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vendredi, 09 octobre 2015

L’Union Européenne contre les libertés

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L’Union Européenne contre les libertés

Auteur : Nicolas Bourgoin
Ex: http://zejournal.mobi

Sous couvert de « guerre contre le terrorisme », en particulier djihadiste, se met en place à l’échelon européen un système de surveillance et de contrôle généralisé des populations. Alors que ce danger est largement surestimé et que l’efficacité de ces dispositifs est de toute façon douteuse en matière de lutte contre l’insécurité, leurs effets liberticides sont en revanche totalement avérés. Peu à peu, les droits du justiciable face à l’intrusion de l’État et le champ des libertés publiques se réduisent dans l’indifférence générale.

Cette véritable révolution sécuritaire est en réalité le versant obscur des politiques de libre-échange menées par l’Union Européenne. La crise du premier choc pétrolier marque de ce point de vue un tournant qui ouvre la voie au libéralisme économique et à l’autoritarisme politique. Ce double mouvement est encouragé par les États-Unis qui voient dans la construction européenne un levier pour défendre leurs intérêts.

L’édification d’un État sécuritaire européen, versant obscur des politiques de libre-échange.

L’Europe de la sécurité naît précisément en 1975, avec la fondation de la Communauté Européenne du Groupe de Trevi, et a progressé de concert avec la libéralisation des échanges et la création d’un marché unique : le traité de Maastricht, rédigé moins d’un an après l’effondrement du camp socialiste prévoyait, en complément de la construction économique et politique de l’Union Européenne (premier pilier), une politique étrangère et de sécurité commune (second pilier) ainsi qu’une coopération policière et judiciaire en matière pénale avec les agences Europol et Eurojust (troisième pilier). Ce processus libéral-autoritaire s’est poursuivi avec la signature du Traité d’Amsterdam en octobre 1997, dont l’objectif était de créer un « espace de liberté, de sécurité et de justice », puis avec le Conseil Européen de Tampere (octobre 1999) qui a institutionnalisé la coopération judiciaire entres États membres par l’instauration de l’extradition automatique et de la reconnaissance mutuelle des décisions juridiques, et enfin avec la mise en place du mandat d’arrêt européen qui remplace la procédure traditionnelle d’extradition. Créé par la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002, et transcrit en droit français en 2004, il permet une remise automatique, par un État membre, d’une personne demandée par une autorité judiciaire d’un autre État membre. Il raccourcit considérablement les délais d’extradition en supprimant les contrôles judiciaires, bafouant les principes de spécialité et de double incrimination. Enfin, la politique européenne de la sécurité dispose d’un Parquet européen depuis le Traité de Lisbonne de décembre 2007. Ces dispositifs, du point de vue de leurs promoteurs, doivent concourir à la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein de l’Union Européenne à travers une procédure plus simple, plus efficace et plus démocratique. Mais en pratique, cela revient à étendre à toute l’Union Européenne le champ d’application des procédures d’exception et les lois liberticides spécifiques à chaque État-membre.

En parallèle à ce serrage de vis sécuritaire, le processus de libéralisation se poursuit : baisse des dépenses de l’État, affaiblissement ou privatisation des services publics, changement de statut des entreprises sous couvert de réformes et de modernisation de l’État sont désormais la feuille de route de la politique menée par les gouvernants de gauche comme de droite. Les politiques d’ajustement structurel prônées par l’OCDE visent une plus grande efficacité économique mais ne peuvent mener à terme qu’à une véritable tiers-mondisation des nations européennes en creusant les inégalités sociales :

« Quelle que soit la diversité des politiques d’ajustement structurel, une comparaison entre les programmes montre qu’ils s’inspirent d’une philosophie commune, à savoir l’intérêt d’une libéralisation des échanges, à l’intérieur comme à l’extérieur, et éventuellement l’intérêt d’une privatisation des entreprises parapubliques pour accroître l’efficacité de l’économie » (Cahier de politique économique n°1, p.11).

