Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 27 mai 2011

Intervention de Robert Steuckers sur l'euro (décembre 2001)

Archives de "Synergies Européennes" (2001)

 

L'Euro ne sera une véritable monnaie que si l'Europe est forte et souveraine !

 

Intervention de Robert Steuckers lors du colloque sur l'Euro à Paris-Saint-Germain, 13 décembre 2001, et lors d'une réunion de “Renaissance Européenne", Bruxelles, 20 décembre 2001 

 

euro-money.jpgChers amis,

 

A moins de trois semaines de l'introduction officielle de l'Euro dans l'UE, à l'exception du Royaume-Uni, du Danemark et de la Suède, je voudrais rappeler trois faisceaux de faits, qui doivent encadrer toute pensée sur la nouvelle monnaie unique, que cette pensée lui soit hostile ou favorable. Je ne suis pas un économiste et Monsieur Chalumeau, ici présent, vous présentera le volet économique de l'introduction de l'Euro avec beaucoup plus de brio que moi. Mon propos sera donc de donner quelques idées cadres et de rappeler quelques faits historiques.

 

(1)     D'abord, l'Euro n'est pas la première monnaie à vocation européenne ou internationale. L'Union latine, de la fin du 19ième siècle à 1918, a introduit une monnaie supranationale partagée par la France, la Belgique, la Suisse, la Grèce, plus tard l'Espagne et le Portugal, suivis de la Russie et de certains pays d'Amérique latine. La première guerre mondiale, ayant créé des disparités énormes, a mis fin à ce projet d'unification monétaire, dont le moteur était la France avec son franc-or. L'Euro, dans cette perspective, n'est donc pas une nouveauté.

(2)     Sur base du souvenir de l'Union latine et sur base des volontés, à l'époque antagonistes, de créer l'Europe économique autour de la nouvelle puissance industrielle allemande, l'idée de créer une monnaie pour le continent européen tout entier n'est pas a priori une mauvaise idée, bien au contraire. Le principe est bon et pourrait favoriser les transactions à l'intérieur de l'aire civilisationnelle européenne. Mais si le principe est bon, la réalité politique actuelle rend l'Europe inapte, pour l'instant, à garantir la solidité d'une telle monnaie, contrairement à l'époque de l'Union latine, où la position militaire des nations européennes demeurait prépondérante dans le monde.

(3)     L'Europe est incapable de garantir la monnaie qu'elle se donne aujourd'hui parce qu'elle subit un terrible déficit de souveraineté. Dans son ensemble, l'Europe est un géant économique et un nain politique: on a répété cette comparaison à satiété et à juste titre. Quant aux Etats nationaux, même les deux principaux Etats du sous-continent européen, membres de l'UE, la France et l'Allemagne, ne peuvent prétendre à l'exercice d'une souveraineté capable de résister voire de battre la seule puissance véritablement souveraine du monde unipolaire actuel, c'est-à-dire les Etats-Unis d'Amérique. Les dimensions territoriales somme toute réduites de ces pays, le nombre restreint de leur population ne permettent pas la levée d'impôts suffisants pour se doter des éléments techniques qui seraient en mesure d'asseoir une telle souveraineté. Car aujourd'hui, comme hier, est souverain qui peut décider de l'état d'urgence et de la guerre, comme nous l'enseignait Carl Schmitt. Mais pour être souverain, il faut disposer de moyens techniques et militaires supérieurs (ou au moins égaux) à ses adversaires potentiels. A l'heure actuelle, ces moyens sont un système de surveillance électronique planétaire, comme le réseau ECHELON, né des accords UKUSA (Royaume-Uni et Etats-Unis), qui englobent aussi le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, anciens dominions britanniques. La maîtrise de l'espace circumterrestre par les puissances navales anglo-saxonnes découle d'une stratégie longuement éprouvée: celle qui vise à maîtriser les "res nullius" (les "territoires" qui n'appartiennent, et ne peuvent appartenir, à personne, parce qu'ils ne sont pas telluriques mais marins ou spatiaux). La première "res nullius" maîtrisée par l'Empire britannique a été la mer, d'où ont été impitoyablement éliminés les Français, les Russes, les Allemands et les Japonais. Sous l'impulsion idéologique de l'Amiral Mahan et de la "Navy League" américaine, les Etats-Unis ont pris le relais. En 1922, le Traité de Washington consacre la suprématie navale anglo-saxonne et japonaise (le Japon ne sera éliminé qu'en 1945), réduisant à néant la flotte allemande construite par Tirpitz et à la portion congrue les flottes française et italienne. La France subit là une gifle particulièrement humiliante et scandaleuse, dans la mesure où elle avait sacrifié 1,5 million de soldats dans une guerre atroce dont les deux puissances navales anglo-saxonnes allaient tirer tous les bénéfices, avec des sacrifices proportionnellement moindres. La domination des mers, première res nullius, entraînera la maîtrise d'un autre espace englobant, dont la maîtrise permet d'étouffer les continents, selon la "stratégie de l'anaconda" (Karl Haushofer). Cet autre espace englobant, également res nullius, est l'espace circumterrestre, conquis par la NASA et désormais truffé de satellites de télécommunications et d'observation, qui donnent aux puissances qui les alignent et les pilotent une supériorité en matière de renseignement et de guidage des tirs balistiques. Les puissances qui ne sont ni marines ni spatiales sont alors littéralement étouffées et broyées par l'anaconda naval ou satellitaire. Français et Allemands ont toujours eu du mal à comprendre l'utilité des "res nullius" maritime et circumterrestre, malgré les avertissements d'un Ratzel, d'un Tirpitz ou d'un Castex. Les peuples rivés à la terre, soucieux de vivre selon les règles d'un droit bien solide et bien précis, évitant toute ambiguïté, admettent difficilement qu'un espace, fût-il impalpable comme l'eau ou l'éther atmosphérique ou stratosphérique, n'appartient à personne. Cette qualité paysanne, foncièrement honnête, héritée de Rome, s'avère une tare devant une approche contraire qui, elle, privilégie la mobilité incessante, la conquête de lignes de communication invisibles et non quantifiables par un géomètre ou un arpenteur.

