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dimanche, 13 avril 2025

Où est passée la neutralité traditionnelle de la Scandinavie?

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Où est passée la neutralité traditionnelle de la Scandinavie?

Jan Procházka

Source: https://deliandiver.org/kam-se-ztratila-tradicni-neutrali...

La géopolitique est la clé !

Le terme Scandinavie stricto sensu englobe le territoire de trois monarchies avec une côte découpée sur les péninsules nordiques de l’Europe : le Danemark, la Suède et la Norvège, qui formaient un seul État à l’époque de l’union de Kalmar, possèdent des langues très similaires, la même religion luthérienne ainsi qu'une mentalité protestante et des conditions naturelles comparables. Le nom de Scandinavie (de péninsule scandinave) est dérivé de la région historique de Skåne au sud de la Suède. Le Danemark s’étend sur la péninsule du Jutland. Le nom de cette péninsule est dérivé du puissant peuple germanique des Goths (ou Jutes), qui a conquis l’Europe trois fois dans l’histoire: la première fois durant les Grandes migrations, la deuxième fois lors des expéditions normandes aux 10ème et 11ème siècles, et la troisième fois durant la Guerre de Trente Ans. On peut déduire la présence ancienne des Goths à partir des noms de lieux tels que Götaland, Göteborg ou l’île de Gotland dans la mer Baltique.

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Après la dissolution de l’union de Kalmar, une co-administration s’instaura, la région se scindant en un royaume de Suède et un royaume danois-norvégien (les deux royaumes se sont même livrés une brève guerre pour les détroits danois, lorsque le Danemark-Norvège bloqua l’accès de la Suède à la mer du Nord).

Sous le régime de ces deux États, la Scandinavie a existé de 1524 jusqu'à l'année critique de 1814, lorsque le maréchal de Napoléon, Jean-Baptiste Bernadotte, devint roi de Suède sous le nom de Charles XIV, uniquement parce qu'il avait trahi Napoléon à temps et avait rejoint le camp du tsar russe Alexandre Ier. Il renonça à l’idée de récupérer la Finlande (comme Napoléon lui avait promis) et préféra obtenir la Norvège (comme Alexandre lui avait promis). Dans le cadre de ces échanges territoriaux, les territoires traditionnels de la Norvège – les îles Féroé, l’Islande et le Groenland – furent attribués au Danemark, tandis que la Norvège était unie à la Suède par une union personnelle.

L'unité historique de la Scandinavie a apparemment été définitivement brisée au 20ème siècle par les Britanniques et les Américains dans le cadre de la « stratégie d'équilibre ». En 1905, la Norvège se sépara de la Suède (en vérité, les Norvégiens avaient la même position périphérique au sein du royaume suédois que les Slovaques chez nous durant la Première République), et en 1944, l’Islande se sépara du Danemark. On peut aisément imaginer que Donald Trump prenne officiellement le Groenland cette année, car il menace le Danemark de procéder à une telle annexion depuis 2017. L'influence anglo-américaine s'est même manifestée dans les drapeaux des deux pays, qui conservent la croix scandinave mais l'ont interprétée dans les couleurs anglo-américaines (contrairement aux couleurs continentales de la Suède, ce qui a coupé la Suède de l’accès aux deux océans).

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La ligne GIUK

La géopolitique de la Scandinavie est d'une grande importance pour les Américains. Le terme GIUK (Groenland – Islande – Royaume-Uni) désigne un couloir stratégique qui bloque la flotte terrestre et baltique russe d’accéder à l’Atlantique libre. Le Groenland et plus tard l’Islande ont servi aux Américains pendant la Seconde Guerre mondiale comme station de ravitaillement pour les bombardiers se rendant en Europe, et l’Islande n’a même pas d'armée propre ; c'est un pays à souveraineté limitée (de facto un protectorat américain) avec une base militaire américaine à Keflavík.

Pourtant, le Danemark, la Suède et plus tard la Finlande étaient traditionnellement des États neutres, jusqu'à ce que la Finlande rejoigne l'OTAN en 2022 et la Suède en 2024. L'Occident a cherché à amener la Suède de son côté pendant 320 ans (depuis que les Russes ont acquis une flotte baltique et le port fortifié de Saint-Pétersbourg protégé par la forteresse avancée de Kronstadt). L'Occident ne pouvait même pas imaginer la rupture de la neutralité de la Finlande avant 1991.

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Où se trouvent les racines de la neutralité danoise?