Big-brother-is-watching-you.jpgComment faire passer ces mesures impopulaires ? L’OCDE va jusqu’à donner des recettes clés en mains aux gouvernants : jouer la discrétion, faire les réformes les plus douloureuses juste après les élections, différer dans le temps l’application des mesures, les rendre indéchiffrables pour le commun des mortels, jouer sur le division entre salariés – notamment entre secteur public et secteur privé – et s’attaquer de front aux corporatismes. Et bien sûr gagner la bataille de l’opinion en s’appuyant sur les médias nationaux. Et si tout ça ne suffit pas, reste la bonne vieille politique de la matraque pour faire entendre raison aux récalcitrants. L’Union Européenne a pris soin de mettre sur pied une force de gendarmerie dont la mission première est de réprimer par la force les résistances populaires à sa politique : Eurogendfor. Créée en septembre 2004 et rendue opérationnelle en juillet 2006, cette unité d’intervention spéciale qui cumule les compétences de la police, de la police judiciaire, de l’armée et des services secrets est composée de 3.000 hommes déployables dans les 30 jours, y compris au-delà des frontières de l’Union, afin d’assurer des missions de maintien de l’ordre et de « gestion de crise ». Ses agents peuvent, lors de troubles sociaux ou de manifestations majeures de longue durée, utiliser des armes à feu contre les populations (grâce au Traité de Lisbonne qui permet aux forces de l’ordre d’infliger la mort aux émeutiers dans le cas où celle-ci résulte « d’un recours à la force rendu absolument  nécessaire » (article 2-2)), mettre des zones entières sous quarantaine militaire et retirer les meneurs de la circulation… sans êtres inquiétés pour d’éventuelles bavures, l’Eurogendfor ne pouvant être poursuivi en justice grâce à ses autorisations exceptionnelles, civiles et militaires. Ainsi, tous les bâtiments et tous les terrains qui sont pris par les troupes sont exterritorialisés et ne sont plus accessibles mêmes pour les autorités de l’Etat dans lequel la troupe intervient, ce qui revient de fait à suspendre le droit national en cas de lutte anti-émeute. Cette véritable armée supplétive paramilitaire est désormais prête à partir pour la Grèce, épicentre des politiques de libéralisation made in UE. Et cerise sur le gâteau, ces politiques sécuritaires répondent aux voeux du complexe militaro-industriel et de ses lobbys en favorisant le développement conjoint des industries de l’armement et du marché de la sécurité intérieure.

La construction européenne conjugue libéralisation de l’économie, recul accéléré des acquis sociaux, renforcement du pouvoir exécutif, centralisation de l’appareil répressif et criminalisation des mouvements contestataires.

Politiques austéritaires et dictature policière : l’Union européenne contre les peuples.

Les nouveaux dispositifs sécuritaires mis en place par l’UE servent aux États à mater la contestation populaire pour garantir le maintien les flux économiques, les mécanismes d’exploitation du travail et d’accumulation du capital visant le profit maximum et in fine protéger les intérêts de l’oligarchie financière. L’Espagne, l’un des pays les plus touchés par la crise de la dette, a augmenté son budget anti-émeutes de … 1900 % et va encore le tripler d’ici à 2016 ! Fusils laser (causant la cécité temporaire ou permanente), canons sonores testés lors de manifs aux Etats-Unis (ces canons génèrent des étourdissements et des nausées), et armes à micro-ondes provoquant des brûlures et des douleurs insoutenables seront, entre autres, utilisés contre les populations récalcitrantes. La Suisse, de son côté, se prépare activement à une intensification des révoltes populaires réactives aux politiques d’austérité et vient de former quatre nouveaux bataillons militaires. Elle est en passe de déployer ses troupes le long de ses frontières en vue d’anticiper tout désordre social qui pourrait découler de l’effondrement de la zone Euro.

