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vendredi, 29 juin 2007

La Turquie et l'Europe

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La Turquie et l'Europe

Entretien de Robert Steuckers à la revue étudiante "Branding" - Propos recueillis par Jurgen Branckaert

1. Le 6 octobre dernier [2004], la Commission Européenne a donné un avis positif pour l’adhésion de la Turquie à l’UE, malgré de vastes protestations émises par de nombreuses forces politiques  européennes et leur arrière-ban. Nous nous posons la question : le combat contre cette adhésion est-il terminé, faut-il déposer les armes?

Non, le combat n’est pas terminé. Comme d’habitude, on a une nouvelle fois escamoté les problèmes. Car ils sont légion : le déficit de l’économie turque atteint des proportions  formidables, en dépit d’incontestables améliorations au cours de ces quelques dernières années. Mais, le passif reste trop important pour qu’il puisse être tout simplement absorbé par des subsides venus du reste le l’UE. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut y remédier, alors que l’Europe elle-même a un besoin urgent de nouveaux investissements structurels, notamment dans les zones plus ou moins sinistrées d’Europe occidentale, dans les Länder de l’Allemagne de l’Est, en Pologne ou en d’autres zones de l’ancien COMECON. Qui plus est, la démographie turque s’accroît sans arrêt. Les experts en questions démographiques prévoient que la population turque atteindra le chiffre de 95 millions d’âmes en 1925. Cet accroissement démographique considérable contribuera à accroître le déficit de l’économie turque et augmentera le nombre de chômeurs autochtones là-bas, qui ne pourront pas vraiment être aidés. Ensuite, si la Turquie adhère, la politique agricole commune, pratiquée depuis les origines du “Marché Commun” ne pourra plus exister et fera totalement faillite. On ne pourra tout simplement plus la financer, car, ne l’oublions pas, le pourcentage de la population turque qui vit de l’agriculture atteint le chiffre de 35%, alors qu’il n’est que de 5,6% dans le reste de l’Union. Enfin, on peut raisonnablement s’attendre à ce que, sur le plan des droits de l’homme, le gouvernement turc commette encore quelques solides gaffes, notamment au Kurdistan. A cela s’ajoute que le projet d’adhésion suscitera une forte résistance dans certains pays de l’Union qui ne sont pas spécialement turcophiles, comme Chypre et la Grèce. A mes yeux, les Etats de l’ancienne fédération yougoslave devraient bénéficier d’une priorité absolue dans leur droit historique à faire partie de la communauté des peuples européens, que prétend être l’Union. Ces Etats cultiveront évidemment une méfiance à l’endroit d’Ankara. Les cercles d’inspiration identitaire en Europe doivent poser des conditions claires, sans aucune ambiguïté :
1) Toutes les troupes turques doivent quitter sans délais et sans conditions, le Nord de l’île de Chypre;
2) Le Kurdistan doit bénéficier d’un statut d’autonomie;
3) La Turquie doit reconnaître le génocide jadis perpétrer contre les Arméniens et les Grecs;
4) La Turquie doit reconnaître sur son territoire toutes les Eglises chrétiennes orientales (notamment celles des communautés araméennes établies le long de la frontière syrienne);
5) La Turquie doit s’interdire d’apporter toute aide matérielle et tout soutien idéologique au terrorisme tchétchène;
6) La Turquie doit rendre Sainte-Sophie au culte de l’Eglise grecque-orthodoxe;
7) La Turquie doit s’abstenir de s’immiscer dans les affaires intérieures des républiques turcophones de l’ancienne Union Soviétique;
8) La Turquie doit mettre un terme à sa politique de construire des barrages sur les cours du Tigre et de l’Euphrate, qui conduit à assécher l’ensemble du Moyen-Orient.
Telles sont les principales conditions que la Turquie doit satisfaire pour devenir un membre à part entière de l’UE. Or, aucune de ces conditions ne pourra jamais être acceptée par un gouvernement turc, quelle que soit sa couleur, ce que l’on peut parfaitement comprendre du point de vue turc. Mais, du point de vue européen, ces conditions constituent le strict minimum pour une Turquie européenne crédible, pour que la Turquie prouve sa loyauté à la civilisation dont elle veut faire partie.


2. Pouvez-vous expliciter les principaux arguments historiques, culturels et politiques qui plaident contre une adhésion turque à l’UE?

Sur le plan historique, on pourrait écrire des centaines de volumes pour démontrer que l’Europe, d’une part, et la Turquie, d’autre part, sont deux mondes politiques fondamentalement différents, antagonistes et irréconciliables. En l’an 955, après la Bataille de Lechfeld en Bavière, le futur empereur romain-germanique Othon I bat les Hongrois définitivement et met un terme aux invasions constantes subies par l’Europe en provenance de la steppe eurasiatique. Les Rois de Hongrie ont dû promettre de ne plus jamais mener des campagnes et des raids en direction de l’Europe occidentale, de défendre le Danube et la plaine de Pannonie contre toutes les incursions ou invasions à venir issues du fonds du continent asiatique. Les Hongrois ont donc dû changer complètement de perspective géopolitique. Telle est l’essence de leur conversion, qui, de fait, est d’ordre géopolitique, et non pas tant d’ordre religieux. Après la chute de Constantinople en mai 1453, le Pape Pie II suggère les mêmes conditions au Sultan, qui les refuse. Pie II avait été le Chancelier de l’Empereur romain-germanique Frédéric III. Avant d’avoir assuré cette haute fonction politique, il avait été un humaniste italien, traducteur de textes antiques. Il avait notamment traduit le “De Germania” de Tacite puis esquissé un programme géopolitique européen dans son “De Europa”, où il démontrait que l’Europe était de facto le Saint-Empire romain-germanique, que le reste du continent était composé de zones périphériques, et que ce Saint-Empire ne pouvait survivre que s’il conservait la Bohème et le Brabant. Pie II est ainsi, en quelque sorte, un des pères fondateurs des nationalismes allemand et flamand. De Tacite, il avait fait sienne l’idée d’une qualité humaine “supérieure” des peuples du Nord. Mais revenons à la question turque : le Sultan refuse donc de changer, comme jadis les Hongrois, de perspective géopolitique et se pose derechef comme l’héritier de deux perspectives géopolitiques anti-européennes, plus exactement de deux “directions offensives”, de “Stoßrichtungen” contraire à celles de l’Europe. La première de ces “directions offensives” est celle des peuples turcs de la steppe qui, partis des profondeurs de l’Asie, déboulent à intervalles réguliers dans l’histoire, dans l’espace de la Mer Noire et dans le bassin du Danube sur le flanc septentrional, dans la direction de l’Egée sur le flanc méridional. La seconde de ces “directions offensives” est celle des tribus nomades venues de la péninsule arabique pour se porter vers l’Afrique du Nord, d’une part, vers l’Egée à travers l’Anatolie, d’autre part. L’existence bien tangibles de ces “directions offensives” constitue une menace mortelle pour l’Europe. La Turquie actuelle continue d’agir dans ces deux sens, même si aujourd’hui, elle le fait d’une manière moins belliqueuse et avec des arguments apparemment pacifiques. L’objectif principal du programme pan-turc est d’ouvrir une porte sur l’Europe à toutes les populations du monde turcophone entre le Bosphore et la frontière chinoise. L’objectif est d’installer ces populations en Europe et de venger et d’annuler ainsi les défaites des Huns, des Hongrois, des Avars, des Coumans, de Petchénègues, des Khazars, des Seldjouks et des Ottomans. Nous ne devons pas oublier que la mémoire politique des peuples d’Orient est une “longue mémoire”  et que le passé, à leurs yeux, n’est justement jamais “passé”, mais demeure toujours d’une brûlante actualité. Les peuples d’Orient ne souffrent pas, comme nous, d’amnésie, de troubles de la mémoire, caractéristiques majeures de la pathologie “progressiste”.

3. Pouvons-nous tirer des leçons du passé dans la campagne que nous allons mener contre l’éventuelle adhésion turque à l’UE? Quels sont les grands exemples historiques auxquels nous pouvons nous référer?

De l’histoire, nous pouvons tirer mille et une leçons. Une chose est cependant certaine : l’élite politique, que l’Europe devrait avoir, aurait pour but premier de connaître sur le bout des doigts l’histoire de la confrontation millénaire entre nos peuples et ceux des steppes et devrait aussi modeler toutes ses décisions sur ces connaissances historiques. Le grand exemple historique demeure incontestablement le Prince Eugène de Savoie-Carignan, un homme qui avait lu toutes les sources disponibles en son temps, avant de lancer ses campagnes militaires victorieuses contre les Ottomans, afin de les battre et de faire disparaître la menace qu’ils constituaient pour l’Europe. L’arme dont disposait ce petit homme chétif était une grande connaissance des sources historiques de son temps. Avec de faibles moyens, et avec la formidable armée française du traître Louis XIV dans le dos, il a réussi à battre la plus grande puissance militaire de son époque. Sun Tzu nous enseigne que l’information est extrêmement importante pour battre l’ennemi. Le Prince Eugène l’a prouvé et, dans son cas, l’information était la connaissance de l’histoire. Clausewitz soulignera aussi l’importance d’une vision historique et stratégique pour étayer le moral des officiers et transmettre cette force à la troupe. Cette règle est toujours valable : les puissances anglo-saxonnes gagnent la partie en Asie centrale et au Moyen-Orient parce que leurs livres d’histoire sont les meilleurs à l’heure actuelle.

4. Comment voyez-vous le rôle des éléments turcs dans la  population d’Europe occidentale et centrale?  Forment-ils à terme une sorte de cinquième colonne, si jamais la Turquie était admise dans l’UE? Et comment devons-nous évaluer les conséquences de la citoyenneté turque accordée de jure aux millions de turcophones d’Asie centrale, si jamais la République turque devenait membre à part entière de l’UE?

Ce n’est pas “à terme” que les Turcs d’Europe occidentale formeront une cinquième colonne, ils le sont déjà! Il y a quelques années, à Schaerbeek, plusieurs centres culturels kurdes et araméens ont été saccagés et incendiés par des bandes de jeunes Turcs mineurs d’âge, bien entraînés par les militants “Loups Gris” voire directement pas des militaires turcs, le tout sous les caméras d’une équipe de télévision turque, qui a disparu rapidement après les incidents, direction Istanbul. Le soir même, les images prises à Schaerbeek étaient diffusées sur les écrans de la télévision turque, sans que la fameuse sûreté de l’Etat belge n’ai pu ou voulu réagir! La Belgique, une fois de plus, s’était couverte de ridicule. En Allemagne, des incidents similaires se sont produits maintes fois. Quant aux Turcophones d’Asie centrale, le gouvernement turc leur donne automatiquement la citoyenneté turque, tant et si bien que le chiffre de 95 millions de citoyens turcs en 2025 n’est qu’un pieux euphémisme. La Turquie ne laissera pas tomber les Turcophones d’Asie centrale : l’Empire byzantin a été miné de l’intérieur par la pénétration pacifique d’immigrés issus des peuples pasteurs turkmènes ou turcomans, dès l’époque des Seldjouks. Les armées des Sultans étaient toujours composées pour une bonne part de cavaliers ou de fantassins turkmènes ou tatars. Ces derniers ont notamment pillé et ravagé systématiquement la Bohème, la Moravie et la Hongrie lors du dernier siège de Vienne en 1683. Sur le plan historique, les liens entre les Turcs de l’actuel Etat turc et les Turcophones de l’ancienne URSS sont très étroits. Et cela ne changera pas, même si la Turquie fait mine de se convertir faussement aux pseudo-valeurs, toutes de mièvrerie, de l’Europe libérale.

5. Qu’en est-il des opposants à l’adhésion turque en Turquie même? Selon vous, existent-il des possibilités de forger des alliances objectives avec ces forces politiques?

Les opposants turcs à l’adhésion sont, d’une part, les nationalistes “Loups Gris” et, d’autre part, les islamistes. Les “Loups Gris”, qui sont parfois très ambigus dans leurs positions, craignent que la Turquie ne devienne une colonie de l’Occident et que le pays devra abandonner sa politique traditionnelle au Kurdistan. Les islamistes craignent que les fausses valeurs de l’Occident vont miner, par leur immoralité profonde, les assises de la société turque. Comme nous n’avons ni l’intention de “coloniser” la Turquie ni de propager les valeurs délétères du libéralisme occidental, nous pouvons devenir des interlocuteurs valables pour ces résistants ethno-nationaux ou religieux de Turquie. Reste à savoir si l’histoire nous réserve cette possibilité... L’”alliance objective” me semble possible avec les nationalistes, dans la mesure où, comme eux, nous constatons qu’après le Traité de Lausanne de 1923, la Turquie est devenue un pays totalement dépendant d’abord de la Grande-Bretagne, ensuite des Etats-Unis, car le Traité l’avait privée de pétrole et d’autres ressources énergétiques. A la dernière minute, les Anglais ont annexé la région de Mossoul à l’Irak, car elle contenait d’immenses réserves de pétrole. Sans sources énergétiques, la Turquie reste un pays faible. Nous devons le faire comprendre clairement aux nationalistes turcs, mais, il est évident, qu’en dépit de l’alliance américaine et de la fidélité à l’OTAN, ils le savent. La Turquie n’a pas d’autre avenir qu’en Irak. Mais l’attitude servile qu’ont adoptée tous les gouvernements turcs face aux Américains n’a laissé aucune chance à la Turquie de récupérer Mossoul. Aujourd’hui, c’est apparemment trop tard : l’US Army y campe, flanquée de ses auxiliaires kurdes. Par ailleurs, les Américains souhaitent affaiblir l’Europe, qui devra payer interminablement les dettes et les factures d’Ankara pour remettre à flot une Turquie surpeuplée et faible sur le plan des infrastructures, tandis que les pétroliers US contrôleront Mossoul, qui revient de droit à la Turquie et lui permettrait d’être une puissance viable et indépendante. Une dernière remarque : une telle orientation mésopotamienne de la Turquie avait été possible au temps de son alliance avec l’Allemagne avant 1914 et pendant la première guerre mondiale...  Un épisode de l’histoire que nous devons impérativement relire, tant en Europe qu’en Turquie.

6. Un “niet” européen à l’adhésion turque est une chose. Mais qu’en est-il de l’alternative que l’Europe devra alors proposer à la Turquie, qui, comme nous le savons tous, est une puissance de premier plan au Moyen Orient et en Asie centrale?  Existe-t-il une possibilité de soustraire la Turquie à la sphère d’influence américaine et d’en faire un allié objectif de l’Europe, par exemple en lui proposant une sorte de partenariat, où elle sera une nation privilégiée, un partenariat qui viserait à fortifier les intérêts géopolitiques et de l’Europe et de la Turquie et qui utiliserait les énergies du peuple turc contre les ennemis de l’Europe et non pas contre l’Europe?

Un “niet” n’a de sens que s’il est un “niet” contre la volonté occulte des Turcs de conquérir l’Europe à l’aide de millions d’immigrants venus d’Anatolie, du Kurdistan ou d’Asie centrale, afin, comme je viens de le dire, de réduire à néant l’effet de leurs défaites au cours des siècles précédents. Un “niet” me parait aussi raisonnable parce que l’adhésion turque s’avèrerait rapidement impayable, surtout que nous sommes plongés depuis plus de deux décennies dans une phase de basse conjoncture. Mais, effectivement, il faut une alternative valable à l’adhésion pure et simple et le seul projet intelligent à remettre en selle est celui jadis suggéré par l’Empereur prussien de l’Allemagne, Guillaume II, c’est-à-dire un partenariat entre l’Europe toute entière et une Turquie qui retrouvera son rôle capital et historique en Mésopotamie. L’Empereur Guillaume avait convié l’Europe entière à participer à son projet de rentabiliser la Mésopotamie et la péninsule arabique, projet que l’on a appelé le projet “Berlin-Bagdad”, mais la France avait refusé cette offre de manière hautaine, parce qu’elle était travaillée par l’idée de “revanche”; elle pariait à l’époque sur la Russie pour la transformer, pour son malheur, en rouleau compresseur contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Le partenariat euro-turc était possible en ce temps-là parce que les champs pétrolifères restaient disponibles. Après la défaite de 1918, la Turquie a perdu ses principales ressources énergétiques et son alliance actuelle avec les Etats-Unis fait qu’elle ne pourra pas retrouver ces ressources. Voilà donc un fait géopolitique incontournable. Il faut en être conscient tant à Euro-Bruxelles, qu’à Berlin, Vienne ou Ankara. Les Turcs doivent aussi prendre conscience que la réduction volontaire de leur espace géopolitique par l’idéologie kémaliste pose aujourd’hui problème car une Turquie réduite à l’Anatolie sans les régions kurdes ou arabes ne peut, sur le long terme, devenir une puissance régionale réelle et viable. L’Empire Ottoman était de facto un empire multiculturel et fédéral. Dans son partenariat avec l’Europe, la Turquie ne peut demeurer un système étatique centraliste de facture jacobine. Jamais la Turquie ne pourra récupérer Mossoul sans accorder aux Kurdes, de part et d’autre de la frontière turco-irakienne, un statut d’autonomie cohérent, comme ils en disposaient sous le régime ottoman. Une Turquie fédérale, réconciliée avec l’Europe et la Russie, aura un avenir valable et digne. Sans ces réformes nécessaires, la Turquie restera un facteur de zizanie dans la région, au service de Washington. Le sort de la région de Mossoul prouve que les ennemis de l’Europe et de la Turquie sont les mêmes.  Il faut en devenir bien conscient, ici en Europe, là-bas en Turquie...

7. Une dernière question : imaginons que l’adhésion turque à l’UE soit devenue réalité; de quelle manière pourrons-nous, le cas échéant, poursuivre notre combat?  

Si cette adhésion devient réalité, l’ensemble de notre continent et de sa civilisation s’en ira à vau-l’eau.  Une évolution positive serait de voir émerger une alliance triangulaire entre la Russie, l’Europe et la Turquie autour de la Mer Noire, qui deviendrait, ipso facto, le point d’intersection des échanges entre ces trois pôles. Alexandre Douguine envisage cette hypothèse aujourd’hui à Moscou. Dans le cas d’une adhésion effective de la Turquie à l’UE, nos efforts devraient converger vers une telle alliance, ce qui impliquerait aussi que la Turquie ne se laisse plus atteler à des projets anti-européens et anti-russes, pareils à ceux que concocte Brzezinski aux Etats-Unis, depuis déjà de nombreuses décennies.


[Traduction française de l’original néerlandais]

vendredi, 08 juin 2007

Intervista con Marc. Eemans

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Intervista con Marc Eemans, l’ultimo surrealista della scuola di André Breton

Argomentazioni raccolte da K.Logghe e R.Steuckers

All’età di 83 anni, Marc Eemans afferma oggi di essere l’ultimo dei surrealisti. Dopo di lui, si volterà pagina. Il surrealismo sarà definitivamente entrato nella storia. Chi è quest’ultimo dei surrealisti, questo pittore della generazione dei Magritte, Delvaux e Dali, oggi ostracizzato? Qual è stato il suo impatto letterario? Quale influenza Julius Evola ha esercitato su di lui? Questo "brutto anatroccolo" del movimento surrealista getta uno sguardo molto critico sui suoi compari morti. Costoro gliel’avevano fatta pagare per il suo passato "collaborazionista". Recentemente, Ivan Heylen, del giornale Panorama (22/28.8.1989), lo ha intervistato a lungo, abbellendo il suo articolo con un superbo luogo comune che metteva l’accento sulla tumultuosa eterosessualità di Marc Eemans e dei suoi emuli surrealisti. Noi prendiamo il testimone, ma senza dimenticare di interrogarlo sugli artisti che ha conosciuto, sulle grandi correnti artistiche a cui egli è stato a fianco, sui retroscena della sua « collaborazione »...

Il periodo che va dalla sua nascita alla comparsa della sua prima tela, è stato molto importante. Come lo descriverebbe?
 

Sono nato nel 1907 a Termonde (Dendermonde). Mio padre amava le arti e parecchi suoi amici erano pittori. All’età di otto anni, ho imparato a conoscere un lontano parente, scultore e attivista (1): Emiel De Bisschop. Quest’uomo non riuscì mai a niente nella sua vita, ma ciononostante ha rivestito per me un grande significato. È grazie ad Emiel De Bisschop che entrai per la prima volta in contatto con scrittori ed artisti.

Da dove le è venuta la spinta per disegnare e dipingere?

Ho sempre seguito da molto vicino l’attività di artisti. Subito dopo la prima guerra mondiale, conobbi il pittore e barone Frans Courtens. Poi mi recai un giorno in visita dal pittore Eugène Laermans. E poi ancora da molti altri, tra cui un vero amico di mio padre, un illustre sconosciuto, Eugène van Mierloo. Alla sua morte, venni a sapere che egli aveva preso parte alla prima spedizione al Polo Sud, in qualità di reporter-disegnatore. Durante la prima guerra mondiale, visitai una mostra di pittori che godono oggi di una certa notorietà: Felix Deboeck, Victor Servranckx, Jozef Peeters. Alcuni tra di loro non erano a quel tempo astrattisti. Solo qualche anno dopo si ebbe nell’arte moderna il grande boom della pittura astratta. Quando Servranckx organizzò una personale, entrai in contatto con lui e, da allora, egli mi considerò come il suo primo discepolo. Avevo circa quindici anni quando mi misi a dipingere tele astratte. A sedici anni, collaboravo con un foglio d’avanguardia intitolato Sept Arts. Tra gli altri collaboratori, c’era il poeta Pierre Bourgeois, il poeta, pittore e disegnatore Pierre-Louis Flouquet, l'architetto Victor Bourgeois e il mio futuro cognato Paul Werrie (2). Ma l’astratto non mi attirò a lungo. Per me, era troppo facile. Come ho detto un giorno, è un’aberrazione materialista di un mondo in piena decadenza... E’ allora che entra nella mia vita un vecchio attore: Geert van Bruaene.
Lo avevo già incontrato prima ed egli aveva lasciato tracce profonde nella mia immaginazione: egli vi teneva il posto dello zwansbaron, del "Barone Vagabondo". Ma quando lo rividi all’età di quindici anni, egli era diventato il direttore di una piccola galleria d’arte, il "Cabinet Maldoror", dove tutti gli artisti d’avanguardia si riunivano e dove furono esposti i primi espressionisti tedeschi. È con l’intermediazione di van Bruaene che conobbi Paul van Ostaijen (3). Geert van Bruaene meditava i Canti di Maldoror del sedicente Conte di Lautréamont, uno dei principali precursori del surrealismo. È così che divenni surrealista senza saperlo. Grazie, infatti, a van Bruaene. Io passai dall’arte astratta al Surrealismo quando le mie immagini astratte finirono per amalgamarsi a degli oggetti figurativi. A quell’epoca, ero ancora comunista....

Non sembra che al tempo, effettivamente, l'intelligentsia e gli artisti appartenessero alla sinistra? Lei, d’altronde, dipinse una tela superba, rappresentante Lenin e la intitolò "Omaggio al Padre della Rivoluzione"...
Vede, è un fenomeno che si era già prodotto all’epoca della Rivoluzione Francese. I giovani intellettuali, sia in Francia che in Germania, erano tutti sostenitori della Rivoluzione Francese. Ma via via che quella si evolveva o si involveva, quando il terrore prese il sopravvento, etc., essi si tirarono indietro. E poi arrivò Napoleone. Allora svanì tutto l’entusiasmo. Questo fu il caso di Goethe, Schelling, Hegel, Hölderlin... E non dimentichiamo del resto il Beethoven della Sinfonia Eroica, ispirata dalla Rivoluzione francese e inizialmente dedicata a Napoleone, prima che questi divenisse imperatore. Lo stesso fenomeno si è potuto osservare con la rivoluzione russa. Si credeva che stessero per prodursi dei miracoli. Ma non ve ne furono per nulla. In seguito si ebbe l’opposizione di Trotski il quale credeva che la rivoluzione non fosse che agli inizi. Per lui, bisognava dunque andare oltre!

Non è qui la natura rivoluzionaria o non conformista che alberga nel fondo di ogni artista?
Io sono sempre stato un non conformista. Anche sotto il nazismo. Ben prima dell’ultima guerra, ho ammirato il "Fronte Nero" di Otto Strasser. Quest’ultimo era anti-hitleriano perché pensava che Hitler avesse tradito la rivoluzione. Sono sempre stato all’opposizione. Sono sicuro che se i Tedeschi avessero vinto la partita, io me ne sarei andato ad ammuffire in un campo di concentramento. In fondo, come diceva il mio amico Mesens, noi surrealisti non siamo che degli anarchici sentimentali.

