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vendredi, 09 février 2024

Quelle Turquie sans Atatürk?

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Quelle Turquie sans Atatürk?

Gennaro Malgieri

Source: https://electomagazine.it/quale-turchia-senza-ataturk/

J'ai l'impression que le mausolée massif, imposant et somptueux de Mustafa Kemal Ataturk, l'Anitkabir, qui domine Ankara, a été saccagé. Le père de la patrie n'est plus à sa place dans ce tombeau qui a abrité sa dépouille pendant soixante-deux ans. Quel est le rapport entre ce monument à la gloire laïque de la Turquie et la vague islamiste qui menace d'engloutir la révolution ?

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Il ne voulait pas d'une puissance régionale fondamentaliste et confessionnelle, sinistrement voilée et victime d'une revanche ottomane, bien qu'hypocritement résurgente derrière un hommage formel à son nom. Atatürk voyait loin. Et il a mis fin aux guerres de religion, condition indispensable à la revitalisation d'un monde moribond. Sainte-Sophie à Istanbul est le symbole de la nation, de toutes les confessions, de toutes les croyances: musulmans et chrétiens peuvent se retrouver au nom d'une nation unie, porte de tolérance pour un Orient ébranlé, hier comme aujourd'hui, par un vaticanisme sanguinaire. Le rêve du jeune soldat devenu chef d'un Etat enfin respecté après la défaite ottomane s'estompe. Du parc Gezi aux terres turques servant de bases plus ou moins dissimulées à des manœuvres politico-militaires sans scrupules, la Turquie s'enfonce, elle à qui, il y a quelques années encore, je reconnaissais le droit de faire partie de l'Union d'une Europe qui aurait bénéficié de la "contagion" du kémalisme, dont la liquidation était au contraire, pour beaucoup, la condition préalable à l'entrée dans le club bruxellois.

Malgré tout, après des militaires arrogants et ambitieux, des politiciens médiocres, des bureaucrates corrompus, nous avons cru qu'avec l'avènement de Tayyp Erdogan, le temps commençait à venir. Atatürk pourrait continuer à dormir paisiblement dans son Anitkabir.

Le drapeau de l'Islam ne serait pas déployé sur la nation qui se portait candidate pour être le modérateur des convulsions du Levant et pour agir en Occident comme messager de l'intégration politique, sinon des coutumes et de la civilisation.

Atatürk est mort petit à petit au cours de ses dernières années. Ses portraits, qui accueillent le voyageur dès sa descente d'avion dans n'importe quel aéroport turc et l'accompagnent partout, sont comme effacés. Le nouveau seigneur de l'ambiguïté orientale s'empressera-t-il de les faire disparaître ? Il ferait preuve de cohérence s'il le faisait. Il y a longtemps que quelqu'un a souhaité qu'Atatürk reste présent comme une figure désidéologisée, la référence patriotique la plus sûre et la plus inattaquable en somme. Et même ceux qui n'approuvaient pas l'abolition de la loi coranique n'auraient pas hésité à se reconnaître comme un "tout" dans la diversité. C'est l'inverse qui s'est produit.

Ces dernières années, la Turquie a eu de nombreuses occasions de se montrer à la hauteur de l'héritage d'Atatürk : elle les a toutes gâchées. Tout comme son dirigeant a jeté aux orties l'héritage de Kemal Pacha, construit pour libérer un peuple des idolâtries ottomanes tardives, afin d'affirmer une conception autocratique du pouvoir, sans aucun sens de la communauté composite et complexe à laquelle il appartient. Sur les ruines du kémalisme s'élève désormais le cri d'une nation étouffée dans le conformisme. L'Occident est loin. Daesh est plus proche. Dans le village syrien reculé de Yamadi, non seulement un avion russe s'est écrasé, abattu par un missile de l'armée de l'air turque, mais le mince espoir d'une défense commune contre un ennemi que ceux qui disent le combattre et n'assument pas la responsabilité de sa victoire sacrilège a été brisé.

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dimanche, 29 octobre 2017

Kemal et le communisme

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Kemal et le communisme

Par Lukas Tsiptsios

Ex: http://www.lesclesdumoyenorient.com

Le kémalisme est incontournable pour comprendre l’histoire de la Turquie contemporaine, tandis que son fondateur Mustafa Kemal devenu Atatürk (père des Turcs), est lui toujours incontournable dans l’espace public turc. Mouvement nationaliste dans la continuité des Jeunes Turcs, né pour fonder un Etat-nation turc souverain quand les puissances impérialistes démantelaient l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, le kémalisme devient rapidement un allié objectif de la Russie soviétique de Lénine. De ce fait, des rapprochements, même idéologiques, entre kémalisme et bolchévisme ont souvent pu être recherchés (1). Il faudrait néanmoins questionner plus profondément ce rapport à l’antiimpérialisme et au communisme. Le kémalisme étant idéologiquement fluctuant et difficilement cernable, un retour sur les conceptions et les pratiques de Mustafa Kemal lui-même, est ici nécessaire pour comprendre cette alliance a priori contre nature.

Communisme et nationalistes

Lorsque Mustafa Kemal (1881-1938) débarque à Samsun le 19 mai 1919, s’opposant toujours plus ouvertement au pouvoir du sultan Mehmed VI, la Russie soviétique de Lénine se trouve au cœur de la guerre civile qui l’oppose aux armées blanches, aux forces paysannes, mais aussi aux troupes étrangères coalisées, chargées d’empêcher toute propagation bolchévique. C’est un moment où, alors même que les bolchéviks luttent à mort pour leur survie politique (et physique), ils peuvent toujours espérer une révolution mondiale. La contre-offensive de l’Armée rouge en Pologne en 1920 a pu offrir un vague espoir d’une prise militaire de Berlin et d’une diffusion révolutionnaire en Europe, un an après la révolte spartakiste, la République des conseils de Bavière, de Hongrie ou de Slovaquie. A l’effervescence révolutionnaire européenne, s’ajoutent les mouvements nationalistes qui se structurent progressivement dans le monde sous domination européenne. La doctrine boukharo-léniniste (2), qui s’institue alors comme la règle dans le champ marxiste de la IIIe Internationale (Komintern), voit dans ces mouvements nationalistes une dynamique révolutionnaire à laquelle le mouvement ouvrier doit s’allier, afin de vaincre les forces et les intérêts impérialistes.

« Réussirons-nous à unir ce courant immense du mouvement national-révolutionnaire sans cesse croissant, au courant général et bien plus puissant du mouvement prolétarien, qui s’assigne des tâches purement communistes ? Cette union est nécessaire et inévitable… » dit Zinoviev, président du Komintern, au premier congrès des organisations communistes et révolutionnaires de l’Extrême-Orient en 1922 (3).

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De leur côté, les mouvements nationalistes perçoivent bien souvent la Révolution d’Octobre comme une source d’espoir, voire d’inspiration. Le zèle affiché du Komintern quant à la décolonisation, pousse même beaucoup vers son giron. Les nationalistes des Indes néerlandaises du Sarekat Islam se retrouvant bien souvent dans le Partai Komunis Indonesia en 1920. De même pour beaucoup de nationalistes en Indochine, qui comme Nguyễn Ái Quốc (futur Hô Chi Minh), alors fameux pour ses Revendications du peuple annamite de 1919, constatant les insuffisances du Parti national vietnamien (VNQDĐ), fonde le Parti communiste indochinois après avoir participé à la mission Borodine, mission du Komintern consistant à soutenir les nationalistes chinois du Guomindang de Sun Yat-Sen (4).

Dans ce contexte de révolution mondiale et de libération nationale des peuples sous domination étrangère, il est bien souvent question dans les débats du Komintern d’un horizon communiste particulier aux populations musulmanes. L’idée d’un « communisme musulman » suscite une certaine forme d’enthousiasme, de même que le djihad peut alors être considéré comme nécessaire au processus révolutionnaire, ainsi que le présente Mirsäyet Soltanğäliev au premier congrès des peuples d’Orient à Bakou en 1920 (5). C’est ce potentiel révolutionnaire que le Komintern pense retrouver chez les nationalistes turcs, représentés par Mustafa Kemal à Ankara, contre le pouvoir impérial libéral de Constantinople, qui sous le contrôle des forces de l’Entente (notamment du Corps expéditionnaire d’occupation de Constantinople, hériter de l’Armée française d’Orient), tentait de se reprendre après la période jeune-turque (entre 1908 et 1918), tout en négociant de manière inégale les traités de paix qui assuraient le démembrement de l’Empire ottoman.

Indépendance turque et Russie soviétique

La révolution nationale de Kemal entamée en 1919, pouvait alors être perçue ainsi par le Komintern. Joignant un discours antiimpérialiste refusant les traités des vainqueurs de la Première Guerre mondiale (vue comme la guerre impérialiste par excellence), à la défense du califat malgré son opposition au gouvernement du sultan, Kemal et la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT) d’Ankara ont pu être un symbole d’espérance pour beaucoup de mouvements musulmans. D’où un soutien financier abondant de l’étranger, notamment des musulmans d’Asie centrale et d’Inde, dont 125 000£ par le simple comité indien Khilafat (6) jusqu’en 1922.