En prévision de ces troubles, la surveillance des citoyens dans l’UE se renforce considérablement. En France une loi a été votée pour permettre au gouvernement de surveiller en temps réel les communications téléphoniques et les échanges sur les réseaux sociaux et de collecter des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la criminalité et la délinquance organisées. La France procède annuellement à des centaines de milliers de demandes d’accès aux logs (qui a téléphoné ou envoyé un mail, à qui, quand, d’où et pendant combien de temps), avec l’éternel prétexte de « guerre contre le terrorisme » qui est, faut-il le rappeler, une guerre « à durée indéterminée contre un ennemi inconnu ».

Le projet INDECT lancé par l’Union Européenne et entièrement financé par la Commission Européenne vise à réaliser une détection automatique des menaces avérées et des comportements anormaux ou potentiellement dangereux se manifestant au sein des sites Web, des forums de discussion, des serveurs de données, des échanges peer to peer et même des PC individuels et permettra à terme un rapprochement de toutes les données personnelles (identité, goûts, opinions politiques, données bancaires, etc.). En France, il s’est traduit par les dernières lois qui placent Internet sous surveillance et ouvrent la voie à la pénalisation préventive de la contestation sociale. Il s’agit encore et toujours de détecter les attitudes d’opposition radicale et de les neutraliser préalablement.

Ce dernier dispositif vient s’ajouter au système ECHELON, réseau de surveillance généralisé des communications mondiales aux mains des États-Unis dont bon nombre de stations sont basées en Europe. Les déplacements font également l’objet de surveillance par le transfert transatlantique de données personnelles par lequel l’Union Européenne va systématiquement et durablement transférer aux agences de sécurité étasuniennes toute une série de données relatives aux passagers embarquant depuis l’Europe vers les États-Unis, sous couvert de guerre contre le terrorisme. Suite aux attentats de janvier dernier, l’actuel ministre de l’Intérieur souhaite généraliser ce dispositif en permettant à la police d’accéder aux données de réservation de tous les passagers aériens (Passenger Name Record). Le passeport biométrique, mis en place dès 2009 sous l’impulsion des États-Unis, facilite ce fichage en permettant la reconnaissance faciale aux fins de lutte contre le terrorisme et les migrations illégales.

L’espace public fait lui aussi l’objet d’une surveillance renforcée avec la multiplication des caméras de surveillance et la militarisation de l’espace public. Le plan Vigipirate est désormais permanent depuis plus de 8 ans, suite aux attentats de Londres, à la demande de l’Union Européenne.

L’Union Européenne, courroie de transmission de la politique américaine

La construction européenne a pour but essentiel de faire adopter sur le vieux continent des textes décidés aux États-Unis renforçant la surveillance des citoyens et le contrôle de leurs échanges téléphoniques ou numériques. Depuis la promulgation du Patriot Act étasunien de 2001 (qui s’est traduit par la création du mandat d’arrêt européen de 2002), les instances européennes répondent aux desiderata américains en imposant aux États nationaux les dérives liberticides et la généralisation des procédures d’exception qui rognent peu à peu nos droits constitutionnels et réduit le champ des libertés publiques en Europe.

Le renforcement du contrôle social sur les citoyens sert la défense des intérêts de l’oligarchie contre les résistances populaires. Le traité anti-contrefaçon dit ACTA, imposé et gravé dans le marbre par l’Union Européenne, visant à protéger les droits de la propriété intellectuelle oblige les Fournisseurs d’Accès à Internet à rendre inaccessibles certains sites sur simple demande par des parties privées hors contrôle d’un juge. Favorisant la privatisation des biens et des connaissances, il réduit ainsi les libertés quotidiennes des citoyens au profit du secteur privé. Le traité transatlantique en préparation s’inscrit totalement dans cette logique en soumettant les peuples européens aux intérêts des multinationales américaines. Il s’agit encore et toujours de rogner les libertés individuelles au profit des libertés des capitalistes.

