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dimanche, 15 novembre 2009

Entretien avec Alexandre Douguine (1992)

dugin1.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Entretien avec Alexandre Douguine, éditeur traditionaliste à Moscou

 

propos recueillis par Robert Steuckers et Arnaud Dubreuil

 

Q.: Monsieur Douguine, vous êtes éditeur à Moscou depuis que la «perestroïka» permet ce genre d'activité indépendante. Vous avez édité ou vous allez éditer les Rig-Véda, la «Volonté de puissance» de Nietzsche, le «Golem» et l'«Ange à la fenêtre» de Gustav Meyrinck, «Chevaucher le Tigre» et «Impérialisme païen» de Julius Evola, «La crise du monde moderne» et le «Règne de la quantité» de René Guénon, «Ungern le Baron fou» de Jean Mabire, «Méphistophéles et l'Androgyne» de Mircea Eliade, etc. Tout cela dans le cadre des éditions AION et de l'association ARCTOGAIA. Mais ces textes, m'avez-vous dit lors de notre première rencontre en juillet 1990, circulaient déjà en samizdat depuis longtemps. Pouvez-vous nous raconter brièvement cette odyssée? Quel impact ont eu ces livres clandestins?

 

AD: Le samizdat en général, les Russes le faisaient pour rire. Mais avec Evola et Nietzsche, qui circulaient en samizdat, il y avait rupture. Leurs écrits tranchaient par rapport au samizdat conventionnel, anti-communiste et démocratique. Ces livres étaient agaçants. On nous prenait d'abord pour des «satanistes», des êtres immoraux, des gens agités par de sombres desseins. L'impact global de nos livres était assez insignifiant parce que la liberté de penser n'a été qu'un résultat  de la liberté d'expression. Les gens n'étaient intéressés que par le nom des auteurs qui avaient des relents scandaleux et non par le contenu de leurs œuvres. Aujourd'hui, le public montre davantage d'intérêt pour le contenu. Il s'habitue peu à peu à des idées comme l'inégalité, l'élitisme, la métaphysique, l'aryanité, la métaphysique juive, la tradition indo-européenne, le traditionalisme, l'eschatologie (mot totalement inconnu avant nos interventions éditoriales). Toutes ces réactions du public sont encore superficielles mais le déclic s'est produit. Le public n'est pas encore capable d'opérer des distinctions entre les diverses écoles de pensée (traditionalisme, néo-spiritualisme, nouvelle droite, troisième voie, New Age, catholicisme, etc.). Il est difficile d'évaluer le tirage de nos titres en samizdat. Nous en imprimions 50 ou 100 et les gens les reproduisaient par dactylographie ou tout autre moyen, surtout en Sibérie, à Krasnoïarsk par exemple. A l'époque, ce type d'édition clandestine était dangereux. Nous risquions la prison ou le camp. Mais c'est en fait la radicalité des théories de Nietzsche et d'Evola qui nous a sauvés. On nous prenait pour des fous; personnellement, j'ai été enfermé pendant un mois dans un asile psychiatrique, avec traitement médical approprié de façon à ce que j'«oublie». Au cours de cette détention, une psychiatre m'a fait administrer un traitement spécial parce que j'avais dit que Heidegger écrivait en allemand, alors qu'elle était persuadée qu'il écrivait en anglais! J'ai eu aussi des ennuis pour des chansons et chansonnettes que je chantais dans nos cercles...

 

Q.: Quels ouvrages comptez-vous éditer dans un avenir très proche?

 

AD.: La chronique de l'Oera-Linda (1); Le dominicain blanc  de Meyrinck et ses contes; ensuite les contes de Lovecraft ainsi que certains de ses articles. Nous aimerions éditer Jean Ray. Plusieurs ouvrages de Guénon, comme l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues. D'Evola, nous envisageons la publication de la Tradition hermétique et de la Révolte contre le monde moderne  sans oublier la Métaphysique du sexe. Nous éditerons aussi nos propres livres: Les voies de l'Absolu de moi-même, un ouvrage consacré à l'eschatologie et à la cyclologie traditionnelle; L'Orientation du Nord  du grand théoricien musulman Djemal Haïdar.

 

Q.: Vous enclenchez une «révolution conservatrice» en Russie. Mais quels sont vos modèles russes? Leontiev indubitablement... Dostoïevski? Berdiaev? Valentin Raspoutine, qui siège dans le Conseil de Gorbatchev? Soljénitsyne et son projet de confédération grande-slave?

 

AD: Nous sommes plutôt des traditionalistes métaphysiciens. Mais nous estimons qu'il est nécessaire d'appliquer les éternels principes de la Tradition à la situation actuelle et cela, d'une manière différente de celle imaginée par le scénario conservateur de ces trois derniers siècles. C'est la raison pour laquelle nous ne nous posons pas comme des «traditionalistes» au sens politique du terme mais comme des révolutionnaires, des innovateurs radicaux. Léontiev nous intéresse beaucoup, parce qu'il envisage l'union des traditionalistes orthodoxes-byzantins et islamiques contre le libéralisme occidental, mais simultanément nous nous intéressons aussi au «critique de la russéité», Tchadaïev (2). Aujourd'hui, Chafarévitch nous apparaît très intéressant parce qu'il est le seul penseur au vrai sens du terme. Raspoutine nous intéresse moins parce qu'il est un traditionaliste politique sans être un révolutionnaire. Deux choses nous distinguent de la droite russe conventionnelle. D'abord, nous sommes des «patriotes du Nord de l'Europe», des défenseurs de la spécificité intrinsèque du Nord de l'Europe, et non seulement de la Russie. Ensuite, à rebours des droites, nous ressentons la dimension proprement eschatologique de notre engagement. Ces deux positions exigent des méthodes radicalement différentes par rapport aux engagements politiques conventionnels. Quant à Dostoïevski, nous ne retenons pas chez lui sa réponse mais son questionner génial. Son personnage Chatov n'est pas pour nous le reflet de sa propre personne; Dostoïevski se retrouve plutôt dans Kirilov mais aussi, en même temps, dans Stavroguine, Verkovenski et tous les autres. Berdiaev, pour nous, n'incarne pas une pensée profonde mais superficielle, trop éclectique. Soljénitsyne apporte du nouveau, dans une perspective qui n'est pas celle de la droite conventionnelle (qui, elle, est impérialiste); son nationalisme est populiste/ethniste, dépourvu de toute arrogance impérialiste. Il veut se débarrasser de l'empire soviétique artificiel, cette construction contre-nature. Nous soutenons ses propositions mais nous souhaiterions les compléter par la célèbre perspective eurasienne/touranienne (3). Le NTS a été intéressant, notamment sur le plan politique, mais il semble avoir été récupéré par quelque force mondialiste, téléguidée depuis Washington.

 

Q.: La perestroïka vous a permis d'être éditeur, d'amorcer votre «révolution conservatrice» sur la place publique. Mais vous la jugez négative pour le peuple russe. Pourquoi?

 

AD: Chez nous, en Russie, la situation politique intérieure bascule dans le grotesque et l'absurdité. Deux courants majeurs s'imposent aujourd'hui à la société soviétique, les droites et les gauches. Tous deux sont des mélanges idéologiques presque impossible à définir. Les droites sont représentées par les communistes conservateurs, staliniens ou brejnéviens, les écrivains patriotiques non communistes voire parfois anti-communistes, le clergé orthodoxe, les groupuscules antisémites et les patriotes radicaux (c'est cette variété hétéroclite que recouvre l'appelation «Pamiat»). Les gauches représentent les diverses variantes du pro-américanisme, les libéraux, les sociaux-démocrates, les anarchistes, soit, en résumé, les gens qui adhèrent à une philosophie économiste et la représentent dans ses aspects les plus purs. Paradoxalement  —c'est un résultat du soviétisme— les droites sont profondément imprégnées par les idéologèmes du gauchisme, du marxisme, du léninisme.

 

A droite, on nie la propriété privée et on cultive une fidélité inconditionnelle au militarisme socialiste. Pire, les droites soviétiques rassemblent les conformistes de tous poils, ceux qui, par le négativisme spirituel soviétique, sont totalement corrompus de l'intérieur. Les droites soviétiques actuelles reconnaissent comme acceptable les pires tares du socialisme soviétique: la servitude personnelle, la castration des volontés, la servilité et la docilité. Le front des droites, par conséquence, défend le système, tout en critiquant ses modifications démo

cratiques. Dans une telle droite, il n'y a aucun trait de la contestation véritable. Ajoutez-y la germanophobie et la frousse irrationnelle devant tout ce qui est taxé, à tort ou à raison, de fascisme ou de nazisme, et vous aurez devant vous le triste spectacle qu'offre cette parodie qu'est la droite soviétique de l'ère perestroïkiste. Cette droite est schizophrène: elle veut conserver frileusement toute une série de tares du régime soviétique et s'engoue simultanément pour les archaïsmes grotesques, tout en voulant reproduire formellement les attributs de l'époque d'avant 1917. Par ailleurs, autre trait caractéristique: cette droite identifie tout ce qui provient de l'Occident au judaïsme et toute forme d'intellectualité à la “maçonnerie”

 

Quant aux gauches, elles ne sont pas plus cohérentes. Elles pensent que la propriété privée, la valeur de la personnalité, le retour des terres aux paysans, la philosophie ontologique, etc., sont les signes les plus purs du gauchisme radical! Tous ces hommes de gauche sont des anti-communistes farouches, les ennemis jurés du marxisme, du léninisme, de l'histoire soviétique, de la Révolution d'Octobre. Leur nouveau mot d'ordre: les valeurs communes à toute l'humanité. Ils sont désormais partisans de la religion et du capitalisme.

 

De ce bric-à-brac idéologique des gauches et des droites ressort tout de même un clivage: celui induit par la question juive ou, inversément, la question de l'antisémitisme. Pour les droites, le «Juif», c'est le mal absolu, même si, dans les discours, elles masquent, par démagogie, l'âpreté de cette affirmation. Pour ces droites, donc, l'origine de tous les troubles actuels et passés réside dans le «sionisme». Dans cet «antisionisme», toutes les variantes de la droite se rejoignent. Inversément, les gauches pensent que l'origine de tous nos maux vient de l'antisémitisme. Les gauches raisonnent ainsi: «l'antisémitisme, c'est la jalousie des pauvres (matériellement, intellectuellement, spirituellement, etc.) pour les riches, de ceux qui sont au bas de l'échelle sociale pour ceux qui sont en haut». Cette jalousie, pour eux, explique tout, y compris la révolution d'Octobre, ce qui est le comble de l'absurdité, le stalinisme, le ureaucratisme, le brejnévisme, etc. Un exemple: une femme, le chef du secteur culturel du Conseil du district de Moscou, m'a dit un jour cette sottise incroyable, typique de la gauche perestroïkiste: “Je n’ai pas lu l’article de Soljénitsyne, “Comment devons-nous  reconstruire notre Russie,”; j’ai voulu savoir ce qu’il disait de l’avalanche d’antisémitisme qui nous tombe dessus. Il ne le mentionne même pas. Tout est clair! C’est un nazi! Je ne le lirai jamais!”.

 

Mais ce qui est le plus frappant dans la Russie d'aujourd'hui, c'est qu'il n'y a aucune volonté d'indépendance d'esprit dans tous ces mouvements politiques. Aucune sincérité ne ressort de ce magma. Tout y est manipulation habile, manipulation qui calcule et spécule sur l'inertie immense de notre peuple russe, abattu et perverti, incapable de quoi que ce soit qui aille dans le sens d'une restauration nationale. Les manifestations d'extrémisme, comme l'antisémitisme de certains cénacles de droite, restent parfaitement contrôlées et sont donc sans danger. Les communistes les plus à droite de Moscou, donc les plus braillards en matière d'«anticommunisme», sont les premiers à fonder des «entreprises mixtes» avec l'aide des monopoles capitalistes et de la Banque mondiale, dont les représentants à Moscou sont de nationalité juive. Pire: les droites sabotent le processus de libéralisation et aident de la sorte les dirigeants actuels de l'URSS à ne libéraliser que ce qu'ils veulent bien libéraliser et à ne privatiser que ce qu'ils veulent s'approprier à leur entier bénéfice. Quand les «conservateurs» s'efforcent de limiter et d'arrêter le processus de libéralisation, ils ne font du tort qu'aux citoyens ordinaires, les habituelles victimes des ignominies soviétiques!

 

Les fractions de gauche et de droite se lancent à la tête les injures de «fascistes» et de «nazis» à qui mieux-mieux. Pour les droites le fascisme, c'est la privatisation et la libéralisation proclamées par les gauches, selon la bonne vieille équation instrumentalisée par les patriotes: Occident = sionisme = hitlérime = capitalisme. Les gauches définissent comme «fascistes» ou «nazies» la «brutalité populiste» des patriotes et leur servilité par rapport au pouvoir.

 

Pour résumer ce que je viens de dire, la perestroïka soviétique, c'est le spectacle organisé et orchestré par les dirigeants du parti (qui, aujourd'hui, se sont déplacés dans le Conseil du Président ou ailleurs). Ils ont créé les marionettes monstrueuses que sont les droites et les gauches, de façon à ce qu'elles discutent et argumentent à l'infini, dans une cacophonie idiote qui ne mène nulle part. De l'autre côté, le peuple ne manifeste que de l'inertie et ne prouve que son impotence absolue. Il est sans vigueur, passif, titube comme un somnanbule, incapable de répondre à cette énorme provocation du pouvoir.

 

La lacune principale, c'est l'absence de contestation véritable, de volonté politique et idéologique indépendante. C'est vrai pour toutes les strates du peuple russe; les autres républiques et nationalités sont différentes mais pas trop différentes! Dans ce capharnaüm, il n'y a ni clarté ni cohérence idéologique. Un écrivain russe, très profond et très réaliste, Youri Mamleev m'a dit un jour: «Il ne faut pas craindre l'américanisation de notre peuple. Ce peuple russe si étrange et énigmatique est capable de défigurer tellement l'américanisme que l'on nous aura imposé que lorsque l'Amérique verra le résultat, elle tournera de l'oeil; ce qu'elle aura provoqué aura basculé dans l'horreur. Les Russes ont déjà tué le communisme en l'idiotisant à l'extrême. Si les Etats-Unis veulent perdre leur MacDonald ou leur Mickey Mouse, qu'ils les envoient en Russie! Il n'existe pas de force au monde qui soit plus grande que la force gigantesque et lente de l'idiotisme russe». Ces paroles de Mamleev sont assez brutales mais elles sont réalistes. Elles proviennent d'un écrivain qui porte un grand intérêt à toutes les formes de pathologie.

 

Les Occidentaux semblent l'ignorer: au niveau idéologique et politique, il ne se produit rigoureusement rien en Russie, mis à part une petite dose homéopathique de libéralisation. Mais celle-ci n'a aucune utilité pour le commun des mortels en Russie. Donc au lieu d'admirer béatement la politique de Gorbatchev, il faut se méfier plus que jamais des changements troublants d'aujourd'hui. Le «Prince de ce monde» ne rencontre plus le moindre obstacle, sauf peut-être l'inertie ou les résidus archaïques des structures psycho-ethniques. Si on compte sur la Russie pour faire advenir les vraies valeurs positives et traditionnelles ou pour déclencher la révolte contre le monde moderne, on se trompe, on s'illusionne. Les peuples des autres républiques auront peut-être plus de chance que les Russes qui ont assimilé l'idéologie destructricedu communisme importé et en ont fait leur idéologie nationale. La dissolution de l'empire soviétique, les Russes la perçoivent comme la fin de leur mission impériale. Or la nation impériale russe est morte. Peut-être qu'un jour surgira une nouvelle nation russe revivifiée et réveillée... Mais ce ne sont pas les droites soviétiques actuelles qui contribueront à ce réveil. Le réveil de la Russie et de l'Europe se produira non pas grâce à tout cela mais malgré tout cela.

 

Q.: Rejoignez-vous Zinoviev qui parle de «catastroïka»?

 

dugin.gifAD: Pas tout à fait. La perestroïka est négative; elle est une catamorphose. Mais Zinoviev néglige l'action des forces occultes et ignore les lois cycliques. Nous, nous mettons l'accent sur les lois cycliques. Après la perestroïka, il adviendra un monde pire encore que celui du prolétarisme communiste, même si cela doit sonner paradoxal. Nous aurons un monde correspondant à ce que l'eschatologie chrétienne et traditionnelle désigne par l'avènement de l'Antéchrist incarné, par l'Apocalypse qui sévira brièvement mais terriblement. Nous pensons que la «deuxième religiosité» et les Etats-Unis joueront un rôle-clef dans ce processus. Nous considérons l'Amérique, dans ce contexte précis, non pas seulement dans une optique politico-sociale mais plutôt dans la perspective de la géographie sacrée traditionnelle. Pour nous, c'est l'île qui a réapparu sur la scène historique pour accomplir vers la fin des temps la mission fatale. Tout cela s'aperçoit dans les facettes occultes, troublantes, de la découverte de ce continent, juste au moment où la tradition occidentale commence à s'étioler définitivement. Sur ce continent, les positions de l'Orient et de l'Occident s'inversent, ce qui coïncide avec les prophéties traditionnelles pour lesquelles, à la fin des temps, le Soleil se lèvera en Occident et se couchera en Orient. C'est Djemal Haïdar qui, parmi nous, a été le premier à nous le faire remarquer. La perestroïka, pour nous, n'est pas envisageable sans le facteur Amérique qui en est le moteur invisible, sur les plans politique et métapolitique. Zinoviev omet d'étudier le facteur occulte "Amérique" qui, pour nous, est essentiel.

 

Q.: Dans la perspective de Léontiev, vous envisagez un grand front traditionnel, alliant les Orthodoxes et les Musulmans et vous y ajoutez la «Tradition nordique»... Pour les Russes et les autres peuples slaves ou baltes, l'idée de la Lumière du Nord est compréhensible... Mais pour les Musulmans? Comment vos amis musulmans interprètent-ils la Lumière du Nord?

 

AD: Pour vous répondre, j'évoquerais d'abord le livre de Henry Corbin qui montre bien que la lumière spirituelle de l'ésotérisme musulman était exactement le lumière du Nord. Un jour, Djemal Haïdar a rencontré un jeune musulman azéri qui lui a révélé que le sang sacré des cinq Imams est attiré vers le pôle magnétique, donc vers le Nord. Il a affirmé que circule parmi les tarikas azéris une légende qui veut que Hitler était un Imam caché, descendant d'Ali. Cette idée peut paraître bizarre mais certains musulmans du Caucase, plus sérieux, n'excluent pas le rôle géopolitique et mystique du Nord pour l'Umma musulmane dans la dernière phase de notre cycle. Un autre jeune intellectuel azéri, connu pour ses positions radicales et fondamentalistes, Heretchi, affirme que l'eugénisme avait d'abord été inventé par l'imâmat avant d'être repris par le IIIième Reich...

 

Q.: Oui, mais les intégristes musulmans n'ont-ils pas oublié la phase ésotériste de l'Islam? Il existe dans les milieux traditionalistes en Europe occidentale un engouement pour le fondamentalisme musulman, alors que celui-ci se réfère beaucoup plus au Coran qu'à un véritable ésotérisme...

 

AD: Le réveil de l'Islam est un phénomène indéniable. Il est évidemment assez confus et porte en soi la tendance wahabitique, c'est-à-dire la tendance moraliste et puritaine, exotériste donc farouchement anti-ésotériste. D'autre part, nous assistons au réveil des tarikas et du soufisme, soit de l'ésotérisme islamique. Ce qui est curieux, c'est que l'on a parfois des Wahabites qui sont en même temps pro-ésotéristes. Cette confusion est bien caractéristique pour tout l'univers de l'Islam soviétique. Parfois certains ésotéristes sont cosmopolites et, dans certains cas, anti-traditionnels. Parmi les représentants de l'Islam populaire, dans ses aspects les plus simples, on rencontre des éléments qui relèvent d'un véritable ésotérisme opératif. Certains tarikas sont devenus de vrais musées et ont cessé d'être des centres spirituels, ce qui joue en faveur des tendances anti-traditionnelles. Il y a comme un renversement des rapports.

 

Q.: Quand Gorbatchev parle de «maison commune» européenne, comment réagissez-vous?

 

AD: Les Russes en général pensent qu'il s'agit de l'abolition de leur empire soviétique, donc de quelque chose de destructeur. Les gens doutent de la capacité de la population soviétique à devenir membre à part entière de la communauté des peuples européens. L'isolement du monde soviétique, du temps de Staline à Brejnev, a donné aux Russes le sentiment d'être normaux parce qu'il n'y avait aucun repère. Aujourd'hui, avec l'ouverture des frontières, les Russes ont un sentiment d'infériorité; ils se sentent comme des idiots, des inférieurs, des «Asiatiques», des sauvages. Moi, personnellement, je suis pour l'unité des peuples européens mais sur la base de la restauration de la Tradition commune spirituelle et nordique. On peut interpréter la «maison commune» de Gorbatchev dans notre sens. C'est sans doute différent de ses intentions mais c'est cela qui est important. De l'Europe unie spirituellement, on pourra passer à l'Eurasie unie spirituellement. Et parler alors de «maison commune» eurasienne.

 

Q.: Quels rapports entretenez-vous, traditionalistes russes, avec des traditionalistes chinoie ou japonais?

 

AD: A présent, nous n'en avons aucun. Mais nous l'envisageons avec intérêt. Ces contacts devront s'opérer sur la base d'études communes de la Tradition primordiale.

 

Q.: Vous utilisez l'expression «Kontinent Rossiya» (Continent Russie). Pouvez-vous nous le préciser?

 

AD: Il s'agit de visualiser la Russie d'une manière nouvelle. Comme un phénomène en soi, énigmatique, que nous devrons examiner petit à petit dans la perspective d'un bloc continental eurasien.

 

Q.: Vous envisagez donc une réorganisation géopolitique de la planète?

 

AD: La logique eschatologique postule nécessairement un changement brusque et global, objectif en quelque sorte, de l'état géopolitique du monde. Notre propos serait d'instaurer à travers tous ces cataclysmes, l'orientation septentrionale et, de ce fait, transcendantale.

 

Q.: Plusieurs revues se sont créées à Moscou, Kontinent Rossiya, Miliy Anguel, Posledniy Polus, Tawhid, Wahdad ainsi qu'une association, Arctogaia; quels sont leurs objectifs, leurs thèmes?

 

AD: Pour ce qui concerne l'association ARCTOGAIA, votre revue Vouloir  a publié, dans son numéro 68/69/70, la déclaration de principe. Je viens de vous remettre celles des revues Kontinent Rossiya  et Miliy Anguel  (cf. encarts, ndlr). Posledniy Polus est un supplément à Kontinent Rossiya,  où paraissent des textes plus actuels, politiques et artistiques. Tawhid  est la revue de l'avant-garde métaphysique islamique fondamentaliste, fondée et animée par le grand penseur et métaphysicien de notre époque, Djemal Haïdar. On y considère l'Islam sous la lumière initiatique et géopolitique, eschatologique, raciale, ethnique, économique, scientifique, artistique. C'est un curieux et génial mélange d'avant-garde intellectuelle et de traditionalisme radical. Wahdad  est le journal édité par le parti musulman Renaissance, mouve

ment fondamentaliste de la plus grande envergure en URSS aujourd'hui.

 

Q.: Monsieur Douguine, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.  

 

 

lundi, 09 novembre 2009

Lucio Caraciolo: De l'autonomie du point de vue géopolitique

3_2009_Eurussia_280.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Entretien avec Lucio Caracciolo, directeur de la revue Limes (Rome)

De l'autonomie du point de vue géopolitique

 

Pendant très longtemps il était politiquement incorrect de parler de géopolitique. Les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, dans l'urgence de dénazifier l'Europe avaient associé de façon exclusive cette importante discipline scientifique aux théories du Lebensraum (de l'espace vital) propagées par les théoriciens du Reich hitlérien. Finalement en Italie aussi, depuis quelque années, on peut à nouveau approcher cette discipline avec sérénité notamment grâce à une excellente revue trimestrielle de géopolitique, Limes, dirigée par Lucio Caracciolo. Dans le sillage du succès qu'elle a obtenu, de plus en plus souvent des publications à caractère géopolitique paraissent dans les librairies. La dernière en ordre chronologique est le Glossaire de géographie et de géopolitique  (Société Editrice Barbarossa), éditée par Enrico Squarcina. Sur les thématiques géopolitiques, nous avons interviewé le directeur de Limes.

 

Docteur Caracciolo, pouvez-vous nous résumer les contenus et les finalités de cette discipline?

 

Quand Michel Korinman, qui dirige avec moi Limes, m'a soumis le projet de lancer une revue italienne de géopolitique (depuis novembre 1996 nous avons une édition jumelle en France), nous avons expliqué immédiatement, à nous-mêmes et aux amis qui ont voulu participer à cette aventure, les termes originaux de notre approche. Nous n'avons pas la prétention d'élaborer les lois de l'histoire et encore moins de faire de la “science”. Beaucoup plus modestement, nous essayons d'analyser des cas particuliers dans des conflits de pouvoir sur base spatiale, donc pouvant être reproduits cartographiquement. Nous ne pensons pas pouvoir généraliser les cas singuliers en constantes universelles. Nous préférons examiner la façon dont les différentes parties en conflit  —pacifique ou militaire—  mandatent et utilisent des représentations politiques respectives pour réaliser leurs projets. Par exemple: Grande Serbie contre Grande Croatie, ou même Padanie contre Italie, et cela en nous efforçant de mettre les parties dans le même plan moral, même s'il est clair que chacun de nous a ses préférences et ses idées. C'est pourquoi dans Limes vous trouverez des points de vue de droite et de gauche, des positions laiques ou religieuses émanant de personnalités différentes quand elles ne sont pas carrément opposées, depuis Romano Prodi à Gianfranco Miglio, de Luciano Canfora à Virgilio Ilari, de Geminello Alvi à Sergio Romano. Ce n'est qu'en les confrontant dans leur dynamicité qu'on peut comprendre les raisons des uns et des autres.

 

En cette époque de globalisation, la conception de «nation» a-t-elle encore une signification quelconque? L'Italie peut-elle être considérée une nation à part entière?

 

Il est certain que la nation est toujours très importante. Et il est tout aussi vrai que l'Etat national, en tant qu'objet de relations internationales, compte toujours beaucoup. Mais je reste très prudent quand il s'agit de définir notre époque actuelle comme l'“époque de la globalisation”. Laissons aux historiens du futur le soin des interprétations. Il est clair que la croissance de l'interdépendance économique et culturelle multiplie les sujets géopolitiques. Aujourd'hui nous avons des régions, des provinces et même des villes possédant une vision géopolitique propre, et pour légitimer ces visions, elles aiment se donner le nom de “nations”. C'est le cas, entre autres, de la Padanie, dont je n'ai pas encore bien cerné le territoire (mais dans ce cas c'est moi qui devrait vous interviewer...).

 

Pour ce qui est de l'Italie, c'est une nation qui existe, en tant qu'Etat, depuis seulement 136 ans, même si l'idée d'Italie a 2000 ans d'histoire: elle descend de la réforme géopolitique de l'empereur Auguste dans le cadre de l'empire romain. Je ne connais pas beaucoup de nations aussi profondément enracinées dans le passé, sauf la Chine. Je suis convaincu que l'Italie durera encore longtemps, même si je n'ai pas de mal à imaginer une nation italienne intégrée dans un Etat européen.

 

Dans le dernier numéro de Limes, vous vous occupez de la politique étrangère de la Ligue du Nord en affirmant qu'elle se base sur les principes de l'ethno-fédéralisme. Vous citez aussi une pensée de Bossi: «C'est dans la nation, c'est-à-dire au sein d'un peuple ethniquement homogène, qu'on peut agir pour le mieux, mus par un meilleur élan affectif». Quelle est votre opinion?

 

77.jpgLa philosophie néo-existentialiste du sénateur Bossi dépasse largement mes facultés d'intelligibilité. Personnellement, j'éprouve un élan affectif majeur dans une relation amoureuse plutôt que dans le rapport avec ma nation. De plus, j'ai le vilain défaut de ne pas adhérer aux principes de l'ethno-fédéralisme, peut-être parce qu'en dépit de tous mes efforts, je ne les comprends toujours pas. Par ma nationalité, je suis italien, mais cela ne me suffit pas pour reconnaître les Italiens comme un peuple ethniquement homogène. Je ne sais pas trop ce qu'est une nation ethnique mais je suis certain que si elle devenait cette nation, je partirais ailleurs. Je suis encore partisan de l'idée qu'un état ethnique ne peut pas être un état libre et démocratique. Mais je n'ai pas la prétention de convaincre les liguistes et je suis très curieux d'entendre leurs argumentations.

 

Pouvez-vous vous exprimer sur le projet de créer des “eurorégions”, dans le style de celle souhaitée depuis longtemps par les Tyroliens?

 

Je ne suis ni favorable ni totalement défavorable aux eurorégions en tant qu'idée abstraite. Ce qui m'intéresse, ce sont plutôt les eurorégions singulières et, surtout, l'usage géopolitique qu'on en fait. Comment être contre ce projet, lorsqu'il s'agit de renforcer les liens économiques entre pays voisins ou d'améliorer les infrastructures de connexion entre frontières? Par contre, je suis préoccupé par le projet d'eurorégions qui, de façon claire ou occulte, remet en question les frontières européennes actuelles, en favorisant le surgissement de nouveaux murs sur le Continent. Si, par exemple, la création de l'eurorégion Tyrol signifie en clair rouvrir le contentieux entre l'Italie et l'Autriche, alors je suis totalement contre.

 

Est-ce que la présence de l'OTAN sur le territoire européen est encore justifiée? Que pensez-vous de l'élargissement de l'Alliance Atlantique?

 

L'OTAN représente une Amérique européenne et une Europe américaine. Je suis persuadé qu'après la fin de l'URSS nous avons encore besoin d'une présence américaine en Europe, pas tellement pour faire face à une invasion en provenance de l'Est mais plutôt pour stabiliser le Continent et éteindre les foyers de guerre, surtout dans l'aire adriatico-balkanique. Evidemment, nos intérêts ne correspondent pas toujours à ceux des Américains, c'est pourquoi nous devons faire entendre notre voix au sein de l'Alliance, tout en sachant que le poids qui donne la mesure est toujours l'Amérique. Quelle alternative? Une superpuissance Européenne? Une Allemagne comme superviseur du Continent? Mieux vaut rester sérieux et chercher à cultiver un rapport atlantique tant que ça dure. Je suis contre l'élargissement de l'OTAN pour plusieurs raisons (nouvelles divisions au cœur de l'Europe, humiliation gratuite de la Russie, marginalisation de l'Italie), mais surtout parce que je crains que cela n'entraîne un relâchement dans l'Alliance, donc une dégradation évidente de son bon fonctionnement. Cela finirait par donner de bons arguments à ceux qui, en Amérique, veulent liquider l'OTAN.

 

Des courants de pensée plutôt critiques vis-à-vis d'une future unification monétaire commencent à se propager. Pensez-vous qu'une Europe principalement économique et monétaire sera profitable aux peuples?

 

Le dernier volume de Limes  est consacré à cette problématique. Personnellement, plus j'y pense et plus je doute que l'Euro puisse servir à unir l'Europe. Au contraire, après Maastricht (mais pas uniquement à cause de Maastricht), je vois croître les tendances désagrégatrices, les particularismes, les nationalismes, l'inaptitude à trouver un point de médiation entre les intérêts nationaux. De ce fait, dans la meilleure des hypothèses, la préférence ira au projet anglais (aujourd'hui soutenu aussi par les Allemands) qui préconise une grande aire de libre-échange qui s'étend de l'Atlantique aux Balkans. Projet aussi légitime (et peut-être même réaliste...) qu'éloigné de l'idée classique d'Europe.

 

Limes s'est souvent préoccupé des rapports entre les Européens et le monde islamique. D'après vous, à quels scénarios pouvons-nous nous attendre dans un futur rapproché?

 

limes-la-cina-spacca-loccidente.jpgJe ne connais pas le futur, mais je crains que la schématisation du conflit de civilisation, inventé par le politologue américain Samuel Huntington, puisse un jour prévaloir. Si on suivait ce type de raisonnement, tout le monde serait perdant, aussi bien les Européens que les Islamiques. En outre, il n'existe pas d'ensemble géopolitique spécifique pour la détermination du monde islamique et nous n'avons aucun intérêt à promouvoir sa création. Si je peux avancer une suggestion, je dirais qu'il faut éviter à tout prix que le rapport avec le monde arabe et le monde islamique soit géré par des soi-disant experts (largement rémunérés), qui nous empêchent d'entendre la véritable voix des Arabes et des Islamiques.

 

Croyez-vous qu'il existe une possibilité quelconque pour que les nations voisines, telles l'Allemagne et l'Autriche, reconnaissent un jour la Padanie indépendante?

 

Dans Limes  vous trouverez des idées très divergentes sur la Padanie, y comprises naturellement celles de ses supporters. Nous avons même demandé au sénateur Bossi le privilège d'un entretien géopolitique sur la Padanie, dans le but d'expliquer clairement cet chose mystérieuse. Par exemple: quelles sont ses frontières? Comment pense-t-il légitimer son indépendance et se détacher du reste de l'Italie? Comment est-il possible de désagréger l'Italie tout en intégrant l'Europe? Je souhaite que bientôt le sénateur Bossi veuille apporter réponse à ces questions en nous honorant d'un interview. Quant à la reconnaissance de la Padanie de la part de l'Autriche et de l'Allemagne, j'ai bien peur que cela ne relève la possibilité zéro, à moins d'être d'accord pour briser l'Union Européenne ou d'imaginer un consensus italien à l'indépendance padane.

 

(propos recueillis par Gianluca Savoini pour le journal Padania, Milan).

 

dimanche, 08 novembre 2009

Pasteur Blanchard: Aux sources du national-populisme

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES 1998

blanchard62f2b516f5ad8c297a665a9e10ae7918.jpgAUX SOURCES DU NATIONAL POPULISME

Entretien avec le Pasteur Blanchard

 

Q.: Votre ouvrage sur le National Populisme doit paraitre prochainement aux Editions de l'Æncre, pourquoi avoir traité ce sujet?

 

R.: Simplement parce que j'appartiens au peuple, je suis sorti du rang du milieu ouvrier; et même si je n'en ai pas eu toujours conscience, il est une constante dans mon engagement —pour paraphraser de manière humorisitque Maurice Thorez: «être un fils du peuple», et dans mon cheminement intellectuel tout me ramenait à cela. Il me revient que ma fille ainée voulant, il y a quelques années, m'apporter la contradiction en me montrant combien mon cursus était peu conforme aux normes intellectuelles de l'idéologie dominante, et croyant me vexer, m'a dit: «Dans le fond, à l'origine, tu n'étais qu'un ouvrier»; je lui ai répondu que s'il est une chose dont je suis fier, c'est bien “d'être un ouvrier!”. Donc, le populisme est ma famille naturelle, j'y suis comme un poisson dans l'eau. Et bien qu'il m'ait fallu cheminer, lire des auteurs d'horizons différents, je suis arrivé à cette famille naturellement, trouvant là de manière autant intuitive qu'intellectuelle, ce qui est la cohérence profonde de ma personnalité.

 

C'est pour cette raison que j'ai éprouvé le besoin d'écrire cet ouvrage. Il n'est pas né d'hier. En réalité, à l'origine, ce n'étaient que des notes prises au cours de mon cheminement intellectuel, certaines remontant à plus de dix ans. Etant venu au nationalisme sans connaître les réseaux nationalistes, il a bien fallu, à coup de lectures, que je trouve ma voie; j'ai donc lu les auteurs principaux de tous les courants de pensée de notre famille, pour enfin rencontrer ceux avec qui j'étais totalement en phase. Cet ouvrage est donc une mise en forme déjà existants que je gardais par devers moi au fil des années.

 

Q.: Comment situez-vous ce que vous nommez le “national-populisme” par rapport aux autres courants de pensée de la famille nationale?

 

R.: Tout d'abord, ce qui définit le national-populisme est la séparation entre le spirituel et le temporel. On peut très bien être populiste et avoir des métaphysiques différentes. Il n'y a pas d'incompatibilité entre ce courant de pensée et des prises de positions païennes, chrétiennes, ou tout simplement agnostiques. Le populisme n'a pas la prétention d'apporter des réponses dans le champ du religieux; ça ne veut pas dire que, à titre personnel, on ne puisse pas avoir de conviction. Mais cette distinction, éminemment moderne, entre les deux champs, temporel et spirituel, est l'apanage du populiste, ce qui fait de lui un homme tolérant par nature, car il a l'intime conviction, comme aimait à dire Martin Luther, que, en ce qui concerne les convictions personnelles, “il n'est pas bon de forcer les consciences”.

 

Mais le populisme se différencie aussi par sa modernité. On peut, de manière un peu schématique, sans tenir compte des nuances, diviser notre famille en deux grands courants: l'un populiste, l'autre contre-révolutionnaire, ce dernier s'opposant à la modernité issue des immortels principes; il revêt un caractère théocratique et il a la prétention de changer les choses en y mettant, sur le plan social, une dimension spirituelle. Dans ses grandes lignes, ce courant se trouve dans la tradition catholique issue du Concile de Trente. N'oublions pas que celui-ci est une réaction contre le protestantisme et qu'il a durci, sur bien des points, la position des catholiques; ce qui le cractérise, c'est le refus du monde moderne. Le national-populisme, lui, accepte la modernité. Il pense que 1789 a été pernicieux et que les élites naturelles ont été broyées par une mécanique administrative; mais il a la conviction que, pour autant, comme le disait Maurice Barrès, on ne peut pas distraire cette période de l'histoire de notre pays, celle-ci est indivise. On peut dire que l'ancêtre du national -populisme est Bonaparte avec sa dimension plébeienne de l'appel au peuple et du césarisme. Dimension que, d'ailleurs, nous retrouverons au moment de l'affaire Boulanger avec cet ouvrage magistral de Maurice Barrès L'appel au soldat  qui est une constante du national-populisme. Nous pouvons dire, à cet égard, que le Front National est l'héritier de ce courant et que, dans le fond, Jean-Marie Le Pen est un général Boulanger qui a réussi.

 

Q.: Mais ne pensez-vous pas que tout cela puisse conduire au totalitarisme, comme on a pu le voir entre les deux guerres, et que cette idéologie puisse être dangereuse?