Kemal affiche donc dans un premier temps un « panislamisme dévot » (7) et libérateur, malgré son scientisme et son turquisme (8). Il l’associe à une rhétorique antiimpérialiste et socialiste, se rapprochant ainsi de la Russie soviétique, tout en éliminant toute autre concurrence réellement communiste en interne. Il était celui qui apparaissait combattant (tout comme l’Armée rouge) contre les grandes puissances impérialistes liguées pour dépecer l’Empire, ouvertement ou derrière la Grèce vénizéliste aux ambitions expansionnistes en Anatolie, désirant réaliser sa Grande Idée. Profitant des négociations et forte du soutien franco-britannique, les armées du Royaume hellène débarquent à Smyrne en mai 1919, avant d’entamer les premières offensives l’année d’après. Du résultat de cette guerre gréco-turque, dépendait fondamentalement l’existence d’un éventuel Etat-nation turc tel que l’envisageait Kemal. Ce sont donc les circonstances qui ont poussé la Grande Assemblée nationale de Turquie vers la Russie soviétique, seul Etat disposé à l’aider compte tenu des conditions. Le traité de Moscou de mars 1921 qui en découle permet au gouvernement turc d’Ankara d’avoir une reconnaissance officielle internationale, mais surtout des financements en roubles-or, ainsi qu’un règlement des frontières caucasiennes, finalement délimitées lors du traité de Kars d’octobre 1921 (9). Ainsi, avec ces traités, le traité de Sèvres de 1920 qui découpe l’Empire ottoman entre les grandes puissances (France, Royaume-Uni, Italie et la Grèce vénizéliste soutenue par les deux premières) en ne laissant aux Turcs qu’un étroit espace en Anatolie, est rendu caduc. Les forces kémalistes maintenant financées (10) et équipées par la Russie, ayant gagné la guerre turco-arménienne la même année, pouvaient se focaliser sur le front anatolien contre la Grèce et finalement gagner la guerre en 1922.

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Quant à la Russie soviétique, ayant établi sa domination sur la Transcaucasie soviétisée dans le même temps (grâce aux avancées kémalistes en Arménie qui lui a permis de la soviétiser (11)), elle disposait d’une frontière méridionale stable, mais surtout d’un premier allié, ayant à court terme les mêmes objectifs et les mêmes ennemis. C’est donc une alliance pragmatique et les Soviétiques sont très vite conscients de leurs divergences idéologiques avec le nationalisme kémaliste, dont les accents socialistes n’ont été que rhétoriques. En soi, c’est là un premier acte réaliste de l’Etat soviétique, pour sa survie dans les relations internationales, conduit par le pragmatisme léniniste, plus qu’un réel accomplissement d’un objectif du Komintern.

Le pragmatisme de Kemal

L’alliance de Kemal avec les bolcheviks pourrait être vue comme une alliance contre-nature si la première caractéristique politique du futur Atatürk n’était pas son pragmatisme radical. Sa formation intellectuelle est celle d’un officier jeune-turc de Roumélie (12) : scientiste, turquiste, très élitiste, prônant un darwinisme social, moderniste certes, mais hostile au marxisme qu’il méprise sans réellement chercher à le comprendre (13). Mais son but étant la construction d’un Etat-nation turc homogène et moderne, occidentalisé sans pour autant dépendre des intérêts occidentaux, il doit accepter dans un premier temps le compromis religieux, mais aussi bolchevique, quand bien même préfère-t-il la révolution de Meiji au Japon à la révolution d’Octobre. Kemal parvient néanmoins à repousser ses attentes d’un Etat laïc et scientiste pour se faire le défenseur du califat et instituer une procédure à la GANT (avec prières et utilisation politique des oulémas), plus religieuse que jamais l’Empire d’Abdülhamid II ne l’avait été. De même a-t-il été capable de repousser ses ambitions et ses discours turquistes, pour parvenir à un accord avec la Russie soviétique. En revanche, cette alliance pragmatique n’a jamais empêché Kemal de toujours rechercher un rapprochement avec les Etats-Unis ou n’importe quelle démocratie libérale, afin d’œuvrer toujours plus largement à la reconnaissance internationale de la Turquie républicaine.

Fort de son titre de Gazi acquis à la suite de la bataille de Sakarya en 1921 contre les Grecs, Kemal pouvait à la fin de la guerre gréco-turque, prétendre à une triple légitimité : militaire, politique et religieuse. Il avait sauvé la nation turque face aux menaces étrangères, affirmé l’existence de la nouvelle République sur la scène internationale avec le traité de Lausanne de 1923, tout en restaurant (jusqu’au 3 mars 1924, date de son abolition) le califat avec des compétences strictement limitées au plan spirituel. Le traité de Lausanne, officialisant la fin de l’Empire ottoman, permet à la fois à la nouvelle république de s’affirmer indépendante et souveraine dans les relations internationales, mais aussi de régler (selon les juristes internationalistes du temps) le problème du caractère multiethnique de la population du territoire turc, par un échange de populations avec la Grèce sur un critère apparemment objectif fondé sur la religion. Censée pacifier la région, cette décision frappe deux millions d’habitants, déplacés des deux pays, laissant ainsi théoriquement deux Etats ethniquement homogènes. C’était là nécessaire pour le projet nationaliste turquiste de Kemal, profondément hostile au cosmopolitisme ottoman, qui entrait dans le prolongement des politiques d’ingénierie démographique des Jeunes Turcs entrepris dès 1914 (14). De plus, la reconnaissance internationale à Lausanne libérait Kemal de son allié soviétique, qui ne lui était plus forcément nécessaire pour la survie de la République désormais en paix.

Les conditions lui étaient alors favorables pour entamer sa propre politique de modernisation et de laïcisation de la Turquie, avec l’aide et les investissements de la nouvelle URSS, tout en menant une politique violemment anticommuniste en interne. Ainsi, quand bien même Kemal honore ses alliés soviétiques en représentant Frounze (15) et Vorochilov (16) sur le Cumhuriyet Anıtı (« Monument de la République », érigé en 1928 sur la Place Taksim), « chacun doit comprendre qu’en Turquie même le communisme est notre affaire » (17) écrivait-il dans le même temps. C’est pourquoi avait-il formé un parti communiste fantoche (non reconnu par le Komintern), afin de combattre le Parti communiste de Turquie (TKP), qu’il devait théoriquement accepter sous la pression de Moscou. Finalement, la répression, les assassinats politiques n’ont jamais cessé, alors que l’alliance de fait entre la Turquie kémaliste et l’URSS de Staline elle, prend fin en 1936 sans grande émotion, avec la convention de Montreux. Le parcours de Nâzım Hikmet, qui alternait les années d’exil et de prison (15 ans au total) du fait de son appartenance au TKP, illustre bien ce rapport conflictuel et contradictoire du kémalisme des premières années avec le communisme.

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Conclusion

Il s’agissait là de se demander si Kemal et le kémalisme avaient pu être influencés ou liés d’une quelconque façon au communisme. Il est certain que les origines mêmes de la pensée de Kemal, nationaliste, élitiste et scientiste, le placent idéologiquement à des lieues du marxisme ou du bolchévisme. Cependant, sa pratique politique et son pragmatisme radical, ont pu, dans le cadre de certaines circonstances et rapports de forces donnés, le rapprocher de la Russie de Lénine. Ce rapprochement a provoqué des inflexions rhétoriques qui ont pu troubler la définition qu’on donne au kémalisme, allant même jusqu’à trouver des points communs idéologiques des deux courants politiques. Pourtant, il n’y a en réalité que le pragmatisme de Kemal, seule constante de son courant, qui puisse expliquer son alliance avec les bolchéviks. Tout comme le péronisme, on peut donc se réclamer du kémalisme de l’extrême-droite à la gauche, car il ne propose pas réellement un ancrage idéologique profond et dépasse de ce fait largement les clivages communs du champ politique des démocraties occidentales. Une interprétation du kémalisme comme étant une expérience nationaliste d’inspiration marxiste ou même tout simplement socialiste, serait donc définitivement à écarter.

- Kemal : de Mustafa à Atatürk (première partie)
- Kemal : de Kemal Pacha à Kemal Atatürk (deuxième partie)
- Tancrède Josseran, La nouvelle puissance turque : l’adieu à Mustapha Kemal
- La Révolution anatolienne, Dix ans qui ont changé la Turquie

Notes :
(1) Notamment G. S. Harris, The Origins of Communism in Turkey, Stanford, Hoover Institution, 1967, ou encore Rasih Nuri İleri, Atatürk ve Komünizm (Ataturk et le communisme), Istanbul, 1970.
(2) L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme en étant certainement l’essai de synthèse le plus connu.
(3) Hélène Carrère d’Encausse, Stuart Schram, Le marxisme et l’Asie, 1853-1964, Paris, Armand Colin, 1965.
(4) Nora Wang, L’Asie orientale du milieu du 19e siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2000.
(5) Congress of the Peoples of the East, Baku, September 1920 : Stenographic Report, trad. Brian Pearce, Londres, New Park, 1977.
Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Sultan Galiev. Le père de la révolution tiers-mondiste, Paris, Fayard, coll. les Inconnus de l’histoire, 1986.
(6) Naem Qureshi, Pan-Islam in British Indian Politics : A Study of the Khilafat Movement, 1918-1924, Leyde, Brill, 1999.
(7) Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016, p. 102.
(8) Idéologie nationaliste popularisée par les Jeunes Turcs, visant à unir les peuples turciques (sur un critère ethnique voire racial) au sein d’un même Etat panturquiste.
(9) Traité de Kars, 1921 [En ligne], wikisource [consulté le 29 juillet 2017], https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Kars_-_1921
(10) 10 millions de roubles-or.
(11) Anahide Ter Minassian, La République d’Arménie, Paris, Edition Complexe, 1989.
(12) Partie européenne de l’Empire ottoman, qu’on appelle aussi Macédoine.
(13) La biographie intellectuelle de Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle est particulièrement explicite à ce propos, se fondant notamment sur ses discours, ses écrits, mais aussi ses annotations.
(14) Nikos Sigalas et Alexandre Toumarkine, « Ingénierie démographique, génocide, nettoyage ethnique. Les paradigmes dominants pour l’étude de la violence sur les populations minoritaires en Turquie et dans les Balkans », European Journal of Turkish Studies [En ligne], 7, 2008.
(15) Membre du Comité central du Parti bolchévique qui visite Ankara en 1921, avant de devenir membre du Politburo et Commissaire du peuple pour l’Armée.
(16) Membre du Comité central du Parti bolchévique, Commissaire du peuple aux Affaires intérieures avant de remplacer Frounze à sa mort en 1925.
(17) Mehmet Perinçek, Atatürk’ün Sovyetler’le Görüşmeleri, p. 273.

