participe du politéisme des valeurs,  propre à l'universalisme  mondialiste et ne peut saisir les occasions de l'ère post-moderne, pour profiter de la reconfiguration du monde.

Avec le désencrage de la Grande Bretagne du continent  se confirme  la prépondérance des puissances de la mer sur celles de la terre et la déterritorialisation du pouvoir d'éversion, qu'il prenne la forme du néo-terrorisme global ou d'autres formes de conflit armé. Ceci  implique  une transformation de la guerre inter-étatique en "guerre civile mondiale". La politique devient une simple potentialité d'opposition et de révolte, au cœur d'un universalisme nihiliste. Dans ce contexte le processus de démondialisation en cours, avec l'irruption du politique  et le retour sécuritaire de la forme étatique, implique une revendication d'indépendance et d'initiative stratégique, autrefois impensable, vis à vis de l'Amérique. Cette revendication postule également une réforme institutionnelle profonde .Selon l'ancien président de la Commission, Jacques Delors, l'Union européenne devrait s’inspirer du modèle de la confédération d’État et des capacités d'action de troisième force. Conçue en revanche comme espace euro-atlantique et comme appendice de l'Amérique, sa liberté de manœuvre est limitée, bien qu'elle puisse se donner le but commun de la conservation politique, si son existence politique était assortie d'un "ius belli". Or, l'objectif historique d'Hégémon est d'éviter la constitution d'un bloc continental eurasien, le Heartland, rivalisant avec les États-Unis. Pour rappel, l'évolution planétaire du monde, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique a comporté une déterritorialisation des sociétés, dépourvues de frontières et la soumission du monde à la logique des flux, ou, en définitive,à la logique de la mer. Au même temps l'élargissement de l'Union européenne et de l'Otan vers les grands espaces d'Asie a substitué le principe d'ordre des relations internationales, de l'universalisme abstrait du droit international public aux rapports de force du réalisme classique.

Ordre, cosmopolitisme, logique de la terre et droits circonscrits


L'affaiblissement des États souverains, débuté dans les entre deux guerres,  fait perdre aux conflits leur caractère limité aux profit des notions de guerre illimitée et  d'alliances militaires, qui coïncident aujourd'hui, avec les pôles de pouvoirs d'un système désormais planétaire.

Par ailleurs, l'apparition des grands espaces, depuis le XVIème siècle avec la découverte des Amériques, pose  le problème d'un nouvel ordre, qui puisse devenir le fondement de nouvelles légitimités et allégeances.

Avec le "Nomos de la terre"(1950) Schmitt exprime l'exigence d'une réflexion qui rende possible l'instauration de ce  nouveau droit et identifie cette condition dans l'enracinement des  nouvelles lois dans la logique de la terre , comme unités d'un ordre et d'un espace circonscrits.

La  condition de l'espace est primordiale, pour Schmitt, car elle définit le fondement de la légalité internationale,  toute forme d' ordre comportant  une délimitation de l'espace. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la modernité occidentale peine à imposer des formes de pouvoir stables, puisqu'elle a remplacé l'ordre concret de la terre par l'ordre abstrait de la loi . On comprendra mieux l'opposition de Schmitt à la pensée positiviste (H.Kelsen) et à l'idéal cosmopolitique (E.Kant),car Schmitt fait appel au substrat originel de toute société, la terre,comme fondement ancestral du droit

L'occultation de l'origine des normes par H.Kelsen, fait rappeler à Schmitt la  conception pluraliste des sources du droit, comme socle de toutes les manifestations  de l'ordre social

Il en découle que tout peuple, est lié à son environnement géopolitique, dont il est empreint et que la négation, par les universalistes, de tout enracinement à une source de vie, est une négation des souverainetés qui s'y exercent.

La conception actuelle du "nouvel ordre mondial" (W.Bush) rompt avec la diversité des attachements aux sols, politiques et moraux, civils et religieux, par l'universalisme fictif d'un modèle  unique,le régime démocratique, comme modèle de déracinement et d'aliénation culturelle.

Ainsi , à titre de prévention, le "pluri-versum" des peuples et des États, qui  est le nom schmittien de la multipolarité actuelle,représente  la succession historique des souverainetés européennes et leur dépassement, dans  la perspective des "grands espaces" et dans l'irruption planétaire d' un ordre global.

9783428074716-fr.jpgLe "pluriversum" comme nouvel ordre planétaire

A la fin du deuxième conflit mondial, Schmitt tire le bilan de l'affaiblissement de l’État souverain et de la  fin du système international euro-centrique. Le constat d'un universalisme sans espace et d'un normativisme abstrait, dépourvu  d'une légalité sur  laquelle fonder des accords, pousse Schmitt à interroger le nouvel ordre planétaire, afin de dégager les règles communes à une pluralité d'acteurs dissemblables. Ça lui saute aux jeux avec évidence que le nouvel ordre ne peut être le produit d'une logique juridique, mais d'un ordre spatial délimité. Le nouveau Nomos,se dessine ainsi, comme"la forme immédiate, par laquelle l'ordre social et politique d'un peuple, devient spatialement visible". La lecture planétaire  de Schmitt est celle d'une diversification du monde en grands espaces autonomes, globalement opposés à l'universalisme de la puissance hégémonique et alternatif à un univers d'Etats-Nations déclinant. Le Nomos de la Terre, la criminalisation de l'ennemi et la géopolitique des grands espaces

Avec "Le Nomos de la Terre" (de 1950), Schmitt consacre sa réflexion aux relations internationales, une constante omniprésente de sa conception de la politique. Il semble même que les relations extérieures aient constituées une priorité sur la politique intérieure, où le critère de l'ami et de l'ennemi reste latent. Schmitt remonte en effet, dans cet ouvrage, aux origines ancestrales du droit inter-étatique, émanant de l'Europe, jusqu'au début de l'âge moderne, après l'effacement de la République Chrétienne et la fin des guerres de religions. Il repère là un ordre spatial, précédant l'ordre juridique, car, pour être concret et non "utopique", tout ordre juridique est , pour Carl Schmitt, un ordre de la terre et une délimitation territoriale . Contre " l'humanisme neutralisant" de More et d’Érasme, qui deviendra plus tard, la philosophie de la paix internationale de la Société des Nations et des Nations Unies, Schmitt, vise la limitation de la guerre et non la criminalisation de celle-ci (avec ses corrélats de crimes et d'atrocités). qui conduisent  à la "guerre totale" et à la volonté d'anéantissement de l'ennemi. En effet la criminalisation de l'ennemi en droit international du XXIème siècle par les tenants de la sécurité collective des Nations-unies, se démarque de la conception des juristes  du "Ius Publicum Europaeum", qui faisaient abstraction de la "guerre juste",sur la base du concept de guerre entre souverainetés, réciproquement égales et menant des guerres limitées. La philosophie  du nomos de la terre  est ainsi, pour résumer,  la limitation de la guerre, finalité essentielle de tout droit international, une guerre envisagée sous l'angle des transformations, qui lui font subir l'extension des "théâtres" et la nouvelle "géopolitique" de l'ordre juridique.