 

Voilà donc les trois faisceaux de considérations que je voudrais que vous reteniez tous après cette soirée.

 

Avant de conclure, je me permettrais de vous faire part de quelques autres considérations, cette fois d'ordre historique et monétaire. L'Euro nous a été présenté comme la monnaie qui concurrencera le dollar et éventuellement l'éclipsera. Face à ce jeu de concurrence, l'Euro part perdant, car le dollar américain, lui, dispose d'une couverture militaire évidente, comme l'ont prouvé les trois derniers conflits du Golfe, des Balkans et de l'Afghanistan. L'incontestable souveraineté militaire américaine se voit consolidée par un appareil diplomatique bien rodé où l'on ne tergiverse et ne discute pas inutilement et où l'on dispose d'un savoir historique bien charpenté, d'une mémoire vive du temps et de l'espace, contrairement à l'anarchie conceptuelle qui règne dans tous les pays d'Europe, victimes d'histrions politiques écervelés, dans la mesure où ils ne se sentent plus du tout responsables d'une continuité historique; cette irresponsabilité débouche sur toutes les fantaisies budgétaires, toutes les capitulations, toutes les démissions. Attitudes qui interdisent l'éclosion d'une souveraineté, donc aussi le droit régalien de battre monnaie. La conquête par l'Amérique de l'espace circumterrestre donne un avantage énorme dans la course aux renseignements, comme nous allons le voir tout à l'heure. Or, depuis le Chinois de l'antiquité, Sun Tzu, n'importe quel débutant en études stratégiques, donc en études politiques, sait que la puissance provient de l'abondance et de la précision du renseignement:

◊ Sun Tzu: «Si tu connais l'ennemi et si tu te connais toi-même, tu ne connaîtras aucun danger dans cent batailles».

◊ Machiavel: «Quelles sont les ressources physiques et psychiques que je contrôle, quelles sont celles que contrôle mon concurrent?».

◊ Helmuth von Moltke: «Rassembler de manière continue et exploiter toutes les informations disponibles sur tous les adversaires potentiels».

◊ Liddell-Hart: «Observer et vérifier de manière durable, pour savoir où, comment et quand je pourrai déséquilibrer mon adversaire».

Depuis 2500 ans, la pensée stratégique est unanime; les officines stratégiques britanniques et américaines en appliquent les axiomes; le personnel politique européen, histrionique, n'en tient pas compte. Donc l'Euro restera faible, fragile devant un dollar, peut-être économiquement plus faible dans l'absolu ou en pure théorie économique, mais couvert par une armée et un système de renseignement redoutablement efficace.