Bibliographie :
- Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie, de l’Empire à nos jours, Paris, Taillandier 2013.
- Paul Dumont, Mustapha Kemal invente la Turquie moderne, Bruxelles, Complexe, 1983, nouv. éd. 1997 et 2006.
- Paul Dumont, Du socialisme ottoman à l’internationalisme anatolien, Istanbul, ISIS, 1997.
- Paul Dumont, « L’axe Moscou-Ankara, les relations turco-soviétiques de 1919 à 1922 », dans les Cahiers du monde russe et soviétique, volume 18, numéro 3, Paris, 1977, p 165-193.
- Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016.
- Kerslake C., Oktem K., Robins P. (Eds.) Turkey’s Engagement with Modernity. Conflict and Change in the Twentieth Century. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2010
- Erik J. Zürcher (Ed.), Turkey in the Twentieth Century. La Turquie au vingtième siècle, Berlin, Schwarz, 2008.

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jeudi, 25 décembre 2014

Quelques rappels utiles sur l’histoire récente des Kurdes

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Matthias Hellner :

Les Kurdes : un peuple sans Etat

Quelques rappels utiles sur l’histoire récente des Kurdes

C’est au 7ème siècle que le nom de « Kurde » apparaît pour la première fois dans les sources écrites musulmanes. Toutefois, le mot ne désigne pas, dans cette première littérature islamique, un peuple précis mais une pluralité de tribus nomades vivant à proximité de l’Iran actuel. Le territoire initial du peuple kurde se situe dans la région montagneuse du Caucase méridional. Aujourd’hui, la région qu’occupent les Kurdes s’étend aux confins de quatre pays : la Syrie, l’Iran, l’Irak et la Turquie.

Déjà au 7ème siècle, les régions kurdes tombent aux mains du Calife et bon nombre de Kurdes se convertissent rapidement à l’Islam sunnite. Malgré cette conversion rapide à la religion des tribus nomades sémitiques de la péninsule arabique, les siècles suivants seront ponctués de révoltes généralisées ou d’insurrections plus localisées contre le pouvoir des califes de Bagdad, comme en 838 ou en 905 dans les régions septentrionales de l’aire de peuplement kurde. On a vu alors certains clans kurdes se convertir au christianisme et faire cause commune avec l’Empire byzantin.

Après la chute de Constantinople, les Empires ottoman et séfévide se sont affrontés ; dans le cadre de cet affrontement, les Séfévides imposent le chiisme comme religion d’Empire en Perse, ce qui entraîne les Kurdes sunnites dans le camp des Ottomans qui, pour les récompenser de cette fidélité, les délivrent du devoir de payer tribut, du moins partiellement. Après la bataille de Tchaldiran en 1514, gagnée par les Ottomans et leurs alliés kurdes, les régions peuplées de Kurdes sont, malgré cette victoire, coincées dangereusement entre les deux empires. Au cours des décennies suivantes, les Séfévides ont dû régulièrement reculer devant les armées ottomanes. Beaucoup de Kurdes des régions frontalières de l’Empire ottoman ont quitté leurs villages d’origine. En migrant de la sorte, ces Kurdes pratiquaient aussi une politique de la terre brûlée dont pâtirent bon nombre d’antiques sites habités par leur peuple. En 1639, le long conflit qui avait opposé les Séfévides aux Ottomans se termine avec, entre autres résultats, la partition des régions habitées par les tribus kurdes. Cette partition du 17ème siècle a perduré jusqu’à nos jours : la séparation entre Kurdes de Turquie (et d’Irak) et Kurdes de Perse suit encore et toujours le même tracé, à quelques rares modifications près.

Traditional Kurdish Dress in kurdistan.jpgA partir de 1847, l’Empire ottoman connaît une zone administrative nommé « Kurdistan » mais elle est dissoute en 1864. Après l’effondrement de l’empire ottoman en 1918, les Alliés occidentaux victorieux promettent aux Kurdes de leurs accorder un Etat propre et le droit à l’auto-détermination mais, en bout de course, de larges portions de l’aire de peuplement kurde ont été attribuées à la Syrie (sous mandat français) et surtout à l’Irak (sous mandat britannique). Par ailleurs, les Turcs de Mustafa Kemal, par leur victoire dans leur guerre d’indépendance, conservent le reste du Kurdistan et contraignent les franco-britanniques à accepter une révision du Traité de Sèvres. Sous l’impulsion d’Atatürk, leader des forces indépendantistes et nationalistes turques, de nombreux Kurdes se joignent au mouvement antioccidental parce qu’on leur promet simultanément de larges droits à l’autonomie dans l’Etat turc nouveau qui doit s’établir après la victoire des forces nationalistes. Les kémalistes avaient en effet promis aux Kurdes que cet Etat nouveau serait binational. Ces promesses n’ont pas été tenues : le jeune Etat, né de la victoire des armes kémalistes, ne reconnait pas les Kurdes comme minorité ethnique lors de la signature du Traité de Lausanne de 1923. La réaction ne se fait pas attendre : plusieurs insurrections éclatent entre 1925 et 1938 dans l’aire de peuplement kurde de la nouvelle Turquie. Toutes sont matées par l’armée turque, supérieure en nombre et en matériels.

Atatürk voulait en effet aligner son Etat sur le modèle jacobin français, en le dotant d’une forte centralisation. Dès lors, après la victoire sur les forces d’occupation alliées (françaises, anglaises, grecques et italiennes), Atatürk proclame la politique dite « d’Un Etat, Une Nation, Une Langue, Une Identité ». Automatiquement, il acceptait qu’un conflit permanent risquait de l’opposer aux chefs de clans kurdes qui voyaient vaciller leur autorité traditionnelle.

Après 1945, les mesures jacobines vexatoires et insultantes se multiplient (comme jadis en France) : le costume kurde, le Sal Sapik, est interdit ; ensuite vient le tour de l’usage officiel de la langue kurde (comme le breton, le francique-mosellan, l’alémanique du Sundgau  ou le west-flamand en France). En 1967, l’Etat centralisateur turc interdit une nouvelle fois tout usage public de la langue kurde, de même que la musique, la littérature et les journaux kurdes.

Matthias Hellner.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°44/2014 ; http://www.zurzeit.at ).

dimanche, 01 septembre 2013

The Social “Big Bang” of the 21st Century Turkey: from Atlantic to Eurasia

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The Social “Big Bang” of the 21st Century Turkey: from Atlantic to Eurasia

Ex: http://www.geopolitica.ru
 

There are two important aspects of the nation-wide uprising in Turkey centered at the Taksim Square in İstanbul that deserve emphasis. First and foremost, it is an unprecetented social “big bang” of the 21st century Turkey. Secondly, the extreme hostility of the stance of the Erdoğan regime against this protest movement is equally unseen.  

The Taksim Square represents the uprising of the Turkish Nation against the Erdoğan Administration, who arrogantly attempted to trample on the Turkish Nation and the values of the Atatürk Republic. The main symbol that unites millions of people who have been filling the squares all over Turkey for about three weeks now and facing police violence everywhere is the Turkish flag. The nation-wide common slogan  these masses are chanting everywhere is “Tayyip resign! Government resign! Dictator resign!”. If this movement is to be connected to something in the past, its roots clearly lie in the Kemalist Revolution.

                                                               How it began?

            Protests were started by a small group of activists as a reaction to the demolition of the Gezi Park in Taksim, to rebuild the “historic” Taksim Military Barracks, which was also planned to house a shopping mall. The construction company had started to demolish the wall of Gezi Park and cut down the trees, when the protestors stood up to prevent any further demolition. Then the police intervened with tear gas. More people joined the activists to start a sit-in act and a night watch in the Gezi Park. The police attacked once more and more violently with tear gas and water cannons to drive the protestors out of the Park. The outcome of this sequence of  “more protestors-more police violence” was that the resistance grew very quickly and spread over the whole country covering millions of people in hundreds of protest rallies. All the demonstrations were met with police violence, tear gas, water cannons, plastic bullets. The target of the demonstrators went far beyond stopping the project of the government concerning the Gezi Park. They started to unanimously demand the resignation of Erdogan and the government. By now, there are four people killed, thousands injured, including many who are heavily injured by tear gas shells and plastic bullets.