Oltre che per la sua pittura, lei è un uomo notevole anche per la grande diversità delle sue letture. Basta nominare gli autori che hanno influenzato la sua opera...
Mi sono sempre interessato di letteratura. All’Athenée (4) a Bruxelles, avevo un curioso professore, un certo Maurits Brants (5), autore, in particolare, di un’antologia per le scuole, intitolata Dicht en Proza. Nella sua aula, egli aveva appeso alla parete delle illustrazioni raffiguranti gli eroi della Canzone dei Nibelunghi. Inoltre, il mio fratello maggiore era wagneriano. È sotto questo doppio influsso che scoprii i miti germanici. Quelle immagini dell’antica Germania sono rimaste incise nella mia memoria e sono esse che in seguito mi distinsero dagli altri surrealisti. Essi non conoscevano niente di tutto questo. André Breton era surrealista da dieci anni quando sentì parlare per la prima volta dei romantici tedeschi, grazie ad una giovane amica alsaziana. Quella pretendeva che ci fossero già stati dei « surrealisti » all’inizio del XIX secolo. Novalis, in particolare. Io avevo scoperto Novalis tramite una traduzione di Maeterlinck che mi aveva passato un amico quando avevo diciassette anni. Quest’amico era il caro René Baert, un ammirevole poeta che fu assassinato dalla « Resistenza » in Germania, poco prima della capitolazione di questa, nel 1945. Feci la sua conoscenza in un piccolo cabaret artistico di Bruxelles chiamato Le Diable au corps. Dopodiché, divenimmo inseparabili in poesia come in politica, diciamo piuttosto in “metapolitica”, perché la Realpolitik non fece mai per noi. La nostra evoluzione dal comunismo al nazional-socialismo derivò in effetti da un certo romanticismo, nel quale l’esaltazione dei miti eterni e della tradizione primordiale, quella di René Guénon e di Julius Evola, svolse un ruolo primario. Diciamo che questa va dal Georges Sorel del Mythe de la Révolution e delle Réflexions sur la violence all'Alfred Rosenberg del Mythe du XXième siècle, passando per Rivolta contro il Mondo moderno di Julius Evola. Il solo libro di René Baert che potrei definire metapolitico s’intitola L'épreuve du feu (Ed. de la Roue Solaire, Bruxelles, 1944) (6). Per il resto, egli è autore di raccolte di poesie e di saggi sulla poesia e sulla pittura. Un pensatore e un poeta da riscoprire. E poi, per ritornare alla mie letture iniziali, quelle della mia gioventù, non posso dimenticare il grande Louis Couperus (7), il simbolista a cui dobbiamo le meravigliose Psyche, Fidessa ed Extase.

Couperus ha esercitato una forte influenza su di lei?
Soprattutto per quel che concerne la lingua. La mia lingua è d’altronde sempre segnata da Couperus. In quanto di Bruxelles, l’olandese ufficiale mi è sempre sembrato un po’ artificiale. Ma questa lingua è quella a cui va tutto il mio amore... Un altro autore di cui divenni amico fu il poeta espressionista fiammingo Paul van Ostaijen. Feci la sua conoscenza tramite Geert van Bruaene. Allora dovevo avere diciotto anni. Durante una conferenza che van Ostaijen tenne in francese a Bruxelles, l'oratore, da poco mio amico che doveva morire alcuni anni dopo a soli trentadue anni, fissò definitivamente la mia attenzione sul rapporto che poteva esserci tra la poesia e la mistica, come egualmente mi parlò di un misticismo senza Dio, tesi o piuttosto tema con il quale egli ritrovava e Nietzsche e André Breton, il "papa del Surrealismo" che allora aveva appena pubblicato il suo Manifesto del Surrealismo.

Nella sua opera non si possono separare, mistica, miti e surrealismo?
No, io sono in qualche modo un surrealista mitico e, in questo, sono forse il surrealista più prossimo ad André Breton. Sono sempre stato all’opposto del surrealismo piccolo-borghese di un Magritte, quel tranquillo signore che, con la bombetta in testa, portava a spasso il suo cagnolino...

Però all’inizio eravate amici. Com’è sopravvenuta la rottura?
Nel 1930. Uno dei nostri amici surrealisti, Camille Goemans, figlio del Segretario permanente della Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal en Letterkunde ( = Accademia Reale fiamminga di lingua e di Letteratura), possedeva una galleria d’arte a Parigi. Fece fallimento. Ma in quel momento, aveva un contratto con Magritte, Dali e me. Dopo questo fiasco, Dalì trovò la sua strada grazie a Gala, che, detto tra noi, doveva essere un’autentica megera. Magritte, ritornò a Bruxelles e cadde in miseria. Tutti dicevano: "Quel porco di Goemans! È a causa sua che Magritte è in miseria". È un giudizio che non ho mai accettato. È il lato “sordido” del surrealismo belga. Goemans, divenuto povero come Giobbe per il suo fallimento, fu escluso dai suoi amici surrealisti, ma ritornerà in auge presso di loro dopo essere diventato ricco circa dieci anni più tardi grazie a sua moglie, un’ebrea russa, che fece del “mercato nero” con l’occupante durante gli anni 1940-44. Dopo il fallimento parigino, Goemans ed io avevamo fatto squadra. Fu allora che comparve il secondo manifesto surrealista, in cui Breton scriveva, tra l’altro, che il Surrealismo doveva essere occultato, cioè astenersi da ogni compromesso e da ogni particolarismo intellettuale. Noi prendemmo questa direttiva alla lettera. Aveva già ricevuto entrambe l’influenza dei miti e della mistica germanica. Avevamo fondato, con l’amico Baert, una rivista, Hermès, dedicata allo studio comparativo del misticismo, della poesia e della filosofia. Fu soprattutto un grande successo morale. Ad un certo momento, avemmo tra la nostra redazione, l’autore del libro Rimbaud il veggente, André Rolland de Renéville. Vi era anche un filosofo tedesco anti-nazista, che era emigrato a Parigi ed era divenuto lettore di letteratura tedesca presso Gallimard: Bernard Groethuysen. Per suo tramite, ci assicurammo la collaborazione di altri autori. Egli ci inviava anche dei testi di grandi filosofi all’epoca ancora poco conosciuti: Heidegger, Jaspers e qualche altro. Fummo dunque i primi a pubblicare testi di Heidegger in lingua francese, compresi dei frammenti di Essere e Tempo.
Tra i nostri collaboratori, avevamo uno dei primi traduttori di Heidegger: Henry Corbin (1903-1978) che divenne in seguito uno dei più brillanti iranologhi d'Europa. Quanto al nostro segretario di redazione, egli era il futuro celebre poeta e pittore Henri Michaux. La sua presenza tra di noi fu dovuta al caso. Goemans era uno dei suoi vecchi amici: era stato suo condiscepolo al Collège St. Jan Berchmans. Egli si trovava in una situazione di bisogno. La protettrice di Groethuysen, vedova di uno dei maggiori proprietari dell'Arbed, il consorzio dell’acciaio, ci fece una proposta: se avessimo ingaggiato Michaux come segretario di redazione, ella avrebbe pagato il suo salario mensile più le fatture della rivista. Era una soluzione ideale. È così che oggi posso dire che il celeberrimo Henri Michaux è stato un mio dipendente...

Dunque, grazie a Groethuysen, lei prese conoscenza dell’opera di Heidegger...
Eh sì. A quell’epoca egli iniziava a diventare celebre. In francese, fu Gallimard che pubblicò per primo qualche frammento di Essere e Tempo. Personalmente, non ebbi mai contatti con lui. Dopo la guerra, gli scrissi per chiedergli alcune piccolezze. Avevo letto una sua intervista dove egli diceva che Sartre non era un filosofo, ma che Georges Bataille, lui sì, lo era. Gli chiesi qualche spiegazione su questo argomento e gli ricordai che ero stato uno dei primi editori in lingua francese delle sue opere. Per tutta risposta, egli mi inviò un biglietto con il suo ritratto e queste due parole: "Herzlichen Dank!" (Cordiali ringraziamenti!). Fu la sola risposta di Heidegger...

Lei avrebbe lavorato per l'Ahnenerbe. Come arrivò lì?
Prima della guerra, avevo stretto amicizia con Juliaan Bernaerts, meglio conosciuto nel mondo letterario sotto il nome di Henri Fagne. Egli aveva sposato una tedesca e possedeva una libreria internazionale in Rue Royale a Bruxelles. Io suppongo che questa attività fosse una libreria di propaganda coperta per i servizi di Goebbels o di Rosenberg. Un giorno, Bernaerts mi propose di collaborare ad una nuova casa editrice. Essendo senza lavoro, accettai. Erano le edizioni fiamminghe dell’Ahnenerbe. Noi pubblicammo così una ventina di libri e avevamo piani grandiosi. Pubblicavamo anche un mensile, Hamer, il quale concepiva i Paesi Bassi e la Fiandra come un’unità.

E lei scrisse su questa pubblicazione?
Sì. Sono sempre stato innamorato dell’Olanda e, in quell’epoca, c’era come un muro della vergogna tra la Fiandra e l’Olanda. D’altronde per un Thiois come me, esistono sempre due muri secolari della vergogna: a Nord con i Paesi Bassi; a Sud con la Francia, perché la frontiera naturale delle 17 province storiche si estendeva nel XVI secolo fino alla Somme. La prima capitale della Fiandra fu la città di Arras (Atrecht). Grazie ad Hamer, ho potuto superare questo muro. Divenni l’emissario che si recava regolarmente ad Amsterdam con gli articoli che dovevano comparire su Hamer. Il redattore capo di Hamer-Paesi Bassi coltivava anch’egli delle idee grand’olandesi. Queste trasparivano chiaramente in un’altra rivista, Groot-Nederland, anche della quale egli era direttore. Finché essa continuò ad uscire durante la guerra, vi scrissi degli articoli. Fu così che Urbain van de Voorde (8) partecipò alla costruzione della Grande-Olanda. Egli è d’altronde, autore di un saggio di storia dell’arte olandese, che considera l’arte fiamminga e olandese come un tutt’uno. Io possiedo sempre in manoscritto una traduzione di questo libro, comparso nel 1944 in lingua olandese.
Ma, in fin dei conti, io ero un dissidente in seno al nazional-socialismo! Lei conosce la tesi per cui si voleva costituire un Grande Reich tedesco nel quale la Fiandra non sarebbe stata che una provincia tra le altre. Io mi dissi: "Va bene, ma bisogna lavorare secondo dei principi organici. Prima bisogna che Fiandra ed i Paesi Bassi si fondano e, solo in questo modo noi potremo partecipare al Reich, in quanto indivisibile entità grand’olandese". E per noi, la Grande-Olanda si estende fino alla Somme! Bisogna che io qui ricordi l’esistenza durante l’Occupazione, di una “resistenza thioise" non riconosciuta come tale alla Liberazione". Io ne feci parte con un numero di amici fiamminghi e olandesi, di cui il poeta fiammingo Wies Moens poteva essere considerato come il capofila. Tutti divennero alla fine vittime della "Repressione".

Era qui l’influenza di Joris van Severen?
Non, Van Severen era in realtà un francofono, uno spirito totalmente segnato dalle mode di Parigi. Egli aveva ricevuto un’educazione in francese e, al fronte, durante la prima guerra mondiale, era divenuto “frontista”(9). Quando creò il Verdinaso, egli gettò uno sguardo al di là delle frontiere del piccolo Belgio, in direzione della francia. Egli rivendicava l’annessione della Fiandra francese. Ma da un momento all’altro, doveva essere votata una legge che avrebbe per lui significato delle persecuzioni. È allora che egli diffuse l’idea di una nuova direzione del suo movimento (la famosa "nieuwe marsrichting"). Egli ridivento “piccolo-belga”. E perdette il sostegno del poeta Wies Moens (10), che creò allora un movimento dissidente che si cristallizzò attorno alla sua rivista Dietbrand della quale divenni un fedele collaboratore.

Lei ha collaborato ad una quantità di pubblicazioni, anche durante la seconda guerra mondiale. Lei non ha rievocato che felicitazioni. In quale misura la repressione l’ha segnata?
Per quel che mi riguarda, la repressione non è ancora finita! Io “collaboravo” per guadagnare la mia pagnotta. Bisognava pure che vivessi della mia penna. Io non mi sono mai occupato di politica. Mi interessava solo la cultura, una cultura fondata sulle tradizioni indo-europee. In più, come idealista grand’olandese, io mi trovavo ai margini degli ideali di grande Germania del nazional-socialismo. In quanto artista surrealista, la mia arte era considerata come “degenerata” dalle istituzioni ufficiali del III Reich. Grazie a qualche critico d’arte, noi potemmo tuttavia far credere ai Tedeschi che non c’era « arte degenerata » in Belgio. La nostra arte doveva essere analizzata come un prolungamento del romanticismo tedesco (Hölderlin, Novalis,...), del movimento simbolista (Böcklin, Moreau, Khnopff,...) e dei Pre-raffaelliti inglesi. Per le istituzioni tedesche, gli espressionisti fiamminghi erano dei Heimatkünstler (dei pittori regionali). Del resto, tutti, compreso James Ensor, ma escluso Fritz Van der Berghe, considerato troppo « surrealista » nel suo ultimo periodo, parteciparono a mostre nella Germania nazional-socialista.
Ma dopo la guerra, fui lo stesso epurato con circa quattro anni di carcere. Nell’ottobre del 1944, fui arrestato e, dopo sei o sette mesi, rimesso in libertà provvisoria, con la promessa che la cosa non avrebbe avuto un “seguito”. Nel frattempo, un uditore militare (11) cercava come un avvoltoio di avere il suo processo-spettacolo. I grandi processi dei giornalisti avevano già avuto luogo: quelli del Soir, del Nouveau Journal, di Het Laatste Nieuws,... A qualsiasi costo il nostro uditore voleva il suo processo. E scoprì che non c’era ancora stato il processo del Pays réel (il giornale di Degrelle). I grandi capi del Pays réel erano già stati condannati, cioè fucilati (come Victor Matthijs, capo ad interim del Rex e redattore capo del giornale). L’uditore ebbe dunque il suo processo, ma con delle seconde linee, dei subalterni al banco degli accusati. Io ero il primo delle terze linee, dei sub-subalterni. Fui arrestato una seconda volta, poi condannato. Restai ancora più o meno tre anni in prigione. Non c’era modo di uscirne! Malgrado l’intervento in mio favore di personaggi di grande calibro, tra cui il mio amico francese Jean Paulhan, ex membro della resistenza e il premio Nobel inglese T.S. Eliot, che scrisse nero su bianco nel 1948, che il mio caso non avrebbe dovuto esigere alcun perseguimento. Tutto ciò non servì a nulla. La lettera di Eliot, che deve trovarsi negli archivi della Procura militare, meriterebbe di essere pubblicata, perché condanna in blocco la repressione selvaggia degli intellettuali che non avevano « spezzato la loro penna », cosa che non vuol dire avere commesso “crimini di alto tradimento”. Eliot fu del resto uno dei grandi difensori del suo amico, il poeta Ezra Pound, vittima della giustizia repressiva americana.
Quando espongo, a volte mi si attacca ancora in modo del tutto ingiusto. Così, di recente, ho partecipato ad una mostra a Losanna sulla donna nel Surrealismo. Il giorno dell’apertura, dei surrealisti di sinistra distribuivano volantini che spiegavano al buon popolo che io ero un sinistro compagno di Eichmann e di Barbie! Non ho mai visto una simile abiezione...

Dopo la guerra, lei ha partecipato ai lavori di un gruppo che portava lo strano nome di "Fantasmagie"? Vi si incontravano figure come Aubin Pasque, Pol Le Roy e Serge Hutin...
Sì. Le Roy e Van Wassenhove era stati tutti e due condannati a morte. (12). Dopo la guerra, ad di fuori dell’astratto, non vi era salvezza. Ad Anversa regnava la Hessenhuis: negli anni 50, era il luogo più all’avanguardia d'Europa. Pasque ed io, avevamo dunque deciso di associarci e di ricreare qualche cosa di « anti ». Abbiamo lanciato "Fantasmagie". In origine, non avevamo chiamato il nostro gruppo in questo modo. Non so più per chi esso era il centro. Ma era l’epoca in cui Paul de Vree possedeva una rivista, Tafelronde. Egli non era ancora ultra-modernista e non apprese che più tardi dell’esistenza del faro Paul van Ostaijen. Fino a quel momento, egli era rimasto un piccolo bravo poeta. Naturalmente, egli aveva un po’ collaborato... Credo che egli avesse lavorato per De Vlag (13). Per promuovere il nostro gruppo, egli promise di dedicarci un numero speciale di Tafelronde. Un giorno, mi scrisse una lettera in cui c’era questa domanda: "Che ne è della vostra "Fantasmagie"?". Egli aveva appena trovano il termine. Noi l'abbiamo conservato.

Qual era l’obiettivo di "Fantasmagie"?
Volevamo istituire un’arte pittorica fantastica e magica. Più tardi, abbiamo attratto scrittori e poeti, tra cui Michel de Ghelderode, Jean Ray, Thomas Owen, etc. Ma cosa più importante per me è la creazione nel 1982, in occasione dei miei 75 anni, da parte di un piccolo gruppo di amici, di una Fondazione Marc Eemans il cui obiettivo è lo studio dell’arte e della letteratura idealiste e simboliste. Di un’attività più discreta, ma infinitamente più seria e scientifica rispetto alla "Fantasmagie", questa Fondazione ha creato degli archivi riguardanti l’arte e la letteratura (in via accessoria anche la musica) quando esse toccano il simbolo e il mito, non solo in Belgio ma in Europa e altrove nel mondo, tutto ciò nel senso della Tradizione primordiale.

Lei ha anche fondato il Centrum Studi Evoliani, di cui è il Presidente...
Sì. Per quanto riguarda la filosofia, sono stato influenzato soprattutto da Nietzsche, Heidegger e Julius Evola. Soprattutto dagli ultimi due. Una persona di Gand, Jef Vercauteren, era entrato in contatto con Renato Del Ponte, un amico di Julius Evola. Vercauteren cercava delle persone che s’interessassero alle idee di Julius Evola e fossero disposte a formare un circolo. Egli si rivolse al Professeur Piet Tommissen, che gli comunicò il mio indirizzo. Io ho letto tutte le opere di Evola. Volevo conoscere tutto sul suo conto. Quando mi sono recato a Roma, ho visitato il suo appartamento. Ho discusso con i suoi discepoli. Essi avevano dei contrasti con le persone del gruppo di Del Ponte. Questi sosteneva che essi fossero stati vili e meschini nelle circostanze della morte di Evola. Egli, Del Ponte, aveva avuto il coraggio di trasportare l’urna contenente le ceneri funerarie di Evola in cima al Monte Rosa a 4.000 m. e di seppellirla nelle nevi eterne. Il mio circolo, ahimè, al momento non è più attivo e manca di persone realmente interessate.
In effetti, bisogna ammettere che il pensiero e le teorie di Julius Evola non sono alla portata di qualsiasi militante di destra o di estrema destra. Per accedervi, si deve avere una base filosofica seria. Certo, ci sono stati degli strambi appassionati di occultismo che hanno creduto che Evola parlasse di scienze occulte, perché egli è considerato come un filosofo tradizionalista di destra. Basta leggere il suo libro Maschera e volto dello spiritualismo contemporaneo per rendersi conto fino a che punto Evola è ostile, come il suo maestro René Guénon, a tutto ciò che può essere considerato come teosofia, antroposofia, spiritismo e chi più ne ha più ne metta.
L'opera di base è il suo libro intitolato Rivolta contro il mondo moderno che denuncia tutte le tare della società materialista che è la nostra e della quale il culto della democrazia (di sinistra, beninteso) è l’espressione più caratteristica. Non sto qui a riassumervi la materia di questo libro densa di 500 pagine circa nella sua traduzione francese. E un’autentica filosofia della storia, dal punto di vista della Tradizione, cioè secondo la dottrina delle quattro età e sotto l’angolazione delle teorie indoeuropee. In quanto “ghibellino”, Evola predicava il ritorno al mito dell’Impero, di cui il III Reich di Hitler non era tutto sommato che una caricatura plebea, così fu particolarmente severo nel suo giudizio tanto sul fascismo italiano che sul nazional-socialismo tedesco, perché essi erano, per lui, delle emanazioni tipiche della « quarta età » o Kali-Yuga, l'età oscura, l’età del Lupo, allo stesso titolo del cristianesimo o del comunismo. Evola sognava la restaurazione di un mondo « eroico-uranico occidentale », di un mondo elitario anti-democratico in cui il « regno delle masse », della « società dei consumi » sarebbe stato eliminato. In breve, tutta una grandiosa storia filosofica del mondo il cui grande eroe fu l’Imperatore Federico II di Hohenstaufen (1194-1250), un autentico eroe mitico...

Lei ha incominciato la sua carriera nella stessa epoca di Magritte. Agli inizi, le sue opere erano anche più quotate delle sue....
Sì e nonostante io fossi ancora un giovane galoppino. Magritte si convertì al surrealismo dopo aver dipinto per qualche tempo in stile futurista, poi cubista, etc. A quell’epoca, aveva ventisette anni. Io non ne avevo che diciotto. Questo significa nove anni di differenza. Io avevo più mano. Fu la ragione che lo spinse a mettermi fuori dal gruppo. A volte, quando eravamo ancora amici, egli mi domandava: "Dimmi, come potrei fare questo...?". Ed io rispondevo: "Magritte, vecchio mio, fai così o così...". In seguito, ho potuto scherzosamente dire che ero stato il maestro di Magritte! Durante l’occupazione, potei farlo esonerare dal Servizio Obbligatorio, ma non mi è stato riconoscente. Al contrario!

Com’è che attualmente lei non beneficia della stessa reputazione internazionale di Magritte?
Vede, lui ed io siamo diventati surrealisti nello stesso periodo. Io sono stato celebre quando avevo vent’anni. Lei constaterà la veridicità delle mie affermazioni consultando la rivista Variétés, rivista para-surrealista degli anni 1927-28, dove troverà delle pubblicità per la galleria d’arte L'Epoque, della quale Mesens era il direttore. Lei potrà leggervi: abbiamo sempre pronte opere di ... Segue una lista di tutti i grandi nomi dell’epoca, tra cui il mio. E poi vi fu il formidabile crack di Wall Street nel 1929: l'arte moderna non ebbe più valore dall’oggi al domani. Io caddi nell’oblio. Oggi, la mia arte è apprezzata dagli uni, rifiutata da altri. È una questione di gusto personale. Non dimentichi inoltre che io sono un « epurato », un « incivile », un « cattivo Belga », anche se sono stato in seguito « riabilitato »... Sono stato anche decorato, alcuni anni fa, con l’ « Ordine della Corona » … e della Svastika, aggiungono i miei nemici! In breve, non c’è posto per un “surrealista che non è come gli altri”. Certi pretendono che « si abbia paura di me », mentre io credo piuttosto di avere tutto da temere da quelli che vogliono ridurmi al ruolo poco invidiabile di « artista maledetto ». Ma dal momento che non si può ignorarmi, certi speculano già sulla mia morte!