- Source : Nicolas Bourgoin

lundi, 10 août 2015

La multiplication des lois scélérates

La multiplication des lois scélérates

Bruno Bertez
Analyste financier, anc. propriétaire Agefi France
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

lois-scelerates-de-hollande_4688137-M.jpgLes lois scélérates se multiplient dans les pays développés. Sous prétexte de terrorisme, on revient en arrière sur toutes les libertés fondamentales. Mais le terrorisme a bon dos, il sert d'excuse pour épier les citoyens, les mettre sur écoute, les ficher, les normaliser, réduire la liberté d'expression. La multiplication des Lois sert un Projet inconscient du Système : vous mettre en faute perpétuelle afin que vous baissiez la tête. Faire de vous des sujets. Le pouvoir politique est à son comble quand vous êtes laminés, standardisés, tous conformes et que vous réagissez pareillement aux stimulis et aux impulsions des pouvoirs. La mystification est à son apogée quand, comme maintenant , on escamote le politique, on occulte la lutte des groupes et classes sociales pour les remplacer par la guerre des races et celle des religions. Quel meilleur moyen de cliver, de diviser les sociètés que ces conflits de races et de religion ? Le clivage et la divisison sont  les armes des tyrans qui faisaient se battre entre eux les esclaves dans l'arène.
En Angleterre, on donne de nouvelles définitions à des mots comme « extremisme », et « terrorisme ». On prétend déceler les enfants déviants qui seraient dangereux pour la société. Et les réduquer. En Espagne , les lois interdisent maintenant de critiquer la police, de la prendre en photo, de filmer ses brutalités. Malheur aux lanceurs d'alerte, aux « whitsle blowrers ». On étend le concept de racisme, on n'a plus le droit de stigmatiser le monde de l'usure. On interdit toute critique de cette pseudo société ouverte et universelle qui incarne le Nouvel Ordre du Monde. Celui qui n'est ni mondialiste, ni globaliste, celui qui aime son pays, son histoire, son identité sa famille , celui là est réduit au silence.

L'opposition doit non seulement être déclarée impossible, mais impensable. Etre minoritaire est déjà un crime. L'idéologie dominante est devenue le collectivisme, qu'il soit dans sa forme communiste, socialiste, nazie, fasciste. C'est la dictature du groupe, la priorité de la masse manipulée sur l'individu grâce au renforcement de l'autorité jusque dans la conduite de la vie privée. La seule chose qui change dans ces dictatures, c'est le mode de désignation apparent de l'autorité. Il masque la similitude, le même processus d'asservisssement. Le but, l'objectif, c'est la docilité, le renoncement , l'aliénation et l'abandon de toute idée même de rebelllion. Il faut, et on le constate quotidiennement, que chacun se dise « à quoi bon, il n'y a rien à faire », il faut que celui qui, simplement, pense autremement se sente et se sache perdant d'avance. Car c'est le grand ressort : la résignation.

La vraie raison de la mise en place de cet arsenal de répression contre les peuples est : la Crise. Contrairement à la propagande des politiciens, des élites et de la classe médiatique, la Crise est là, on n'en parle plus parce qu'il faut faire croire qu'elle est vaincue, que les chefs sont crédibles, que les remèdes sont efficaces. Malgré 6 ans de remèdes exceptionnels, d'austérité et de régression, elle est toujours là, simplement noyée, enfouie sous des montagnes de liquidités et de crédit qui ne pourront jamais être honorés. Malgré cela, le chômage et la déflation s'enracinent, les systèmes de protection sociale et de retraite sont en perdition.

La crise de notre époque n'est guère différente de celles que l'on a connu dans le passé comme en 1873 ou 1929. C'est une crise globale, systèmique, elle touche les fondements même de notre ordre social. La dureté de la Dépression n'a pas été évitée, elle a été retardée, diluée au prix d'un enracinement des causes même de cette crise. La crise exprime, reflète la généralisation des fausses valeurs, l'écart entre les valeurs financières, monétaires, boursières et le monde réel, le monde de l'économie.et de la production de richesses. Toutes les valeurs ont été inflatées, perverties par le crédit, la création monétaire et l'inflation de la masse des promesses, alors que le progès des sciences, des technologies et des procédés de fabrication provoque une tendance continue à la baisse des prix.