            Before analyzing the background and reasons that led to the mobilization of masses to such an unseen extent, it might be telling to shortly look into the reasons of  Erdoğan's insistence on the project concerning the Gezi Park. This project is two-legged. One leg is concerned with the history of the Military Barracks that are to be rebuilt. After the 1908 Revolution led to the establishment of the Constitutional Monarchy in the Ottoman State, a reactionary rising was staged on the 31st of March in 1909 in Istanbul demanding to go back to an absolutist regime based on religious principles again. The rising was started in the Taksim Barracks, which was then turned into the  headquarters of this reactionary rebellion. The rising was suppressed by the Movement Army which came from Thessaloniki to İstanbul and whose staff officer was Mustafa Kemal (Atatürk).  It is thus only natural that those who desparately wish to take the revenge of the Kemalist Revolution today insist on rebuilding these Barracks as a symbol of their own stance.

            The second leg of the project is that the rebuilt Barracks are planned to house a shopping mall. I think it will be no exaggeration to regard “shopping malls” as symbols of a lifestyle imposed by the global capitalist system to the entire world. Thus the project itself is nothing but a synthesis of Ottomanism and global capitalism, reflecting the current alliance between the imperialistic system and the medieval forces in Turkey.

                                        The background of the Taksim Resistance     

            If the question is whether the social outburst in Turkey triggered by the resistance against Erdoğan's Gezi Park project was something expected or not, the answer is both yes and no. The first thing to be noted in that regard is that, for the last decade, the political and social tensions in Turkey have been growing since Erdoğan came into power, along with this process being especially accelerated within the last few years. Prior to the Taksim Resistance, the potential energy accumulated within the society had already started to turn into kinetic energy in the form of big mass demonstrations within the last one year.  Large numbers of demonstrators became familiar with tear gas, water cannons and police violence during these struggles. It was this militant rise of the people's movement, which paved the way to the current resistance. That is what underlies the answer “yes”. Due to the stochastic nature of social phenomena, however, it usually is not possible to precisely forecast the time, place and scale of social outbursts, as was also the case with the Taksim Resistance. 

            The bans and limitations introduced by the Erdoğan government last year concerning the celebration of national holidays was met with  big anger among the citizens. The Youth Union of Turkey (Türkiye Gençlik Birliği) made a call for a demonstration in İstanbul on May 19, 2012, in which more than 200 thousand citizens took part. The 19th of May is the date when Mustafa Kemal landed in Samsun in 1919 to start the National Liberation Movement and is celebrated as a national holiday dedicated to the youth in Turkey. 19 May 2012 witnessed the first big mass demonstration in Turkey in the aftermath of the Republic Meetings in 2007, which had been held in Ankara, İstanbul, İzmir and several other cities with the participation of millions of citizens. On 29 October 2012 - the Anniversary of the Foundation of the Turkish Republic – hundreds of thousands of people gathered in Ulus (Ankara) in front of the First Turkish Grand National Assembly Building under the leadership of Workers' Party (Turkey) (İşçi Partisi – Türkiye) and the Youth Union of Turkey. The police tried to prevent the gathering by attacking the crowd with tear gas and water cannons and by setting up barricades between groups that were coming to the square from different directions. Neither the police raids nor the barricades could prevent the people from gathering at the Ulus Square, from where they marched several kilometers to reach Atatürk's Mausoleum. 19 May 2012 acted as the sparkler, and 29 October 2012 was the turning point in the rising wave of the people's movement in Turkey.

            Hatay is one of the Southern provinces of Turkey bordering with Syria, where several “refugee camps” are located. As most of these are acting as “mercenary camps” from where terror is being “exported” to Syria under the patronage of the Erdoğan administration, several big mass demonstrations were held in Hatay starting as of September 2012, demanding the shutdown of these terror camps and calling for solidarity and friendship with the Syrian people. It seems also worthwhile to emphasize that these demands united people of different ethnic origins and religious beliefs in Hatay and neigboring provinces along the border with Syria.

            The trials of the so-called Ergenekon Case are being held in a prison compound near Silivri. The very fact that Silivri is a town about 100 km distant from İstanbul , while the natural location of the court in charge of this case is in Beşiktaş – a central district of İstanbul –, may give everyone some idea about how “open” these trials are to the public. The summary accusation is that the suspects of this trial (including leaders of political parties, former rectors and several academicians, journalists, retired generals and officers) have formed a secret organization called Ergenekon to overthrow the government, although many of them got to know each other well only in prison. Dr. Doğu Perinçek who is still the chairman of Workers' Party (Turkey) is among the suspects and has now been under arrest for more than five years. The common feature that unites almost all the suspects is that they are all patriotic figures who have struggled against the US plans concerning Turkey and the Middle East and have defended the Kemalist Revolution. The “Ergenekon Case” itself is a US plot implemented by the Erdogan Administration not only against the suspects, but against Turkey as a whole. Thus, it comprises along with other similar “cases” one of the most important sources of political and social tension underlying the current social outburst. There have been two big mass demonstrations (along with several other smaller ones) in Silivri in front of the court within the last year, one on December 13, 2012, and the other on April 8, 2013, both including about 100 000 participants, who had to face barricades, tear gas and water cannons. The citizens, however, insisted on staying in front of the court until the trial was over, thereby also defending the principle of the “openness of the trials to the public”.

            These are just some chosen incidences to exemplify the background of the current nation-wide resistance. It should thus be no wonder any more to anyone who sees this picture how come these young people of all ages, these women and men of Turkey have been struggling day and night all over the country for so long.

            Having gone through the source of human energy of the Taksim uprising, let us turn to the architecture of the political and social tensions in Turkey and the factors behind them. This is quite important as the people's movement in Turkey will continue to rise in waves with outcomes that will not stay confined only to Turkey itself, but will have an impact upon the entire region.

                        Erdoğan's foreign policy is tightly bound to the US and NATO

            It might be best to start with the foreign policy that the Erdoğan Administration has been following since it came into power in 2002 with a focus on the Syrian issue.

            Tayyip Erdoğan – the Prime Minister of Turkey- is known to have himself publicly declared more than 30 times that he is acting as one of the Co-Chairs of the Great Middle East Project of the USA. Abdullah Gül – the President of Turkey- is known to have admitted himself that he signed a secret “two-page, nine-item” agreement with Colin Powell in 2003, when he was the Foreign Minister of Turkey. Ahmet Davutoğlu – the present Foreign Minister of Turkey – is known to have written a book entitled “Strategic Depth” whose main message can be summarized as “Align your policies with those of big powers, if you wish to become a regional leader.” This provides a clear picture of the framework that has been shaping the foreign policy of the Erdoğan Administration.

            Erdoğan is known to be the world champion of hostility against Bashar Assad in Syria. He is   supporting the so-called “Syrian Free Army” and other terror groups against Esad logistically by all means, which include the provision of safe bases behind the front to these mercenaries in Turkey under the guise of “refugee camps”. As a consequence of this policy, the control of Turkish security forces on the border with Syria was practically lifted so that the mercenaries could cross the border freely in either direction. The displeasure aroused thereby among the inhabitants in cities and towns near the border was made visible by mass demonstrations in Hatay and other places as mentioned above.

            The terror that was exported to Syria under the patronage of the Erdoğan regime struck back Turkey itself violently. On 11 February 2013, a car bomb exploded at Cilvegözü Bordergate killing 13 people including both Syrians and Turks. The second and more tragic incidence of terror took place on 11 May 2013 in Reyhanlı, a town in Turkey very near to Cilvegözü Bordergate, when two car bombs exploded in the town center killing more than 50 people and injuring hundreds of them. Erdoğan could go to Reyhanlı only one week after the  incidence and made a speech to a crowd supposedly collected together from other regions  because he was afraid of the fury of the people from Reyhanlı. These two tragic events only added to the great fury of the Turkish people who demand peace with the neighbor and peace at neighbor's home.

            The Taksim Resistance in Turkey and the opposition of the Turkish people to Erdoğan's hostile stance against Syria combined with the inevitable tightening of the control on the Syrian border by Turkish security forces after the Reyhanlı bombs seem to have recently contributed to the Syrian Administarion headed by Beshar Esad in combatting terror at home.

            The relationship between Obama's and Erdoğan's stances concerning the Syrian issue might look puzzling at first glance, as Erdoğan seems to be the one who is ready to do everything to overthrow Esad, while Obama looks as if he were dragging his feet in this regard. It is, however, doubtless that the patent of Erdoğan's policy concerning Syria belongs to the US. Initially, he was driven against Beshar Esad by the US in an unbridled way in expectation of an easy and quick victory. When this plan failed, however, Erdoğan found himself in the midst of a mined ground, while Obama still could use the relative maneuvre space he had secured for himself by having let someone else jump to the mined ground on his behalf. It should be noted here that the “good times” between Erdoğan and Assad, the climax of which was reached by holding joint government meetings very shortly before Erdoğan's sharp turn from “extreme friendship” to “extreme hostility”, were not a product of Turkey either.

            After Obama came into office in the US, Davutoğlu became the Foreign Minister in Turkey.