Les pays scandinaves, en particulier le Danemark, contrôlent les détroits de Skagerrak et du Kattegat et, à l'intérieur, les fameux détroits danois qui empêchent la flotte russe de quitter la mer Baltique. Bien que ces deux États bloquent l'accès de la Russie à la mer du Nord, ils sont eux-mêmes bloqués par la Grande-Bretagne. Durant le blocus naval anglais, la flotte britannique bombarda honteusement Copenhague en 1801 et 1807. Les Danois sont alors devenus des alliés naturels de la Russie contre l'Angleterre.

Le Danemark serait également une sorte d'éperon pour une Allemagne forte. Le Danemark et la Prusse ont mené plusieurs guerres pour le Schleswig et le Holstein (1848-1851, 1864) ou pour l'existence même du Danemark (1940). Les tsars russes à Saint-Pétersbourg – dont l'intérêt était d’avoir le Danemark de leur côté ou de le maintenir neutre – ont donc toujours été des alliés naturels du Danemark.

Aujourd'hui, le Danemark est membre de l'OTAN malgré le fait que les Américains lui aient pris l'Islande et menacent également de s'emparer du Groenland, après avoir contraint le Danemark à céder presque toutes ses armes à l'Ukraine. Les Danois commenceront-ils à réfléchir de manière réaliste et comprendront-ils que le véritable danger pour la souveraineté et l'intégrité territoriale du Danemark ne se trouve vraiment pas à l'est ? Se souviendront-ils de leur ancien allié ? Après tout, l'existence d'un Danemark neutre et indépendant reste dans l'intérêt de la Russie. Et l'Allemagne a réduit l'importance stratégique des détroits danois dès 1895 en ouvrant le canal de Kiel, permettant de contourner les détroits danois et de raccourcir le trajet de 500 km – ce faisant, le Danemark a perdu son importance d'origine aux yeux des Allemands.

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Où se trouvent les racines de la neutralité suédoise et finlandaise ?

Les relations entre la Suède et la Russie ont varié considérablement dans le passé. Aux 18ème et 19ème siècles, les Russes avaient un avantage militaire, matériel et démographique sur les Suédois (durant la Guerre du Nord de 1700 à 1721, les Suédois furent vaincus dans l'actuelle Ukraine, sur la rive gauche du Dniepr), pourtant ils n’ont jamais tenté de conquérir la Suède. La neutralité suédoise était aussi dans l’intérêt de la Russie.

La clé de la neutralité suédoise réside cependant dans la région de l’actuelle Finlande.

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Les Iles Åland, qui sont finnoises, ont toujours eu pour le monde occidental le rôle potentiel de pouvoir, le cas échéant, bloquer la Russie à partir du golfe de Botnie. Dans la mer Baltique se trouve aussi l'île suédoise de Gotland, où la présence militaire suédoise permet le contrôle de la mer Baltique. La Suède (ou l'OTAN) et les républiques baltes peuvent couper l'approvisionnement par la Russie de la région de Kaliningrad ; la flotte baltique a encaissé un « échec géopolitique » dans le golfe de Finlande en 2004, lorsque les États baltes ont rejoint l'OTAN. Comment Gorbatchev a-t-il pu permettre une telle chose ?

Fennoscandia

Les Finlandais, afin de souligner leur « scandinavité » malgré leur langue ouralienne, utilisent généralement le terme « Fennoscandia » pour délimiter l'ensemble de la péninsule à travers l'isthme de Carélie entre le lac Ladoga et le golfe de Finlande, la rivière Svir et le lac Onega jusqu'à la mer Blanche.

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La Finlande est un ancien territoire peuplé de pasteurs de rennes finnois et de pêcheurs, où les Normands se sont infiltré depuis la Suède. L'importance de la Finlande en tant que colonie suédoise résidait pour les Britanniques dans le fait (et Lord Palmerston en parlait toujours ouvertement) que depuis le 18ème siècle, les Suédois pouvaient, par l'isthme de Carélie, menacer en permanence Saint-Pétersbourg, la capitale de l'Empire russe, par où le tsar Pierre, selon les mots de Pouchkine, fit « percer une fenêtre sur l'Europe » et où les Russes obtinrent leur première flotte européenne.