A la tendance à la déflation produite par le progrès, les élites veulent s'opposer par l'inflation des valeurs financières, boursières et bancaires. Ils impriment de la fausse monnaie, gonflent les bilans de leurs  banques centrales, afin de maintenir en lévitation ces fausses valeurs qui constituent leur fictif capital . Ce qui se passe en ce moment en Chine est, en caricature, en accéléré et en expressionniste ce que nous vivons et allons vivre par petites touches, soft et graduelles. En Chine s'attaquer aux valeurs, vendre sur le marché boursier est devenu motif de prison. La Chine donne à voir ce qui est caché chez nous. Tenir les marchés financiers est devenu partout une priorité publique au mépris de toutes les autres. Ne vous y trompez pas, maintenir des valeurs, des valorisations fausses est une priorité nationale, politique et vouloir s'y opposer sera considéré comme une atteinte à la sécurité des pays.

loisscele.jpegIl faut nier la Crise pour une autre raison : pour gagner du temps. Le temps de mettre en place les sauvegardes qui seront nécessaire pour maintenir le (dés)ordre ancien quand la Crise s'extériorisera à nouveau. Il faut militariser la police, mettre en place les réseaux de contrôle et de renseignement, prendre les textes et les lois. Le temps présent est celui qui est mis à profit pour encadrer, pour quadriller, pour préparer, se doter de l'arsenal de maintien de l'ordre. Mais pendant ce temps, la crise continue de saper les bases de nos sociétés par le mensonge de la fausse monnaie, des fausses statistiques, et des fausses promesses. Ah 2017 !
En attendant, on met en place le Grand Transfert.  Ainsi de  la loi qui autorise le pillage des dépôts bancaires des classes moyennes , de celles qui petit à petit restreignent l'usage et la possession du cash. Nous l'avons dit et redit, la seule question intéressante posée par la Crise est de savoir qui va payer quand l'addition, la vraie, la réelle, va être présentée. Si vous en doutez pensez à l'exemple Grec.

Qui va payer ? Les travailleurs sous forme de chômage accru et de rémunérations directes et indirectes amputées ; les classes moyennes sous forme de confiscation d'une partie de leur épargne ; les petites entreprises sous forme d'alourdissement des impôts et taxes ; les grandes entreprises sous forme d'impôts, de nationalisations et confiscation ? A moins que ce ne soient tous ceux qui n'ont pour seul actif q'un peu de monnaie prochainement hyperinflatée.

Le refus de restructurer la finance et ses créances va conduire à des décisions dramatiques. Car les choix sont politiques. Ils sont difficiles, douloureux et surtout déstabilisants. Les précédents historiques sont clairs et instructifs. Ils ne laissent aucun doute sur ce qui va se passer. Le poids des dettes fragmente nos sociétés, les disloque et détruit le tissus social. La construction politique Européenne va vaciller. L'Allemagne va bien entendu refuser de payer pour les autres. A l'intérieur, les consensus vont voler en éclat avec, soit des partis classiques qui se radicalisent, soit des partis nouveaux qui les supplantent..

L'ordre ou ce que les élites dominantes appellent l'ordre va être contesté et c'est à cela qu'ils se préparent. Durement. Comment comprendre autrement la férocité de la lecon qui a été donnée aux Grecs qui ont tenté de se rebeller ?

Alors que des journalistes Allemands sont menacés et accusés de trahison par le Procureur Général pour avoir révélé la mise en place de dispositifs de contrôle et d'écoutes, la presse Britannique a choisi de monter les faits en épingle. Bravo. Cet article est la contribution de quelqu'un qui n'était pas Charlie, alors que Merkel elle, l'était.

Bruno Bertez, 2 août 2015

lundi, 09 mai 2011

L'automne des libertés

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L’automne des libertés

par Georges FELTIN-TRACOL

Quand les historiens de demain se pencheront sur la société hexagonale du début du XXIe siècle, ils la qualifieront aisément de société totalitaire molle. En effet, derrière une apparence laxiste se cache une entreprise de destruction systématique des libertés réelles.