In the first term (2002-2007) of AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi - Justice and Development Party), “membership to the European Union” had been the major keyword of Turkish foreign policy.  The rationale behind this policy, whose patent again belongs to the US, was to keep Turkey bound to the door of the EU in order to prevent it from seeking other alternatives and forming closer ties with Eurasia. In AKP's second term (2007-2011), however, the keyword “EU” entirely disappeared from the scene, and Davutoğlu replaced it first by “zero-problem-with-the neighbors” and then by “New Ottomanism”.

            In order to understand the rationale behind this change, let us remember the main components of the Obama doctrine, which can be summarized as (i) making more effective use of diplomatic, political and cultural channels, (ii) letting the “allies” share the burden by getting them do some of the jobs on behalf of the US rather than the US itself directly, and (iii) shifting the center of weight from regular warfare to special warfare in reshaping the world. It is the implementation of the second and third items that we presently witness in Syria.

            As for the first item, the USA was lacking direct diplomatic, political and cultural channels with the Islamic World whose effective use would help the creation of political and social footholds 

that would internalize the US plans and thus be useful in implementing them. So, the need was for a country which owned such channels and was ready to use them on behalf of the US. This country was not only to look socially and culturally Islamic, but also should introduce a reinterpretation of Islam that would get rid of all obstacles in Islam to integration with the global capitalistic market. Finally, for such a country to be influential in the Islamic World, it should not act like a proxy of the US. All this is actually nothing but what is meant by “Moderate Islam”, represented by the AKP Administration in Turkey.

            Davutoğlu's formula of “zero-problem-with-the neighbors” as well as Erdoğan's “one-minute-show” in Davos against Israel followed by his stance in the Mavi Marmara Incidence are to be evaluated within this framework. The “golden times” with Syria were not an indication of a shift of axis of the Erdoğan Administration from the West to the East, but were part of a scenario aiming at softening and weakening Syria from inside. But the difficulty that USA and the West have been facing in producing an effective opposition to Bashar Assad in the Syrian issue now nclearly shows that the task of creating an effective political and social foothold on behalf of the US was not succeeded.

            The firm resistance of Syria under Esad's leadership against the dirty war initiated by the US using the Erdoğan Administration as an instrument gained the sound support of a “Eurasian hinterland”. Assad's resistance, the international support it gained and the strong opposition of the Turkish people to Erdoğan's stance concerning Syria left Erdoğan in a cumbersome position. When the inability of the US and the West due to the big difficulties they are going through because of the global economic crisis was added to that, the claim to regional leadership or equivalently “New Ottomanism” collapsed before it even started. We can hardly deny the importance of the role this collapse played in the rise of the people's movement in Turkey and thus in the Taksim Uprising. Conversely, the strength of the nation's opposition now renders Erdoğan more inable than ever concerning Syria as well as in other major issues.

      The Second Israel = “Free Kurdistan” is an invariant of the Great Middle East Project

            One of the invariants of the US policy concerning the Middle East is to turn Northern Iraq into a permanent base of its own, or equivalently into a second Israel. This target can be reached by founding a “Free Kurdistan”. The territory of the Kurdistan Regional Government is by itself not adequate for the sustainability of such a state. Sustainability requires expansion of the territory to the North into Turkey and an opening to the Mediterranean via a “Kurdish Corridor” in Northern Syria. A possible expansion to the East into Iran is also desirable. The competence and accumulation needed for founding and running such a state is owned by the PKK. This collection of statements depicts the framework within which the USA considers the “Kurdish factor” in the Middle East.

            Turkey is now going through a so-called “peace process” with the PKK, the roadmap of which has been drawn by the US. The US authorities had been advocating for quite some time that the PKK should be taken as a negotiation partner by the Turkish Government. To cope with circumstances under which the acceptance of the PKK as a formal negotiation partner would be politically untenable for a government, the advice was that the parliamentary deputies of the BDP (Barış ve Demokrasi Partisi – Peace and Democracy Party) serve as interlocutor in negotiations. The Erdoğan Administration has followed this advice to such an extent that the current position of Öcalan and the PKK is factually far beyond that of a negotiation partner. A description that would fit the present situation best is to refer to them as “coalition partners” of the Erdoğan Administration. The process was carried out under the pretense that this was the only feasible way of liquidating the PKK. The consequence was, however, the legitimization of the PKK, rendering this separatist force stronger than ever.

            “Peace at home” is naturally the common demand of all Turkish citizens irrespective of their ethnic origins. As now the continuation of “cease fire” is made dependent upon the well-treatment of the PKK so that it continues to comply with cease fire, the social engineering behind the “peace process” is the utilization of this common demand of the people for peace by blackmailing them with the PKK terror. The success of this blackmail naturally requires a strong PKK, rather than one that has entered a liquidation process.

            The next stop of the roadmap is the change of the Constitution accordingly, the essence of which can be summarized as to remove the “Turkish Nation” along with all values of the Atatürk Republic from the Constitution. The estimation that has been rendered vacuous by the uprising of the nation was that the same blackmailing by the PKK would be useful in making these changes acceptable  to the nation and carrying it to the brink of fragmentation.

            Having noted that a “Free Kurdistan” lies at the core of the Great Middle East Project and the PKK is indispensable for the US in that regard, it would be an illusion to even think that the USA would allow the Erdoğan Administration to liquidate the PKK. The US plan is, in fact, to let the PKK and the Turkish Army to fight together in Syria and Iraq against the territorial integrities of these two countries when the time ripens for that

                        Turkey is drowning in the Atlantic System: Back to the route of the Kemalist Revolution in Eurasia

            The conquest of the state apparatus by the counter-revolutionary forces was mainly completed in 2007, when Abdullah Gül became the President. It was then that they started the operation against the members of the Turkish Army and the leaders of the patriotic forces in Turkey, who had been opposing Turkey getting turned into an instrument of the USA, under the guise of legal cases as Ergenekon, Balyoz and several others. In the meantime, they also were able to tighten their control on the judiciary. The next item on their agenda was to start the liquidation of the Kemalist Revolution from within the social life.

            The Kemalist Revolution had replaced “religion” by “nation” as the source of power. What naturally accompanied that process was the substitution of “reason and science” for “dogma”. In an attempt tor reverse this process, the AKP Administration is now trying to replace “nation” by “religion” again and substitute “dogma” for “reason and science”. This revival of the medieval approach is in compliance with the attempt of the imperialistic system to dissolve the national states of the Oppressed and Developing World.

            The reversal attempted by the Erdoğan Regime, however, required  on its part to intervene more and more not only into social life, but also into individual lives. It is precisely this increasing intervention what is now especially being met with fury by broad masses. Thus, it is no wonder that the youth and women formed the overwhelming majority in the Taksim Uprising so far.

            There is another very important process going on in Turkey, in parallel with the rise of the people's movement, one of whose main slogans is “we will win by uniting”. Namely, it is the construction of a united national front with the Workers' Party (Turkey) in its center, with the aim of carrying a national government to power. To indicate how successful this movement is proceeding, it might suffice to quote Erdoğan who said about a month ago that “the Chair of Workers' Party (Dr. Doğu Perinçek) is giving direction from prison to CHP (Cumhuriyet Halk Partisi - Republican People's Party) with his left finger and to MHP (Milliyetçi Hareket Partisi – Nationalist Movement Party) with his right finger”.

            The summary conclusion that from now on everyone has to take into account is that the rising movement of the nation has invalidated all equations concerning Turkey that do not contain the nation itself as the biggest source of power.

            Everything said in this article points at the fact that Turkey is drowning in the Atlantic System. The unique framework that will allow Turkey to live and develop embracing all its people as equal citizens irrespective of their etnic origins or religious beliefs is the Atatürk Republic. The only geography in which Turkey can set itself back to the route of the Kemalist Revolution and complete it in order to go beyond is nothing but Eurasia.

Published in Journal of Eurasian Affairs No.1, Vol. 1, 2013

lundi, 24 juin 2013

Turquie: détricoter le kémalisme

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“M.”/” ’t Pallieterke”:

Turquie: détricoter le kémalisme

Le mécontentement qui agite la Turquie à l’heure actuelle a des racines profondes mais fort hétérogènes. Un large éventail de motivations anime les contestataires mais l’Occident ne braque les projecteurs de ses médias que sur la relation difficile qui a toujours existé entre l’Etat et la religion dans la République turque. On peut le comprendre. Les émeutes nocturnes ne sont que le sommet de l’iceberg: voilà ce qui importe de constater. Le pays connait depuis des années des glissements considérables. Ils ont toujours été minimisés ou ignorés.

Si le Proche et le Moyen Orient nous ont appris quelque chose au cours des dernières années écoulées, c’est bien que le terme “révolution” doit être pris, désormais, avec des pincettes. On ne peut plus l’utiliser à tort et à travers. Le syndrôme “Vivaldi”, qui consiste à placarder le rythme des saisons sur la vie politique des peuples arabo-musulmans, est, lui aussi, une aberration qu’il faudra bien vite jeter à la poubelle de l’histoire. Donc, disons-le une fois pour toutes, il n’est pas question d’évoquer ici un “printemps turc” tout comme il n’y a plus lieu de répéter à satiété la formule “printemps arabe”. La Turquie, d’abord, est un pays bien différent de l’Egypte ou de la Tunisie d’il y a deux ans. Le premier ministre turc Erdogan, dans certains cas, agit de manière aussi tyrannique que le faisaient Mubarak en Egypte ou Ben Ali en Tunisie mais, force est aussi de constater, qu’il a gagné les élections trois fois de suite. Les adversaires de son régime font face à un gouvernement bien ancré, qui a engrangé quelques beaux succès économiques. Ce n’est là qu’un premier aspect de la situation actuelle de la Turquie qui nous intéresse ici.