La Finlande a toujours fonctionné comme une région tampon entre la Suède et la Russie. À cet égard, je rappelle que la Russie a brève frontière commune avec la Norvège, mais non avec la Suède – ni la Suède et ni la Finlande n'ont un accès à l'océan Arctique. Les Russes ont occupé la Finlande durant la dite "campagne finlandaise" en 1807-1809 et ont obtenu, à la grande surprise des Occidentaux, le soutien des Finlandais opprimés par les Suédois (c'est précisément les Russes qui ont permis le renouveau national finlandais et promu le premier État finlandais – le Grand-Duché de Finlande. Non par amour pour les Finlandais, mais pour limiter l'influence suédoise dans le pays). Les Russes ont également occupé les Iles Åland et à partir de celles-ci, il n'y a que 30 km jusqu'à la Suède. Le golfe de Botnie gèle solidement en hiver, et les Russes pouvaient éventuellement menacer Stockholm d'une attaque terrestre depuis la mer. Il existe des cas dûment documentés de Russes qui, en hiver, marchaient de la forteresse de Bomarsund jusqu'en Suède pour acheter de la nourriture. Une attaque navale contre Stockholm, étant donné que cette ville se trouve dans une profonde baie protégée par des centaines d'îlots et de rochers, n'était pas envisageable.

Le transport maritime à l'est des îles Åland n'était pas guère possible à l'époque des navires en bois et sans l'aide d'une navigation par satellite en raison des innombrables rochers et bancs de sable. Aujourd'hui encore, des manœuvres militaires de grande ampleur dans cette région ne sont pas praticables. Lorsque les Russes ont retiré les bouées et miné les côtes durant la campagne baltique de la guerre de Crimée, les flottes anglaise et française n'osaient pas s'aventurer plus profondément dans la Baltique.

Durant cette même campagne baltique de la guerre de Crimée (1853), les Français et les Britanniques ont seulement bombardé la forteresse russe aux Åland, mettant ainsi fin à la campagne, tant le golfe de Finlande était bien fortifié. Napoléon III a tenté vainement de pousser les Suédois à mener une attaque terrestre contre la Finlande. Il envisageait aussi de restaurer l'État polonais et de confier la Finlande aux Polonais ! Cela se heurta cependant au désaccord de l'Autriche, qui perdrait ainsi la Galicie, et dont l'alliance (ou la neutralité plus ou moins bienveillante) était nécessaire à Louis Napoléon durant sa campagne sur le Danube.

La Finlande a déclaré son indépendance en 1917 lors de la chute du tsar et de la révolution russe, et une guerre civile a immédiatement éclaté entre les Rouges et les Blancs. Ce n'est qu'avec le traité de Tartu (1920) que la frontière entre la Finlande et l'URSS fut définie.

La région de Petsamo avec la péninsule de Rybachy fut attribuée à la Finlande. On y trouve la ville importante de Nickel, où l'on extrait du nickel, et non loin de ce lieu est ancrée la flotte russe du Nord. Les régions de Repola et de Porajärvi en Carélie orientale furent cédées à l'URSS. Pour l'Union soviétique, c'était un traité extrêmement défavorable.

Le traité de paix de Tartu/Dorpat (1920)

La frontière entre la Finlande et l'URSS après le traité de paix de Tartu/Dorpat (1920):

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-Petsamo à la Finlande;
-Repola et Polajäervi à l'Union Soviétique.

Outre la perte de l'approvisionnement en nickel (qui est aujourd'hui plus que compensé par le gisement de Norilsk en Sibérie), la flotte russe du Nord, ancrée dans le fjord de Mourmansk, était exposée à l'ennemi, qui se trouvait à une distance de 30 km seulement. La distance de Mourmansk à Saint-Pétersbourg est de 1300 km. En cas d'attaque soudaine, il n'était pas possible de défendre le port stratégique, qui n'est jamais gelé. Cela est également vrai pour la Finlande, qui autrement aurait perdu l'accès à l'océan Arctique.

Mourmansk après le traité de paix de Tartu

De 1939 à 1940, l'Union soviétique tenta d'occuper la Finlande durant la dite "guerre d'Hiver", et par la suite, les Finlandais soutenus par les Allemands participèrent au blocus de Leningrad. Lorsque les Finlandais furent vaincus en 1944, ils changèrent rapidement de camp.

L'Armée rouge mal armée a donc subi une défaite en 1940 en Finlande, où elle réussit à occuper uniquement une plus grande partie de la Carélie, au prix de pertes énormes (c'est probablement à cause de cette débâcle des armées de Staline qu'Hitler a sous-estimé l'Union soviétique à partir de 1940).