 

R.: On peut considérer que tout système idéologique peut être dangereux, quel qu'il soit, et qu'il y a des travers repérables et condamnables dans tous les systèmes de pensée. On a l'habitude de mettre en avant le fascisme, le nazisme et le communisme, pour montrer les travers de ces idéologies. Il est vrai que, lorsque des idées s'incarnent, elle finissent par dévoyer la cause qu'elles croyaient servir. Et concernant ces trois idéologies, il y aurait des choses, comme partout, condamnables et même abominables. Je crois que toute honnêteté intellectuelle doit avoir le courage de dénoncer, quelles que soient ses convictions, ce qui n'est pas défendable. En tant que protestant, si je réprouve la Saint Barthélemy, je reconnais aussi que dans mon camp le massacre des Irlandais par Cromwell est inqualifiable. Pour autant, je crois qu'il faut se garder de toute caricature. Il n'y a pas, dans l'histoire, un bien absolu et un mal absolu, cette lecture manichéenne relève du conte de fée. Et je voudrais aussi souligner que le libéralisme, à ses origines, a des aspects pernicieux. Quand l'Armée du Salut a été créée à la fin du l9ème en Angleterre, c'était suite au capitalisme sauvage qui faisait vivre dans des quartiers insalubres, pires que ceux de Bombay ou de Calcutta, des personnes qui n'étaient pas des esclaves mais de bons anglais qui ne se trouvaient pas au fin fond du pays mais bien dans la ville de Londres.

 

Dans l'histoire, rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir. Dénonçons ce qui doit être dénoncé et gardons-nous de tout manichéisme.

 

Q.: Comment s'intitulera votre livre, et quand paraitra-t-il?

 

R.: Aux sources du national-populisme, Maurice Barrès, Georges Sorel. Il sortira aux Editions de l'Æncre en septembre1998.

lundi, 28 septembre 2009

Entretien avec Eric Lefèvre

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Eric Lefèvre fut le documentaliste de Jean Mabire.

 

 

Il nous raconte leur association et l’amitié qui les lia.

 

 

« La grande force de Jean,

 

c’était sa puissance de travail. »

 

 

Comme Ernst Jünger avait élu domicile dans l’annexe du château des Stauffenberg, en Souabe, Eric Lefèvre vous accueille à l’entrée de la propriété familiale, dont il occupe les dépendances juste à droite du portail, quelque part en banlieue parisienne, au milieu des arbres et des fourrés. Suivez-le au salon, son bureau bibliothèque est bien à l’image de ses livres, surchargé d’histoires et de souvenirs. Partout ce sont des photographies couleur sépia, encadrées ou non, des plans, des cartes ; ici un sabre d’empire, là le drapeau d’un régiment dissout enroulé sur sa hampe ; là encore, posé sur une pile de livres anciens, un char miniature dont la peinture s’écaille et sur le parquet, les fauteuils, dépassant des tiroirs ouverts, un amoncellement de papiers, de journaux jaunis. On ne sait où donner de la tête. Eric Lefèvre est journaliste et historien militaire, avec une préférence marquée pour le XXe siècle. En témoignent les titres de ses livres : La Division Brandebourg, Les Panzer en Normandie, Dunkerque. La Bataille des dunes, Opération Epaulard, La LVF. * Il fut aussi pendant dix ans le documentaliste « attitré » de Jean Mabire et un de ses amis les plus fidèles. Eric Lefèvre a accepté de nous recevoir chez lui pour nous parler, non sans émotion, du Jean Mabire qu’il a connu.

 

Eric Lefèvre, vous avez été le collaborateur de Jean Mabire sur plusieurs livres, mais comment vous êtes-vous connus et qui a eu l’idée de cette coopération ?

 

Nous nous sommes connus en 1974 par l’intermédiaire d’un ami de mon père, Robert B., à l’époque où Jean travaillait au deuxième volet de sa trilogie sur les SS français, La Division Charlemagne. Je le connaissais de réputation et aussi pour ses articles dans Europe-Action et L’Esprit Public. Je m’étais spécialisé dans l’histoire militaire, en particulier les Français sur front de l’Est, et il m’a proposé de l’aider. J’avais vingt-cinq ans, et lui un passé déjà très diversifié. Jean avait publié son livre sur Drieu La Rochelle [ndlr : Drieu parmi nous, LTR], Les Hors-la-loi, sorti en mai 68 en librairie, ce qui fait qu’il n’a pas eu un destin digne de sa qualité, et puis La Brigade Frankreich, sorti en 1973. Je n’en avais encore lu aucun à ce moment-là. Le premier, Les Hors-la-loi, je l’ai lu en accomplissant mon temps légal à Commercy. On a tout de suite accroché lui et moi.

 

En quoi consistait votre participation ? Sur quels livres avez-vous travaillé avec lui ?

 

Jean avait besoin d’un documentaliste. Au départ je suis intervenu comme iconographe, pour illustrer ses cahiers photos. Jean n’étant pas un spécialiste des aspects matériels (armement, uniformes, etc.), je suis devenu plus ou moins son conseiller pour toutes ces questions.

 

Ma première contribution en tant que documentaliste fut sur L’Eté rouge de Pékin. [ndlr : paru chez Fayard en 1978] Nous étions alors à la recherche d’un sujet fort. Nous sommes allés au cinéma du quartier, lequel rediffusait Les 55 jours de Pékin, le film de Nicholas Ray que nous n’avions jamais vu ! Je me suis chargé de rassembler la documentation. Lors de notre dernière conversation téléphonique, nous parlions encore de sa prochaine réédition, au Rocher. Plus tard, nous avons travaillé sur l’histoire de La Division Wallonie chez Art et Histoire d’Europe. Lui a fait le texte, moi les légendes des photos et la maquette. Notre principale collaboration a débuté dans les années 80, une histoire de la LVF en plusieurs volumes, le premier étant paru en 1985 chez Fayard. Entre-temps j’ai composé les cahiers photos de certains de ses livres dans la collection « Troupes de choc ».

 

Je suis aussi intervenu pour illustrer à la gouache deux de ses trois livres sur les SS français et L’Eté rouge de Pékin. Pour le reste, je l’ai aidé, aiguillé sur les sources, mais je n’ai pas fourni la documentation.

 

De tous ses livres, près d’une centaine, quel fut son plus gros succès de vente ?

 

Son plus gros succès reste la trilogie sur la Brigade Frankreich. Les trois tomes [ndlr : La Brigade Frankreich, La Division Charlemagne, Mourir à Berlin, aux Editions Fayard et réédités chez Grancher] se sont vendus à des dizaines de milliers d’exemplaires, toutes éditions confondues.

 

Et son échec le plus cuisant ?

 

Les livres de ces dernières années, dans l’ensemble. Mais je ne suis pas sûr que ce soit tellement dû à une désaffection du public pour son talent ; plutôt à un désintérêt pour le livre en général je dirais et au trop grand nombre d’ouvrages publiés. Les gens passent plus de temps devant un écran de télévision que devant un livre de nos jours.

 

La revue Hommes de guerre, pourtant très bien faite, aussi a été un bide. Jean venait de faire une belle prestation avec l’hebdomadaire Troupes d’élite, et quand ça s’est arrêté, je l’ai mis en relation avec la maison d’éditions Histoire & Collections, de façon à poursuivre l’aventure. Mais Hommes de guerre n’a pas réussi à attirer à lui les fidèles de Troupes d’élite. Le public est attaché à un titre, pas à un contenu. Nous l’avons compris brutalement.

 

Sa plus grande déception, je crois, fut l’échec de ses Eveilleurs de peuples, chez Fayard, en 1982 : Jean croyait que ça marcherait tout seul, que le livre trouverait son public sans effort. Le livre ne s’est pas vendu, parce qu’il n’y avait tout simplement pas de public pour lui.

 

Vingt-cinq ans en 1974, donc dix-neuf ans en 1968 : comment en êtes-vous venu à vous spécialiser dans l’histoire militaire ?

 

Suivant le même processus que tous ceux dans le même cas, j’ai commencé avec les soldats en plastique et les véhicules miniatures Dinky Toys. De là les modèles réduits, de là la collection d’objets, et puisque je savais écrire… Je suis très sensibilisé à la photographie, à son commentaire. La photographie n’est pas, comme la plupart le pensent, juste destiné à illustrer un texte, mais une source en soi. Je suis resté un peu collectionneur, mon père m’ayant donné le goût de l’objet. Cela implique de tout connaître d’une armée : le recrutement des hommes, l’organisation tactique, etc. Aujourd’hui je continue, j’ai plusieurs ouvrages en préparation, outre un album de plusieurs centaines de photos des français de la LVF en attente d’un éditeur. Et des articles en préparation pour Militaria Magazine, Batailles. Je n’ai certes pas la puissance de travail de Jean, qui était une machine à écrire, et avec une facilité ! Je l’ai vu écrire des nuits entières et le lendemain livrer son manuscrit prêt à imprimer. La grande force de Jean, c’était sa puissance de travail.

 

Et en tant qu’historien de la chose militaire, quels sont selon vous ses meilleurs livres sur le sujet et pourquoi ?

 

Ses meilleurs livres, en tant qu’historien militaire, sont ceux qui ont vraiment apporté une contribution à l’histoire : en premier lieu La saga de Narvik, La Crète tombeau des paras allemands, et dans l’autre sens, La Bataille des Alpes. [ndlr : les trois ont paru aux Presses de la Cité]

 

Jean Mabire était-il plutôt un romancier ou un historien ?

 

Pour moi, avant d’être historien, Jean était d’abord un raconteur d’histoires : lisez Les Hors-la-loi, Les Paras perdus, La Maôve. [ndlr : Robert Laffont, Presses de la Cité] Il avait l’étoffe d’un grand romancier.

 

Parce que ces livres se sont le mieux vendus, beaucoup continuent de réduire l’œuvre de Jean Mabire à l’historique de l’armée allemande. D’aucuns l’ont même accusé de nourrir une germanophilie des plus suspectes. Qu’en était-il en réalité ? On a beaucoup glosé aussi sur son engagement en faveur de la cause normande.

 

Jean n’était pas du tout germanophile, malgré ce qu’on pourrait croire. Il voulait célébrer la grande aventure, les prouesses guerrières, sous n’importe quel drapeau. Toutefois, son livre sur la 6e Airborne britannique en Normandie, qui était le pendant de sa production sur les paras allemands, a été un échec. Jean n’était pas seulement l’homme de la Wehrmacht ou de la Waffen-SS, il a aussi écrit sur les chasseurs alpins, Narvik, la bataille des Alpes. Mais il était d’une anglophilie extraordinaire, tellement l’histoire de l’Angleterre et de la Normandie étaient liées, au point de considérer, certes avec un peu d’humour, que le dernier duc de Normandie était la Reine d’Angleterre. Il s’estimait normand et européen mais pas français. Là-dessus, je le confesse, je n’ai jamais pu le suivre.

 

En même temps, Jean avait une admiration profonde, sincère et totale pour la langue française, qui était pour lui le plus bel instrument, le plus riche, le plus élégant jamais inventé pour s’exprimer. Il était hermétique aux langues étrangères, il baragouinait deux trois mots d’anglais, et du reste, il ne parlait ni ne comprenait le patois normand.

 

On connaît Jean Mabire écrivain, romancier, conférencier, mais comment était-il dans la vie ? Quel souvenir garderez-vous de lui ?

 

Sur le plan humain, Jean était je dois dire un type exceptionnel. Il avait gardé une âme d’enfant, un rien l’émerveillait, et je lui dois d’avoir découvert une Normandie que je ne connaissais pas. Je ne tarirais pas d’éloges à son sujet. Jean était de ces gens qui veulent refaire le monde. En cela il était un peu de gauche. J’étais un peu mal dans ma peau, il m’a psychologiquement remis sur les rails sans avoir l’air d’y toucher. En trente ans, nous avons eu deux engueulades, dont une était pleinement de ma faute.

 

Jean avait un humour fantastique, ce qui arrange bien des choses. Il savait mettre en confiance. Quand il vous parlait, vous aviez l’impression d’être seuls au monde, alors qu’il entretenait des relations avec des centaines de personnes. Lui me tutoyait, moi je le vouvoyais. J’aurais pu le tutoyer mais il avait l’âge d’être mon père. Au demeurant il ne me l’a jamais demandé. Tout ce que j’ai lu sur lui est vrai sauf un détail : Jean n’aimait pas la bière glacée mais la bière chaude. Jean adorait la vie. Incapable de méchancetés, c’est un truisme mais c’est vrai. Un rêveur, comme tous les artistes. Et quel orateur ! Il avait cette qualité rare, souvent incompatible, à savoir qu’il dominait aussi bien la plume et le verbe. Il aurait pu être tribun. Il n’était pas susceptible surtout. Quand il est mort, on a vraiment eu le cœur arraché.

 

Propos recueillis par Laurent Schang

 

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vendredi, 18 septembre 2009

Gespräch mit Dr. Tomislav Sunic

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Archiv von "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1998

Gespräch mit Dr. Tomislav Sunic

Tomislav Sunic, 1953 in Zagreb/Agram geboren, ist Autor von drei wichtigen Büchern Against Democracy and Equality. The European New Right, Dissidence and Titoism  (beide bei Peter Lang, Bern/Frankfurt a. M.) und Americka Ideologija  (= Die amerikanische Ideologie). Wegen politischer Dissidenz muß­te er 1983 in die Vereinigten Staaten emigrieren, wo er in der Ca­lifor­nia State Uni­versity von Sacramento und in der University of Ca­lifornia in Santa Barbara studierte und promo­vierte. Er hat in den VSA für verschiedenen Zeitschriften ges­chrieben und hat in der California State University in Long Beach und in den Ju­nia­ta College in Pennsylvanien doziert. Seit 1993 ist er zurück in Eu­ropa. Heute schreibt er für Chronicles of American Culture und für Eléments  (Frankreich).

 

Dr. Sunic, in welchem Familienkontext sind Sie aufgewachsen? Welche ideologische Einflüße hat ihr Vater auf Ihnen gehabt?

 

Mein Vater war Anwalt, hat politische Dissidenten verteidigt, wurde zweimal wegen politischer Nonkonformität im kommu­nistischen Jugoslawien eingesperrt. Er war antikommunistisch und stark vom kroatischen Bauernkatholizismus geprägt. Amnisty International hat ihn als Mustergefangenen adoptiert, weil er 1985 der älteste politische Gefangene im kommunisti­schen Osteuropa war. Die FAZ  und Die Welt  haben sich auch für ihn engagiert. Wir lebten in sehr bescheidene Umstände, wir hatten weder Fernsehen noch Pkw. Mein Vater war der Mei­nung, nur Bü­cher machen eine richtige Bildung. Wir wur­den ständig schika­niert und mein Vater verlor bald das Recht, seinen Beruf auszu­üben. Er war während des Krieges nicht Mitglied der Ustascha, stand eher kritisch dem kroatischen Staats­wesen von Pavelic gegenüber. Mein Vater war Domobran, d. h. in der Einwohner­wehr. Heute ist er 83 und hat 1996 seine Memoiren unter den Titel “Moji "inkriminari” zapisi” (= Meine “inkrimi­nier­ten” Pa­piere) publiziert, wobei er im neuen kroati­schen Staat viel Aufmerksamkeit geregt hat.

 

Aber wie würden Sie ihre eigenen philosophisch-ideologischen Weg beschreiben?

 

Um es kurz zu fassen, bin ich ein “reaktionärer Linke” oder ein “konservativer Sozialist”. Ich gehöre keiner Sekte oder keiner theologish-ideologischer Partei. Ich war antikommunistisch wie mein Vater, aber, als ich jung war, nahm meine persön­liche Revolte den Gewand des Hippismus. Ich pilgerte nach Amster­dam, danach nach Indien im kaschmirischen Srinagar und in der Stadt Goa. Der Ersatz zum Kommunismus war für mich die hippy Gemeinschaft. Ich war gegen alle Formen von Establish­ment, egal welche ideologische Gestalt es hat. Aber ich verstand sehr bald, daß der Hippismus auch eine traurige Farce war. Um es salopp auszudrucken: “Eben beim Joints-Rauchen, haben die Hippies eine Art Hierarchie mit aller möglichen Heu­chelei re­produziert”. Das gilt auch selbstverständlich für den Fe­minis­mus und den Schwulenbewegungen. Mein einziger Trost war das Lesen der großen Klassiker der Weltliteratur. Die sind die richtigen Antidoten zum Konformismus. Als Kind las ich Tintin (dt. “Tim”) auf französisch, Karl May auf deutsch sowie den Dichter Nikolas Lenau. Als Jugendlicher las ich weiter deutsche, französische und englische Bü­cher. Mit dieser klassi­schen Bildung und meiner Hippy-Erfahrung, habe ich dann die Rock-Musik entdeckt, u. a. “Kraft­werk” und Frank Zappa, der zur gleichen Zeit Anarchist, Porno­graph und Nonkonformer war. Zappa war für mich sehr wich­tig, da er mich die Realsprache gegen alle Heucheleien der eta­blier­ten Gesellschaft gelernt hat. Mit ihm habe ich das ame­rikanische Slang bemeis­tern können, die ich oft benutzt in meinem Schreiben, um das links-liberale Establishment diesmal konser­vativ aber im­mer ironisch und höhnisch zu bes­potten.

 

Können Sie uns ein Paar Worte über ihre Studien sagen?

 

In Kroatien zur Zeit der kommunistischen Herrschaft habe ich Literatur, moderne Sprachen und Vergleichende Literatur stu­diert. Ich war 1977 fertig. Ästhetisch und graphisch konnte ich den Jugo-Kommunismus nicht mehr ertragen, Betonsprache und balkanische Vetternwirtschaft machten mich kotzen. 1980 nutzte ich die Gelegenheit, für ein jugoslawisches Unternehmen in Algerien als Dolmetscher zu arbeiten. 1983 emigrierte ich in den Vereinigten Staaten. Dort las ich wiedermal die nonkon­forme Li­teratur. Damals waren meine Lieblingsautoren  Ke­rouac und der Fran­zose Barbusse; weiter habe ich Sartre gele­sen, weil er nicht nur Linker sondern ein bissiger Entlarver war, oh­ne Her­mann Hesse zu vergessen, weil er mich an meine Indien-Reise erinnerte.

 

In den Vereinigten Staaten haben Sie den amerikanischen Neo­kon­servatismus entdeckt?

 

Zuerst muß ich sagen, daß der amerikanische Neokonservatis­mus nicht mit dem europäischen gleichgestellt sein kann. Links, rechts, was heißt das heute? Ich teile die Leute in Konformisten und Nonkonformisten. Der Mann, der mich in diesen Kreisen beeindruckt hat, war Thomas Molnar. Er war damals mein Mentor, weil er Un­garn und Angehöriger des ehemaligen k.u.k-Kulturraumes ist. Molnar ist ganz und klar Konservativer aber er bleibt ein Mann mit Ironie und sehr viel Humor. So trifft er immer das Wesentliche. Der Schmitt- und Hegel-Spezialist Paul Gottfried übte auch auf mich einen tiefen Einfluß. Danach habe ich Paul Fleming kennengelernt, der die Zeitschrift Chronicles of Ame­rican Culture  leitet. Ich bin Autor der Redaktion seit mehr als zehn Jahre. Aber Rebell bin ich ge­blieben, deshalb interessierte ich mich intensiv für die sogenannten europäi­schen Neue Rech­te bzw. den Neo­konservatismus Europas mit Mohler und seinem heroischen Realismus, Schrenck-Notzing und seiner Feind­schaft jeder öffentlichen Meinungsdiktatur gegenüber, Kalten­brun­ner und seiner Faszination für die Schönheit in unse­rer geistigen Trümmernwelt,  Benoist mit seine Syn­these in Von rechts ge­sehen.  Ich habe dann die Autoren gelesen, die die Neue Rechte empfahl. Mein Buch über die Neue Rechte ist eigentlich ein fol­low-up meines Eintauchens in diese Bil­dungswelt. Aber die Benennung “Neue Rechte” kann auch trügen: ich ziehe es vor, diese neue Kulturbewegung als “GRECE” zu bezeichnen, d.h. wie Benoist es sieht, als ein dynamische Forschungstelle zur Erhal­tung der Lebendigkeit unserer gesamteuropäischen Kultur. Cé­line (mit seiner groben Pariser Rotwelschsprache die alle einge­bür­gerten Gewißheiten zertrümmert), Benn und Cioran mit ihrem unnachahmbaren Stil bleiben aber die Lieblingsautoren des Rebells, der ich bin und blei­ben werde.

 

Sie sind in Kroatien und in Europa 1993 zurückgekommen. Wie haben Sie die neue Lage in Ostmitteleuropa beurteilt?

 

Das Schicksal Kroatiens ist eng mit dem Schicksal Deutschlands verbunden, egal welches politische System in Deutschland herr­scht. Sowie der schwedische Gründer der Geopolitik, Rudolf Kjellén, sagte: “man kann seine geopolitischen Bestimmung nicht entweichen”. Andererseits, hat uns Erich Voegelin gelernt, daß man politische Religionen wie Faschismus und Kommu­nis­mus wegwerfen kann, aber daß man das Schicksal seines Hei­matlandes nicht entrinnen kann. Das deutsche Schicksal, ein­gre­kreist zu sein, ist dem kroatischen Schicksal ähnlich, eben wenn Kroatien nur ein kleiner Staat Zwischeneuropas ist.  Ein gemeinsames geographisches Fakt ve­reint uns Deutsche und Kroaten: die Adria. Das Reich und die Doppelmonarchie waren stabile Staatswesen solange sie eine Öffnung zum Mittelmeer durch die Adria hatten. Die westlichen Mächte haben es immer versucht, die Mächte Mitteleuropas den Weg zur Adria zu ver­s­perren: Napoleon riegelte den Zugang Österreiches zur Adria, indem er die Küste direkt an Frankreich annektierte (die sog. “départements illyriens”), später sind die Architekte von Versail­les in dieser Politik meisterhaft  gelungen. Deutschland verlor den Zugang zum Mittelmeer und Kroatien verlor sein mittel­eu­ropäisches Hinterland sowie seine Souveränität. Das ist der Schlüssel des kroatischen Dramas im 20. Jahrhundert.

 

Wird Kroatien den Knoten durchhaken können? Seine Position zwischen Mitteleuropa und Mittelmeer optimal benutzen kön­nen?

 

Unsere Mittelschichten und unsere Intelligentsija wurden total durch die Titoistischen Repression nach 1945 liquidiert: Das ist soziobiologisch gesehen die schlimmste Katastrophe für das kroatisches Volk. Der optimale und normale Elitekreislauf ist seitdem nicht mehr möglich. Der “homo sovieticus” und der “homo balkanicus” do­minieren, zu Ungunsten des “homini mit­teleuropei”.

 

Wie sehen Sie die Beziehungen zwischen Kroatien und seinen balkanischen Nachbarn?

 

Jede aufgezwungene Heirat scheitert. Zweimal in diesem Jahrhun­dert ist die Heirat zwischen Kroatien und Jugoslawien geschei­tert. Es wäre besser, mit den Serben, Bosniaken, Albanern und Makedoniern als gute Nachbarn statt als schlechte und zän­ki­sche Eheleute zu leben. Jedes Volk in ehemaligen und in Rest­ju­goslawien sollte seinen eigenen Staat haben. Das jugosla­wische Ex­periment ist ein Schulbeispiel für das Scheitern jeder aufgez­wun­gen Multikultur.

 

Was wird nach Tudjman?

Hauptvorteil von Tudjman ist es, daß er völlig die Geschichts­schreibung des Jugokommunismus entlarvt hat. Größtenteils hat er das kroatische Volk und besonders die Jugend von der Ver­fälschung der Geschichte genesen.

Herr Dr. Sunic, wir danken Ihnen für dieses Gespräch.

(Robert STEUCKERS, Brüssel, den 13. Dezember 1997).

vendredi, 26 juin 2009

G. Maschke: "Die Genusssucht wird mit Zerknirschung bezahlt"

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Dossier "Günter Maschke"

Vergangenheitsbewältigung als Staatsräson: Günter Maschke über die Auflösung der deutschen Nation und die íntellektuelle Lage der politischen Rechte

"Die Genußsucht wird mit Zerknirschung bezahlt"

von Dieter Stein /Hans B. von Sothen - http://www.jungefreiheit.de

Herr Maschke, Sie haben vor fast sechs Jahren in einem Interview mit dieser Zeitung gesagt, in Deutschland wäre der Raum geistiger Freiheit nahezu verdampft. Die Lage wird sich wohl kaum gebessert haben?

MASCHKE: Nein, die Lage hat sich keineswegs verbessert, weil die Vergangenheitsbewältigung sich sogar noch verschärft hat. Ihre eigentliche Krux ist nicht die ständige hysterische Abgrenzung von Hitler und angeblichen faschistischen oder neofaschistischen Gefahren, sondern daß sie ausgeweitet wird auf die fernsten Zonen und Zeiten. Wenn ich heute über – sagen wir mal – den Minnegesang etwas schreibe, so muß ich dabei die Degradierung der Frau durch ein autoritäres Patriarchat beklagen und darauf hinweisen, daß schon hier die Schrecken der dunkelsten Jahre zu ahnen sind oder ähnliches und wenn ich die Bürgerkriege zwischen den antiken griechischen Staaten behandle, so komme ich um ein spruchkammerhaftes Moralisieren nicht herum. Das ist etwas karikierend, aber die Tendenz geht in diese Richtung. Ich darf praktisch keine Epoche mehr aus sich selbst heraus sehen, aus dem Imperativ Rankes, daß alle Epochen gleich stehen zu Gott, – ich muß über alles die Sauce dieser diffusen, suggestiven, erpresserischen Moral gießen. Das Problem der Vergangenheitsbewältigung ist weniger, daß ich bei gewissen Namen, Daten, Tatsachen oder Tatsachenbehauptungen den Kopf einziehen muß und die gewünschte Meinung zu äußern habe,– sondern daß ich tendenziell alle geschichtlichen Ereignisse unter dem Aspekt vermeintlicher Emanzipation, von Schuld und Vorläuferei betrachten muß. Die Vergangenheitsbewältigung durchdringt und verpestet die Geistes- und Geschichtswissenschaften und zerstört die Fähigkeit zu geschichtlichem, psychologischem Denken und so weiter. Dieses Nichtwahrnehmenkönnen der jeweils eigenen gesellschaftlichen und geschichtlichen Bedingungen, diese damit in Gang gesetzte Verdummung ist vielleicht schwerwiegender als eine punktuelle Political correctness gegenüber dem Nationalsozialismus.

Wie erklären Sie sich, daß sich die Vergangenheitsbewältigung derart verselbständigt hat, daß die Kampagnen wie Fieberanfälle uns in immer kürzeren Intervallen schütteln?

MASCHKE: Ich glaube, es gibt wenig Dinge, die ein derart gutes Karriere- und Machtmittel sind wie die Vergangenheitsbewältigung, weil ich durch sie natürlich überall irgendwelche Spuren des Unheils oder Vorahnungen oder Anfänge sehen und unbegrenzt alle und alles verdächtigen kann. Wenn Sie an der Frauenemanzipation die leisesten Zweifel äußern, wird Ihnen in jedem Parteivorstand die Rübe abgemacht. Die bis in die fernsten Regionen gehende Vergangenheitsbewältigung kann überall eingesetzt werden, um den Gegner als reaktionär, gefährliche Tendenzen hegend und so weiter, zu diffamieren. Die normale Pluralität eines Gemeinwesens wird sofort aggressiv in Frage gestellt, und das ist natürlich ein großartiges Mittel im Machtkampf. Die Vergangenheitsbewältigung spielt zwar insgesamt eine bedeutende Rolle bei der Selbstverohnmachtung Deutschlands, doch im innerpolitischen und -parteilichen Machtkampf bietet sie unzählige Instrumente, um dem Gegner eins überzuziehen. Der große Machiavellismus wird getötet, der kleine so richtig in Schwung gebracht.

Ist das der Grund, warum diese Art der Machtausübung jetzt auch exportiert wird, etwa auch nach Frankreich oder in die Schweiz?

MASCHKE: Ich glaube, daß es ein allgemeines Dekadenzphänomen einer Gesellschaft ist, die sich nicht mehr selbst will, dieweil sie unfähig ist, zu kämpfen, ihre Genußsucht mit Zerknirschung bezahlen muß, – das ist endlos… Das Hauptproblem scheint zu sein, daß diese Phänomene, immer Zeichen für Dekadenz sind ,– und da sind wir natürlich auch wieder führend. In Frankreich gab es einmal eine gesunde Schizophrenie, man sprach von Menschenrechten, orientierte sich aber an der Staatsräson und so weiter. Jetzt hat Frankreich nicht mehr die Kraft, an dieser "Schizophrenie" festzuhalten, man hat jetzt diese neue Machtquelle entdeckt und da jeder ältere Politiker irgendwann einmal gelebt hat und damals irgendetwas passiert ist, wird man immer etwas finden… Im Falle der Schweiz ist es gelenkt, weil es darum geht, den Finanzplatz Schweiz zu schwächen. Das ist ein ganz klares Motiv.

Wie erklären Sie sich, daß es nach der Wiedervereinigung nicht zu einem Erlahmen der Vergangenheitsbewältigung gekommen ist?

MASCHKE: Je größer Deutschland ist, desto mehr wird die Vergangenheitsbewältigung zunehmen. Die Gefahr bestand, daß man sich zu einer anderen Politik entschließt, einer Politik der Wir-Findung, einer Machtpolitik… diese Gefahr bestand ja, wenn auch eher in den Augen des Auslands, dessen Ängste bei uns kniefälligst zur politischen Leitlinie erklärt wurden. Man gestattete sich dann die Wiedervereinigung als Einpassung in Europa, sie wurde zum hinzunehmenden Nebenprodukt der Vereinigung Europas erklärt. Letztlich beruht die Vergangenheitsbewältigung darauf, daß Deutschland nie wieder eine starke, eigenständige Macht sein darf, das ist ja der Konsens. Das ist das, was ich einmal die Verschwörung der Flakhelfer genannt habe. In dem Moment, wo auch nur entferntest die Gefahr droht, daß sich hier etwas tut, muß die Vergangenheitsbewältigung intensiviert werden. Das gelang vor sieben Jahren aber auch nur deshalb, weil die Ideologie der DDR, beseitigt man nur etwas den SED-Aufputz, so verschieden von der der BRD nicht war…

Wer ist Träger dieses antinationalen Konsenses?

MASCHKE: Der Träger ist die politische Klasse selbst, die ihre Macht daraus zieht, daß Deutschland keine Macht hat oder nur eine sehr begrenzte; dabei wird unter dem Beifall dieser Klasse sogar die letzte deutsche Machtressource aufgelöst, die D-Mark! Wenn dies geschehen ist, werden aber die anderen größeren Länder ihre nationalen Prärogative wahren, wir aber buchstäblich nichts mehr in Händen halten. Wenn wir dann kein Geld mehr haben, wenn sich unsere Krise verschärfen wird, wenn wir Europa nicht mehr finanzieren können, dann werden wir die größten Schweine in Europa sein und dann wird es wieder riesige Kampagnen wegen der Vergangenheit geben. Darauf sollten wir vorbereitet sein.

Klingt unlogisch: Die politische Klasse strebt doch normalerweise nach immer mehr Macht!

MASCHKE: Sie gewinnt, sie verstärkt und verbessert ihre Macht im Inneren durch den Verzicht nach außen. Der Verzicht nach außen verstärkt die totalitäre Formen annehmende Herrschaft im Inneren. Der Verzicht auf eine Verfolgung deutscher Interessen innerhalb Europas beinhaltet einen Machtgewinn, der sicher und kalkulierbar ist, zumal die intellektuellen Mittelschichten ähnlich denken und sich nach Entnationalisierung sehnen: sie wollen sich nicht einbringen in Europa, sie wollen sich dort auflösen. Wenn der Deutsche stolz sagen wird, daß er Europäer sei, wird ihm der Brite oder Franzose sagen, nein, du bist ein Deutscher, du Ferkel! Und da wird dieser Europäer Augen machen! Hinzu kommt ja noch, daß die offizielle Politik Kohls die eines neuen cauchemar des coalitions ist, also der Alptraum der Koalitionen, die der neuen Einkreisung. Bismarck hatte diesen Alptraum auch – und deswegen wird ja Herr Kohl seltsamerweise als Fortsetzer Bismarcks betrachtet…

…mit gegenteiligem Ergebnis…

MASCHKE: Ja, weil Kohl daraus nicht die Frage ableitet: Wie halten wir uns durch auf diesem gefährlichen Terrain, wie gewinnen wir die notwendige Stärke, sondern Kohl propagiert die deutsche Selbstfesselung, verspricht die deutsche Selbstfesselung. Im Grunde betreibt er Selbstmord aus Angst vorm Tode. Mir fällt dazu nur Clausewitz ein: "Zum Sterben ist immer noch Zeit". Das ist keine Politik, die von anderen geglaubt werden kann und das ist auch keine, die uns zu einem respektierten Mitglied in Europa macht. Im Gegenteil, wegen dieser Politik und dieser Mentalität, wegen dieser Reue- und Machtverzichtspolitik werden wir im Ausland verachtet und – sogar verschärft – beargwöhnt.

Wie erklären Sie sich, daß beim Thema Globalisierung in Deutschland die Linke zu den Hauptbefürwortern gehört, obwohl es klar sein dürfte, daß im Zuge dessen die Arbeitnehmer die Zeche zahlen werden – wie etwa beim Euro?

MASCHKE: Die Linke hofft auf die Auflösung des deutschen Volkes, sie ist darin noch radikaler als das Volk selbst – wenn dies auch nur ein gradueller Unterschied ist. Aber man muß sehen, daß die Globalisierung von Teilen der Linken auch scharf kritisiert wird, zum Beispiel in dem Buch von Elmar Altvater und einer Frau Birgit Mahnkopf "Grenzen der Globalisierung", erschienen im Verlag Westfälisches Dampfboot. Sieht man von den etwas biederen Lösungsvorschlägen ab, so sind wohl nirgends so eindringlich die katastrophalen ökonomischen, ökologischen und auch seelischen Folgen der Globalisierung, die entsetzliche Entwurzelung der Menschen, geschildert worden. Von der rechten Seite aus, von uns aus, gibt es leider keine auch nur annähernd so gute Analyse!

Woran liegt die desolate Lage der intellektuellen Rechten in Deutschland?

MASCHKE: Die Rechte ist ein rein mikroskopisches Phänomen, man muß sich sogar fragen, ob es überhaupt noch eine Rechte gibt. Ich glaube, Ernst Jünger hat einmal gesagt, daß es seit der Affäre Dreyfus keine Rechte mehr gibt. Auch die Rechte glaubt heute an die Volkssouveränität und sie ist sogar vulgär-rousseauistisch: das Volk ist gut. Bei ihr ist aber nicht der Kapitalismus schuld, sondern die Vergangenheitsbewältigungsindustrie oder die Alliierten oder das korrupte Fernsehen. Doch muß man wohl zugeben, daß das deutsche Volk seelisch und intellektuell völlig verkrüppelt und heruntergekommen ist; es ist um keinen Deut in einem besseren Zustand als die politische Klasse. Das wagt die Rechte auch nicht zu sagen. Viele Dinge, die als rechts gelten, sind es keineswegs – man denke nur an die seltsame Liebe vieler Rechter zu unserem Grundgesetz, an die Fata Morgana eines rechten Verfassungspatriotismus! Die Rechte bei uns spricht gerne über Metapolitik, landet aber nur in einer sehr kurzatmigen Bildungshuberei. Man begnügt sich mit einer Collage des rechten und konservativen Bildungsgutes der Vergangenheit – aber zu Discountpreisen. Drei Seiten hierüber, zwei Seiten darüber, da ist eine wirkliche rechte Häppchenkultur entstanden. Man sieht nicht den Sinn ambitiöser, strenger theoretischer Arbeit, man will rasch zu Potte kommen und wird es nicht, weil keine Ausmessung der Krise, der wahrhaft furchtbaren seelischen und spirituellen Situation des modernen Menschen geleistet wird, die alles Politische übersteigt.

In letzter Zeit ist es in Mode gekommen, zu behaupten, daß immer mehr Linke angeblich nach rechts gewandert wären, zum Beispiel – um mal Namen zu nennen – Klaus Rainer Röhl. Kann man davon überhaupt reden?

MASCHKE: Bei Röhl sehe ich, daß er antikommunistisch wurde, antitotalitär, aber als Rechten würde ich ihn nicht bezeichnen. Im Gegenteil, bei ihm gibt es eine Identifikation mit dem bestehenden System. Diese Art von Rechtsliberalen, von Nationalliberalen glaubt ja, daß diese Republik im Grunde gut wäre, daß man selbst diese Republik verteidigen müsse gegen links. In Wirklichkeit würden sie eher von diesen Linken depossediert als umgekehrt. Ein führender rechter Intellektueller, dessen Namen ich jetzt mal nicht nennen will, der regte sich einmal über Joschka Fischer auf, und ich sagte ihm, daß dies eher der Staat Joschka Fischers sei als der seine. Es gibt genügend Etablierte, die noch nicht begriffen haben, daß sie nur noch geduldet werden. Sie appellieren an eine bundesdeutsche Substanz, die sich längst in anderen Händen befindet.

Sie haben sich eine Weile stärker publizistisch auf der Rechten geäußert. Jetzt haben wir den Eindruck, Sie hätten sich mehr auf die wissenschaftliche Arbeit zurückgezogen. Hängt das auch mit Frusterlebnissen zusammen, daß sie nicht sehen, daß sich rechts etwas bewegt?

MASCHKE: Man soll das machen, von dem man glaubt, daß man es am besten kann, das ist abendfüllend genug. Und wie schon gesagt: Ich glaube, daß die Rechte es lernen muß, dickere Bretter zu bohren. Ich halte das nicht für Resignation. Ich kann nicht auf zwei oder drei Hochzeiten tanzen.

Sehen Sie in Deutschland oder seinen Nachbarländern jemanden, der dazu in der Lage wäre, diese theoretische Arbeit von rechts zu leisten?

MASCHKE: Ja, ich kenne einige Leute, auch Dreißigjährige, denen ich viel zutraue; bei uns, auch in Belgien, Frankreich, Spanien Italien. Das Problem wird von manchen gesehen, sicher… doch wenn man hier und anderswo gewisse Bücherschränke betrachtet, gewisse rechte Bücherschränke, so findet sich darin nur Publizistik, Zeitgeschichte und dergleichen. Natürlich, auch das muß man lesen. Aber ich kenne relativ bekannte Autoren der Rechten, die noch nie ein klassisches Werk der Politikwissenschaft im weitesten Sinne, sei es nun Tacitus, Tocqueville oder Carl Schmitt, gelesen haben, die aus zweiter oder gar dritter Hand leben. Das ist einfach die wahrhaft erschütternde Situation. Man muß sehen, daß mehr getan wird und auch, daß ein jahrzehntelang umkonditioniertes Volk mit einem völlig verschütteten Bewußtsein nicht durch ein paar witzige Formulierungen oder ein paar flotte Phrasen kuriert werden kann. Die Rechte muß intellektuell und wissenschaftlich ernsthafter werden, wozu es auch Ansätze gibt.

Sie muß also ihr Handwerk neu lernen?