Dans les médias en général, on a tendance à utiliser des anecdotes hautes en couleurs pour simplifier les choses qui, en réalité, ne sont pas simples du tout. Exemple: quelques habitants d’un quartier d’Ankara sortent le soir de chez eux en frappant des couvercles de casseroles avec des cuillers en scandant des slogans pro-kémalistes comme “Nous sommes les soldats de Mustafa Kemal”, vociférés par des jeunes gens qui passent à toute vitesse en voiture. Quand les médias extrapolent et mettent ce type d’incident en exergue, cela devient la narration médiatique d’une “résistance séculière contre la ré-islamisation” envisagée par Erdogan. On a commis la même erreur en Egypte. Quelques manifestants sur la Place Tahir militaient effectivement pour une démocratisation du pays mais, en bout de course, la plupart des manifestants qui se sont joints à eux avaient de toutes autres idées derrière la tête, tout en voulant, eux aussi, chasser Moubarak du pouvoir. Sur la Place Taksim, c’est le même topo. L’Occident évoque certes un ressentiment chez les forces séculières et laïques mais, simultanément, tente de relativiser ce mécontentement . A tort, nous semble-t-il, car il y a vraiment, en Turquie, aujourd’hui, un ressentiement kémaliste.

Tansu Çiller

C’est un fait incoutournable: au cours de ces dernières années, le gouvernement AKP a provoqué des transformations profondes au sein de la tradition séculière du pays. Ainsi, de manière systématique, le gouvernement verse plus de fonds aux écoles religieuses au détriment des établissements d’enseignement qui entendent promouvoir un regard séculier sur la société. Pour des raisons financières, les écoles se transforment, par la force des choses, en institutions religieuses. Rien qu’à Istanbul, 98 écoles primaires ont déjà franchi le pas. Conséquence logique de cette politique de subsides: suivre les cours dans une école séculière devient plus cher et n’est plus accessible qu’aux seules classes aisées. Les familles normales sont obligées désormais de faire suivre un itinéraire religieux à leurs enfants.

Le climat est bien différent aujourd’hui qu’hier, disent tous ceux qui sont à même de comparer. Apparemment, il faut du culot et du courage désormais pour manger en public pendant la période du Ramadan. Il y a deux ans, deux amoureux se sont embrassés dans le bus (public!): une émeute a failli se déclencher... La colère du chauffeur (“Mon bus n’est pas un bordel!”) a été suivie d’une action de protestation en faveur des deux tourtereaux, suivie d’une deuxième action de protestation, religieuse celle-là, et hostile, comme il se doit, à ces deux “dangereux pervers”. Au cours des années écoulées, la violence à l’endroit des femmes aurait augmenté de 1400%. Mais lorsqu’on a appris qu’un homme de 78 ans avait des relations sexuelles avec une jeune fille de 14 ans, aucun acteur en vue de la sphère religieuse n’a émis de protestation. Ensuite, que faut-il penser d’un premier ministre qui appelle les femmes à rester chez elles et à faire beaucoup d’enfants? Rappelons qu’Erdogan est l’homme politique qui a un jour déclaré que la démocratie, c’était un autobus: “Dès qu’on arrive à destination, on en sort!”. Dans son cas, et vu les incidents de ces dernières semaines, cette réflexion est exacte. Récemment, une loi réglementant de manière drastique la vente d’alcool a suscité du mécontentement. Elle a été concoctée par les députés de l’AKP, soi-disant pour éviter les abus, alors que la Turquie est le pays de l’OCDE qui présente la consommation d’alcool la plus basse... Ce ne sont là que quelques exemples dans une longue série. Tout cela se déroule, rappellons-le aussi, dans un pays qui, il y a vingt ans seulement, avait une femme pour premier ministre: Tansu Çiller, ancienne étudiante de Yale.

Les forces armées

L’absence de toute influence religieuse sur la vie socio-économique est un trait caractéristique de tout Etat séculier. En Turquie, aujourd’hui, il faut bien constater que de nombreuses initiatives gouvernementales visent à ruiner le caractère séculier de l’Etat. Le changement de donne s’observe surtout au sein des forces armées et est sans doute l’indice le plus patent de ce glissement. On a certes appris que des soldats ont distribué des masques à gaz aux manifestants hostiles à Erdogan et ont évacué les blessés vers des hôpitaux militaires. Mais, mis à part de tels cas, on s’est également aperçu que l’emprise religieuse est désormais plus forte dans l’armée, certainement dans le corps des sous-officiers. N’oublions pas qu’un général turc sur dix est actuellement en prison, pour participation présumée à la préparation d’un quelconque coup d’Etat. Dans le passé, on disait que la Turquie était un simple decorum d’Etat autour d’une armée, noyau réel de la République. Cette armée était la gardienne de la tradition séculière voulue jadis par Atatürk. Aujourd’hui, cette armée est soumise à deux pressions: sa composition est plus marquée par la religion et par ailleurs elle perd tout soutien politique. Les pouvoirs politiques réduisent les moyens mis à disposition de l’armée. Plusieurs analystes constatent en effet que le nombre d’accident d’avions militaires, ces derniers temps, sont l’effet de ces restrictions.

La République turque, née en 1923, a été un laboratoire fort intéressant. Dans quelle mesure les principes de démocratie et de sécularisme étaient-ils compatibles dans une société musulmane? Bien sûr, un certain équilibre a été atteint, pendant un assez long moment de l’histoire de la Turquie kémaliste, mais, aujourd’hui, force est de constater que ces équilibres n’existent quasi plus. Personne n’ose augurer ce que deviendra la Turquie le jour du centième anniversaire de la République. Ah oui... n’oublions pas que la Turquie, par dessus le marché, est candidate à l’adhésion pleine et entière à l’UE...

“M.” / “ ’t Pallieterke”, Anvers, 19 juin 2013.

mercredi, 23 février 2011

Le kémalisme, parenthèse de l'histoire turque

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Le kémalisme, parenthèse de l'histoire turque
Aymeric CHAUPRADE
Ex: http://realpolitik.tv/
Voici ce que j’écrivais il y a plus de 3 ans dans Valeurs actuelles, à propos de la Turquie et plus généralement des expériences modernisatrices dans le monde musulman. L’analyse insiste sur la question de l’identité islamique qui continue d’être occultée dans les analyses dominantes des médias lesquels se font plaisir en affirmant que les peuples tunisien et égyptien rêvent de devenir comme nous. Il faudrait ajouter à cet article centré sur l’aspect identitaire, la dimension économique. La hausse des prix des matières premières a souvent été le facteur déclencheur de révolution lorsque les conditions d’épuisement du régime politique étaient arrivées à maturité.
Article paru dans Valeurs actuelles en 2007

Depuis plus de dix ans maintenant, le parti fondé par Mustapha Kemal, instrument de la laïcisation et plus largement de l’occidentalisation de la société turque, est écarté du pouvoir au profit des islamistes.

La question fondamentale que les Européens doivent alors se poser est la suivante : est-ce l’islam politique qui apparaîtra un jour comme une courte parenthèse de l’histoire de la Turquie moderne, ou est-ce au contraire la modernité kémaliste qui sera digérée par la « longue durée » de l’islam turc ?

Depuis leur entrée dans l’islam, les destins des aires culturelles turque, iranienne et arabe sont plus que jamais liés. Au XXème siècle, ces trois mondes ont tenté de s’occidentaliser en faisant reculer l’emprise de l’islam sur leur société civile. Ils vivent désormais, en décalage, la crise des idées modernes venues d’Europe.

L’Iran, avec la Révolution islamique de 1979, a rejeté l’occidentalisation à marche forcée voulue par le Shah ; au point d’amener des courants nationalistes, religieux et marxistes à se liguer autant contre le retour à l’Iran préislamique que contre la projection dans la modernité occidentale. La Révolution s’étant faite dans un contexte de développement accéléré (le PIB par habitant est passé de 176 à 2160 dollars entre 1963 et 1977), sa principale cause est donc identitaire : la majorité des Iraniens a considéré que l’islam était indissociable de l’identité nationale iranienne.

Le monde arabe aussi, soulevé par les Nasser, Saddam Hussein et Yasser Arafat, est également revenu à l’islamisme. L’échec des chefs nationalistes arabes face à l’alliance américano-israélienne, la corruption des élites et l’argent saoudien expliquent l’effondrement du panarabisme. On oublie souvent que ce nationalisme arabe, semé par l’Expédition d’Égypte de 1798, et qui emprunta tant aux théoriciens français et allemands du nationalisme, fut largement la conséquence de la levée des Jeunes Turcs contre l’ottomanisme.

Les unes après les autres donc, les expériences modernes du monde musulman s’effondrent et, même si les choses s’y font plus lentement et plus calmement, la Turquie n’échappe pas à ce retour à l’identité islamique, pas plus d’ailleurs que l’immigration musulmane d’Europe occidentale.

Pour le comprendre, il faut revenir aux causes du surgissement des idéologies modernisatrices en terre d’islam.