La frontière actuelle reflète le résultat de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1945, la Finlande a fonctionné comme un État tampon entre la Suède et l'Union soviétique (la Suède est restée neutre durant la Seconde Guerre mondiale). La Russie détient la moitié de la Carélie avec la ville principale de Vyborg (Viipuri), l'isthme de Carélie, la péninsule de Rybachy, les villes de Pechenga et de Nickel. Depuis 2022, la frontière russo-finlandaise est fermée à la circulation. Il convient de rappeler qu'en Finlande, le service militaire obligatoire et l'enseignement obligatoire du suédois existent encore (en 2024 – avec l'entrée dans l'OTAN, le suédois sera sûrement bientôt remplacé par l'anglais).

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La Finlande est restée un État neutre, qui pouvait s'attacher économiquement à l'Occident, mais devait aligner sa politique étrangère sur celle de l'URSS. Près d'Helsinki, sur la péninsule de Porkkala, une base militaire soviétique a été implantée (1944-1956) pour tenir la Finlande en échec au cas où elle ne respecterait pas les conditions de la neutralité forcée. À partir de 1966, à Helsinki, des négociations entre les puissances ont eu lieu à la suite des accords de Yalta, appelées la “conférence sur la sécurité et la coopération en Europe”. En 1975, ces accords ont donné naissance à un document définissant l'architecture sécuritaire de l'Europe, le soi-disant acte final de la CSCE (protocole d'Helsinki), qui garantissait, entre autres, la non-ingérence, le règlement pacifique des différends, l'intégrité territoriale des États et l'inviolabilité des frontières nationales.

Frontière approximative entre la sphère d'influence occidentale et russe

Pourquoi l'annulation de la neutralité finlandaise est-elle finalement un problème considérable pour les deux parties, qui conduira immanquablement à une escalade ? Les plaines d'Europe de l'Est s'étendent sur 3000 km dans le sens nord-sud et il n'existe aucune barrière naturelle. Une frontière aussi longue ne peut pas être défendue par aucune armée ; ni par la Russie avec 1,5 million de soldats, ni par les États de l'OTAN. C'est pourquoi les Russes ont toujours cherché à déplacer la frontière vers le golfe de Botnie (ce qui aurait privé les Suédois de leur domination effective sur la Baltique), tandis que les Occidentaux persuadaient les Suédois de déplacer la frontière vers l'isthme de Carélie, ce qui est impensable pour les Russes, car ils perdraient leur domination sur la mer Blanche, sur la péninsule de Kola, ce qui réduirait leur flotte du Nord à l'inutilité.

L'architecture de la sécurité en Europe a commencé à s'effondrer avec la dissolution de l'Union soviétique en 1991 et la violation des promesses verbales faites à Gorbatchev, selon lesquelles l'OTAN ne s'étendrait pas vers l'est (il convient de rappeler que même un accord verbal est valide et doit être honoré). Elle s'est définitivement effondrée en 1999, lorsque, en violation du protocole d'Helsinki, les Américains bombardèrent la Yougoslavie et créèrent leur protectorat du Kosovo, qui n'avait pas de statut fédératif avant la guerre. La création du Kosovo a été pour l'Est un signal clair que la geopolitique classique et le combat pour le pouvoir revenaient à l'avant-plan.

France: Séisme politique !

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France: Séisme politique!

Par Georges Feltin-Tracol

Quelques jours après que l’Asie du Sud-Est, dont le Myanmar et la Thaïlande, a subi un terrible tremblement de terre, l’Hexagone connaît – d’une manière non tragique - un tsunami politique majeur et une impressionnante secousse judiciaire.

Le tribunal correctionnel de Paris vient de juger l’affaire dite des « assistants parlementaires européens » du FN – RN. Il rend son verdict le 31 mars 2025 et condamne une vingtaine de prévenus dont Marine Le Pen à diverses peines. La présidente du groupe parlementaires écope de cinq ans de prison, dont deux fermes, cinq ans d’inéligibilité et 300.000 euros d’amende ainsi que d’une exécution provisoire. La physionomie de la prochaine campagne présidentielle en 2027 s’en trouve bouleversée de manière inattendue, même si ce n’est pas la première fois que la justice impose une telle sanction à l’encontre de personnalités politiques.

Cet incroyable procès résulte de la saisie de l’OLAF (Office européen de lutte anti-fraude) en mars 2015 par le président social-démocrate du Parlement dit européen, l’Allemand Martin Schulz, un individu plus que détestable. L’enquête a bénéficié de la complaisance active de la ministresse française de la Justice d’alors, Garde des Sceaux (et des sottes en langage inclusif), l’ineffable Christiane Taubira qui laissera donc à la postérité deux lamentables lois. Ce contentieux procède d’une différence majeure d’interprétation de la fonction d’assistant parlementaire au Parlement de Bruxelles – Strasbourg. Pour Schulz et ses comparses, l’attaché parlementaire est un agent rémunéré du Parlement alors que, pour les Français, c’est une aide précieuse de l’élu qui intervient en politique. Cette divergence culturelle de points de vue sert de prétexte pour écarter une candidate non négligeable à l’Élysée.