 

Le seul atout de l'Euro est la quantité des échanges intérieurs de l'UE: 72%. Magnifique performance économique, mais qui nie les principes d'autarcie ou d'auto-suffisance, opte donc pour un type d'économie "pénétrée" (Grjébine) et ne protège pas le marché par des instruments étatiques ou impériaux efficaces. De telles inconséquences conduisent à l'échec, au déclin et à l'effondrement d'une civilisation.

 

Autre aspect de l'histoire monétaire du dollar: contrairement aux pays européens, dont les espaces sont réduits et densément peuplés, et exigent donc une organisation rationnelle stricte impliquant une dose plus forte d'Etat, le territoire américain, encore largement vierge au 19ième siècle, constituait à lui seul, par sa simple présence, un capital non négligeable, potentiellement colossal. Ces terres étaient à défricher et à organiser: elles formaient donc un capital potentiel et un appel naturel à des investissements destinés à devenir rentables dans tous les cas de figure. De surcroît, avec l'afflux d'immigrants et de nouvelles forces de travail, les exportations américaines en tabac, coton et céréales ne cessaient de croître et de consolider la monnaie. Le monde du 19ième siècle n'était pas clos, comme celui du 20ième et a fortiori du 21ième, et autorisait tout naturellement des croissances exponentielles continues, sans gros risques de ressacs. Aujourd'hui, le monde clos n'autorise pas autant d'espoir, même si les produits européens d'aujourd'hui sont parfaitement vendables sur tous les marchés du globe. Le patrimoine industriel européen et la production qui en découle sont indubitablement les atouts majeurs de l'Euro, mais, contrairement aux Etats-Unis, l'Europe souffre d'une absence d'autarcie alimentaire (seules la France, la Suède et la Hongrie bénéficient d'une autarcie alimentaire relative). Elle est donc extrêmement fragilisée à ce niveau, d'autant plus que son ancien "poumon céréalier" ukrainien a été ruiné par la gestion désastreuse du communisme soviétique. Les Américains sont très conscients de cette faiblesse et l'ancien ministre Eagleburger constatait avec la satisfaction du puissant que "les denrées alimentaires étaient la meilleure arme dans l'arsenal américain".

 

Le dollar, appuyé sur des réserves d'or provenant de la ruée de 1848 vers les filons de la Californie ou de l'Alaska, et sur d'autres sources (nous y revenons!), s'est consolidé également par une escroquerie retentissante, qu'il n'était possible de commettre que dans un monde où subsistaient des clôtures. Cette escroquerie a eu le Japon pour victime. Vers la moitié du 19ième siècle, désirant augmenter ses réserves d'or pour avoir une couverture suffisante pour entamer le processus de rentabilisation du territoire américain, depuis le Middle West jusqu'à la Californie, fraîchement conquise sur le Mexique, les Etats-Unis s'aperçoivent que le Japon, isolé volontairement du reste du monde, pratique un taux de conversion des métaux précieux différent du reste du monde: au Japon, en effet, on échange un lingot d'or pour trois lingots d'argent, alors que partout ailleurs la règle voulait que l'on échangeât un lingot d'or pour quinze lingots d'argent. Les Américains achètent la réserve d'or du Japon en la payant au mode d'échange japonais, c'est-à-dire au cinquième de sa valeur! L'Europe n'aura pas la possibilité de commettre une telle escroquerie, pour consolider l'Euro. La rentabilisation de l'Ouest passe par la création d'un colossal réseau de chemins de fer, dont les fameux transcontinentaux. Faute d'assez d'investisseurs américains, on fait appel à des investisseurs européens, en leur promettant des dividendes extraordinaires. Une fois les voies et les ouvrages d'art installés, les sociétés de chemin de fer se déclarent en faillite, ne remboursant dès lors ni dividendes ni capitaux. La liaison Est-Ouest par voies ferrées n'a rien coûté à l'Amérique; elle a ruiné des Européens et fait la fortune de ceux qui allaient immédiatement les utiliser. 