Types de guerre et ordres juridiques

Ainsi et de manière analytique Schmitt y met en évidence les transformations de la relation entre guerre et ordres normatifs.

Ainsi ,dans la "guerre juste", élaborée par les théologiens du Moyen Age,sous la double autorité du Pape et de l'Empereur, garants suprêmes d'un droit des gents, chrétien, européen et terrien , l'inégalité des adversaires était une supposition bien réelle, qui faisait de ce type de conflit une guerre unilatérale et limitée, au delà de la qualification juridique de la "iusta causa".

La guerre- duel, entre souverainetés régulières des temps modernes ( issues du traité de Westphalie, 1648 ), fondée sur l'égalité formelle des belligérants, demeurait bilatérale et circonscrite.

En revanche la guerre discriminatoire ou guerre sanction du XXème siècle tend à devenir totale,  sous l'effet des conceptions universalistes et "utopiques", étendues à un ordre global (l'émisphère occidental) et comporte la criminalisation de l'ennemi, dans  le but de l'éradiquer, en agresseur et en coupable, rabaissé au rang de criminel. L'exemple majeur a été  le Traité de Versailles, qui manqua à sa tache primordiale de rétablir la paix.

L'ouvrage est reparti en  quatre grandes sections, qui  scandent  l'élargissement de la scène géopolitique et différencient les nouveaux  théâtres sur la base de stratégies euro-centriques du monde.

A_La première partie repose sur l'idée que tout ordre juridique est situé dans une région du monde  et ancré dans les clôtures d'un sol. Une "prise de terres" ancestrale est donc le titre de légitimité fondamental de tout ordre juridique, qui implique souvent une action de guerre.

B-La deuxième  traite de l'expansion coloniale européenne vers le Nouveau Monde. Elle se traduit par la découverte  des Amériques et la délimitation de champs d'action distincts entre l'Espagne et le Portugal par deux lignes globales, fixant leurs zones respectives d'influence,de commerce et d'évangélisation ( traité de Tordesillas, 1494),intégrées par des "lignes d'amitié" assignées aux deux puissances neutres ,la France et la Grande Bretagne. Au delà régnait, en principe, par  convention admise ,un état de nature sans foi ni loi, où une guerre de conquête sans limites pouvait opposer les belligérants européens. La guerre était corsetée en Europe, dans l'utilisation de la violence armée,par l'impératif religieux de la République Chrétienne, de telle sorte que Grotius et  Pufendorf formalisèrent le "ius gentium", oubliant que le titre de légitimité des États souverains d'Europe découlait de la "découverte" et de "l'occupation" des terres des Amériques.

C-La troisième partie parvient à la description de la guerre-sanction. En effet, comme suite à une "prise de terre" planétaire de la part des puissances européennes s'affirme la coexistence de deux ordres concrets   aux statuts distincts, le statut homogène de la mer et les statuts hétérogènes des terres.
C'est seulement la puissance globale qui opère la  jonction entre ces deux ordres et garantit un équilibre de pouvoir entre terre et mer (l'Angleterre d'abord et les États-Unis ensuite), conforme à ses intérêts géopolitiques. On passe ainsi, à la fin du XIXème ,de l'ordre territorial et souverain de l'Europe, celui du "Ius publicum europaeum", purement inter-étatique, à un ordre d'essence mixte, qui distingue les relations  métropolitaines étatiques (ou européennes), des rapports  coloniaux, non étatiques  et non européens. Les grandes transformations géopolitiques entraînent avec elles ,des changements importants dans les deux sphères,  du droit privé et du droit publique, qui sont respectivement, topique et  concret le premier( le commerce) et utopique et abstrait le deuxième ( les droits universels). Dans le même temps la guerre devient limitée et d'occupation (en Europe),  mondiale , totale, illimitée et d'anéantissement (dans les deux hémisphères) La figure de l'ennemi change également de statut et configure la puissance hostile en ennemi de l'humanité, en figure éversive, par rapport à celle d'un acteur local, bien identifié et souverain . Le processus de criminalisation de la politique étrangère et mondiale s"achève enfin , par une plongée tragique, non pas dans  l'anarchie hobbesienne, mais dans une sorte de nihilisme apocalyptique.

D-Dans la quatrième partie Schmitt approfondit la dichotomie des deux ordres, métropolitain et colonial et analyse la fin du dualisme, qui a caractérisé le  "ius publicum européum", suite à l'émergence d'un droit international indifférencié, par l'affirmation  de la notion d'Occident au niveau planétaire (XXème siècle).

L'unification des théâtres et la sécurité collective

Les théâtres de guerre, jadis séparés, sont unifiés conceptuellement par une vision universaliste et utopique de l'ordre mondial, assurée par l'abstraction du droit, la moralisation des litiges et la doctrine de la sécurité collective (la SdN  et les ONU). Une sécurité,garantie  par l'interventionnisme de l'acteur hégémonique (les Etats-Unis), ou encore, par l'adoption d'une repartition territoriale du monde, qui intègre la conception "multipolaire" de la planète, dans  la défense concrète  du nouveau nomos  atlantique et globaliste, aujourd'hui à son déclin.

9783428158065.jpgSchmitt, en  excluant toute conception universaliste du droit international parvient à la conclusion que l'ordre du monde ne peut se réaliser sans antagonismes entre les grands espaces, ou sans la domination d'un centre sur sa périphérie. Toutefois il reconnaît l'exigence d'une autorité supérieure, en mesure de trancher sur les différends et les tensions entre forces régulières et irrégulière, intérieures et extérieures. Il est incontestable que l’État moderne se distingue de tous les autres, pour avoir dompté,  à l'intérieur de ses frontières,  la relation ami-ennemi , sans l'avoir totalement supprimée.