Après la défense d’examiner certaines questions historiques sous peine d’emprisonnement (voir le cas de Vincent Reynouard aujourd’hui heureusement libéré), après la prohibition du purin d’ortie (mesure désormais abrogée), la surveillance intéressée de la Toile (cf. loi H.A.D.O.P.I.) et le bannissement public de la burqa musulmane, voilà les autorités prêtes à lever une « milice du sexe » contre les clients des prostituées qui rejoindra la cohorte de la « police de la pensée historique » et de la « gendarmerie du vêtement ».

Un célèbre quotidien vespéral a publié récemment une tribune libre, cosignée par la présidente et le rapporteur de la Mission d’information sur la prostitution en France, intitulée « La prostitution n’est pas une fatalité. Pénaliser le client est une nécessité ». Quelles sont les explications de ces deux députés pour exiger six mois de prison et 3000 euros d’amende aux adeptes des rencontres tarifées ?

Leur justification aurait pu être sanitaire ou sociale. Non, Danielle Bousquet, présidente de la mission et élue socialiste des Côtes-d’Armor, et Guy Geoffroy, élu U.M.P. de Seine-et-Marne, préfèrent recourir à des motivations morales et « politiquement correctes ». Faut-il ensuite s’étonner qu’ils écrivent : « si des députés de droite comme de gauche ont pu s’accorder sur les réponses à donner à ces questions, c’est parce que nous partageons les mêmes valeurs démocratiques et républicaines » ? Où est donc le pluralisme des valeurs, cette diversité fondamentale, tant vanté par ailleurs ? Remarquons une fois de plus la réalité indéniable de l’U.M.P.S., cette coalition kleptocratique parasitaire.

Que réclament donc ces députés, croisements improbables entre un néo-puritanisme post-chrétien et un ultra-féminisme hystérique ? Un ensemble de sottises, ce qui ne saurait surprendre de la part d’individus ignorants et incompétents (qu’on se rappelle de leurs « travaux » pitoyables sur les sectes…). En s’appuyant sur des analyses sociologiques partiales et des documents mondialistes provenant de l’U.N.I.C.E.F., ils assènent avec un mépris formidable et une absence totale de compassion que « les clients ne vivent pas dans la misère sexuelle. […] Ce pauvre homme dont le seul petit plaisir est “ d’aller aux putes ”. Ce serait presque lui que l’on considérerait comme une victime de sa solitude (Le Monde, 12 avril 2011) ». Qu’il est loin, le manifeste situationniste de Debord et Kayanati, qui dénonçait, dès 1966 !, la misère sexuelle avec la fameuse Misère en milieu  étudiant ! Oui, Bousquet et Geoffroy, certains « vont aux putes » comme d’autres participent aux dîners du Siècle ou s’enrichissent sur le dos des contribuables corvéables à merci… Qui sont les plus nocifs ?

N’en déplaise aux deux Tartuffes du Palais-Bourbon et à leurs congénères, la misère sexuelle existe, elle s’est même développée, favorisée par la schizophrénie sociale ambiante. La société exalte en permanence le sexe. Pour vendre une bagnole, un téléphone, un parfum, une pizza, un film, un yoghourt, il faut que la personne – produit d’appel soit physiquement irréprochable et nue, ou en (très) légère tenue. La saturation hyper-sexogène est maximale. Il n’est plus rare qu’un enfant en classe de 6e (soit onze ans) ait déjà vu un film pornographique et n’ignore rien de la vaste palette des pratiques sexuelles… Qu’on ne soit pas surpris de la recrudescence du nombre de viols, malgré les dénégations de la Mission d’information à ce sujet !