MASCHKE: Ja, weil wir fast keine Ressourcen mehr haben. Wir sind intellektuell in einer viel schlechteren Lage als in den fünfziger Jahren, wo gewisse große Autoren noch meinungsbildend sein konnten, zum Beispiel Arnold Gehlen. Man muß sozusagen erst einmal wieder auf diesen Erkenntnis- und Bewußtseinsstand kommen, weil wir uns heute unter diesem Niveau befinden. Denken Sie einmal an den Parlamentarismus! Obgleich der Parlamentarismus der heutigen Republik viel katastrophaler, viel niveauloser ist als der von 1955, liegen fast alle Rechten heute, was die Einsicht in den Wert und Unwert des Parlamentarismus angeht, unter dem Niveau eines Winfried Martini von 1955 mit seinem Buch "Das Ende der Sicherheit". Wir sind in einer unendlich schwachen Position, und wenn der Feind zu wer weiß was dämonisiert, dann nur deshalb, weil er wirklich totalitär ist, weil er eine ganz und gar minoritäre Sache im Keim ersticken will. Die Political Correctness ist eben totalitär und vor allem ist sie analog zum faschistischen Autoritätssyndrom. Gemäß diesem ist der Feind winzig, lächerlich, dumm, historisch widerlegt, schmutzig, erbärmlich – und zugleich ungeheuer gefährlich! So werden wir behandelt. Daraus dürfen wir aber nicht schließen, daß wir wirklich gefährlich sind, sondern nur, daß der Feind die bescheidensten Ansätze mit gutem Instinkt sofort ersticken will. Zweitens aber dürfen wir daraus schließen, daß dieser Feind die höchsten Werte auf der F-Skala der Frankfurter Schule erreichen würde, nicht wir!

Die politische Entwicklung läuft momentan rasant in Richtung Auflösung der Nationalstaaten. Ist es überhaupt sinnvoll und realistisch, dagegen Widerstand zu leisten? Oder ist es konsequent, daß es zu größeren staatlichen Gebilden und Großräumen kommt?

MASCHKE: Der Trend dahin ist sicher zwangsläufig, nur ist das, was hier entstehen soll oder entstehen wird, kein Großraum: dieses Gebilde hat weder einen Hegemon, noch besteht Einigkeit über den Feind, noch besteht eine Homogenität der Mitglieder des Bundes, noch eine von allen bejahte politische Idee und deshalb auch keine gemeinsame Metaphysik, noch gibt es ein Interventionsverbot für raumfremde Mächte. Was vermutlich herauskommt, ist eine Lateinamerikanisierung Europas, eine erleichterte Penetration Europas durch die Vereinigten Staaten. Im Grunde geht es heute ja nicht mehr um ein Interventionsverbot für raumfremde Mächte, sondern um ein Penetrationsverbot – ein zwar wünschenswerter, aber nur schwer vorstellbarer Prozeß, da man die Vereinigten Staaten der Europäischen Union aus den Ganglien reißen müßte. Im übrigen wird die Europäische Union vermutlich scheitern, weil nach der monetären Einheit die politischen Differenzen zwischen den einzelnen Staaten anwachsen werden, weil jeder im anderen den Schuldigen suchen und finden wird. Die Krisen werden sofort kontinentalisiert, ohne daß man einen klaren Adressaten fände, ohne daß man sich einig werden könnte über "den Schuldigen" und die ganze Relation von Schutz und Gehorsam, die ohne klare Autoritäten und Verantwortlichkeiten nicht funktionieren kann, wird in diesem Pseudo-Großraum zusammenbrechen. Die Völker werden sich entzweien und die hohe Zeit der – sogar nationalistisch verschärften – Demagogie wird das sich ver-uneinigende Europa heimsuchen. Der Prozeß wird sozial – im weitesten Sinne sozial – zerstörerisch sein, ohne daß ein politisches Konzept und ein wirklich eiserner Rahmen da ist. Man könnte der ganzen Sache zustimmen, wenn die Ausschließung der Vereinigten Staaten angestrebt würde und wenn eine gemeinsame politische Idee vorhanden wäre – ja, wenn…

Könnte es nicht sein, daß Europa auch für Deutschland von Interesse ist?

MASCHKE: Nur wenn man ein Interesse daran hat, sich in irgendeiner Form durchzusetzen. Dann muß man sagen: Wir wollen, zu einem gewissen Grade, ein deutsches Europa. Jetzt aber will man, auch bei uns, Deutschland einbinden, sprich fesseln; das deutsche Verhalten in Sachen Maastricht zeigt das ja. Übrigens: den Hegemon im neuen Europa zu spielen fiele auch dann schwer, wenn wir die Vergangenheitsbewältigung abschütteln könnten.

Aber ist nicht gerade die Vergangenheitsbewältigung auf eine eigenartige Weise zu einem ganz neuen nationalen Rückgrat der Deutschen geworden? Wurzelt die Aufforderung grüner Politiker für deutsche Beteiligung an militärischen Interventionen nicht darin? Dahinter steht doch die hybride Vorstellung, daß die Deutschen regelrecht historisch auserwählt sind, nicht wie vor 50 Jahren in nationalistischem Sinne, sondern im umgekehrten Sinne, allen zu sagen, was moralisch gut ist ...

MASCHKE: Das mag mitspielen, aber es ist mehr ein völliges Sich-Überlassen der US-amerikanischen Missionsideologie. Theodore Roosevelt sagte 1909, daß die Deutschen an ihrer Geographie ersticken würden und danach den US-Amerikanern ein nützliches Hilfsvolk sein könnten. Ist ein Engagement für die "Hilfsvolk"-Rolle nationalistisch? Jetzt lassen wir uns von der inzwischen wieder US-amerikanisch kontrollierten UNO instrumentalisieren ohne dieser irgendwelche Bedingungen zu stellen, sieht man einmal von den albernen Forderungen nach einem Sitz im Sicherheitsrat ab. Wir nehmen die offiziellen humanitaristischen Schwungradvorstellungen ernst, unsere Politiker glauben ihren eigenen Lügen und so geraten wir in die Gefahr, die dummen Jungs eines Bündnisses zu werden, das gegen uns errichtet wurde. Ein Deutscher saniert die Finanzen der UNO, die Deutschen wollen oder sollen militärische Aktionen der UNO durchführen – und fordern nicht einmal die Beseitigung der Feindstaatenklauseln!

Haben Sie nicht den Eindruck, daß man den Deutschen von 1997 am stärksten irritieren kann, wenn man ihm seine historische Täterrolle nimmt?

MASCHKE: Ja, natürlich, weil man ihm ja auch nur die gelassen hat. Das geht so weit, daß man fordert, daß Menschen anderer Nationen, die bei uns eingebürgert werden, an dieser Schuld teilhaben sollen. Also zum Beispiel Türken, die Deutsche werden. Die werden aber dann sagen: "Großvater damals nix dabei gewesen". Aber immerhin wird es von ihnen erwartet, immerhin mutet man ihnen diese Ersatzidentität zu. Hier ist die deutsche Politik extrem widersprüchlich: Wenn wir ewig bereuen sollen, wenn wir uns ewig unserer furchtbaren, unvergleichlichen Schuld bewußt bleiben sollen, muß man dann das deutsche Volk nicht intakt halten, muß man dann nicht verhindern, daß das deutsche Volk durch den Massenimport von Fremden biologisch und gesellschaftlich aufgelöst wird? Damit das deutsche Volk dem Schuldmessianismus weiterhin frönen kann, muß es in seiner ethnischen Substanz erhalten werden und darf nicht durch Multikulti und Masseneinwanderung geschädigt werden. Diese Behauptung ist nur für den absurd, der nicht bemerkt, in welchem Absurdistan er lebt.

Kommt die Forderung nach Normalisierung Deutschlands nicht schon stärker vom Ausland?

MASCHKE: Ja, aber das Ausland versteht unter Normalisierung, daß wir an seinen Schweinereien, daß wir an dieser imperialistischen westlichen Konstellation gleichberechtigt teilnehmen, vor allem finanziell. Das kann nicht unser Interesse sein. Zum Beispiel lag es nicht in unserem Interesse, das Techno-Massaker der Vereinigten Staaten am Irak mitzubezahlen, einem Land, das uns nie bedrohte; in einem noch viel geringeren Interesse läge es, in Zukunft an solchen Interventionen, die zunehmen werden, sich aktiv zu beteiligen. Eine Verschärfung unserer Dienstfertigkeit gegenüber den Siegermächten darf man nicht Normalisierung taufen oder gar zur nationalen Pflicht proklamieren.

jeudi, 28 mai 2009

R. Steuckers: Entretien à "Pagine Libere" (1993)

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Archives de Synergies Européennes - 1993

Entretien à "Pagine Libere" (Rome)

Présentation succincte de Robert Steuckers

 

Né en janvier 1956 à Bruxelles, Robert Steuckers est licencié en langues anglaise et allemande. En 1981, il a été secrétaire de rédaction de la revue Nouvelle Ecole, dirigée par Alain de Benoist. Il a fondé en 1982 et en 1983, les revues Orientations et Vouloir. Il a collaboré à l'Encyclopédie des œuvres philosophiques (PUF) et prépare un ouvrage sur les auteurs allemands qui ont influencé Julius Evola. En Italie, il a collaboré à Diorama Letterario et Trasgressioni. Il a fondé en 1993 une association paneuropéenne, Synergies Européennes, qui s'est donnée pour tâche de participer chaque année à une université d'été.

 

Q.: Dans votre numéro de Vouloir (n°89/92), consacré aux économies hétérodoxes, vous évoquez les théories qui pourraient contribuer à asseoir une alternative aux systèmes qui ont dominé notre après-guerre?

 

R.: Je pars du principe qu'un mouvement politique alternatif, que toutes démarches politiques visant à corriger les dysfonctionnements économiques observables dans nos sociétés occidentales, doivent s'inscrire dans un réseau de traditions précis. Les marxistes s'inscrivaient dans la logique marxiste; les capitalistes s'inscrivent dans la logique des économies classiques. Nous, les alternatifs, sommes contraints de nous inscrire dans les courants dits «hétérodoxes». Mais cette intention demeurera privée d'effet tant que la notion d'hétérodoxie ne sera pas vulgarisée, admise, explorée. La première tâche est donc, à mon sens, de bien connaître l'histoire des courants hétérodoxes, de façon à en dégager les grandes lignes, à en repérer les constantes, à en actualiser les intuitions. L'idée centrale des hétérodoxies est le «contexte»; l'économie doit s'appuyer sur un contexte, une histoire, un peuple. Elle doit s'inscrire dans le temps et dans l'espace et non dans un discours universaliste qui ignore délibérément les impératifs et les contraintes du temps et de l'espace. Dès le XIXième siècle, les économistes de l'«école historique» (Roscher, Hildebrand, Knies, Schmoller) ont insisté sur le contexte national. D'autres traditions hétérodoxes ont été moins «nationalistes», elles ont privilégié l'approche «classiste» (Veblen et la «leisure class») ou institutionnelle. François Perroux, en France, a montré que l'économie ne se déployait pas en vase clos, mais évoluait dans un monde complexe, imprévisible: si, très souvent, cette complexité conduit à la stabilité, ce n'est pas une règle infaillible: la complexité peut conduire au conflit. Un conflit qu'il s'agira alors de maîtriser; et pour le maîtriser, au milieu des innombrables paramètres qui agitent le monde, il faut être capable d'utiliser de multiples logiques, plusieurs «rationalités économiques». Contrairement à ce que croient les terribles simplificateurs, politiciens ou idéologues, le réel ne se maîtrise pas à l'aide d'une et d'une seule logique. L'hétérodoxie postule donc une pluralité pratique, non pas une pluralité que l'on contemple béatement en tant que telle, mais une pluralité où l'acteur politique choisit ses armes, ses instruments de combat sans en privilégier aucun de façon absolue.

 

Q.: L'hétérodoxie est-elle compatible avec une démocratie réelle, qui respecte l'espace du citoyen?

 

R.: Les théories économiques orthodoxes, c'est-à-dire celles qui ont eu le dessus pendant notre après-guerre, ont conduit, à l'Est, au résultat que l'on sait, et, à l'Ouest, à un accroissement démesuré des entreprises multinationales atteintes d'éléphantiasis et génératrices d'un chomâge catastrophique, c'est-à-dire d'un gaspillage scandaleux des ressources humaines. Le chômage est une exclusion, conduit à la société duale et ruine la notion de citoyenneté. L'exclu n'est pas un citoyen à part entière. L'augmentation des exclus ne permet plus non plus de financer ce bel Etat social des décennies d'abondance. Les délocalisations relèvent d'une pratique déduite des théories qui ignorent le contexte. La ruine de la métallurgie wallone et lorraine, des industries textiles ouest-européennes, est le résultat d'une délocalisation, qui a surtout bénéficié aux grosses entreprises américaines. Les famines générées par la disparition des cultures vivrières dans le tiers-monde participent, elles aussi, de cette même logique perverse. Lorsqu'un peuple produit lui-même les choses essentielles dont il a besoin, il est libre. S'il dépend trop fortement de l'étranger, sa liberté est limitée. Les planificateurs américains ne sont pas dupes: Eagleburger disait: «Food is the best weapon in our arsenal», démontrant par là que l'agriculture américaine devait demeurer largement exportatrice, afin de faire dépendre d'elle un maximum de peuples. Les batailles du GATT ne sont pas autre chose. Dès 1948, les Etats-Unis font échouer la Charte de La Havane, prévoyant trop de dérogations en faveur des pays en cours de reconstruction ou en phase de développement! Il a fallu attendre les années 60, c'est-à-dire la fin de la décolonisation qui ôtait aux grandes puissances européennes des «marchés protégés», pour que les Etats-Unis admettent l'aide au tiers-monde («Alliance pour le progrès» de Kennedy). Par ailleurs Michel Albert, président d'un grand goupe d'assurance français, opère une distinction intéressante entre «capitalisme anglo-saxon» et «capitalisme rhénan/nippon». Le capitalisme anglo-saxon parie d'abord sur la spéculation pure. Son homologue rhénan/nippon sur l'investissement industriel, c'est-à-dire sur une logique du contexte, privilégiant l'outil national, garant d'une certaine forme d'indépendance. Le succès des économies allemande et japonaise prouve en quelque sorte la supériorité pratique des économies «contextualisées», sans pour autant être fermées au monde. Par ailleurs, dans les zones de modèle «rhénan/nippon», la solidarité nationale, la sécurité sociale et la protection des travailleurs étaient nettement plus solides que dans l'Amérique de Reagan ou la Grande-Bretagne de Thatcher.

 

Q.: Logique du contexte et démocratie sont dès lors indissociables?

 

R.: En effet, le combat de demain sera l'affrontement entre le «globalisme» américain et les «contextes». Entre la dictature du marché, parfois exercée par de petits satrapes nationaux et pseudo-nationalistes, et ceux qui veulent garder, pour eux et pour leurs enfants, la dignité d'être «citoyens», donc d'exercer sans discrimination, sans exclusion, leurs vertus de «zoon politikon». Mais l'idéal globaliste détient un atout considérable: la simplicité brutale; le monde doit être un, et tous vivront alors l'American way of life. L'idéal du contexte a la fragilité des systèmes trop complexes. L'hétérogénéité idéologique et philosophique que présente le vaste continent «hétérodoxe» ne permet pas de dégager facilement un corpus instrumentalisable et applicable à la planète entière au bénéfice des toutes les particularités contextuelles. Les détenteurs d'une idéologie simple, qui promet plus qu'elle ne peut tenir, peuvent très aisément fragmenter un front hétérogène, même si celui-ci est le reflet le plus exact d'un réel multiforme. En France, plusieurs économistes, s'inscrivant dans la tradition de Perroux et dans la logique gaullienne de l'indépendance nationale, ont montré l'unité fondamentale des théories hétérodoxes, au-delà des diversités dans la formulation et des spécificités nationales, mais leurs efforts n'ont jamais été poursuivis ni systématisés. Si ces efforts ont été entrepris à l'ère gaullienne ou dans les années qui l'ont immédiatement suivie, ils prouvent par eux-mêmes qu'ils sont l'émanation d'une volonté politique, d'une volonté de sortir des ornières conventionnelles en dépit des plus puissants de ce monde. C'est une volonté qu'il convient désormais d'imiter, de réamorcer. C'est une tâche à laquelle les économistes doivent s'atteler. Mais dans ce travail, ils doivent être épaulés par ceux et celles qui, non seulement possèdent des connaissances théoriques, mais sont animés par une volonté politique. Une volonté de changement.

 

Robert STEUCKERS.

jeudi, 21 mai 2009

La crisi del dono - Intervista Claudio Risé

La crisi del dono.
Intervista Claudio Risé

di Susanna Dolci - 07/05/2009

Fonte: mirorenzaglia [scheda fonte]

crisidono

 

È, Claudio Risé [nella foto sotto], uno degli psicanalisti italiani di ampia fama nazionale ed internazionale. Docente di Scienze Sociali alle Università di Trieste-Gorizia, Insubria (Varese) e Bicocca (Milano), da oltre trent’anni studia l’uomo e la donna ovvero il maschile ed il femminile, nelle loro molteplici sfaccettature. La vita, la famiglia e la genitorialità con particolare attenzione alla figura paterna intesa come assenza o come “mestiere” difficile. I suoi numerosi libri sono stati tradotti in molti paesi europei ed in Brasile. Un spazio internet a disposizione del suo pubblico: www.claudio-rise.it. Esce in questi giorni per le Edizioni San Paolo La crisi del dono. La nascita e il no alla vita. È questo suo nuovo andare in riflessione, una discesa verso le «radici del pensiero che rifiuta la nascita». Un’attenzione di saggia misura sull’aborto inteso come quotidianità di azione da cronaca e da statistica, di battaglia politica, di leggi, di polemica, di giudizi positivi e negativi, di “crimine” addirittura, di orrori legalizzati od illegali e di tanto altro da aggiungere. O da sottrarre… Dipende, sempre, dai punti di vista. Ma il libro non è solo questo… ed è già molto. “La crisi del dono” è una sorta di Summa che non tralascia nulla perché niente vuole lasciare nel silenzio. Tutti gli attori legati alla venuta al mondo vengono chiamati in causa. Siano essi uomini, donne, bambini stessi e dunque padri, madri e figli, miti e mitologie, cambiamento e rinnovamenti, sacro e profano. Spetta, alfine ed in piena libertà, ad ogni singolo lettore decidere a quale cammino interpretativo accingersi. Che oscilla, in presenza, dagli albori temporali come il classico pendolo foucaultiano o la inimitabile quanto terribile spada di Damocle. Tutto sempre e come eterna scelta tra la vita e la morte. Un sentito ringraziamento a Claudio Risé per la sua piena e gentile disponibilità alla realizzazione dell’intervista che segue, nonostante i suoi molteplici impegni.

È stato appena editato dalle Edizioni San Paolo. È il suo “La crisi del dono. La nascita ed il no alla vita”. Lei ci parla di: Mito, Nascita, Figlicidio, Figli, Uomo, Donna, Aborto… E tanto ancora…  Se dovesse definire il centro di questo libro, cosa direbbe?

È un libro sulla nascita, come evento fisico, psichico e simbolico, sul suo significato e sulle resistenze che suscita. Molto spesso non la vogliamo (non solo quella fisica), perché ci chiede sempre di cambiare, trasformarci, ri/nascere.

 

Cos’è veramente l’aborto?

La scelta di evitare una nuova nascita sopprimendo il nascituro. Al di là delle considerazioni morali (non spetta a me giudicare), è una scelta fortemente conservatrice, contro il cambiamento. Dal punto di vista psicologico esprime un’avversione al futuro, alla trasformazione che regge il mondo, cui oppone il potere dell’Io individuale, quello che decide, appunto, l’aborto.

Tra abortire e dare in adozione c’è da sempre in mezzo una montagna invalicabile? Perché?

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È invece valicabile; molti la attraversano. Occorre rinunciare al possesso del figlio. Che del resto nessuno ha, perché il figlio appartiene a sé stesso. E, per la persona religiosa, a Dio.

Com’è il mondo in cui viviamo? Cito alcuni termini ricorrenti nei suoi studi e libri: neopaganesimo, narcisismo, droghe, guerra, terrorismo, scontro di etnie ma anche felicità come dono di sé, l’altro. Incubi quotidiani, difetti e pregi di questa nostra esile esistenza. Come affrontare al meglio o meno peggio tutto ciò?

Io racconto solo la psiche delle persone che vedo, la quale a sua volta parla del mondo in cui vivono. Un buon metodo per star bene, conosciuto da sempre,  potrebbe essere quello di cercare di essere se stessi, senza continuamente conformarsi, o dipendere dall’approvazione degli altri. Ha dei prezzi, ma ci si guadagna il vivere la propria vita, e non quella altrui, o del sistema  di comunicazione dominante.

 

Uomo? Uomo selvatico? O Maschio? Identità maschile tra essere io e/od altro da proprio sé medesimo? Tra Don Giovanni e Padre?

Consiglio di evitare ogni etichetta, comprese quelle sopra elencate (anche se prese dai miei libri) ed ascoltare chi si è. Che è sempre dentro, non fuori di noi.

 

La Donna? Mi verrebbe di aggiungere “è mobile….” ma forse è meglio “selvatica”? E d’ingegno? A metà tra forza e mistero dell’eterno archetipo dell’essere femminile? La Grande Madre, terribile eppur generosa?

Idem. Ognuna scopra sé stessa, e la interpreti. Il resto riguarda le altre, non te.

 

Lei parla della figura del Padre come dono, assenza e mestiere? Chi è un padre?

Un uomo che genera con una donna un figlio, lo protegge e aiuta a crescere quando è piccolo, e poi a diventare se stesso quando è più grande. Una figura elementare, che la natura conosce da sempre.

 

La natura intesa come mondo selvatico? Ancora respira nel suo esistere?

Sì. Tra le prime leggi firmate dal nuovo Presidente degli Stati Uniti ce n’è una che estende enormemente le aree vincolate a Wilderness, cioè  destinate a rimanere incontaminate, già molto estese in quel Paese. E’ una questione di grande attualità, e futuro. Ma naturalmente la Wilderness è ovunque, a cominciare da dentro di noi. Anche qui, si tratta di ascoltarla, e onorarla. E goderla.

 

Dove vanno i giovani?

Bisognerebbe chiederlo a loro. Io sono vecchissimo.

 

La comunità vivente ha ancora un suo specifico perché ben definito? È ancora dono e sacrificio?

Senza l’uno, e l’altro, non esiste comunità. Al massimo società, associazioni, club etc.

 

Famiglia VS divorzio. Anche qui quali i pregi, le colpe e loro effetti collaterali

La famiglia può fallire, così come un bimbo può essere soppresso. Basta si sappia che è un disastro, e non  si spacci divorzio ed aborto per cose da niente.

 

A conclusione. Siamo ancora in grado di trasformarci e rinnovarci? O restiamo in una immobile opposizione che nega l’anelito alla vita?

Non siamo noi a scegliere. È la natura a determinare che tutto, nell’essere umano, cambia continuamente nel corso della vita, le sue cellule, i suoi neuroni, i suoi sentimenti, il mondo intorno a lui. Certo possiamo optare per la sclerosi, mummificarci a vent’anni; molti lo fanno. Sono di solito pazzi, e piuttosto infelici, ma si può fare anche così. Però è meglio seguire, con spirito di avventura e divertimento, il misterioso  e sorprendente itinerario che la vita ci propone.


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dimanche, 10 mai 2009

"Rébellion" répond aux questions d'Excelsior (Mexico)

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Entretien pour Excelsior

Entretien accordé à Carmen Alvarez, journaliste au quotidien Excelsior de Mexico (mars 2009).

 

Ex: http://rebellion.hautetfort.com/

Quelle position adoptez-vous envers les changements profonds dérivés de la crise actuelle du capitalisme ?


Tout d’abord, disons qu’il s’agit d’une crise structurelle et non pas d’un épiphénomène dérivant de la rapacité de quelques financiers isolés (même s’ils existent !) ce qui sous-entendrait qu’il suffirait de moraliser le capitalisme pour nous sortir de ce mauvais pas conjoncturel comme on l’entend dire çà et là par des hommes politiques désirant sauver le capitalisme en ignorant les contradictions lui étant intrinsèques (position de Nicolas Sarkozy en France par exemple). La possibilité de la financiarisation du système et de son évidente aberration dont pâtit l’immense majorité des travailleurs réside dans l’incapacité du capital productif d’extorquer le plus rapidement de profit dans le procès de production et de le réaliser sur le marché en vendant le maximum de marchandises à cause de la course effrénée à la concurrence. La manifestation la plus évidente de cette dernière est l’attaque en règle conduite sous l’égide de l’offensive du discours idéologique ultralibéral et mondialiste afin de forcer les barrières protectrices des nations et de créer d’immenses zones géoéconomiques d’échanges au sein desquelles circuleraient hommes et produits réduits au statut de marchandises (la fameuse marchandisation du monde dit-on en français ; Marx quant à lui parlait de réification du rapport social). Le problème c’est qu’il faut pour que cela fonctionne que les pays et individus consommateurs soient réellement solvables, ce qui est loin d’être le cas ! Pendant des décennies on a vu les pays du « nord » prêter des sommes exorbitantes à des pays du « sud » afin que ceux-ci puissent leur acheter avec ce même argent une partie de leur production ! En contrepartie les multinationales avaient et ont toujours le droit de piller les ressources naturelles de ces mêmes pays, eux-mêmes cantonnés à des types de production à objectif d’exportation, cela bouleversant leur fragile équilibre économicosocial. Cette situation a créé un fossé gigantesque entre le nord et le sud. La solution imposée par le FMI est connue, toujours plus de privatisations et toujours plus de misère.


Alors les capitalistes trouvèrent comme ultime recette pour accroître leurs profits de créer des valeurs fictives à partir desquelles il semblait être possible de tourner le dos au réel économique et de jouer dans le virtuel en s’enrichissant rapidement. Mais le crédit n’était pas solide et reposait sur des anticipations qui ne pouvaient être réellement remboursées, de là, la paupérisation dans laquelle se virent plonger de nombreux citoyens, ces derniers mois aux Etats-Unis et maintenant en Europe. La crise nous arrive de plein fouet, en France ce sont des centaines de licenciements voire des milliers chaque jour, en ce moment !


Personne n’a vraiment de solution à cela. On peut regretter que l’Europe bien que globalement grande puissance économique ne soit qu’un nain sur le plan politique. Les gouvernements européens n’ont fait que passer leur temps avec leurs représentants à Bruxelles, à démanteler ce qui fonctionnait en Europe ! Tout cela au nom de la croyance magique à la toute puissance bénéfique du marché : toujours plus de mise en concurrence.

Jamais l’euro n’a réellement été proposé comme alternative à la puissance du dollar qui, somme toute, depuis sa déconnection d’avec l’étalon or ne doit sa suprématie qu’à la force de l’impérialisme étasunien.


Ainsi, sans proposer de solution miracle nous pensons qu’il y a urgence à promouvoir un monde multipolaire dans lequel l’Europe a un rôle essentiel à jouer. Elle doit apprendre à cesser d’être un protectorat étasunien. La politique du Général de Gaulle avait en son temps ouvert largement la voie à cette vision géopolitique qu’il aurait voulu articuler autour de la constitution d’un noyau dur franco-allemand (le pôle carolingien). Malheureusement, ses successeurs tant en France qu’au-delà du Rhin ont franchement trahi cet objectif. Pourtant les possibilités de voir étendre ce projet sont à portée de main si l’Europe voulait bien se tourner vers la Russie. Mais pour ce faire il faudrait clairement rompre avec l’Europe technocratique de Bruxelles et que les peuples européens se réveillent et ne donnent plus un blanc-seing à des gouvernements fantoches. C’est là que la crise du capitalisme peut venir jouer un rôle. Le système capitaliste va avoir de plus en plus de mal à acheter la paix sociale, les travailleurs devront avoir sous les yeux d’immenses perspectives dont nous avons brossé rapidement les contours ci-dessus. De plus en plus, en France, on parle explicitement de lutte de classe même si le discours officiel tente de ne rien laisser transparaître de tout cela.

 

La gauche française est-elle unie dans l’action malgré ses divergences de pensée et quelles sont ses chances lors des prochaines élections ? Quelle gauche peut exister ? Besancenot pourrait-il incarner une nouvelle gauche ?


Le problème est évidemment complexe. La France est héritière d’une riche histoire du mouvement ouvrier (ne rappelons que le chant de l’Internationale et l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le Front populaire de 36 et la grève générale de mai 68) mais la gauche actuelle n’est qu’une pâle et infidèle copie de cette tradition. Elle a été durablement affaiblie par la victoire du libéral sécuritaire Nicolas Sarkozy mais après s’être largement convertie elle-même aux valeurs qu’elle aurait dû combattre à cause de sa social démocratisation. Pour comprendre, il faut brièvement remonter quelques décennies en arrière. Après la seconde guerre mondiale, le programme élaboré par la Résistance s’est concrétisé peu ou prou. Lorsque de Gaulle est revenu au pouvoir en 58, c’est le Parti Communiste Français qui est rapidement devenu le plus important parti d’opposition ; dans les années soixante il dépasse les 20% des suffrages aux élections et représente le parti communiste le plus puissant d’Europe de l’ouest. Pour contrebalancer ce poids, les Etats-Unis financeront substantiellement les initiatives de la gauche non communiste alors que les soviétiques n’étaient guère hostiles au général de Gaulle conduisant une politique d’indépendance, de troisième voie en quelque sorte, se concrétisant en particulier par la sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966. Cette décision courageuse suivie de ses déclarations critiques à l’égard des Etats-Unis et d’Israël en 1967 lui coûtèrent très cher : les évènements de mai 68 et la trahison de certains dans son camp lors du référendum de 69. On ne peut rien comprendre à la situation actuelle et à la nature de la gauche en France, de nos jours, si on n’analyse pas un tant soit peu la période que nous venons d’évoquer.


Il y a une réelle ambiguïté au sein de la révolte de mai 68. D’un côté un authentique combat mené par la classe ouvrière qui n’est pas énormément touchée à l’époque par le chômage mais qui est soumise à des cadences de travail assez élevées pour des salaires loin d’être vraiment satisfaisants et d’un autre côté un discours libéral/libertaire promu par le mouvement gauchiste qui aura sa postérité dans le triomphe des valeurs libérales au sein de la société par la suite et dont le processus de mondialisation avait grandement besoin pour se faire accepter. C’est de cette époque que date l’affaiblissement du Parti Communiste, le début de son déclin, ce qui permettra de le piéger par le « Programme Commun de la Gauche » à la fin des années 70 et par sa participation au gouvernement après l’élection de Mitterrand en 81. Durant cette période les leaders gauchistes furent grassement remerciés et rémunérés par la bourgeoisie pour leurs bons services ! A partir des années 80 et 90, le déclin économique de la France s’accélérant (désindustrialisation, délocalisations) la gauche n’eut d’autre préoccupation que de se mobiliser non pas contre le capitalisme mais contre le spectre d’un imaginaire fascisme du Front National de JM Le Pen dont elle avait elle-même suscité l’existence en espérant pouvoir empêcher le retour franc et massif de la droite au pouvoir. L’habileté de Sarkozy apparut lorsqu’il profita de la déconsidération de la gauche auprès d’électeurs écoeurés et qu’il alla chasser sur le terrain du FN en siphonnant les voix de ses électeurs. Dès lors, la gauche était fondamentalement affaiblie et divisée, le PC exsangue et le Parti abusivement appelé Socialiste incapable de se ressaisir. Bien sûr que la gauche se retrouve plus ou moins unie derrière les manifestations des travailleurs poussés dans la rue par la crise mais Sarkozy a trouvé la parade : il a promu un produit marketing efficace, new look comme le disent les publicitaires, il a trouvé Besancenot ! Mélenchon de la gauche du PS s’est allié au PC résiduel pour les prochaines élections européennes, eux-mêmes sont en désaccord avec Besancenot qui, lui-même, peut rafler des voix à la gauche classique sous prétexte de radicalité tout en participant à son affaiblissement. Ainsi peut être également compensé un recul de la droite sarkozyste dans le paysage politique, d’autant que le taux d’abstention est souvent important aux élections européennes et qu’avec un minimum de voix on peut donner l’impression de faire un score honorable d’un côté comme de l’autre. Besancenot est bel et bien le facteur factice, ayant « travaillé » dans la banlieue hyperbourgeoise de Neuilly fief originel de Sarkozy, confortablement logé dans un appartement lui appartenant dans un quartier des plus huppés de Paris (acheté avec une paye de facteur ?) et pavanant dans tous les médias audiovisuels et écrits de France. Est-ce cela un révolutionnaire craint par la bourgeoisie ?


Ce qui nous semble plus sérieux et intéressant depuis quelques années est l’apparition de courants et de penseurs plus ou moins isolés qui par leurs propos et leur pratique remettent en question l’opposition usée et spectaculaire droite/gauche. Lors du référendum sur la constitution européenne où la majorité s’est prononcée pour le « non », on s’est aperçu de l’existence d’une résistance transcourant qui ne recouvrait pas le prisme des positions des partis politiques traditionnels. Ainsi dans notre revue nous sommes pour une Europe ayant un projet politique commun et à long terme nous défendons un socialisme à l’échelle de notre continent. Néanmoins, nous sommes aux côtés de souverainistes contre l’européisme technocratique de Bruxelles parce que nous pensons que tactiquement nous devons défendre les acquis sociaux garantis par l’existence politique d’une nation indépendante. Autrement nous serons emportés par la course aux abîmes du capitalisme. Il faut articuler lutte de classe et défense de la nation afin que celle-ci soit dirigée hégémoniquement en vue de l’intérêt de la majorité des travailleurs et selon les finalités du bien commun.

 

Sarkozy est-il un allié des Etats-Unis ?


Hélas oui ! Après une longue et triste série de présidents ayant un discours de pseudo       indépendance à l’égard des Etats-Unis et une pratique de réelle démission face aux diktats de l’empire unipolaire étasunien (notamment lors des conflits avec l’Irak et de l’agression de l’ex-Yougoslavie) Sarkozy vient de tirer explicitement les conclusions de ce lent glissement (aussi peut-on lui reconnaître une réelle franchise là où les autres faisaient plutôt semblant de s’opposer) en réintégrant la France au sein du commandement de l’OTAN sous prétexte que notre pays pourrait ainsi peser sur les décisions de l’oncle Sam. Ceci serait risible si la situation n’était pas aussi inquiétante car la France sera de plus en plus engagée en Afghanistan et ailleurs, si les Etats-Unis le désirent. Sarkozy s’est rallié à la stratégie de Brzezinski, inspirateur, homme de l’ombre et stratège d’Obama sur lequel on se fait malheureusement trop d’illusions de par le monde. Celui-ci va lâcher du lest sur le proche Orient et l’Iran mais pour mieux s’occuper de l’Afghanistan, du Pakistan et des gros morceaux qu’il vise derrière ces pays, la Russie et la Chine. Cela est bien pire que les délires des néo conservateurs précédemment au pouvoir à Washington. Quand Sarkozy fait mine de prendre des initiatives, on lui coupe l’herbe sous le pied (exemple avec l’histoire des otages de la guérilla en Colombie) pour lui faire comprendre que son pouvoir est quelque peu limité.


De plus avec cette politique de ralliement explicite à l’empire unipolaire, Sarkozy retarde la possibilité qu’aurait eu l’Europe d’avoir un réel destin géopolitique indépendant. A ce niveau également s’impose, aux travailleurs français et aux européens, la nécessité de la lutte contre ce système, ce modèle obsolète de civilisation qu’on appelle l’Occident.

 

Quelle vision avez-vous du Mexique et de l’Amérique latine ?


Nous confessons tout en nous en excusant de ne pas être des spécialistes et connaisseurs de votre pays. Néanmoins, dans les grandes lignes, nous pourrions affirmer que le Mexique n’a guère à gagner à être intégré dans ce grand marché de l’Amérique du nord reposant sur les mêmes avantages fantasmatiques que l’on nous a fait miroiter sur tous les continents avec le modèle libéral. Nous soutenons sincèrement l’expérience bolivarienne du camarade Chavez au Venezuela, espérant qu’il pourra faire incliner sa politique vers un socialisme original. Là, également, les forces réactionnaires soutenues par les Etats-Unis essaieront par tous les moyens, comme elles l’ont fait par le passé dans les pays latinoaméricains, de faire capoter la tentative de libération nationale à l’égard de l’emprise impérialiste étasunienne.

 

Néanmoins la situation a changé par rapport aux dernières décennies puisqu’une gauche plus ou moins originale est parvenue au pouvoir dans certains pays d’Amérique du sud. Il ne faut ni surestimer l’expérience ni sous-estimer l’impact du projet bolivarien. Chavez a une vision géopolitique pour le continent latinoaméricain et nous souhaiterions que l’Europe soit alliée de ce projet, aussi faudrait-il pour cela, comme nous l’avons dit ci-dessus, que l’Europe elle-même soit engagée dans une vision géopolitique d’envergure faisant pièce aux diktats étasuniens. Chavez symbolise la possibilité de l’existence d’un monde multipolaire qui rendrait confiance et dignité à tous les peuples et cultures en promouvant une réelle diversité aux antipodes du monothéisme de marché dont on perçoit les conséquences terrifiantes pour l’avenir de l’espèce humaine. Celle-ci ne peut continuer son aventure que grâce à la préservation de ses multiples identités culturelles en devenir. Le continent latinoaméricain est lui-même l’expression, par la rencontre de diverses cultures et peuples et par la synthèse qui en est sortie, de l’importance de ce que nous avançons. Aussi le projet bolivarien nous est apparu rapidement comme étant une divine surprise, une preuve de la validité et de la valeur que nous accordons à l’idée des grands ensembles géopolitiques diversifiés. En plus Chavez est un socialiste authentique et un révolutionnaire ! Le Mexique aurait, nous semble-t-il, tout intérêt à se tourner vers un tel projet plutôt que de lorgner vers son voisin impérialiste du nord.

 


Jean Galié.

Au nom de la revue bimestrielle socialiste révolutionnaire européenne « Rébellion ».

lundi, 04 mai 2009

Intervista a Marco Fraquelli

Intervista a Marco Fraquelli

Ex: http://www.centrostudipolaris.org/

Marco Fraquelli, tu sei l’autore di “A destra di Porto Alegre” edito nel
2006 da Rubbettino.
Cosa ti ha spinto ad interessarti di quel mondo che, almeno in passato,
doveva sembrarti ostile, considerata la tua militanza a sinistra negli anni
Settanta?