Note
(1) L'attivismo è il movimento collaboratore in Fiandra durante la I guerra mondiale. Leggere, su questo argomento, Maurits Van Haegendoren, Het aktivisme op de kentering der tijden, Uitgeve-rij De Nederlanden, Antwerpen, 1984.
(2) Paul Werrie era collaboratore del Nouveau Journal, fondato prima della guerra dal critico d’arte Paul Colin. Paul Werrie vi teneva la rubrica "théâtre". Alla radio, egli animava alcuni trasmissioni sportive. Queste attività non politiche gli valsero tuttavia una condanna a morte in contumacia, tanto serena era la giustizia militare... Egli visse per diciott’anni in esilio in Spagna. Egli si stabilì in seguito a Marly-le-Roi, vicino a Parigi, ove risiedeva il suo compagno di sventure e vecchio amico, Robert Poulet. Tutti e due parteciparono attivamente alla redazione di Rivarol e degli Ecrits de Paris.
(3) Paul André van Ostaijen (1896-1928), giovane poeta e saggista fiammingo, nato ad Anversa, legato all’avventura attivista, emigrato politico a Berlino tra il 1918-1920. Fonda la rivista Avontuur, apre una galleria a Bruxelles ma, minato dalla tubercolosi, abbandona e si dedica a scrivere, in un sanatorio. Ispirato da Hugo von Hoffmannsthal e dagli inizi dell’espressionismo tedesco, egli sviluppa un nazionalismo fiammingo di dimensioni universali, che contava sulle grandi idee di umanità e di fraternità. Si volse in seguito verso il dadaismo e il lirismo sperimentale, la poesia pura. Esercita una grande influenza sulla sua generazione.
(4) L'Athenée è l'equivalente belga del liceo in Francia o del Gymnasium in Germania.
(5) Maurits Brants ha in particolare redatto un’opera sugli eroi della letteratura germanica delle origini: Germaansche Helden-leer, A. Siffer, Gent, 1902.
(6) Nella sua opera L'épreuve du feu. A la recherche d'une éthique, René Baert evoca specialmente le opere di Keyserling, Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, Montherlant, Nietzsche, Ernst Jünger, etc.
(7) Louis Marie Anne Couperus (1863-1923), scrittore simbolista o0landese, grande viaggiatore, narratore naturalista e psicologico che mette in scena personaggi decadenti, senza volontà e senza forza, in contesti contemporanei o antichi. Prosa di maniera. Couperus ha scritto quattro tipo di romanzo: 1) romanzi familiari contemporanei nella società de l’Aia ; 2) romanzi fantastici e simbolici basati sui miti e le leggende dell’Oriente; 3) romanzi che mettono in scena antichi tiranni; 4) racconti, schizzi e descrizioni di viaggio.
(8) Durante la guerra, Urbain van de Voorde participa alla redazione della rivista olando-fiamminga Groot-Nederland. Durante l’epurazione, egli sfugge ai tribunali ma, come Michel de Ghel-de-rode, è rimosso dalla posizione di funzionario. Dopo questi guai, egli partecipa sin dall’inizio alla redazione di Nieuwe Standaard che riprende rapidamente il suo titolo De Standaard, e diviene il principale quotidiano fiammingo.
(9) Negli anni 20, il frontismo è il movimento politico dei soldati tornati dal fronte e raggruppati nel Frontpartij. Questo movimento si oppone alle politiche militari del Belgio, specialmente alla sua tacita alleanza con la Francia, giudicata atavica nemica del popolo fiammingo, il quale non deve versare una sola goccia del suo sangue per essa. Il movimento si batte per una neutralità assoluta, per dare un’impronta fiamminga all’università di Gand, etc.
(10) Il poeta Wies Moens (1898-1982), attivista durante la I guerra mondiale e studente all’università fiamminga di Gand tra il 1916 e il 1918, sconterà quattro anni tra il 1918 e il 1922 nelle carceri dello Stato belga. Fonda le riviste Pogen (1923-25) e Dietbrand (1933-40). Nel 1945, un tribunale militare lo condanna a morte ma egli riesce a rifugiarsi nei Paesi Bassi per sfuggire ai suoi carnefici. Il è stato uno dei principali rappresentanti dell’espressionismo fiammingo. Sarà legato, all’epoca del Frontpartij, a Joris van Severen, ma romperà con lui per le ragioni che ci spiega Marc. Eemans. Cfr.: Erik Verstraete, Wies Moens, Orion, Brugge, 1973.
(11) I tribunali militari belgi erano presieduti da « uditori » durante l’epurazione. Si parlava ugualmente di "Auditorato militare". Per comprendere l’abominio di questi tribunali, il meccanismo di nomina di giovani giuristi inesperti, di sottufficiali e ufficiali senza conoscenza giuridiche e di ritorno dai campi di prigionia, al posto di giudice, leggere l’opera del Prof. Raymond Derine, Repressie zonder maat of einde? Terug-blik op de collaboratie, repressie en amnes-tiestrijd, Davidsfonds, Leuven, 1978. Il Professeur Derine segnala la definizione del Ministro della Giustizia Pholien, sopraffatto dagli avvenimenti: "Una giustizia da re negri".
(12) Pol Le Roy, poeta, amico di Joris Van Severen, capo della propaganda del Verdinaso, passerà alla SS fiamminga e al governo in esilio in Germania dal settembre 44 al maggio 45. Van Was-senhove, capo distretto del Verdinaso, poi del De Vlag (Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft), a Ypres, viene condannato a morte nel 1945. Sua moglie versa parecchi milioni all’Auditorato militare e ad alcuni « magistrati », salvando così la vita del marito. In carcere, Van Wassenhove impara lo spagnolo e traduce molte poesie. Egli diverrà l’archivista di "Fantasmagie".
(13) De Vlag (= L Bandiera) era l’organo culturale della Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft. Trattava essenzialmente questioni letterarie, artistiche e filosofiche.

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dimanche, 06 mai 2007

E. v. Salomon: apprendre à mourir

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APPRENDRE A MOURIR

Entretien avec Ernst von Salomon

[Ernst von Salomon est mort il y a 34 ans, le 9 août 1972. Peu de temps avant il avait accordé un très long entretien à l'ORTF, retranscrit ici en partie. Plutôt qu'une biographie de plus, voici un texte où Ernst von Salomon revient sur son engagement, sa vie, son oeuvre (et puis d'une part il meilleur écrivain que moi et d'autre part  il connaît mieux sa vie que moi).
Il est l'auteur notamment des Cadets, des Réprouvés, de la Ville et du Questionnaire. Tout honnête homme devrait avoir lu au moins l'un de ces livres. Tout nationaliste doit avoir lu un de ses livres...
J’ai reproduit ce texte à partir de la Revue Exil, n°4-5, automne-hiver 1974  : il est probable que des erreurs se soient introduites  ; merci de me les signaler.
Le titre original de l'article est Apprendre à mourir.
Voici le texte introductif :
Ces pages sont extraites de la traduction d'un important entretien de plusieurs heures accordé en Allemagne les 1er et 2 Juillet 1972 par Ernst von Salomon, un mois avant sa mort aux Archives du XXe Siècle de la Télévision française.
Le questionnaire de base avait été établi par le professeur Claude David, les questions ont été posées par Jean José Marchand. Le texte qui suit est bien entendu allégé des hésitations de paroles et des redites, normales au cours d'un entretien.
Nous remercions Madame von Salomon, l'O.R.T.F., Jean José Marchand et Pierre André Boutang qui ont bien voulu nous autoriser à reproduire ces pages gracieusement.]
Apprendre a mourir (*) par Ernst Von Salomon.
-A onze ans vous quittez votre famille pour devenir pensionnaire. Parlez-nous de cette expérience  :
E. S. Nous habitions Francfort où mon père était fonctionnaire de la police. Je suis allé dans une «Musterschule», excusez l'expression qui signifie «école très privilégiée, puis au Lycée Lessing, très coté. Mais je ne m'y suis pas trop bien distingué et mon père m'a inscrit au Kadettenkorps, les Cadets Royaux de Prusse, tout d'abord à Karlsruhe. Je n'eus pour ainsi dire plus de contact avec ma famille. J'étais «cadet», je découvris une nouvelle patrie, un monde nouveau.
Monde très dur. L'éducation dans le Kadettenkorps, avait un but précis, comme je l'ai raconté dans mon livre Les Cadets. Notre première leçon nous fut donnée par un lieutenant : «Messieurs». – car à dix ans on nous disait déjà vous –, «Messieurs, vous êtes ici pour apprendre à mourir».
Cela m'a beaucoup plu ; je trouvais que c'était magnifique : les vertus qui me furent enseignées étaient les plus fortes qui peuvent jaillir de l'idée de nation ; elles ont déterminé toute mon existence. Je suis un cadet, avec une éducation de cadet – quoique je doive avouer que je n'aimais pas être cadet. Si cette éducation m'a marqué, c'est au delà des idées politiques ou nationales. Le mot «Prusse» renferma pour moi une patrie, non point par le hasard biologique de la naissance, mais comme notion spirituelle. Je ne trouve dans aucun autre Etat une idée «nationale» comme elle vivait alors en Prusse. Quand je dis que je suis Prussien, je ne veux pas dire que la Prusse pourrait renaître dans s'a forme antérieure – cela, c'est mort, – ou qu'elle puisse être reconstituée, ou qu'il existe une couche sociale assez importante pour faire revivre la «Prusse». Non. Elle a existé en tant qu'exemple, par l'esprit, l'esprit prussien. Attention encore : il n'existe pas de philosophie prussienne, de conception prussienne. Il existe une attitude prussienne. J'ai beaucoup étudié Bismarck, qui est considéré comme le prototype du Prussien. Mais vous ne trouverez le mot «Hegel» ni dans ses livres, ni dans ses discours, ni dans ses lettres. Or tout le monde dit que Hegel est l'inventeur, le philosophe de l'idée nationale prussienne. Bismarck a fait ses études à Göttingen au moment où Hegel, le grand philosophe de la prussianité, enseignait à Berlin, Hegel, célèbre dans le monde entier et qui biologiquement n'était pas Prussien lui non plus mais Souabe. Or c'est la vie de Bismarck qui démontre, si je puis employer ce mot, ce que je veux dire. Il vivait de l'expérience, de l'attitude, de la tradition de la Prusse.
-Votre âge ne vous permet pas de participer à la Première Guerre Mondiale. Voudriez-vous nous parler de cette période?
E. S. Ah oui, voyez-vous, cela s'y rapporte étroitement. Lorsque la guerre tira à sa fin je n'avais plus qu'un seul désir : y participer. J'étais encore trop jeune, je ne le pouvais pas. A ce moment-là, dans le Kadettenkorps, nous priions pour que la guerre continue afin d'y ailler ; c'est le véritable esprit de ce corps ; dans la préface de mon livre Les Cadets, j'ai écrit que je rends honneurs aux Cadets de Saumur qui ont attaqué les chars allemands en uniforme d'apparat ; ce qui signifie que, selon moi, l'esprit du corps était vivant chez eux, même s'ils n'étaient pas des Prussiens, même s'ils étaient des Français. J'aimerais dire que, pour moi, Clemenceau, De Gaulle, en tant que personnages, en tant qu'hommes politiques, qu'hommes d'Etat, sont des Prussiens français. C'est un peu exagéré, mais vous voudrez bien comprendre. Cet esprit me mena tout droit, lorsque vint la débâcle, en 1918, dans de Freikorps, les corps francs. Je me suis joint aux soldats et très rapidement ces soldats, au sein de la révolution, devinrent soldats de l'Etat ! C'était l'Etat qui m'importait. Naturellement, j'étais monarchiste. Mais même en tant que monarchistes il nous fallait être plus fermes que le monarque, qui avait fui. Nous sommes donc restés, mais nous n'avions rien à voir avec les buts politiques que nous servions.
C'était la «révolution». En Allemagne nous n'avions pas de révolution mais une guerre civile latente, au début des années vingt ; le prolétariat s'est vraiment battu dans les rues ; mais la bourgeoisie s'est fait défendre par les corps francs qui, au fond, n'avaient absolument rien à voir avec la bourgeoisie, étant aux frontières et à l'intérieur, au service de l'idée de l'Etat.
-En 1920- vous avez 18 ans- éclate le putsch de Kapp et Ludwig. Vous avez quelquefois salué cet événement comme un acte positif, destiné à restaurer l'autorité. Quelquefois aussi vous en avez parlé avec scepticisme.
Qu'en pensez-vous aujourd'hui?
E. S. Cela aussi ressortit de l'esprit du Freikorps, que j'aimerais désigner comme l'esprit prussien.
C'est une chose bien étrange. Je sentais qu'une révolution se préparait. Une révolution commence par la révolte des idées et finit sur les barricades. Et nous, du fait de la démence de l'histoire, nous montâmes sur toutes les barricades, mais nous n'avions pas encore précisé nos propres idées. Il fallut tout repenser : le concept de l'Etat, le concept de la nation, tout ce qui, jusque là, avait servi de base à la pensée politique.
Ce fut la seule bénédiction des années vingt, les «années dorées» comme on dit quelquefois, ces années vingt qui considérées du point de vue historique, ont été des années atroces : une tentative de renouvellement grandiose, une tentative qui étouffa les vieilles formes de la démocratie ; car je veux encore une fois insister là-dessus : jusqu'à ce jour, la démocratie n'a pas été reconnue par nous, les Allemands, elle nous a été imposée après que nous avons perdu la guerre, et non dans les formes où nous aurions peut être pu la créer nous-mêmes. Et il en est encore ainsi aujourd'hui.
J'ai participé à tous les putsch. J'ai participé au putsch Kapp, en 1920, dans la formation de la Brigade Erhardt, mais ce putsch devait échouer et pour moi, il est bon qu'il ait échoué, parce que les conditions qui auraient pu, à l'époque, placer le pouvoir entre les mains des nationalistes allemands, étaient absentes ; et ce pouvoir, ils n'auraient pas pu l'utiliser correctement. Dès que j'eus compris que les conditions spirituelles de ma volonté politique n'existaient pas, je me suis jeté dans l'action.
J'étais très jeune. J'avais seulement dix-neuf ans lorsque je me trouvai mêlé à l'événement qui détermina toute mon existence d'une façon bien différente de ce que j'avais imaginé.
Je suis allé rejoindre la petite troupe – Goethe a dit qu'on doit toujours se joindre à la plus petite troupe – ; j'avais choisi la plus petite et la plus active, celle du Capitaine Erhardt lorsqu'il avait fait sa tentative. Le putsch avait échoué. Nous avons lutté alors en Haute Silésie et aux frontières, en tant que formation d'auto-défense. J'ai également participé aux actions contre les séparatistes en Rhénanie ; puis je suis entré dans les milieux de la «Warte» et là nous n'étions que quelques uns, une trentaine, les plus actifs des corps francs, de la brigade des volontaires d'Erhardt.
La vraie tête du mouvement était un jeune homme de vingt quatre ans, Erwin Kern. Kern – vous allez voir tout de suite que c'était de nouveau le destin, puisqu'au Kadettenkorps on m'avait enjoint : «Vous êtes ici pour apprendre à mourir» – Kern partait du point de vue : «Nous ne nous sommes pas tirés une balle dans la tête lorsque nous avons perdu la guerre donc nous 'avons violé notre serment au drapeau : au fond, nous sommes déjà morts». C'était auparavant, je tiens à le dire, la devise des anarchistes. Je suis devenu auteur d'attentats, avec la volonté, la conscience que cela signifiait ma mort.
A cette époque j'ai compris le principe de la troupe perdue du Moyen-Age. Lorsque les deux armées s'approchaient, formaient deux masses porteuses de lances, entre les deux se lançait la Troupe Perdue. Des gens qui ne possédaient qu'une longue épée qu'ils tenaient à deux mains, qu'on ne pouvait tenir qu'à deux mains. Ils arrivent, se précipitant sur la masse ennemie, pour ouvrir une brèche. Si, du premier coup, ils n'y parvenaient pas, ils étaient transpercés par les lances. Cette conception romanesque, acquise dans la lecture, mais correspondant à mon éducation, me lia à Kern.
Jusqu'a ce moment, L'O.C. n'existait pas. On savait dans la police prussienne, que le capitaine Erhardt continuait son agitation en Bavière et qu'il opérait sous le nom d'un consul. La police nomma cela : l'Organisation Consul. Lorsque nous l'avons appris, cela nous a beaucoup plu, car cette formule magique, inventée par la police, nous ouvrait toutes les portes. La proportion de ceux qui voulaient nous aider était très importante. Nous n'avions qu'à entrer et à dire : «Ordre du Chef, organisation Consu1» nous obtenions ce que nous voulions. Nous avons reçu des voitures, des armes. Nous voulions liquider tout ce qu'il y avait en Allemagne comme politiciens favorables à la politique «réaliste». Nous voulions les tuer les uns après les autres, jusqu'à ce que le peuple se réveille.
(C'était, encore une fois, une idée erronée de la révolution.)
Lorsque nous avons, par exemple, tué le ministre Rathenau – il était le plus important de tous – le peuple s'est soulevé, mais contre nous. Malgré la grande vague nationaliste. Une heure après l'attentat, je savais qu'encore une fois nous nous étions trompés, qu'encore une fois nous avions complètement échoué. Je savais aussi que tout au long de ma vie je demeurerais à l'ombre de cette affaire ; pourtant j'avais le sentiment que, si l'on se trouve dans l'ombre, on ne peut en sortir qu'en projetant sa propre lumière.
En effet le capitaine Erhardt, chef de l'organisation Consul, a condamné le meurtre de Rathenau – qu’Ernst Jünger d'ailleurs n'a pas approuvé. Or Rathenau a été assassiné juste à son retour de Rapallo, c'est-à-dire au moment où il venait d'inaugurer la politique de rapprochement avec la Russie et beaucoup de conservateurs étaient favorables à cette politique de rapprochement avec la Russie. Voudriez-vous nous expliquer cette situation complexe?
E. S. Oui, j'avais naturellement le point de vue du garçon de dix-neuf ans que j'étais alors, sans vue générale de l'ensemble. Rathenau ventait – ce n'était pas à Rapallo, mais à Gênes – de mettre au point avec l'Ouest, surtout avec Lloyd George, un règlement raisonnable des dommages de guerre beaucoup trop lourds infligés à l'Allemagne. C'est Poincaré qui a pour ainsi dire poussé Rathenau à se mettre d'accord avec les Russes, afin de s'assurer une contrepartie en face des exigences françaises. Il s'est aussitôt mis en relation avec Lloyd George. Mais la politique française a su faire craindre que l'accord entre les Russes et les Allemands inaugurait une alliance future qui aurait pour but d'exercer un chantage sur la France, c'est-à-dire contre l'Ouest -ce qui n'était pas du tout dans les intentions de Rathenau. Comme vous le savez, encore tout récemment, le Chancelier Adenauer ne voulait guère entendre parler de Rathenau à cause de Rapallo. Il disait : «Plus jamais de Rapallo, plus jamais d'alliance avec les Russes, car cela nous éloigne de l'Occident».
Nous les jeunes, nous sommes arrivés pleins d'élan au beau milieu de ces circonstances compliquées et avons dit : «Nous ne voulons rien payer du tout». Ce fut le côté passionnel de cette affaire. L'erreur, c'est que nous pensions pouvoir mener à bien une révolution. Cette révolution n'eut pas lieu. Il est vrai que certains groupes politiques, déjà à cette époque, menaient une politique très personnelle. Je ne parle pas des nationaux-socialistes, je parle de l'Armée, de la Reichswehr. Je veux dire que déjà à cette époque l'Abwehr, Seeckt, le général de Seeckt, avait d'importantes relations avec les Russes, que les aviateurs allemands étaient formés en Russie, des troupes armées allemandes également. A un moment donné Rathenau a dû reconnaître que sa politique de Rapallo ne pouvait être acceptée par les Français. A cette seconde-là, à cette seconde historique, nous sommes arrivés sans rien savoir, nous avons tiré. C'est cela, notre faute ; nous avons mis fin à la possibilité d'une politique qui était absolument adéquate et aurait pu nous faire progresser politiquement.
Un homme comme le capitaine Erhardt l'avait compris ; cet homme n'a jamais été ce pour quoi nous le faisions passer, c'est-à-dire un combattant actif. Certes c'était un homme d'action ; et les jeunes hommes qui le suivaient étaient des hommes d'action ; et lorsque ces hommes dépassaient les bornes – c'est tout à son honneur – il se mettait devant eux, leur servait de bouclier. Le capitaine Erhardt est mort récemment, à l'âge de 90 ans et, jusqu'à la fin, lui et moi nous étions plutôt sceptiques l'un vis-à-vis de l'autre, car j'étais l'autre, car j'étais l'un de ces jeunes gens qui avaient été couverts par lui sans qu'il ait pu les rallier à sa politique. Je crois qu'il a été brisé par nous, le capitaine. Sa conception était beaucoup plus simple, dirigée vers la droite bourgeoise ; nous étions contre la bourgeoisie, nous étions pour l'aventure, pour la révolution, une révolution dirigée aussi contre la bourgeoisie.
-Dans votre œuvre il n'y a pas une phrase antisémite et votre compagne a été longtemps une Juive. Mais pourquoi l'antisémitisme était-il à ce moment-là si puissant en Allemagne?
E. S. Non, il n'y avait pas d'antisémitisme en Prusse, il n'y jamais eu de ghettos en Prusse.
Lors d'une réunion de la Diète, au siècle dernier, la question a été posée concernent les Juifs : «Pourquoi un Juif ne peut-il devenir officier en Prusse? Ou fonctionnaire?» Et Bismarck, comme député conservateur, a répondu en mettant tout sur le compte de la religion : «Lorsqu'un Juif pratiquant devient fonctionnaire, ou officier, il se trouve nécessairement en conflit avec sa conscience par le simple fait que les Juifs respectent le sabbat et ne peuvent faire quoique ce soit pendant leurs jours fériés, cela crée un conflit avec leur conscience».
Or Rathenau n'a jamais appartenu à aucune communauté juive. Bien des gens ne savaient même pas qu'il était juif. Dans ses ouvrages il a parlé des «hordes asiatiques dans les sables brandebourgeois». Il était cuirassier et lorsque, comme cuirassier, il a voulu devenir officier dans son régiment, il n'a pas pu le devenir. On lui a dit : «Il faut d'abord vous convertir, changer de religion». Alors Rathenau a dit non, parce qu'il ne pouvait pas le faire à ce prix. Non pas parce qu'il professait le judaïsme, mais parce qu'il considérait cette manière de poser le problème comme fausse.
Mais il y avait aussi en Prusse des provinces qui étaient catholiques. Là il y avait eu des ghettos, et là les Juifs durent lutter pour leur liberté.
-Le chant de la Brigade Erhardt commençait par : «Croix gammée aux casques d’acier». Mais que signifiât la croix gammée pour ces jeunes gens ?
E. S. La croix a des crochets ; on parle de roue solaire ou de choses comme ça. Mais le crochet représente le doute, un doute envers la Croix, parce que la Croix est un emblème universaliste, celui d'une religion destinée à tous les peuples. Il y a toujours quelque chose de païen dans la croix gammée.
En France, ce n'est qu'au pays basque qu'on trouve également la croix gammée, tournée à l'envers d'ailleurs. Un Français nous éclaire à ce sujet : Gobineau avec sa théorie des races a joué un rôle important dans la littérature allemande et les nationaux-socialistes s'en sont inspirés tout les premiers ; on a, en littérature, évoqué la pureté de la race, quoiqu'aucun autre peuple ne soit aussi mélangé que le peuple allemand. Mais pour nous, c'était l'aspiration vers une unité, qui s'exprimait par la croix gammée. D'ailleurs cet emblème était parfois porté par la Brigade Erhardt, certains préféraient la tête de mort. C'est une très curieuse conception que de se sentir ainsi lié à la mort. Clemenceau l'avait déjà constaté, il a dit : «Les Allemands aiment la mort. Cela les différencie de tous les autres peuples.» Ceci s'applique aux Prussiens et non aux autres Allemands. Ils aiment la mort.
-Après le meurtre vous vous rendez à Munich, auprès du Capitaine Erahrdt ; je voudrais que vous nous reparliez de la personnalité d’Erhardt.
E. S. (en français) C'est comme ça, alors il était mon capitaine, il était le commandant de la formation où j'étais et je le connaissais. Eh bien, il était officier de la marine. Son père était pasteur à Lorach et la famille venait de Suisse. Alors il n'était pas Prussien. Dans la marine allemande, il y avait beaucoup d'Allemands du sud.
Mais je parle tout le temps en français ! Voilà ce que c'est, voyez-vous !
(en allemand) Je vais maintenant poursuivre en allemand. Erhardt n'était pas un homme politique éminent. C'était un soldat honnête et il couvrait ses hommes. Il voulait rassembler toutes les organisations nationales. Or parmi ces organisations il y avait aussi un tout petit parti – sept hommes –, avec un homme à sa tête qui savait parler. Cela, aucun des vieux officiers, comme aucun de nous, ne savait le faire. C'est ainsi qu'Hitler a été engagé par le bloc national, comme on le nommait, en tant qu'orateur. C'est en tant qu'orateur qu'Hiler est devenu influent, qu'il s'est approprié toutes les idées qu'on lui apportait, qu'il les a essayées, en retenant tout ce qui pouvait attirer les fouies.
Constatons qu'Hitler a toujours indiqué pour profession : «écrivain», mais il a toujours déclaré dans ses discours que les grands révolutionnaires de l'histoire mondiale n'étaient jamais des écrivains, toujours des orateurs. Là il avait tout à fait raison. C'est un fait certain que les grands héros populaires n'étaient pas des intellectuels mais tous des orateurs. Or nous, à l'opposé d'Hitler, nous étions pour l'Etat et non pas pour le peuple. C'est peut-être sur ce point là que la divergence de notre pensée, au sein du nationalisme allemand, a été la plus révélatrice.
- Les Réprouvés ont été un succès mondial et je voudrais vous poser deux questions à ce sujet. Première question : les raisons de ce succès en Allemagne sur le plan littéraire, dans la mesure où il marquait définitivement un retour à l'objectivité contre l'expressionnisme (dans votre manière de traiter a prose allemande).
Deuxième question : son contenu.
E. S. Pendant mon procès, je voyais le tribunal comme un ensemble qui fonctionnait merveilleusement mais qui ne me concernait pas. Mon procès à moi était intérieur, mon expérience de l'affaire ; les faits évoqués par le tribunal n'avaient aucun rapport avec mon acte. J'avais le sentiment que je devais opérer une synthèse à partir de cette schizophrénie des faits, du procès et de l'expérience intérieure de l'accusé. En prison j'ai récapitulé et j'ai essayé de raconter cette histoire. Cette façon d'écrire fut ressentie comme nouvelle parce que j'avais «découvert» – (si j'ose me servir d'une expression qui est, je crois, de Le Corbusier), le «roman-documentaire». Evidemment cette expression est inexacte. Mon livre n'est pas un rapport sur des choses vécues, mais une tentative pour confronter les expériences intérieures avec les expériences extérieures. Or l'objectivité [Sachlichkeit] ne peut pas le faire. L'expressionnisme n'a pas pu le faire non plus, il n'était qu'extase, il ne se frottait pas à la dure vérité des faits. Dans mon récit les faits étaient vécus et l'extase devait s'enflammer à leur contact.
Il en a toujours été ainsi, dans tous mes livres ultérieurs. Ainsi dans Le Questionnaire où je me suis servi de simples questions objectives, entremêlées, pour raconter le procès vécu, pour dérouler le fil rouge des faits avec tout ce qui s'y trouvait.
Après la première guerre mondiale, dans les années vingt, les «années dorées», quelque chose a surgi qui n'exista même plus après la deuxième guerre mondiale : une formidable littérature de guerre. Tous ceux qui s'y étaient trouvés mêlés écrivaient sur la guerre. L'un des plus grands fut Ernst Jünger. Il avait participé à la guerre comme officier dans les tranchées, comme petit lieutenant, puis il a écrit un livre qui, pour moi, encore maintenant, est l'ouvrage le plus vrai sur la première guerre mondiale [NDMSR : Orages d’Acier]. Car celui qui désire savoir ce que c'est qu'une sape, il le trouvera dans son livre ; celui qui veut savoir comment cela se déroule, par le détail, il l'y trouvera ; mais il a su faire plus que cela, ce que personne d'autre n'a fait, il a posé la question : quel est le sens de cette guerre? C'est la première fois que l'homme en la personne du guerrier, rencontrait la matière. La matière, l'écrasante matière. La matière était, ou pouvait être, la plus forte, mais pas pour l'individu. Pour l'individu, ce qui comptait, c'était de faire ses preuves devant la matière et cela, à mon avis, c'est la venue d'une ère nouvelle, d'une nouvelle ère historique. Pour la première fois, les choses s'émancipent, la matière face à l'homme. Moi aussi, pendant ma première détention, et plus tard, pendant ma seconde détention à Moabit, je me posai la question quant au sens de mon action. C'est cette question là qui me mena vers Ernst Jünger.
Nous fondâmes alors, nous essayâmes d'écrire une nouvelle encyclopédie, parce que je continuais mes activités révolutionnaires… je me prenais pour un révolutionnaire. Je disais : ce que je veux maintenant, c'est la révolution de l'esprit. Par où faut-il commencer? Les Français nous l'ont enseigné : écrire une nouvelle encyclopédie, réviser tous les concepts. Nous l'avons fait. Et les jeunes écrivains ont surgi sur la droite, ce qui a épaté le monde. Jusque là c'était la phrase de Thomas Mann qui comptait, reprise ensuite par tous les hommes de lettres : «A droite il n'y a pas d'esprit. L'esprit n'est pas à droite, il est à gauche.»
Moi je me disais : «La droite ou la gauche, cela ne me concerne pas. Le parlementarisme, qu'en ai-je donc à faire ? C'est l'affaire de ceux qui siègent au parlement. Ce qui m'intéresse se trouve dans le conservatisme : l'esprit de corps. Soudain nous pensions reconnaître l'Etat dans son élément premier, dans l'esprit de l'ordre. Les associations portaient alors le nom d'Ordre des Jeunes Allemands. L'«Ordre», en tant que cellule germinale de l'Etat, c'est cela que nous cherchions. Nous l'avons trouvé. Mais quand nous l'avons exprimé on ne nous a pas compris, car entre temps une grande vague avait déferlé au-dessus de nous, la vague du national-socialisme, qui n'acceptait pas nos thèmes. Nous posions comme nouveau principe : Qu'est-ce que l'Etat ? Qu'est-ce que la nation ? Qu'est-ce que le peuple ? Et soudain nos réponses retentirent dans toutes les rues, à 1a radio, partout ; mais le national-socialisme utilisa toutes nos conceptions à contresens. Du point de vue intellectuel c'était Dieu et le diable. La falsification de toutes nos idées. Nous ne pouvions pas nous allier avec lui ; peut-être étions nous les seuls qui ne pouvaient pas accepter un compromis avec lui, avec Hitler, avec ce qu'il apporta [cf. plus haut le passage où Ernst von Salomon explique l’opposition fondamentale entre la conception d’un ordre prussien hiérarchique étatique et la conception démocratique plébiscitaire d’Hitler]. Nous l'avons expliqué, cela fut très bien compris. Entre temps Jünger et moi nous étions devenus si connus à travers le monde qu'il ne pouvait pas risquer de prendre des mesures contre nous.
(en français) Il a fait des grands mots. Quand il a parlé, tout le monde… il était comme un dieu et tout était parfait. Mais c'était le diable, le Grand Inquisiteur de Dostoïevski, pour nous. Je voudrais continuer en allemand.
(en allemand) .Toute la littérature d'Hitler, toute sa théorie, son Rosenberg avec son livre, sa vision du monde, tout cela n'est pas vrai. Il est allé chercher sur toutes les étagères ce qui lui semblait efficace sur le moment, il l'a présenté comme étant la vision du monde national-socialiste. Il n'existait pas de vision du monde national-socialiste ; il n'existait pas de philosophie national-socialiste ; c'était un ramassis des opinions les plus absurdes.
Vous ne pouvez pas avoir idée, il ne savait rien de Hegel, il ne savait rien, de rien, rien. La race ça n'existe pas. Sa race à lui ? mais regardez-le ! Où est la race ? Où est la figure germanique ? Hess ! Goering ! Où ? Où ? Dans les Waffen SS ! Ah oui, Himmler ?… Les Allemands sont devenus fous, fous. Et après, quand les Américains sont arrivés, ils sont devenus, aussi, fous.
(traduction de Simone COULTER).