Par ailleurs et dans  l'ensemble de son œuvre, Schmitt semble privilégier la priorité de la politique extérieure sur la politique interne, confirmée par sa recherche en matière de droit international public, qui porte sur le  principe de limitation de la guerre et sur la source de stabilité,  constituée par l’enracinement géopolitique  de tout système normatif.

Ainsi se conclut l'immense effort de théorisation, entrepris sous la République de Weimar et achevé, en ses grandes lignes, avec le "Nomos de la Terre".

On passe du cadre intellectuel de la politique interne  et donc de la distinction entre l'ami et l'ennemi, avec, en corrélat, la problématique de l’État moderne et de ses oppositions intérieures maîtrisables , à l'ordre imprévisible des relations internationales de l'âge planétaire.

Conflits et systèmes d'équilibre : C. Schmitt et H. Kissinger

La conclusion du système de pensée schmittien, élaboré au courant de trente ans, viendra de Carl Schmitt lui même, avec l'observation selon laquelle :" La pratique du "Ius publicum Europaeum" tendait à comprendre le conflit, dans le cadre d'un système d'équilibres. Désormais on les universalise, au nom de l'unité du monde".

Conclusion à laquelle parviendra également H.Kissinger dans "L'Ordre du Monde", lorsqu'il essaie de définir l'ordre souhaitable du XXIème siècle,  sur le modèle de la paix  de Westphalie (1648), rappelant  que "La paix de Westphalie ne reflétait pas une perspective morale unique, .......mais reposait sur un système d’États indépendants, acceptant que leurs ambitions respectives soient freinées par l'équilibre général des forces, réduisant l'ampleur des conflits ".

Le dilemme de l'ordre international. Système de règles ou système de forces?

Comment parvenir à la constitution d'une structure d'ordre ,capable de limiter les conflits et de préserver la paix ,dans un monde global?

C'est la question ontologique du système international actuel.

Par un système de règles admises et respectées, qui limitent  la liberté d'action des États, ou par un équilibre des forces, qui interviennent en cas d'effondrement des règles?

41tQLwk8LyL.jpgCe dilemme et cette  problématique rapprochent Schmitt et Kissinger, au delà de leur plaidoirie respective en faveur de l'Allemagne ou des Etats- Unis.

Deux éléments sont aujourd'hui communs à l'analyse des réalités internationales et apparaissent tout à fait incontournables, la multiplicité des acteurs, des civilisations et des cultures et, à l'opposé, l'unicité du cadre d'action, l'unité d' un monde clos, limité et interdépendant .

En revanche deux moyens demeurent optionnels: celui des règles communes d'ordre conventionnel et celui du système des forces, aux références divergentes et aux objectifs incompatibles.

Nous retrouvons dans ce dilemme de l'art de gouverner et de la High Polics l'éternelle opposition entre la loi et la force,  au service de l'idéal de la paix et de la sécurité, auquel ont consacré leurs esprits Schmitt et Kissinger,le premier avec la dialectique de l'ami et de l'ennemi, le deuxième dans la perspective du consensus et du rôle de l"Amérique, les deux en l'absence de la figure du perturbateur radical , la figure du peuple.

L'Europe, la démondialisation et le danger du consensus de masse

Au moment où l’irruption de la politique dans un monde dépolitisé, éveille  les peuples sous la bannière inattendue du populisme ou de l'éversion violente, suggérant l'exigence d'un nouveau compromis historique entre le démos et les élites, le danger de la "guerre civile mondiale" vient de l'absence conjointe du consensus de masse et de la négation de normes universelles observées.

Il en découle la perte de contrôle des pouvoirs, affranchis de la logique des équilibres et des contre-poids assurés au système de Westphalie par l'assurance des rapports de force, désagrégés aujourd'hui par le choc des civilisations et des cultures, qui engendrent un ordre chaotique du monde et une vision nihiliste de l’avenir.

 

 

Terre & Peuple Magazine n°82 - Quel avenir pour les autochtones d'Europe?

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Communiqué de "Terre & Peuple-Wallonie":

Terre & Peuple Magazine n°82

Quel avenir pour les autochtones d'Europe?

Le numéro 82 de la revue TERRE & PEUPLE Magazine est centré sur le thème ‘Quel avenir pour les autochtones d’Europe ?’.

Dans son éditorial ‘Le poids du réel’, Pierre Vial pointe la crise de confiance des Français : selon un sondage IPSOS, 75% n’écoutent même plus les ‘ficelles’ des politiciens.  Il cite Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, pour qui le discours de Macron sur l’immigration est « non seulement mensonger, mais incompréhensible » !  Alors que la justice échoue à protéger les victimes des violences : ce n’est que dans 65% des cas que la police a été saisie et dans 18% que les procès-verbaux ont débouché sur des investigations.  Dans le même temps, la ministre Belloubet proclame : « Pour qu’il n’y ait pas de sentiment d’impunité, il doit toujours y avoir une réponse pénale ! »  Dans la foulée, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye admet : « L’ambiance est à la sinistrose, mais il y a des signaux positifs ! »

La parution du tome II des Mémoires de Jean-Marie Le Pen justifie bien un entretien avec le Menhir, lequel démarre d’emblée sur l’explosion démographique (de deux à huit milliards d’humains sur un demi-siècle) et sur notre destruction dans moins de trente ans.  « Pour un peuple, survivre n’est pas un droit, mais un devoir à assumer sans faillir, comme la défense de son territoire dont il faut maîtriser l’accès.  Pendant 40 ans, nous avons, par idéologie ou par faiblesse, créé un appel de populations.  Il faut à présent les dissuader et les prévenir que ceux qui viennent sans y être autorisés n’auront droit à rien.  Mais que nous sommes prêts à les aider chez eux.  Le temps presse pour nous, peuple vieillissant.  En France, la gauche est sanctifiée et exploite, depuis la Libération, un monopole de la moralité.  Toute action débutant par une affirmation de soi, j’ai défini le Front National comme le parti de la droite nationale, populaire et sociale.  Chirac, élu par la droite, faisait une politique de gauche.  La division de la gauche m’a permis de supplanter Jospin, qui aurait été élu au second tour.  Ils ont eu peur et ont mobilisé tout le monde sur le pont, y compris l’Assemblée des évêques !  Chirac a trahi la tradition républicaine en refusant le débat de l’entre-deux tours.  Le FN a servi d’assistante sociale au peuple français, en lui faisant prendre conscience du péril qu’il court.  Notamment la révolution mondialiste New Age sous la houlette de l’ONU, dont les parrains en France tiennent le haut du pavé intellectuel et politique, bobos, gauche caviar et une certaine droite qui en attend de la main d’œuvre à bas salaires.  Les peuples pauvres n’attendront pas pour débouler aux endroits les plus favorables.  De la part des classes moyennes menacées, on ne relève que des résistances sporadiques minoritaires.  Le mouvement des Gilets Jaunes est original : le gilet, protection imposée par l’état, fait l’unité !  Il ne faut pas chercher à se dédiaboliser, mais au contraire s’affirmer et tenter des actions communes avec nos partenaires du Continent boréal, les pays slaves compris. »