Intanto, credo che, al di là di ogni militanza, sia importante mantenere un po’ di onestà intellettuale (non ho la presunzione di definirmi onesto al cento percento…). Io non ho cambiato idee politiche, anche se, invecchiando, come tutti, tendo più alla socialdemocrazia che non al massimalismo…, ma registrare l’impegno della destra radicale in senso antiglobale, e soprattutto evidenziarne le radici antiche mi sembrava un esercizio intellettuale del tutto oggettivo. Se poi vuoi sapere più nel dettaglio da dove nasce la mia idea di analizzare questa componente del pensiero radicale di destra (e quindi l’idea del libro), ti dico che c’è anche una data ben precisa, e cioè l’agosto del 2001 quando, leggendo sotto l’ombrellone il famoso No Logo della Klein mi venne spontaneo riandare con la mente alle centinaia di pagine che, da quasi un decennio, Orion andava pubblicando sul tema del mondialismo, tema del quale, peraltro, mi ero già occupato per la mia tesi di laurea su Evola. Da lì la voglia di approfondire il tema.

Cosa ritieni di dover porre in evidenza riguardo l’approccio alla globalizzazione tenuto dalla cosiddetta Destra Radicale?

Sicuramente colpisce il fatto che la destra radicale se ne sia occupata molto prima della sinistra (ancorché, come dico nel libro, ciò possa essere abbastanza intuitivo, perché se è vero che la globalizzazione è per definizione un fenomeno di livellamento e di omogeneizzazione, che cosa ci può essere di più distante – e antagonista – del DNA di un uomo di destra?). Mi colpisce anche il fatto che l’antiglobalismo della destra sia in generale più “integralista” rispetto alla versione new-global della sinistra. Ma mi colpisce soprattutto – e mi ha colpito, approfondendo l’argomento – che la destra radicale abbia offerto un’analisi molto articolata e spesso orginale del fenomeno. Per esempio ha affrontato per prima il problema in termini filosofici e storici, rilevando l’”antichità” della globalizzazione. La visione degli economisti e in generale degli storici di parte opposta ha invece posto sempre l’accento sull’estrema novità del fenomeno. Cosa corretta se per globalizzazione intendiamo l’attuale dinamica soprattutto economica. Ma del tutto parziale se consideriamo, come appunto fa la destra radicale, la globalizzazione nel più complesso insieme delle sue valenze che, lo ripeto, sono di natura filosofica e storica prima ancora che sociale ed economica.

Quali sono invece i difetti d’impostazione, se ne ravvisi qualcuno, che possono impedirle un’articolazione davvero completa di una critica esauriente?

Ma io direi che la critica non è per nulla incompleta. Anzi, come dicevo, è sicuramente più articolata e organica rispetto ad altre. Io credo che il problema sia poi quello delle ricette alternative. La mia sensazione è che l’alternativa alla globalizzazione sia pur sempre – semplifico molto - quella della comunità organica, con quei presupposti di gerarchia e di ordine che qualificano per eccellenza il pensiero di destra (starei per dire reazionario, ma solo in senso oggettivo, senza voler dare al termine alcun giudizio di valore o di merito). Qualcuno ha criticato questa mia valutazione, sostenendo che ho dei preconcetti. Può essere. Ma quando parlo di comunità organica e di gerarchia, mica penso a chissà quale orrenda dittatura, o a un ritorno al medioevo, a una società divisa in caste, ecc. Penso semplicemente a un modello del tutto attuale di società, solo basata su valori che non corrispondono esattamente a quelli della democrazia come noi la intendiamo e la viviamo.

A tuo avviso la critica alla democrazia, al cosmopolitismo e all’internazionalismo, che accomuna il pensiero di un po’ tutta la Destra Radicale, scaturisce in un’univoca opposizione alla globalizzazione o vi riscontri, invece, diverse scuole di pensiero?

Sicuramente le scuole di pensiero sono molte e molto variegate. Io prima, per sintetizzare, citavo il concetto di comunità organica: ecco, in questo caso, le formule sono le più svariate. Io credo sinceramente nella differenza tra comunità chiuse e comunità aperte, così come penso che anche nell’ambito della destra radicale ci sia chi ci crede altrettanto fermamente. Credo che l’attenzione per ogni forma cosiddetta di “antagonismo” espressa da Orion, da cui la forte attenzione per il mondo musulmano, non abbia nulla da spartire con Le Pen (almeno il Le Pen classico, quello di oggi pare curiosamente disponibile ad aperture). Così come le posizioni di De Benoist sembrano distanti anni luce da quelle dei tradizionalisti e così via. E’ vero che io dico che comunque alla base di tutto c’è un filo rosso che attiene al pensiero “reazionario”, ma è un inevitabile punto di partenza comune, voglio dire che sono le radici naturali. Ciascuno poi ha compiuto e sta compiendo il suo percorso. E’ un percorso che in qualche caso marginalizza molto quelle radici, in altri le rivitalizza, in altri ancora le rimuove.

Prima di scrivere questo libro ti cimentasti con “Il filosofo proibito. Tradizione e Reazione nell’opera di Julius Evola”, pubblicato nel 1994 con Terziaria. Come mai questa scelta?

Lo scrivevo nell’introduzione del libro: come hai ricordato, io negli anni ’70 ho cominciato a militare nelle organizzazioni dell’estrema sinistra. Ed ero fermamente convinto dell’assioma proposto da Bobbio, ovvero che cultura e destra fossero termini inconciliabili. Poi, invece, la scoperta – fortuita, avvenuta leggendo alcuni articoli di Filippini su Repubblica – che esisteva non solo un universo culturale di destra ben definito, ma anche autori cult, case editrici ecc. Questo, tra l’altro, avveniva mentre iniziavo la mia avventura professionale a Milano, in un’azienda che aveva la sede a pochi metri dalla “famigerata” sede provinciale dell’MSI di via Mancini (nei nostri slogan “un covo di assassini”…), ed era inevitabile che ogni giorno incontrassi nei dintorni i giovani missini (ricordo anche La Russa, Decorato, ecc.). Devo dire che il sentimento prevalente, durante quegli incontri, non era, come ci si potrebbe aspettare, di sordo rancore, o di odio, quanto piuttosto di una vera e propria curiosità antropologica, forse, non lo nascondo, anche un po’ morbosa. Mi chiedevo, soprattutto, vedendo quei ragazzi che poi mi somigliavano moltissimo anche esteticamente, che cosa davvero ci dividesse. Ti prego di credere che non sto dando una versione “buonista” della situazione. Per me era davvero così. E dunque mi interessava ancor di più esplorare il background culturale dei miei antagonisti. Il caso vuole che allora mi stessi laureando con Giorgio Galli che, per primo, da sinistra, aveva rivalutato Evola come pensatore elitista degno dei più blasonati pensatori che normalmente entravano nei manuali di storia del pensiero politico (da Maistre a Bonald, ecc.). Confesso che io non avevo mai letto nulla né di Evola né su di lui, mi ricordavo solo una brevissima citazione, mi pare di Cantimori, in cui veniva descritto più o meno come “oscuro teorico del razzismo” (figurati che pensavo che fosse tedesco…), ma l’occasione mi sembrò troppo ghiotta, e così chiesi una tesi su di lui, tesi che è appunto diventata il libro che ricordavi.

Quanto Evola ritrovi nell’antiglobalizzazione della destra radicale?

Di primo acchito direi molto, se vogliamo enfatizzare l’aspetto antimodernista dell’antiglobalizzazione espresso dalla destra radicale. Per non parlare delle posizioni antimericane del filosofo. Ma sinceramente l’aspetto fortemente elitista e aristocratico del pensiero di Evola mi sembra distanziarsi dalla visione no global della destra radicale. Anche perché non credo si debba perdere di vista un punto fondamentale, e cioè che la visione della destra radicale è sì antimodernista, ma non necessariamente inattuale. Certo, ancora una volta, bisognerebbe distinguere le varie scuole di pensiero: è ovvio che la destra più tradizionalista è naturalmente più ortodossa, rispetto alle altre, con riferimento al pensiero evoliano. Non dobbiamo poi dimenticare che in Evola il tema noglobal spesso coincide con il tema del complottismo, della guerra occulta (con l’inevitabile corollario antisemita). Da questo punto di vista ritengo che almeno dagli anni ’70 la destra radicale abbia decisamente rotto ogni ponte con Evola. Resta naturalmente l’insegnamento complessivo, ma certamente nessuno più pensa oggi alla globalizzazione come a un complotto ordito da una cerchia di “burattinai” chiusi in una stanza segreta…

In poche parole puoi dirci che differenze riscontri fra la critica alla globalizzazione operata dalla sinistra alterglobal e quella della destra radicale?

Intanto, come scrivo nel libro, l’atteggiamento della destra è molto spesso più radicale. Non mi pare di vedere atteggiamenti new-global (intendo dal punto di vista dottrinario, ma spesso anche nei comportamenti). Ma credo che questo sia il portato naturale delle ipotesi – per così dire – di partenza. La sinistra fa pur sempre riferimento alla sfera democratica, e ritiene quindi che esistano, in questa sfera, elementi correttivi, che possano esistere, per così dire, meccanismi di compensazione. In fondo la democrazia dovrebbe essere proprio questo. La visione antidemocratica non può contare su queste possibilità.

Infine una tua opinione: credi che la “globalizzazione” sia un fenomeno compiuto? E se non lo è, pensi che la sua realizzazione sia ineluttabile?

Devo proprio essere sincero? Io credo sia ineluttabile. Mi ha molto colpito, durante la presentazione del mio libro a Casa Pound, la tua riflessione sul fatto che, invece, non la si debba dare per ineludibile, e che, di conseguenza, si possano immaginare aree di antagonismo, diciamo alternative. Anch’io sono convinto che vi siano aree (o micro-aree) nel mondo che ancora resistono. Io mi chiedo, però, fino a quando. E confesso che da questo punto di vista tendo a essere un po’ new-global, a sperare (non dico credere) che prima o poi si trovi una formula di governance che offra anche opportunità positive, cioè di miglioramento della qualità della vita senza snaturare le identità. Forse è utopia, non so… Di una cosa però sono certo: che quando parlo di qualità della vita non penso affatto al tema dell’esportazione di democrazia. Penso, più materialmente (o se vuoi più materialisticamente) alle condizioni di benessere fisico, intellettuale, ecc. Anche perché non credo che la democrazia sia per forza il massimo della vita. Secondo me fino a oggi non si è trovato nulla di meglio, ma non è detto che in futuro sia ancora così.

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mardi, 28 avril 2009

An Interview with Dominique Venner

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An Interview with Dominique Venner

 

 

by Michael O'Meara

TRANSLATOR’S NOTE: It’s testament to the abysmal state of our culture that hardly one of Dominique Venner’s more than forty books have been translated into English. But everything he writes bears directly on us — “us” here referring not specifically to the anglophone world, but to the European world that exists wherever white men still carry on in any of the old ways.

Venner is more than a gifted historian who has made major contributions to the most important chapters of modern, especially 20th-century European history. He has played a key role in both the development of the European New Right and the “Europeanization” of continental nationalionalism.

It is his “rebel heart” that explains his engagement in these great struggles, as well as his interests in the Russian Revolution, German fascism, French national socialism, the U.S. Civil War, and the two world wars. The universe I’ve discovered in his works is one that reminds me of Ernst von Salomon’s “Die Geächteten” — one of the Homeric epics of our age.

The following interview is about the rebel. Unlike the racial conservatives dominant in U. S. white nationalist ranks, European nationalism still bears traces of its revolutionary heritage — opposed as it is not merely to the alien, anti-national forces, but to the entire liberal modernist subversion, of which the United States has been the foremost exemplar. -Michael O’Meara

Question: What is a rebel? Is one born a rebel, or just happens to become one? Are there different types of rebels?

Dominique Venner: It’s possible to be intellectually rebellious, an irritant to the herd, without actually being a rebel. Paul Morand [a diplomat and novelist noted for his anti-Semitism and collaborationism under Vichy] is a good example of this. In his youth, he was something of a free spirit blessed by fortune. His novels were favored with success. But there was nothing rebellious or even defiant in this. It was for having chosen the side of the National Revolution between 1940 and 1944, for persisting in his opposition to the postwar regime, and for feeling like an outsider that made him the rebellious figure we have come to know from his “Journals.”

Another, though different example of this type is Ernst Jünger. Although the author of an important rebel treatise on the Cold War, Jünger was never actually a rebel. A nationalist in a period of nationalism; an outsider, like much of polite society, during the Third Reich; linked to the July 20 conspirators, though on principle opposed to assassinating Hitler. Basically for ethical reasons. His itinerary on the margins of fashion made him an anarch, this figure he invented and of which after 1932 he was the perfect representative. The anarch is not a rebel. He’s a spectator whose perch is high above the mud below.

Just the opposite of Morand and Jünger, the Irish poet Patrick Pearse was an authentic rebel. He might even be described as a born rebel. When a child, he was drawn to Erin’s long history of rebellion. Later, he associated with the Gaelic Revival, which laid the basis of the armed insurrection. A founding member of the first IRA, he was the real leader of the Easter Uprising in Dublin in 1916. This was why he was shot. He died without knowing that his sacrifice would spur the triumph of his cause.

A fourth, again very different example is Alexander Solzhenitsyn. Up until his arrest in 1945, he had been a loyal Soviet, having rarely questioned the system into which he was born and having dutifully done his duty during the war as a reserve officer in the Red Army. His arrest, his subsequent discovery of the Gulag and of the horrors that occurred after 1917, provoked a total reversal, forcing him to challenging a system which he once blindly accepted. This is when he became a rebel — not only against Communist, but capitalist society, both of which he saw as destructive of tradition and opposed to superior life forms.

The reasons that made Pearse a rebel were not the same that made Solzhenitsyn a rebel. It was the shock of certain events, followed by a heroic internal struggle, that made the latter a rebel. What they both have in common, what they discovered through different ways, was the utter incompatibility between their being and the world in which they were thrown. This is the first trait of the rebel. The second is the rejection of fatalism.

Q: What is the difference between rebellion, revolt, dissent, and resistance?

DV: Revolt is a spontaneous movement provoked by an injustice, an ignominy, or a scandal. Child of indignation, revolt is rarely sustained. Dissent, like heresy, is a breaking with a community, whether it be a political, social, religious, or intellectual community. Its motives are often circumstantial and don’t necessarily imply struggle. As to resistance, other than the mythic sense it acquired during the war, it signifies one’s opposition, even passive opposition, to a particular force or system, nothing more. To be a rebel is something else.

Q: What, then, is the essence of a rebel?

DV: A rebel revolts against whatever appears to him illegitimate, fraudulent, or sacrilegious. The rebel is his own law. This is what distinguishes him. His second distinguishing trait is his willingness to engage in struggle, even when there is no hope of success. If he fights a power, it is because he rejects its legitimacy, because he appeals to another legitimacy, to that of soul or spirit.

Q: What historical or literary models of the rebel would you offer?

DV: Sophocles’ Antigone comes first to mind. With her, we enter a space of sacred legitimacy. She is a rebel out of loyalty. She defies Creon’s decrees because of her respect for tradition and the divine law (to bury the dead), which Creon violates. It didn’t mater that Creon had his reasons; their price was sacrilege. Antigone saw herself as justified in her rebellion.

It’s difficult to choose among the many other examples. . . . During the War of Succession, the Yankees designated their Confederate adversaries as rebels: “rebs.” This was good propaganda, but it wasn’t true. The American Constitution implicitly recognized the right of member states to succeed. Constitutional forms had been much respected in the South. Robert E. Lee never saw himself as a rebel. After his surrender in April 1865, he sought to reconcile North and South. At this moment, the true rebels emerged, who continued the struggle against the Northern army of occupation and its collaborators.

Certain of these rebels succumbed to banditry, like Jesse James. Others transmitted to their children a tradition that has had a great literary posterity. In the “Vanquished,” one of William Faulkner’s most beautiful novels, there is, for example a fascinating portrait of a young Confederate rebel, Drusilla, who never doubts the justice of his cause or the illegitimacy of the victors.

Q: How can one be a rebel today?

DV: How can one not! To exist is to defy all that threatens you. To be a rebel is not to accumulate a library of subversive books or to dream of fantastic conspiracies or of taking to the hills. It is to make yourself your own law. To find in yourself what counts. To make sure that you’re never “cured” of your youth. To prefer to put everyone up against the wall rather than to remain supine. To pillage in this age whatever can be converted to your law, without concern for appearance.

By contrast, I would never dream of questioning the futility of seemingly lost struggles. Think of Patrick Pearse. I’ve also spoken of Solzhenitsyn, who personifies the magic sword of which Jünger speaks, “the magic sword that makes tyrants tremble.” In this Solzhenitsyn is unique and inimitable. But he owed this power to someone who was less great than himself. To someone who should gives us cause to reflect. In “The Gulag Archipelago,” he tells the story of his “revelation.”

In 1945, he was in a cell at Boutyrki Prison in Moscow, along with a dozen other prisoners, whose faces were emaciated and whose bodies broken. One of the prisoners, though, was different. He was an old White Guard colonel, Constantin Iassevitch. He had been imprisoned for his role in the Civil War. Solzhenitsyn says the colonel never spoke of his past, but in every facet of his attitude and behavior it was obvious that the struggle had never ended for him. Despite the chaos that reigned in the spirits of the other prisoners, he retained a clear, decisive view of the world around him. This disposition gave his body a presence, a flexibility, an energy that defied its years. He washed himself in freezing cold water each morning, while the other prisoners grew foul in their filth and lament.

A year later, after being transferred to another Moscow prison, Solzhenitsyn learned that the colonel had been executed. “He had seen through the prison walls with eyes that remained perpetually young. . . . This indomitable loyalty to the cause he had fought had given him a very uncommon power.” In thinking of this episode, I tell myself that we can never be another Solzhenitsyn, but it’s within the reach of each of us to emulate the old White colonel.

French Original
“Aujourd’hui, comment ne pas être rebelle?”
http://www.jisequanie.com/blogs/index.php?2006/06/18/13-entretien
avec-dominique-venner-comment-peut-on-ne-pas-etre-rebelle

On Venner
“From Nihilism to Tradition”
http://www.theoccidentalquarterly.com/vol4no2/mm-venner.html

jeudi, 23 avril 2009

Giano Accame : pensiero scomodo

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Giano Accame, pensiero scomodo

 

14 maggio 2001

Puntata realizzata con gli studenti del Liceo Classico "Umberto I" di Napoli"

STUDENTESSA: Ringraziamo Giano Accame per essere qui con noi. Prima di dare avvio alla discussione guardiamo la scheda filmata.

Pensieri scomodi, pensieri inquietanti, pensieri di difficile collocazione, attraversano, come ombre, il corso del secolo che è appena trascorso. Un secolo dove la massa si è fatta protagonista e il conformismo, l'automatismo mentale, l'inerzia, il torpore, sono diventati condotta comune, norma di comportamento. Il secolo dei grandi totalitarismi sicuramente è anche il secolo dell'indottrinamento di massa, ma, paradossalmente, è anche il secolo degli antagonismi, delle ribellioni, è il secolo in cui scrittori e pensatori, spesso solitari, emarginati, talvolta sconfitti dalla storia, conducono "esperimenti temerari" o semplicemente portano il peso di una "intelligenza scomoda", refrattaria a ogni conformismo. È il caso, ad esempio, dello scrittore tedesco Ernst Junger, una delle grandi figure della letteratura del Novecento. In età più che matura, all'inizio degli anni Cinquanta, Junger teorizza il comportamento del ribelle, al quale, "per sapere che cosa sia giusto, non servono teorie o leggi escogitate da qualche giurista di partito". Il ribelle "attinge alle fonti della moralità ancora non disperse nei canali delle istituzioni". Il ribelle rifugge da ogni ordine costituito, non appartiene più a niente, ha varcato una volta per tutte il meridiano delle opinioni comuni. Pensatore scomodo è dunque Junger, come d'altra parte scrittore scomodo è stato Louis-Ferdinand Céline, definito "veggente del tramonto dell'Occidente". Poeta scomodo è Ezra Pound, una delle voci più alte della poesia del Novecento e uno dei critici più feroci della vita degradata, misurata dal denaro e dalla prestazione. E scrittore scomodo Yukio Mishima, la cui "intelligenza scomoda" si esprime nella ricerca della bellezza e nella fedeltà alla propria tradizione. Ma ogni ricerca ha il suo prezzo: Mishima muore suicida nel 1970.

STUDENTESSA: Possiamo arrivare a definire una "intelligenza scomoda"? Cioè quali sono i suoi tratti distintivi?

ACCAME: Questa espressione, "intelligenze scomode", viene da una trasmissione di Rai Educational dedicata a scrittori, intellettuali e artisti di destra, ma più che di destra, o fascisti, o accusati di fascismo, persone che sono state una parte ineliminabile, importante, del pensiero del Novecento; e che appartengono ormai non solo a una parte, ma al genere umano. Non si potrebbe fare a meno, nella letteratura italiana, di Gabriele D'Annunzio, anche se a Fiume ha creato la ritualità del fascismo, i saluti, il discorso dal balcone. La filosofia italiana non potrebbe fare a meno del più grande filosofo accademico del Novecento, Giovanni Gentile. L'arte italiana non potrebbe fare a meno del futurismo, anche se Marinetti è stato fascista. Il futurismo è stato, dopo il Barocco, la prima volta che l'arte italiana ha avuto di nuovo una dimensione universale. E così la cultura del mondo non potrebbe più rinunciare a Ezra Pound, che è stato il grande innovatore del modo di fare poesia in lingua inglese, o di Céline, che ha cambiato completamente, rinnovato, il modo di fare prosa narrativa, o di Carl Schmitt, che è stato il più grande politologo del secolo scorso.

STUDENTESSA: Secondo Lei, quali sono i rischi, i pericoli, che una "intelligenza scomoda" corre al giorno d'oggi, e quali sono stati quelli dell'anticonformismo nel secolo appena passato?

ACCAME: Ad esempio, tra i rischi dell'anticonformismo, è esemplare la vita tormentata di Ezra Pound, che per essere stato vicino al fascismo e soprattutto alla repubblica sociale italiana, fu poi chiuso dai suoi concittadini americani in una gabbia, come una bestia, in un campo di concentramento a Pisa e poi confinato per tredici anni in un manicomio criminale negli Stati Uniti. Questa idea di curare le dissidenze come una forma di disturbo mentale non è stata adottata prima nell'Unione Sovietica, ma per prima in America. Non accettandosi l'idea che il più grande poeta americano fosse simpatizzante del fascismo, lo si è fatto passare per matto.

STUDENTE: Al di là del nostro secolo, come può manifestarsi oggi una "intelligenza scomoda"? E cosa vuol dire, nella nostra società, andare contro l'opinione comune?

ACCAME: È sempre una posizione rischiosa e naturalmente scomoda. Non lo è stata nella prima metà del secolo, dove il pensiero fascista è stato dominante in quasi tutta l'Europa, ma nella seconda metà del secolo queste forme di cultura sono state emarginate e quindi, tra l'altro, si sono rarefatti gli intellettuali che vi hanno aderito. Il massimo della scomodità oggi è nel ribellarsi alla pretesa del denaro, dei poteri finanziari, e di porsi come elemento principale della scelta politica. Oggi viene teorizzato dalla migliore cultura economica, quella che viene dalla Banca d'Italia in Italia, la compresenza di due elettorati: uno siamo noi, sarete Voi, quando ci arrivate, a diciotto anni, il popolo sovrano, quello che vota per dei deputati e dei senatori, che contano sempre di meno. E l'altro invece è il grande elettorato del mercato finanziario, che, si dice, ormai vota tutti i giorni in casa nostra, facendo salire o scendere le quotazioni della lira e della borsa, a seconda che il Parlamento e i governi si comportino bene, cioè secondo le indicazioni del mercato finanziario, oppure si comportino male. Se spendono troppo per i pensionati o gli ammalati, la lira cade. Ecco, ribellarsi a questo grande potere internazionale è certamente scomodo, perché la maggior parte degli organi di informazione importanti sono nelle mai del potere finanziario, e quindi liberissimi nel criticare i poteri politici, molto meno nel criticare i poteri economici. I grandi giornali, le televisioni, sono un po' delle pistole puntate alla tempia dei poteri politici, che devono adeguarvisi.

STUDENTE: Non pensa che sia il pericolo ad impedire l'esercizio dell'anticonformismo? E ancora: è forse per paura che ci si adegua all'opinione comune?

ACCAME: Per la verità l'anticonformismo oggi non viene impedito. Viviamo in un periodo di piena libertà, soltanto che nessuno gli dà poi retta. Diceva Ezra Pound che la libertà di parola, senza la libertà di esprimersi via radio, non vale nulla. Questo lo diceva quando non esisteva ancora la televisione. Se uno scrive, ma non arriva a esprimersi attraverso il nuovo grande mezzo di comunicazione, parla a vuoto, o parla a delle piccole minoranze. Non credo che oggi vi siano motivi di paura. Il grande vantaggio di essere usciti dai due secoli di cultura delle rivoluzioni, con la caduta del Muro di Berlino, che nessuno ha più legittimo motivo di avere paura per la vita, per la libertà, per i beni, di fronte a qualunque scelta politica. Il potere non fa paura. Il potere però può emarginare, è naturale insomma. Quindi esiste, è legittimo, anche per gli intellettuali, il timore, la paura di essere isolati, di essere emarginati, di non contare niente, quindi di non guadagnare. Ecco, questo è. Ridimensionando il timore, è lì oggi il vero nemico dell'anticonformismo, quello che spesso vengono reclamizzate sono forme di anticonformismo banale, ma quello più serio viene ancora ghettizzato.

STUDENTESSA: Recentemente ho visto un film, L'ultimo bacio, di Gabriele Muccino, e uno dei personaggi dice: "La normalità è la vera rivoluzione". Lei cosa ne pensa?

ACCAME: La rivoluzione è cambiamento, mentre la normalità è stabilizzazione. La grossa difficoltà nel rapporto tra gli intellettuali e la politica è che, soprattutto in periodo democratico di elezioni, la politica si muove appunto sulla normalità. La politica deve usare argomenti accessibili al grande pubblico, quindi argomenti ormai banalizzati. Mentre il compito dell'intellettuale è quello di spingersi oltre, di dire delle novità; il compito più difficile, insomma. Ma la normalità non è la vera rivoluzione. La vera rivoluzione è il cambiamento. La vera rivoluzione è stata - adesso ormai questo periodo di due secoli è finito -  l'ambizione delle filosofie a inverarsi nella storia. Un tempo ci si accontentava che le filosofie spiegassero il mondo. Da Marx a Gentile, che ha ripreso questa filosofia della prassi di Marx, invece si aggiunge o si era aggiunta una nuova pretesa, che la filosofia non solo spiegasse il mondo, ma che lo cambiasse. Ecco, la normalità non ha questa pretesa di cambiamento. La normalità di solito si adegua e non penso che possa essere rivoluzionaria.

STUDENTESSA: Nella scheda filmata abbiamo visto che gli scrittori e i pensatori citati sono tutti critici della democrazia occidentale. Ora l'atteggiamento antidemocratico può identificarsi con l'anticonformismo?

ACCAME: Certamente! Perché quelli anticonformisti sono atteggiamenti di minoranza, che quindi spesso si rivoltano, o si sono rivoltati in passato contro la democrazia. In realtà né Pound né Junger si sono particolarmente rivoltati contro la democrazia. Se mai solo Mishima, che è un curioso esempio di fascismo di ritorno, o di tradizionalismo di ritorno. Durante la guerra  Mishima fu scartato alla leva e ne fu contentissimo perché si risparmiava la vita. Diventò lo scrittore giapponese più noto in Occidente, e di solito in Italia tutti i suoi primi libri sono stati pubblicati da Feltrinelli, quindi anche molto gradito alla sinistra. Omosessuale, o almeno bisessuale, quindi trasgressivo, su un piano che il pensiero conservatore è meno orientato a accettare. E tuttavia, dopo aver riscosso successo internazionale e in Giappone naturalmente, a un certo punto ha sentito la vanità di questo successo e ha avuto un ritorno di pensiero conservatore, tradizionale ed è ritornato all'antica etica dei Samurai, sino a compiere il sacrificio rituale in una caserma giapponese, per protestare contro l'occidentalizzazione del Giappone e soprattutto contro l'asservimento dell'attuale classe politica giapponese agli americani. Ecco, quindi è l'unico, se mai, che si è ribellato a quel tipo di democrazia asservita. In realtà tutti poi dopo hanno fatto riferimento al popolo. In particolare Ezra Pound era fortemente critico del sistema politico americano, ma non perché fosse antidemocratico. Lui seguiva le idee di Jefferson, che è tra i creatori della democrazia americana, ma accusava la classe dirigente democratica americana di essersi asservita ai banchieri, di essersi asservita al grande capitale finanziario e di aver quindi tradito la stessa Costituzione degli Stati Uniti, che riservava al Congresso la sovranità monetaria e invece questa sovranità era stata trasferita ai banchieri. Questo era più legato alla vera idea dei pionieri americani. Si considerava infatti un vero patriota americano, in rivolta contro il tradimento della democrazia fatta delegando troppi problemi e troppi poteri alla finanza.

STUDENTE: Non crede che l'anticonformismo sia possibile solo in democrazia, e che invece il totalitarismo non sopporti le intelligenze scomode?

ACCAME: Certamente è più facile in democrazia che nei totalitarismi.  E tuttavia anche nei sistemi totalitari ci sono stati esempi di rivolta, di ribellione, che naturalmente sono costati di più. Io, come scrittore di destra, la libertà in questo mezzo secolo ho dovuto più faticosamente conquistarmela, giorno per giorno. A me non l'hanno regalata gli americani, insomma, non mi è stata importata. L'ho dovuta conquistare vincendo pregiudizi, difficoltà, tentativi di discriminazione. E quindi qualche difficoltà la si incontra anche in un sistema di piena libertà.

STUDENTE: Si può, paradossalmente, seguire la legge ed essere comunque scomodi? Pensavo, ad esempio, al Giudice Falcone.

ACCAME: Certamente! Ma il Giudice Falcone era scomodo per la delinquenza, per la grande criminalità organizzata. Non direi che sia un esempio di anticonformismo. È un esempio di eroismo, come quello del Giudice Borsellino, come quello delle forze dell'ordine quotidianamente impegnate nella difesa delle persone per bene, degli onesti, contro la grande criminalità. Ma non direi che questo sia un esempio di anticonformismo. Per quanto, lì dove la società è addormentata, dove esistono complicità tra poteri politici e grandi organizzazioni mafiose, anche questo, il coraggio di rivoltarsi, rischiando la pelle, può, a suo modo, essere interpretato come un anticonformismo. L'egoismo, il rischiare la vita, è sempre impresa di pochi. L'eroe è di per sé uno che si stacca dalla media, dalla normalità, e in questo si può considerare non perfettamente conformista. Non è uno che si fa i fatti suoi e pensa solo alla famiglia. Pensa alla Patria, alla generalità dei cittadini.

STUDENTESSA: Secondo Lei l'intelligenza scomoda è capace solo di demolire e criticare, o è in grado anche di costruire e affermare?

ACCAME: L'intelligenza scomoda vorrebbe anche costruire e affermare. In realtà, dalla lezione dei fascismi è venuto qualcosa che oggi, a livello debole, è estremamente diffuso. Cosa ha fatto il successo politico di Mussolini, ad esempio? È stato il ribellarsi a quella spaccatura, che è nel cuore dell'uomo e della società europea, che aveva provocato la presunzione illuministica, contrapponendo alla tradizione il progresso, contrapponendo alla fede la ragione e la scienza, e, poi il socialismo, contrapponendo alla aspirazione e alla giustizia sociale l'idea di Dio e della Patria. Il successo di Mussolini è stato quello di risaldare queste spaccature e legando e rendendo compatibile, con un'aspirazione alla giustizia sociale, l'idea di Dio e della Patria. Naturalmente poi gli errori hanno compromesso questo tentativo, che aveva suscitato tanti entusiasmi, aprendo nuovi conflitti: conflitto razziale, la discriminazione degli ebrei, e aprendo un conflitto sui temi della libertà. Ma questa idea di risaldare, di non spaccare le masse, sui temi di Dio e della Patria, e spingere il progresso delle masse, unificando questi sentimenti forti, oggi è condivisa da tutti. Nel socialismo italiano è stato Bettino Craxi che ha cercato di sanare queste imprudenti e stupide spaccature, queste fratture. Ha fatto un nuovo Concordato con la Chiesa, ha riscoperto il socialismo tricolore. Ma non c'è forza politica importante, sono solo marginali quelle che non abbiano il pieno rispetto del sentimento religioso e che rinneghino l'aspirazione, oggi più debole, all'identità nazionale. Questo è ormai da destra a sinistra. Tutte le volte che un'idea si affaccia, si affaccia di solito con violenza e con forza, mentre adesso, anche a livello di pensiero debole, tutti condividono questa aspirazione unificante di quelle che sono le grandi tendenze dell'uomo.

STUDENTESSA: Noi finora abbiamo parlato solo di anticonformismo. Ma cosa si intende e come si esprime il conformismo oggi?

ACCAME: Il conformismo, secondo me, si esprime soprattutto nell'economicismo, nell'assegnare, come obiettivo esistenziale e principale, l'idea dell'arricchimento. E questo porta a delle gare che possono essere addirittura distruttive per il genere umano, perché è probabile che l'assetto ecologico della terra non possa resistere a ulteriori progressi, a ulteriori escalation in questa ricerca del benessere e dello spreco. Un tempo ci si accontentava più facilmente della propria condizione economica e si cercava la gratificazione nel far bene certe cose. Il medico condotto non voleva arricchirsi, ma curare, il professore era completamente dedito al proprio lavoro di educatore e non era scontento, i servitori dello Stato e gli ufficiali peroravano la grandezza della nazione. E, comunque, chiunque faceva la propria professione, o il proprio lavoro, o il proprio mestiere di artigiano, di operaio, tendeva a trovare la gratificazione nell'esistenza e in altri valori oltre che quelli monetari. Oggi la ricerca dell'arricchimento, l'economicismo, spegnendo altre aspirazioni dell'uomo, altre tendenze, esprime una forma di conformismo che considero pericolosa. 

STUDENTE: Non pensa che il prezzo da pagare all'anticonformismo sia l'individualismo?

ACCAME: No, se mai proprio il conformismo di oggi è l'individualismo. Ci si lamenta, dopo la caduta del Muro di Berlino, della affermazione planetaria della formazione di un pensiero unico, che è il pensiero liberale individualista. E c'è addirittura una forma quasi di intolleranza liberal-liberista. Se mai, l'anticonformismo oggi si dovrebbe manifestare in un ritorno al pensiero comunitario, all'idea di sentirsi insieme, all'idea della società a cui aderire e da servire.

STUDENTESSA: Secondo Lei, si può essere anticonformisti nel rispetto dell'opinione comune?

ACCAME: L'anticonformismo e l'opinione comune di solito sono in conflitto. L'anticonformista è proprio contro l'opinione comune. Però ci può essere una forma di anticonformismo del conformismo, nel senso che spesso gli intellettuali ostentano forme di disprezzo del senso comune. E allora aderire al senso comune rappresenta in qualche modo una forma di anticonformismo. Il coraggio di pensarla un po' come tutti, perché questo tipo di pensiero viene snobbato.

Puntata registrata il 21 febbraio 2001

mardi, 21 avril 2009

L'OTAN et la Russie: entretien avec N. S. Babourine

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

 

L'OTAN et la Russie: entretien avec Nicolaï Sergueï Babourine, vice-président de la Douma

 

La visite récente qu'a apportée à Moscou Madeleine Albright, secrétaire des affaires étrangères des Etats-Unis, avait pour but de faire fléchir l'attitude négative des Russes face à l'extension vers l'Est de l'OTAN et à l'inclusion de la Pologne, de la Tchéquie et de la Hongrie dans le système de défense atlantique. La rencontre entre Madeleine Albright et les plus hauts dirigeants de la Russie n'a pas eu les résultats escomptés. (...). Fin janvier 1997, sous la direction du Vice-Président de la Douma, Sergueï Nicolaï Babourine, un nouveau groupe parlementaire voit le jour, le groupe “anti-OTAN”. Fin février, 110 parlementaires y adhéraient, principalement des députés de l'extrême-gauche et de l'extrême-droite. Babourine, ancien recteur de la faculté de droit d'Omsk, la mégapole de Sibérie méridionale, est le plus farouche adversaire de l'élargissement de l'OTAN. Babourine a 38 ans, il est juriste et président de la “Fédération du Peuple Russe”, proche du PC de la Fédération de Russie. Il est un homme politique conservateur appartenant à la jeune génération. Il n'a pas été “mouillé” par le communisme, il a acquis sa maturité politique au début des années 90, après l'effondrement de l'Union Soviétique. «Babourine est l'un des rares, sinon le seul, parmi les hommes politiques nationalistes de gauche en Russie à manifester clairement son opposition à l'élargissement de l'OTAN à des pays ex-socialistes», nous a dit le chroniqueur parlementaire d'un journal moscovite à gros tirage.

 

Les adversaires de Babourine, les parlementaires qui ne partagent pas les mêmes opinions que lui dans la Douma, estiment qu'il est un homme politique clairvoyant. Plusieurs partis démocratiques cherchent à obtenir ses faveurs ou à l'attirer dans leurs rangs. Babourine est le plus jeune des hommes politiques russes à occuper d'aussi hautes fonctions, tout en étant membre d'une fraction parlementaire proche des communistes et dénommée “Le Pouvoir au Peuple” (Vlado VURUSIC, Zagreb).

 

VV: Quelle est la raison qui pousse la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie à adhérer à l'OTAN? Ces pays ont-ils peur de la Russie?

 

NSB: Je ne crois pas que les problèmes se trouvent dans les pays qui veulent adhérer à l'OTAN. A mon avis, il faut chercher la raison dans l'OTAN elle-même, qui, en principe, est un système de sécurité collective en Europe. L'élargissement de l'OTAN vers l'Est conduit à une déstabilisation et contribuera à amener de nouveaux clivages et de nouvelles divisions en Europe. La question est la suivante: qui a besoin de ce système? De qui faut-il le protéger? De la Russie? Cela signifierait ipso facto que les relations entre l'Ouest et la Russie ne se sont pas modifiées d'un poil depuis la guerre froide? Absurde! Pour moi, la façon de procéder des pays membres de l'OTAN et des pays qui souhaitent y adhérer ou qui attendent d'en faire partie, est un acte de méfiance à l'égard de la Russie, quoi qu'ils veulent bien nous faire croire. Ce sentiment de méfiance est un danger pour la Russie.

 

VV: Pourquoi pensez-vous que l'OTAN est un danger pour la Russie? L'OTAN n'a-t-elle pas demandé à la Russie d'en faire partie elle aussi?

 

NSB: L'OTAN est un danger permanent pour notre sécurité. Elle possède un commandement unifié et constitue un système politique commun. Souvenons-nous des bombardements massifs subis par les Serbes en Bosnie et en Herzégovine. Qu'est-ce qui peut nous garantir qu'un jour nous ne subirons pas le même sort? Vous remarquez que l'OTAN a demandé à la Russie de faire partie de l'alliance, moi, je pense que cette proposition n'était pas honnête et sérieuse. Nous nous retrouverions dans une position subalterne, si nous demandions d'en faire partie, nous devrions faire la queue en attendant d'être acceptés et, finalement, nous risquerions d'être rejetés!

