mercredi, 12 mai 2010
Les déesses du Panthéon scandinave
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988
Les déesses du Panthéon scandinave
Origines historiques des divinités féminines
Si la religion des Scandinaves de l'Age du bronze et celle de l'Age du fer sont à peu près connues, désormais, la filiation historique des déesses est difficile à préciser. Comme nous l'avions mentionné par ailleurs, peu de divinités ont eu une caractère individualisé, jusqu'à la fin de l'Age du fer. La majorité des fonctions féminines se concentrait autour du concept de TERRA-MATER. Cependant, dans le cas d'un certain nombre de déesses, il est malgré tout possible de repérer les déités archaïques dont elles descendent et auxquelles elles ont pris leurs attributions.
A l'origine, dans l'Europe du Nord et l'Europe Centrale, la TERRE-MERE se nomme APIA. Il s'agirait en même temps d'une déesse de l'Eau; les deux archétypes de la femme, l'eau et la terre, qui représentent, chacun, une partie de la matrice y sont regroupés alors que l'air et le feu sont les archétypes masculins. Par la suite, cette divinité disparaît complètement du culte et de la mythologie de l'Europe du Nord, du moins, sous le nom d'APIA, et se voit remplacée par plusieurs déesses qui se partagent ses fonctions:
- JORD représente la terre primitive, inculte;
- FYORGYN, souvent confondue avec JORD, est la montagne couverte de chênes;
- SIF est la terre productive, déesse de la fertilité dont la chevelure dorée représente la corne d'abondance;
- TAVITI est la terre, lieu d'habitation et de vie sociale, gardienne des lois et de la religion (elle sera remplacée par la suite, d'une part par VOR, personnification des serments, et par SYN, l'allégorie de la justice);
- FRIGG est la mère et l'épouse;
- FREYJA, l'abondance; cette déesse a conservé l'Eau comme archétype alors que les autres sont avant tout des déesses telluriques.
FRIGG appartient au vieux fond mythique indo-européen car elle est connue sous ce nom ou tout au moins des variantes de ce nom (FRIA, FRU…) dans toute l'aire d'expansion germanique. Il est particulièrement frappant de voir que les Anglais, au moment de la colonisation de la Grande-Bretagne par les Vikings, écrivaient le nom de la déesse non pas sous la forme du vieil anglais, FRIGE, mais sous la forme anglicisée du nom danois FRICG ou FRYCG. De nombreuses sources anciennes la connaissent comme la grande déesse primitive formant avec ODINN le couple archétypal Terre-Ciel. Descendant directement d'une Déesse Mère, elle est sans doute de conception antérieure à celle de son époux qui n'a pris la place qu'il occupe dans la mythologie nordique que tardivement.
FULLA, la servante de FRIGG semble être, elle aussi, relativement ancienne; elle serait la sœur VOLLA d'une certaine FRIIA mentionnée dans une incantation du «Charme de MERSEBURG»:
«…Alors SINTHGUNT et sa sœur SUNNA
Prononcèrent sur lui des incantations;
De même FRIIA et sa sœur VOLLA,
De même WOTAN, avec tout l'art qu'il possédait…».
(in «les Conjurations de MERSEBURG»).
Parmi les déités proches de la TERRE-MERE, il faut aussi considérer les DISES, fort anciennes en tant que groupe de divinités représentant les esprits de la maison et de la famille. De même, la déesse Gete THIUTH, disparaît de la mythologie nordique, en tant que déesse de la famille, de la tribu, de la nation, pour être simplement remplacée par un personnage allégorique, SJOFN, qui n'est qu'une facette de la déesse SIF.
Parmi les divinités indo-européennes de la fertilité, nous retrouvons l'origine historique du mythe d'IDUNN (fig.4), avec celui des pommes de l'immortelle jeunesse, de la plupart des traditions européennes. Toutefois, les pommes sont un ajout tardif au mythe d'IDUNN: l'introduction des pommes en Scandinavie ne s'est faite que vers la fin du Moyen-âge, et le terme «epli» signifie non seulement «pomme» mais aussi, tous les fruits ronds. TJOTHOLF de HVIN dans son poème «Haustlong», rédigé vers 900, décrit d'ailleurs IDUNN comme pratiquant la vieille médecine des dieux et non comme gardienne de la jeunesse divine.
Par la suite, ce rôle de médecin sera repris par la déesse EIDR dont le nom signifie «cure» et qui n'appartient pas au vieux fond mythologique.
L'origine de FREYJA est très mal connue et il existe plusieurs théories. Boyer (1973) pense que, par ses attributions guerrières, FREYJA est, avec ODINN, l'une des divinités les plus proches du monde indo-européen. Ce n'est pas l'avis de Renaud-Krantz (1972) qui constate que cette déesse est inconnue en dehors de la zone d'expansion de la Civilisation Viking; dans le reste du monde germanique, elle se confond avec FRIGG. Il pense qu'il pourrait s'agir d'une divinité d'origine pré-indo-européenne. Appartenant à la race des VANES qui sont des dieux de la Fertilité et de la Fécondité, elle aurait acquis les aspects d'une divinité indo-européenne par son rôle de déesse de la guerre et de la mort.