mercredi, 02 mai 2007

Conversing with A. Zinoviev

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Conversing with Alexander Zinoviev

We all remember the great Soviet dissident Alexander Zinoviev, a lucid analyst not only of all the odds of the Soviet regime but also and especially of all the odds of the human soul, which lead unequivocally to all those forms of rigid totalitarianism. Today Zinoviev criticizes ”Westernikism” with an equal vigor as he criticized Soviet power before. “Westernikism” is in his eyes an American version of a Gleichschaltung of the human soul, which is equally mutilating as the former Soviet version. Because he formulated his sharp critiques under Breshnev's Soviet Union, he was deprived of his Soviet citizenship in the Seventies. Zinoviev was compelled to live a long exile abroad, in Munich in Bavaria, a City which gave a safe harbour to many more Russian emigrations. Zinoviev is now disgusted by the dominant "Westernikism" in the world and cannot accept its haughtiness. He decided thus to leave the West to go back to his Russian homeland. His last work published in Switzerland, La grande rupture (The Big Rupture; ed. L'Age d'Homme, Lausanne) is pushing and assaulting, but without any illusion, full of bitterness and lucidity. A lucidity that will lead him soon to be deprived of his access right to the main media, for having asserted clearly and sharply some truths that aren't universally accepted. Our correspondent in Paris, Xavier Cheneseau, met ex-Soviet dissident Zinoviev during one of his last stays in the French capital. Zinoviev was attended by his publisher and interpreter Slobodan Despot, who translated into French the Russian answers of the philosopher.

Q.: What do you mean by a "Big Rupture" in your book and which is the central topic of it?

AZ: The Western-European civilization is doubtless the greatest civilization of history. Its apex was incarnated by the development of the main Nation-States as Germany, Italy, Britain and France. At the beginning of the 20th century, the idea appeared of a definitive decay of this civilization, that from then on was perceived as exhausted and mortal. Today one thing is certain: after having allowed the development of a superior organization system, the Western European civilization undergoes history and is not making it anymore. The rupture, that I define in my book, appeared immediately after the Western victory in the Cold War, followed by the crumbling down of the Soviet Block and the transformation of the United States in the only remaining Super-State of our Planet, ruling the entire Western world without any serious challenger.

Q.: According to you, how things evolved towards this situation?

AZ: You can explain it by saying that a new level of an organization that is superior than the one ruling the Western societies, was created, also by the fact that all Western societies were integrated in one single unity, which is a super-civilization, in comparison with the Western civilization, and, endly, by the fact that a World Order was instaured under the leading of the Western world. I was astonished some years ago to state that there was a real and a virtual dimension in every thing. The virtual world is now the dominant culture of nowadays people. In fact, people today perceive the real world through the expedient of this virtual world. They only perceive what the virtual world authorizes them to see. The virtual world doen't express the world as it is in plain reality.

Q.: According to you, do we still live in a democracy in the context of what you are describing us?

AZ: If you want a democracy to exist actually, you need to accept the possibility of a choice, thus you need plurality. During the Cold World, there was a plurality in the world, i. e. the actual possibility of a democracy: you had the coexistence of a communist system, of a capitalist system and of a group of other countries, which were named the "non-aligned". The Soviet Block was influenced by the critiques from the West and the West was influenced by the Soviet Union, due to the fact that communist parties were active on the political checkboards of the Western States. Today, you have only one ideology left, which serves exclusively the one-worldists. The belief that the future of human kind doesn't lay in communism anymore but in americanism (the superior form of Westernikism) is a belief shared by a majority of Westerners.

Q.: Nevertheless in Europe and notably in France, you find, despite of all, political forces that still oppose this general trend…

AZ: The shear existence of those forces is only virtual, it is not real. Look and you will see that this kind of opposition is more and more formal. As a proof, look at the attitude of the European political class during the war against Serbia. Almost unanimously, this political class supported the aggression against this sovereign and free nation.

Q.: Are we then allowed to talk about totalitarianism?

AZ: Totalitarianism spreads itself everywhere because the supranational structure impose its rule and law to all nations. There is a non democratic superstructure, which is giving orders, punishes, organizes blocades, bombs and lets people starve. Financial totalitarianism submitted the political powers. Totalitarianism is a cold ideology. It has no feelings and expresses no pity. Besides, we must accept the fact that people do not resist a bank, but can eventually compel any political dictature to handle or leave power.

Q.: Nevertheless, we can say that the system can explode due to the social situation in our countries…

AZ: Please, don't display naively illusions. Movements of that sort aren't possible anymore, because the working class has been replaced by the workless, who are in an extremely weak position, and only aspire to one thing; to get a job.

Q.: If I follow your words, you tell me that our societies aren't democratic…

AZ: The historical period of the all-pervading democracy of Western style belongs now to the past, because the end of communism introduced us fully in the post-democratic era.

Q.: Which is the role and the power of the media in such a situation?

AZ: The role of the media is that of a very important bolt that can work owing to a genuine sphere, which extends without measure the presence and the activity of the capital and the State's interests. It's one of the main pillars on which the Western system settles. The media represent the most powerful instrument to shape the tastes and the forms of knowledge shared by the big mass of people in the world. Today the media represent a real instrument to influence directly the masses. The media interfere in all the sphres of society: sports, everyday life, economics and, of course, politics. Everything becomes an aim for the media. They exert a totalitarian power on the people living nowadays, and even worse, they arrogated for themselves the function of the great arbitrator in the ideological choices.

Q.: How can we in your eyes organize the struggle against this "media-cracy" that surrounds us?

AZ: It's an historical struggle. We are the witnesses of history but we also take a part in it. We have to take into account the historical time because we have to bring thousands and even millions of people into movement, without having the certainty to win the battle. We have to take into account the fact that millions of people are today the victims of the mediatic contagion. We simply have to take the exemple of the war against Serbia to state that the number of contaminated people is huge. Moreover we must be always on the look-out in order that our attention may not be deviated by the mediatic smoke curtain.

Q.: How do you see the access to power of Vladimir Putin?

AZ: Putin's access to power is indeed the first sign of an interior resistance against globalization and americanization. But Putin's success depends in the end and despite of all from factors that are exterior to Russia.

Q.: We hear a lot about a survival of communist ideology in Russia today…

AZ: What do yo mean? Ideas are eternal. The marxist form of communism in Russia has been severely defeated. It survives marginally but isn't operational anymore. Today you cannot start anything with this ideology. As a proof, I would mention the Russian Communist Party itself, which doesn't evoke the Revolution anymore. The communists don't refer to the dictature of the proletariat and evolve even towards liberalism in a certain way.

Q.: Mr. Zinoviev, we thank you for this interview.

(Interview taken for "Synergon" by Xavier Cheneseau and translated into French by Slobodan Despot and into English by Robert Steuckers).

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jeudi, 15 mars 2007

Interview mit Dr. Sunic, kroatischer Schriftsteller

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Interview mit Tomislav Sunic, kroatischer Schriftsteller

Tomislav Sunic, 1953 in Zagreb/Agram geboren, ist Autor von drei wichtigen Büchern Against Democracy and Equality. The European New Right, Dissidence and Titoism (beide bei Peter Lang, Bern/Frankfurt a. M.) und Americka Ideologija ( Die amerikanische Ideologie). Wegen politischer Dissidenz mußte er 1983 in die Vereinigten Staaten emigrieren, wo er in der California State University von Sacramento und in der University of California in Santa Barbara studierte und promovierte. Er hat in den USA für verschiedenen Zeitschriften geschrieben und hat in der California State University in Long Beach und in dem Juniata College in Pennsylvanien doziert. Seit 1993 ist er zurück in Europa. Heute schreibt er für Chronicles of American Culture und für Eléments (Frankreich).

Dr. Sunic, in welchem Familienkontext sind Sie aufgewachsen? Welche ideologische Einflüße hat ihr Vater auf Ihnen gehabt?

Mein Vater war Anwalt, hat politische Dissidenten verteidigt, wurde zweimal wegen politischer Nonkonformität im kommu-nistischen Jugoslawien eingesperrt. Er war antikommunistisch und stark vom kroatischen Bauernkatholizismus geprägt. Amnesty International hat ihn als Mustergefangenen adoptiert, weil er 1985 der älteste politische Gefangene im kommunistischen Osteuropa war. Die FAZ und Die Welt haben sich auch für ihn engagiert. Wir lebten in sehr bescheidene Umstände, wir hatten weder Fernsehen noch Pkw. Mein Vater war der Meinung, nur Bücher machen eine richtige Bildung. Wir wurden ständig schikaniert und mein Vater verlor bald das Recht, seinen Beruf auszuüben. Er war während des Krieges nicht Mitglied der Ustascha, stand eher kritisch dem kroatischen Staatswesen von Pavelic gegenüber. Mein Vater war Domobran, d. h. in der Einwohnerwehr. Heute ist er 83 und hat 1996 seine Memoiren unter den Titel Moji "inkriminari" zapisi ( Meine "inkriminierten" Papiere) publiziert, wobei er im neuen kroatischen Staat viel Aufmerksamkeit geregt hat.

Aber wie würden Sie ihre eigenen philosophisch-ideologischen Weg beschreiben?

Um es kurz zu fassen, bin ich ein "reaktionärer Linke" oder ein "konservativer Sozialist". Ich gehöre keiner Sekte oder keiner theologish-ideologischer Partei. Ich war antikommunistisch wie mein Vater, aber, als ich jung war, nahm meine persönliche Revolte den Gewand des Hippismus. Ich pilgerte nach Amsterdam, danach nach Indien im kaschmirischen Srinagar und in der Stadt Goa. Der Ersatz zum Kommunismus war für mich die hippy Gemeinschaft. Ich war gegen alle Formen von Establishment, egal welche ideologische Gestalt es hat. Aber ich verstand sehr bald, daß der Hippismus auch eine traurige Farce war. Um es salopp auszudrucken: Eben beim Joints-Rauchen, haben die Hippies eine Art Hierarchie mit aller möglichen Heuchelei reproduziert. Das gilt auch selbstverständlich für den Feminismus und den Schwulenbewegungen. Mein einziger Trost war das Lesen der großen Klassiker der Weltliteratur. Die sind die richtigen Antidoten zum Konformismus. Als Kind las ich Tintin (dt. Tim) auf französisch, Karl May auf deutsch sowie den Dichter Nikolas Lenau. Als Jugendlicher las ich weiter deutsche, französische und englische Bü-cher. Mit dieser klassischen Bildung und meiner Hippy-Erfahrung, habe ich dann die Rock-Musik entdeckt, u. a. "Kraftwerk" und Frank Zappa, der zur gleichen Zeit Anarchist, Pornograph und Nonkonformer war. Zappa war für mich sehr wichtig, da er mich die Realsprache gegen alle Heucheleien der etablierten Gesellschaft gelernt hat. Mit ihm habe ich das amerikanische Slang bemeistern können, die ich oft benutzt in meinem Schreiben, um das links-liberale Establishment diesmal konservativ aber immer ironisch und höhnisch zu bespotten.

Können Sie uns ein Paar Worte über ihre Studien sagen?

In Kroatien zur Zeit der kommunistischen Herrschaft habe ich Literatur, moderne Sprachen und Vergleichende Literatur studiert. Ich war 1977 fertig. Ästhetisch und graphisch konnte ich den Jugo-Kommunismus nicht mehr ertragen, Betonsprache und balkanische Vetternwirtschaft machten mich kotzen. 1980 nutzte ich die Gelegenheit, für ein jugoslawisches Unternehmen in Algerien als Dolmetscher zu arbeiten. 1983 emigrierte ich in den Vereinigten Staaten. Dort las ich wiedermal die nonkonforme Literatur. Damals waren meine Lieblingsautoren Kerouac und der Franzose Barbusse; weiter habe ich Sartre gelesen, weil er nicht nur Linker sondern ein bissiger Entlarver war, ohne Hermann Hesse zu vergessen, weil er mich an meine Indien-Reise erinnerte.

In den Vereinigten Staaten haben Sie den amerikanischen Neo-kon-servatismus entdeckt?

Zuerst muß ich sagen, daß der amerikanische Neokonservatismus nicht mit dem europäischen gleichgestellt sein kann. Links, rechts, was heißt das heute? Ich teile die Leute in Konformisten und Nonkonformisten. Der Mann, der mich in diesen Kreisen beeindruckt hat, war Thomas Molnar. Er war damals mein Mentor, weil er Ungarn und Angehöriger des ehemaligen k.u.k-Kulturraumes ist. Molnar ist ganz und klar Konservativer aber er bleibt ein Mann mit Ironie und sehr viel Humor. So trifft er immer das Wesentliche. Der Schmitt und Hegel-Spezialist Paul Gottfried übte auch auf mich einen tiefen Einfluß. Danach habe ich Paul Fleming kennengelernt, der die Zeitschrift Chronicles of American Culture leitet. Ich bin Autor der Redaktion seit mehr als zehn Jahre. Aber Rebell bin ich geblieben, deshalb interessierte ich mich intensiv für die sogenannten europäischen Neue Rechte bzw. den Neo-konservatismus Europas mit Mohler und seinem heroischen Realismus, Schrenck-Notzing und seiner Feindschaft jeder öffentlichen Meinungsdiktatur gegenüber, Kaltenbrunner und seiner Faszination für die Schönheit in unserer geistigen Trümmernwelt, Benoist mit seine Synthese in Von rechts gesehen. Ich habe dann die Autoren gelesen, die die Neue Rechte empfahl. Mein Buch über die Neue Rechte ist eigentlich ein follow-up meines Eintauchens in diese Bildungswelt. Aber die Benennung "Neue Rechte" kann auch trügen: ich ziehe es vor, diese neue Kulturbewegung als GRECE zu bezeichnen, d.h. wie Benoist es sieht, als ein dynamische Forschungstelle zur Erhaltung der Lebendigkeit unserer gesamteuropäischen Kultur. Céline (mit seiner groben Pariser Rotwelschsprache die alle eingebürgerten Gewißheiten zertrümmert), Benn und Cioran mit ihrem unnachahmbaren Stil bleiben aber die Lieblingsautoren des Rebells, der ich bin und bleiben werde.

Sie sind in Kroatien und in Europa 1993 zurückgekommen. Wie haben Sie die neue Lage in Ostmitteleuropa beurteilt?

Das Schicksal Kroatiens ist eng mit dem Schicksal Deutschlands verbunden, egal welches politische System in Deutschland herr-scht. Sowie der schwedische Gründer der Geopolitik, Rudolf Kjellén, sagte: "man kann seine geopolitischen Bestimmung nicht entweichen". Andererseits, hat uns Erich Voegelin gelernt, daß man politische Religionen wie Faschismus und Kommunismus wegwerfen kann, aber daß man das Schicksal seines Heimatlandes nicht entrinnen kann. Das deutsche Schicksal, eingrekreist zu sein, ist dem kroatischen Schicksal ähnlich, eben wenn Kroatien nur ein kleiner Staat Zwischeneuropas ist. Ein gemeinsames geographisches Fakt vereint uns Deutsche und Kroaten: die Adria. Das Reich und die Doppelmonarchie waren stabile Staatswesen solange sie eine Öffnung zum Mittelmeer durch die Adria hatten. Die westlichen Mächte haben es immer versucht, die Mächte Mitteleuropas den Weg zur Adria zu versperren: Napoleon riegelte den Zugang Österreiches zur Adria, indem er die Küste direkt an Frankreich annektierte (die sog. "départements illyriens"), später sind die Architekte von Versailles in dieser Politik meisterhaft gelungen. Deutschland verlor den Zugang zum Mittelmeer und Kroatien verlor sein mitteleuropäisches Hinterland sowie seine Souveränität. Das ist der Schlüssel des kroatischen Dramas im 20. Jahrhundert.

Wird Kroatien den Knoten durchhaken können? Seine Position zwischen Mitteleuropa und Mittelmeer optimal benutzen können?

Unsere Mittelschichten und unsere Intelligentsija wurden total durch die Titoistischen Repression nach 1945 liquidiert: Das ist soziobiologisch gesehen die schlimmste Katastrophe für das kroatisches Volk. Der optimale und normale Elitekreislauf ist seitdem nicht mehr möglich. Der "homo sovieticus" und der "homo balkanicus" dominieren, zu Ungunsten des homini mitteleuropei.

Wie sehen Sie die Beziehungen zwischen Kroatien und seinen balkanischen Nachbarn?

Jede aufgezwungene Heirat scheitert. Zweimal in diesem Jahrhundert ist die Heirat zwischen Kroatien und Jugoslawien gescheitert. Es wäre besser, mit den Serben, Bosniaken, Albanern und Makedoniern als gute Nachbarn statt als schlechte und zänkische Eheleute zu leben. Jedes Volk in ehemaligen und in Restjugoslawien sollte seinen eigenen Staat haben. Das jugoslawische Ex-periment ist ein Schulbeispiel für das Scheitern jeder aufgezwungen Multikultur.

Was wird nach Tudjman?

Hauptvorteil von Tudjman ist es, daß er völlig die Geschichtsschreibung des Jugokommunismus entlarvt hat. Größtenteils hat er das kroatische Volk und besonders die Jugend von der Verfälschung der Geschichte genesen.

Herr Dr. Sunic, wir danken Ihnen für dieses Gespräch.

(Robert STEUCKERS, Brüssel, den 13. Dezember 1997).

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mardi, 27 février 2007

Réponses à José Luis Ontiveros

Robert Steuckers :

 

Réponses à José Luis Ontiveros

 

 

Il y a plus d’une dizaine d’années (le temps passe si vite…), le journaliste et écrivain mexicain José Luis Ontiveros avait interviewé Robert Steuckers pour le grand journal de Mexico « Uno mas Uno ». Voici la version française de cet entretien, pour la première fois  sur le net !

 

 

1. Quelle géopolitique devrait déployer un pays émergeant comme le Mexique?

 

 

RS: Il me semble difficile de répondre à cette question à la place des Mexicains. Néanmoins, vu d'Europe, il semble que le Mexique n'a pas actuellement les moyens financiers et militaires d'imposer une ligne di­rectrice dans la région. Surtout, sa flotte ne fait évidemment pas le poids devant celle du gendarme du globe, les Etats-Unis. Que faire dès lors qu'on ne peut pas affronter directement le maître du jeu? Les règles sont simples: elles dérivent de la pensée de Frédéric List, qui a jeté les bases de la pratique autar­cique. Bien sûr, il sera difficile de faire passer une logique autarcique dans le contexte ac­tuel; les adver­saires intérieurs et extérieurs de toute logique autar­cique passeront leur temps à la torpiller. La lutte pour un projet géopolitique indépendant et autonome passe par une lutte quoti­dienne pour la “colonisation inté­rieure”, c'est-à-dire pour la renta­bilisation maximale et pour le centrage maximal possible des capi­taux mexicains au Mexique. La “colonisation intérieure”, dans la tra­dition politique autarciste, c'est d'abord constater que si notre pro­pre outillage industriel, technique, éducatif est limité, nous en­trons automati­quement dans la dépendance d'un Etat possèdant un outil­lage plus complet. Il s'agit alors de travailler po­litiquement, patiem­ment, au jour le jour, à combler la différence. Ce processus pourra s'étendre sur un très long terme. Mais au quotidien, toute politique de “petits pas” peut payer. Et il s'agit aussi, pour les te­nants de la logique autarciste, de critiquer sans relâche et de com­battre les politiques libérales qui enten­dent faire de tous les sys­tèmes socio-politiques de la planète des systèmes “pénétrés”. Le meilleur exem­ple, pour les pays émergents, reste celui de France-Albert René, Président de l'Archipel des Seychelles, qui disait qu'il fallait que les petits pays diversifient au maximum leurs sources d'approvisionne­ment, afin de ne pas trop dépendre d'un seul four­nisseur. Situé en­tre les deux plus vastes océans du Globe, le Mexique pourra diffici­lement se soustraire dans l'immédiat de la forte tutelle américaine, mais en se four­nissant en Europe, au Japon, dans les autres pays ibéro-américains, il pourra réduire à moyen ou long terme ses dé­pendances à l'égard des Etats-Unis au moins au tiers du total de ses dépendances. Le reste suivra.