 

On nous dirait alors: “Les cartes d'entrée ont toutes été distribuées, vous avez attendu pour rien”. Pour nous, qui restons une grande puissance, ce serait une humiliation sans précédent. Ensuite, je me permettrais de vous rappeler qu'en son temps, l'URSS en la personne de Nikita Khrouchtchev, Secrétaire général du PCUS, avait demandé au Président américain Eisenhower notre adhésion à l'OTAN. Ils nous ont refusés. Après avoir rencontré des diplomates européens à Bruxelles et à Strasbourg ou en avoir reçus ici à Moscou, il me semble que les Européens conçoivent l'OTAN de la même façon que les Américains.

 

De toutes ces réunions, je suis revenu convaincu que les diplomates européens et américains conçoivent l'OTAN comme une forme de vie, comme un style de vie impassable. Cette façon de penser est profondément ancrée dans le subconscient de ces gens: il y a été enfoncé pendant toute la durée de la guerre froide. Ce subconscient, ils l'ont gardé jusqu'aujourd'hui, malgré le changement de donne. Pour eux, l'OTAN n'existe que contre la Russie. Or, s'ils voient les choses ainsi, il est tout naturel que nous, les Russes, nous nous montrions prudents. Pour ces diplomates, l'OTAN est l'élément principal dans l'architecture globale de la sécurité européenne.

 

C'est comme s'ils ne pouvaient pas comprendre que le Pacte de Varsovie n'existe plus, ce Pacte qui donnait a posteriori une raison d'être à l'OTAN. Ensuite, l'URSS, puissance nucléaire dont ils avaient peur, puissance qui était leur adversaire potentiel, n'existe plus non plus. Si l'on prend ces deux faits majeurs en considération, les efforts déployés par l'OTAN pour s'étendre vers l'Est menacent de fait la sécurité européenne dans son ensemble. Vu ainsi, cet élargissement en cours n'est pas seulement une reprise des hostilités à l'encontre de la Russie.

 

VV: Vous ne pensez donc pas que l'élargissement de l'OTAN soit une garantie pour la sécurité européenne, qu'elle soit une part du processus d'intégration qui anime l'Europe d'aujourd'hui et auquel la Russie est conviée?

 

NSB: Non. Pour moi, ce ne sont pas les garanties de sécurité qui constituent l'enjeu majeur; je crois qu'il s'agit en toute première instance de menacer la Russie. De plus, l'élargissement de l'OTAN vers l'Est pose problème pour l'avenir des accords et des traités signés jadis entre l'OTAN et la défunte URSS. De facto et de jure, ces accords et ces réglements, sur lesquels repose la sécurité européenne, ont été dénoncés unilatéralement par les membres européens et américains de l'OTAN.

 

En première instance, il s'agit des accords réglant la réduction des armes nucléaires. C'est justement l'OTAN, à ce niveau, qui menace la sécurité européenne dans ses fondements: même si l'OTAN n'acquiert qu'un seul nouveau membre, pour nous, cette situation crée une base juridique rendant caducs les accords du passé, par exemple ceux qui portent sur la limitation de l'emploi de missiles à courte et moyenne portée. C'est l'OTAN qui porte la responsabilité de la caducité de ces accords!

 

Car, enfin, osons poser la question: l'OTAN est-elle une alliance dirigée contre la Chine? Certes, les parties co-signatrices de ces accords devenus caducs par la volonté de l'OTAN, c'est-à-dire l'URSS et le Pacte de Varsovie, n'existent plus, mais il va tout de même de soi que c'est la Russie qui a hérité des obligations liées à ces accords.

 

Car on semble effectivement oublier que la Russie a repris à son compte les obligations liées à ces accords, signés par l'ex-URSS. Enfin, sur le plan juridique, si l'OTAN s'étend vers l'Est à des pays qui ont accepté eux aussi la teneur de ces accords au titre de membres du Pacte de Varsovie, alors la problématique peut être envisagée d'une toute autre façon. Quoi qu'il en soit, l'élargissement de l'OTAN vers l'Est constitue une entorse de taille aux accords passés qui avaient réglés les problèmes généraux de la sécurité européenne.

 

VV: Pourquoi affirmez-vous sans détours que l'OTAN menace la Russie?

 

NSB: La Russie et l'OTAN (du moins ses principaux membres) sont des puissances nucléaires. Ensuite, nous, les Russes, devons retirer tout notre potentiel nucléaire hors des pays qui faisaient jadis partie de l'URSS. Rien que la simple existence de l'OTAN est signe qu'il y a un ennemi, que cette alliance militaire existe contre quelqu'un. Si, finalement, la Russie vient à faire partie de l'OTAN, contre quel ennemi sera dirigée son adhésion? Sans doute contre notre plus gros voisin, la Chine, un pays de plus d'un milliard d'habitants? Ce pays considérera sans doute que notre adhésion à l'OTAN est un acte d'hostilité à son égard: avons-nous besoin de cela? Très logiquement, les Chinois se demanderaient si la Russie prépare la guerre contre eux. La Chine est un pays important, avec lequel nous entendons coopérer harmonieusement. Nous ne voulons pas le provoquer.

 

VV: La Russie prend-elle des mesures contre l'élargissement de l'OTAN vers l'Est?

 

NSB: Nous invitons toutes les forces de gauche en Europe à se mobiliser contre l'élargissement de l'OTAN vers l'Est. Nous avons déjà obtenu le soutien des représentants de la gauche dans le Conseil Européen. Ensuite, nous allons reprendre les meilleures relations possibles avec les pays non alignés.

 

L'OTAN est devenu une organisation qui n'a d'autre but que de se perpétuer. On peut se poser la question: l'OTAN existe-t-elle pour l'Europe, ou l'Europe existe-t-elle pour l'OTAN? Si les dirigeants européens l'avaient voulu, l'OTAN se serait auto-dissoute une semaine après l'auto-dissolution du Pacte de Varsovie voire même dès la dissolution de l'URSS. Dans les circonstances actuelles, je ne vois pas de raison objective pour que cette alliance atlantique se perpétue ou s'élargisse.

 

Je suis sûr que l'OTAN disparaîtra comme elle s'est jadis constituée. J'espère que dans quelques années, tout ce que je dis ici, ne sera plus qu'anecdotique, plus que matière pour les historiens et les chroniqueurs politiques et parlementaires.

 

VV: Mais pourquoi les Polonais, les Tchèques et les Hongrois veulent-ils intégrer l'OTAN?

 

Je vois et je comprends les motivations pour lesquelles des pays d'Europe orientale veulent adhérer à l'OTAN. Les Polonais et les Tchèques craignent surtout l'Allemagne réunifiée, ils craignent qu'elle ne réclame les territoires annexés en 1945. Si la Pologne et la Tchéquie deviennent membres de l'OTAN, elles obtiendront des garanties quant à leur sécurité mais aussi des garanties pour leurs frontières.

 

Lorsque l'on converse avec des hommes politiques est-européens, on perçoit chez eux une drôle de psychose, faite de tension et d'impatience. Ils parlent comme s'ils étaient agités par une fièvre et me disent: «Comprenez-vous? Tous autour de nous veulent entrer dans l'OTAN, alors pourquoi ne le ferions-nous pas?». J'interprète cela comme un phénomène psychologique, post-traumatique. Il y a quelques jours, j'étais en Bulgarie. Là-bas, les politiques m'ont dit souvent: «Pourquoi n'entrerions-nous pas dans l'OTAN, si tous les autres le font. Même si nous ne le souhaitons pas, nous devons y adhérer parce que tous nos voisins sont dans l'OTAN, nous ne pouvons pas rester en marge...».

 

VV: Manifestement, ni l'OTAN ni les pays est-européens ne sont en mesure de prendre leurs distances avec l'élargissement de l'alliance militaire atlantique...

 

NSB: Il faut que la Russie prenne des décisions claires, qui ne soient pas que paroles et qu'elle annonce aux Européens, qu'elle les convainc qu'un tel comportement induira des contre-mesures russes, par exemple, la reprise de la production de certains types d'armes, la remise en question de certains traités sur la réduction des armes nucléaires, de même que la reprise de tests ou l'adoption de nouveaux systèmes d'armes, ou encore la réactualisation de certains éléments de notre doctrine militaire, alors l'Ouest sera obligé de réfléchir... Justement, c'est dans le domaine de la doctrine militaire que je veux rester: une clause de cette doctrine est toujours théoriquement valable; elle dit que la Russie a le droit d'administrer la première frappe nucléaire. Le principe de la doctrine militaire soviétique, qui veut que la Russie garde pour elle le droit d'effectuer une première frappe, n'a pas été abandonné officiellement. La Russie peut donc conserver son droit de frapper la première.

 

Dès lors, la Russie a non seulement le droit de riposte mais aussi le droit d'initiative, si elle se sent menacée. Ce que pouvait la puissante URSS de jadis, la Russie affaiblie d'aujourd'hui le peut encore. Les dirigeants de l'OTAN devraient y penser. Ensuite, l'intégration de la Russie et de la Biélorussie progresse, bientôt ces deux pays seront à nouveau réunis. L'Occident doit aussi y réfléchir. La réunification russo-biélorusse sera un événement important, qui obligera l'OTAN à s'élargir encore davantage. De son côté, la Russie devra développer des processus d'intégration comparables avec les pays de l'ex-URSS. Ce sera sa réponse à l'OTAN et elle s'efforcera de créer en Europe un système efficace de sécurité collective, limité au territoire de l'ancienne URSS.

 

VV: Quelques pays de l'ancienne URSS se sont toutefois donné pour objectif de devenir eux aussi membres de l'OTAN...

 

NSB: Il n'en est pas question. Nous réclamerons le soutien du Conseil de l'Europe et nous ferons en sorte que l'Ukraine acquiert le statut d'un pays non aligné, qui, par sa propre volonté, renonce à l'arme nucléaire.

 

VV: Comment les futurs rapports entre la Russie et l'Europe évolueront-ils après l'adhésion des nouveaux membres de l'OTAN?

 

NSB: La Russie devra immédiatement réviser ses rapports avec les Etats qui viennent d'adhérer à l'OTAN et prendre toutes les mesures adéquates pour assurer la défense de ses frontières. On nous a dit assez souvent que la Fédération de Russie possédait une frontière commune avec la Pologne, en Prusse orientale. Nous allons devoir défendre nos frontières. L'élargissement de l'OTAN coûtera fort cher: aux nouveaux pays membres, à ceux qui les soutiennent et à la Russie. Toutes ces charges seront portées par nos contribuables. La Russie n'hésitera pas à défendre ses frontières: chaque région, chaque citoyen.

 

VV: Pouvez-vous nous dire quelles mesures la Russie compte-t-elle concrètement adopter après l'adhésion des nouveaux membres de l'OTAN?

 

NSB: La Russie prendre position face aux événements. Mais elle ne peut dévoiler ses cartes. Mais soyez-en sûrs, la Russie ne laissera pas l'élargissement de l'OTAN vers l'Est sans réponse.

(propos recueillis par Vlado Vurusic pour le journal Globus de Zagreb, le 28 février 1997. Trad. all.: Dr. Hrvoje Lorkovic; une version allemande écourtée est parue dans Junge Freiheit n°16/1997; trad. franç.: R. Steuckers). 

samedi, 04 avril 2009

A. Latsa: entretien avec A. Douguine

Alexandre DOUGUINE par Alexandre LATSA

 

*

1 - Alexandre DOUGUINE, je doute que mes lecteurs ne vous connaissent pas et renvoie sinon à vos écrits et à la biographie complète de Métapedia à votre sujet. Néanmoins pouvez vous présenter et synthétiser votre combat politique et géopolitique jusqu'à ce jour ?

Je suis né le 7 janvier 1962 à Moscou, dans une famille de militaires. Mon père était officier et mère médecin. Au début des années 80 en étant dissident et ayant l'aversion pour le système communiste en peine décadence, j'ai fait connaissance des petits groupes traditionalistes et des cercles politico-littéraires de Moscou, où participaient le romancier Youri Mamleev, qui émigrera par la suite aux Etats-Unis, le poète Evgueni Golovine et l’islamiste Gueydar Djemal, fondateur en 1991 du Parti de la renaissance islamique. C’est aussi à cette époque que j'ai découvert les écrits d’Evola, de Guénon, de Coomaraswamy et de bien d’autres auteurs (en 1981, j'ai traduit en russe le livre de Julius Evola Impérialisme païen, qui sera diffusé clandestinement en samizdat).

Après la désintégration du système soviétique, au début des années 1990, j'ai crée l’association Arctogaia et le Centre d’études méta stratégiques, après les revues Milyi Angel et Elementy, qui paraîtront jusqu’en 1998-99. Mes idées ont été influencées a partir des années 80 par la Nouvelle Droite européenne et au premier lieu par Alain de Benoist que je tiens en plus grand estime jusqu'à présent. Je le considère un des meilleurs intellectuels français actuels – peut être même le meilleur.

Dernièrement je m’intéresse beaucoup à la philosophie de Martin Heidegger, à la sociologie de M.Mauss, L.Dumont, P.Sorokin et surtout à Gilbert Durand (récemment découvert par Alain de Benoist), mais également à l’anthropologie de G.Dumézil et de Claude Levy-Strauss. J’ai écrit plusieurs textes sur l’économie – entre autres sur les idées de Friedrich List, sur Schumpeter et F.Brodel.

A l’Université de l’Etat de Moscou, j’ai donné des cours de la Postphilosophie étudiant la philosophie de la postmodernité etc. Maintenant je suis professeur à la faculté sociologique et dispense les cours de Sociologie structurelle (sur la base des idées durandiennes sur l'imaginaire)

Si j'étais obligé de définir mes positions philosophiques je les décrirais comme appartenant au "traditionalisme".
Au premier lieu, je suis le disciple de René Guenon et de Julius Evola.

Dans la grande publique en Russie et dans quelques autres pays (Turquie, Serbie, le monde arabe etc) mes écrits géopolitiques sont très connus.

Mon idée est simple: il faut combattre l'impérialisme américain, le monde unipolaire et l'universalisme des valeurs libérales, marchandes et technocrate. Comme Alternative cela devrait être l'organisation du monde multipolaire comme ensemble de grandes espaces – chacun avec ses systèmes des valeurs propres – sans aucun préjugés.

Pour réaliser ce projet il faut créer le projet eurasien – commun pour l'Europe et la Russie mais avec les alliances stratégiques avec d'autres forces et cultures qui rejettent le mondialisme américain et la dictature libérale planétaire. L'eurasisme que je défends c'est le pluralisme absolu des valeurs.

2 - Les bruits ont courus que vous seriez en quelque sorte un "conseiller" (plus ou moins proche) de Vladimir Vladimirovitch Poutine. Pouvez vous le confirmer ? Et est ce que cela a changé depuis la présidence Medvedev ?

Je travaille avec les gens qui sont assez proches de Poutine et de Medvedev.
Je crois que pour l'instant Medvedev suit la même direction que Poutine.

3 - La Russie semble sortir d'une longue hibernation et se préparer a être un acteur de premier plan. Pensez vous que ce pays est les moyens de surmonter les défis en cours ? (démographie, santé, provocations militaires occidentales, immigration très forte.. etc etc). Comment jugez vous la situation en Russie en 2009, avec la crise financière mondiale ?

L'histoire est ouverte. Personne ne connais l'avenir. Je crois que la Russie va a entrer dans la période cruciale de son histoire. La crise va avoir un grand impact sur l'économie russe qui reste, hélas, libérale.
Mais cela va peut être guérir les illusion du pouvoir quant a l'efficacité des préceptes libéraux.

4 - L'unilatéralisme totalitaire décrété en 1991 par l'Amérique semble être arrivé a son terme. On assiste à une sorte de renaissance de grands espaces auto-centrés en Asie (Chine, Inde), dans le monde musulman (Turquie, union panafricaine ..), en Eurasie (Russie ..), en Amérique du sud (Brésil, Vénézuela ..), pensez vous que l'on doive s'en réjouir et pourquoi ?

Je voudrais que cela soit ainsi, mais il est trop tôt pour fêter la victoire. Un jour les États Unis tomberont mais pas maintenant. Je crois qu'ils vont faire LA guerre – Une Troisième Guerre mondiale pure et dure – qui causera d'immenses peines a l'humanité. Les États Unis ne peuvent plus gouverner le monde c'est sur, mais ils ne peuvent pas non plus se résigner – Cela serait pour eux une catastrophe. Leur seule solution – essayer de transposer leur problèmes sur les autres. Ca veut dire la guerre. Sans la fin previsible.

 

5 - L'Europe semble totalement absente de cette renaissance géopolitique, tellement elle est inféodée au parapluie Américain, quelle est votre opinion sur l'Union Européenne et sur la place que devrait avoir l'Europe dans le monde, et avec avec la Russie ?

Je crois que il y a deux Europe. L'Europe continentale (Franco-Allemande) et l'Europe atlantiste (Nouvelle Europe inclue). Ces deux Europes sont géopolitiquemet opposées en tout. Cela explique le blocage. Avec Sarkozy et Merkel la position des forces continentales est devenu plus faible. Je n'ai aucune recette pour l'Europe. C'est l'affaire des européens – quoi choisir.

 

6 - Vous êtes membre du mouvement eurasien, pouvez vous nous présenter ce mouvement (et sa structure jeune) et en définir le projet politique ?

Quelles sont ces ramifications en Europe, et ailleurs ? Pensez vous que ce "projet Eurasien" est proprement Russe ou est adaptable et conciliable avec la pensée pan-européenne (une europe libérée des chaînes Américaines) ?
Alexandre DOUGUINE ayant eu l'amabilité de détailler le programme global du mouvement Eurasien, je renvoie mes lecteurs à ce texte extrêmement intéressant ici.

7 - Pour beaucoup de Français la Russie est un modèle pour sa capacité à proposer un contre modèle civilisationnel, autre que le modèle libéral anglo-saxon et capitaliste. Cela dépasse le clivage droite-gauche, et réunit autant des communistes que des gaullistes historiques ou encore des nationalistes. Des voix s'élèvent même pour que la France intègre l'organisation de la coopération de Shanghai et quitte l'OTAN.
Pourtant au même moment, l'administration Sarkosy semble jouer sur deux tableaux : l'adoucissement avec la Russie (cf avec la guerre en Georgie) tout en réintégrant le commandement armé de l'OTAN ! Jugez vous cette double orientation crédible, et quel en est d'après vous le sens profond ?

Je la juge non crédible et contradictoire.
Quant a la Russie il est un peu naïf de croire que notre économie fonctionne bien. Il manque chez nous le secteur réel et le développement des technologies nouvelles. La Russie a besoin de l'Europe comme l'Europe a besoin de la Russie pour avoir des économies mutuelles garanties par les ressources nécessaires et l'accès aux technologies nouvelles.


8 - Pour les Européens, les grandes inquiétudes du futur sont le plausible leadership économique Chinois et l'explosion démographique des populations musulmanes, notamment à l'intérieur de l'Europe. Comment estimez vous compatible / incompatible ces deux éléments ? Il apparaît que le sujet de l'Islam, ou celui des "relations" avec la Chine par exemple n'est pas abordé de la même façon en Europe et en Russie.
On a les mêmes soucis géopolitiques. Mais on doit commencer par hiérarchiser les dangers.

Premièrement il faut se débarrasser des américains et de la dictature de la pensée unique, et seulement après s'occuper des chinois et de musulmans. Ils faut proposer aux musulmans le modèle de l'intégration dans la culture européenne mais pour cela il faut garder – parfois sauver – cette culture-la. Les chinois sont très sympathiques quand ils vivent en Chine.

Mais pour régler cette affaire de contrôle des vagues migratoires il est de nouveau – nécessaire de se débarrasser des mondialistes, libéraux et des atlantistes. Ce cercle vicieux ne peut être brisé qu'en commençant par la lutte antiaméricaine. Les musulmans et les chinois sont des défis secondaires. C'est pareil que cela soit pour l'Europe et pour la Russie.


9 - L'amérique de Obama "semble" vouloir faire la paix avec le monde entier, j'ai lu son programme, celui ci est pourtant largement plus offensif que celui de McCain notamment en Afghanistan/Pakistan pour poursuivre la lutte contre les "Talibans". Comment jugez vous cette élection et quels changements peux on attendre d'après vous dans les relations avec la Russie ?

Vous avez raison. Obama dépend du consortium politique et géopolitique américain. Donc il n'est pas libre de faire quoi que ce soit. Il va faire la guerre exactement comme le ferrait Mac cain.
C'est la logique des lois géopolitiques et non les opinions personnelles qui comptent dans les affaires réelles globales.

10 - Le pentagone semblait vouloir aspirer l'Ukraine dans l'OTAN (après l'échec Georgien) et installer sa flotte dans la mer noire. Ajouté aux remous politiques en cours et aux échéances électorales proches en Ukraine, peut on d'après vous imaginer un "conflit" proche dans ce pays et une scission en deux ou trois entités, a la manière yougoslave ?
En Ukraine habitent au moins deux peuples avec des orientations géopolitiques, stratégiques, culturelles et religieuses contraires. Il n’y a pas un peuple ukrainien. C’est l’appellation générale basée sur le critère territorial – les Ukrainiens ce sont littéralement « les habitants d’Ukraine » (en slave, ça veut dire « provence »). Ethniquement on les appelle « malorossy » -- « petits russes » littérairement. La langue ukrainienne a été créée artificiellement dans XIX siècle par les Polonais qui ont stylisé plusieurs dialectes « malorosses » avec les formes artificielles et assez affreuses imitant maladroitement le Polonais. En créant ce monstre linguistique, on a L’Ukraine actuelle est profondément divisée. L’élite politique est orange, orientée envers OTAN, l'UE et se base sur l’appui des habitants de l’Ouest ukrainien. Cette zone n’entre pas dans l’espace eurasien, il faut le reconnaître. Mais cette élite orange veut imposer sa volonté sur les masses de l’Est où la population se considère russe, rejette l'UE et l'OTAN et veut exister dans le grand espace commun avec les Russes de la Russie. Cette masse forme le second peuple (ou le premier) de l’Ukraine. Ce peuple est chrétien orthodoxe, malorosse (petit-russe) ou velikorosse (grand-russe), il consiste pour la plupart en des descendants des cosaques, et s’identifie à l’Empire eurasien. Ce peuple vote régulièrement pour le « Parti des régions » et en faveur de Yanoukovitch. La carte électorale de l’Ukraine montre comment ce pays est devisé en deux parts.
Dans le cas de l’Ukraine les eurasistes russes et ukrainiens agissent en logique avec leur vision du monde. Nous sommes contre l’Etat-Nation ukrainien parce qu’il est pro-américain, atlantiste et anti-eurasien. Mais aussi parce que le régime du néo-nazisme orange c’est une des parts du "système à tuer les peuples".
C’est le peuple de l’Ukraine de l’Est et de Crimée qui est maintenant en danger d’être oppressé, épuré et anéanti.

 

11 - L'agitation est également grande autour de l'arctique, cette zone énergétique essentielle. Récemment, les pays de l'OTAN ont organisé des manoeuvres militaires à grande échelle en Norvège (7.000 soldats de 12 pays) pour simuler une invasion de l'arctique et une sécurisation des champs pétroliers. Pensez vous que l'arctique puisse devenir la zone de conflit essentielle du 21ième siècle comme le pensent certains spécialistes en géopolitiques ?

Je pense que l'Arctique devient la place centrale de la stratégie d 'encerclement de la Russie – pour des raison stratégiques et pour la raison des ressources naturelles.

 

12 - Pensez vous plausible, ou souhaitable une alliance de l'hémisphère nord (amerique- europe - russie), comme l'a évoqué Dmitri Rogozine récemment pour parer à une éventuelle anarchie dans l'hémisphère "sud" ?

Je considère Rogozine comme atlantiste, opportuniste et neo-nazi antisémite. Il discrédite l'idée nationale russe et travaille toujours pour les américains. Il participait en Kiev à la révolution orange au cote des oligarques Berezovski et ses valets (tel Belkovsky).

13 - Comment voyez vous la situation mondiale en disons 2020 ? Et la Russie (alors que le Kremlin a développé ce fameux plan 2020) ?

Le plan 2020 ne vaut rien. Il n'existe pas. Je crois qu'au Kremlin maintenant prévalent les idées tactiques.
Donc j'attends la guerre et je crois que dans les prochaines années la situation changera trop pour faire quelques prévisions que ce soit.

14 - Le 24 mars dernier, c'était l'anniversaire des bombardements de 1999 sur la Serbie, que vous inspire cet évènement ?

La haine contre les américains et la solidarité avec le peuple serbe héroïque qui a eu assez de dignité de lancer ce "défi" au monstre américain.


jeudi, 12 mars 2009

Entretien avec Robert Poulet

Entretien familier avec Robert Poulet :
romancier de l'invisible et moraliste sans illusion
Ex: http://robertpoulet.chez.com
À 88 ans, Robert Poulet est assurément le doyen des critiques littéraires de langue française. Ce liègeois, aujourd'hui exilé à Paris et fort content d'y être, a également produit une importante œuvre romanesque, ainsi que divers essais polémiques. À l'occasion de l'édition revue et corrigée de son roman "Prélude à l'Apocalypse", paru fin 1944, nous avons souhaité le rencontrer.
Il nous reçoit dans son bureau envahi par les livres : ceux qu'il a lus et ceux qu'il doit encore lire et dont il assurera prochainement la critique. L'œil vif et souvent malicieux, cet alerte octogénaire parle un français irréprochable, qui ne surprend pas le lecteur de son œuvre, tout empreinte de rigueur et de clarté.
 
Un certain Marcel Proust
 
- Quel jugement rétrospectif portez-vous sur votre carrière de critique ?
 
- Je l'ai commencée en 1913. J'était alors étudiant à la Faculté des Mines de l'université de Liège et je donnais des petits articles à un journal qui s'appellait "L'Etudiant libéral". Récemment, j'ai retrouvé un de ces articles : il était consacré à un écrivain alors complètement inconnu, et dont le livre m'avait paru à la fois curieux et intéressant. J'avais donc écrit un article ridicule, comme on en fait à cet âge là mais dans lequel j'affirmais que c'était là un auteur à suivre, car profondément original. Le livre s'appelait "Du côté de chez Swann" et était dû à un certain Marcel Proust. Ce n'était pas mal débuter, pour un critique. Ensuite, la guerre est arrivée. Puis, j'ai entamé une brève carrière de scénariste et d'assistant-metteur en scène, au cours de laquelle je donnais aussi des articles à des revues d'avant-garde. C'est ainsi que ma carrière de critique s'est amorcée. Le jour où je suis devenu un écrivain, je me suis rapidement aperçu qu'on ne pouvais pas être que cela et j'ai donc choisi, dans le journalisme - outre la rubrique politique, par devoir de conscience - la critique littéraire, c'est-à-dire ce qui se rapproche le plus du métier d'écrivain. Pendant la seconde guerre mondiale, j'ai poursuivi assidûment cette activité, et ce, non seulement dans les journaux belges. En prison, j'ai continué à écrire. Je suis un être qui continuent volontiers !... Après, je suis rentré en France et j'ai été obligé, pour vivre, de poursuivre mon activité d'aristarque, dont je vous dirai, au risque de vous surprendre, qu'elle m'assomme. Mais on peut à la fois s'ennuyer et être honnête. À partir du moment où l'on accepte de faire ce métier-là, il faut le faire convenablement. Là, je puis constater avec satisfaction que durant cette longue période, soit depuis près de septant ans, je n'ai "raté" rien d'important, et que, d'autre part, les découvertes que j'ai eu la chance de faire se sont révélées presque toutes authentiques.
 
- En marge de votre œuvre critique, vous avez composé une œuvre romanesque que vous qualifiez vous-même d' "itinéraire du visible vers l'invisible".
 
- Oui. Le jour où je suis devenu romancier, c'est-à-dire lors de la publication d' "Handji", j'ai compris que le roman n'avait d'intérêt pour moi que s'il apportait une découverte importante dans la distribution des sentiments et des idées à l'intérieur de l'homme. Pour moi, tout s'est ordonné dans mon esprit en fonction d'une image qui m'est apparue avec grande force vers l'âge de douze ans, et qui était que le monde n'existe pas. Cela signifie que nous sommes devant une vision de notre esprit, occupés à rêver une aventure qui n'est pas tout-à-fait réelle. Derrière cette aventure, il y a une autre vérité, incomparablement supérieure, d'une autre nature. Pour moi, le roman consiste donc à partir de la réalité apparente pour essayer d'arriver à la "réalité réelle". Dans tous mes romans, j'ai donc cherché des chemins pour aller de l'une à l'autre, et chaque fois, en saisissant des occasions. Dans "Handji", c'est la solitude passionnée. Dans "Les Sources de la vie", c'est le contact avec l'humanité primitive.
 
Une espèce de suicide de l'humanité
 
- Dans "Préluse à l'Apocalypse", c'est le contact avec la fin du monde ?
 
- En effet. Il s'agit de savoir comment le monde pourrait passer de la sensibilité vulgaire, la plus plate (je l'ai, exprès, placée aussi bas que possible) au sentiment de la dissolution dans un autre univers. Il s'agit donc d'aller de ce qui semble être à ce qui est réellement, par l'intermédiaire des catastrophes. Dites-vous que ce livre a été écrit en 1943, c'est-à-dire à une époque où personne n'avait encore pleinement vu ce à quoi la sottise et la méchanceté des hommes peuvent aboutir lorsqu'elles sont déchaînées. L'idée d'une espèce de suicide de l'humanité pouvait traverser l'esprit. Avant même la révélation décisive de la bombe atomique. Aujourd'hui, nous avons de nouvelles raisons de nous ancrer dans une telle conception...
 
- "Prélude à l'Apocalypse", c'était, en quelque sorte, de la littérature fantastique ?
 
- Oui, mais je n'aime pas cette appellation car le fantastique consiste à s'installer dans une réalité différente. Or, moi, je ne m'y installe pas, je m'y dirige. Et, fatalement, je n'y arrive pas. Pour autant que l'on puisse le dire soi-même, "Les ténèbres" me semblent, à cet égard, le plus caractéristique de mes romans. Je m'y suis fixé pour tâche de partir de la vie pour arriver à la mort sans que le lecteur ni le héros ne s'aperçoivent du passage. Mais "Les Ténèbres" débouchent dans un tunnel où l'obscurité se fait de plus en plus profonde. C'est dire que je n'en ai pas atteint le bout. Je ne puis d'ailleurs pas le découvrir, ce bout. Cela supposerait que j'aie des vues sur un au-delà que j'ignore et que je n'appréhende - très fermement - que par la foi religieuse.
 
- Précisement, l'aspect religieux est fondamental dans votre œuvre. Dans "Prélude à l'Apocalypse", on trouve d'ailleurs plus d'une correspondance avec l' "Apocalypse" de Saint-Jean, dont on rejoint même le texte, à la fin du roman.
 
- C'est parce que j'ai cherché des références dans les connaissances que l'on peut avoir de l'apocalypse humaine. On trouve très peu de ces éclaircissements dans la littérature universelle. Le texte de Saint-Jean en est un mais c'est une référence trompeuse et littérairement peu efficace car elle s'articule sur des allusions devenues incompréhensibles. Cela étant, je crois tout de même être parvenu à poser des jalons, où un peu de cette réalité différente, que l' "Apocalypse" de Saint-Jean paraît décrire, s'insinue dans la réalité tout court, qui est obscurcie aujourd'hui par le rationalisme, le raidissement et l'appauvrissement de la pensée moderne.
 
Un pessimisme gai
 
- Vos essais sont sans doute plus connus que vos romans. Parmi ces essais figure la fameuse trilogie "Contre l'amour", "Contre la jeunesse" et "Contre la plèbe". Les titres de ces pamphlets ont permis à vos détracteurs de vous taxer abusivement de négativisme. Or il s'agit bien du contraire.
 
- Bien sûr. Il va de soi que ces "contre" sont, en réalité, des "pour". En tant que moraliste, il s'agissait pour moi de détruire ce qui est faux pour arriver à ce qui est vrai. Si j'avais, par exemple, écrit un livre intitulé "Pour l'amour conjugal", il est bien clair qu'il n'aurait guère attiré l'attention des gens. Il fallait abattre la muraille pour voir ce qui était derrière. Il en va de même pour "Contre la jeunesse", qui est, en fait, une apologie de la maturité, pour "Contre la plèbe", qui se ramène à l'illustration et la défense de la qualité humaine. C'est à cela que j'ai voulu arriver. Je suis en train d'écrire actuellement un petit "Traité de misanthropie bien tempérée". L'idée du misanthrope qui explique comment il faut procéder pour être méchant à bon escient; cela a l'air très négatif mais je sais déjà que le dernier mot de ce livre sera le mot "charité". Comme vous voyez, ce sera une fois de plus un "contre" qui se transforme en "pour".
 
- Vous vous considérez vous-même comme un "pessimiste gai". Qu'entendez-vous par là ?
 
- Il y a l'idée qu'on se fait de l'homme, de la nature humaine, et puis, il y a l'idée qu'on se fait de la vie. Ce sont deux choses différentes. La connaissance que j'ai des hommes se fonde sur une expérience complète. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup d'écrivains qui aient eu l'occasion, comme je l'ai eue, de vivre dans des milieux aussi différents. J'ai été tour à tour paysan, ouvrier, soldat, prisonnier, forçat, et j'ai parcouru le monde entier. Bref, je crois être parvenu à savoir ce qu'est l'homme tel qu'il s'est présenté au bout d'un certain développement de sa race et de son espèce. J'ai résumé cela, un peu sommairement, en disant que "l'homme est une sale bête". Au fond, il est presque impossible de supporter sans agacement un autre être vivant, sauf sous le couvert d'un miracle extraordinaire qui s'appelle l'amour véritable et qui se confond, à des degrés divers, avec l'amour conjugal. C'est un de mes étonnements et de mes éblouissements les plus constants. Que l'extraordinaire égoïsme dont tout homme est pétri puisse s'ouvrir, ne serait-ce que pour un seul être, à côté de lui, c'est quelque chose de merveilleux. Je dis parfois, en plaisantant, qu'il y a beaucoup de défauts dans la création, mais que l'invention du mariage les compense tous. Ma constation est aussi celle-ci : d'une part, l'homme est une sale bête mais d'autre part il n'existe pas d'homme qui ne gagne à être connu. C'est cela que j'appelle mon pessimisme. En face de ça, il y a l'idée qu'on se fait de la vie. Récemment, je me suis aperçu, avec une certaine satisfaction, que parmi tous les livres que j'ai écrits, il y en a un bon tiers qui finissent par le mot "vie". Cela m'a frappé. Mon amour de la vie, l'extrême bonheur que j'éprouve chaque matin à me retrouver plongé dans cette aventure, se sont projetés, comme malgré moi, jusque dans mes ouvrages les plus sombres. Il y a trois ans, j'ai été très gravement malade. J'ai compris que ma substance physique en avait assez. Je puis improviser le dialogue qui s'est alors engagé entre la carcasse de Robert Poulet et Robert Poulet lui-même. La carcasse disait : "Ça suffit, laisse-moi tranquille maintenant. Je suis fatigué." Eh bien, Robert Poulet n'était pas d'accord et répondait : "Mais non, pas du tout, c'est trop intéressant. Il y a encore quelques découvertes à faire et quelques joies à éprouver". C'est ainsi que j'ai fait l'effort nécessaire pour franchir cet obstacle-là, après beaucoup d'autres.
 
Le moment de bonheur de Céline
 
- Au cours de votre vie, vous avez eu la chance de rencontrer les plus grands écrivains de ce siècle. Vous fûtes notamment l'ami de Céline.
 
- Oui, je l'ai connu dès 1931, c'est-à-dire avant la révélation du "Voyage au bout de la nuit". Le Céline de cette époque était un personnage bien différent de celui des dernières années de sa vie. Il était alors joyeux, sarcastique, fort porté sur le jupon et très préoccupé de ne pas gâcher sa carrière médical. Il avait aussi un côté gandin. Certes, il ne s'habillait pas comme une gravure de modes mais il surveillait sa toilette d'assez près. L'athlète tiré à quatre épingles ne ressemble évidemment en rien au fantôme dépenaillé que j'ai vu revenir du Danemark quelques années plus tard. Que voulez-vous : il avait peur. Le personnage de Céline était la superposition d'une extrême audace d'imagination et d'une couardise physique à peu près illimitée.
 
- Sauf en 1914, tout de même !
 
- Vous savez, tout le monde est courageux pendant deux ou trois jours. Mais je ne veux pas diminuer les mérites guerriers de Céline, que j'ai aimé vraiment plus que l'on aime un ami ordinaire, c'est-à-dire avec une indulgence et une tendresse particulières. Je suis aussi le seul de ses amis qu'il n'ait pas un jour insulté, fichu à la porte et traité de tous les noms. Jamais il n'a osé. Il savait que, s'il eût dit la moindre chose blessante, il ne m'aurait jamais revu. Dans "Rigodon", roman posthume paru en 1969, il y a quelques pages fielleuses, et d'ailleurs absurdes, à mon égard. Elles ne m'ont évidemment pas fait plaisir. Je les ai pardonnées à sa mémoire. Ce qui était extraordinaire, c'était de le voir travailler. Je ne l'ai jamais vu aussi heureux que lorsqu'il écrivait. Pourtant, ce genre de bonheur faisait froid dans le dos. Voir Céline travailler, c'était assister au supplice des cent mille plaies. Spectacle atroce. Il s'arrachait les mots les uns après les autres comme si c'étaient des morceaux de chair. Mais il était heureux... De temps en temps, il me lisait la page qu'il avait écrite, et il avait alors son moment de bonheur.
 
- Vous avez bien connu Montherlant également...
 
- Nous nous voyions de loin en loin, mais très volontiers, de 1935 jusqu'à la fin de sa vie. Nous avons dîné ensemble quinze jours avant son suicide. Il m'a d'ailleurs, à ce moment-là, laissé entendre quelles étaient ses intentions et m'a dit des choses que je n'ai jamais écrites car cela aurait pu déformer l'idée qu'il voulait laisser de lui et qui était peut-être la vraie. Cependant, entre Montherlant et moi, ce n'était pas une véritable amitié car il n'était l'ami de personne. Plutôt une familiarité, un compagnonnage agréable, qui n'a pas engagé mon cœur comme ce fut le cas avec Céline, Drieu La Rochelle ou Brasillach, qui furent, pour moi, de véritables amis. Cela aussi, c'est un miracle.
 