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Les diverses lois de financement public des partis politiques en France ont pendant longtemps desservi le FN. On sait qu’il a dû se tourner vers des établissements bancaires étrangers (tchéco-russe, émirati, voire hongrois) pour financer ses nombreuses campagnes électorales. Cela ne doit pas éclipser que le FN a aussi vécu au-dessus de ses seules ressources. Présent au Parlement européen grâce à la proportionnelle, le FN a utilisé toutes les facilités pratiques pour survivre en périodes fréquentes de vaches maigres. C’est un fait. Les relations du FN avec l’argent ont toujours été problématiques. Il lui a manqué une certaine austérité, voire un ascétisme viril. Il aurait été judicieux de s’inspirer des candidats d’extrême gauche dont les comptes de campagne sont plus que rigoureux.

On peut par ailleurs se demander si le FN n’a pas commis dès 1984 une erreur magistrale en acceptant d’entrer dans cette assemblée supranationale. Des élus souverainistes et encore plus tenants du Frexit peuvent-ils en effet siéger au sein d’une pareille instance ? N’aurait-il pas fallu imiter les républicains indépendantistes du Sinn Fein en Irlande du Nord qui se présentent aux élections législatives britanniques, obtiennent des élus, mais refusent de siéger à Westminster ? On peut toutefois imaginer que dans le cadre français, une loi aurait été adoptée afin de contraindre tout élu à siéger effectivement…

Avec cette sentence judiciaire, force est de constater que la dédiabolisation gît dorénavant dans une impasse. Les adversaires du RN, formation aujourd’hui nationale-centriste, se plaisent à répéter ad nauseam les nombreuses condamnations judiciaires qui frappent ses cadres et ses militants en oubliant que la grande majorité de ces condamnations le sont pour des délits scandaleux d’opinion et d’expression. Attaqué et diffamé, le RN n’est pas (ou pas encore ?) un autre PS, auteur impérissable des affaires telles Urba ou la MNEF.

Malgré une réelle pugnacité et une farouche détermination à faire appel, Marine Le Pen s’approche de l’amateurisme. Elle entend soumettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) en faignant d’ignorer qu’il a déjà statué sur ce sujet. Elle envisage de se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme sans que tous les recours n’aient été épuisés dans l’Hexagone ! Elle risque d’autres déconvenues…

Marine Le Pen pourrait ne pas participer à la prochaine présidentielle en 2027. Le conditionnel s’impose, car il revient au seul Conseil constitutionnel de valider ou non les candidatures. On peut supposer qu’en dépit de l’exécution provisoire, Marine Le Pen puisse déposer sa candidature avec les cinq cents parrainages requis au moins. Les neuf membres du « ConsCons » auraient à approuver ou non cette candidature. En 1969, le nationaliste Pierre Sidos avait obtenu les cent parrainages nécessaires, mais sa candidature fut retoquée pour des motifs fallacieux. Pour contourner cette invalidité, le RN pourrait présenter en parallèle et de façon simultanée une autre candidature, celle de Jordan Bardella, mais cette possibilité demeure faible en raison du nombre restreint de signatures potentielles. Le RN garde toujours un maillage territorial faible. Les élections départementales et régionales ne se dérouleront qu’en hiver 2027. Seul un raz-de-marée aux municipales au printemps 2026 pourrait rendre crédible cette option, à savoir que Marine Le Pen et Jordan Bardella se présentent en même temps avec le danger de se retrouver, machiavélisme suprême de la part du Conseil constitutionnel, avec deux bulletins RN concurrents à la présidentielle !

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Tous les commentateurs politiques évoquent l’éventualité d’une dissolution à l’automne prochain, peu de temps avant les débats budgétaires. Oui, les Français voteront certainement cet automne non pas pour leurs députés, mais pour la présidentielle ! En septembre 2025, Emmanuel Macron démissionne et peut ainsi se représenter pour un nouveau mandat de cinq ans. N’ayant pas accompli deux mandats présidentiels consécutifs complets, il serait dans son droit, sachant que le nouveau président du Conseil constitutionnel, le macroniste Richard Ferrand, œuvre pour un troisième mandat. Les experts en droit public savent qu’en octobre 2022, le Conseil d’État a permis à un candidat de prétendre exercer un troisième mandat de président de la Polynésie française parce que son précédent mandat s’était interrompu. Le Conseil constitutionnel pourrait reprendre cette jurisprudence administrative à son compte.