 

 

2. Quelle sont les principales caractéristiques de la géo­politique depuis la “fin de l'histoire” annoncée par Fuku­yama et la domination unipolaire des Etats-Unis qui règne aujourd'hui sur la planète?

 

 

Que Washington croie que la “fin de l'histoire” soit advenue ou que la domination des Etats-Unis soit dé­sormais unipolaire ne change rien à la complexité factuelle et constante des options géopolitiques des Etats ou des groupes d'Etats ou même des Eglises ou des reli­gions. Mais le “Nouvel Ordre Mondial” que Bush a tenté d'imposer avait été prévu avec clarté par un conseiller du Président algérien Chadli, le diplo­mate et géopolitologue Mohammed Sahnoun. Pour lui, l'analyse d'une constante de l'histoire, en l'occur­rence l'“hyper­tro­phie impériale”, par le Prof. Paul Kennedy, dans son cé­lèbre livre The Rise and Fall of the Great Powers (1987), a obligé Washington à modifier sa stratégie planétaire: pour éviter cette hy­pertro­phie qui mène au déclin, elle devait concentrer son pouvoir militaire sur l'es­sentiel. Et, pour Washington, cet essentiel est constitué par les zones pétrolifères de la péninsule arabique. La Guerre du Golfe a été un ban d'essai, pour voir si la logistique amé­ricaine était au point pour déployer rapidement des forces conven­tionnelles dans cette zone et vaincre en un laps de temps très court pour éviter tout syndrome viet­namien. Ensuite, il a fallu démontrer au monde que les Etats-Unis et leurs alliés étaient ca­pables de con­trôler une zone de repli et une base arrière, la Corne de l'Afrique et la Somalie. D'où les opé­rations onusiennes dans cette région haute­ment straté­gique. Les Etats-Unis ne pouvaient envisager un retrait partiel d'Eu­rope et d'Allemagne que s'ils étaient sûr qu'un déploie­ment logisti­que massif pouvait réussir dans la Corne de l'Afrique et la pénin­su­le arabique.

 

 

3) Quelles sont les perspectives de la géopolitique dans le monde islamique qui per­mettrait à celui-ci de se soustrai­re au schéma démo-libéral qu'imposent les Etats-Unis et l'Occident?

 

 

Parler d'un seul monde islamique me paraît une erreur. Le géopoli­tologue français Yves Lacoste parle à juste titre “des islams”, au plu­riel. Il existe donc des islams comme il existe des christianismes (ca­tho­liques, protestants, orthodoxes), poursuivant chacun des ob­jectifs géostratégiques divergents. Dans le monde islamique, il y a des alliés inconditionnels des Etats-Unis et il y a des adversaires de la politique globale de Washington. Aujourd'hui, dans les premiers mois de 1996, il me paraît opportun de suivre at­tentivement les propositions que formulent les diplomates iraniens, dans le sens d'une alliance entre l'Eu­ro­pe, la Russie, l'Iran et l'Inde, contre l'al­lian­ce pro-occidentale, plus ou moins formelle, entre la Turquie, Is­raël, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, les Emirats et le Pakistan. Cet­te alliance occidentale regroupe des islamistes laïcs et modérés (les Turcs) et des islamistes fondamentalistes et conservateurs (les Saou­diens). Le clivage ne passe donc pas entre fondamentalistes et modérés, mais plus exactement en­tre les diverses traditions diplo­matiques, très différentes et souvent antagonistes, des pays mu­sul­mans res­pectifs. La Turquie laïque veut contenir la Russie et re­ve­nir dans les Balkans (d'où son soutien à cer­tains partis bosniaques), vœux qui correspondent aux projets américains, qui cherchent à éviter toute sy­ner­gie entre l'Europe, la Russie, l'Iran et l'Inde. L'Irak de Saddam Hussein représentait un pôle à la fois pa­n­arabe et stato-national, comparable, en certains points, au gaul­lisme anti-améri­cain des années 60. Ce pôle a cessé d'avoir du poids après la Guerre du Golfe. L'Arabie Saoudite veut contenir et le na­tiona­lis­me arabe des baasistes irakiens et et les chiites iraniens, ce qui l'oblige à de­man­der constamment l'aide de l'US Army. Le Pakistan reprend son vieux rôle du temps de l'Empire britannique: barrer à la Russie la route de l'Océan Indien. Dans le Maghreb, des forces très divergen­tes s'affrontent. En Indonésie, autre grand Etat musulman, —mais où l'islamité ne prend pas la forme des inté­grismes intran­sigeants, très religieux et très formalistes, d'Iran, d'Arabie Saoudite, du Soudan ou d'Algérie—,  il s'agira de repérer et de distinguer les forces hos­ti­les des forces favorables à une alliance entre Djakarta et un bi­nôme in­do-nippon. En effet, le Japon tente de financer et d'équiper une puis­sante flotte indienne qui sur­veillera la route du pétrole depuis le Golfe Persique jusqu'à Singapour, où une nouvelle flotte japonaise prendrait le relais, assurant de la sorte la sécurité de cette grande voie de communication maritime à la place des Etats-Unis. A la sui­te de la Guerre du Golfe, les Américains avaient demandé à leurs alliés de prendre le relais, de les décharger de leurs missions mili­tai­res: mais l'initiative japonaise soulève aussi des in­quiétudes...

 

 

4) Quel doit être le point de référence d'une géopolitique ibéro-américaine et quelles doivent être les alliances stra­té­giques de la «Romandie américaine»?

 

 

Je ne devrais pas répondre à la place des Ibéro-Américains, mais, vu d'Europe, il me semble que la géo­politique continentale ibéro-américaine devrait tenir compte de trois axes importants:

 

a) Se référer constamment aux doctrines élaborées au fil des dé­cennies par les continentalistes ibéro-américains qui ont compris très tôt, bien avant les Européens, quels étaient les dangers d'un panaméri­canisme téléguidé par Washington. Il existe donc en “Ro­mandie américaine” une tradition politico-intellec­tuelle, portée par des auteurs très différents les uns des autres, mais qui, au-delà de leurs différences, vi­sent tous un but commun: rassembler les forces romandes du Nouveau Monde au niveau continental pour conserver les autonomies et les différences au niveau local.

 

b) Pour échapper à toute tutelle commerciale et industrielle de Wa­shington, les Etats latino-américains doi­vent appliquer au maxi­mum la logique autarcique, base du développement autonome des na­tions, im­po­ser la préférence continentale ibéro-américaine et di­ver­si­fier leurs sources d'approvisionnement dans les matières que les autarcies locales et grand-spatiale ne peuvent pas encore leur pro­cu­rer. Dans un pre­mier temps, il faudrait que les fournitures non na­tionales et non ibéro-américaines viennent à 30% des Etats-Unis, à 30% du Japon, à 30% d'Europe et à 10% d'ailleurs.

 

c) Ensuite, il faut se souvenir d'un projet que De Gaulle avait car­res­sé dans les années 60: organiser des ma­nœuvres navales com­munes dans l'Atlantique Sud entre la France, l'Afrique du Sud (ce qui est dé­sor­mais problématique), l'Argentine, le Brésil, le Portugal et le Chi­li. Une coopération qu'il serait bon de réac­ti­ver. L'écrivain fran­çais Dominique de Roux voyait dans ce projet l'ébauche d'un “cin­quiè­me empire”.

 

 

5) Un réaménagement géopolitique mondial aura-t-il lieu contre la domination de l'américanosphère?

 

 

En dépit du matraquage médiatique, l'américanosphère n'est plus un modèle, comme c'était le cas de la fin des années 40 jusqu'aux Golden Sixties. L'hypertrophie impériale, la négligence des secteurs non mar­chands au sein de la société civile nord-américaine, l'effon­dre­ment de la société sous les coups de bou­toirs de l'individualisme for­cené, a créé, sur le territoire des Etats-Unis une véritable société dua­le qui exerce de moins en moins de pouvoir de séduction. Le my­the individualiste, pierre angulaire du libéralisme et de l'écono­mis­me américain, est aujourd'hui contesté par les “communauta­riens” et par des idéologues originaux comme les bio­régionalistes. Les Etats-Unis, en dépit de leur protectionnisme im­plicite (où le “lais­sez-faire, laissez passer” n'est bon que pour les autres), ont né­gligé la colonisation intérieure de leur propre terri­toire: routes, in­frastructures, chemins de fer, lignes aériennes, écoles, etc. laissent à désirer. Le taux de mortalité infantile est le plus élevé de tous les pays développés. Tôt au tard, ils devront af­fron­ter ces problèmes en abandonnant petit à petit leur rôle de gendarme du monde. L'ère des grands es­pa­ces semi-autarciques, annoncés par l'économiste hé­té­rodoxe français François Perroux, s'ouvrira au 21ième siècle, cher­chera à mettre un terme au vaga­bondage transcontinental des capitaux, à imposer une logique des investissements localisés et sur­tout, comme le voulait Perroux (qui admirait les continen­talistes ibéro-américains) pariera pour l'homme de chair et de sang, pour l'homme imbriqué dans sa com­mu­nauté vivante, et pour ses capa­ci­tés créatrices.

 

 

6) Quel est le futur de l'Etat national? Sera-t-il remplacé par un “Etat universel”?

 

 

En Europe, l'Etat national est en crise. Mais cette crise n'est pas seu­le­ment due à l'idéologie libérale et universaliste dominante. Si la cen­tralisation de l'Etat a été un atout entre le 17ième et le 19ième siècles et si les Etats centralisateurs, tels l'Espagne, la France ou la Suède, ont pu déployer leur puissance au dé­triment des pays mor­celés issus directement de la féodalité, les nouvelles technologies de communica­tion permettent dorénavant une décentralisation per­for­mante pour la société civile, l'économie industrielle (et non spé­cula­ti­ve!) et, partant, pour les capacités financières des pouvoirs pu­blics, ce qui a immédia­tement des retombées dans les domaines de la haute technologie (maîtrise des télécommunications et des satel­li­tes), de la chose militaire (armement de pointe) et de la ma­tière gri­se (université et recherche performantes). Ou permettent des re­cen­trages différents, en marge des vieilles capitales d'Etat. Pour cet­te raison le fédéralisme est devenu une nécessité en Europe, non pas un fédéralisme diviseur, mais un fédéralisme au sens étymo­lo­gi­que du terme, c'est-à-dire un fédéralisme qui fédère les forces vi­ves du pays, ancrées dans des tissus locaux. Je veux dire par là que les provinces périphériques des grands Etats cen­tralisés et classi­ques d'Europe ont désormais le droit de retrouver un dynamisme na­turel auquel elles avaient dû renoncer jadis pour “raison d'Etat”. Le fédéralisme que nous envisageons en Europe est donc un fé­déra­lis­me qui veut redynamiser des zones délaissées ou volontairement mises en jachère dans les siècles précédents, qui veut éviter le dé­clin de zones périphériques comme l'Arc Atlantique, du Portugal à la Bretagne, le Mezzogiorno, l'Extramadure, etc. Et puis, dans un deu­xième temps, rassembler toutes ces forces, les nouvelles comme les anciennes, pour les hisser à un niveau qualitatif supérieur, dont Carl Schmitt, déçu par l'étatisme classique après avoir été un fer­vent défenseur de l'Etat de type prussien et hégélien, avait annoncé l'advenance: le Grand-Espace. En Europe, la réorganisation des pays, des provinces, des patries charnelles et des vieux Etats sur un ni­veau “grand-spatial” est une né­cessité impérieuse. Mais hisser nos peuples et nos tribus à ce macro-niveau grand-spatial exige en com­pensation une redy­namisation de toutes les régions. L'objectif grand-spatial est insépa­rable d'un recours aux dimensions locales. Ail­leurs dans le monde, cette dialectique peut ne pas être pertinen­te: en Chine et au Japon, l'homogénéité du peuplement rend inutile ce double redimension­nement institutionnel. En Amérique latine, l'hé­térogénéité culturelle et l'homogénéité linguistique exigeront un redimensionnement institutionnel différemment modulé. Nous au­rons donc une juxta­position de “grands espaces” et non pas un Etat unique, homgénéi­sant, policier et planétaire, correspondant aux fan­tasmes des idéo­logues uni­versalistes, qui continuent à faire la pluie et le beau temps dans les salons parisiens.

 

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jeudi, 22 février 2007

Entretien avec Mario Borghezio

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Entretien avec Mario Borghezio, député de la "Lega Nord" au Parlement Européen

 

Sur l'immigration en Italie, sur la "Loi Bossi-Fini", sur le "mandat d'arrêt européen", sur l'entrée de la Turquie dans l'UE, sur les axes de combat pour les Européennes de juin 2004

 

Né en 1947 à Turin, Mario Borghezio est docteur en droit, avocat, spécialiste du droit du Saint-Empire germanique diplômé de l’Université de Modène. Il est élu parlementaire de la “Lega Nord” en 1992, devient vice-ministre de la justice sous le premier gouvernement Berlusconi en 1994; depuis lors il est député européen de son parti.

 

Q. : Monsieur Borghezio, vous avez été vice-ministre de la justice dans le premier gouvernement Berlusconi en 1994. Pourquoi avez-vous  été choisi pour remplir cette fonction?

 

MM : J’étais l’homme qui traitait les dossiers relatifs à la mafia, la criminalité et l’immigration dans les diverses commissions de la “Lega Nord”, dont je suis par ailleurs l’un des fondateurs. A la suite de mon mandat de Vice-Ministre, j’ai été membre de la “Commission anti-mafia” du Parlement italien pendant trois législatures. Le problème que j’ai abordé en priorité pendant tout ce temps a été celui des prisons. En Italie, elles étaient pleines à craquer. On craignait l’explosion. Cette situation était due aux dizaines de milliers de détenus immigrés qui affluaient dans nos établissements pénitenciers. L’actuel ministre Roberto Castelli, membre, lui aussi, de la “Lega Nord”, réalise notre programme dans une belle continuité, dans la mesure où l’Etat fait construire de nouvelles prisons, une politique que la gauche refusait car elle était en faveur de vagues d’amnisties générales pour vider les centres de détention avant l’expiration des peines pour les remplir de nouveaux détenus, qui devinaient qu’ils ne purgeraient jamais leur peine complète. Nous avons veillé à ce que les espaces dans les prisons italiennes soient répartis selon les origines ethniques et religieuses des détenus, ce que bien souvent d’ailleurs ils souhaitent eux-mêmes. La “Lega Nord” a donc impulsé une politique plus sévère, hostile à ces amnisties qui ramenaient à intervalles réguliers les criminels dans la rue. A leurs yeux, l’Etat italien n’était qu’un Etat fantoche, affaibli par un laxisme incompréhensible. Castelli et moi-même avons  toujours soulevé le problème des conditions de vie de nos concitoyens plus démunis, contraints de vivre dans des quartiers soumis à une immigration débordante, comme c’est le cas à Milan, Turin, Vérone et Padoue. Personnellement, j’ai organisé des marches de protestation et des manifestations de citoyens et de commerçants, lassés de subir l’insécurité, en grande partie due à l’immigration clandestine.

 

Q. : L’Italie connaît une loi, que l’on appelle la “Loi Bossi-Fini”, qui impose des restrictions à l’immigration. Qu’en est-il?

 

MM : La Loi Bossi-Fini sur l’immigration est le résultat des réflexions et des travaux fournis par les diverses commissions de la Ligue, qui s’est davantage occupé des questions migratoires que l’Allianza Nazionale. Cette loi fixe clairement le parcours juridique des expulsions. Avant, avec le laxisme de la gauche, l’immigré clandestin expulsé recevait un simple papier qui lui signifiait son expulsion. Vous imaginez bien que ce simple papier était inutile, car on ne prenait aucune mesure concrète et la désobéissance à l’ordre d’explusion n’avait aucune conséquence légale. Si le clandestin restait en Italie et venait à être repris par un service de police, il n’était pas sanctionné. On lui donnait un deuxième papier! Aujourd’hui, ne pas obéir à l’ordre d’expulsion est un délit. De cette manière, l’Italie peut mieux combattre l’immigration clandestine et les diverses formes de criminalité qui y sont liées.

 

Q. : Quelles sont les principales composantes de l’immigration qui pose problème en Italie aujourd’hui? Quelle est la nature de la criminalité  attribuable à ces groupes particuliers?

 

MM : Pour répondre à votre question, il faut d’abord formuler une remarque sur la situation générale : l’immigration se concentre essentiellement dans les zones urbaines du Nord de l’Italie, que nous appelons la Padanie, soit le bassin du Pô. La réaction de la population a été vive, a porté notre parti au pouvoir (en dépit de sa localisation limitée aux provinces du Nord), car elle craignait la submersion, elle craignait de voir la situation devenir totalement incontrôlable. Le danger subsiste aujourd’hui. Et les gens craignent que le terrorisme islamiste s’infiltre dans  le magma incontrôlé de l’immigration clandestine. Beaucoup d’observateurs politiques et économiques constatent d’ores et déjà qu’il existe des “zones franches” ou “zones de non droit” (comme on dit en France), où personne ne sait vraiment ce qui se passe. La “Lega Nord” et moi-même,  personnellement, avons organisé des manifestations devant des centres islamiques qui prêchaient la violence et le terrorisme ou qui recrutaient des hommes de main pour des activités violentes ou terroristes. Plus particulièrement, à Turin, à Crémone et à Varese, nous avons pu  découvrir que certains groupes islamistes avaient des liens avec les fauteurs de l’attentat sanglant de Casablanca au Maroc, apparemment le même réseau que celui qui a  commis l’horrible forfait de Madrid, le 11 mars 2004.   Les groupes les plus dangereux, en matières de violence et de terrorisme potentiel, sont constitués de ressortissants nord-africains agités par l’idéologie salafiste. Ils sont très actifs chez nous, comme en Belgique ou en France, et apportent, dans la plupart des cas, un soutien financier aux activités diverses de l’islamisme radical. Ces fonds proviennent des multiples activités de l’immigration clandestine, comme le trafic de drogue, les activités commerciales non déclarées ou enregistrées, comme la plupart des “phone-shops” en Italie. Ces activités commerciales ont une façade légale, mais sont en fait les paravents d’activités illégales, surtout en ce qui concerne la fabrication de faux documents, le recel de marchandises volées ou introduites en fraude dans l’UE, etc.   La deuxième composante de l’immigration clandestine en Italie est constituée d’Albanais, qui arrivent facilement chez nous, en utilisant des embarcations de fortune, les “scafisti”, dotées de petits moteurs qui permettent de traverser l’Adriatique et de débarquer clandestinement sur les côtes des Pouilles. L’actuel gouvernement est parvenu à freiner, voire à bloquer, cette immigration mais la présence des mafias albanaises est désormais bien ancrée dans le pays, à cause du laxisme des gouvernements de gauche, qui ont régularisé aveuglément des centaines de milliers de clandestins, sans aucune vérification ni difficulté.  

Le troisième groupe est constitué de Chinois, qui ne sont pas criminels au sens habituel du terme, mais présentent un danger économique et social évident, notamment pour les petits artisans locaux et pour les restaurants. La présence des Chinois et leur redoutable efficacité a ruiné des milliers et des milliers de petits artisans italiens, surtout dans le domaine du cuir. Cette concurrence déloyale crée du chômage et un mécontentement légitime. Les Chinois excellent dans l’art des contrefaçons. La situation conduit à la ruine de bon nombre de traditions artisanales et micro-économiques locales.

 

Q.: Vous vous êtes insurgé contre l’idée d’un “mandat d’arrêt européen”? Pourquoi?

 

MM : Nous nous opposons fermement à cette idée de “mandat d’arrêt européen”. C’est, à nos yeux, un projet orwellien issu tout droit des esprits délirants de la nomenklatura euro-bruxelloise. Cette idée met la liberté du citoyen en danger et vise principalement ceux qui  prônent ou prôneraient des opinions jugées “non conformes” ou “politiquement incorrectes”. Ainsi, un citoyen danois pourrait être poursuivi par un magistrat français parce qu’il est membre du “Parti populiste” local, dans un pays où la liberté d’expression est totale, même pour ceux qui s’opposent aux immigrations, alors qu’en France celle-ci est jugulée par toutes sortes de lois arbitraires et scélérates. Le danger sera plus grand encore si la candidature turque est acceptée : n’importe quel citoyen allemand ou grec qui aurait montré des sympathies pour le combat des Kurdes ou qui se serait opposé à la candidature turque à l’UE pourrait, en théorie, être cité à comparaître devant un tribunal turc. Notre ministre de la Justice, Roberto Castelli, issu de la “Lega Nord”, s’y oppose formellement et fermement. Grâce à lui, jusqu’ici, l’Italie tient bon et ne cède pas. Nous n’accepterons cette idée de mandat d’arrêt européen que s’il est assorti de sérieuses garanties quant aux droits fondamentaux des citoyens, en matière de liberté d’opinion.

 

Q. : Vous vous opposez également à l’entrée de la Turquie dans l’UE?

 

MM : Oui. Sur le plan international,  c’est un de nos axes de combat principaux. Pour les élections européennes de juin 2004, nous dirons “non” à l’entrée de la Turquie, non au “mandat d’arrêt européen”, non à une constitution qui n’est pas l’expression de la volonté des peuples et de leurs valeurs identitaires, mais est davantage l’œuvre d’un grand sanhédrin constitués par les banquiers, les dirigeants des trusts anonymes,  bref du mondialisme dans toute son “horreur économique” pour reprendre l’expression favorite de Viviane Forrester, une femme de gauche.    

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mercredi, 07 février 2007

R. Steuckers: entretien avec Junge Freiheit

Entretien de Robert Steuckers à l'hebdomadaire berlinois "Junge Freiheit" (1997)

Propos recueillis par Hanno Borchert

1. Vous passez pour l'un des principaux “penseurs” de la “nouvelle droite” européenne. Quelle est votre définition de cette école de pensée? En quoi est-elle neuve? En quoi est-elle de “droite”?

En fait, il est difficile de répondre à votre question, tant elle interpelle de paramètres d'ordre idéologique. Il existe dans les ma­nuels et les encyclopédies beaucoup de définitions de la “droite”. A mes yeux, on ne peut parler de “nouveauté” dans ce camp politique que si l'on pense simultanément, d'une part, une forme de “démocratie de base”, si l'on se réfère à la notion de “subsidiarité” telle qu'elle a été définie par Althusius, Otto von Gierke, Riehl, etc., si l'on revendique la liberté populaire et la notion de Kulturstaat, et, d'autre part, si l'on s'efforce de penser un “grand espace” supra-national, dans lequel justement on accorde cette liberté populaire, en interdisant explicitement dans cet espace toute intervention de superpuissances impéria­listes étrangères à ce même espace. La notion de Großraum, telle que nous l'a définie et léguée Carl Schmitt ne peut plus du tout s'interpréter aujourd'hui dans un sens “impérialiste”, mais seulement dans un sens “anti-impérialiste”, où l'on met l'accent sur l'ancrage tellurique des hommes par opposition à cette négation de la sacralité des lieux qui est la caractéristique de toute domination exercée par des puissances thalassocratiques. Une lecture du Glossarium de Schmitt permet pleinement une telle interprétation du Großraum.

2. Existe-t-il une telle “nouvelle droite” en Allemagne ou ailleurs dans le monde?

Le premier des péchés capitaux de la droite (de toute droite), c'est de faire ce que certains politologues et philosophes améri­cains appellent du “fusionisme”. Panayotis Kondylis, dans son ouvrage de référence sur le “Konservativismus”, écrivait jus­tement qu'il n'existait plus de Konservativismus, depuis que la noblesse rurale (la Junkertum)  avait disparu et n'était forcé­ment plus la classe porteuse du système politique. Le conservatisme actuel n'était plus qu'une forme de vieux-libéralisme, concluait Kondylis. En effet, les partis et associations étiquettés “conservateurs” se contentent désormais de fabriquer des as­semblages plus ou moins complexes et hybrides d'éléments issus des idéologies conservatrices et libérales. De tels assem­blages sont bien entendu instables, sont souvent impossibles à articuler politiquement. Toute nouvelle idéologie de combat non-conformiste, qui s'opposerait efficacement aux pétrifications de notre époque peut aisément se passer des étiquettes de “droite” ou de “conservatrice”, mais, au contraire, doit clairement annoncer au public qu'elle s'engage inconditionnellement à défendre la “societas civilis”, c'est-à-dire à défendre des libertés ancrées dans un humus précis, présentes chez des citoyens concrets, imbriqués spatio-temporellement dans des paysages tout aussi concrets. C'est la raison pour laquelle, il est néces­saire de se préoccuper à nouveau d'une pensée “symbiotique” comme celle d'Althusius et d'Otto von Gierke. Les concepts-clefs de notre avenir sont les suivants: symbiotique, cybernétique, synergie, communauté, communautarisme, Körperschaft, biorégionalisme, ancrage dans les lieux, etc. Ce n'est que par l'avènement d'un tel corpus doctrinal que l'on verra émerger une nouvelle idéologie contestatrice vraiment efficace, non seulement en Allemagne mais dans toute l'Europe!