 

Les Etats-Unis ont toujours visé le contrôle de la principale source énergétique, le pétrole, notamment en concluant très tôt des accords avec l'Arabie Saoudite. La guerre qui se déroule aujourd'hui en Afghanistan n'est jamais que le dernier volet d'une guerre qui dure depuis très longtemps et qui a pour objet l'or noir. Je ne m'étendrai pas sur les vicissitudes de ce vieux conflit, mais je me bornerai à rappeler que les Etats-Unis possèdent sur leur propre territoire suffisamment de réserves pétrolières et que le contrôle de l'Arabie Saoudite ne sert qu'à empêcher les autres puissances d'exploiter ces gisements d'hydrocarbures. Les Etats européens et le Japon ne peuvent quasiment acquérir de pétrole que par l'intermédiaire de sociétés américaines, américano-saoudiennes ou saoudiennes. Cet état de choses indique ou devrait indiquer la nécessité absolue de posséder une autonomie énergétique, comme le voulait De Gaulle, qui pariait certes sur le nucléaire (à l'instar de Guillaume Faye), mais pas exclusivement; les projets gaulliens en matière énergétique visaient l'autarcie maximale de la nation et prévoyaient la diversification des sources d'énergie, en pariant aussi sur les éoliennes, les usines marémotrices, les panneaux solaires, les barrages hydro-électriques, etc. Si de tels projets étaient élaborés en Europe à grande échelle, ils consolideraient l'Euro, qui, ipso facto, ne serait pas fragilisé par des coûts énergétiques trop élevés.

 

Autre atout qui favorise le dollar: l'existence du complexe militaro-industriel. Immédiatement avant la guerre de 1914, les Etats-Unis étaient débiteurs face aux Etats européens. Ils ont fourni des quantités de matériaux divers, d'aliments en conserve, de camions, de coton, de munitions aux alliés occidentaux, que ceux-ci ont livré leurs réserves et sont passés du statut de créanciers à celui de débiteurs. L'industrie de guerre américaine était née. Elle démontrera sa redoutable efficacité de 1940 à 1945 en armant non seulement ses propres troupes, mais aussi celles de l'Empire britannique, de l'armée levée par De Gaulle en Afrique du Nord et de l'armée soviétique. Les guerres de Corée et du Vietnam ont été de nouvelles "injections de conjoncture" dans les années 50, 60 et 70. L'OTAN, si elle n'a pas servi à barrer la route à l'hypothétique envahisseur soviétique, a au moins servi à vendre du matériel aux Etats européens vassaux, à la Turquie, à l'Iran et au Pakistan. L'industrie de guerre européenne, sans doute capable de fabriquer du matériel plus performant en théorie, manque de coordination et bon nombre de tentatives amorcées pour coordonner les efforts européens sont purement et simplement torpillées: je rappelle que le "pool" européen de l'hélicoptère, qui devait unir MBB (Allemagne), Dassault et Westland (Royaume-Uni) a été saboté par Lord Brittan.

 

En 1944, la situation est tellement favorable aux Etats-Unis, grands vainqueurs du conflit, qu'un taux fixe d'échange entre le dollar et l'or est établi: 35 $ pour un once d'or. Nixon mettra fin à cette parité en 1971, provoquant la fluctuation du dollar, qui, entre lui et Reagan, va varier entre 28 FB et 70 FB (4,80 FF et 11,5 FF au taux actuel). Mais ces fluctuations, que d'aucuns feignaient de percevoir comme des calamités, ont toujours servi la politique américaine, ont toujours créé des situations favorables: le dollar bas facilitait les exportations et le dollar élevé permettait parfois de doubler le prix des factures libellées en dollars et d'engranger ainsi des capitaux sans coup férir. On peut douter que l'Euro soit en mesure un jour de se livrer aux mêmes pratiques.

 

Revenons à l'actualité: en 1999, au début de l'année, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour l'Euro. L'inflation diminuait dans les Etats membres de l'Union. Les déficits budgétaires nationaux se résorbaient. La conjoncture était bonne. Les Etats d'Asie, notamment les NPI, annonçaient qu'ils se serviraient de l'Euro. Avec le déclenchement de la guerre des Balkans, l'Euro passera du taux de change de 1 Euro pour 1,18 $, le 4 janvier 1999, à 1 Euro pour 1,05 $ à la fin avril, en pleine guerre dans le ciel serbe, et à 1 Euro pour 1,04 $ en juin, au moment où cessent les bombardements en Yougoslavie. En tout et pour tout, l'Euro aura perdu 11% de sa valeur (18% disent les plus pessimistes), à cause de l'opération contre Milosevic, démonisé par les bons soins de CNN.