Fort de son expérience du coup d’État médiatico-judiciaire en 2017 contre François Fillon et de sa non-campagne en 2022, Emmanuel Macron encore candidat exigerait de tous les prétendants macronistes (François Bayrou, Yaël Braun-Pivet,  Édouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin) de se ranger derrière lui. Réélu après l’intérim de Gérard Larcher, le nouveau chef d’État renverrait les députés dans la foulée. Usant des méthodes éprouvées de la « technopolitique », il obtiendrait soit une majorité absolue, soit une majorité relative forte, sinon resurgirait le fantôme de l’article 16...

Lors de ses vœux du 31 décembre 2024, Emmanuel Macron annonçait vouloir consulter les Français. Tout le monde a cru aux référendums. Erreur ! il pensait déjà à une présidentielle anticipée plus que biaisée.   

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 151, mise en ligne le 8 avril 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Selenia De Felice: Mishima est un guerrier de la vie enivré par la séduction de la belle mort ancienne

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Selenia De Felice: Mishima est un guerrier de la vie enivré par la séduction de la belle mort ancienne

Propos recueillis par Eren Yeşilyurt

Bien que de nombreuses œuvres de Yukio Mishima aient été traduites en turc, ses réflexions sur la politique et la culture ne sont pas encore suffisamment connues dans notre pays. Mishima est une figure importante qui a émergé dans mes recherches sur la révolution conservatrice. Le livre sur la pensée de Mishima publié par Idrovolente Edizioni, « Yukio Mishima : Infinite Samurai » a été édité sous la houlette de Selenia De Felice.

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Pouvez-vous nous parler brièvement de Yukio Mishima ?

Yukio Mishima, pseudonyme de Kimitake Hiraoka, est né à Tokyo en janvier 1925. Il reste l'un des cas littéraires les plus fascinants de la culture japonaise du 20ème siècle. De noble ascendance samouraï, il fait de ses œuvres un magnifique résumé de la coexistence, souvent conflictuelle, de la modernité, de l'existence spirituelle et de la civilisation industrielle dans le Japon de son époque. En 1949, son best-seller Confessions d'un masque le propulse sur la scène internationale et il commence à voyager en Occident, où il découvre la Grèce classique et s'éprend de la philosophie de la beauté et de la perfection. Les éléments clés de son récit ne sont jamais séparés d'une quête esthétique constante, de la précision du langage choisi aux thèmes abordés: beauté et mort, beauté et violence, beauté et éros.

Yukio Mishima était également un excellent dramaturge et expert en théâtre nō, initié à la connaissance de cet art par sa grand-mère maternelle, qui a profondément marqué ses premières années, le soustrayant aux soins de sa mère et l'élevant en fait comme un enfant du Vieux Japon, dans l'atmosphère ancienne et austère de sa maison. On peut observer l'histoire de la vie de Mishima en même temps que la nature de ses œuvres : de la phase introspective de Couleurs interdites et Neige de printemps, il passe en 1967 à La Voie du guerrier, une interprétation personnelle du Hagakure de Tsunetomo Yamamoto, un samouraï du 17ème siècle. Au cours des dernières années de sa vie, son intention de protéger l'empereur se matérialise par la fondation d'une armée privée entièrement financée par lui, la Tate no Kai (ou Société du bouclier).

Le 25 novembre 1970, après avoir pris d'assaut l'Agence de défense nationale, dirigée par le général Mashita, il prononce un dernier discours sur la préservation des traditions et de l'esprit japonais originel, mais il est moqué par l'assistance et se rend compte de l'échec de son message. Il charge alors son disciple préféré de le seconder pendant le seppuku et accomplit le suicide rituel, faisant ainsi passer à jamais sa figure dans l'histoire du monde.

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Quelles étaient les principales critiques de Mishima à l'égard du processus de modernisation de la société japonaise, quel type de culture préconisait-il et comment abordait-il le nationalisme ?