3. Vous êtes l'un des fondateurs de l'association “Synergies Européennes”, qui cherche à promouvoir une telle idéologie symbiotique. Pourquoi avoir choisi ce nom, après, dit-on, une rupture avec un cénacle plus ancien de la “nouvelle droite”, en l'occurrence le GRECE? Quelles différences doctrinales y a-t-il désormais entre le GRECE et vous?

“Synergies européennes” a justement été créée pour revitaliser les concepts-clefs que je viens d'énumérer et pour en faire des instruments de combats contre les dysfonctionnements de notre fin de siècle. “Synergon”  —qui est le nom de “Synergies européennes” dans les pays de langues non romanes—  signifie en grec ancien, “ergon” (= travailler, agir) et “syn” (= en­semble, de concert); nous voulons donc agir de concert, être efficaces avec d'autres, tout en respectant l'ancrage particulier de nos compagnons de route dans les réalités de leur lieu et de leur communauté. L'idée de “synergie”, c'est d'atteindre en­semble un but commun en empruntant des voies différentes. Il me semble oiseux d'énumérer les différences qui pourraient nous opposer aujourd'hui au GRECE, tout simplement parce que les militants du GRECE et les nôtres explorent les uns comme les autres tous les domaines des sciences humaines, donc, forcément, nous explorons les mêmes terrains. Il me semble plus pertinent de dire que nous entendons mettre davantage l'accent sur les problèmes d'ordre juridique et constitu­tionnel, au lieu de nous contenter des seules dimensions culturelles et esthétiques. Bien entendu, nous ne négligerons pas pour autant ces dimensions.

4. Songez-vous à une “troisième voie” qui résoudrait la dialectique entre particularité ethnique et universalité?

Le concept de “troisième voie” était plus approprié au temps de la césure Est-Ouest. Aujourd'hui, je parlerais plutôt d'une al­ternative plurielle, bigarrée et disparate au globalisme ambiant. En disant cela, je souligne la nécessité de fédérer cette plura­lité de phénomènes humains pour les opposer à la mise-au-pas globaliste. Le concept-clef dans cette lutte est celui de la “contextualisation”. C'est une notion qui a été forgée dans un club de sociologues français, le MAUSS (= “Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales”). Les théoriciens du MAUSS, regroupés autour de Serge Latouche, utilisent ce concept dans l'intention de ré-ancrer la pensée économique, c'est-à-dire de la ramener et de la réenraciner dans des contextes liés à un espace et à un temps particuliers. Toute “troisième voie” qui serait pur discours et non ré-ancrage réel, ne serait que pure vanité ou pure sottise. Quant à la dialectique entre “populité/folcité” et “universalité”, il nous suffit de renouer avec la philoso­phie de Herder et de dire, à titre de principe premier: «C'est un fait universel, universellement constatable, que le monde est multiple et bigarré par nature. Tout universalisme qui imposerait au monde et aux hommes la monotonie et la mise-au-pas disciplinaire ne serait qu'une vilaine caricature de l'universel. Tout universalisme monotone, monochrome, équarisseur et araseur releverait de la pure “faisabilité”. Or les faits naturels du monde ne relèvent en aucune façon de la “faisabilité”.

5. Depuis 1989 et l'effervescence en Europe centrale et orientale, il semble que l'ethnos et le demos sont revenus à l'avant-plan...

Plutôt que de parler d'ethnos et de demos, je préfère parler de Landmannschaften concrètes, de pays réels et charnels, de bio­régions ou d'entités culturelles nées de l'histoire. Ces entités recèle en elles la réponse à la mise au pas générale que nous impose l'UE. Le Traité de Maastricht ne nous promet qu'une subsidiarité fort vague, sans définir le concept avec précision. Le Conseil des Régions n'a jamais reçu l'importance qu'il méritait de recevoir. Nous, les non-conformistes, devons dès lors pro­poser à l'UE une solution de type fédéral, comme le fait de son côté la Lega Nord de Lombardie. Le principal théoricien de ce mouvement politique très intéressant à plus d'un titre est le Professeur Gianfranco Miglio. Il plaide pour la souveraineté popu­laire contre toutes les instances abstraites. Les instances abstraites sont justement celles qui sont devenues au fil du temps “dé-contextualisées”, détachées de leur lieu, étrangères aux hommes réels, trop chères pour ce qu'elles leur apportent et dé­voreuses d'énormes budgets. L'impératif de l'heure, c'est justement de résister à toutes les instances décontextualisées. Telle est à mon avis la grande leçon de 1989.

6. On ne doit pas s'étonner aujourd'hui des retombées de cette idéologie des Lumières, qui implique une sorte de refus de la vie... N'est-elle pas responsable de la dépolitisation croissante des masses et que pensez-vous de sa schématisation actuelle, la “political correctness”?

Le paradoxe de l'idéologie des Lumières, c'est qu'elle prêche certes la tolérance et le pluralisme, mais qu'en même temps elle réduit la modernité à une seule de ses dimensions, à un seul de ses projets, comme nous l'a enseigné Peter Koslowski (cf. NdSE n°20, 1996). A ses débuts, la modernité n'était nullement unitaire, plusieurs projets l'ont compénétrée, mais ce que l'on nous vend aujourd'hui sous le label “modernité” ou “idéologie des Lumières” est une sorte de produit fini et épuré qui a éliminé en son propre sein toutes ses potentialités. C'est la raison pour laquelle l'idéologie des Lumières a dégénéré en cette platte, ridicule et superficielle “political correctness”, qui rend parfaitement caduque la célèbre maxime de Kant, laquelle nous disait que les Lumières étaient l'instrument de la libération de l'homme et par l'homme de cette minorité dans laquelle il s'était plongé pendant des siècles et dont il cherchait enfin à se débarrasser. En effet, si nous méditons cette maxime de Kant, clef de voûte officielle de la vulgate des Lumières actuellement dominante, nous en venons tout naturellement à nous demander à quoi pourrait bien servir une “majorité” qui ne permettrait pas aux innombrables potentialités cachées de l'intériorité humaine de s'exprimer? Voilà pourquoi nous en arrivons, avec certains philosophes vitalistes comme Ludwig Klages, à dire que la vulgate des Lumières est un discours qui paralyse les forces vitales, de l'“esprit” occupé par cette idéologie devient ennemi de la “vie”.

7. Ennemie de la vie, cette vulgate est donc aussi responsable des pollutions de l'environnement...

Les idées d'un progrès infini et incessant, d'une accumulation constante de marchandises et de devises sont justement des abstractions qui troublent et détruisent les continuités et les rythmes naturels et culturels. En effet, les rythmes naturels sont trop lents pour l'abstraction moderne. C'est dans cette différence de rythme, entre une nature qui connaît des obstacles et une idéologie qui les abolit par principe, qu'il faut voir les origines de la catastrophe écologique (à ce propos, lire: Dieter Claessens, Das Konkrete und das Abstrakte, Suhrkamp, Frankfurt/M., stw 1108). L'établissement de goite et l'établissement de drauche  sont représentés par des associations, organisations et partis “fusionnistes”, qui sélectionnent en permanence et arbitrairement des éléments ou des idéologèmes technomorphes de drauche  ou biomorphes de goite,  afin de glâner le plus de voix possibles lors d'élections. Tout fusionnisme est pure propagande électorale, n'exprime pas une volonté politique con­crète qui voudrait soigner les maux réels du monde, notamment les blessures écologiques. Le fusionnisme n'est que volonté arbitraire de dominer de généraliser partout dans le monde des abstractions toutes faites.

8. L'ouverture tous azimuts des frontières, l'ouverte à tous vents des marchés ne constituent-ils pas un danger pour la démocratie?

La démocratie est née dans des espaces fermés et circonscrits. Elle existe encore et toujours sur un mode optimal dans des espaces fermés et circonscrits. Bien sûr, nous souhaitons que la démocratie règne partout, soit pratiquée dans tous les coins de la Terre, mais une chose est sûre, la démocratie implique le consensus. Or le consensus n'est possible que sur ce qui nous est proche. Le recours à nos proximités n'exclut pas l'ouverture au monde, mais la nouveauté doit être réceptionnée avec lenteur, elle doit être graduellement incorporée dans notre horizon, de façon constructive. Lorsque l'ouverture provoque la destruction brutale de systèmes de production, elle détruit simultanément le consensus et la démocratie propre à ce lieu, une démocratie qui a crû lentement, organiquement au fil des siècles ou des décennies. En Lorraine et en Wallonie, on peut obser­ver les conséquences catastrophiques de la destruction de toute une culture ouvrière et industrielle. Les sidérurgies, les mines de charbon, les usines métallurgiques ont toutes été fermées beaucoup trop vite et rien ne les a remplacées. Des réseaux ma­fieux s'insinuent dans la société, la criminalité se développe de manière galopante, l'esprit de communauté fond comme neige au soleil. La démocratie crève.

9. Quels filons philosophiques faut-il réactiver pour sortir de l'impasse?

Question difficile car elle interpelle de fait toute l'histoire intellectuelle de l'Europe! A mes yeux, la raison principale de notre malaise de civilisation vient de ce que Max Weber a défini comme “désenchantement”. A l'aurore de la pensée européenne, à la fin de l'empire romain et au début du moyen-âge, les néo-platoniciens croyaient en un Dieu unique, certes, mais producteur incessant d'innovations précieuses, adorables; d'un point de vue non théologique et plutôt panthéiste, on pourrait transposer l'image de ce Dieu fécond, abondamment producteur, au monde ou, plus exactement, à la Terre, elle aussi productrice d'une multiplicité incessante de formes de vie. Dans une telle optique, la réalité est toujours plurielle, bigarrée, tout à la fois réelle, objective et potentielle. Les avatars, très divers, du néo-platonisme distinguent bien l'objectif du potentiel. Les faits objectifs sont des faits “déjà devenus”, “établis”. Le processus de désenchantement, mis en évidence par Weber, est un processus qui ne tient compte et n'accorde de validité qu'aux faits objectifs. Or les faits objectifs sont souvent des faits qui ont épuisé leurs potentialités et leur capacité d'innovation. En ne tenant compte que de ces seuls faits objectifs et en ignorant les potentialités parce que celles-ci sont difficilement définissables et appréhendables, la pensée désenchantée induit ipso facto une mise au pas, une sorte d'encartage figé du réel, induit un nivellement ou un égalitarisme empêchant les potentialités et les innovations de se déployer sans entraves. Ainsi, avec la “political correctness”, phase terminale de la pensée désenchantée, aucun nou­veau projet politique ne peut plus être testé. Toute alternative différencialiste devrait se référer au filon philosophique néo-pla­tonicien. Telle est la leçon que nous donne le philosophe iranien Seyyed Hossein Nasr, successeur de Mircea Eliade à l'Intitut d'Etudes des Religions de Chicago (cf.: Man and Nature et Die Erkenntnis und das Heilige, in: Vouloir, n°89/92, 1992).

10. On parle de plus en plus du droit de l'homme à avoir une patrie (charnelle). Qu'en pensez-vous...

Le droit à avoir une patrie (charnelle) est un droit fondamental de la personne humaine. C'est le droit à se déployer dans un lieu présent, à long terme, c'est le droit à fonder une famille dans un lieu où les enfants peuvent s'ancrer dans la douceur et l'équilibre, c'est le droit surtout à exercer durablement une profession précise. En effet, c'est une aberration théorique de vou­loir à tout prix voir en tout homme une sorte de globe-trotter hyper-mobile.

11. Quelle valeur accordez-vous à la région dans l'Europe d'aujourd'hui? Quelle est la position de “Synergies Européennes”en matière de “régionalisme”, de revalorisation des ”pays”?

L'Écossais George Donald Alastair MacDougall a réclamé en 1977, dans un rapport rédigé à l'attention de la Commission européenne, la création de deux chambres, avec participation des régions au niveau du Parlement européen. Son objectif n'a ja­mais été réalisé. Mais cet objectif est le nôtre. MacDougall voulait que les unités administratives puissent concorder autant que possible avec les frontières historico-culturelles des régions. Les principes axiologiques de son projet étaient les suivants: pluralisme, personalisme, solidarité, subsidiarité. L'Europe, à ses yeux, devait devenir une “communauté de communautés”, ce qui aurait automatiquement fait émerger une “sphère publique” toute de différenciations. Aujourd'hui, c'est sans doute l'Espagne qui est le pays où l'Etat est, en théorie et sur le plan constitutionnel, un Etat “asymétrique” (c'est-à-dire avec des entités différentes en taille et en poids économiques, des entités non comparables), formant une fédération de communautés autonomes à la constitution chaque fois différente. Enfin, il conviendrait d'avoir partout en Europe un système représentatif pu­rement proportionnel, afin de laisser s'exprimer toutes les innovations, de les faire participer à la vie publique, de les laisser croître si elles injectent réellement de la pertinence dans la sphère politique. Les systèmes majoritaires, tels qu'on les trouve aujourd'hui en France ou en Grande-Bretagne sont à proscrire, à abolir définitivement et à juger comme inacceptables, con­traires au droit et non démocratiques. Toutes les tendances au nivellement qui s'observent dans nos sociétés (toujours gou­vernées par les mêmes majorités ou les mêmes alternances) peuvent être combattues par un recours permanent à l'idée d'une “sphère publique différenciée” (cf.: M. Schulz, Regionalismus und die Gestaltung Europas).

12. L'ex-ministre des affaires étrangères français, Claude Cheysson, a dit un jour que tout débat sur le régionalisme ou l'autonomie des pays était une “discussion erronée”. Qu'en pensez-vous?

Le refus de tout débat sur ces thématiques, considérer qu'un tel débat serait une “discussion erronée”, sont le propre d'esprits qui veulent faire l'Europe, sans au préalable avoir pensé cette Europe en termes de fédéralité, et en imaginant que sont éter­nels des systèmes obsolètes et caducs comme la monarchie britannique (qui fait des Britanniques des “sujets” et non pas des “citoyens”!) ou comme l'hypercentralisme français (où les préfets des départements ne sont pas élus, mais imposés au peuple par des cénacles actifs dans une capitale lointaine!). En France comme en Grande-Bretagne, bonjour la démocratie! La solution pour l'Europe serait de se donner une constitution à l'espagnole, mêlée de vieilles vertus helvétiques (la confédération comme Eidgenossenschaft, c'est-à-dire, étymologiquement, comme “compagnonnage du serment”). Dans ce cas, nos pays, l'Allemagne comme la Belgique (à condition qu'elle se débarrasse radicalement de sa corruption!) n'auraient besoin que de légères adaptations. Les Européens de demain seront des citoyens libres, des Eidgenossen  à l'échelle d'un continent: ils n'auront plus besoin de pratiques à la Cheysson, d'élus qui ne représentent que 18% de la population, sans alternances sé­rieuse possible, ou de préfets-satrapes qui font la pluie et le beau temps, sans tenir compte des besoins réels de leurs admi­nistrés!

13. James Goldsmith a dénoncé la manie occidentale de maintenir partout dans le monde des monocultures, au dé­triment d'une production variée, répondant à tous les besoins d'une population. Que pensez-vous de ce type d'argumentation?

James Goldsmith, et plus encore son frère Edward, ont efectivement écrit ces dernières années des ouvrages audacieux et pionniers! L'impérialisme au pire sens du terme et la pratique des monoculture vont toujours de paire. Les peuples de la Terre ont besoin d'autant d'autonomie et d'autarcie alimentaire que possible. Les monocultures et les monopoles en denrées alimen­taires sont des armes politiques. Le ministre américain Eagleburger ne s'était pas trompé en disant, un jour: «Food is the best weapon in our arsenal». Si l'Afrique ne compte plus que des économies agricoles affaiblies, si elle dépend trop des surplus américains, elle perd sa liberté et devient le jouet de ses fournisseurs. L'indépendance et la liberté des peuples ne sont pos­sibles que par l'autarcie alimentaire. Il faut donc viser l'élimination des monocultures et faire émerger dans le tiers-monde des agricultures variées et vivrières.

14. L'anti-occidentalisme fait des progrès dans les consciences, dans la mesure où il est un rejet de l'American Way of Life, du libéralisme économique et de la pensée mécaniciste. Comment s'articule l'anti-occidentalisme de “Synergies européennes”?

Guillaume Faye, qui fut jadis, avant son éviction hors des cercles de la “nouvelle droite”, le plus percutant des porte-paroles de ce mouvement, aimait à dire et à répéter que l'Europe n'était nullement synonyme d'“Occident”. Si l'Europe partait en quête de ses autres potentialités, de ses potentialités refoulées, tapies, latentes, dans les recoins de son âme, elle ressusciterait dans la plénitude de sa gloire, et deviendrait ipso facto le continent pionnier en matière d'anti-occidentalisme, porteur d'espoir pour tous les autres! Je viens de vous parler de néo-platonisme, mais j'aurais tout aussi bien pu vous parler de filons comme le romantisme organique (mis en exergue par Georges Gusdorf), du tellurisme de Carus et, pourquoi pas, de cette notion d'“eurotaoïsme” lancée naguère par Sloterdijk, etc. Tous ces filons sont au fond exclus du débat public en Occident, même si d'aimables professeurs isolés peuvent les aborder dans leur coin. Cet ostracisme permanent interdit toute rénovation du dis­cours, notamment au niveau de l'écologie et dans la recherche d'une démocratie réelle, se plaçant résolument au-delà des partis. L'idéologie tardive des “Basses-Lumières”, aujourd'hui dominante, ne nous laisse plus qu'une seule possibilité: sa ré­pétition éternelle... Oser simplement autre chose, serait déjà une fameuse manifestation d'anti-occidentalisme...

15. Seriez-vous d'accord avec moi si je vous disais que l'aliénation vient tout droit du pouvoir de l'argent?

Je pense que je vous ai déjà répondu: la goite et la drauche  sont dépassées, ce dont nous avons besoin, c'est d'un bloc des humanistes organiques contre la domination de l'argent, contre la ploutocratie! Notre devoir est de défendre sans cesse et sans compromis les multiples “societates civiles” qui irriguent notre monde qui est un pluriversum politique. La défense des societates civiles  ne peut conduire à l'aliénation, car l'aliénation implique que l'on poursuit sciemment ou à son insu des buts irréels et idéologisés. Elle ne peut conduire non plus à cette césure ente l'homme et sa Cité, que vous déplorez, car la societas civilis est toujours tout à la fois une et plurielle.

16. En Russie, Alexandre Lebed propose une refonte de la société russe, en renvoyant dos à dos les passéistes communistes et les mafieux néo-libéraux. Lebed a-t-il un avenir en Russie, à votre avis?

Depuis plusieurs années, nous observons la situation en Russie. Pour autant que nous soyions bien informés, Lebed tente de penser “transidéologiquement”; il veut une Russie forte et libre, s'appuyant sur des “corps intermédiaires” ressuscités. Une telle Russie reposerait plutôt sur les principes d'économie sociale de marché autocentrée (plutôt qu'autarcique), principes que nous a légué Friedrich List au XIXième siècle et que François Perroux a actualisé ultérieurement. N'oublions pas que la Russie a été gouvernée dans la première décennie de ce siècle par deux disciples de List: Witte et Stolypine. Nous espérons tout simplement que ces deux grands hommes d'Etat russes resteront les modèles de Lebed...

(propos recueillis par Hanno Borchert, 1997).

 

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jeudi, 01 février 2007

D. Venner: l'impératif de l'historien

Entretien avec Dominique Venner

 

L’impératif de l’historien

 

 

Dominique Venner n'est pas un historien ordinaire. Aujourd'hui directeur de la rédaction du trimestriel Enquête sur l'histoire, son parcours, atypique pour un érudit, a imprimé à

 

son prestigieux magazine une marque unique dans le panorama des revues historiques françaises. Car c'est au feu même de l'histoire que Dominique Venner s'est forgé, prenant une part active à tous les engagements idéologiques de l'après-guerre, des affrontements étudiants du Quartier Latin aux longues traques silencieuses du Djebel. Un activisme scellé par des années de réclusion dans les geôles gaullistes.

 

Epoque de solitude et d'introspection, ses barricades ne seront plus de pierre désormais mais de livres. De liber, racine latine du mot “livre” mais aussi du vocable “liberté”. A n'en point douter, il y a quelque chose d’Ernst von Salomon en Dominique Venner. Nous avons voulu en savoir davantage sur l'homme, sur sa vision de l'histoire et, ce faisant, sur le rôle qu'il assigne à Enquête sur l’histoire en ces temps d'amnésie collective.

 

 

Votre parcours est pour le moins atypique. Loin d'être un rat de bibliothèque, vous avez connu l'école militaire de Rouffach, la guerre d'Algérie et les luttes politiques extraparlementaires avant de vous lancer dans l’écriture. Comment en êtes-vous venu à étudier l’histoire?

 

 

Dominique Venner : L'histoire n'est pas une déesse inexorable conduisant l'humanité selon un dessein défini. Ce n'est pas non plus une science exacte, même si sa connaissance fait appel à des méthodes et des procédés scientifiques. En imaginant une muse nommée Clio, les Anciens avaient senti que l'histoire s'apparente à l'art. Malgré le dépouillement de tonnes d'archives, certains éminents chercheurs ne comprendront jamais rien aux époques ou aux hommes qu'ils étudient. Il faut à l'historien non seulement de la méthode dans la critique des documents et témoignages, il lui faut aussi un certain flair qui ressemble à celui des marins et qui ne s'acquiert pas nécessairement à l'université. Dans ma jeunesse, à une place modeste, j'ai eu la chance de participer de près à quelques aventures historiques assez grisantes qui m'ont beaucoup appris. L'atmosphère de la guerre, les coups de torchon, les espoirs et les échecs m'ont été d'excellents maîtres. Ma perception s'en est certainement trouvée aiguisée. A l'époque, je demandais déjà à l'histoire d'apporter des réponses à mes interrogations Cela m'a aidé à supporter mieux que d'autres les épreuves, notamment en prison où j'avais le temps de lire, de méditer et de me préparer sans le savoir à mon métier d'historien

 

 

Considérez-vous Enquête sur l'histoire comme l'aboutissement de vos engagements successifs?

 

 

DV : C'est une entreprise artisanale très excitante que j'ai la chance de conduire dans une absolue liberté quant au choix des sujets et des auteurs. Je bénéficie du concours d'historiens de sensibilités différentes qui apprécient, semble-t-il, notre refus des conformismes intellectuels et notre façon de remettre les pendules à l'heure. L'un de mes soucis est de favoriser une connaissance de l'histoire qui ne soit pas franco-centrée et qui montre comment les mêmes évènements ont été vécus ou compris par d'autres peuples européens. Pour répondre plus directement à votre question, Enquête sur l’histoire bénéficie nécessairement de ce que j'ai appris préalablement. L'avenir dira si c'est un aboutissement ou un commencement.

 

 

Le milieu des historiens est fermé et dans les kiosques, les places sont chères pour les revues, spécialisées. Etes-vous accepté par vos confrères historiens et comment perçoivent-ils Enquête sur l’histoire?

 

 

DV : Nous sommes très convenablement diffusés en kiosques, malgré une absence de moyens qui nous interdit, contrairement à certains confrères, de soutenir notre diffusion par de la publicité. Que nous sayons acceptés par les historiens, il suffit pour en prendre conscience de regarder la liste longue et diversifiée de ceux qui signent des articles ou nous accordent des entretiens. Cela dit, le milieu universitaire est soumis aux pesanteurs lourdes de la société et on ne peut jamais plaire à tout le monde.

 

 

Depuis qu'on a fait à l’histoire la réputation d'être une science, les écoles et les systèmes ont fleuri. Pour votre part, où vous situez-vous?