A l’origine, il y a la prise de conscience par le monde musulman que la religion islamique, venue après les « premières prophéties juive et chrétienne » et jusqu’alors en tête de la course à la puissance, est en train de perdre la direction de l’histoire.

Au XVIème siècle, l’ouverture des routes maritimes et la découverte de l’Amérique privent le monde musulman de sa qualité de centre incontournable du commerce mondial.

Entré dans le déclin, l’islam doit désormais se demander pourquoi. Une partie de ses intellectuels accepte alors de se rendre à l’évidence : c’est la place privilégiée de la raison dans leur religion qui a donné aux Européens un tel avantage.
Il faut donc accepter au XVIIème siècle ce qui n’a jamais été accepté avant : ouvrir une fenêtre sur la modernité européenne. Jusque-là, l’islam n’a toléré qu’une (modeste) intrusion de la philosophie grecque préchrétienne dans son système de pensée. Désormais, il lui faut apprendre de ceux qu’il juge inférieurs, les Chrétiens.

Mais la modernité n’est admise qu’en tant que moyen de redevenir plus fort que l’Occident chrétien, non en tant que fin. On lui emprunte des éléments, mais sans adhérer au changement de perspective qu’elle contient, car alors cela signifierait une altération de l’islam.

Cette réalité historique que nos élites ne veulent pas voir est à la fois simple et terrible : le mouvement d’occidentalisation en Turquie, comme dans le reste du monde musulman, trouve sa source dans la volonté de retrouver la supériorité militaire face à l’Occident en progrès.

C’est ce qui explique que la laïcité turque n’en est pas réellement une et que le kémalisme apparaîtra un jour comme un épiphénomène de l’histoire de la civilisation turco-islamique.

On a ainsi pour habitude d’opposer, à propos de la Turquie, les partisans de la laïcité à ceux de l’islamisme. Soit, mais si la « Turquie moderne » est réellement moderne, comment expliquer l’acharnement constant de son État à faire disparaître ses minorités chrétiennes ?

Les médias parlent des assassinats de plus en plus fréquents de prédicateurs chrétiens afin de souligner qu’ils ne sont que l’expression marginale d’une frange minoritaire de radicaux, d’ailleurs condamnée par les tribunaux turcs. Mais ils passent sous silence le fait que ces même tribunaux intentent des procès aux musulmans qui se convertissent au christianisme, pour « insulte à la turcité ». Un pays où la conversion est punie par la loi est-il vraiment un pays laïc ?

Faut-il rappeler aussi, au risque de choquer, qu’après les sultans ottomans, le premier président de la Turquie moderne, comme les forces turques débarquant à Chypre en 1974, eurent droit à la qualification de « gazi » ? Ce terme honorifique qui vient de l’arabe « ghaziya » ne fait-il pas écho à la « glorieuse » époque des incursions à des fins de conquête, de pillage ou de captures d’esclaves, que pratiquaient les partisans du Prophète Mahomet ?

L’État turc est laïc parce qu’il n’est pas théocratique : ce ne sont pas des religieux qui le dirigent et la sphère politique y a gagné, grâce à Atatürk, une certaine autonomie. Pour autant, l’État turc reste bien le garant de l’identité musulmane du pays et de la propagation de l’islam à l’étranger, comme le montre son soutien à des groupes islamiques radicaux dans les Balkans, ou dans cet immense Turkestan d’Asie centrale.

« Mais les islamistes sont des démocrates ! » s’écrient certains en Occident. Ils « vaudraient même plus » que ces militaires turcs héritiers de ce jacobinisme autoritaire qu’est le kémalisme.

Logique ! Dans tous les pays musulmans les islamistes sont aujourd’hui majoritaires face à des gouvernements occidentalistes qui, menacés, « verrouillent », à des degrés divers, le champ politique. En faisant pression sur ces gouvernements modernisateurs mais autoritaires, les Européens ne font qu’accélérer la prise de pouvoir des islamistes, leurs véritables ennemis.

Hier les mouvements occidentalistes du monde musulman tentèrent de se servir de notre modernité pour redevenir plus forts que nous ; aujourd’hui, les islamistes tentent de se servir de nos idées démocratiques pour arriver au pouvoir et y appliquer leur programme de désoccidentalisation radicale, avec un seul et même objectif, obsessionnel : la revanche sur l’Occident.

Aymeric Chauprade

mercredi, 04 août 2010

Les ennuis d'Erdogan

Bernhard TOMASCHITZ :

Les ennuis d’Erdogan

 

Le tribunal constitutionnel turc annule les projets de réforme constitutionnelle –

Le conflit avec les Kurdes mobilise les adversaires du Premier ministre turc

 

erdogan.jpgRecep Tayyip Erdogan vient d’encaisser une défaite. Le Tribunal constitutionnel turc vient de rejeter le projet du Premier Ministre de renforcer la position de son parti, l’AKP ou « Parti pour la Justice et la Prospérité », par le truchement d’une réforme constitutionnelle. Les juges suprêmes du Tribunal constitutionnel ont surtout estimé non recevables le projet d’instaurer de nouvelles procédures de nomination pour les juges constitutionnels et les plans visant à modifier le statut du « Haut Conseil des Juges et Avocats » (HCJA). A côté de l’armée, le Tribunal constitutionnel est la seule institution encore contrôlée par les kémalistes. C’est pour cette raison que le chef du gouvernement islamiste a cherché à s’assurer une majorité dans le HCJA, qui élit les membres du Conseil constitutionnel. Les limitations apportées aux compétences des tribunaux militaires sont restées telles quelles. Le 12 septembre prochain, un référendum aura lieu qui décidera des vingt modifications de la Constitution qui n’ont pas été acceptées.

 

Les milieux gouvernementaux n’épargnent pas leurs critiques acerbes à l’encontre des juges constitutionnels, après avoir voulu vendre leurs projets d’accroître le pouvoir des islamistes (aux dépens des laïques et des kémalistes) sous prétexte que les structures militarisées de l’Etat turc devaient être assouplies sinon supprimées pour que la Turquie puisse adhérer à l’UE. Le ministre de la justice Sadullah Ergin a déclaré, pour sa part, que le Tribunal constitutionnel avait outrepassé ses compétences et « commis une erreur ». Cependant l’opposition kémaliste n’est pas davantage satisfaite de la décision prise par les juges constitutionnels. Muharrem  Ince, du CHP (Parti Populaire Républicain), qui avait porté plainte auprès du Tribunal suprême d’Ankara contre la réforme proposée par Erdogan, a déclaré, lui aussi, « qu’il n’était personnellement pas satisfait ».

 

Mais Erdogan ne doit pas lutter que sur un seul front, celui où il s’oppose au Tribunal constitutionnel. Dans les régions kurdes, la situation est de plus en plus instable et agitée ; pratiquement tous les jours des combats éclatent entre des guérilleros du PKK (Parti Ouvrier Kurde) et des unités de l’armée turque ; au cours de ces quatre derniers mois, 130 insurgés kurdes ont été tués. Ensuite, l’armée turque ne cesse d’attaquer par les airs les positions kurdes dans le Nord de l’Irak, que le PKK utilise comme zone de repli. En arguant de la question kurde, les kémalistes cherchent à gagner la sympathie des électeurs et à contraindre le premier ministre à la défensive. Devler Bahceli, président du MHP (Parti du Mouvement National), vient de reprocher au gouvernement d’Erdogan « d’être en grande partie responsable de la montée du terrorisme et du séparatisme ». Propos similaires chez le nouveau chef de file du CHP, Kemal Kilicdaroglu, qui accuse l’AKP « d’avoir une grande part de responsabilité » dans la situation de quasi belligérance qui règne dans les régions kurdes.

 

Les critiques de la politique du gouvernement de l’AKP partagent l’avis que le procès intenté aux protagonistes du complot Ergenekon, à l’initiative d’Erdogan, a renforcé la rébellion kurde. L’ancien général Edip Baser, toujours influent, pense que les enquêtes judiciaires dans l’affaire Ergenekon, où même le Procureur général de l’Etat a croupi en détention préventive pendant plus de six mois, ont entravé considérablement le bon fonctionnement des services secrets. Il souligne surtout le fait qu’à l’époque où ces enquêtes étaient menées, tous les noms ont été publiés de ceux qui travaillaient dans les services secrets de l’armée, de la gendarmerie ou de la sûreté de l’Etat. Ces révélations ont littéralement décapité ces services et il faudra quelques années pour y remédier. Le premier ministre Erdogan est soupçonné d’avoir voulu éliminer certains de ses ennemis en lançant l’affaire Ergenekon. Lui voit les choses d’un autre œil. Selon Erdogan, la plainte contre les soi-disant comploteurs du réseau Ergenekon permet « de voir très clairement le lien entre les organisations terroristes et les bandes qui se sont incrustées dans le pays ».