Le projet de façonner la société et la culture japonaises d'une manière considérée comme plus avant-gardiste remonte à l'ère Meiji (1868-1912), lorsque le shogunat était orienté vers la restauration du pouvoir impérial en termes politiques. Au cours de ces années, des chefs d'armée, des médecins et des ingénieurs d'État ont été envoyés en Europe pour apprendre les nouvelles technologies dans divers domaines par l'observation pratique et l'émulation/imitation, puis sont rentrés au Japon avec des connaissances sans précédent qui, en fait, ont changé la structure du pays au cours des années suivantes. Mais à quel prix ? L'inspiration équilibrée des nouvelles découvertes culturelles de l'Occident finit inévitablement par avoir un impact négatif sur le mode de vie japonais, qui est progressivement altéré dans presque toutes ses facettes. Le domaine qui souffre le plus de l'occidentalisation excessive est sans aucun doute celui des traditions, qu'elles soient religieuses ou historico-culturelles. La critique de Yukio Mishima doit cependant être mise en relation avec le contexte chronologique dans lequel il vit. L'ère Shōwa, correspondant au règne de Hirohito, est la plus longue ère du Japon moderne-contemporain, débutant en décembre 1926 et se terminant en janvier 1989. Au cours de cette période, le pays a connu un tournant important, celui de la défaite de la Seconde Guerre mondiale et la déclaration officielle de la nature humaine de l'empereur - connu sous le nom de ningen-sengen - qui avait toujours été considéré comme un descendant divin de la déesse du soleil Amaterasu. Dans ce cadre temporel, on a assisté à l'implosion des valeurs axiomatiques qui sont à la base de la civilisation japonaise, Mishima, qui, rappelons-le, menait un style de vie étranger - il portait souvent des chemises italiennes taillées sur mesure, fumait des cigares cubains et avait une maison meublée dans le style baroque, par exemple - reconfirme néanmoins sa totale loyauté à la figure de l'Empereur, qui incarne le véritable esprit du Japon.

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Dans La défense de la culture, Mishima raconte brièvement ce qui s'est passé en février 1936, lorsqu'une poignée de jeunes officiers sont descendus dans la rue pour réclamer une réforme de l'État qui limiterait le pouvoir excessif des oligarchies financières, espérant la participation active de l'empereur Hirohito, qui non seulement s'en est désolidarisé, mais a procédé à une condamnation sévère de leurs actions, ce qui a conduit les soldats insurgés qui n'avaient pas commis de seppuku à être exécutés sommairement; on les a traités comme des meurtriers de droit commun. Bien que l'auteur évoque les Événements du 26 février comme synonymes de révolution morale, la croyance enla personne divine du Tennō reste la seule forme de révolution permanente inhérente au système impérial lui-même.

Du point de vue de la « révolution conservatrice », quels aspects de l'attachement profond de Mishima à la culture traditionnelle et de son désir de transformation politique radicale pouvons-nous combiner ?

Toujours en se référant aux Actes du 26 février, mais en partant d'un point de vue alternatif, nous pourrions dire que l'attachement profond à la culture traditionnelle s'exprime, selon Mishima, par une restauration des valeurs anciennes en politique, en gardant toujours à l'esprit la centralité de l'Empereur et en réfléchissant également à l'idéal du Hakko-ichiu, c'est-à-dire « le monde entier sous un même toit », qui défend l'universalité des valeurs japonaises et voit le Japon comme un ambassadeur de leur diffusion dans le monde. Un aspect particulier: la littérature, en raison de l'utilisation qu'elle fait de la langue japonaise, est un élément important dans la formation de la culture et de la politique en tant que forme.

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Pouvez-vous nous parler du célèbre débat de Mishima avec les leaders étudiants de gauche à l'université de Tokyo le 13 mai 1969 ? Quelles significations symboliques ce débat a-t-il apportées au climat intellectuel japonais et comment a-t-il influencé les orientations politiques et philosophiques des générations suivantes ?

« Je suis japonais. Je suis né ainsi et je mourrai ainsi. Je ne veux pas être autre chose qu'un Japonais ». Cette déclaration a été prononcée lors d'une rencontre avec des étudiants de l'université de gauche Zenkyōto, le 13 mai 1969, alors que Yukio Mishima était invité à l'université de Tōkyō pour débattre avec Akuta Masahito, à l'époque l'une des figures les plus éminentes du domaine créatif du mouvement, aujourd'hui maître estimé du théâtre japonais contemporain. Au cours de cette confrontation, si vive et acérée qu'elle ressemblait à un combat de fleurets, Mishima reconfirme deux points essentiels de sa pensée, qu'il partage étonnamment avec les Zenkyōto : l'anti-intellectualisme et l'acceptation de la violence, à condition qu'elle soit soutenue par un cadre idéologique valable. Le Japon des années 1960 et 1970 est anesthésié face aux douleurs du passé et oriente ses efforts vers une reconstruction économique qui ne trouve cependant pas de correspondance spirituelle. Dans son propre pays, Mishima est une figure détestée par la gauche pacifiste et considérée avec suspicion par la droite conservatrice, une présence trop éclectique pour lui donner une position politique fixe et adéquate.