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Robert Dun à la fin de sa vie: une chaleur humaine, un enthousiasme, un anarchisme nietzschéen des plus originaux

Thierry Durolle traite du retour à la terre comme stratégie de survie.  Il est lui-même un néo-rural.  Issu d’une famille orientée fortement à gauche, le collège, communautariste, l’a fait virer.  L’éducation nationale ne l’a pas convaincu et la sacro-sainte Shoah l’a laissé de marbre.  Il a exécré le mode de vie urbain, l’insécurité, le qui-vive perpétuel.  C’est alors qu’il a découvert le combat écologiste de Robert Dun et celui de Richard Walther Darré.  Et ensuite le numéro de Terre & Peuple Magazine consacré à l’écologie.  Les embrouilles avec les allochtones n’ont fait que fortifier son envie de quitter une ville acquise à l’ennemi.  La chance l’a fait rencontrer la mère de ses enfants qui, partageant par bonheur sa Weltanschauung, a fait le choix de les faire grandir en liaison avec la nature.  Le secteur isolé qu’ils ont choisi comportait une forte concentration d’anthroposophes et de cultivateurs biologiques, dont plusieurs familles ‘europaïennes’.  Il faut toutefois se garder d’idéaliser la vie campagnarde : tout y est plus difficile.  Disposer d’une voiture y est vital.  Les autochtones sont affectés des mêmes tares que les citadins et s’isoler est impossible.  A des rares exceptions, les ruraux n’acceptent pas les intrus.  Les exploitants agricoles, à bout de souffle, sont des empoisonneurs, volontiers malveillants.  Les cultivateurs bio sont nombreux, grâce notamment à une école Steiner.  Humanistes pro-migrants, ils n’en sont pas moins plus intéressants que les ruraux de base.  L’auteur se félicite de ne pas habiter le bourg, mais une maison en pleine nature.  Il avertit contre les ruses des malhonnêtes, qui pullulent dans les campagnes.  Le rythme de vie y est plus lent et moins stressant.  L’objectif d’un païen, d’un paganus, c’est de s’enraciner et dès lors de décélérer.

Roberto Fiorini nous interpelle sur la nécessité de penser à notre avenir très incertain de façon collective, car résister seul n’a que peu d’intérêt.  Il rappelle que c’est notamment Robert Dun qui, un des premiers, a suggéré un retour à la terre, dans un regroupement de familles ethniquement harmonieux.  En pratiquant une alimentation saine, d’origine connue et tant que possible en autonomie/autarcie relative. Il insiste sur le fait que notre alimentation est notre médication ! D’abord se rapproprier les tâches de la culture et de l’élevage, de la production d’électricité, du bois de chauffage, de l’eau potable…  Pour en vivre ou tout au moins retrouver les gestes essentiels, quitte à conserver une source de revenus à côté.  Tout en se recentrant sur l’instruction et l’éducation des enfants, pour les rendre plus forts que nous.  Tout cela dans le cadre d’une solidarité responsable avec les autres familles de la communauté.  En pratiquant la coopération et l’entraide mutuelle, en recherchant les activités communes, en partageant les plaisirs et les fêtes saisonnières, avec leurs chants et leurs danses.  Mais en demeurant toutefois lucidement conscients que la vie impose de s’adapter aux circonstances de l’évolution.  Il souligne l’importance de l’autogestion dans le processus de décision, et de son adaptation aux circonstances et aux goûts de chaque groupe.  Il insiste aussi sur la nécessité de mettre en œuvre une véritable bienveillance communautaire, socle de la solidarité.  Celle-ci requiert de chacun la frugalité, le détachement des appétits personnels excessifs et surtout la volonté de faire le bien des siens.

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Pierre-Paul Jobert s’attache à situer et évaluer la menace que font peser certains progrès techniques, en biotechnologie, en cybernétique, en intelligence artificielle.  Il invite les traditionalistes que nous sommes à prendre attitude en évitant de s’enfermer dans un choix entre nostalgie ou modernité.  Il prévient contre la vision déformée que peuvent inspirer sur la matière des fictions futurologues, romanesque ou cinématographique ou des vulgarisations par des auteurs dont l’autorité se mesure pour l’essentiel à leurs succès de librairie.  L’IA et la robotique n’en mettent pas moins en question les notions de travail et de travailleurs.  La caste de ces derniers tendrait à se limiter à ceux qui auront à compléter l’IA et à la guider.  Mais l’IA est en mesure de suppléer, voire de remplacer avantageusement l’opérateur humain dans pratiquement les sept types d’intelligence que distingue Howard Gardner, à savoir les intelligences linguistique, logico-mathématique, visuelle, musicale, corporelle-kinesthésique, interpersonnelle-sociale, intrapersonnelle.  En fin de compte, il n’y aurait plus guère qu’en matière d’intelligence émotionnelle et de créativité que l’IA resterait à la traîne.  L’intelligence émotionnelle est celle de l’esthétique, celle de la lecture introspective de la douleur et de la finitude.  Celle qui suggère à notre auteur la gymnastique mentale de la méditation.  Pour ce qui est de la créativité, il n’y a pratiquement que dans l’innovation de rupture que l’IA peut être surclassée.  Mais se pose la question : à quoi doit servir notre travail ?  A produire un résultat désiré : hier c’était connaître et conquérir ; aujourd’hui c’est consommer et jouir ; demain ce sera quoi ?  Pour nous Gaulois, ce sera le désir d’être nous-mêmes, la volonté de puissance.  Faisons que notre désir ne change pas d’orientation.  Mais ne détournons pas les yeux devant les réalisations des hautes technologies au seul motif qu’elles servent un système détestable.  Recevons l’IA pour comprendre son fonctionnement et comment en tirer parti pour augmenter l’influence de notre peuple.  Pour faire grandir ses élites en étant ancrés dans le temps, dans la perspective du futur et non plus seulement pour survivre.