Propos recueillis par
Marc Laudelout
Le Nouvel Europe-Magazine, n° 143, mai 1982
 
 

mercredi, 22 octobre 2008

Entretien avec Aurel Cioran

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Entretien avec Aurel Cioran

 

Q.: Dans la nouvelle nomenclature des rues de Bucarest, on trouve aujourd'hui le nom de Mircea Eliade, mais à Sibiu, il n'y a pas encore de rue portant le nom d'Emil Cioran. Que représente Cioran pour ses concitoyens de Sibiu à l'heure actuelle?

 

AC: Donner un nom à une rue ou à une place dépend des autorités municipales. Normalement, il faut qu'un peu de temps passe après la mort d'une personnalité pour que son nom entre dans la toponymie. Quant à ce qui concerne les habitants de Sibiu et en particulier les intellectuels locaux, ils ne seront pas en mesure de donner une réponse précise à votre question.

 

Q.: Je vais vous la formuler autrement. Dans une ville où il y a une faculté de théologie, comment est accueilli un penseur aussi négativiste (du moins en apparence...) que votre frère?

 

AC: Vous avez bien fait d'ajouter “en apparence”. Dans un passage où il parle de lui-même à la troisième personne et qui a été publié pour la première fois dans les “œuvres complètes” de Gallimard, mon frère parle très exactement du “paradoxe d'une pensée en apparence négative”. Il écrit: «Nous sommes en présence d'une œuvre à la fois religieuse et antireligieuse où s'exprime une sensibilité mystique». En effet, je considère qu'il est totu-à-fait absurde de coller l'étiquette d'“athée” sur le dos de mon frère, comme on l'a fait depuis tant d'années. Mon frère parle de Dieu sur chacune des pages qu'il a écrites, avec les accents d'un véritable mystique original. C'est justement sur ce thème que je suis intervenu lors d'un symposium qui a eu lieu ici à Sibiu. Je vais vous citer un autre passage qui remonte à 1990 et qui a été publié en roumain dans la revue Agorà: «Personnellement, je crois que la religion va beaucoup plus en profondeur que toute autre forme de réflexion émanant de l'esprit humain et que la vraie vision de la vie est la vision religieuse. L'homme qui n'est pas passé par le filtre de la religion et qui n'a jamais connu la tentation religieuse est un homme vide. Pour moi, l'histoire universelle équivaut au déploiement du péché originel et c'est de ce côté-là que je me sens le plus proche de la religion».

 

Q.: Parlons un peu des rapports entre Emil Cioran et les lieux de son enfance et de sa jeunesse. Vous demandait-il de lui parler de Rasinari et de Sibiu?

 

AC: Il se souvenait de choses que moi j'avais complètement oubliées. Un jour, il m'a dit au téléphone: «Je vois chaque pierre des rues de Rasinari». Pendant toute sa vie, il a conservé en son fors intérieur les images avec lesquelles il a quitté la Roumanie.

 

Q.: Il n'a jamais manifesté le désir de revenir?

 

AC: Quand nous nous sommes séparés en 1937, il m'a dit, en avalant sa salive, dans le train: «Qui sait quand nous nous reverrons». Et nous ne nous sommes revus que quarante ans plus tard, mais pas dans notre pays. Il a toujours désiré revenir. En 1991, il a été sur le point de s'embarquer pour la Roumanie. C'est alors que la maladie l'a frappé, qu'il a dû rentrer à l'hôpital. Dans ces derniers moments, il a été contraint d'utiliser une chaise roulante. Il craignait forcément de voir une réalité toute autre, s'il était revenu. Et effectivement il y a eu beaucoup de changements; à Rasinari, la composition sociale a complètement changé: quasi la moitié des habitants du village travaillent à la ville, ce qui conduit forcément à un changement de mentalité. Tout est bien différent du temps où nous étions adolescents. A Rasinari, nous étions des gamins de rue, nous allions en vadrouille toute la journée à travers champs, forêts et rivières...

 

Q.: ... et à Coasta Boacii.

 

AC: Oui, en effet, il évoquait sans cesse, avec énormément de regrets, ce paradis qu'était Coasta Boacii. «A quoi bon avoir quitté Coasta Boacii?», disait-il. Ensuite, il y avait ce pacage, près de Paltinis, où nous nous rendions tous les étés. Nous y restions un mois, dans une baraque tellement primitive, située dans une clairière où régnait une atmosphère extraordinaire.

 

Q.: Vous avez été très proche de votre frère non seulement dans les années d'enfance mais aussi pendant votre adolescence et votre jeunesse. Parlez-moi de vos expériences communes...

 

AC: Nous assistions aux cours de Nae Ionescu à l'Université. Ce professeur était une figure extraordinaire! Beaucoup de gens venaient l'écouter et pas seulement des étudiants. Mon frère y retournait même après avoir quitté l'université, pour rendre visite au professeur. Un jour, dès que la leçon fut terminée, Nae Ionescu a demandé: «De quelles choses devrais-je encore parler?». Et mon frère, spontanément lui a répondu: «De l'ennui». Alors Nae Ionescu a prononcé deux leçons sur l'ennui. Par la suite, ses adversaires ne sachant plus quelles armes utiliser pour l'attaquer, parce qu'il était le maître à penser de toute la jeune génération d'intellectuels qui soutenaient le “Mouvement Légionnaire”, ils l'ont accusé d'être... un plagiaire! Ce genre d'attaques est une manifestation infernale... L'œuvre d'une mafia de criminels, qui a commencé par s'attaquer à Heidegger, puis à chercher à faire le procès d'Eliade...

 

 

Q.: ... et même de Dumézil!

 

AC: Toujours sous prétexte d'antisémitisme. En Roumanie, à l'époque, il y avait bien sûr de l'antisémitisme, en réaction à l'arrivée massive d'un million de juifs venus de Galicie. En ce temps-là, c'était un véritable problème. Mais j'ai l'impression que cette manœuvre visant à criminaliser Eliade, Noica et les autres intellectuels de la “jeune génération” produira des effets contraires à ceux désirés.

 

Q.: Vous avez milité dans le Mouvement Légionnaire. Avez-vous connu Corneliu Codreanu?

 

AC: C'était un homme exceptionnel à tous points de vue. Il avait du charisme. J'ai souvent dit qu'il était un trop grand homme pour le peuple roumain, trop sérieux, trop grave. Il voulait une réforme radicale, basée sur la religion. Il était un esprit très intensément religieux. Il y a encore une chose qui m'impressionne profondément aujourd'hui: la manière dont le Mouvement Légionnaire abordait les problèmes économiques. Le Mouvement avait ouvert des restaurants, des réfectoires, où l'on vous servait un très bon repas, avec du vin en quantité limitée. L'idée qui me paraissait extraordinaire, c'est que les prix n'étaient pas fixés. Chacun payait selon ses propres moyens ou selon son bon plaisir.

 

Q.: Où avez-vous connu le Capitaine?

 

AC: A Bucarest, parce que j'y étudiait la jurisprudence. Mais je l'ai rencontré deux ou trois fois dans un camp de travail légionnaire. C'était un homme exceptionnel à tous points de vue.

 

(propos recueillis à Sibiu le 3 août 1995 par Claudio Mutti et parus dans la revue Origini, n°13/février 1996; trad. franç. : Robert Steuckers).

mardi, 14 octobre 2008

Entretien avec A. A. Prokhanov

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ARCHIVES de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

 

Russie: identité nationale, impérialité, post-commu­nisme, nationaux-capitalistes et “compradores”

Entretien avec Alexandre Andreïevitch Prokhanov

 

L'un des principaux conseillers “nationalistes” de Guennadi Ziouganov  —le principal adversaire de Boris Eltsine lors des élections présidentielles du 16 juin 1996 en Russie—  nous a accordé un entretien exclusif le 28 mai à Moscou: il s'agit d'Alexandre Andreïevitch PROKHANOV, par ailleurs directeur de l'hebdomadaire d'opposition nationale Zavstra, ancien directeur de Dyeïnn (interdit après les jour­nées du 3 et 4 octobre 1993) et de Lettres soviétiques, un mensuel d'avant la peres­troïka, publié en plusieurs langues et où les lettres russes sortaient progressive­ment de la cangue marxiste pour retrouver pleinement leur russéité.  Cet entretien avec A. A. Prokhanov aidera nos lecteurs à y voir plus clair dans les arcanes de la politique moscovite et aussi à mieux comprendre l'étrange alliance entre nationa­listes et socialistes, entre “bruns” et “rouges” comme dit la presse à sensation, qui est en train de se sceller en Russie et pourrait, en cas de victoire des “nationaux-communistes”, bouleverser l'actuel rapport des forces en Europe (Loukian STROGOFF).

 

Q.: Vous êtes en général considéré par les media occidentaux comme l'un des principaux conseillers “nationalistes” du candidat Guennadi Ziouganov. L'identité nationale russe est toujours difficile à définir pour les Occidentaux qui n'y retrouvent pas les clivages auxquels ils sont habitués... Certains nationalistes russes privilégient la définition d'une “nation ethnique”, fondée sur l'idée de “peuple majoritaire”. Telle ville ou telle région serait russe parce que peuplée d'une majorité de Russes. D'autres nationalistes définissent la nation russe comme héritière de l'histoire de la Russie impériale. Ils en appellent à la défense des “intérêts traditionnels” de la Russie. Votre référence à vous est-elle la nation ethnique ou la nation impériale?

 

AAP: Je privilégie plutôt la deuxième définition. Depuis longtemps, j'essaie de comprendre pourquoi les nationalistes russes n'arrivent pas à s'unir dans un grand mouvement. J'ai moi-même déployé des efforts en faveur d'un mouvement de droite na­tionale russe, mais sans succès jusqu'à présent. Je crois que l'homme russe ne peut se débarrasser de la tradition impériale. L'approche purement ethnique soulève plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Que l'on songe aux millions de mariages mixtes, à l'imbrication des peuples et des langues. Il faudrait aussi rendre les territoires où les Russes sont minoritaires. Les partisans de la nation ethnique “pure” sont peu nombreux et constituent des groupes “exotiques”. En général, le nationalisme russe est synonyme de conscience impériale. Les mouvements nationalistes et “impérialistes” ont dispersé leur soutien à tous les candidats à l'exception de Grégori Yavlinski, qui serait donc, d'un certain point de vue, le seule candidat représentant un “mouvement ethniquement pur...”.

 

Q.: Comment analysez-vous les rapports de forces parmi les forces politiques “nationalistes”, “socio-démocra­tiques” et “communistes-orthodoxes” qui soutiennent la candidature de Ziouganov?

 

AAP: Les communistes de “stricte obédience”, il n'y en a pratiquement plus, et depuis longtemps. Toute l'élite politique et idéologique a trahi la première le Parti en devenant “libérale” et en formant le camp “démocratique”. Sont restés dans le Parti des gens aux idées pragmatiques, imprégnés par l'idéal d'un grand Etat soviétique. Pour eux, l'URSS représentait le commu­nisme. Je pense en particulier aux scientifiques, aux “bâtisseurs”, aux militaires. C'est ce type de communistes qui prédo­mine aujourd'hui dans un Parti où il n'y a plus de discussions idéologiques comme dans les années 1905-1917. Le Parti actuel ne prétend plus au monopole de la vérité. De ce point de vue, on peut le qualifier de parlementaire et de “social-démocrate”. Je ne doute pas qu'en cas de victoire il conservera cette orientation. Il est dans une période de transition. Peu à peu, il devient le parti des intérêts russes, où domine l'idée de justice et d'harmonie sociales et dans lequel se retrouvent des gens qui perçoi­vent le monde de manière rationnelle, mais aussi irrationnelle, je veux dire les croyants. Provisoirement, on peut effective­ment le qualifier de “national-communiste”. Deux sources d'énergie l'animent: l'énergie de la nation blessée et l'énergie de la souffrance sociale.

 

Q.: On a accusé Ziouganov d'anti-sémitisme parce que dans son livre Je crois en la Russie, il a écrit: «La diaspora juive contrôle traditionnellement la vie financière du Continent et devient chaque jour davantage l'inspiratrice principale du système socio-économique occidental». Pensez-vous que Ziouganov soit antisémite?

 

AAP: En Russie, comme en Europe, une situation s'est créée qui fait que quiconque prétend parler des rapports des Juifs à la société est qualifié d'antisémite. Les relations entre Russes et Juifs sont effectivement tourmentées, comme elles l'ont tou­jours été, parce qu'il y a eu beaucoup de souffrances de part et d'autre. Ziouganov, en tant qu'analyste politique, parle de ques­tions qui débordent du cadre de la Russie. Mais il n'est pas antisémite. Homme d'Etat, il doit prendre en compte toutes les forces du pays et tenter de restaurer la justice et l'harmonie partout où elles ont été bafouées.

 

Q.: Eltsine est clairement le candidat de l'étranger, des forces financières mondialistes. Mais qu'en est-il de Yavlinski? Doit-il être considéré comme le candidat de secours de l'étranger? Le maintien de sa candidature s'explique-t-il par un ordre venu d'ailleurs ou simplement par le fait qu'il se serait montré trop gourmand lors de ses marchandages avec Eltsine?

 

AAP: Autour d'Eltsine gravitent deux types de politiciens; les uns que l'on peut qualifier de “nationaux-capitalistes” et les autres que j'aime à appeler les “compradores”. Le conflit entre eux est permanent. A un certain moment, Eltsine s'est séparé des li­béraux radicaux. Il a rempli son administration de nationaux-capitalistes et, en ce sens, on ne peut plus dire qu'il soit absolu­ment une créature des Etats-Unis. Et les intérêts des libéraux radicaux se trouvent réellement représentés par Yavlinski qui n'est donc pas un candidat de secours mais une créature autonome, un “produit pur”. Le conflit entre Eltsine et Yavlinski pro­vient de deux visions du monde différentes. C'est un conflit entre clans et intérêts capitalistes divergents. Aujourd'hui, les na­tionaux-capitalistes, les “durs”, les “ministres de force” autour du Général Koriakov, sont l'un des piliers sur lequel s'appuie Eltsine pour contrebalancer l'influence de l'autre pilier constitué des “compradores” comme son conseiller économique Livchits et son premier ministre Tchernomyrdine. Ce second pilier est proche de Yavlinski.

 

Q.: Déjà pendant l'été 1995, Oleg Boiko, parlant au nom d'un certain nombre de banquiers, souhaitait le report des élections législatives en échange d'un soutien financier au sommet de l'Etat. En quelque sorte, il voulait “privatiser” la présidence de la Russie et le gouvernement fédéral. Il déclarait: «Le choix est entre le capitalisme et la démocra­tie». Aujourd'hui, la “lettre des 13” (banquiers et grands hommes d'affaires) réclame un compromis historique et un gouvernement d'union nationale qui préseveraient leurs intérêts. Ils font un chantage à la guerre civile. Que pensez-vous de cette démarche? Guennadi Ziouganov devrait-il accepter de débattre d'un tel compromis avant les élections?

 

AAP: La menace de guerre civile n'est pas une abstraction. Si elle était un mythe, elle ne serait pas employée comme un ins­trument de guerre psychologique. La situation est si conflictuelle qu'elle interdit aujourd'hui toute renaissance du pays. Les forces antagonistes en présence s'annulent. Ces 13 banquiers que nous appelons les “13 vampires” ont une motivation cachée à l'opinion publique: la peur d'un nouveau coup de force d'Eltsine s'appuyant sur les “nationaux-capitalistes”. Ce groupe serait alors en position de grande force et le clan des “compradores” autour de Tchernomyrdine, qui sert ces treize banquiers, ont peut d'être les prochaines victimes d'une sorte de “fascisme de droite”. Il faut se souvenir du conflit de l'an dernier entre le Général Koriakov et Vladimir Goussinski, président du groupe financier et de presse Most, élu récemment président du Congrès des Juifs de Russie après quelques mois d'exil à Londres. C'est cette peur, non pas des “nationaux-communistes” mais des “nationaux-capitalistes” qui les a contraints à formuler des propositions de compromis entre les différentes forces politiques.

 

Q.: En cas de victoire de Guennadi Ziouganov, quelles seront les mesures de première urgence qui seront deman­dées au nouveau gouvernement par votre hebdomadaire   Zavstra?

 

AAP: Nous ne cherchons pas de revanche. Une amnistie sera nécessaire pour retrouver la paix sociale. Nous honorerons nos morts. La vengeance ne viendra que de Dieu et la grâce, du chef de l'Etat.

 

Q.: Vous avez été le chroniqueur quasi officiel de la campagne militaire soviétique en Afghanistan. Comment jugez-vous de l'opportunité et des résultats de la campagne militaire russe en Tchétchénie, en particulier à la lumière du “cessez-le-feu” qui vient d'être signé au Kremlin?

 

AAP: Le conflit en Tchétchénie est le résultat du développement d'un monde criminel, à Grozny comme à Moscou. Il s'agit en fait d'un règlement de comptes entre groupes mafieux. C'est pourquoi cette guerre n'en était pas vraiment une. Elle a été “instrumentalisée” par les lobbies du pétrole, de la drogue, etc. A ma connaissance, ce sont des émissaires de Tchernomyrdine qui se sont entendus avec les chefs tchétchènes sur une nouvelle répartition des bénéfices des oléoducs existants et en projet. Eltsine a arrêté pour l'instant la guerre et peut en tirer un bénéfice électoral, mais rien n'est résolu au fond et la criminalisation de la Caucasie a été dopée par cette guerre. Les empires criminels n'ont pas le droit d'exister.

 

Q.: Evguénié Primakov semble avoir rendu une certaine cohérence à la diplomatie russe. Le ministre de l'intérieur, Anatoli Koulikov, donne également l'impression d'être un homme intègre et sérieux. Ces deux ministres pour­raient-ils, à votre avis, conserver leur poste dans le cadre d'une nouvelle administration?

 

AAP: C'est possible. Connaissant bien Guennadi Ziouganov et son approche prudente en matière de changement, il ne peut qu'apprécier un spécialiste comme Primakov, brillant représentant de la tradition diplomatique soviétique. Il est sans doute unique. Il a su rétablir la situation après le départ de Kozyrev, le pion des Américains. Il peut donc être très utile. Koulikov est aussi un bon spécialiste. Nous n'oublions pas comment il a fait tuer beaucoup de nos amis les 3 et 4 ocotbre 1993. Il a certains mérites autres cependant. Le plus important est d'avoir refusé de participer au coup de force prévu le 17 mars dernier et qui avait connu un début d'exécution avec l'occupation de la Douma pendant quelques heures. Sa volonté déclarée en début d'année de contrôler les banques anti-nationales et ses tentatives pour lutter contre la corruption dans son ministères peuvent plaider en sa faveur.

 

Q.: Certains pays ouest-européens, en particulier la France, s'efforce d'affranchir l'Union Européenne de la tutelle américaine. Un nouveau pouvoir en Russie devrait-il appuyer une telle démarche vers une “Europe aux Européens”?

 

AAP: Tout ce qui est venu d'Europe en Russie a été négatif. L'Occident est pour nous synonyme du Mal. Les politiciens sont intéressés à un éloignement des Etats-Unis d'Europe, parce que le retrait américain affaiblirait celle-ci. Il y a des nœuds de contradictions qui handicapent heureusement son influence sur la Russie. En grande partie, l'Union Européenne est une illu­sion comme l'ont montré les contradictions entre la France et l'Allemagne à l'occasion du conflit dans les Balkans, dont la Russie a jouées. Elle continuera dans cette voie. Le recentrage de la politique améircaine vers l'Asie peut faire des Etats-Unis un partenaire de la Russie dans cette région.

 

(propos recueillis par Loukian STROGOFF).

vendredi, 10 octobre 2008

Entretien avec Anatoli Ivanov

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ARCHIVES DE "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1996

 

Identité et socialisme en Russie

Entretien avec Anatoli Ivanov

 

Tous les Européens tournent anxieusement leurs regards vers la Russie. Les élections de la Douma n'ont pas profité à l'opposition nationale, qui n'a pas obtenu la majorité des sièges escomptée. L'opposition de gauche a pris, elle, un poids considérable. Mais le vieux clivage gauche/droite, cher aux démocraties vermoulues d'Europe occidentale et des Etats-Unis, est beaucoup plus fluide en Russie car l'anticapitalisme et l'anti-américanisme sont aux programmes de ces deux blocs oppositionnels. C'est en tenant compte de cette réalité idéologique que le spécialiste allemand des questions russes, Wolfgang Strauss, est allé s'entretenir avec notre correspondant russe, Anatoli M. Ivanov, fin observateur de la vie politique russe actuelle (Robert Steuckers).

 

WS: Aviez-vous envisagé la victoire de l'opposition de gauche?

 

AMI: Oui. J'avais pronostiqué 30%. Mais la concentration des voix sur le parti de Ziouganov a été plus forte encore que je ne l'avais imaginé (au lieu de 15%, il a obtenu 22%). Les partisans du PC ont ainsi évité une dispersion des votes. Je connais même d'anciens détenus politiques qui ont voté pour le PCFR. Le parti “Troudovaïa Rossiya” (“La Russie au Travail”) de Viktor Ampilov a engrangé 4,5% des voix et obtenu un seul mandat direct. Le “Parti Agrarien” a eu 4% et 20 élus directs. Le bloc électoral “Le pouvoir au peuple” n'a, lui, obtenu que 1,5%, mais s'est assuré la majorité dans onze circonscriptions. Ses têtes de liste, Ruchkov et Babourine ont désormais un siège au Parlement.

 

WS: Ces résultats ont-ils été obtenus au détriment de l'opposition nationale?

 

AMI: Sans nul doute, on peut dire que l'aile nationale du spectre politique russe est sortie affaiblie de ces élections. Jirinovski a eu 11% et a subi ainsi une défaite dans toutes les circonscriptions où le vote personnel avait de l'importance. Parmi ses 180 candidats directs, un seul a obtenu un siège.

 

WS: Le fisco du “Congrès des Communautés Russes” (CCR) était inattendu: il n'est pas parvenu à passer la barre des 5%...

 

AMI: Dans les circonscriptions à vote majoritaire, le CCR a gagné cinq mandats, parmi lesquels celui du Général Alexandre Lebed. Tous les observateurs de la vie politique russe pensent que la raison principale de cet échec provient de la personnalité de Skokov, fort antipathique. Cet homme figurait en tête de liste. Le maigre résultat du CCR diminue considérablement les chances du Général Lebed dans la prochaine course à la présidence.

 

WS: Et qu'est-il advenu du mouvement social-patriotique “Derchava”, dirigé par le Général Routskoï, le héros de la Maison Blanche en octobre 1993?

 

AMI: Ce mouvement a dû encaisser une défaite totale. Il n'a obtenu que 2% des voix et n'a gagné aucun mandat direct.

 

WS: Et les autres figures de proue de l'opposition nationale qui se sont présentées dans les circonscriptions à élection directe?

 

AMI: Elles ont toutes été perdantes. Nikolaï Lyssenko, le chef des nationaux-républicains, a connu l'échec tout comme les candidats de la “Fédération des Patriotes”, les généraux Sterligov et Atchalov, et les militants du “Semskii Sobor” (“L'Assemblée du Pays”), parmi lesquels l'ancien député Astafiev, un chrétien démocrate. Le cinéaste Stanislav Govoroukhine de l'“Alliance Populaire”, porte-paroles de la fraction constituée par le petit “Parti Démocratique” dans l'ancienne Douma, a gagné les élections dans sa circonscription à vote majoritaire, grâce à l'appui des communistes; en revanche, ses co-listiers Axioutchiz (libéral) et Roumiantsev (social-démocrate) ont perdu. Les locomotives du “Parti National-Bolchevique”, Edouard Limonov et Alexandre Douguine, n'ont eu aucun succès à Moscou et à Saint-Petersbourg. Le célèbre animateur de télévision Alexandre Nevzorov a été réélu à Pskov. Le “Mouvement Populaire Russe”, fondé par les Cosaques de Sibérie, n'a obtenu que 0,13% des voix. Quant aux atamans des Cosaques du Don, Ratiyev et Kosytsine, ils n'ont pas pu s'affirmer dans leurs propres circonscriptions électorales.

 

WS: Mais quel est le résultat final de tout cela, en termes de sièges à la Douma...

 

AMI: ... les partis d'opposition nationale ont 20%, le parti gouvernemental de Tchernomyrdine n'a que 9%. Le rapport des forces est de 51-49. L'opposition, droites et gauches confondues, obtient 51%; Tchernormyrdine, c'est-à-dire Eltsine, et différents partis démo-libéraux, obtiennent 49%.

 

WS: Au vu de ses résultats, peut-on dire que les pronostics pour les élections présidentielles du 16 juin doivent être totalement révisés?

 

AMI: Certainement. Tous les pronostics émis avant le 17 décembre se basaient sur des appréciations exagérées de la popularité de Lebed. Il ne reste plus que deux favoris à l'heure actuelle: Ziouganov et Jirinovski. Chacun d'eux peut battre Tchernormyrdine, mais pas Eltsine! Le CCR fait contre mauvaise fortune bon cœur et cherche les causes de sa défaite dans les brouilles internes du mouvement, dans les intrigues de ses propagandistes, en un mot, partout, sauf, dans ses propres erreurs de gestion.

 

WS: Ce qui intéresse tout particulièrement les lecteurs allemands et ouest-européens, militants des diverses oppositions nationales comme anti-fascistes en quête de sensationnel, c'est l'échec complet du mouvement “Unité Nationale Russe”, qui a fait la une de beaucoup de journaux à cause de son style qui rappelait les années 30...

 

AMI: Pour ce qui concerne son leader, Alexander Barkachov, il faut dire que son avocate, Madame Dementyeva, a subi une défaite à Moscou, tandis que son second candidat a échoué dans la région de Kalouga. Un ancien partisan de Barkachov, Alexander Fiodorov, s'est porté candidat pour le “Parti Russe” à Mytichtchy dans la région de Moscou: en vain, résultats nuls! Quant au célèbre Wedekin, il a connu l'échec à Lioubertzy, également dans la région de Moscou. Nos grandes villes ne se prêtent pas à ce type d'“aventuriers politiques”, comme les appelent les libéraux. Alexander Nevzorov a été plus pertinent: il s'est porté candidat en province, à Pskov, et a gagné.

 

WS: Il est étonnant que ce mouvement national, si bien capillarisé dans la société, si diversifié, alignant tant de partis et de cartels électoraux, n'a obtenu que des résultats aussi misérables. En tant qu'analyste patenté de cette nébuleuse de partis d'opposition nationale, pourriez-vous nous expliquer les causes de cet échec?

 

AMI: Il y a deux causes principales, d'ordre technique et organisationnel. D'abord, ils n'ont pas été en mesure de réunir les 200.000 signatures par liste prévues par la loi électorale. Ensuite, ils ne possédaient pas de “réserves” de voix, ce qui permettait à la “commission électorale centrale” de les exclure très aisément de la course. Plusieurs partis ont été victimes de cette débâcle: le “Parti Russe” du Colonel Milozerdov, le parti “Renaissance”, le “Parti National Populaire’ de Vladimir Ossipov (un ami de jeunesse, prisonnier politique de 1961 à 1968 et de 1974 à 1982), la “Fédération des Patriotes”, enfin, le Semskii Sobor dans lequel militaient le célèbre sculpteur Klykov et le rédacteur en chef du journal “Rousski Vestnik” (= “Le messager russe”), Sénine, qui figurera en tête de liste.

 

WS: Donc, dès le départ, c'est Jirinovski qui a eu les meilleurs atouts en mains?

 

AMI: Quelle que soit la position que l'on adopte à son égard, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur sa personne, ses succès électoraux nous obligent à réfléchir. L'élément principal dans ce phénomène politique, c'est que Jirinovski incarne le type même de l'activiste politique moderne capable de conquérir la sympathie du public et qui ne palabre pas inlassablement sur le bon vieux temps d'il y a cent ans...

 

WS: Il est tout de même étonnant qu'aucun rival ne se mette en travers du chemin qu'emprunte cet homme haut en couleurs, qu'aucun concurrent crédible venu du camp de l'opposition nationale, qu'aucun populiste véritable ne se lève pour lui barrer la route...

 

AMI: Effectivement! Lors des élections pour la Douma en décembre 1993, Jirinovski a profité de la colère populaire après l'assaut sanglant lancé par les troupes d'Eltsine contre le Parlement (la Maison Blanche). Jirinovski a pu ainsi se hisser au-dessus des cadavres des défenseurs de la Douma et confisquer à son profit leurs mots d'ordre nationaux russes. En 1995, les démocrates annonçaient urbi et orbi  que le parti de Jirinovski n'allait jamais passer la barre des 5%. Aujourd'hui, ils s'étonnent une fois de plus des succès enregistrés par Jirinovski. On peut se poser la question: pourquoi aucun homme politique du camp national ne peut-il dépasser Jirinovski en popularité, pourquoi aucun d'entre eux ne peut-il exercer le même pouvoir d'attraction sur les masses populaires, ne fait-il preuve d'une autorité comparable?

 

WS: La Russie ne possède-t-elle donc pas d'homme charismatique dans le camp des nationaux?

 

AMI: Pendant toute une période, on a pensé que le Général Alexander Routskoï allait pouvoir jouer ce rôle. Sous la bannière de son mouvement “Derchava”, plusieurs opposants du camp national se sont unis, tels Axioutchitz, Astafiev, Pavlov, Artemov et le Colonel Alksnis. Mais on n'a assisté par la suite qu'à des démissions, des scissions, des intrigues. C'est ainsi que Routskoï a perdu son prestige, qu'il n'a plus pu jouer le rôle d'intégrateur. L'échec de son mouvement met un terme définitif à ses ambitions dans les élections présidentielles. Après le désastre subi par Routskoï, les mouvements patriotiques ont placé leurs espoirs dans le Général Alexander Lebed. Mais contre toute attente, son CCR a subi une terrible défaite en décembre 1995. Du fait que le CCR n'a pas réussi à se tailler une part dans les sièges de la Douma, on a accusé son président, Youri Skokov, d'avoir mal géré le mouvement derrière lequel se profilait le populaire Général. La stratégie de Skokov a suscité l'incompréhension voire le rejet des nationaux-patriotes. Non seulement parce que le technocrate Skokov pactisait en coulisse avec le parti de Gaidar, mais parce que Skokov prétendait qu'il n'existait pas de Russes ethniquement purs et que, dès lors, la Russie devait être transformée, par le biais d'un référendum, en une Union d'ethnies diverses.

 

WS: Mais les causes de l'échec de l'opposition nationale ne sont-elles pas plus profondes, ne sont-elles pas à rechercher au-delà des querelles de personnes, c'est-à-dire dans le discours idéologique lacunaire qu'elle tient et dans les stratégies déficitaires qu'elle pratique?

 

AMI: Bien sûr. Quoi qu'on puisse dire sur Routskoï, il a eu des moments de grande lucidité. La grande tragédie de la Russie, a-t-il dit lors d'un entretien avec la presse, est d'avoir considérer que les deux grandes idées mobilisatrices de notre siècle, l'idée de justice sociale et l'idée d'identité nationale, ont été considérées comme des antinomies. Effectivement, quand un militant politique s'engage pour le salut de sa nation et oublie la justice sociale, ou quand un militant socialiste s'engage à fond pour la justice sociale et oublie le salut de la nation, ils font tous deux fausse route, s'engagent dans une impasse. Hélas, Routskoï n'a fait que signaler ce problème majeur, il n'a suggéré aucune solution. Mais si les nationaux parvenaient à s'en rendre compte et à agir en conséquence, les communistes perdraient rapidement leur marge de manœuvre en Russie.

 

WS: Autre sujet: la situation des Allemands de Russie autorise-t-elle quelqu'espoir? Quelles sont leurs chances de retrouver une dose d'autonomie? Comment leur futur se dessine-t-il? Vont-ils rester? Vont-ils émigrer?

 

AMI: La situation des Allemands de Russie a été soumise à discussion dans la Douma le 17 novembre 1995. C'est une déclaration du député communiste Oleg Mironov qui a ouvert les débats. Dans la circonscription électorale d'Engels, ce député a proposé de voter le 17 décembre pour le national-républicain Lyssenko. Mironov a dit: «Dans la région de Saratov les relations entre les nationalités sont en train de se dégrader. D'après les résultats de sondages locaux, la population russe refuse catégoriquement que ce crée un Etat allemand sur le cours de la Volga [ndlr: comme avant 1941]. Il est dangereux de soulever à nouveau cette question. Parmi les habitants de cette ancienne république autonome règne désormais un certain désarroi; ils pensent: des Allemands dans la région? Oui! Une autonomie? Non!».

 

WS: Il n'y a pas eu de voix pour s'opposer à cette opinion?

 

AMI: Si. Le ministre des nationalités Mikhaïlov a répondu que les données qu'avançait Mironov étaient obsolètes et remontaient aux années 1988-89. A cette époque-là, la situation avait été très tendue; aujourd'hui, quelque 17.000 Allemands se seraient installés dans la région, dont 65 à 70% des familles seraient mélangées, seraient donc germano-slaves. Près de 80% des Allemands de Russie vivaient auparavant en Sibérie occidentale, soulignait le ministre.

 

WD: Jirinovski a-t-il participé aux débats?

 

AMI: Oui, en lançant la phrase suivante: «Nous devrions cesser définitivement de parler de la création d'une quelconque autonomie pour les Allemands de Russie. Au Kazakhstan, s'il vous plait».

 

WS: Qu'a répondu le ministre?

 

AMI: En citant des faits. Voici ce qu'il a dit, textuellement: «Après la guerre, 1,7 million d'Allemands ont quitté l'URSS et, au cours de ces trois dernières années, 200.000 Allemands supplémentaires sont encore partis, la plupart venant du Kazakhstan, d'Asie centrale». Un tiers de ces réfugiés sont revenus s'installer en Sibérie occidentale russe, où nous avons constitué deux arrondissements nationaux allemands, dans la région de l'Altaï et dans la circonscription d'Azov dans la région d'Omsk. 70.000 Allemands du Kazakhstan et d'Asie centrale  —dans ce cas aussi, nous avions affaire à des familles mixtes—  ont souhaité s'installer dans la circonscription d'Azov». Ensuite, Mikhaïlov a dit, plein d'espoir: «Nous avons donc un bilan positif. Au cours de ces deux dernières années, plus d'Allemands ont quitté la région de Saratov que de nouveaux arrivants y ont été enregistrés. Dans des circonstances favorables, 150.000 à 160.000 Allemands pourraient trouver une nouvelle patrie sur les rives de la Volga».

 

WS: Monsieur Ivanov, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

(entretien paru dans Europa Vorn, n°100, 1 avril 1996; adresse: Europa Vorn, Pf.30.10.10, D-50.780 Köln).

mercredi, 06 août 2008

Intervista a C. Bonvecchio ed a C. Risé

Intervista a Claudio Bonvecchio ed a Claudio Risé

sulla pubblicazione del libro

Apologia dei doveri dell’uomo

Di Claudio Bonvecchio

(Asefi Editore, 2002, www.asefi.it)

a cura di Antonello Vanni

 

Redazione: «Prof. Bonvecchio lei, nel suo ultimo libro, parla del dovere come di una visione che si inscrive in un progetto globale teso a rivalutare l’essere stesso dell’uomo in relazione alla trascendenza. Il dovere stesso testimonierebbe l’esistenza, la vitalità e la potenza. A suo parere quanto è possibile rimettere al centro il dovere e dunque tale visione, quanto è possibile onestamente riavvicinare l’uomo alla trascendenza ed al Sacro?».

Claudio Bonvecchio: «Riavvicinare l’uomo alla Trascendenza e al Sacro non è cosa facile. Anzi, è una impresa titanica. Ma diventa possibile nella misura in cui ciascuno – poiché ciascuno è in grado di farlo – scruta se stesso, cerca di conoscersi, cerca di equilibrare la propria personalità, cerca l’armonia nascosta, la divina scintilla che è in lui. Questa DOVEROSA ricerca fornisce essa stessa gli strumenti, indica i compagni di strada ed allevia le fatiche del cammino. Bisogna volerlo, però o forse – ancora una volta – lasciar parlare la propria interiorità e scoprire così, magari con stupore, che è essa che lo desidera».

R.: «Prof. Risé, l’Apologia dei doveri inizia e si chiude con la proposta di rimettere al centro una precisa visione dell’essere umano e del mondo, dell’essere umano che vive nel mondo. In questa visione come si colloca la proposta dell’identità maschile che lei ha recentemente indicato nel suo libro Essere Uomini (Red Editore, Como)? Cosa ne pensa del fatto che se la sfera del Sacro sfuma all’orizzonte l’uomo si sente interiormente vuoto mentre si circonda all’esterno di un deserto?».

Claudio Risé: «Il sacro è caratterizzato dal Tabù, che esprime un  divieto, ma significa soprattutto: colmo di energia.  La de-sacralizzazione  della vita dell’uomo (compiuta attraverso il processo di secolarizzazione), ha comportato dunque un’enorme perdita di energia. Nulla, nell’essere umano, è più tabù, ma egli è completamente scarico, vuoto. E deserto diventa il mondo che lo circonda,  anch’esso privo di energie  perché non più vissuto come sacro».

R.: «Prof. Bonvecchio, parlare di doveri e cioè di onore, compito, incombenza, impegno, dono è assai rischioso: chi osa alzare questa voce viene accusato grossolanamente di conservatorismo, oscurantismo, razzismo o mentalità fascista…Quale rimane allora la strada che un uomo che, come lei dice, vuole realizzare la sua vita come missione nella Comunità per gli altri può intraprendere?».

Bonvecchio: «Sta scritto che “mille cadranno alla mia destra e diecimila alla mia sinistra”. Cosa importa del brusio dei mediocri, delle voci distraenti e delle balbuzie intellettuali se chi intraprende questa strada è convinto di ciò che fa? Per troppo tempo abbiamo rifiutato l’eroismo del quotidiano. Si tratta di riscoprire dentro di noi una sopita virilità ed affrontare i simbolici draghi che si pongono sul cammino con animo intrepido e sicuro. Sicuro di portare un messaggio, una proposta, un nuovo (e antico) modo di essere. Ricordava Nietzsche che chi ha sperimentato l’aria delle vette rifugge da quella della pianura».

R.: «Prof. Risé nell’Apologia dei doveri si riflette sulla causa che spinge gli uomini prima a rivendicare i diritti e poi sistematicamente a calpestarli. Lei come scienziato sociale e come psicanalista, quali crede siano le cause di questo atteggiamento?».

Risé: «L’enfasi sulla rivendicazione dei diritti deriva dal processo di impoverimento dell’uomo realizzato attraverso l’allontanamento del sacro. L’individuo della secolarizzazione, senza Dio, è soprattutto un soggetto di bisogno, perché non possiede più l’energia  del sacro. Ciò lo pone in una situazione d’ansia, da cui cerca di uscire rivendicando i diritti. Di cui poi non sa che fare perché il vero problema, il vuoto, rimane. E viene anzi  aggravato dall’impoverimento psichico, e simbolico derivante dal  porsi come soggetto di bisogno, anziché come portatore di forze». 