Chez les Scythes, comme chez les Gètes, la déesse de la Lune (Skalmoskis chez les Gètes) est à la fois une déesse de la Production, de la Famille et de la Fécondité, et une divinité de la Destruction et de la Mort. Les morts étaient censés séjourner sur la Lune.
A cette déesse se substitueront, plus tard, chez les Scandinaves, trois personnages, un dieu MANI qui devient le dieu lunaire, FREYJA qui accapare les fonctions de production mais qui devient, en même temps, déesse de la mort, fonction qu'elle partage avec HALIA qui se transforme alors en HEL.
Les WALKYRIES semblent avoir été à l'origine, non pas les belles jeunes filles décrites dans les textes du XIème-XIIème siècles et surtout dans les opéras de Wagner, au XIXème siècle, mais de redoutables génies de la mort, voire même des prêtresses de quelques cultes sanglants, progressivement divinisées, qui connaissaient le destin et que l'on appelait les ALHI-RUNES. Lorsque, au IIIème siècle P.C., ODINN prend la place de TYR en tant que seigneur de la guerre et de SKALMOSKIS dans ses attributions de divinité des trépassés, il prend à son service les WALKYRIES calquées sur les ALHI-RUNES, prêtresses au service du dieu de la guerre. C'est à cette occasion qu'elles prennent leurs aspects de belles jeunes filles blondes, servant au WALHALLA, les EINJEHARS (morts au combat) qu'elles sont allées choisir sur les champs de bataille. Le terme WALKYRIES signifie d'ailleurs étymologiquement «celles qui choisissent ceux qui vont tomber». Les Germains païens des premiers temps croyaient à des esprits féminins féroces, appliquant les ordres du dieu de la guerre, ranimant les discordes, prenant part à la bataille et dévorant les cadavres.
La prophétie et l'art divinatoire, donc la magie étaient réservées aux femmes et plus particulièrement aux vierges. De ce fait, comme les WALKYRIES, les NORNES, maîtresses de la destinées, ont été calquées sur des personnages historiques, en particulier, les prophétesses telles que VELEDA chez les Bructères. Dès lors, elles sont devenues, dans la tradition, le type et l'idéal des devineresses norroises.
La notion de NORNE d'après Boyer (1981, pp 217) est concentrée sur URDR qui serait la seule des trois à être vraiment ancienne. «Le nom provient du verbe verda (arriver, se passer) qui renvoie à l'idée indo-européenne pour laquelle destin et temps se confondent.»
Le terme de norn paraît remonter à la notion indo-européenne traduite par le préfixe ner- qui signifie tordre… ce qui serait corroboré dans la strophe 3 du «Helgakvida Hundingsbana I»
«…tressèrent à force
Les fils du destin…» (fig.15)
Le personnage de la déesse SKADI est à isoler. En effet, les Scandinaves songeant à associer au dieu des Eaux et de la Pêche, une déesse de la Chasse et ne la trouvant pas dans leur propre mythologie, l'empruntèrent aux Finnes et la nommèrent SKADI, qui, à l'origine, était un nom épithétique de FREYJA. Elle est considérée comme héritière de l'ancienne VAITU SKURA (la chasse) ou de VINDRUS et présente les aspects d'une déesse lunaire souhaitant épouser un dieu solaire (BALDER).
Il s'agit, en fait, d'une déesse éponyme (3), purement terrienne, de la Scandinavie.
Pour être complète, cette recherche de l'origine historique des déesses, ne saurait ignorer différents textes, qui font appel à l'évhémérisme, entre autres, ceux de Snorri (Prologue de l'«Edda prosaïque», sagas…) ou encore, ceux de Saxo Grammaticus («Gesta Danorum»).
Le mythe de la séduction de RIND par ODINN en est un exemple: Saxo Grammaticus la dit princesse slave. Il en est de même pour le mythe de la mort de BALDER, fils de FRIGG et d'ODINN, et de son épouse NANNA.
récit mythologique: BALDER protégé par tous sauf par le gui, à qui il n'a pas demandé de prêter serment, est tué par son frère HODR (dieu aveugle) sur l'instigation de LOKI. Lors de la crémation du corps de son mari, fils de FRIGG, NANNA le cœur brisé, se jette sur le bûcher.
Explication évhémériste: HOTHERUS (HODR) est un héros qui se bat contre BALDR, demi dieu pour les beaux yeux de NANNA.
Cette tentation de transposer les mythes dans le réel n'aboutit pas à grand chose. Quelques personnages (héros…) ont certainement été divinisés (les WALKYRIES, ou BRAGI, dieu de la poésie et ancien scalde), mais il est fort peu probable que les grandes divinités du Panthéon nordique aient été des personnages historiques. Il s'agit plutôt de figurations des grandes forces naturelles. Ils restent, toutefois, très proches du monde des humains. C'est ce que nous allons essayer de démontrer en comparant le rôle des déesses dans la religion et la vie quotidienne des Scandinaves du Xème s., après les avoir replacées dans la mythologie.
00:05 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditions, traditionalisme, mythologie, mythes, panthéon, paganisme, scandinavie, panthéon scandinave, divinités germaniques, panthéon germanique | | del.icio.us | | Digg | Facebook