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Jean-Patrick Arteault définit la notion d’autochtone.  Il revendique cette qualité pour les Albo-Européens, ceux qui ont établi avec la terre d’Europe des liens millénaires, d’une durée assez longue pour être considérés comme permanents, structurés par la vision indo-européenne, un inconscient culturel bâti sur la longue durée.  Ils sont les autochtones d’Europe, comme les Sami le sont de la Laponie, ce qui leur confère avec la terre ancestrale un rapport privilégié, spirituel, culturel et politique.  L’allochtone a ce même rapport avec une autre terre.  Antonin Campana, qui anime le blog Terre Autochtone, y a diffusé le résumé de son livre ‘Grand Remplacement : Que faire’, lequel propose une stratégie de libération.  Pour Jean-Patrick Arteault, cet ouvrage est l’équivalent de ‘L’Etat Juif’ de Théodore Herzl.  Il fait remarquer qu’il ne s’est passé que cinquante-deux ans entre la parution de celui-ci et la déclaration d’indépendance d’Israël.  Il juge peu probable l’effondrement total que présupposent les stratégies survivalistes.  Aucune d’entre elles ne permettrait d’y faire face.  Les identitaires réagissent au Grand Remplacement sans en prendre la mesure ni réaliser que l’Etat prête la main à la disparition des autochtones.  Le monde des nations est mort.  Que son effondrement s’opère brutalement est moins probable que dans une succession de chocs, de crises, de guerres.  L’oligarchie viserait à se passer de la majeure partie des classes populaires et moyennes, au moyen de l’appauvrissement, de la dégradation de l’enseignement et de la réflexion autonome, de l’affaiblissement de la cohésion sociale et par un encadrement techno-policier qui ne se préoccupe même plus de dissimuler la fin programmée des libertés publiques.  Le survivalisme n’est dès lors plus seulement une précaution, mais une vision politique : l’édification de communautés autonomes, solidaires et puissantes, qui attirent et rayonnent. La Base Autonome Durable devenant Zone Autochtone Défendable avant de devenir Zone Libérée.  Chaque extension de ZAD doit s’accompagner d’une structuration politique.  Le premier stade est la capacité de supporter les chocs.  L’autonomie ne peut pas être repli devant la technologie, mais synthèse archéo-futuriste d’Européens à la fois völkisch et faustiens.  La solidarité doit s’abstenir d’intervenir au profit de l’allochtone, du traître et du mouton imbécile.  Survivre dans des réserves n’est pas un destin acceptable, d’autant moins que le système peut se dégrader insensiblement, son architecture permettant aux oligarques et à leurs serviteurs de continuer de vivre bien.  C’est pourquoi il nous faut ne rien lâcher.

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Johan Morgan rappelle que l’histoire de la ZAD de ND-des-Landes est celle d’une victoire des zadistes.  En 1962, l’exode rural vers les villes avait inspiré une loi instituant des ZAD (zones d’aménagement différé), dans lesquelles l’administration disposait d’un droit de préemption en vue d’y aménager des équipements à moindre coût, en l’espèce un aéroport sur 1.350 Ha.  Le choc pétrolier a remisé le projet, qui n’est ressorti qu’en 2000, pour être enfin déclaré d’utilité publique en 2008.  Des associations locales, des partis du centre et de gauche et des mouvements écologistes organisent une première occupation en 2009.  L’entreprise Vinci ayant obtenu la concession du chantier, les actions se multiplient : squat des bâtiments expropriés, sabotages, occupations de fortune, barrages routiers, entartages d’élus, attaques de permanences PS, arrestations, procès…  Soutenus par les black Blocks et autres antifas, les défenseurs sont déterminés et l’opération de police César est un fiasco   .  Le 17 novembre 2012, une manifestation internationale rassemble quarante mille personnes sur le site.  Beaucoup s’engagent comme volontaires sur les chantiers, dans un mouvement de solidarité communautaire, car la diversité y est moins que discrète.  Et ce n’est pas qu’une favela de plus, car les gens sérieux entreprennent aussitôt des activités agricoles et d’élevage, montent des serres, installent des ruches, plantent des arbres fruitiers.  Ils montent un centre d’accueil, une infirmerie, une boulangerie, une bibliothèque, un hebdomadaire, une radio pirate, une garderie, un conseil de médiation, des soirées de projections, de débats, de concerts.  A cela, l’Etat et Vinci opposent une stratégie d’usure par les procédures, la démoralisation, l’asphyxie financière.  Les zadistes tiennent bon en multipliant les recours.  Jusqu’en 2018, quand le projet d’aéroport est abandonné.  Mais les maraîchers et les éleveurs continuent d’occuper le terrain.  Le 24 mai, 1.800 gendarmes appuyés par des hélicoptères et des blindés, tirent plus de mille grenades dont les fameuses GL1-F4 qui font leurs premières victimes.  Les constructions sont en grande partie rasées.   1.200 Ha se retrouvent disponibles pour les agriculteurs « historiques », qui se laisseraient tenter par le piège d’une agriculture ultra-productive.  Les zadistes exploitants qui souhaitent continuer doivent solliciter des conventions d’occupation précaire, voire de fermage.  On peut en conclure que les actions populaires ont donc encore du poids.  A défaut d’apporter une bonne réponse, les zadistes ont posé les bonnes questions !

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Robert Dragan se demande s’il faut redouter l’IA (intelligence artificielle) ou seulement ceux de ses ‘spécialistes’ qui s’ingénient à terroriser la masse de leurs lecteurs.  L’hypothèse, vertigineuse, de l’autonomisation de la technologie est nourrie par la réalité d’une accélération continue du traitement des données.  Il est significatif que des scientifiques de la branche préfèrent formuler certaines hypothèses dans des romans de science-fiction, voire des prophéties d’hybridation à brève échéance de l’humanité aux machines.  On observe d’ailleurs que la progression n’est pas linéaire et commence à se tasser.  Dans tout système physique, il y a trois barrières : spatio-temporelle, quantique et thermo-dynamique.  La miniaturiasation se heurte à la muraille du silicium, en attendant la découverte de limites plus élevées.  L’algorithme d’apprentissage de la machine par renforcement est nécessairement l’œuvre d’un programmeur.  C’est dans une virée anticléricale que les philosophes matérialistes du XVIIIe siècle ont conçu l’homme comme une machine, mais l’esprit humain est une ‘matière’ largement inconnue.  On lui compte quatre dimensions en interconnexion permanente : mémoire-langage-volonté-émotion, dont les machines intelligentes ne présentent qu’un simulacre.  Notre dépendance à leur égard n’est pas sans danger.  Scientifiques et entrepreneurs affectent de s’en inquiéter et surfent sur la vague pour lever des fonds (voir la lettre ouverte d’une centaine de chercheurs réputés qui critiquent le projet Cerveau Humain financé par l’Union Européenne à hauteur d’un milliard d’euros).  Que les tenants de la Singularité technologique affirment « La nature est mal faite : il faut la réparer. » relève du mythe du Golem.  Notre intelligence ne procède pas de notre vitesse à répondre à des choix binaires, mais de notre vouloir fondé sur notre psychologie basée sur notre sensibilité et notre volonté.  Notre cerveau (et l’esprit qu’il contient) est lié à notre corps, n’en déplaise à la caste des grands entrepreneurs et des scientifiques qui projettent de nous assujettir.