R.: «Prof. Bonvecchio, un’ipotesi possibile è che la civiltà dei diritti sia una maschera dietro la quale si nascondono i veri registi: il mercato, l’interesse, l’utile, il dio denaro. Cosa ne pensa di questa supposizione, ce ne può dare un esempio concreto?».

Bonvecchio: «Non è una supposizione: è una realtà. Un esempio: l’ONU. Si proclamano diritti e s’invocano risoluzioni che verranno disattese – per motivi di mero interesse politico-economico - dai paesi che le sottoscrivono, come nel caso della Cina. Eppure tutti continuano a crederci: o fingono? Per molti l’inganno della o la vita come inganno non è una novità. Vogliamo essere come loro? Vogliamo – come diceva Sombart – stare dalla parte degli eroi o dei mercanti? A questa domanda tutti siamo chiamati a rispondere».

R: «Prof. Risé nell’Apologia si afferma che solo una comunità che si fonda sui doveri rende ogni singolo uomo membro attivo ed indispensabile alla continuità e sopravvivenza della comunità stessa. Tali doveri però possono esistere solo se vi è un atto di trasmissione, se qualcuno tramanda questi saperi. L’assenza di questa comunicazione, di cui lei spesso ha parlato, non è estremamente pericolosa per la società stessa?».   

Risé: «La trasmissione del sapere del sacro, l’iniziazione, è stata abolita appunto per  allontanare l’uomo dalla consapevolezza dei suoi doveri (ai quali corrispondeva un reale potere), per convincerlo di essere solo soggetto di bisogno, e ridurlo quindi a una condizione di schiavo». 

R: «Prof. Bonvecchio una parola che al giorno d’oggi non è molto nominata, neppure in ambito pedagogico ed educativo come bene da trasmettere ai giovani è virtus. Lei, nella sua proposta, cosa intende con questa parola?».

Bonvecchio: «Intendo un HABITUS, un modo di essere, uno stile di vita: in una parola il coraggio di essere ciò che si è anche se si è contro tutti».

R.: «Prof. Risé secondo Bonvecchio lo sviluppo di un’ipocrita società dei diritti è avvenuto parallelamente ad uno sbilanciamento dell’equilibrio psicologico dell’uomo verso l’eccessiva razionalizzazione, astrattezza, artificialità. Lei da anni nei suoi libri, in particolare nel Maschio selvatico (Red, Como), sostiene la necessità per l’uomo di riavvicinarsi all’istinto e ad una dimensione meno artificiale e fabbricata. Che cosa però può garantire che tale riavvicinamento non conduca all’esatto opposto della situazione attuale cioè verso un’eccessiva istintualità capace di guidare l’uomo verso pericolose direzioni già viste nella Storia?».

Risé: «Non mi sembra che l’istinto, da cui in epoca moderna ci si è sempre più allontanati, abbia rappresentato negli ultimi secoli un grosso percolo per lo sviluppo umano. Nazismo e comunismo, i due grandi flagelli del secolo scorso, furono entrambi caratterizzati da una forte repressione istintuale, a favore dello sviluppo di forme di pensiero tipicamente ossessive, molto lontane dal mondo  delle forze e dei sentimenti primordiali. Oggi, due lesbiche hanno ottenuto, grazie alla clonazione, un figlio sordo, come loro. Episodi di questo genere, monumenti di egoismo e di onnipotenza, premessa delle mostruosità del domani, nascono da un’inflazione del pensiero, degli individui, degli scienziati, e dei legislatori, non certo da un eccesso di istinto».

Per concludere

R.: «Prof. Bonvecchio, Simone Weil nel suo Preludio a una dichiarazione dei doveri osservava che “è eterno solo il dovere verso l’essere umano ed il progresso si misura su di esso”. Qual è secondo lei il principale dovere dell’uomo e quale il principale dovere della Comunità?».

Bonvecchio: «Il principale dovere dell’uomo è quello di tendere verso la totalità, verso quell’armonica pienezza che in tutte le Tradizioni coincide con la divinizzazione dell’uomo e con l’umanizzazione del divino. Significa scoprire il fuoco interiore, quel Sé alchemico che, come la pietra filosofale, trasforma tutto in oro: nell’oro simbolico, ben inteso. Significa scoprire nell’unità dei contrari la gioia di una vita diversa, significa riscoprire la propria vera identità in un corpo spiritualizzato ed in uno spirito corporizzato. Attuare questo – come ben sapevano gli antichi – è anche il dovere di una Comunità che voglia essere tale».

R.: «Prof. Risé lei, nelle sue ricerche sull’identità maschile, sostiene l’importanza del sacrificio come sfondo di crescita verso la maturità, l’autonomia e l’indipendenza. Cosa ne pensa della citazione con cui Bonvecchio chiude la sua Apologia dei doveri: “Pur di salvare la vita, non è il caso di perdere ogni motivo di vivere” (Giovenale)?».   

Risé: «La nostra vita è per gli altri. Per il mondo delle creature, anche non umane,  e per Dio. Il resto non ha alcuna importanza».

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lundi, 04 août 2008

La guerre postmoderne: entretien avec Claudio Risé

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La guerre postmoderne: entretien avec Claudio Risé

Depuis 1945, toutes les guerres se déclenchent dans le monde à partir d'un refus des Etats nationaux vecteurs de la modernité. Claudio Risé, psychanalyste jungien et professeur de polémologie, collabore à plusieurs publications. Ses travaux les plus récents concernent la psychologie de l'agressivité (Il maschio selvatico. Come ritrovare l'istinto rimosso dalle buone maniere, Red Edizioni); en règle générale, le Prof. Risé aborde la thématique du ³virilisme² (Parsifal, Red Edizioni; Maschio amante felice, Frassinelli). Son dernier travail affronte un thème bien différent: la guerre postmoderne (La guerra postmoderna. Elementi di polemologia; Editrice Tecnoscuola, Gorizia, 1996). C'est sur ce dernier ouvrage que nous l'avons interrogé, à la suite de son brillant exposé lors de notre dernière université d'été.

Q.: Dans l'ensemble de vos travaux, quelle place occupe ce livre sur la guerre?

CR: D'une part, il est la continuation de toutes mes recherches. Mon Parsifal raconte l'archétype du guerrier, tel que nous l'a rapporté Wolfram von Eschenbach, qui n'est pas du tout le chaste moine de Wagner. Chez Wolfram von Eschenbach la guerre est l'événement historique par lequel se manifeste l'instinct viril dans toutes es contradictions: don de soi et, simultanément, destructivité. D'autre part, j'ai voulu confronter deux disciplines dans cet ouvrage: la science politique et la psychologie des profondeurs. Je les ai aussi confrontées à ce phénomène qu'est la guerre et qui a modifié la face du monde de 1945 à nos jours. La guerre, ou la menace de la guerre, a démenti toutes les spéculations nées de l'idéologie des Lumières, selon lesquelles nous avancerions vers l'unification politique et culturelle de la planète, or le fait est que le nombre des Etats est passé de quarante à environ deux cents!

Q.: Pourquoi parlez-vous de ³guerre postmoderne²?

CR: Parce que les guerres d'aujourd'hui, les guerres qui éclatent autour de nous, sont des luttes contre les universalismes imposées par la modernité ³illuministe² des révolutions bourgeoises. Les peuples pris dans les mâchoires annihilantes du mondialisme refusent cette conception occidentale de la liberté-égalité-fraternité que leur ont imposée les puissances colonisatrices. Ils partent en guerre pour rechercher leurs appartenances, leurs identités, pour reformuler des projets historico-politiques qui ont été balayés jadis par les impérialismes d'essence bourgeoise. Mon livre cherche à décrire les caractéristiques de ces guerres (qui se déroulent dans le monde), de ces peuples et de ces cultures niés dans leur identité, mais qui s'opposent aux Etats dits nationaux, mais en réalité multinationaux, parce qu'ils sont les vecteurs de la modernité. Ils s'opposent aux désastres culturels et territoriaux imposés par les grandes entreprises multinationales, qui sont en réalité les ³sujets forts² de ces Etats. Cette guerre globale contre l'homogénéisation est aussi un aspect de l'actuel ³globalisme².

Q.: Le globalisme recèlerait donc des aspects contredisant son projet de conquête culturelle et économique par l'Occident bourgeois? Votre position n'est-elle pas un peu ambigüe ou peut-être trop optimiste?

CR: Le globalisme est un aspect central de la réalité dans laquelle nous vivons, et c'est à partir du fait global qu'il représente que nous devons commencer à réfléchir. Je me sens très proche de Jünger et d'une bonne part des protagonistes de la ³révolution conservatrice², quand ils nous demandent d'aller de l'avant, de partir du présent pour retravers, traverser et récupérer le passé. L'informatisation globale, par exemple, a fourni un formidable instrument aux mouvements de récupération identitaire et a plongé dans un crise très profonde (pour l'heure, elle n'est pas encore surmontable) les instruments de contrôle politique des puissances dominantes qui sont les soi-disant ³services de sécurité². Je m'intéresse également aux pressions anti-sécularisantes que produisent, dans un monde global, les cultures (comme l'Islam mais il n'est pas le seul). Elles sont hostiles aux processus de sécularisation dérivés des bourgeoisies protestantes et accentués à la suite des révolutions bourgeoises. Le globalisme provoque une revitalisation du ³sacré naturel² (et, du point de vue psychologique, de l'instinct qui y est lié). La culture de la ³pensée faible² avait décrété que ce sacré et cet instinct avaient été évacués. J'ai ensuite pris en considération les coups très graves que la civilisation occidentale avait infligés aux cultures traditionnelles lors de leur rencontre, surtout quand elle a imposé à tous l'appareil normatif des lois et des règlements générés par la modernité. Ces lois et ces règlements sont très intrusifs et s'insinuent profondément dans la sphère privée, et ainsi dans l'instinct, comme nous l'a bien décrit Foucault. Une armée de prostituées, des bandes de gamins, partent en guerre, avec, en poche, les clefs d'un paradis bien différent de celui que nous avions imaginé, des bandits provenant du monde entier sont en train de mettre à mal toutes les constructions hypocrites de la ³political correctness² et du ³processus de civilisation² si cher à Freud et à Norbert Elias. Ce sont tous ces phénomènes qui m'intéressent et tous sont indubitablement les fruits du globalisme.

Q.: Comment cette ³guerre postmoderne² se concilie-t-elle avec Clausewitz?

CR: Je pense personnellement qu'elle ne se réconcilie pas trop avec les théories du général prussien. Clausewitz voyait la guerre comme une forme du pouvoir politique de l'Etat, comme ³la politique qui dépose sa plume et empoigne l'épée². Les guerres postmodernes, quant à elles, sont des guerres de nations ³organiques², de nations objectives, vivantes, contre l'appareil juridico-administratif des Etats. Les guerres postmodernes se combattent au nom de valeurs culturelles et transcendentes plus qu'au nom de pouvoirs politiques et ³mondains². Elles fuient les règles du pouvoir et échappent ainsi à celles de la diplomatie et de la stratégie. Elles se réconcilient davantage avec les ³forces obscures, inconnues², par lesquelles le Dieu de Tolstoï (qui tient dans sa main les c¦urs des rois) se manifeste dans l'histoire. La polémologie, telle que l'a imaginée Gaston Bouthoul dans les années 1950-1970, a eu la capacité de saisir cet aspect profond, inconscient, non calculé, du phénomène de la guerre. Ce n'est pas un hasard si les études ultérieures ont plutôt cherché à oublier cet aspect, pour revenir aux considérations conventionnelles sur la stratégie ou sur le droit ou l'économie. Ce n'est pas un hasard si la peur de ces passions étreint les universitaires modernes. Car ces passions sont des passions qui se réfèrent au divin, à des essences transpersonnelles, comme cela se manifeste dans toutes les guerres.
(entretien paru dans Orion, n°8/1996). 
 

[Synergies Européennes, Orion (Milano) / NdSE (Bruxelles), Septembre, 1996]

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mercredi, 30 juillet 2008

Conversing with Alexander Zinoviev

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Conversing with Alexander Zinoviev

 

We all remember the great Soviet dissident Alexander Zinoviev, a lucid analyst not only of all the odds of the Soviet regime but also and especially of all the odds of the human soul, which lead unequivocally to all those forms of rigid totalitarianism. Today Zinoviev criticizes ”Westernikism” with an equal vigor as he criticized Soviet power before. “Westernikism” is in his eyes an American version of a Gleichschaltung of the human soul, which is equally mutilating as the former Soviet version. Because he formulated his sharp critiques under Breshnev's Soviet Union , he was deprived of his Soviet citizenship in the Seventies. Zinoviev was compelled to live a long exile abroad, in Munich in Bavaria , a City which gave a safe harbour to many more Russian emigrations. Zinoviev is now disgusted by the dominant "Westernikism" in the world and cannot accept its haughtiness. He decided thus to leave the West to go back to his Russian homeland. His last work published in Switzerland, La grande rupture (The Big Rupture; ed. L'Age d'Homme, Lausanne) is pushing and assaulting, but without any illusion, full of bitterness and lucidity. A lucidity that will lead him soon to be deprived of his access right to the main media, for having asserted clearly and sharply some truths that aren't universally accepted. Our correspondent in Paris, Xavier Cheneseau, met ex-Soviet dissident Zinoviev during one of his last stays in the French capital. Zinoviev was attended by his publisher and interpreter Slobodan Despot, who translated into French the Russian answers of the philosopher.

Q.: What do you mean by a "Big Rupture" in your book and which is the central topic of it?

AZ: The Western-European civilization is doubtless the greatest civilization of history. Its apex was incarnated by the development of the main Nation-States as Germany, Italy, Britain and France . At the beginning of the 20th century, the idea appeared of a definitive decay of this civilization, that from then on was perceived as exhausted and mortal. Today one thing is certain: after having allowed the development of a superior organization system, the Western European civilization undergoes history and is not making it anymore. The rupture, that I define in my book, appeared immediately after the Western victory in the Cold War, followed by the crumbling down of the Soviet Block and the transformation of the United States in the only remaining Super-State of our Planet, ruling the entire Western world without any serious challenger.

Q.: According to you, how things evolved towards this situation?

AZ: You can explain it by saying that a new level of an organization that is superior than the one ruling the Western societies, was created, also by the fact that all Western societies were integrated in one single unity, which is a super-civilization, in comparison with the Western civilization, and, endly, by the fact that a World Order was instaured under the leading of the Western world. I was astonished some years ago to state that there was a real and a virtual dimension in every thing. The virtual world is now the dominant culture of nowadays people. In fact, people today perceive the real world through the expedient of this virtual world. They only perceive what the virtual world authorizes them to see. The virtual world doen't express the world as it is in plain reality.

Q.: According to you, do we still live in a democracy in the context of what you are describing us?

AZ: If you want a democracy to exist actually, you need to accept the possibility of a choice, thus you need plurality. During the Cold World, there was a plurality in the world, i. e. the actual possibility of a democracy: you had the coexistence of a communist system, of a capitalist system and of a group of other countries, which were named the "non-aligned". The Soviet Block was influenced by the critiques from the West and the West was influenced by the Soviet Union, due to the fact that communist parties were active on the political checkboards of the Western States. Today, you have only one ideology left, which serves exclusively the one-worldists. The belief that the future of human kind doesn't lay in communism anymore but in americanism (the superior form of Westernikism) is a belief shared by a majority of Westerners.

Q.: Nevertheless in Europe and notably in France , you find, despite of all, political forces that still oppose this general trend…

AZ: The shear existence of those forces is only virtual, it is not real. Look and you will see that this kind of opposition is more and more formal. As a proof, look at the attitude of the European political class during the war against Serbia . Almost unanimously, this political class supported the aggression against this sovereign and free nation.

Q.: Are we then allowed to talk about totalitarianism?

AZ: Totalitarianism spreads itself everywhere because the supranational structure impose its rule and law to all nations. There is a non democratic superstructure, which is giving orders, punishes, organizes blocades, bombs and lets people starve. Financial totalitarianism submitted the political powers. Totalitarianism is a cold ideology. It has no feelings and expresses no pity. Besides, we must accept the fact that people do not resist a bank, but can eventually compel any political dictature to handle or leave power.

 

Q.: Nevertheless, we can say that the system can explode due to the social situation in our countries…

 

AZ: Please, don't display naively illusions. Movements of that sort aren't possible anymore, because the working class has been replaced by the workless, who are in an extremely weak position, and only aspire to one thing; to get a job.

 

Q.: If I follow your words, you tell me that our societies aren't democratic…

 

AZ: The historical period of the all-pervading democracy of Western style belongs now to the past, because the end of communism introduced us fully in the post-democratic era.

 

Q.: Which is the role and the power of the media in such a situation?

 

AZ: The role of the media is that of a very important bolt that can work owing to a genuine sphere, which extends without measure the presence and the activity of the capital and the State's interests. It's one of the main pillars on which the Western system settles. The media represent the most powerful instrument to shape the tastes and the forms of knowledge shared by the big mass of people in the world. Today the media represent a real instrument to influence directly the masses. The media interfere in all the sphres of society: sports, everyday life, economics and, of course, politics. Everything becomes an aim for the media. They exert a totalitarian power on the people living nowadays, and even worse, they arrogated for themselves the function of the great arbitrator in the ideological choices.

 

Q.: How can we in your eyes organize the struggle against this "media-cracy" that surrounds us?

 

AZ: It's an historical struggle. We are the witnesses of history but we also take a part in it. We have to take into account the historical time because we have to bring thousands and even millions of people into movement, without having the certainty to win the battle. We have to take into account the fact that millions of people are today the victims of the mediatic contagion. We simply have to take the exemple of the war against Serbia to state that the number of contaminated people is huge. Moreover we must be always on the look-out in order that our attention may not be deviated by the mediatic smoke curtain.

 

Q.: How do you see the access to power of Vladimir Putin?

 

AZ: Putin's access to power is indeed the first sign of an interior resistance against globalization and americanization. But Putin's success depends in the end and despite of all from factors that are exterior to Russia.

 

Q.: We hear a lot about a survival of communist ideology in Russia today…

 

AZ: What do yo mean? Ideas are eternal. The marxist form of communism in Russia has been severely defeated. It survives marginally but isn't operational anymore. Today you cannot start anything with this ideology. As a proof, I would mention the Russian Communist Party itself, which doesn't evoke the Revolution anymore. The communists don't refer to the dictature of the proletariat and evolve even towards liberalism in a certain way.

 

Q.: Mr. Zinoviev, we thank you for this interview.

 

(Interview taken for "Synergon" by Xavier Cheneseau and translated into French by Slobodan Despot and into English by Robert Steuckers).      

 

samedi, 21 juin 2008

Jean Mabire: artiste et partisan

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Artiste et partisan

Entretien avec Jean Mabire

Journaliste, historien, écrivain, Jean Mabire est un homme de style. Attaché à la civilisation européenne, dirigeant d' Europe Action et fondateur du GRECE, il a été de tous les combats identitaires. Critique littéraire à National Hebdo, membre du Comité de rédaction d' Eléments et du Comité de parrainage de Nouvelle Ecole, Jean Mabire nous a reçu pour parler en toute liberté du combat identitaire qui est le nôtre.

Q.: Pour vous quelle est la finalité du combat identi­taire?

Le véritable sens de notre lutte apparaît de plus en plus clairement: c'est la défense de l'individu contre les robots et, par conséquent, celle des patries contre le mondialis­me. Pour nous, chaque homme comme chaque nation pos­sè­de une personnalité irréductible. Aussi, je ne vois pas pour­quoi je devrais m'excuser de parler à la première per­sonne du singulier.

Q.: Et vous, comment participez-vous au mouvement identitaire?

Je ressens profondément la nécessité de concilier deux at­titudes, apparemment contradictoires: celle de l'artiste et celle du partisan. Cette rencontre est pour moi une que­stion de goût personnel. C'est aussi un problème de sens politique: je crois qu'on ne peut rien construire sans une certaine recherche esthétique. Mais celle-ci devient stérile sans une profonde rigueur doctrinale. Résultat pratique: je ne suis ni un bon écrivain ni un bon militant. Je triche un peu sur les deux attitudes. Mais elles remplissent tous mes jours et bien de mes nuits. Voici des images pour m'ex­pli­quer. Celle-ci, par exemple: il est des lieux où je me suis sen­ti parfaitement moi-même; dans le grand hall de la Bi­blio­thèque nationale et sur la place d'armes d'un Régiment parachutiste. Le vertige et la plénitude que m'offrent les li­vres ne sont pas si éloignés de ceux que m'apportaient les sauts. La pensée et l'action ont toujours pour moi marché cô­te à côte, au pas fiévreux de la recherche ou au pas tran­quille de la certitude.

Q.: Au fait, comment êtes-vous devenu écrivain?

On croit être né pour une carrière d'officier, d'architecte ou d'avocat (c'était bien porté dans ma famille). Et puis les ha­sards, les amis et les guerres vous lancent dans d'étranges batailles. J'ai commencé à écrire parce que je haïssais tout autant le silence que le bruit et que mon pays était devenu silencieux et bruyant. A la barre d'une revue culturelle: Wi­king; dans les soutes d'un quotidien départemental: La Presse de la Manche; sur le pont d'un journal politique: L'Es­prit public; ou au pied du mât avec mon livre sur Drieu.

Q.: Je reviens à ma question initiale: comment êtes-vous devenu écrivain?

Cela me fait souffrir quand on m'appelle écrivain. Ecrire pour moi n'est pas un plaisir ni un privilège. C'est un service comme un autre. Rédiger un article ou distribuer un tract sont des actes de même valeur. Chacun sert où il peut. C'est une question de tempérament et d'efficacité. Non de mérite, et encore moins de hiérarchie. Dans notre aristo­cratie militante, nous sommes parfaitement démocrates et même égalitaires. Nous ne sommes pas de ces intellectuels de gauche qui se sentent supérieurs aux employés, aux ouvriers ou aux paysans de leur propre peuple.

Q.: Pour vous, qu'est-ce que le nationalisme?

Le nationalisme, c'est d'abord reconnaître ce caractère sa­cré que possède chaque homme et chaque femme de notre pays et de notre sang. Notre amitié doit préfigurer cette unanimité populaire qui reste le but final de notre action, une prise de conscience de notre solidarité héréditaire et inaliénable. En quelque sorte, c'est une certaine forme de socialisme !

Q.: Il s'agit d'une véritable conception du monde...

J'espère être assez artiste pour exprimer d'une manière li­sible notre conception du monde et de la vie. Mais j'essaye d'être assez partisan pour ne pas transformer en jeu d'adresse et en exercice de sty1e ce qui demeure la chair et l'esprit de notre combat. Si je hais tout sectarisme, je n'en méconnais pas moins les nécessités de la discipline et même de la brutalité. Je sais qu'il est des dialogues qu'il faut clore et des amitiés qu'il faut briser. Les écrivains po­litiques doivent accepter ces injures qui font aussi mal que des coups. Je me bats avec les armes qui sont les miennes. Ce ne sont pas les seules. Nos ennemis se battent sur tous les fronts. Nous aussi, nous devons être partout. Dans la rue comme dans la presse.

Q.: Vous êtes direct…

Nous sommes des amants éperdus de la liberté.

Q.: Qui détestez vous le plus ?

Je déteste ces écrivains qui font un petit tour dans la poli­ti­que et se retirent à temps, lorsque leurs idées commen­cent à se transformer en actes entre des mains un peu é­ner­giques. Ils ne savent plus que dire: "Nous n'avions pas vou­lu cela!" Les belles âmes! Les salauds!

Q.: Ecrire peut être un jeu dangereux...

C'est la seule noblesse de l'écrivain, sa seule manière de participer aux luttes de la vie. L'écrivain politique ne peut se séparer du militant politique. Le penseur ne peut aban­donner le guerrier. Un certain nombre d'hommes de ce pays ont sauvé et l'honneur des lettres et l'honneur des armes. Ils ne furent pas tous du même camp, mais ils sont nos frè­res et nos exemples. Je pense à Saint-Exupéry, abattu au cours d'une mission aérienne; je pense à Robert Brasillach, fusillé à Montrouge; je pense à Drieu La Rochelle, acculé au suicide dans sa cachette parisienne; je pense à Jean Pré­vost exécuté dans le maquis du Vercors. Ceux-là n'ont pas triché. Ils n'ont pas abandonné les jeunes gens impatients et généreux qui leur avaient demandé des raisons de vivre et de mourir et qu'ils avaient engagés sur la voie étroite, rocailleuse et vertigineuse de l'honneur et de la fidélité. Au­jourd'hui, nous sommes là, avec nos certitudes et nos es­pérances.

(Propos recueillis par Xavier CHENESEAU).

samedi, 12 avril 2008

L'itinéraire personnel d'Urbain Decat

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Un itinéraire personnel du socialisme flamand au Vlaams Blok

Entretien avec Urbain Decat, cofondateur des "Rode Leeuwen"

 

«Le parti socialiste flamand a trahi le combat populaire pour l'émancipation. A l'heure de la globalisation néo-libérale, le Vlaams Blok reprend le flambeau», nous déclare Urbain Decat, conseiller communal VB à Schaerbeek

 

Monsieur Decat, votre itinéraire est tout à fait in­ha­bi­tuel. Vous étiez au départ un militant socialiste con­vain­cu, vous avez milité pendant toute votre vie pour le triomphe de la plus grande idée de la philosophie des Lumières, l'émancipation, la sortie de l'homme hors de sa minorité (Kant); vous avez été professeur de "morale laïque" dans une grande école secondaire de la région bru­xelloise, vous avez présidé à l'Université à la forma­tion permanente de vos jeunes collègues et vous vous re­trouvez aujourd'hui dans les rangs du Vlaams Blok, un parti que vos anciens camarades et collègues considè­rent comme l'antithèse exacte de vos anciens engage­ments. Pouvez-vous nous expliquer cette anomalie  —vo­tre anomalie—  dans le paysage politique flamand?

 

Personnellement, je suis issu d'une vieille famille libérale (an­ti-cléricale) mais flamingante, soucieuse de l'émancipa­tion du peuple flamand face à la double emprise de la fran­cophonie et du cléricalisme. Mon arrière-grand-père fut ain­si l'un des fondateurs du Willemsfonds, la grande fonda­tion culturelle libérale flamande, dans les années 1870, au moment où le Kulturkampf de Bismarck luttait contre l'em­prise cléricale en Allemagne. Mais le Kulturkampf laïque et germanique n'a pas réussi en Flandre: le cléricalisme catho­lique romain le plus obtus a mis la main sur le mouvement fla­mand, ruinant à l'avance toute tentative d'émancipation à l'allemande. Ma famille a pris ses distances avec le fla­min­gantisme institutionnel. Elle a conservé son idéal indé­pendantiste flamand, mais elle refusait le joug clérical, ne vou­lait pas de la tutelle cléricale sur le mouvement fla­mand et, a fortiori, sur une Flandre qui serait devenue in­dé­pendante. Le clivage cléricalisme/anti-cléricalisme a été dé­terminant dans toute l'histoire de la Belgique indépen­dante, jusque dans les années 60. Mais l'emprise de l'Eglise sur le mouvement flamand a contraint les anti-cléricaux à changer de priorité, à abandonner la lutte pour l'émanci­pation flamande.

 

Dans ma jeunesse, vers 16 ou 17 ans, j'ai atterri dans le mou­­vement socialiste, tout en gardant les positions flamin­gantes, héritées de mon contexte familial. Oui je suis fier d'être Flamand, mais pas à la mode de ce nationalisme pé­tri de cléricalisme, de pensées pieuses. Ce nationalisme-là idéalise les "belles âmes", les "bons paroissiens", les "ver­tueux sans tripes ni bite". Je constate que cette imagerie d'E­pinal a réussi à fabriquer un bon petit peuple de couil­lons (l'expression existe: een arm klootjesvolk). De cela, je ne tire aucune fierté: je ne veux pas appartenir à un peu­ple qui ressemble à des chromos à la Saint-Sulpice. Je veux des durs à cuire, des gars au verbe haut et peu châtié, des cogneurs, des tombeurs de filles, des têtes de lard. Car ils sont toujours l'incarnation de la liberté d'action et de senti­ments. Mais ce type d'homme n'apparaîtra que dans une Flan­dre véritablement émancipée et indépendante. L'indé­pen­dance met les peuples devant leurs responsabilités. Leur donne un but, une fierté. Les Flamands feront comme les Français ou les Allemands (bien que la fierté nationale, là-bas à l'Est, en a pris un coup dans le processus de "réé­du­cation" mis en œuvre par les Américains après 1945).

 

Passivité flamande dans la question autrichienne

 

Prenons un exemple actuel: Louis Michel, Ministre des Af­fai­res Etrangères du Royaume de Belgique, parvient à con­tour­ner la majorité flamande dans la question autrichien­ne. On sait que seulement 10% des Flamands sont en faveur des mesures de rétorsion préconisées par Michel contre l'Au­triche, parce que le peuple autrichien n'a pas voté com­me cela lui aurait plu! Même en Wallonie, région plus ma­tra­quée par les folies austrophobes fabriquées à Paris, seu­le une minorité de 30% donne raison sur ce plan à Michel. A Bruxelles, ville plus cosmopolite, 34% sont en faveur du boy­cott. L'affaire autrichienne, qui a excité les esprits en ce printemps 2000,  démontre que les Flamands, et leur per­­son­nel politique, sont passifs, se laissent embobiner dans une politique française, imposée par les relais franco­phones du Quai d'Orsay, de l'Alliance française ou d'autres “services spéciaux” de la République une-et-indivisible  en Wallonie. Les Flamands n'ont pas eu le courage civique et na­tional de dénoncer ce jeu malsain de la France chez nous et à Vienne, alors qu'ils sont majoritaires et qu'une simple fermeté aurait pu provoquer la démission de Michel et con­fondre les manigances de Chirac et de Jospin au niveau eu­ro­péen. Ceci dit, malgré le fait que je déplore amèrement la faiblesse politique de mon peuple, je reste flamingant au sens historique du terme. 

 

Revenons à votre engagement socialiste, quand vous étiez adolescent…

 

UD: Quand j'avais 16 ou 17 ans, je me suis effectivement en­gagé dans les rangs du parti socialiste belge, qui était en­core un parti unitaire, regroupant les fédérations fla­mandes et wallonnes. En 1963, l'année où l'on a déterminé définitivement le tracé de la frontière linguistique en Bel­gique, les choses ont bougé, notamment par une marche fla­mande sur Bruxelles (plus de 100.000 participants) et des incidents assez violents dans les six villages des Fourons. J'ha­bitais Landen, une petite ville flamande, qui faisait par­tie de la province de Liège, trilingue à l'époque, mais très majoritairement wallonne (les districts de Landen et des Fourons étaient flamands, ainsi que la vallée du Geer, perdue pour la Flandre aujourd'hui; les cantons d'Eupen et de Saint-Vith étaient et sont toujours germanophones). Avec le tracé de la frontière linguistique, à Landen, nous sou­haitions nous détacher de cette province très majoritai­rement wallonne et faire partie du Brabant (bilingue à l'é­poque, avant qu'elle n'ait été récemment scindée en deux provinces, l'une flamande, l'autre wallonne). Une minorité francophone à Landen (5%) souhaitait que notre ville restât liégeoise. Avec mes amis socialistes, mais aussi avec les mi­litants politiques flamands de toutes obédiences, nous nous sommes battus pour que Landen passe au Brabant. Ce ne fut pas un long combat: rapidement, on nous a donné rai­son et nous avons quitté le giron de la province de Liège, heu­reuse de se débarrasser d'une minorité néerlandophone qui aurait compliqué son administration.

 

En 1964, je suis venu habiter à Bruxelles et j'ai rejoint, dans la capitale, les sections du BSP/PSB (Belgische So­cia­listische Partij/Parti Socialiste Belge), dont les structures, à l'époque, étaient unitaires. A Bruxelles, les Flamands comp­taient pour du beurre, ils faisaient fonction de cin­quiè­me roue à la charrette. Jamais on ne leur donnait une pla­ce éligible. Lors des réunions, quand un militant ouvrier s'exprimait en néerlandais parce qu'il ne maîtrisait pas as­sez le français, les francophones l'insultaient, lui lançaient des "Ta gueule!". Tout cela m'a rapidement échauffé les o­reilles. Pas question pour moi de me faire traiter de tous les noms ni de subir cette hystérie. J'ai donc milité au sein du parti socialiste pour briser cet unitarisme qui était un mar­ché de dupes, pour nous Flamands. Nous avons donc fon­dé à la fin des années soixante et au début des années sep­tante les "Rode Leeuwen" (= les Lions Rouges), une struc­ture autonome des socialistes flamands, prélude à la scission du parti en deux entités indépendantes l'une de l'autre: le PS wallon et francophone, et le SP flamand. Plus exactement en trois entités, avec le SP germanophone à Eupen et à Saint-Vith. En 1970, j'ai démissionné. L'aventure de la fondation des "Rode Leeuwen" était terminée, pour laisser la place au personnel politique belge habituel: les pense-petits, les arrivistes, les carriéristes à la petite se­maine, les politicards véreux, les obséquieux qui quéman­dent un logement social, une allocation, un petit boulot, etc. Ce zoo ne me convient pas. Je suis dès lors resté un "sans-parti" jusqu'en 1995, quand j'ai adhéré au Vlaams Blok, parti qui suscitait ma sympathie depuis quelques an­nées déjà, parce qu'il était le seul à proposer une rupture radicale dans le ronron politicien belge. Pendant ces vingt-cinq années, j'ai été professeur de morale laïque dans une grande école secondaire de la région bruxelloise et j'ai di­rigé les stages de formation pour mes jeunes collègues à la VUB (Vrije Universiteit Brussel).

 

Vous avez étudié la philosophie. Quels professeurs ont été vos maîtres, quels filons de la philosophie peuvent expliquer votre engagement et surtout votre passage du SP au VB?

 

UD: Quand j'entre à la VUB à dix-huit ans, l'esprit y était beau­coup plus ouvert qu'aujourd'hui. J'assiste actuellement à un effondrement dramatique du niveau philosophique et du niveau politique. A l'époque, le principe du libre examen signifiait encore quelque chose. On permettait aux étu­diants d'exercer leur sens critique. A fond. Avec la perti­nen­ce et l'insolence voulues. Les principes du libre-exami­nis­me ne s'étaient pas encore mués en des dogmes aussi fa­des qu'intangibles. Les prêtres de ce laïcisme étaient des phi­losophes critiques et pas encore une sinistre prêtraille ner­veuse et hystérique. Le ver est entré dans le fruit avec ce culte, venu de Paris, pour les Droits de l'Homme, qui n'a plus rien à voir avec l'émancipation de l'homme "hors de la minorité qu'il s'était lui-même imposée" (Kant), mais con­stitue bel et bien l'émergence d'un nouveau catéchisme fi­gé, d'un éventail de dogmes rigides, que l'on ne peut ni cri­ti­quer ni adapter aux réalités du temps et de l'espace. Dans ce glissement progressif vers le dogmatisme, sous couleur d'une interprétation fallacieuse des droits de l'homme, j'ai vu l'émergence d'un nouveau cléricalisme, justement la men­talité que ma famille combattait depuis des géné­ra­tions.

 

Vertuisme politique, néo-cléricalisme, "political correctness", inquisition et ukases saugrenus 

 

Pire pour un garçon issu du laïcisme et de la libre pensée com­me moi: le vertuïsme politique, nouveau cléricalisme, la political correctness à la belge, est portée aujourd'hui par un dominicain acharné et obstiné, le R.P. Johan Leman, éminence grise et grand manitou de ce machin qui s'im­misce en tout dans le Royaume de Belgique aujourd'hui, le "Centre d'égalité des chances et de lutte contre le ra­cis­me". Les travers les plus saugrenus de l'idéologie des Lu­miè­res (mal comprise et mal digérée) sont imposés à coups d'ukases tout aussi saugrenus par un dominicain, qui, logi­que­ment, en tant qu'homme d'Eglise, devrait les com­bat­tre: telle est la contradiction majeure, et risible, du "dé­bat" en Belgique aujourd'hui. Mais peut-on parler de "dé­bat"? Non, évidemment. Nous avons affaire à un monologue collectif, à un ânonnement généralisé des mêmes poncifs é­culés. Comme vous pouvez le constater, je reste fidèle à l'i­dée cardinale de l'idéologie des Lumières: l'émancipation, la sortie volontaire de l'homme hors de sa minorité, la di­gni­té de l'homme libre, non prisonnier de dogmes mu­ti­lants. Or, nous voyons depuis plusieurs décennies que l'i­déologie des Lumières, idéologie de gauche, a sombré dans un gauchisme de plus en plus mièvre, jusqu'à se trans­for­mer en cette bouillie insipide qui inonde toute discussion au­jourd'hui, crée un marais où toute idéologie émergeante, constructive et contestatrice, risque l'enlisement. Cette bouil­lie insipide, qui se présente comme “inoffensive” et “dé­mocratique”, érige toutefois des “garde-fou” dogma­ti­ques pour ne pas être remise en question par des esprits au­dacieux, soucieux tout à la fois de ne pas poser de dog­mes intangibles et d'agir efficacement (constructivement) dans la société et au niveau du politique. Qui enfreint les “dogmes garde-fou” est condamné à l'opprobre médiatique, au cordon sanitaire, voire à la correctionnelle: c'est le re­tour de l'inquisition, la mort des libertés civiles et de la li­ber­té d'expression. Bref le retour à tout ce qu'un libre pen­seur cohérent comme moi abomine et exècre.

 

Des corrections au départ de Nietzsche

 

Pour éviter cet enlisement dramatique, il aurait fallu, de temps à autre, opérer des corrections au départ de corpus classés arbitrairement à droite, notamment en tenant compte des enseignements et des critiques de Nietzsche, et de toutes les écoles qu'il a fécondées. Malheureusement, se référer à Nietzsche et à ces écoles, c'est commettre aux yeux des pères-la-morale et des vertuïstes actuels, le pé­ché de "dextrisme". Les insolents sont considérés comme é­tant "de droite", ou comme des "fascistes". Que les inqui­si­teurs persécutent, que l'on étouffe sous le silence, à qui l'on barre toute carrière académique. Tout adepte cohérent de l'idéologie des Lumières ne peut que se révolter devant une telle situation! Donc, je me révolte. Et je crie ma ré­volte.

 

Dans les années 60, décennies où vous avez achevé vos études, le marxisme, le freudo-marxisme, les idées de Marcuse et de l'école de Francfort, l'existentialisme de Sartre étaient les mouvements d'opinion dominants. Vous vous en êtes réclamé, comme tous vos contem­po­rains, comme tous les étudiants de votre génération. Quel regard rétrospectif jetez-vous sur ce passé que l'on peut carrément qualifier de "soixante-huitard"?