 

Après la guerre du Kosovo, l'Euro, fragilisé, acquiert la réputation d'être une monnaie de perdants. L'Europe devient un théâtre de guerre, ce qui diminue la confiance en ses institutions, notamment en Asie. L'arrêt des bombardements ne signifiant pas la fin des hostilités dans les Balkans, on verra une UE impuissante à maintenir l'ordre dans sa propre aire géopolitique. L'économiste allemand Paul J. J. Welfens énonce six raisons concrètes pour expliquer la dévaluation de l'Euro:

(1)     Il n'y aura plus de démarrage dans le Sud-Est du continent avant longtemps. L'espace balkanique, ajouterais-je, est un "espace de développement complémentaire" (Ergänzungsraum) pour l'Europe occidentale et centrale, comme c'était d'ailleurs déjà le cas avant 1914. Une des raisons majeures de la première guerre mondiale a été d'empêcher le développement de cette région, afin que la puissance allemande, et subsidiairement la puissance russe, ne puisse avoir de "fenêtre" sur la Méditerranée orientale, où se trouve le Canal de Suez, dont les Français avaient été évincés en 1882. En 1934, quand Goering, sans tenir compte du désintérêt de Hitler, parvient à créer un modus vivendi par ses accords avec les dirigeants hongrois et roumains, et surtout par son entente avec le brillant économiste et ministre serbe Stojadinovic, les services américains évoquent la création d'un "German Informal Empire" dans le Sud-Est européen, ce qui constitue un "casus belli". En 1944, Churchill parvient à morceler les Balkans en gardant la Grèce, en "neutralisant" la Yougoslavie au bénéfice de l'Occident et en laissant tous les pays sans façade méditerranéenne à Staline et aux Soviétiques. La fin du Rideau de fer aurait pu permettre, à terme, de refaire des Balkans cet "espace de développement complémentaire" dans l'aire européenne. Fidèles à leur volonté de toujours balkaniser les Balkans pour qu'ils ne deviennent jamais l'appendice de l'Allemagne ou de la Russie, les Américains ont réussi à geler tout développement potentiel dans la région pour de nombreuses décennies. L'Europe ne bénéficiera donc pas de l'espace de développement sud-oriental. Par conséquent, cet état de choses ralentira la conjoncture et les premières victimes de la paralysie des activités dans les Balkans sont l'Allemagne (comme par hasard…), l'Italie, l'Autriche (qui avait triplé ses exportations depuis 1989) et la Finlande. L'Euro en pâtira.

 

(2)     Les "dégâts collatéraux" de la guerre aérienne ont provoqué des flots de réfugiés en Europe, ce qui coûtera 40 milliards d'Euro à l'UE.

 

(3)     L'Europe sera contrainte de développer un "Plan Marshall" pour les Balkans, qui représentera, une demie année du budget de l'UE!

 

(4)     Les migrations intérieures, provoquées par cette guerre et par le pourrissement de la situation, notamment en Macédoine et dans une Serbie privée de bon nombre de ses atouts industriels, vont poser problème sur le marché du travail et augmenter le taux de chômage dans l'UE, alors que, justement, ce taux de chômage élevé constitue l'inconvénient majeur de l'économie de l'UE.

 

(5)     La guerre permanente dans les Balkans mobilise les esprits, rappelle Welfens, qui ne songent plus à mettre au point les projets de réformes structurelles nécessaires dans l'ensemble du continent.

 

(6)     La guerre en Europe va entraîner une nouvelle course aux armements, qui va bénéficier aux Etats-Unis, détenteurs du meilleur complexe militaro-industriel.

 

Nous voyons donc que la solidité d'une monnaie ne dépend pas tant de facteurs économiques, comme on tente de nous le faire accroire pour mieux nous ahurir, mais dépend essentiellement du politique, de la souveraineté réelle et non de la souveraineté théorique.

 

Cette souveraineté, comme je l'ai déjà dit au début de cet exposé, reposerait, si elle existait dans le chef de l'Europe, sur un système au moins équivalent à celui d'ECHELON. Car ECHELON ne sert pas à guider les missiles, comme une sorte de super-AWACS, mais sert surtout à espionner les secteurs civils. Dans l'enquête que le Parlement Européen a ordonné récemment sur le réseau ECHELON, on a pu repérer des dizaines de cas où de grands projets technologiques européens (notamment chez Thomson en France ou chez un concepteur d'éoliennes en Allemagne) ont été curieusement dépassés par leurs concurrents américains, grâce à ECHELON. L'élimination des firmes européennes a entraîné des faillites, des pertes d'emploi et donc un recul de la conjoncture. Comment l'Europe peut-elle dans de telles conditions consolider sa monnaie? Pire: l'atout européen majeur, ces fameux 72% de transactions internes à l'Union, risque d'être écorné si des firmes américaines fournissent des produits de haute technologie à vil prix (puisqu'elles n'en ont pas financé la recherche!).