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Thierry Durolle interroge Sarah Dye, une patriote identitaire dans l’Etat d’Indiana.  Maraîchère biologique, elle vend au marché de la ville proche les légumes qu’elle cultive sur une parcelle de 1,5 Ha.  Elle a fait partie d’un mouvement gauchiste de ré-ensauvagement anarcho-primitiviste et elle a, durant des années, habité une yourte de toile.  A partir du moment où son couple a donné le jour à des enfants, il a été décidé de leur accorder l’eau courante chaude et froide et l’électricité.  Outre des légumes courants, elle cultive des aromates.  Elle ne laboure qu’avec des outils manuels.  Elle fertilise avec du compost et paille pour réduire le besoin d’eau.  Pour garantir ses semis de printemps, elle a monté une serre chauffée à l’électricité.  Les enfants assument leur part des travaux.  Chaque vendredi est consacré (dix à douze heures) à récolter et conditionner en vue du marché du samedi.  Sarah Dye élève des moutons Shetland, pour leur laine qu’elle a appris à filer et à tisser.  Dans sa région, une petite agriculture biologique survit grâce à une clientèle bourgeoise et à quelques bons restaurants.  Grâce aussi à des subventions publiques pour construire des serres-tunnels, lesquelles permettent d’allonger la saison.  Sarah cultive avec amour un patrimoine culturel européen, qu’elle a recueilli dans les histoires merveilleuses de sa grand-mère scandinave.  Adolescente, elle avait été endoctrinée au modernisme anti-blanc, le mouvement anarcho-primitiviste étant lui aussi gangréné.  C’est avec son premier enfant que le couple s’est détaché de cet endoctrinement.  Il est soucieux de protéger ses enfants en leur limitant la télévision, les dessins animés, les faux héros et en les instruisant à la maison.  Et en les prévenant contre le globalisme. Et en leur transmettant les savoir-faire traditionnels, ainsi que tous les peuples devraient pratiquer pour préserver leur héritage.  Seuls les Européens sont punis d’interdiction par l’hypocrisie de la gauche radicale et des marxistes culturels.  Identity Evropa, le mouvement identitaire de Sarah, s’appelle désormais American Identity Movement.  Depuis plusieurs mois, des groupes antifas et radicaux de gauche manifestent sur le marché où Sarah propose les produits de ses cultures, pour organiser leur boycott.  Mais surtout pour empêcher Sarah d’en persuader d’autres d’adopter un mode de vie enraciné : un peuple déraciné est plus aisé à contrôler.  Aujourd’hui, l’acte le plus révolutionnaire est fonder une famille et cultiver un jardin.  C’est aussi la voie de la sagesse.  Pour sarah, les blancs d’Amérique sont de la famille de ceux d’Europe.

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Johan Morgan interroge Vik Gadsden, auteur de la chaîne YouTube qui porte son nom.  L’émetteur public France Culture s’est appliqué à la disqualifier à l’occasion du premier Salon du Survivalisme, en la qualifiant de « survivaliste traditionnelle de la sphère xénophobe et complotiste ».  Alors que la chaîne s’attache en fait à être généraliste et neutre, par souci de toucher le public le plus large possible.  Mais certains sujets (l’accès aux armes à feu, la défense des siens, les tactiques paramilitaires de survie, etc) peuvent apparaître, à des journalistes du service public, de l’ivraie d’extrême droite à arracher hors du bon grain néo-survivaliste de gauche.  Après moins de quatre ans d’existence, la chaîne de Vik Gadsden regroupe une ‘communauté’ de plus de vingt mille abonnés, presque tous des individus de sexe masculin, blancs, âgés entre 15 et 45 ans.  Depuis une dizaine d’années, le survivalisme est devenu une mode et un marché, avec des salons, des magazines, une demande de matériels, mais avant tout de connaissances et de compétences.  Drogués du consumérisme, seuls les blancs, fourmis parmi les cigales, paraissent mordus.  Vik Gadsden lui-même vit avec sa femme de manière austère, mais libre, dans un Van aménagé qui lui permet de visiter ses gens.  L’an dernier, sur la chaîne survivaliste d’Alex Ricwald, Vik Gadsden a traité de l’entraide clanique et de la dimension éventuellement païenne du clan.  Pour ce qui le concerne personnellement, par réaction identitaire aux monothéismes universalistes, conquérants et haineux, le paganisme européen éveille en lui des échos, notamment par sa vision du monde et du temps en cycles perpétuellement recommencés.  Un ami lui a offert une roue solaire.  Elle lui évoque notre place dans l’univers, les points cardinaux, les quatre saisons.  Il juge naturel de la porter.

Robert Dragan dénonce la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui a décrété la mort de l’homéopathie.  Elle fonde sa condamnation sur un rapport de 2015 du HMRC, le conseil national australien pour la santé et la recherche médicale, qui concluait : « Il n’y a pas de problèmes de santé pour lesquels il existe des preuves fiables de l’efficacité de l’homéopathie. »  Sur quoi l’Association australienne d’Homéopathie a mené une enquête sur le comportement du HMRC en s’appuyant sur une analyse approfondie de l’Homeopathy Research Institute.  Ces travaux ont mis en évidence des fautes procédurales et scientifiques graves.  Au mois d’août dernier, le NHMRC a publié un projet de rapport de 2012 qui, à rebours de celui de 2015, concluait qu’il existait bien, dans cinq états pathologiques « des preuves encourageantes de l’efficacité de l’homéopathie ».  Le professeur Anne Kelso, directeur général du NHMRC, a souligné : « Contrairement à certaines affirmations, l’examen n’a pas conclu que l’homéopathie est inefficace. »  Il est rappelé que la désignation de la ministre Buzyn a posé un embarrassant problème de conflit d’intérêts, de même que la reconduction du mandat de son mari Yves Lévy comme directeur général de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale !

Les juges contre la démocratie...

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Les juges contre la démocratie...

Entretien avec Anne-Marie Le Pourhiet 
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Anne-Marie Le Pourhiet, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la montée en puissance des pouvoirs juridictionnels face à la souveraineté des États et à l’auto-détermination de leurs peuples. Anne-Marie Le Pourhiet est professeur de droit public à l’université Rennes-I et vice-président de l’Association française de droit constitutionnel.

Salvini devant les tribunaux: les juges contre la démocratie?

FIGAROVOX.- Le Sénat italien, à la suite d’une demande d’un tribunal de Catane, a décidé de renvoyer en justice Matteo Salvini pour séquestration de migrants, celui-ci ayant bloqué un bateau de migrants au large de la Sicile lorsqu’il était ministre de l’intérieur. De telles mesures visant à limiter l’immigration clandestine sont pourtant soutenues par une majorité des Italiens. Cette décision révèle-t-elle un retournement du droit contre la volonté générale?

Anne-Marie LE POURHIET: C’est beaucoup dire. S’il s’agissait d’un contentieux administratif tendant à faire admettre la responsabilité de l’État italien pour faute résultant de la violation du droit international humanitaire ou des normes européennes, on pourrait parler de conflit entre la démocratie et le droit. Mais ici, il s’agit de poursuites pénales visant la personne d’un ex-ministre de l’intérieur (et vice-président du Conseil) engagées sur le fondement du Code pénal italien pour «abus de pouvoir et séquestration de personnes», ce qui est pour le moins fantaisiste. C’est d’autant plus étonnant qu’un décret-loi (équivalent des ordonnances françaises) adopté en juin 2019 par le gouvernement Conte avait justement renforcé les pouvoirs du ministre de l’intérieur pour refuser l’entrée des navires de migrants dans les ports italiens. Ce n’est pas la première ni la dernière procédure de ce type engagée par des procureurs siciliens contre Matteo Salvini. Ce qui change c’est qu’à la faveur du renversement de coalition politique opéré l’été dernier, le Sénat a, cette fois, levé l’immunité, dans un revirement parfaitement cocasse digne de la commedia dell’arte où l’on voit les parlementaires «Cinq étoiles» voter exactement en février le contraire de ce qu’ils avaient voté en mars pour lâcher aujourd’hui le vice-président du gouvernement qu’ils soutenaient hier.

Nous sommes davantage ici face à un phénomène de procureurs militants qui opèrent sur fond de querelles politiciennes incohérentes. On ne sait pas non plus s’il y a des ONG derrière les poursuites pénales du parquet de Catane, mais c’est assez probable, sachant que Salvini est évidemment la bête noire des militants pro-migrants.

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Ces pressions sont-elles particulièrement fortes sur la question migratoire? On se souvient du Pacte de Marrakech qui présentait les migrations comme des «facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable». Plus récemment, un collège d’experts a remis à Emmanuel Macron et au gouvernement un rapport appelant à amender une politique migratoire jugée trop restrictive...

Il y a évidemment une pression idéologique très forte en Europe, dirigée contre le modèle wesphalien d’État-Nation et contre la protection qu’il suppose de la souveraineté et des frontières nationales. Les «valeurs» de l’Union européenne inscrites à l’article 2 du traité nous imposent la «tolérance», le respect des droits de l’homme «y compris des droits des personnes appartenant à des minorités» et surtout l’incontournable «non-discrimination» conçue comme une abolition de toutes les distinctions et hiérarchies, à commencer par celles qui séparent le national de l’étranger.

Le rapport du Parlement européen du 4 juillet 2018 invitant à ouvrir une procédure de sanction contre la Hongrie pour violation des «valeurs» de l’Union contient trois pages consacrés aux «Droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés» mettant en cause notamment le législateur hongrois qui ne serait pas suffisamment accueillant ni pour les migrants ni pour les ONG qui les soutiennent. Comme par hasard, juste deux jours après la publication du rapport Sargentini, le Conseil constitutionnel français censurait une disposition législative réprimant l’aide aux migrants illégaux au nom d’un principe de fraternité universelle sorti de nulle part mais ressemblant comme deux gouttes d’eau au sans-frontiérisme dominant dans les institutions européennes et dans les ONG qui les influencent.

Cette montée en puissance du pouvoir juridictionnel répond manifestement à une logique d’importation. D’où vient-elle historiquement?

Elle est avant tout d’origine anglo-saxonne car la common law fait depuis toujours la part belle à la jurisprudence alors que le droit romain imprègne davantage le droit continental. Mais c’est évidemment la construction européenne qui est devenue l’élément moteur de ce gouvernement des juges puisque c’est sur leur servilité que repose entièrement le système de primauté des normes européennes sur le droit national. Or ces normes européennes véhiculent justement le modèle multiculturel nord-américain hyper-individualiste. C’est pour cela que la Hongrie et la Pologne, en particulier, sont dans le collimateur de l’Union au sujet du statut et de la composition de leurs tribunaux supérieurs. La commission européenne redoute que les pouvoirs polonais ou hongrois ne désignent des juges peu favorables aux normes européennes.

Pire, ce sont les constitutions mêmes de ces États, c’est-à-dire leurs lois fondamentales souveraines qui sont critiquées et accusées de ne pas correspondre aux «valeurs» de l’Union. Le rapport Sargentini reproche ainsi à la Constitution hongroise de retenir, entre autres abominations, une «conception obsolète de la famille». De son côté, la France a eu le droit, en 2008, à un rapport hallucinant de l’«experte indépendante» du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Mme Gay McDougall, clouant au pilori le modèle républicain français jugé insuffisamment favorable aux droits des minorités et nous enjoignant de modifier la Constitution ou au moins son interprétation! La souveraineté des États et l’auto-détermination de leurs peuples n’existent plus pour les ONG et les institutions supranationales qu’elles manipulent.

En quoi cette évolution s’inscrit-elle à rebours du modèle historique français?