 

UD:  Dans les années 60, il y avait des exégètes pertinents de la pensée de Marx, que je respecte et que je relis, mais c'é­tait surtout un Vulgärmarxismus, un marxisme vulgaire, qui dominait à l'Université. On a vu cela dans tous les pays d'Europe et aux Etats-Unis. Je ne dis pas que le marxisme y était mal enseigné, mais la masse des étudiants n'en rete­nait qu'une vulgate maladroite, appelée à terme à devenir un pot-pourri de dogmes stériles. Cette vulgate était insup­por­table, d'autant plus qu'elle était portée par ceux qui n'a­vaient jamais lu Marx! Le noyau intéressant du marxisme, que je me suis efforcé de retenir, était une petite fleur fra­gile: les manipulateurs de la vulgate l'ont fait crever. Ensui­te, le marxisme vulgaire de l'Université était mâtiné de théo­ries françaises, étrangères au contexte germanique de Marx. Notamment l'interprétation existentialiste du marxis­me proposée par Sartre.

 

Léopold Flam: une double lecture de Marx et de Nietzsche

 

J'ai suivi les cours du Professeur Léopold Flam, avant de de­ve­nir son assistant. Flam était issu de la communauté israé­lite de Belgique. Il avait fait de la résistance et les Alle­mands l'avaient interné à Buchenwald. Flam enseignait la pensée de Marx, sans être un dogmatique. Car, justement, il corrigeait les dérives gauchistes et néo-cléricales de la vul­gate marxiste par un recours à Nietzsche. Il fut le pre­mier à écrire dans une revue consacrée à la pédagogie de la philosophie que Nietzsche était par excellence le philo­so­phe de la jeunesse et que sa manière de voir le monde de­vait absolument être enseignée aux adolescents dans les écoles secondaires. Flam s'intéressait aussi à Heidegger et à sa philosophie de l'enracinement dans le sol (notamment le sol de la Forêt Noire, de la Souabe alémanique). Heidegger souligne la nécessité d'un ancrage, pour éviter les vatici­na­tions hors contexte, désarticulées, fumeuses, qui, à terme, servent d'instruments manipulateurs aux escrocs qui endor­ment les peuples pour mieux les enchaîner. Une combinai­son adroite de Marx, Nietzsche et Heidegger serait la re­cette idéale pour briser le dogmatisme actuel, qui aurait hé­rissé Flam, pour casser les reins à cette monstruosité qu'est la political correctness.

 

L'œuvre littéraire de Henri Bosco

 

Flam se référait à un autre auteur, un Français, un Proven­çal, Henri Bosco, pour étayer son discours sur le nécessaire ancrage anthropologique de l'homme dans un lieu, concret et clairement circonscrit dans l'espace. Bosco appartient à la catégorie des "écrivains du terroir", comme Giono, autre illustre Provençal, Maurice Genevoix et, plus récemment, Henri Vincenot. Flam a sans doute découvert cet auteur, cette fascination pour la Provence, via le lien qui unissait aussi Heidegger à ce Midi du Soleil. Je rappelle qu'il y a sé­journé avec René Char, découvrant aux abords des collines du Lubéron, un paysage "où l'origine n'était pas entière­ment voilée". Camus aussi, à la fin de sa vie, a été séduit par ce paysage, où son corps repose désormais, dans le pe­tit cimetière de Lourmarin. Henri Bosco, le Provençal pré­féré de Léopold Flam, était certes un écrivain du terroir, chan­tre de la Provence éternelle, de sa nature, de sa fau­ne, de sa flore, de ses habitants qui suivent des rythmes de vie simple et inchangés depuis des siècles. Mais derrière ce décor qu'on pourrait croire idyllique, serein, sans boulever­se­ments, la violence est toujours présente, prête, le cas échéant, à faire irruption à la surface. La violence n'est pas bannie de l'horizon du poète Bosco. Avec l'inspiration que lui a donnée Gérard de Nerval, les mystères, le suprasen­si­ble, les éléments magiques, les numines propres aux élé­ments de la nature peuplent ses romans et leur donnent une touche païenne, qui n'est pas sans rappeler l'œuvre de l'An­glais David Herbert Lawrence. Comme Camus, Flam glis­sait sans doute vers une acception plus enracinée de la gau­che intellectuelle, glissement diamétralement différent de celui, actuel, qui va vers la political correctness, en dé­pit de l'engouement pseudo-écologique d'une frange non né­gligeable de l'électorat.

 

"Urwüchsigkeit" et "Weltgefühl"  

 

Flam haïssait les "libres-penseurs" professionnels, les Frei­denker à faux nez, les bigots et les rombières du bataclan laïciste. Il détestait de tout son cœur ceux qui débitaient des dogmes. Qui érigeaient un nouveau cléricalisme. Flam n'ap­préciait que ceux qui allaient à la substance de la pen­sée, à l'Urwüchsigkeit, à la Vie des vitalistes, au Weltge­fühl. Il aimait les esprits ouverts, peu importent leurs en­ga­ge­ments ou leurs opinions périphériques.

 

Plus exactement, qu'est-ce que le marxisme pour vous?

 

UD: Le marxisme des années 60 était pour Flam, pour ses étu­diants et pour moi-même, une concession à la mode du temps, au Zeitgeist. Personnellement, je considère que le socialisme annoncé par Marx est le socialisme de la fin de l'aliénation (Entfremdung). Le socialisme n'est pas, en pre­mière instance, l'avènement de la "justice sociale" (car com­ment peut-on la quantifier?). Ni surtout ce moralisme qu'on essaie de nous vendre comme la quintessence des gau­ches aujourd'hui. Le socialisme, c'est donc la fin de l'a­lié­nation, pour tous les hommes en général, pour les tra­vail­leurs en particulier, victimes du manchestérisme et de l'exo­de rural au XIXième siècle. Pour Marx, le travailleur doit être le maître de son travail, et du produit de son tra­vail. Conserver un lien direct, immédiat, vital avec son activité professionnelle et avec le produit que celle-ci gé­nè­re. Tels sont ses leitmotive fondamentaux. A la suite de Léo­pold Flam, mon professeur, et de George Steiner, philo­sophe juif-allemand émigré en Angleterre à l'époque du na­tio­nal-socialisme, je constate une analogie entre ce désir de Marx et la pensée ancrée-enracinée de Heidegger. Celui-ci parlait d'un sentiment fondamental de l'homme, sans le­quel il est jeté dans la tourmente de l'existence: le "sich-zu-Hause-Fühlen", le "se-sentir-chez-soi", le "se-sentir-en-sa-maison". Le travailleur doit se sentir chez soi dans son usine, dans sa rue, dans sa ville, dans son pays, il doit être ancré, demeurer sûr de cet ancrage et ne plus être le jouet de forces supra-locales qui le manipulent comme un pion sur un échiquier ou qui spéculent sur son interchangeabilité permanente. Mon engagement au Vlaams Blok découle de là: je n'ai plus retrouvé dans la "libre-pensée" officielle (et dévoyée) le souci incontournable du "sich-zu-Hause-Füh­len", élément essentiel de toute anthropologie cohérente et viable. Beaucoup de mes camarades politiques du Vlaams Blok considèreront sans doute les propos que je tiens ici comme le reflet et l'expression d'une hérésie ou d'une aberration, mais j'affirme clairement que je vois dans le combat de mon nouveau parti une sorte de combat pro­to-marxiste. Le Manifeste du parti communiste de Marx (1844) contient pourtant des affirmations que n'importe quel homme de droite accepterait avec enthousiasme.

 

Le "Manifeste du parti communiste" de Marx: une lecture impérative pour tout homme "de droite"

 

Je cite de mémoire cet extrait du Manifeste de Marx: "Par­tout où elle [= la bourgeoisie] a conquis le pouvoir, elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens variés qui unissent l'homme féodal à ses su­périeurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du “paiement au comp­tant”. Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité peti­te-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a supprimé la dignité de l'individu devenu simple valeur d'é­change; aux innombrables libertés dûment garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l' unique et impito­ya­ble liberté de commerce. En un mot, à l'exploitation que mas­quaient les illusions religieuses et politiques, elle a sub­stitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activi­tés considérées jusqu'alors, avec un saint respect, comme vé­nérables. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'hom­me de science, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité tou­chan­te qui recouvrait les rapports familiaux et les a réduits à de simples rapports d'argent". Je vous le demande: quel hom­me de la droite véritable, de la droite des racines (j'y re­viens!) ne souscrirait-il pas à ces phrases de Marx et d'En­gels?

 

Aujourd'hui, cette synthèse marxo-heideggerienne, cette dou­ble revendication sociale et philosophique du droit "à être chez soi" ("Thuis zijn", thème central de la campagne du Vlaams Blok pour les élections communales du 8 octobre 2000) est notamment portée par le philosophe slovène Sla­voj Zizek, peu connu dans l'espace linguistique fran­cophone mais largement apprécié dans le monde anglophone, en Al­lemagne et aux Pays-Bas. Zizek va dans le même sens: il est hostile à la globalisation, parce qu'elle porte l'aliénation à son pinacle. Sa critique est nourrie de Marx et de Hei­deg­ger. Lui aussi dénonce l'idéologie “po­litiquement correcte”, avec son homme “multiculturel”, qui n'est, dit-il, qu'une ab­­straction totalement désincarnée. Donc une escroquerie. Donc un instrument de manipu­lation.  

 

Donc, pour vous, le malheur premier de l'homme, c'est l'a­liénation. Tout humaniste engagé en politique doit dès lors lutter contre les facteurs et les effets de l'alié­nation, aider ses contemporains plus faibles et plus dé­sorientés à s'en dégager…

UD: Oui. Aujourd'hui, l'aliénation a conduit à l'atomisation de nos sociétés, surtout dans les grandes villes. Bruxelles n'é­chappe évidemment pas à la règle. Les gens vivent barri­cadés chez eux, parce qu'ils n'ont plus envie de sortir  —la rue ne correspondant plus à leurs désirs de convivialité ou d'esthétique collectives—   ou parce qu'ils s'abreuvent de fic­tions cinématographiques, d'expériences de "seconde main", par films interposés. Dans un tel contexte, l'agora antique, le forum des citoyens libres, libres parce qu'ils pre­naient la parole en public, s'adressaient à leurs homolo­gues, n'est plus qu'un souvenir: c'est le comble de l'aliéna­tion. C'est aussi le message que nous a laissé Hannah Arendt. Ma position, de philosophe et d'homme engagé dans le seul parti révolutionnaire du pays (révolutionnaire jus­tement parce qu'il fait enrager tous les conformistes), c'est de m'insurger contre l'aliénation et ses formes multiples, de mettre toutes mes énergies à lutter contre les affres de l'aliénation. Je suis ainsi scrupuleusement la leçon de Marx, en tournant le dos à tout marxisme vulgaire, à tout "mar­xisme de parti" (partijmarxisme). Ce marxisme de parti est une escroquerie. Mon marxisme reste purement philoso­phique, il transcende largement les querelles politiques ou les querelles entre écoles. Avec Henri Lefèbvre, autre in­tellectuel en vue du PCF dans les années 50 et 60, je me dres­se contre le déracinement des hommes. Vous me dites qu'avec votre ami Guillaume Faye, ténor de la "Nouvelle Droi­te" dans les années 80, vous avez eu le privilège de dî­ner deux fois à la “Closerie des Lilas" à Paris avec Lefèbvre: je suis heureux de l'apprendre, cela confirme mes intui­tions. Depuis longtemps déjà, des passerelles auraient pu être jetées. Je suis fier d'être ainsi, à quelques années de dis­tance, sur la même longueur d'onde que Lefèbvre, ce grand maître de ma période universitaire.

 

Marx aurait donc été aussi "politiquement incorrect" que vous, s'il avait vécu aujourd'hui?

 

UD: Evidemment. Sa critique du consumérisme comme for­me la plus extrême de l'aliénation, où tous les hommes deviennent les esclaves de la marchandise, l'aurait mis radicalement en porte-à-faux par rapport à cet agence­ment complexe et aliénant de publicité et de mass-media que nous connaissons depuis quelques décennies. On ne parle jamais, chez les bigots laïcistes qui se piquent de marxisme, du "racisme" de Marx. Bon nombre de ses propos l'auraient conduit aujourd'hui devant un de ces tribunaux inquisitoriaux, issus de la Loi Moureaux, une loi qui doit son nom à cet ex-ministre de la Justice qui se prétend juste­ment son plus féal disciple au sein du PS francophone. En­core une belle contradiction dans notre "beau monde" politique! Philippe Moureaux exhorte ses ouailles socialistes à lire et à relire Marx, il n'a que cette exhortation à la bou­che… Mais, s'il veut être fidèle, par ailleurs, à l'esprit de sa fameuse loi contre le racisme, il devrait fournir à ses yes-men des versions dûment expurgées de Marx, sinon ils ris­que­raient d'enfreindre la loi qui porte son nom! Karl Marx était très fier, par exemple, d'appartenir à la culture alle­man­de, à l'appareil complexe de cette culture, mixte d'idéa­lisme, de kantisme, d'hegelianisme, de dialectique, de romantisme, etc. Je n'ai pas dit que Marx était fier d'ap­par­tenir aux aspects cucu de la culture allemande de son temps, au bric-à-brac Biedermeier, comme on disait à l'épo­que. Cette sous-culture, je le concède, il la vomissait. Ma position est analogue dans la Flandre d'aujourd'hui: qu'on ne me parle pas de cette fausse Flandre fabriquée par les cléricaux, où tous les Flamands seraient de pieux be­nêts bien chastes (vroom en kuis), humbles et souffrants sous les quolibets de leurs maîtres, décrits comme des per­vers impies. Mes modèles sont les Flamands combattants, entêtés, paillards, libertins, grands buveurs devant l'éter­nel, aventuriers et entreprenants.

 

Vous nous avez parlé de Léopold Flam. D'autres pro­fesseurs ont-ils influencé votre cheminement?

 

UD: Oui, sans doute avant tout Hubert Dethier. Ce phi­lo­sophe laïque s'inscrivait à ses débuts dans le filon de l'anti-humanisme français des années 60, qui entendait prendre le relais de Marx, quand il raillait, à la suite de Hegel, le culte des “belles âmes”. Dans le carnaval de la laïcité en Belgique, les dévots laïcards ont construit une vision tota­lement abstraite de l'homme, que critiquait Dethier, à la suite d'Althusser notamment. Mais Dethier est tombé dans le piège de la "nouvelle philosophie" des B. H. Lévy, des Glucksmann et consorts. Sa critique anti-humaniste a fait place à un mysticisme de Prisunic, où gargouillent tous les ingrédients de la vulgate dominante d'aujourd'hui. Je le dé­plo­re. Mais tant pis pour Dethier. Son anti-humanisme d'hier m'a aidé à me méfier des belles idées généreuses, qui ne camouflent généralement que du vide intellectuel ou des escroqueries véreuses. Hegel nous avait déjà averti, dans la dernière décennie du XVIIIième siècle, contre le cul­te des “belles âmes” (schöne Seelen). Ce culte est à la ba­se de toutes les abstractions morales ou éthiques qui veu­lent oblitérer la richesse infinie de l'homme vrai, de chair et de sang. Marx en riait. Je suis fidèle à son rire. Le formalisme philosophique de la VUB, mon université, a dé­bouché sur une triste philosophie de salon, un académisme infécond. Les pseudo-philosophes contemporains qui en sont issus et qui font des ravages dans les lycées et athé­nées se posent comme des "savants". Ils ne font que de la pa­raphrase, de la napraterij. Devant ce pandémonium, je me suis enfui à toutes jambes et j'ai abandonné mon poste de directeur de stages pour les professeurs de morale laï­que des athénées de la Région de Bruxelles.

 

Marxisme vulgaire et messianisme chez les trotskistes 

 

Parmi mes collègues, beaucoup venaient du trotskisme, ai­re idéologique où les militants, souvent, se sentent investis d'une mission, font montre d'une propension accentuée pour le messianisme. Ces personnages estimaient que leur mission était d'apporter aux masses, donc aux potaches, ce marxisme vulgaire (et non marxien!)  —justement celui qui épouvantait Flam—  afin qu'il devienne l'idéologie unique de la société, permettant ainsi de réaliser la parousie sur la terre. Mais, à l'analyse, leur internationalisme et leur pseu­do-solidarité sociale n'ont rien à voir avec Marx, avec son décryptage lucide des mécanismes du monde bourgeois. Le prêchi-prêcha internationaliste, on connaît. Tout le monde entonne la rengaine, y compris l'Eglise. C'est ainsi que la libre-pensée, sous la triple influence du marxisme vulgaire, du messianisme de nos trotskistes simplets et de la "nou­velle philosophie" des Lévy et consorts, est devenue un nou­veau cléricalisme. Il n'y a plus de différence fondamen­tale entre ce que nous racontent les curés et ce que nous se­rinent les libres penseurs. Tout est mêlé, mélangé dans une panade sans saveur.

 

Qu'entendez-vous, au fond, par “cléricalisme”? Chez vous, ce terme semble recouvrir davantage qu'une sim­ple critique de l'Eglise et de ses mécanismes de pouvoir et d'influence sur les esprits…

 

UD: Pour moi, la libre pensée, c'est tout à la fois le refus du paternalisme (d'être objet d'un paternalisme), de la tutelle (d'être mis sous tutelle), de la manipulation. C'est refuser que la population tout entière, ou une partie de la popu­la­tion, soit soumise à l'emprise d'une forme ou d'une autre de pa­ternalisme, de sollicitude artificielle, entraînant une dis­cri­mination, négative ou positive. Quand, en théorie, l'en­sem­ble de la population citoyenne (et par conséquent auto­ch­tone) a été émancipée des tutelles qui pesaient jadis sur elle, il a fallu inventer de nouvelles catégories d'“exclus”, à la fois afin d'avoir un prétexte pour relancer la dynamique de l'émancipation et de se donner un nouvel objet de pitié, d'apitoiement et de sollicitude, tous ingrédients dont les paternalistes désœuvrés ont un besoin pathologique. Cette nouvelle catégorie, ce sont les immigrés (et accessoirement les jeunes, les drogués, etc.). Les bourgeois à mauvaise cons­cience, les professionnels du paternalisme à tous crins et du charity business style dames patronnesses, ont trouvé dans ces strates plus récentes de nos populations urbaines de nouveaux objets de (fausse) sollicitude, qu'il faut choyer et paterner/materner, le cas échéant, en leur accordant des faveurs matérielles de toutes sortes, financées évidem­ment par le contribuable (cette fois sans discrimination).

 

Se venger des citoyens socialistes autochtones

 

On peut même avancer sans trop craindre de se tromper, que cette bourgeoisie, paternaliste en surface, égoïste dans le fond, qui a dû accorder des droits sociaux à nos pro­pres strates populaires et ouvrières, sous la pression des grèves et des mouvements syndicaux, cherche à se venger, consciemment ou inconsciemment, de notre peuple en ma­nipulant contre lui les catégories sociales issues de l'immi­gration (Il reste effectivement à faire la psychanalyse de cet engouement pro-immigrés, où les immigrés ont d'abord joué à leur insu le rôle de "jaunes", pour casser ou contour­ner les acquis sociaux des autochtones). Manipulation qui s'effectue par l'instrument de la "discrimination positive" (qui n'en reste pas moins une discrimination), par le chan­ta­ge moral, par l'exploitation du mal-vivre qu'engendrent la cohabitation de populations qui se connaissent mal et une intégration forcée qui ne se réalisera sans doute que lors­que les poules auront des dents, bien plantées dans de nou­velles maxillaires charnues, don providentiel de l'évolution (merci Darwin!).

 

Comment seront les dix prochaines années en Flandre à votre avis?

 

UD: Dans les dix prochaines années, l'emprise du néo-li­bé­ra­lisme se fera toujours plus pesante. Tout est déjà mar­ché. Et demain, ce sera encore pire. Notre société va bas­culer dans le consumérisme le plus forcené, entraînant l'ato­misation, l'aliénation absolue. Nous, militants identi­taires flamands, devront construire la réaction populaire contre ce désastre. Nous ne sommes pas la droite de l'ar­gent (du capitalisme), mais la droite des racines (celles que Camus et Flam ont découvertes dans la Provence du Lubé­ron, d'Henri Bosco et, pourquoi pas?, de Jean Giono). La droi­te des racines sera celle qui mènera en première ligne le combat contre l'aliénation. Elle devra clairement décla­rer la guerre au néo-libéralisme, idéologie de la globalisa­tion, donc de l'aliénation suprême. Certes, je suis conscient qu'en Flandre, aujourd'hui, le néo-libéralisme peut encore séduire: en apparence, il a réduit le taux de chômage; mais cette petite victoire, sans nul doute toute provisoire, n'ex­clut pas les très prochaines retombées tragiques de la glo­ba­lisation, dont l'immigration débridée et ses effets pervers ne sont qu'un aspect. Abattre les règles du protectionnisme me semble une aberration politique, car, quand les bar­rières régulatrices n'existent plus, nous tombons très vite dans la crise, au moindre choc conjoncturel.

 

Le libéralisme ne permet pas de réconcilier autochtones et immigrés

 

Le néo-libéralisme promet l'euphorie et la réconciliation en­tre les peuples; en bout de course, ce sera le contraire, l'affrontement, avec tout son cortège de tragédies. L'immi­gration, produit de la mondialisation en cours depuis plu­sieurs décennies, ne réconcilie pas les ouvriers autochtones et allochtones. Au contraire. On peut le déplorer, mais c'est ainsi: deux hommes issus de civilisations différentes se­ront les meilleurs amis du monde, si chacun possède un ter­ritoire, qu'il agence comme il l'entend, sur lequel il cons­truit la société de ses vœux, de ses aspirations pro­fondes ou perpétue celle de ses pères. Sur un même terri­toi­re, ces deux amis potentiels risquent de s'opposer, car leurs désirs se télescoperont et s'excluront mutuellement. Dans leurs usines, les ouvriers de chez nous parlent de leurs conquêtes féminines et de leurs libations. Difficile, dans ces deux domaines élémentaires, d'être sur la même lon­gueur d'onde avec un camarade issu d'une culture islami­que, où l'on ne parle pas des femmes de la même façon et où l'alcool est prohibé. Dans un tel contexte de mécom­pré­hension mutuelle, les hiatus se multiplient. Les uns et les au­tres se replient sur eux-mêmes. Le “sich-zu-Hause-Füh­len” disparaît du lieu de travail. Un puissant sentiment d'a­lié­nation naît. Et pas seulement à l'usine, sur le lieu du tra­vail. Aussi dans la rue. Psychologiquement, cette situation est très dure pour un large pourcentage de la population. Le sentiment d'insécurité en découle. Même les adversaires les plus acharnés de mon nouveau parti en conviendront, mais dissimuleront leur constat derrière un rideau d'hypo­cri­sies verbeuses, tenteront de maquiller la triste réalité que doivent vivre tant de nos contemporains.

 

Votre conclusion?

 

UD:  En dépit de tout, la lutte première à mener est la lut­te contre l'aliénation. Ce fut mon combat hier. C'est mon com­bat aujourd'hui. Ce sera mon combat demain.

 

(propos recueillis par Robert Steuckers).          

 

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mercredi, 20 février 2008

G. Miglio: une Europe impériale et fédéraliste

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Pour une Europe Impériale et fédéraliste, appuyée sur ses peuples

 

Entretien avec le Prof. Gianfranco MIGLIO

 

«L'Europe future renouera avec la formidable structure que fut le Saint Empire Romain de la Nation Germanique; elle ne sera pas une Europe des Etats-Nations comme le voulait De Gaulle ni une Europe d'Etats centralisés, comme actuel­lement. Les Américains s'en sont aperçus comme le prou­ve le récent discours de Clinton à Aix-la-Chapelle». Gianfranco Miglio n'est pas l'homme à se laisser aller à des vaticina­tions ou, pire, à des prophéties dictées par les passions et l'enthousiasme. Ses mots sur les mutations en cours dans les structures territoriales et politiques d'Europe revêtent dès lors une grande importance, car ils viennent d'un savant érudit qui, pendant des décennies, a perfectionné et déve­loppé des modèles constitutionnels et politiques qui ont été pris en considération en Italie du Nord mais aussi dans tou­te l'Europe.

 

Après un isolement studieux de quelques mois, le Profes­seur Miglio nous revient aujourd'hui tout ragaillardi et sa verve batailleuse anime chacun de ses paroles. Les temps changent, nous dit-il, et la vieille Europe semble se ré­veil­ler après les sombres décennies de la Guerre Froide, où l'équilibre (balance of power) se faisait entre les deux su­per-puissances qui, à Yalta, avaient hérité des destinées du monde.

 

Aujourd'hui, seuls les Etats-Unis demeurent en piste et c'est de là-bas que nous viennent des messages sans équivoque qui en disent long sur les idées et les préoccupations du gouvernement américain en ce qui concerne notre conti­nent. «L'idée est neuve et ancienne tout à la fois et elle se répand dans les secteurs les plus influents de la diplomatie européenne: cette idée, c'est celle du Saint Empire Romain de la Nation Germanique, explique Miglio, une idée impé­riale européenne qui ne doit effrayer personne. Car elle est prête à ouvrir un chapitre nouveau et très intéressant dans l'histoire millénaire de notre continent».

 

Q.: Professeur Miglio, le Président américain Bill Clinton vient de prendre acte de l'importance de la dévolution en Europe et des identités des vieilles nations euro­péennes, qui ont été englobées au cours de l'histoire dans les Etats nationaux issus des idées du XVIIIième siè­cle: la Lombardie, le Piémont, la Vénétie, la Ca­ta­lo­gne, la Silésie, etc. Vous attendiez-vous à cela?

 

GM: A mon avis, Clinton et ses hommes ont une vision de l'Eu­rope qui est également dépassée, parce les déclarations du Président américain ne m'enthousiasment nullement. Quoi qu'il en soit, c'est un fait avéré maintenant, que les hommes politiques américains se rendent compte que l'Eu­ro­pe est à la veille d'un changement profond et que les in­stitutions parlementaires qui ont fait l'efficacité de l'UE sont inexorablement sur le déclin. Dès lors, la possibilité est ouverte désormais de mener une opération de type fé­déral, actualisable par une refonte géopolitique générale interne. Les grandes régions, celles que l'on appelle les ma­cro-régions d'Europe, pourront, dans ce processus, se repo­si­tionner en dehors des Etats nationaux décadents et dé­pas­sés, qui les avaient avalées jadis.

 

Q.: Pour ce qui concerne plus spécifiquement notre aire géographique, nous pourrons assister à la renaissance de la Mitteleuropa?

 

GM: L'idée de Mitteleuropa est d'une brûlante actualité. Mais cette fois Berlin ne la conteste pas. Au contraire! La ca­pitale allemande est devenue le nouveau laboratoire po­litique du continent, où se construit une nouvelle civili­sation. Dans la culture allemande, une idée nouvelle est en train de germer. Prenons par exemple le Ministre des Af­faires étrangères d'Allemagne, Joschka Fischer. C'est un an­cien militant écologiste qui s'est converti à la Realpolitik, en abandonnant la démagogie de son ancien parti. Fischer a du génie, à mon avis, et il oppose désormais sa vision de l'Eu­rope à celle des Français.

 

Q.: Mais qu'en pensent les Français?

 

GM: Ils s'accrochent encore et toujours aux conceptions de De Gaulle, c'est-à-dire à une vision de l'Europe formée d'E­tats nationaux, de patries (ndt: au sens petit-nationalitaire du terme). Ce sont là des conceptions entièrement obso­lètes, inadaptés à la tâche qui nous attend. Les Etats na­tionaux actuels sont désormais en déliquescence à tous les niveaux. Pour parler comme Nietzsche, accélérons sa dis­parition! Fischer et les Allemands, au contraire, proposent une nouvelle mouture du Saint Empire Romain de la Nation Germanique. Pendant toute ma vie, j'ai étudié en long et en large le fonctionnement de cette structure continentale pondéreuse, au Moyen Age comme aux temps modernes.

 

Q.: Fonctionnait-elle mieux que les structures actuelles?

 

GM: Certainement mieux que l'Europe actuelle. L'Empire é­tait une structure multinationale qui servait aux Reichs­städten, aux Cités de l'Empire, à régler les conflits qui sur­gissent aux niveaux locaux. Mais pour le reste les commu­nautés urbaines ou locales avaient la liberté de s'auto-gou­verner, à promulguer leurs propres lois. L'autorité impé­riale les laissait en paix, au contraire de ce que fait Bru­xelles aujourd'hui.

 

Q.: De ce fait, vous avez un jugement favorable sur ce que vient de dire Umberto Bossi à propos du Saint Em­pire?

 

GM: Oui. Mais Bossi devrait se montrer plus calme quand il parle de l'Allemagne. Le “Quatrième Reich”, qu'il semble craindre, ne pourra pas exister dans une Europe conçue sur le mode impérial. Les Allemands ne veulent pas tout ger­maniser. Ils semblent menaçants dans la mesure où ils uti­li­sent ouvertement les bases de leur grande tradition cul­tu­rel­le européenne, mais Bossi est trop intelligent pour ne pas comprendre que le symbole du Saint Empire servira à re­lan­cer une fédération de peuples européens libres et sou­verains.

 

Q.: Dans la structure impériale européenne, basée sur les cultures et sur les identités des peuples, les popu­la­tions du Mezzogiorno italien ont-elles leur place? Comme l'a écrit le philologue vénétien Gualtiero Ciola, nous, Padaniens, sommes les héritiers des Celtes et des Lombards, peuples présents dans toute l'Europe conti­nen­tale. Qu'en est-il alors des peuples de l'espace mé­di­terranéen?

 

GM: Votre observation est juste. La partie de l'Europe qui est baignée par la Méditerranée a des traditions et des cul­tures différentes de celles qui animent le continent et dont fait partie la Padanie. La Padanie est une terre de la Mit­teleuropa et devra nécessairement tourner ses regards vers les peuples de cette Mitteleuropa. Mais sans oublier les liens commercieux et les liens de bons voisinage avec les Eu­ropéens de la Méditerranée. Du reste, nous ne devons pas oublier que la première guerre mondiale a éclaté quand le Kaiser allemand Guillaume II a manifesté son intention de construire une grande voie de chemin de fer à travers tout notre continent pour arriver à Bagdad. Il y a eu tou­jours des échanges intenses entre la Mitteleuropa et les Bal­kans, comme il faudra maintenir, dès aujourd'hui, des rap­ports profonds entre l'Europe continentale et l'Europe méditerranéenne.

 

Q.: Quels seront alors nos rapports avec l'Est, avec la Russie qui subit un ressac important?

 

GM: Je pense que les futurs rapports entre l'Europe et la Russie seront profitables aux deux parties. Surtout pour con­trebalancer l'hyper-puissance américaine.

 

Q.: Suivez-vous toujours les initiatives politiques de la Lega Nord?

 

GM: Je les suis avec le plus extrême intérêt. Pour moi, les idées “liguistes” sont centrales aujourd'hui. L'idée d'une Eu­rope des régions et des peuples peut recevoir un appui fon­damental par une action politique au sein du Carroccio, par­tant du niveau régional. Bossi doit continuer à brandir bien haut la bannière de la dévolution et de la “question septentrionale”. Je crois que, finalement, le processus de la fédéralisation s'est mis en marche et la Padanie, dans ce jeu, jouera sa part. Elle sera actrice et protagoniste dans ce prochain grand changement.

 

(propos recueillis par Gianluca SAVOINI et parus dans La Padania, le 15 juin 2000; http://www.lapadania.com).

mardi, 12 février 2008

National suicide and demographic decline in France

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National suicide and demographic decline in France

A translation by Fred Scrooby of an interview with Yves-Marie Laulan, author of Les Nations Suicidaires (1998).  Yves-Marie Laulon, economist and banker, has had a varied career that has taken him from French government cabinet posts to such international institutions as the International Monetary Fund, the World Bank, and NATO, as well as positions with Société Générale de Banques and Crédit Municipal of Paris.  He has taught in a number of universities, including the Institute for Political Studies in Paris.  He has published a dozen works on economics and geopolitics in France and abroad.

The interview was conducted by Xavier Cheneseau, and was published Dec. 28 at Robert Steuckers’ Euro-Synergies website.  The original entry doesn’t give the interview’s date.  (Judging by certain details in the text, it may be a few years old.)

Xavier Cheneseau: With regard to demographics you seem willfully pessimistic …

Yves-Marie Laulan: It isn’t the author’s comments that are violent but the situation that is violent.

In fact it’s already nearly too late.  Demographic phenomena — the ones I’m dealing with, at any rate — have this special characteristic, that they are slow and they proceed largely unnoticed, precisely until it is too late.

Wartime ravages can be repaired in a few years — Germany and France managed it.  Recovery from the consequences of an economic crisis doesn’t take long.  But demographic damage can take decades, even centuries, to recover from — when recovery is possible at all. […]

But you’re partly right:  I’ve deliberately taken a provocative tone, because you need to make a loud racket to awaken the deaf.  And look at the dumbed down, dullened public opinion we are dealing with, anesthetized by daily bombardment with mass media!  Where filtering of information is concerned, today’s France resembles Ceaucescu’s Romania, only a more efficient version. 

Faced with this situation, a dissident having ideas that are out of the ordinary, such as myself — Soviet Russia’s Samizdat, as Pierre Chaunu calls it — humbly cherishes the hope, perhaps, of being, if possible, the watcher at dawn spoken of in the Bible (Isaiah), the one who remains alone at his post all night waiting for the dawn to break.

XCh: How do you explain that we are faced with one of the most terrible demographic winters?

YML: Why, when living standards are breaking all records and humanity in general — Western women in particular — have never been so well off, are we seeing a birth-rate collapse?  This phenomenon is of course denied or obfuscated by those certified liars, our official demographers, who are to today’s demographic realities what Radio Paris was to the news during the German Occupation.

The following are the phenomenon’s main causes:

Western women don’t want, or are unable, to have children.

The famous Barbie doll we hear so much about these days represents very well the way in which women are viewed in our satiated, sterile societies.  Neither mother nor wife, but girlfriend on and off, she reigns supreme in her own enchanted universe based on sex (a little), sports (a lot), career (enormously), and finally, her body (totally).  She aspires to be a man in every respect, for Western society has been incapable of giving a satisfactory answer to the great 20th-Century challenge:  How to achieve the emancipation of women?  How to arrange for women to reconcile in reasonable ways their roles of mother — indispensable, both biologically and culturally, for the perpetuation of the species — and career, no less necessary?  Go put that question to Monsieur Juppé.

There has also been the shameless success of homosexuals — who aren’t exactly known for their natural fecundity.  Acceptable in private when engaged in with decent discretion, homosexuality has instead become aggressive and proselytizing, as seen with homosexual “civil unions.” Homosexuals demand society’s recognition and consideration normally reserved for fathers and mothers of families, nay even greater consideration — which says a lot about the reversal of values in our societies that seem bent on suicide.

We could add lots of other factors, such as the culture of death so rightly denounced by Pope John Paul II, with mass abortions paid for by government health insurance — no less! — and the mass media’s “humanitarianism” which endlessly attacks the strong traditional values of honor, hard work, dignity, family, sacrifice and being satisfied with what you have, etc.  Don’t even get me started on that subject, or you’ll think you’re talking to a flesh-and-blood preacher!

XCh: Isn’t this demographic winter a manifestation of abdication of responsibilities?

YML: That’s the fundamental cause.  For thirty years we’ve sat helpless and resigned as we watched a generalized abdication of responsibility at all levels.  Irresponsibility on the part of young men who no longer want to take on the responsibilities of fatherhood and being heads of families.  Irresponsibility on the part of young women who no longer want to bring babies into the world but prefer buying little dogs to keep them company (it’s true dogs don’t pay into Social Security but hey, no one’s perfect).  Irresponsibility on the part of politicians who are ready to sacrifice our nation’s future if it means safeguarding their precious chances in the next election ("Don’t get anyone mad at you, and ‘Après moi, le déluge!’ “).  Irresponsibility on the part of officials and bureaucrats who always want more employees for their offices, more salary increases, more perks and bonuses, and shorter work-weeks. 

France is transforming itself, guided by socialists (but the right has scarcely been any better), into a gigantic camp of welfare recipients of every variety.  Furthermore, in view of the fact that 57% of gross domestic product is redistributed, one can confidently say that one Frenchman out of two is on welfare, therefore irresponsible.

XCh: By combining individualism with a certain numbing comfort isn’t France putting itself on the slippery slope that leads to exiting history altogether?

YML: In our time France has already exited history.  On tiptoe.  She’ll re-enter it perhaps, one day, but that’s another story — for now, we’ve already given up two major attributes of sovereignty, things which make it that a nation exists in the world, namely our currency, replaced by the euro […] (whose rate of exchange is decided in Frankfurt) […and] the French army, now more like a police auxiliary in the service of NATO and our allies. 

Europe today is not on an ascent toward something better but is stumbling forward while our politicians seek to preserve their generous parliamentary incomes as they shift all hard decisions onto Brussels.  It is no longer the borderless Europe of François Perroux but the faceless Europe of Jacques Delors, the Europe of quitting, of cowardice, of shirking.  The amazing thing is how the French, as if in a daze, stay mute and fail to react in the face of such mutilations of their sovereignty as are being imposed on them.  They’ll demonstrate en masse against dove hunting but have no reaction to homosexual “civil unions” or the Amsterdam Treaty.  They are no longer a population of sheep but a lemming colony.  And it’s claimed they are “ungovernable.” Not true.  They are manipulated exactly as is wished, and made to swallow anything.

XCh: Is there no sign of a healthy reaction?

YML: None for the moment.  The electroencephalogram tracing shows a flat line and the patient is profoundly comatose.

XCh: Do you think France will survive the 20th Century?

YML: It depends on what you mean by “survive.” If it’s a question of a population provided with more or less recent national ID cards together, of course, with national health-service cards, Frenchmen may well survive — after all, the recipes for cassoulet, duck magret, and tripes à la mode de Caen won’t disappear.  And there’s also soccer. 

But if it’s a question of a people proud of its past and concerned for its destiny as a nation, taking pride in its presence in the world and in its place among the nations of Europe, that’s a completely different story.  Because of its demographic evolution characterized by internal demographic collapse, the shortfall to be made up by massive immigrant populations, France stands a good chance of becoming what could be called an unfortunate society which will have difficulty overcoming the internal contradictions she herself has created.  Populated by large minorities aspiring to be majorities, very different in their culture and values and therefore rivals, France will become a country in which simply maintaining public order will require the mobilization of all domestic resources to preserve a semblance of social order.  Furthermore, unlike the United States which has accepted the harsh disciplines of a liberalism that has created wealth and jobs, France adopts inept measures, for example the disastrous 35-hour work-week, the laughing stock of the civilized world. 

Such societies cannot pretend to have a foreign policy or a national defense but will be limited to (what is already a lot for them) simple preoccupations of maintaining order, within the framework of a régime that more and more resembles a police state, and a more and more nationalized economy, as seen in the cases of many African countries and Lebanon. 

If that’s what is meant by “survive” then yes, France has a chance to survive — but in what condition!

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