 

L'Euro est une bonne idée. Mais l'UE n'est pas une instance politique. Le personnel politique qui l'incarne est histrionique, s'avère incapable de hiérarchiser les priorités. Dans de telles conditions, nous courrons à la catastrophe.

 

Robert STEUCKERS.

(12 décembre 2001).

jeudi, 25 novembre 2010

L'Europe aveuglée par ses certitudes

L'Europe aveuglée par ses certitudes

Par Jean-Luc Gréau - Ex: http://fortune.fdesouche.com/

 

Plus cela change, plus c’est la même chose.

Deux années après la chute dans la pire récession de l’après-guerre, les dirigeants de l’Europe demeurent accrochés aux schémas de pensée qui ont guidé leur action depuis l’avènement du marché unique, puis de l’euro. Ils reprennent sans ciller des mots d’ordre ayant jalonné la période critique qui s’est achevée, en septembre 2008, par un double fiasco américain et européen.

Tout se passe comme si les faits, dont certains assurent qu’ils sont têtus, ne recelaient aucune leçon nouvelle grâce à laquelle l’Europe pourrait changer certaines de ses orientations antérieures.

 

On pourrait pourtant s’interroger sur le regard qu’on a eu jusqu’à présent en matière de surveillance des dettes. Car les critères de Maastricht, valables pour l’ensemble de l’Union européenne, ne traitent que des dettes publiques. Et la période récente a révélé leur arbitraire, puisque deux Etats parmi les moins endettés en 2007, l’Irlande (25% du PIB) et l’Espagne (40% du PIB), sont respectivement en faillite non déclarée et en faillite virtuelle.

La première est victime, après la chute de son secteur immobilier, de l’accumulation de mauvaises créances au sein de ses banques désormais nationalisées : les pertes bancaires remontent mécaniquement dans les comptes du Trésor public de Dublin, pris au piège de la folie de ses banquiers.

La deuxième, sinistrée elle aussi par son secteur immobilier et par les excès de l’endettement privé, s’est résolue, comme l’Etat irlandais, à une diète de la dépense publique que lui intiment les marchés financiers et que lui recommande une Commission européenne attachée à ses préceptes de bonne gestion comme à un fétiche. Mais elles ont déjà renoué avec une récession qui devrait ruiner leurs efforts.

Faut-il rappeler que les deux commissaires « compétents » pour les questions financières et budgétaires, durant la période critique, se nommaient Charles McCreevy, citoyen irlandais, et Joaquin Almunia, ressortissant espagnol ? A l’évidence, l’un et l’autre ignoraient ce qui était en jeu.

La cotation de l’euro fournit le deuxième thème de réflexion. Les Américains ont ouvert un conflit avec la Chine en autorisant l’administration à mettre en oeuvre une politique de protection commerciale destinée à rééquilibrer les échanges commerciaux avec les pays dotés d’un avantage monétaire disproportionné.

Or, les autorités européennes restent muettes sur le sujet, au prétexte qu’une banque centrale n’a pas compétence pour traiter de la question du change, et que, l’essentiel résidant dans la stabilité interne des prix, on doit s’accommoder du reste. Moyennant quoi, l’esquisse d’embellie économique en Europe est menacée, y compris dans les pays mieux armés.

L’Europe aurait pourtant deux leçons évidentes à tirer des derniers événements.

Premièrement, que les dettes privées sont à surveiller tout autant – sinon plus – que les dettes publiques, car ce sont elles qui ont fait le malheur de l’Irlande et de l’Espagne.

Deuxièmement, que la cotation de la monnaie reste un élément essentiel de la compétitivité. A l’ignorer, on précipitera le déclin du Vieux Continent.

Mais, pour que l’Europe puisse tirer ces leçons, il lui faudra sans doute d’autres « têtes » que celles qui la conduisent aujourd’hui.

L’Expansion

Union européenne... des aveugles

mercredi, 13 janvier 2010

Maurice Allais pour un protectionnisme européen "raisonné"

Maurice Allais pour un Protectionnisme Européen "raisonné"

 





Lettre aux français, le cri d'alarme du seul prix Nobel Français


d'économie :


 

 

Contre les tabous indiscutés par Maurice Allais.