 

 

DV: Ce qui caractérise la société dans laquelle nous vivons et ses classes dirigeantes, c'est le rejet de l'histoire, le rejet de l’esprit historique. Celui-ci avait plusieurs mérites. Il assurait d'abord la vigueur du sentiment national ou identitaire. Il permettait d'interpréter le présent en s'appuyant sur le passé. Il développait l’instinct stratégique, le sens de l'ennemi. Il favorisait aussi une distance critique par rapport au poids écrasant du quotidien. Ce rejet de l'histoire s’accompagne paradoxalement d'une hypertrophie médiatique de ce qu'on appelle la « mémoire », qui n'est qu'une focalisation partielle et partiale d'évènements contemporains. Comme les autres spécialistes des sciences humaines, les historiens subissent le chaos mental de l'époque et participent à l'effort général de déstructuration. Sous prétexte de répudier tout impérialisme culturel, l’enseignement de l'histoire a brisé le fil du temps, détruisant la véritable mémoire du passé. Suivant l'expression d’Alain Finkielkraut, il nous apprend à ne pas retrouver dans nos ancêtres l'image de nous-mêmes. Le rejet de la chronologie est un procédé très efficace pour éviter une structuration cohérente de l'esprit. Cela est bien utile. La cohérence gênerait la versatilité et le tourbillonnement dont se nourrit une société soumise à la tyrannie de l'éphémère et de l'apparence. Ma conception de l'histoire est évidemment différente. Je l'ai définie dans l’éditorial du premier numéro d' Enquête sur l’histoire: « Notre vision du passé détermine l'avenir. Il est impossible de penser le présent et le futur sans éprouver derrière nous l'épaisseur de notre passé, sans le sentiment de nos origines. Il n'y a pas de futur pour qui ne sait d'où il vient, pour qui n'a pas la mémoire d'un passé qui l'a fait ce qu'il est. Mais sentir le passé, c'est le rendre présent. Le passé n'est pas derrière nous comme ce qui était autrefois. Il se tient devant nous, toujours neuf et jeune».

 

 

Alors que la circulation de l'Euro est programmée, croyez-vous que l'histoire a encore une place à tenir dans l'avenir du continent, et dans l'affirmative, comment votre expérience vous amène-t-elle à la concevoir?

 

 

DV: Je ne vois pas en quoi l'avènement de la monnaie unique pourrait arrêter l'histoire, entendue cette fois comme ce qui advient d'inédit et d'imprévisible. En soi il s'agit d'un fait historique, dont la portée échappe certainement à ses géniteurs. Je n’éprouve pas d'angoisse particulière devant la mise en place de nouveaux instruments unitaires en Europe. Je ne crois pas du tout que l'Europe institutionnelle, aussi critiquable soit-elle, nuise à l'identité des peuples associés, plus que ne l'ont fait leurs Etats respectifs depuis cinquante ans. Pour simplifier à très grands traits et sans négliger d'autres causes, il faut bien voir que la nouveauté immense du dernier demi-siècle, préparée par la catastrophe de la Première Guerre mondiale, c’est l'effacement de l'Europe et sa soumission plus ou moins consentante à l'empire américain qui lui impose ses normes ainsi que ses maladies sociales et intellectuelles. Des maladies auxquelles on n'a pas encore trouvé d'antidotes. Sur le moyen terme, je ne crois pas à la survie de cet empire dont les prétentions sont excessives. L'Europe elle-même est un morceau trop gros à digérer. Notre situation n'est pas celle de sauvages faciles à éblouir, à mater et à déculturer. Nos assises culturelles, fort différentes de celles des Etats-Unis, sont infiniment plus riches et anciennes. Les réveils et les rejets viendront inéluctablement. En attendant, les Européens éclairés doivent apprendre la patience et la résistance, deux vertus à laquelle leur histoire ne les a pas préparés. Qu'ils lisent Soljénitsyne, cela les y aidera.       

 

(propos recueillis par Laurent Schang).

 

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lundi, 22 janvier 2007

Free Eurasia

Robert STEUCKERS

Interview for the Georgian magazine "Free Eurasia"

Question of Gia Bumgiashvili

http://eurosiberia.wetpaint.com/page/%22Free+Eurasia%22

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G. Maschke: USA, puissance du chaos

Etats-Unis : puissance du chaos
Entretien avec Günter Maschke

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vendredi, 19 janvier 2007

Steuckers: Interview mit der Jungen Freiheit

Interview mit der "JUNGEN FREIHEIT" (Berlin)


1. Sie gelten als Vordenker der Neuen Rechten? Was verstehen Sie eigentlich unter "Neue Rechte"?

- Eigentlich schwer zu sagen. Es gibt sehr viele Definitionen der Rechten. In meinen Augen kann man nur von Neuheit in diesem Lager sprechen, wenn zur gleichen Zeit einerseits von Basisdemokratie, Subsidiarität im Sinne der Werken von Althusius, Otto v. Gierke, Riehl, von Volksfreiheit und Kulturstaat und andererseits vom einem übernationalen Großraum, wo eben dieser allgemeine Volksfreiheit geübt wird, mit Interventionsverbot für raumfremde und imperialistische Supermächte, gesprochen wird. Der Schmittsche Großraum darf nicht mehr imperialistisch interpretiert werden, nur noch anti-imperialistisch, mit Bewertung der Erdgebundenheit der Ortlosigkeit der Seemächte gegenüber. Eine Lektüre von Schmitts Glossarium erlaubt völlig diese Interpretation.

2. Gibt es eine solche in Deutschland?

- Der Hauptsünder der Rechte ist genau was amerikanische Politologen und Philosophen den ³Fusionismus² nennen. Kondylis hat geschrieben, es gibt keinen Konservativismus mehr, seitdem das Junkertum verschwunden ist und nicht mehr die staatstragende Klasse ist. Der heutige Konservativismus sei jetzt nur noch Altliberalismus. In der Tat, fabrizieren die sogenannten konservativen Parteien und Verbände nur noch hybride Komplexen aus liberalen und konservativen Elementen. Solche Komplexen sind unstabil, sind unfähig politisch artikulierbar zu werden. Eine neue non-komformistische Kampfideologie gegen die Verknochungen unserer Zeit braucht weder die Etikette ³Rechte² oder ³Konservativ², sondern soll sich unbedingt für die ³Societas Civilis² engagieren, d.h. für die ortbestimmeten Freiheiten konkreter Bürgern, die räumlich und zeitlich in konkreten Landschaften eingebettet sind. Deshalb ist es heute notwendig, sich wieder mit dem ³symbiotischen² Denken eines Althusius oder eines Otto von Gierke zu befassen. Schlüsselbegriffe der Zukunft: Symbiotik, Kybernetik, Synergien, Gemeinschaft, Kommunautarismus, Körperschaft, Bioregionalismus, Ortgebundenheit, usw. Dann erst kommt eine neue echt wirksame Ideologie, nicht nur in Deutschland sondern in ganz Europa!

3. Sie sind Mitbegründer der metapolitischen Bewegung "SYNERGON", die sich von der Hauptorganisation der frankophonen Neuen Rechten getrennt hat. Welch Unterschiede zwischen der neuen Organisation und der alten Struktur der französischen Neuen Rechten gibt es eigentlich?

- ³Synergon² wurde eben gegründet, um diese Schlüßelbegriffe wieder lebendig und kampffähig zu machen. ³Synergon² bedeutet altgriechisch ³ergon = wirken² und ³syn = zusammen², d.h. gemeinsam arbeiten und wirken, jeder in seiner ortsgebundenen und gemeinschaftsbezogenen Gruppe, um ein allgemeines Ziel durch verschiedene Wege zu erreichen. Unterschiede mit der GRECE-Denkschule aufzuzählen wäre müssig, bloß weil sie auch sowie wir alle Gebiete der Geisteswissenschaften erforscht haben. Signifikant wäre eher zu sagen, daß wir mehr den Akzent über juridisch-verfassungsrechtliche statt reine kulturell-ästhetische Dimensionen legen, wobei wir auch selbstverständlich nicht diese letzten völlig vernachlässigen.

4. Denken Sie dabei auch an eine Art ³dritter Weg²...

Der Begriff ³Dritter Weg² war passender zur Zeit der Ost-West-Spaltung. Heute würde ich eher von einer bunten Alternative zum Globalismus, wobei notwendig sei, die Buntheit bzw. die Pluralität der menschlichen Phänomene gegen die globalistischen Gleichschaltung zu bündeln. Schlüßelbegriff in diesem Ringen ist die ³Kontextualisierung². Der Begriff wurde im französischen Soziologen-Klub des MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) geprägt. Die MAUSS-Theoretiker um Serge Latouche benutzen diesen Begriff, um das Wirtschaftsdenken wieder zu verorten, d.h. in raum- und zeitbedingten Kontexten einzuwurzeln. Ein dritter Weg, der bloß Diskurs und nicht Wiedereinwurzelung wäre, wäre reine Eitelkeit oder rundweg lächerlich. Die Dialektik zwischen ³Volklichen² und ³Universellen² knüpft wieder mit der Philosophie Herders: universelles Fakt, ist es, daß die Welt von Natur aus bunt ist. Ein Universalismus, der Monotonie und Gleichschaltung aufdringen würde, wäre eine böse Verzerrung des Universellen. Universalismus in diesem Sinne wäre pure Machbarkeit. Aber die natürlichen Fakte der Welt sind nie ³gemacht² worden.

5. Seit 1989, scheint die politische Wissenschaft wieder den Unterschied zwischen Ethnos und Demos zu machen. Wie stehen Sie dazu?

Ethnos und Demos ‹ich würde eher von konkreten Landmannschaften, Bioregionen oder historisch-gewachsene Kultureinheiten‹  sind genau die Antwort zum EU-Gleichschaltung. Der Maastrichter Vertrag verspricht nur flüchtling und unzulänglich Subsidiarität. Der Rat der Regionen hat nie die Wichtigkeit gehabt, die er verdient. Nonkonformisten müssen also eine föderalistische Lösung vorschlagen, im Sinne der lombardischen Lega Nord. Haupttheoretiker dieser interessanten politischen Bewegung ist Gianfranco Miglio. Er plädiert für die Volkssouverenität gegen alle abstrakten Instanzen. Und abstrakte Instanzen sind eben genau diejenigen die allmählich ³kontextlos² bzw. ortlos, menschenfremd und zu teuer und vermögensschluckend geworden sind. Widerstand gegen ortlose Instanzen ist Gebot der Stunde. Das ist ja die Hauptlektion von 1989.

6. Man muß sich nicht wundern, wie stark solche Positionen sich von der Hauptströmung der Aufklärung unterscheidenŠ

Paradox der Aufklärung ist es, daß sie zwar Toleranz und Pluralismus predigt, aber zur gleichen Zeit das Moderne an nur einer seiner Dimensionen reduziert, hat uns Peter Koslowski bewiesen. Das Moderne war am Anfang eigentlich nicht einheitlich, mehrere Projekte haben die moderne Zeit durchgedrungen, aber die heutige Aufklärung hat alle anderen aufklärerischen Projekte ausgeschaltet. Jetzt degeneriert die Aufklärung in dieser flachen ³Political Correctness², wobei die Maxime Kants, die Aufklärung sei ³die Befreiung der selbstverschuldeten Unmündigkeit², hinfällig geworden ist. Weil wozu würde eine Mündigkeit dienen, die nicht die in der Innerlichkeit der Menschenseele unzählbaren verborgenen Potenzen, die Möglichkeit gäbe, sich zu äußern? So kann man in der Tat feststellen, daß die Aufklärung die Lebenskräfte lähmt und daß der aufklärerische Geist Feind des Lebens ist (Klages!).

7. Die Umwelt ist in Gefahr. Welch Position vertreten Sie in der ökologischen Frage?

Die Ideen eines endlosen und nie aufhörenden Fortschrittes, einer konstanten Akkumulation von Waren und Devisen, sind eben Abstraktionen, die kulturelle Kontinuitäten und Rythmen stören. Natürliche Rythmen sind zu langsam für das moderne Abstrakte. Dort liegen die Ursprünge der ökologischen Katastrophe (siehe: Dieter Claessens, Das Konkrete und das Abstrakte, stw 1108). Etablierte Lechten und Rinken sind eben ³fusionistische² Verbände, die bloß willkürlich technomorphisch-rinke wie biomorphisch-lechte Elemente selektieren, um so viele Stimmen wie möglich beim Wahl zu versammeln. Fusionismus ist immer Wahlpropaganda, drückt keinen konkreten Willen aus, die Welt zu heilen, sondern nur einen Willen, zu herrschen und gemachte Abstraktionen überall zu verallgemeinigen.

8. Offene Grenzen, offene Märkte: sind diese mit einer de"mokratischen Auffassung der Politik versöhnbar?

Demokratie ist in den geschlossenen Räumen Altgriechenlands entstanden, besteht optimal weiter in eben so geschlossenen Räumen wie die schweizerischen Kantone. Demokratie soll selbstverständlich überall herrschen und praktiziert werden, aber eines ist gewiss, Demokratie impliziert Konsens. Konsens ist nur möglich über Naheliegendes. Naheliegendes schließt nicht Öffnung aus, aber Neuheiten werden aufbauend und langsam rezipiert. Wenn Öffnung brutale Zerstörung von Produktionszusammen-hängen bewirkt, zerstört sie gleichzeitig den Konsens und die langsam aufgewachsene ortgebundene Demokratie. In Lothringen und Wallonien kann man die katastrophalen Folgen der Zerstörung der Arbeiterkultur feststellen. Eisenhütten, Gruben, Metallwerke wurden zu schnell geschlossen und nichts hat sie ersetzt. Mafiöse Zustände tauchen auf, Kriminalität wächst, Gemeinschatssinn schwindet. Demokratie krepiert.

9. Worin sehen sie die Ursprünge der ökologischen Katastrophe?

Schwere Frage, die die ganze Geschichte Europas in Anspruch nimmt! Hauptgrundlage wäre in meinen Augen den Prozess der Entzauberung der Welt (Max Weber). Neoplatoniker glaubten, daß Gott aber auch, pantheistisch interpretiert, die Welt bzw. die Erde eine Einheit war aus welcher ständig wertvolle Neuheiten flossen. Wirklichkeit war also immer bunt, zur gleichen Zeit real, objektiv und potentiell. Mit dem Entzauberungsprozeß wurden allmählich nur die objektiven Fakte wahrgenommen und als gültig empfunden. Aber objektive Fakte sind manchmal Fakte ohne jede erneuerden Potenzen mehr. Gleichschaltung und Egalitarismus finden, so die Möglichkeit sich grenzenlos zu entfalten. Mit der ³political correctness², können keine neue politische Projekte mehr getest werden. Jede differentialistische Alternative sollte wieder eine Art Neoplatonismus entwickeln. Hier muß man die Lektion des iranischen Philosophen Seyyed Hossein Nasr im Kopf behalten (siehe: Man and Nature und Die Erkenntnis und das Heilige).

10. Heimat braucht also der MenschŠ

Das Recht auf Heimat ist das Recht des Menschen, sich lokal und langfristig zu entfalten, eine Familie zu gründen, einen Beruf auszuüben. Jeder Mensch ist kein mobiler Globe-Trotter.

11. Welchen Stellenwert geben Sie die regionalistische Frage in Europa?

Der Schotte George Donald Alastair MacDougall forderte 1977 in einem Bericht für die Kommission die Errichtung von zwei Kammern unter Beteiligung der Regionen auf euro-parlamentarischer Ebene. Sein Ziel wurde nie erreicht. Dieses Ziel ist aber das unsere. MacDougall wollte, daß die Verwaltungseinheiten soweit als möglich die Grenzen historischer-kultureller Regionen respektieren sollten. Axiologische Grundsätze dieses Vorhabens waren: Pluralismus, Personalismus, Solidarität, Subsidiarität. Europa wäre dann eine ³Gemeinschaft von Gemeinschaften² geworden, wobei eine differenzierte Öffentlichkeit entstanden wäre. Spanien ist vielleicht das Land, wo verfassungsgemäß und theoretisch der Staat ³asymetrisch² (mit differenzierten und zahlenmäßig nicht vergleichbaren Landeseinheiten) und ein Bund von autonomen Gemeinschaften mit jemals differenzierten Verfassungen ist. Weiter muß man überall reine Proportionalität im Wahlsystem haben und die Mehrheitssysteme Frankreichs und Großbritanniens endgültig abschaffen und als rechtswidrig und undemokratisch verurteilen. Egalisierungstendenzen können nur mit der Idee einer differenzierten Öffentlichkeit bekämpft werden (siehe: M. Schulz, Regionalismus und die Gestaltung Europas).

12. Der frühere franz. Außenminister Cheysson sagte dazu, diese seien irrtümliche DiskussionenŠ

Vermeidung jedes Debattes und ³irrtümliche Diskussion² können nur als solche bestempelt werden, durch Geister, die nicht erst eine föderalistische Verfassung für Europa ausgedacht haben und morsche Systeme wie das Altmonarchistische in Großbritannien (wo die Briten Subjekte und nicht Bürger sind!) oder das Hyperzentralisierte in Frankreich (wo die Départements-Prefekte überhaupt nicht gewählt werden sondern von Gremien in der fernen Hauptstadt aufoktroyiert sind!). Demokratie läßt grüssen! Die spanische Verfassung, vermischt mit alten eidgenossenschaftlichen Tugenden, wäre die Lösung. Die BRD und Belgien (aber weg mit der Korruption, bitte!) brauchen nur leichte Anpassungen. Die Praxis von Cheysson brauchen die freien Bürger und Eidegenossen unseres künftigen Europas nicht!

13. ³Der Westen glaubt daran²,

James Goldsmith und mehr noch sein Bruder Edward haben in den letzten Jahren tatsächlich bahnbrechende Bücher geschrieben! Imperialismus im schlechtsten Sinne und Monokultur sind immer gepaart. Die Völker der Erde brauchen soviele Autonomie und Nahrungsfreiheit wie möglich. Monokulturen und Nahrungsmonopole sind politische Waffen. Der US-amerikanische Minister Eagleburger sagte einmal: Food is the best weapon in our arsenal. Geschwächte Landwirtschaften in Afrika hängen zuviel von amerikanischen Überschüßen und werden so gefügig gemacht. Unabhängigkeit und Volksfreiheit sind nur möglich mit Nahrungsfreiheit. Also Monokulturen abschaffen und bunte Landwirtschaften in der Dritten Welt blühen lassen!

14. Antiwestlertum...

Guillaume Faye, damals Wortträger der französischen neuen Rechten, pflegte ständig zu sagen und zu wiederholen, daß Europa nicht Synonym des Westens war. Würde Europa nach andere seiner Möglichkeiten, die latent auf eine Wiederbelebung warten, zurückgreifen, würde es der leitende antiwestliche Kontinent werden, auf den alle anderen hoffen! Ich habe hier schon über Neoplatonismus gesprochen, aber die organisch-denkende Romantik, der Tellurismus eines Carus, der Eurotaoïsmus eines Sloterdijks usw. sind auch völlig aus dem westlichen politischen Debatt verbannt, daher kommt keine Erneuerung des Diskurs auf Ebenen wie Ökologie und überparteiliche Demokratie. Die heutige schematische Spätaufklärung läßt nur eine Möglichkeit: seine ewige und ständige Wiederholung... Einfach etwas anderes zu wagen wäre schon Antiwestlertum...

15. Würden Sie mir zustimmen...

Ich glaube, ich habe schon beantwortet: rinks und lechts sind vorbei, wir brauchen einen Block der organischen Humanisten gegen die Geldherrschaft! Unsere Aufgabe ist die kompromißlose Verteidigung der vielen ³Societates Civiles². Daher keine Entfremdung, da Entfremdung die Verteidigung realitätsfremden und ideologisierten Ziele impliziert, und keine Spaltung, da die Societas Civilis immer gleichzeitig eins und verschieden ist.

16. In Rußland ist A. Lebed...

Seit Jahren beobachten wir die Lage in Rußland. Insofern wir informiert sind, versucht Lebed transideologisch zu denken, will ein starkes und freies Rußland, gestärkt durch die Wiederentstehung von ³corps intermédiaires² in der Gesellschaft. Dieses Rußlands würde eher durch die Prinzipien der autozentrierten (besser als autarkischen) Markt- und Sozialwirtschaft belebt, die Friedrich List uns im 19. Jahrhundert überliefert hat und die später von François Perroux aktualisiert worden sind. Rußland wurde von zwei List-Schülern im ersten Jahrzehnte dieses Jahrhunderts regiert: Witte und Stolypin. Wir hoffen, diese beiden Staatsmänner werden die Modelle Lebeds bleiben...

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jeudi, 18 janvier 2007

Entretien avec Günter Maschke

Entretien avec Günter Maschke : De la misère allemande actuelle

Propos recueillis par Jürgen Schwab

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_001.htm

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Entretine avec Ph. Banoy (Ecole des cadres)

Entretien avec Philippe Banoy sur l'école des cadres (Wallonie) de Synergies européennes:

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_008.htm

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Vitales Denken ist inkorrekt !

Vitales Denken ist inkorrekt !

(Interview durch Jürgen Hatzenbichler für Zur Zeit / Wien und Junge Freiheit / Berlin).

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_009.htm

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Entretien accordé à SYNTHESIS/Rose Noire

Entretien accordé par Robert Steuckers à Synthesis (Londres)

Propos recueillis par Troy Southgate

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_010.htm

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Entretien avec Marc. Eemans

Entretien avec Marc. Eemans, le dernier des surréalistes de l'école d'André Breton

Propos recueillis par Koenraad Logghe & Robert Steuckers.

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_014.htm

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Entretien sur Synergies Européennes

Entretien avec Robert Steuckers: Pour préciser les positions de "Synergies Européennes" :

http://es.geocities.com/eurocombate/eurocom_022.htm

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Entrevista con Robert Steuckers (Espanol)

ENTREVISTA CON ROBERT STEUCKERS  sobre política, revolución-conservadora, espiritualidad y "Synergies"

Realizada para Troy SOUTHGATE
 

   Pregunta: ¿Cuándo y por qué decidiste involucrarte en política? 

Robert Steuckers: Hasta la actualidad, nunca me he involucrado en política, nunca he sido miembro de un partido político. No obstante, soy un ciudadano interesado en cuestiones políticas pero, por supuesto, no en los usos triviales que tiene la palabra "política". Para mí, "política" significa mantener continuidades, o, si así se prefiere, tradiciones, pero tradiciones que estén involucradas en la historia actual de una particular comunidad humana.

Empecé a leer libros sobre historia y política a los 14 años. Esto me condujo a un rechazo de las ideologías establecidas, que para mí carecen de valor. Desde los 15 años, con la ayuda de un profesor de historia de la escuela secundaria, el querido señor Kennof, comprendí que las gentes pueden entender los rumbos esenciales de la historia en claves simples, usando atlas históricos, por ejemplo (los colecciono, desde entonces), para así aprehender en un vistazo las principales fuerzas que animan la escena mundial en un momento preciso del tiempo. Los mapas son muy importantes para los políticos de alto nivel (para los diplomáticos, por ejemplo). La idea principal que adquirí en la juventud es que todas las ideologías o pensamientos o impresiones buscan librarse del pasado, y que negar los lazos que el pueblo tiene con sus continuidad histórica era un error fundamental. En consecuencia, todas las acciones políticas, desde mi punto de vista, debieran asegurar la continuidad histórica y política, y que las acciones futuristas son también necesarias para salvar una comunidad de las repeticiones estériles de hábitos y costumbres obsoletos. 

Los discursos de muchas ideologías, incluyendo las varias expresiones de la así llamada "extrema derecha", aparecían ante mis ojos artificiales para las necesidades del mundo occidental, como el comunismo fue una abstracción frente a la historia rusa, y una abstracción todavía mayor en los diferentes pueblos sujetos al rol soviético después de 1945. La ruptura de la continuidad o la repetición de "formas" pasadas ya muertas concluyen en la confusión político-ideológica que vivimos hoy día, donde los conservadores no son conservadores, ni los socialistas socialistas. 

 Las ideas políticas fundamentales, ante mis ojos, están mejor representadas por las "órdenes" que por los partidos políticos. Las "órdenes" proveen a sus afiliados de una educación continua e incluyen la noción de servicio. Las "órdenes" nunca se fijan meros objetivos políticos de pequeñas ambiciones. Tales "órdenes" fueron las órdenes de caballería, en la Edad Media y Renacentista europea. La noción de "fotowwa" en la Persia islámica obedece a esta idea, como también algunos experimentos en pleno siglo XX (La Legión de San Miguel Arcángel, del rumano Cornelio Codreanu, el "Verdinaso" flamenco, etc.) 
 

Por favor, explíquenos qué entiende por el término "Revolución Conservadora" y, si es posible, indíquenos algunas de sus claves ideológicas y de sus figuras fundamentales. 