En France, la Révolution française, dans la continuité des monarques de l’Ancien régime, a fermement interdit aux juges de s’immiscer dans l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif. Le juge, chez nous, doit être la simple «bouche de la loi», elle-même votée par les citoyens ou leurs représentants, qui l’applique fidèlement et objectivement dans les litiges. La loi des 16 et 27 août 1790 dispose: «Les tribunaux ne pourront ni directement, ni indirectement, prendre part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture». Il s’agissait, bien entendu, d’empêcher des cours aristocratiques, réputées réactionnaires, de s’opposer à l’application de la loi «expression de la volonté générale» dans un nouveau régime qui se voulait démocratique. Le Code pénal de 1810 punit même de la dégradation civique le magistrat qui aura suspendu l’exécution d’une loi.

Quand on voit aujourd’hui nos juges, nationaux comme européens, passer leur temps à écarter les lois françaises au motif que leur application porterait, selon leur appréciation toute subjective, une atteinte disproportionnée aux «droits» individuels, notamment ceux des migrants, on mesure l’inversion vertigineuse accomplie depuis le XVIIIe siècle. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, ce gouvernement des juges est aux antipodes de la notion d’État de droit telle qu’elle a été conçue par les juristes allemands du XIXe siècle qui voulaient, au contraire, éliminer l’arbitraire des juges et des fonctionnaires.

Anne-Marie Le Pourhiet, propos recueillis par Joachim Imad (Figaro Vox, 14 février 2020)

Richard Jewell : un nouveau chef-d’œuvre signé Clint Eastwood

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Richard Jewell : un nouveau chef-d’œuvre signé Clint Eastwood

Par Aurélien Chartier

Ex: https://lesobservateurs.ch

Nous vivons une époque étrange. Dans un passé très proche, un film défendant la présomption d’innocence contre les pratiques douteuses du FBI et des médias ne ferait guère polémique. Éventuellement, certains cercles conservateurs pourraient critiquer l’image négative du FBI dans le film bien que le scénario ne fasse que très peu d’écarts avec la réalité.

Mais nous sommes en 2020 et les institutions en question devenues les hérauts de la lutte contre Donald Trump, elles se retrouvent de facto intouchables pour la gauche américaine. Une situation pour le moins improbable dans le cas du FBI qui cherchait à déstabiliser les mouvements progressistes des années 1960 et 1970.

Vous pensez que j’exagère ? Alors que je m’apprêtais à entrer dans la salle, un employé du cinéma, hippie aux cheveux longs ayant l’âge d’être mon grand-père, a tenu à me prévenir que Clint Eastwood était poursuivi en justice pour ce film.

Lorsque j’ai demandé plus d’information, il m’a répondu avec une fierté peu dissimulée qu’il prévenait tous les spectateurs du film. Renseignement pris après le film, il n’existe que la menace d’une action en justice, concernant un aspect mineur du film et n’impactant aucunement son message (spoilers dans le lien). Nous voici donc prévenus que les films se permettent quelques libertés artistiques, un fait apparemment surprenant pour le camp progressiste.

Pour en revenir au film, on suit la vie de Richard Jewell, agent de sécurité devenant héros d’un jour pour avoir lancé l’alerte au colis suspect lors de l’attentat du parc du Centenaire.

Nullement enjolivé, le personnage est décrit avec tous ses défauts : obèse, vivant avec sa mère, renvoyé d’un poste de vigile sur campus pour abus d’autorité et désirant maladivement rejoindre la police, alors même que les policiers se moquent plus ou moins ouvertement de lui.

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Le thème du héros poursuivi par un système déterminé à sa perte et sauvé par un avocat courageux est récurrent dans le cinéma hollywoodien. La vraie force du film est de prendre un personnage aux antipodes de la victime classique et davantage à l’image de ceux qui le persécutent.

Ainsi, Richard Jewell est montré pendant la majeure partie du film comme cherchant à aider autant que possible le FBI, alors que ces agents tentent de le piéger via des procédés souvent abjects. Si cela donne quelques passages tragi-comiques, cela renforce également l’absence complète de morale du FBI qui profite de la crédulité de sa victime pour l’amener à sa perte.

À l’opposé, l’avocat est un personnage plus conventionnel pour son côté cynique vis-à-vis de la police, mais qui devient plus humain au contact des épreuves que subit son client. Sa présence seule suffit d’ailleurs à montrer en quoi la qualification du film comme « conservateur » est un non-sens qui ne convaincra personne ayant un semblant d’esprit critique. Le film le présente sous un angle permettant de lire sur une affiche dans son bureau « J’ai plus peur de l’État que du terrorisme ». Un message que ne renierait probablement pas la majorité des libertariens américains.

La direction du film se veut viscérale et réaliste, suivant les personnages dans leur quotidien devenu un enfer, une fois la chasse médiatique enclenchée. Le sentiment d’étouffement ressenti par Richard et sa mère est parfaitement retranscrit via la réalisation les montrant retranchés dans un appartement minuscule avec une horde de journalistes à la porte. L’ajout d’extraits télévisés réels sur la télévision de l’appartement ne fait qu’accentuer cet aspect réaliste.

La réalisation est soutenue par un excellent jeu d’acteurs. Peu connu du grand public, la prestation de Paul Walter Hauser dans le rôle-titre est digne d’un Oscar. Sam Rockwell et Kathy Bates ont également des performances mémorables dans les rôles respectifs de l’avocat et de la mère. Olivia Wilde joue à la perfection une journaliste peu scrupuleuse se rendant progressivement compte des conséquences de ses actions. Un arc narratif qui n’est malheureusement pas complètement approfondi par le scénario. Dans une situation équivalente, Jon Hamm est très bon dans son rôle d’agent du FBI mais ne bénéficie que d’un développement limité.

Malgré ces défauts mineurs, Richard Jewell est une excellente histoire qui méritait d’être retranscrite par Clint Eastwood, dont le talent de réalisateur n’est plus à prouver depuis longtemps.

Offrant une critique juste et incisive des excès de pouvoir du FBI et des médias qui sont prêts à sacrifier un innocent pour des gains à court terme, le film sonne comme une alarme face à un système qui ne s’est pas amélioré depuis 1996. Reste à savoir s’il trouvera son public ou finira plombé par les polémiques de comptoir initiées précisément par les médias visés.

  • Le cas Richard Jewel, drame américain de Clint Eastwood, avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates et Olivia Wilde ; durée 2h09, sortie nationale le 19 février 2020.

À lire aussi : Clint Eastwood reste une tête de mule.

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