 

Ex:  http://robertofiorini.blog4ever.com/ 

 

Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m'apparaît fausse, artificielle. L'idéal socialiste consiste à s'intéresser à l'équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l'efficacité de la production de cette même richesse. Ils  constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d'une même doctrine. Et c'est précisément à ce titre de libéral que je m'autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d'un libre-échangisme appliqué aveuglément.

 

Le fondement de la crise: L'organisation du commerce mondial

 

La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme », dénonciation absurde à chaque fois qu'elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d'être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j'ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années» (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l'actuelle crise: l'organisation du commerce mondial, qu'il faut réformer profondément, et prioritairement à l'autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.

 

Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur  ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes: il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés.

 

Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C'est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d'avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c'est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l'Europe. Il suffit au lecteur de s'interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres - si ce n'est des écarts plus importants encore - pour constater que la concurrence n'est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d'œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.

 

Il faut délocaliser Pascal Lamy !

 

 

Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m'apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d'aggravation de la situation sociale. A ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d'un contresens incroyable. Tout comme le fait d'attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l'ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l'arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l'ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré: « Aujourd'hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu'ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 », et qu'il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m'apparaît une méprise monumentale. Je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu'un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante: il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage!

 

Plus concrètement, les règles à dégager sont d'une simplicité folle : du chômage résultent des délocalisations elles- mêmes dues aux trop grandes différences de salaires ... A partir de ce constat, ce qu'il faut entreprendre en devient tellement évident! il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j'ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales» serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus à certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d'une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.

 

Un protectionnisme raisonné et raisonnable

 

 

Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s'unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l'est de l'Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d'Afrique ou d'Amérique latine. L'absence d'une telle protection apportera la destruction de toute l'activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c'est-à-dire de toutes les industries de l'Europe de l'Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu'avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l'industrie française finira par partir à l'extérieur. Il m'apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu'elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n'est posée, ce qui va arriver peut d'ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d'emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l'industrie, mais tout autant dans l'agriculture et les services.

 

 

De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle». Qu'il y ait des mouvements qui se généralisent, j'en suis d'accord, mais ce terme de « bulle» me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L'essentiel du chômage que nous subissons tout au moins du chômage tel qu'il s'est présenté jusqu'en 2008 - résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l'échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu'une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l'est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.

 

Crise et mondialisation sont liées

 

Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu'une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu'est la libéralisation nocive des échanges internationaux. Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c'est une erreur folle.

 

Pour ma part, j'ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons, ensuite, ouvert l'Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s'en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s'étonner des conséquences !

 

Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n'ont bénéficié que d'un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s'interroger.

 

 

Un prix Nobel ... téléspectateur

 

 

Les commentateurs économiques que je vois s'exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l'actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n'avaient pas annoncé l'arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d'entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n'étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j'annonçais, et j'écrivais, il y a plus de dix ans, qu'une crise majeure accompagnée d'un chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui n'ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu'ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j'ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j'assistais en téléspectateur le message que j'étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n'est venue d'aucune chaîne de télévision et ce, durant des années.

 

Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France: certains experts y sont autorisés et d'autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante: je suis un téléspectateur. Un prix Nobel. .. Téléspectateur. Je me retrouve face à ce qu'affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu'il faut faire. Alors qu'en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j'avais constatée lorsque je m'étais rendu en 1933 aux Etats-Unis, avec l'objectif d'étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri: il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd'hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d'autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

 

Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l'intelligence, par le fait d'intérêts particuliers souvent liés à l'argent. Des intérêts qui souhaitent que l'ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu'il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d'un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu'il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

 

Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu'aux sphères de la politique.

 

Deuxième question: qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu'un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

 

Dernière question: pourquoi les causes de la crise telles qu'elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d'une profonde incompréhension de la réalité économique ? S'agit-il seulement de leur part d'ignorance? C'est possible pour un certain nombre d'entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs.

 

Maurice Allais.

 


 

(1) l'Europe en crise. Que faire?,

Éditions Clément Juglar, Paris, 2005.

(2) Notamment: la Crise mondiale aujourd'hui, éditions Clément Juglar, 1999, et la Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance: l'évidence empirique, éditions Clément juglar, 1999,

 

Article Paru dans Marianne du 5 au 11 Décembre 2009