Cuando el compuesto "Revolución Conservadora" fue usado en Europa, fue mayormente en el sentido que le dio Armin Mohler en su famoso libro "Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932". Mohler dictó una larga lista de autores que rechazaban los pseudo-valores de 1789 (despreciados por Edmund Burke como meros "blue prints"), ensalzaban el rol de la germanidad en la evolución del pensamiento europeo y recogían la influencia de Nietzsche. Mohler evitó las instancias puramente religiosas "conservadoras", fuesen católicas o protestantes. Para Mohler, el punto esencial de contacto de la "Revolución Conservadora" era una visión no-lineal de la historia, pero no recogió simplemente otra vez la visión cíclica del tradicionalismo. Después de Nietzsche, Mohler creyó en una concepción esférica de la historia. ¿Qué significa esto? Esto significa que la historia no es una simple repetición de los mismos sucesos a intervalos regulares, ni un camino recto que conduzca a la bienaventuranza, al fin de la historia, al Paraíso en la Tierra, a la felicidad, etc., sino que se asemeja a una esfera que puede rodar (mejor dicho, ser empujada) en todas direcciones, acorde con los impulsos que reciba de las personalidades carismáticas, fuertes. Tales personalidades carismáticas dirigen el curso de la historia hacia algunas vías muy particulares, vías que de ningún modo están previamente fijadas por la mano de la providencia. Mohler, en este sentido, nunca creyó en las doctrinas políticas universalistas, sino en las personalidades que las encarnaban. Al igual que Jünger, creía que lo "general" (en su sentido histórico) es residuo de lo "particular". Mohler expresó su visión de las dinámicas particulares usando el muy problemático término de "nominalismo". Para él, "nominalismo" era la expresión certera que quería indicar cómo las fuertes personalidades y sus seguidores eran capaces de abrir nuevas y originales vías en la jungla de la existencia. 

 Las principales figuras del movimiento fueron Spengler, Moeller van den Bruck y Ernst Jünger (y su hermano Friedrich-Georg). Podemos añadir a este triunvirato los nombres de Ludwig Klages y Ernst Niekisch. Carl Smitt, como abogado católico y constitucionalista, representa otro aspecto importante de la llamada "Revolución Conservadora". 

Spengler quedará como el autor de un brillante fresco de las civilizaciones mundiales que inspiró al filósofo británico Arnold Toynbee. Spengler habló de Europa como civilización faústica, cuya mejor expresión fue las catedrales góticas, la interacción de la luz y los colores de las vidrieras, las tormentas de nieve con nubes blancas y grises de muchas pinturas holandesas, inglesas y alemanas. Esta civilización es una aspiración del alma humana hacia la luz y hacia el autocompromiso. Otra importante idea de Spengler es la idea de "pseudo-morfosis": una civilización nunca desaparece completamente tras una decadencia o una conquista violenta. Sus elementos pasan a la nueva civilización que asume su sucesión y reemprende las vías originales. 

 Moeller van den Bruck fue el primer traductor alemán de Dostoievski. Se dejó influir profundamente por los diarios de Dostoievski, tan llenos de severas críticas al Occidente. En el contexto alemán después de 1918, Moeller van den Bruck abogaba, con argumentos de Dostoievski, por una alianza Rusogermana contra el Oeste. ¿Cómo podían los respetables caballeros alemanes, con una inmensa cultura artística, mostrarse a favor de una alianza con los bolcheviques? Sus argumentos fueron los siguientes: durante toda la tradición diplomática del siglo XIX, Rusia fue considerada el escudo de la reacción contra todas las repercusiones de la Revolución Francesa y contra la mentalidad y los modos revolucionarios. Dostoievski, un antiguo revolucionario ruso que más tarde admitió que su opción revolucionaria fue un error, consideraba más o menos que la misión de Rusia en el mundo era borrar en Europa los rastros de las ideas de 1789. Para Moeller van den Bruck, la Revolución de Octubre de 1917 solo fue un cambio de ropajes ideológicos: Rusia continuaba siendo, a despecho del discurso bolchevique, el antídoto a la mentalidad liberal de Occidente. Derrotada, Alemania debiera aliarse a esta fortaleza antirrevolucionaria para oponerse al Occidente, que a los ojos de Moeller van den Bruck es la encarnación del liberalismo. El liberalismo, expresa Moeller van den Bruck, es siempre la enfermedad terminal de los pueblos. Tras unas décadas de liberalismo, un pueblo entrará inexorablemente en una fase de decadencia final. 

El camino seguido por Ernst Jünger es suficientemente conocido. Empezó como un ardiente soldado y joven galante en la Primera Guerra Mundial, formando en las trincheras parte de los cuerpos de asalto que manejaban la granada de mano con la misma elegancia que los oficiales británicos usaban la fusta. Para Jünger, la Primera Guerra Mundial fue el fin del mundo pequeño burgués del XIX y de la "Belle Epoque", donde todo había de ser "como debía ser", por ejemplo, obrar acorde a los ejemplos ofrecidos por profesores y sacerdotes, como hoy se obra de acuerdo a las autoproclamadas reglas de la "corrección política". Bajo las "tempestades de acero", el soldado se veía reducido a la nada, a su mero y frágil ser biológico, pero esta visión no significó a los ojos de Jünger una excusa para un pesimismo inepto, de miedo y desesperación. Habiendo experimentado el más cruel de los destinos en las trincheras, bajo el bombardeo de miles de piezas de artillería que sacuden la tierra, viendo todo reducido a lo "elemental", el soldado de infantería conoció mejor que otros el cruel destino humano sobre la faz de la tierra. Toda la artificialidad de la vida civilizada urbana apareció de repente como pura impostura. En la posguerra, Ernst Jünger y su hermano Friedrich-Georg fueron los mejores escritores y periodistas nacional-revolucionarios. Ernst se armó de una buena dosis de cinismo, ironía y serenidad a la hora de observar la vida y los actos humanos. Durante un bombardeo sobre un suburbio parisino, donde las fábricas estaban produciendo material de guerra para el ejército alemán durante la Segunda Guerra Mundial, Jünger se aterrorizó ante la innatural ruta aérea, recta, tomada por las fortalezas aéreas norteamericanas. La linealidad de las rutas aéreas hacia París era la negación de todas las curvas y sinuosidades de la vida orgánica. En la guerra moderna está implícita la destrucción de los devaneos y las serpentinas que caracterizan lo orgánico. Ernst Jünger empezó su carrera como un escritor apologista de la guerra. Después de haber observado las irresistibles arremetidas de los B-17 americanos, se desengañó completamente de los antivalores desplegados en la guerra por la pura técnica. Después de la Segunda Guerra Mundial, su hermano Friedrich-Georg escribió el primer trabajo teórico crítico al desarrollo de la nueva Alemania en clave ecologista, "Die Perfektion der Technik" (La Perfección de la Técnica). La idea principal de este libro, a mi entender, es la crítica de la "conexión". El mundo moderno es un proceso de intento de conexión de las comunidades humanas y los individuos a grandes estructuras. Este proceso de conexión destruye el principio de libertad. Eres un pobre proletario encadenado si estás "conectado" a una gran estructura, aunque ganes 3000 libras al mes, o más. Eres un hombre libe cuando estás completamente desconectado de esos enormes tacones de acero. En cierto sentido, Friedrich-Georg escribió la teoría que Kerouac experimentó de forma no teórica mediante la elección de la "caída" y del "viaje", convirtiéndose en un cantante vagabundo. 

Ludwig Klaes fue otro filósofo de la vida orgánica contra el pensamiento abstracto. Para él, la dicotomía principal se daba entre la Vida y el Espíritu ("Leben und Geist"). La vida se encuentra aplastada por el espíritu abstracto. Klages nació en la Alemania del Norte, pero emigró, como estudiante, a Munich, donde gastó su tiempo libre en las tabernas de Schwabing, el distrito donde se reunían los artistas y los poetas (y donde todavía se reúnen). Fue amigo del poeta Stephan Georg y un estudioso de las más originales figuras de Schwabing, como el filósofo Alfred Schuler, quien creía ser la reencarnación de un colono romano en la Germania de las orillas del Rhin. Schuler tenía un genuino sentido del teatro. Solía disfrazarse con la toga de los emperadores romanos, admiraba a Nerón y montaba representaciones recordando la audiencia del antiguo mundo grecorromano. Pero más allá de su vida de fantasía, Schuler adquirió una importancia cardinal en filosofía por su hincapié en la idea de "Entlichtung", es decir, la desaparición gradual de la Luz desde los tiempos de la antigua Ciudad-Estado griega y la Italia romana. No hay progreso en la historia, sino todo lo contrario, la Luz se va desvaneciendo, al igual que la libertad del ciudadano libre a la hora de elegir su propio destino. Hannah Arendt y Walter Benjamin, desde la izquierda de la postura conservadora-liberal, se inspiraron en esta idea y la adaptaron a diferentes audiencias. El mundo moderno es el mundo de la completa oscuridad, donde existen pocas esperanzas de encontrar de nuevo períodos donde "ser-iluminados", a menos de dar con personalidades carismáticas, como Nerón, dedicado al arte y a los modos dionisíacos de la vida, que nos introduzcan en una nueva era de esplendor, la cual habría de durar sólo como la bendita estación de la primavera. Klages desarrolló las ideas de Schuler, quien nunca escribió un libro completo, después de su muerte en 1923, debido a una operación mal preparada. Klages, justo antes de la Primera Guerra Mundial, pronunció un famoso discurso en la colina de Hoher Meissner, en la Alemania central, frente a la asamblea de los "Wandervogel", el movimiento de la juventud. Este discurso tenía en título de "El Hombre y la Tierra", y puede ser visto como el primer manifiesto orgánico-ecologista, claro y compresible, no obstante sus sólidos fondos filosóficos. 

Carl Schmitt empezó su carrera como profesor de derecho en 1921, aun cuando vivió hasta la respetable edad de 97 años, escribiendo su último ensayo a los 91 años. No puedo enumerar todos los puntos importantes de la obra de Carl Schmitt en el curso de esta modesta entrevista. Resumámoslos diciendo que Schmitt desarrolló dos ideas fundamentales: la idea de la decisión en la vida política y la idea del "Gran Espacio". El arte de dar forma a la política, el arte de una buena figura política, reside en la decisión, no en la discusión. El líder ha de tomar decisiones en orden a guiar, proteger y desarrollar la comunidad política. La decisión no es dictatorial, como dicen ahora muchos liberales en estos tiempos de la corrección política. Al contrario: una personalización del poder es algo más democrático, en el sentido de que un rey, un emperador o un líder carismático es siempre una persona mortal. El sistema que impone eventualmente no es eterno, terminará muriendo como todo ser humano. Un sistema nomocrático, al contrario, trata de permanecer eterno, incluso cuando los eventos e innovaciones contradigan sus normas o principios. El segundo gran tema de los trabajos de Schmitt es la idea del "Grossraum", el Gran Espacio Europeo. Los poderes "fuera-del-espacio" estarían impedidos para intervenir en el cuerpo de este Gran Espacio. Schmitt quería aplicar en Europa el mismo principio que animó el presidente Monroe de los Estados Unidos: "América para los americanos". Schmitt podría compararse a los "continentalistas" norteamericanos, críticos con las intervenciones de Roosevelt en Europa y Asia. Los iberoamericanos también desarrollaron similares ideas continentalistas, y los imperialistas japoneses que hablaban del Gran Área del Pacífico. Schmitt dotó a esta idea del "Gran Espacio" de una fuerte base jurídica. 

Niekisch es una figura fascinante en el sentido en que su debut público lo ejerció como líder comunista del "Soviet" de la República Bábara de 1918-19, que fue aplastado por los Freikorps de von Epp, von Lettow-Vorbeck, etc. Obviamente, Niekisch se desilusionó por la ausencia de una visión histórica en el trío bolchevique de la revolución muniquesa (Lewin, Keviné, Axelrod). Niekisch desarrolló una visión eurasiática, basada en la alianza entre la Unión Soviética, Alemania y China. La figura ideal que habría de ejercer como motor humano de esta alianza era el campesino, el adversario de la burguesía occidental. Aquí es obvio un cierto paralelismo con Mao-Tse-Tung. En las revistas que editó Niekisch descubrimos continuamente tentativas germanas de apoyo a todos los movimientos antibritánicos o antifranceses en sus imperios coloniales o en Europa (Irlanda contra Inglaterra, Flandes contra la Bélgica afrancesada, el nacionalismo Indio contra la Gran Bretaña, etc.). 

Espero haber explicado en pocas palabras las principales tendencias de la llamada Revolución Conservadora en Alemania entre 1918 y 1933. También espero que quienes conozcan este movimiento pluridimensional puedan perdonar mi introducción esquemática. 
 

¿Tiene usted un "ángulo espiritual"? 

Para contestar esta pregunta, intentaré ser sucinto. En el grupo de amigos que intercambiábamos ideas políticas y culturales a finales de los setenta, nos topamos con la obra de Julius Evola "Rebelión contra el mundo moderno". Algunos rechazaban totalmente cualquier predispuesto espiritual, argumentando que se trataba de especulaciones estériles: preferían leer a Popper, Lorenz, etc. Yo acepté algunas de sus críticas, y todavía me disgustan algunos argumentos de las especulaciones evolianas, alegando un mundo espiritual de la Tradición contra toda realidad. El peligro está en desatender el mundo real como mera trivialidad; pero este es, por supuesto, el culto a la Tradición principalmente apoyado por los jóvenes "que sienten el mal en su propia piel", como dice el refrán inglés. El sueño de vivir como seres de cuentos de hadas es una forma de rechazo de la realidad. Pero en el capítulo 7 de "Rebelión contra el mundo moderno", Evola, al contrario, reafirma la importancia de los "numena", las fuerzas que actúan en las cosas, los fenómenos (mejor "los poderes") naturales. Evola describe cómo la primitiva mitología romana ponía el acento en los "numena" antes que en las divinidades personalizadas. Hago mía esta idea. Más allá de la gente y de los dioses de las religiones usuales (sean paganos o cristianos), existen fuerzas actuantes, y el hombre puede colocarse en concordancia con ellas, con objeto de salir triunfante en sus acciones terrenas. Mi orientación religiosa-espiritual es más mística que dogmática, en el sentido de la tradición mística de Flandes y Renania (Ruusbroec, Meister Eckhart!), pero también en el sentido seguido por Ibn Arabi en el área musulmana o de Sohrawardi entre los persas, que admiraban el real esplendor de la vida y del mundo. En estas tradiciones se rechaza el culto dogmático, la dicotomía entre la divinidad, lo sagrado, por una parte, y el mundo, lo profano, por la otra. Las tradiciones místicas significan la omni-compenetración y la sinergia de todas las fuerzas actuantes en el mundo. 
 

Me gustaría que explicase a nuestros lectores el por qué dedica tanta importancia a conceptos tales como geopolítica o eurasismo.

La geopolítica es una mixtura de historia y geografía o, en otras palabras, del tiempo y del espacio. La geopolítica es un conjunto de disciplinas (no una disciplina) que interesan a un buen gobierno en el tiempo y en el espacio. Como punto de contacto entre la historia y la geografía, la geopolítica interesa a todo poder serio que se entienda a sí mismo como institución, es decir, como continuidad histórica. Ningún poder serio puede sobrevivir sin una dominación y una sujeción de la tierra y el espacio. Todos los imperios tradicionales, antes que nada, organizaban la tierra mediante la construcción de vías de comunicación (Roma es el ejemplo) o mediante el control de grandes ríos navegables (Egipto, Mesopotamia, China), y solo así pudo emerger una larga historia, en el sentido de continuidad. Y de ahí también el nacimiento de las primeras ciencias prácticas (astronomía, meteorología, geografía, matemáticas) bajo la protección de estructuras armadas, con un código del honor especialmente codificado en Persia, matriz de las órdenes de caballería. L Imperio Romano, primer Imperio sobre el solar europeo, se centralizó alrededor del Mediterráneo. El Sacro Imperio Romano-Germánico no encontró su propio corazón, tan bien organizado como lo era el Mediterráneo. Las vías fluviales de Centroeuropa conducían al Mar del Norte, el Báltico y el Mar Negro, pero no estaban conectadas entre ellas. Esta fue la verdadera tragedia de la historia germana y europea. La nación fue devorada por las fuerzas centrífugas. El emperador Federico II Hohenstaufen intentó restaurar el control del Mediterráneo, con Sicilia como pieza geográfica central. Su intento fue un trágico fracaso. Sucede que sólo ahora la emergencia de una renovada forma imperial (bajo una ideología moderna) es posible en Europa: después de la realización del proyecto "Blue Stream", la apertura de un canal que permita el tráfico fluvial entre el Rhin y el Danubio. Una conexión directa entre el Mar del Norte (incluyendo el sistema fluvial del Támesis en Gran Bretaña) y el Mar Negro, permitiendo a las fuerzas económicas y culturales centroeuropeas extenderse hasta las orillas de los mismos países caucásicos. Quienes posean una buena memoria histórica, no cegada por los tópicos ideológicos del modernismo, recordarán el rol de las orillas del Mar Negro en la historia espiritual de Europa: en Crimea, muchas viejas tradiciones, paganas y bizantinas, fueron preservadas en las cavernas de los monjes. Las influencias de Persia, especialmente los valores de la vieja caballería zoroástrica, alcanzaron la Europa central y Occidental también siguiendo las orillas del Mar Negro. Sin estas influencias, Europa estaría espiritualmente mutilada. 

Por ende, el área del Mediterráneo, el Rhin (con su afluente el Rhone) y el Danubio, los ríos navegables rusos que desembocan en el Mar Negro y el mismo Mar negro y el Cáucaso pueden constituirse en una verdadera área de civilización, defendida por una fuerza militar unificada, basada en una espiritualidad heredera de la antigua Persia. Esto es lo que significa, a mis ojos, Eurasia. Mi posición es levemente diferente a la de Alexandr Duguin, y ambas posiciones son perfectamente compatibles. 

Cuando los otomanos tomaron el control completo en la Península Balcánica, en el siglo XV, las rutas terrestres estuvieron prohibidas a los europeos. Además, con la ayuda de los piratas berberiscos del Norte de África, con base en Argel y capitaneados por Barbarroja, los turcos cerraron el Mediterráneo al comercio pacífico europeo y a su expansión hacia la India y China. El mundo musulmán trabajó en el sentido de degollar mediante el bloqueo a Europa y a Moscovia, corazón del futuro Imperio Ruso. Todos ellos, europeos y rusos fijaron sus esfuerzos en la destrucción del bloqueo Otomano. Los portugueses, los españoles, los ingleses y los holandeses lo intentaron mediante la búsqueda de nuevas rutas marinas, circunvalando el África y las masas terrestres asiáticas, arruinando primero el reino de Marruecos y su monopolio del oro procedente de las minas del África Ecuatorial, y que clamaba para construir una armada capaz de conquistar de nuevo la Península Ibérica. Con sus expediciones al África Occidental, los portugueses fueron ellos mismos a buscar el oro, y Marruecos se convirtió en un mero poder residual. Más tarde, los portugueses regresaron de la India con el primer cargamento de especias, rompiendo para siempre el bloqueo otomano, dando también por vez primera una verdadera dimensión eurasiática a la historia europea. 

Al mismo tiempo, los rusos estaban rechazando a los tártaros, tomando la ciudad de Kazán y rompiendo el cerrojo tártaro del bloqueo musulmán. Fue el comienzo de la perspectiva geopolítica eurasista rusa. 

 El blanco de la estrategia global americana, desarrollada por un hombre como Zbigniew Bzrzezinski, es recrear artificialmente el bloqueo musulmán, sosteniendo y apoyando el militarismo turco y el panturanismo. En esta perspectiva, apoyaron tácitamente, y todavía secretamente, las reivindicaciones marroquíes sobre las Islas Canarias y usan a Pakistán para impedir los contactos territoriales entre la India y Rusia. Por ello es doblemente necesario para la Europa y para la Rusia de hoy recordar la contraestrategia elaborada por TODOS los pueblos europeos en los siglos XV y XVI. La historia europea siempre ha sido pensada en claves y visiones pequeño-nacionalistas. Es hora de reconsiderar la historia europea en claves y visiones de convergencias y alianzas comunes. Las hazañas marinas de los portugueses y las hazañas terrestres de los rusos son ambas convergentes, convergentes como acciones de Eurasia. La batalla de Lepanto, en la cual las flotas genovesa, veneciana y española unieron esfuerzos bajo la dirección de Don Juan de Austria para controlar el área mediterránea oriental, es un modelo histórico para meditar y recordar. Pero la más importante alianza eurasiática fue sin duda la Santa Alianza liderada por Eugenio de Saboya, a fines del siglo XVII, que hizo retroceder a los otomanos en 400.000 kilómetros cuadrados de tierra en los Balcanes y en el sur de Rusia. Esta victoria permitió a los zares rusos del siglo XVIII, especialmente a Catalina la Grande, vencer en otras ocasiones otras batallas decisivas. 

Mi eurasismo (y, por supuesto, todo mi pensamiento geopolítico) es una clara respuesta a la estrategia de Bzrzezinski y está profundamente enraizada en la historia europea. No es comparable en absoluto con las estúpidas posturas de algunos pseudo-nacional-revolucionarios chiflados, ni con las bonitas estampas estéticas de los neo-derechistas que quieren pasar por filósofos. Por otra parte, he de hacer una última anotación sobre geopolítica y eurasismo: mis principales fuentes de inspiración son inglesas, como el atlas histórico de Colin McEvedy, los libros de Peter Hopkirk sobre los servicios secretos en el Cáucaso y en Asia Central, a lo largo de la Ruta de la Seda y en el Tibet, las reflexiones de Arnold Toynbee en sus veinte volúmenes de "A Study of History".
 

¿Cuál es su visión de Estado? ¿es necesario tener sistemas o infraestructuras como medios de organización sociopolítica, o piensa usted que una forma descentralizada de tribalismo e identidad étnica pudiera ser una mejor solución? 

 Su pregunta requiere un libro entero para ser contestada en su integridad. Primero, quisiera decir que es imposible tener una visión de "EL" Estado, pues hay muchas formas de Estado en el mundo. Por supuesto, hay que hacer distinciones entre un Estado, que todavía es un genuino y eficiente instrumento para la promoción de un pueblo, y también para proteger su civilización contra las amenazas maquinadas por sus enemigos externos o internos, o naturales (calamidades, inundaciones, hambrunas, etc.). El Estado es esculpido por un pueblo viviendo en un territorio específico dado. Por supuesto, soy crítico con los estados artificiales, como aquellos que son impuestos por las así llamadas necesidades universales. Tales estados son simples máquinas para someter o explotar una población por una oligarquia o por intereses alógenos. Una organización de los pueblos, acorde con los criterios étnicos, podría ser una solución ideal, pero desafortunadamente, como los eventos en los Balcanes nos han mostrado, la mengua y el flujo de poblaciones en la historia de Europa, África o Asia muy a menudo ha desplazado a los grupos étnicos más allá de sus fronteras naturales, instalándose en territorios formalmente controlados por otros. Los estados homogéneos no pueden construirse en tales situaciones. Esta ha sido la fuente de muchas tragedias, especialmente en la Europa Oriental y Central. La única perspectiva, hoy, es pensar en términos de Civilización, como propone Samuel Huntington en su famoso artículo y libro "The Clash of Civilisations" ("El choque de las Civilizaciones"), escrito en 1993. 
 

 En 1986, usted escribió: "la Tercera Vía existe en Europa al nivel de teoría, lo que necesita son militantes" ("Europe: A New Perspective", en The Scorpion, Issue #9, p.6). ¿Es todavía el caso, o ha habido cambios desde entonces? 

Básicamente, la situación es la misma. O quizás peor, porque, al avanzar en edad, puedo percatarme que los niveles de educación clásica se han desvanecido. Nuestro modo de pensar es en cierto sentido spengleriano, abarcando toda la historia del género humano. Guy Debord, líder de los situacionistas franceses desde finales de los cincuenta a los ochenta, pudo observar y deplorar que la "sociedad del espectáculo" o "show society" tiene como objetivo principal destruir todos los modos de pensamiento basados en términos históricos para reemplazarlos por tópicos artificiales o simples embustes. La erradicación de las perspectivas históricas de las cabezas de los alumnos, de los estudiantes y de los ciudadanos, por medio del trabajo diluido de los mass-media, es la gran manipulación que nos conduce a un mundo orwelliano, sin memoria. En una situación tal, todos nos arriesgamos al aislamiento de Winston-Smiths. No hay tropas frescas de voluntarios dispuestas a ese esfuerzo. 
 

Para finalizar, háblenos sobre su compromiso con "Synergies Européennes" y sus planes para el futuro. 

 "Synergies" fue creado con la idea de agrupar gentes de todos sitios, especialmente quienes publicaban revistas, con la idea de difundir más rápidamente los mensajes que nuestros autores habían desarrollado. Pero el conocimiento de lenguas siempre es un problema. Siendo políglota, como usted sabe, siempre me he abrumado ante la repetición de los mismos argumentos en todos los niveles nacionales. Marc Lüdders, de Synergon-Alemania, coincide conmigo. Es triste que los numerosos e importantes trabajos desarrollados en Italia no sean conocidos en Francia o Alemania, y viceversa. Con relación a lo aquí dicho, mi mayor deseo seria ver cómo el intercambio de textos se realiza de forma rápida en los próximos veinte años.
 
 

 

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