 

Entretemps la question kurde devient de plus en plus pesante dans la région, ce qui inquiète bien entendu les milieux militaires. « L’Irak dispose d’un gouvernement central, qui doit exercer ses responsabilités. Ce gouvernement ne devrait pas donner refuge à des terroristes sur son territoire » a déclaré récemment le chef de l’état-major turc Ilker Basbug lors d’un entretien accordé à la télévision. Erdogan songe aussi à déclencher une attaque générale contre les zones du Nord de l’Irak, en prenant prétexte de la guerre globale contre le terrorisme. Toutefois Erdogan ne veut pas lancer seul cette attaque mais y impliquer ses partenaires de l’OTAN. Puisque l’un des objectifs principaux et déclarés de l’Alliance atlantique est de mener une guerre globale contre le terrorisme et puisque la Turquie mène déjà seule, dans son secteur, cette guerre contre les séparatistes kurdes campés comme « terroristes », « Les pays membres de l’OTAN », dixit Erdogan, «devraient apporter leur soutien dans cette lutte ». Erdogan a formulé cette demande fin juin dans un entretien qu’il a accordé à la chaine américaine PBS. A l’évidence, Erdogan veut obtenir cette participation de l’OTAN à la lutte contre les Kurdes pour, en échange, accroître la participation d’Ankara à la guerre américaine en Afghanistan. « Nous nous précipiterons vers Kaboul, dans la mesure où vous, vous vous précipiterez vers Kandil (une localité dans le Nord de l’Irak) ».

 

Vu le refroidissement évident des relations entre la Turquie et les Etats-Unis, à cause de la politique proche orientale du gouvernement Erdogan, et vu les difficultés qu’éprouvent les Etats-Unis en Afghanistan, il y a bien peu de chances que Washington réponde au souhait d’Erdogan. La proposition qu’a formulée ce dernier aux Américains a été passée sous silence en Europe et laisse entrevoir ce qui se passerait si la Turquie devenait membre à part entière de l’UE. Rien qu’à cause de l’obligation d’assistance, prévue par le Traité de Lisbonne, et vu la faiblesse politique de l’UE, l’Europe court le risque d’être entrainée dans les conflits du Proche et du Moyen Orient si jamais la Turquie réclamait à nos pays une assistance pareille à celle que vient de formuler Erdogan à l’adresse des Américains.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°28-29/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ).

 

 

jeudi, 05 février 2009

Revolution islamischen Rechts

Hans-Lukas Kieser, Astrid Meier, Walter Stoffel (Hg.)

Revolution islamischen Rechts

Das Schweizerische ZGB in der Türkei

2008. 234 S. Br. CHF 38.00 / EUR 23.00
ISBN 978-3-0340-0893-8

1926 übernahm die neu gegründete Republik Türkei fast wörtlich das Schweizerische Zivilgesetzbuch (ZGB) und das Obligationenrecht. «Rechtsrevolution» nannten dies die Reformer um Kemal Atatürk, was auch international als tiefer Einschnitt rezipiert wurde. Denn das Familienrecht hatte im späten Osmanischen Reich den noch am stärksten von der islamischen Scharia geprägten Teil des Rechts gebildet.

Die Erfahrungen der Türkei stellen ein bedeutsames «Langzeitexperiment» mit einem transkulturellen Rechtsregime dar: eine säkulare Organisation der Justiz und des Rechtswesens in einer Gesellschaft, die von islamischen Normen geprägt ist. Weist das Experiment darauf hin, dass sich theologisch verwurzeltes und kulturell tradiertes islamisches Rechtsempfinden mit moderner europäischer Gesetzgebung sehr wohl in Einklang bringen lässt? Ist die Scharia somit historische Hülse für Rechtsgüter, die sich in säkularen Gesetzen wie dem ZGB aufheben lassen? Könnte umgekehrt säkulares Rechtsgut in ein Scharia-basiertes Rechtssystem integriert werden? Trifft dies zu, ist transkulturelle, transreligiöse Verbindlichkeit erreichbar und die oft zitierte Kluft zwischen koranischer Offenbarung und Moderne überbrückbar.

Inhalt

  • Gottfried Plagemann: Die Einführung des ZGB im Jahre 1926. Das neue ZGB als Bedingung eines säkularen und souveränen Nationalstaates
  • Hans-Lukas Kieser: Der ehemalige Freiburger Doktorand Mahmut Bozkurt und sein Verständnis von Rechts- und Sozialrevolution
  • Şükran Şıpka: Der Revolutionscharakter des Zivilgesetzes von 1926 aus frauenrechtlicher Perspektive
  • Osman B. Gürzumar: Die Rezeption westlichen Rechts in der Türkei vor 1926
  • Jan Goldberg: Zur Frage der Kontinuität der türkischen Rezeption schweizerischen Rechts. Eine Betrachtung anhand der neueren ägyptischen Rechtsgeschichte
  • Mahide Aslan: Die ersten zwölf Jahre ZGB (1926–1936). Versuch einer Evaluierung des Implementierungsprozesses anhand der Urteile des Kassationsgerichtshofes in Ankara
  • Bülent Uçar: Die Einführung des Schweizerischen ZGB als Mittel zur Reform der Gesellschaft
  • Heinz Käufeler: Autoritäre Kontinuitäten. «Das Gute gebieten und das Übel abwehren» aus islamischer und kemalistischer Sicht
  • Astrid Meier: Wie islamisch muss islamisches Recht sein? Der Reformprozess in der Türkei – von Indien und Ägypten aus gesehen
  • Edouard Conte, Nahda Shehada: Equity vs. Predictability? The Role of the Qadi in the Palestinian Territories
  • Günter Seufert: Grenzen der Wirksamkeit des Zivilrechts und die Diskussion um Rechtspluralität
  • Başak Baysal Erman: Die Rezeption des westlichen Rechts im Allgemeinen und des ZGB im Besonderen im Modernisierungsprozess der Türkei nach 1926
  • Hermann Schmid: Überblick über die Reformen des schweizerischen Familienrechts seit den 1980er Jahren
  • Ali Çivi: Türkisches Familienrecht nach 80 Jahren ZGB – Bestandesaufnahme und Evaluierung des jüngsten Reformprozesses
  • Anne-Banu Brand: Einige Aspekte der Scheidung in der Schweiz und in der Türkei
  • Heinz Hausheer: Bemerkungen und Desiderata betreffend die Zusammenarbeit in der türkisch-schweizerischen «Rechtsgemeinschaft», insbesondere im Bereich des gemeinsamen Familienrechts
  • Urs Fasel: Hat ein Rezeptionskonzept Erfolg?
  • Walter Stoffel: Von Revolution und Transfer zur Interaktion

Hans-Lukas Kieser

Dr. Hans-Lukas Kieser ist Privatdozent für Geschichte der Neuzeit an der Universität Zürich. Er hat sich mit seinen Forschungen als Experte des nahöstlichen Umbruchs am Ende der osmanischen Ära einen Namen gemacht. Mehrere seiner Publikationen wurden ins Türkische und Kurdische übersetzt. Sein Buch «Der verpasste Friede. Mission, Ethnie und Staat in den Ostprovinzen der Türkei 1839-1938» (Chronos 2000) erscheint anfangs 2005 auf Türkisch in Istanbul bei Iletisim.

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mardi, 10 juin 2008

Erdogan et les kémalistes

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Erdogan et les kémalistes

 

En Turquie, aujourd’hui, la lutte qui oppose kémalistes et fondamentalistes se perpétue et on n’en voit pas la fin. Récemment, une procédure a opposé la deuxième instance judiciaire turque au gouvernement d’Erdogan. Les juges reprochent au premier ministre turc actuel de porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire; celui-ci, dans le cadre de la procédure d’interdiction lancée contre le principal parti gouvernmental, l’AKP d’Erdogan (ou “Parti de la Justice et du Progrès”), fait pression sur le tribunal constitutionnel pour qu’il mène cette procédure à terme et prononce la dissolution de l’AKP. Le parti d’Erdogan a réagi en lançant insultes et imprécations contre les juges. Le procureur suprême de l’Etat veut que l’on lance une procédure visant à examiner le comportement récent du parti. Le quotidien suisse alémanique, la “Neue Zürcher Zeitung” (NZZ) résume la situation comme suit: “Le pouvoir judiciaire dispose de trois possibilités: il peut refuser l’interdiction du parti; il peut se contenter d’un avertissement ou il peut considérer que le parti constitue le noyau dur des activités tramées contre l’ordre laïque et, subséquemment, le faire interdire. Une telle interdiction peut se contourner en procédant à la fondation d’un nouveau parti, appelé à être derechef le successeur de l’AKP. Mais, cette fois-ci, la procédure de dissolution, qui a été engagée, vise également à interdire tout activité politique à 71 personnes parmi lesquelles le président de l’Etat turc, Abdullah Gül, et le premier ministre Erdogan. Le mandat parlementaire d’Erdogan serait alors automatiquement suspendu, ce qui aurait pour effet de provoquer obligatoirement sa démission du poste de premier ministre”. Pour s’assurer malgré tout un avenir politique, Erdogan ne se préoccupe pas seulement de travailler à la fondation d’un nouveau parti politique mais aussi de renforcer son influence personnelle à l’étranger. En Allemagne, le nouvel ouvrage de Peter Winkelvoss, “Die türkische Frage” (“La question turque”), nous montre comment Erdogan cherche à instrumentaliser les Turcs d’Allemagne (et d’Europe) pour en faire l’avant-garde d’une politique étrangère turque selon ses voeux et pour influencer le destin de la République Fédérale, en manoeuvrant une fraction de l’électorat allemand, constituée de Turcs de souche. Son discours à Cologne en février dernier atteste de ce projet, dangereux pour l’ensemble de nos pays.

 

(Source: DNZ, Munich, 23/30 mai 2008; Peter Winkelvoss, Die türkische Frage, 17,90 Euro).