Quel est le rapport entre l'idéologie de Mishima et sa conception de l'art et de l'esthétique, en particulier du corps, de la beauté, de la discipline et de la mort, et quelle a été son influence sur les écrivains et penseurs ultérieurs ?

À l'instar de Gabriele d'Annunzio en Italie, Mishima a inscrit sa vie et son œuvre dans une vigoureuse commémoration du passé, alors que la grande majorité de l'élite culturelle se déclarait totalement projetée dans un avenir lointain (et hypothétique).

La vie et la littérature sont devenues deux éléments inséparables, et ce n'est probablement pas une coïncidence si Mishima a été le traducteur du barde italien en japonais. L'idéologie de Mishima trouve dans l'esthétique et dans sa recherche constante un fil conducteur étroitement lié, surtout dans ses romans, à la carnalité du corps, à ses descriptions plastiques et à l'appel constant à une discipline de fer. Il suffit de rappeler que le jeune Yukio Mishima a été réformé lorsqu'il a été appelé sous les drapeaux pour avoir été jugé trop chétif.

Après son voyage en Grèce, des années plus tard, il a pu observer les proportions parfaites des statues classiques et est rentré au Japon avec l'intention d'endurcir son corps, commençant ainsi à pratiquer les arts martiaux et le culturisme. L'image de lui, les mains attachées à la tête et les flancs transpercés de flèches, comme saint Sébastien, est si populaire que chacun d'entre nous l'a vue au moins une fois. Alors pourquoi devrions-nous encore parler sérieusement de Yukio Mishima ? Cent ans après sa naissance et à des centaines de milliers de kilomètres de distance (et une distanc qui n'est pas seulement culturelle), il exerce toujours une fascination - terrifiante pour certains - dérivée de son éblouissante pertinence.

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Comment Mishima a-t-il été perçu en Europe, et quels parallèles peut-on établir entre le nationalisme de Mishima et les interprétations de la crise culturelle par les intellectuels de droite en Europe ?

En dehors des best-sellers, dire que la diffusion et la réception de Yukio Mishima en Europe est aussi large que celle d'autres auteurs japonais, tels que Murakami ou Kawabata, par exemple, est plutôt osé. Cette raison pourrait également être due au caractère délicieusement politico-philosophique de certaines de ses œuvres, je mentionne à nouveau La défense de la culture en premier lieu, traduit parce que cet ouvrage était encore inédit par Idrovolante Edizioni.

Pour aborder le Mishima politique, il faut s'intéresser à l'histoire et à la culture japonaises. Certes, quelques stars comme David Bowie ou le photographe Eikō Hosoe ont contribué à diffuser son image en Occident, mais est-il vraiment correct de considérer Yukio Mishima comme une icône pop, comme certaines bibliothèques occidentales voudraient nous le faire croire ? Pour les milieux intellectuels de droite, Yukio Mishima représente un jalon en raison du caractère universaliste de ses essais politico-philosophiques. Soleil et acier ou Leçons pour les jeunes samouraïs, conçus dans une écriture agile, didactique et facile d'accès, représentent presque des vade-mecum pour tous ceux qui, comme lui, pour leur époque et leur pays, construisent jour après jour leur engagement politique militant comme dernier rempart à la défense des traditions de leur nation, et ceci est valable de Lisbonne à Budapest.

L'acte de seppuku de Mishima, le 25 novembre 1970, est-il l'aboutissement de sa quête idéologique et esthétique, ou doit-il être lu comme l'expression d'une profonde désillusion face à la modernisation de la société japonaise et à ses propres idéaux ?

Yukio Mishima a choisi le seppuku, le suicide rituel pratiqué par les anciens samouraïs, comme acte de mort, non pas par hasard, mais précisément pour démontrer de manière concrète et hautement dramatique sa désillusion face à la société japonaise alors totalement apathique. En même temps, cependant, on pourrait aussi y voir un désir de préservation esthétique jusqu'au dernier souffle. En effet, il est un guerrier de la vie, enivré par la séduction de la belle mort à l'ancienne, antidote infaillible à la lente décadence que représente la modernité.

Source : https://erenyesilyurt.com/index.php/2025/04/03/selenia-de...