Tout pour nos deux députés que pour « Tartuffette » Bachelot, dite aussi la dame bienfaitrice des firmes pharmaceutiques, « il est enfin temps d’analyser la prostitution au regard du respect dû à l’être humain, de la “ non-patrimonialité ” du corps humain et de l’égalité des sexes (Le Monde, 12 avril 2011) ». Ah ! l’égalité des sexes, cette tarte à la crème postmoderniste… C’est au nom de cette absurde « égalité des sexes » que le législateur a inscrit dans le Code pénal le « viol au sein du couple ». Si l’épouse refuse d’assumer son devoir conjugal et si le mari passe outre, il risque la cour d’assises. Jusqu’à maintenant, le mari frustré pouvait se rabattre sur les professionnelles. Bientôt, qu’il fasse l’un ou l’autre, il rencontrera la justice républicaine. Serait-ce le moment d’Onan ?

L’« égalité des sexes » est une gigantesque escroquerie intellectuelle. L’homme n’est pas l’égal de la femme. Ce constat réaffirmé, doit-on en conclure qu’il faille tenir le beau sexe pour inférieur et le réduire à la condition  servile ? Non, surtout pas, car à l’égalité, notion moderne cruciale, il importe de privilégier une conception traditionaliste post-moderne, celle de la complémentarité des sexes à partir de laquelle se répartissent les tâches.

Pour Sarah-Marie Maffesoli du Collectif Droit et Prostitution, « pénaliser le client est un moyen détourné pour prohiber la prostitution. Cela pose la question de la liberté sexuelle de chacun. C’est une loi symbolique, portée par des féministes d’arrière-garde (Libération, 14 avril 2011) ». Elle aurait pu ajouter qu’on assiste à une intrusion supplémentaire de l’État dans la vie privée et l’intimité.

Incapables – car sans aucun courage – de légiférer contre les organismes bancaires et les forces d’argent ou d’imposer le revenu maternel, parental ou familial, voire de citoyenneté, les députés parient sur le renforcement du contrôle des personnes. « Tartuffette » Bachelot avertit qu’« il faudra probablement passer par le flagrant délit ou la dénonciation (Libération, 14 avril 2011) » pour surprendre le client. Va-t-on mettre sur écoute tous les Français ? Les espionner via une vidéo-protection inopérante, onéreuse et futile ? L’usage de la dénonciation ne rappelle-t-il pas les « heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire » (« Allo, la Kommandantur ? » ou bien cliquez sur le site Délation républicaine) ? La ministresse se sentirait-elle une âme d’indic ?

L’invasion de l’État et de la loi dans notre privauté n’est pas une nouveauté. Il y a longtemps que le Français subit des contraintes imbéciles : obligation de posséder un compte bancaire et donc de se soumettre aux intérêts ploutocratiques, d’envoyer ses enfants à l’école et donc de suivre des programmes ineptes, de se faire vacciner et donc d’entériner la mainmise des oligopoles médicaux, etc. Chantres du phalanstère et de la vie en communauté totale, les socialistes utopistes du XIXe siècle (Fourrier et Cabet), seraient pantois devant l’actuelle ingérence étatique qui s’étend encore. Bientôt, les foyers devront s’équiper d’alarme anti-incendie. Au nom de la soi-disant « égalité sexuelle », il imposera sous peu la répartition égalitaire des tâches ménagères. Combien de formulaires à remplir pour passer l’aspirateur ? Et que penser de la proscription prochaine de la gifle et la fessée aux enfants, sinon qu’il s’agit d’abolir la structure familiale et l’autorité parentale ? Quant aux réfractaires, on les embastillera parce que leurs enfants vont dans une école privée hors contrat, parce qu’ils choisissent un traitement médical alternatif (pensons aux avanies faites à ces grands scientifiques réprouvés que furent Mirko Beljanski et Loïc Le Ribault), parce qu’ils osent cultiver « bio » hors de toute réglementation eurocratique… Le tout assorti de l’accusation fallacieuse de menées sectaires…

En plus de l’amende et de l’incarcération (alors que les établissements pénitentiaires sont saturés), certains phobiques de la prostitution, une des rares phobies tolérées, proposent même au micheton pris sur le fait de suivre, à ses frais (c’est-à-dire accepter une extorsion légale), une sorte de stage de citoyenneté dans une association spécialisée. Ce « stage citoyen » existe dès à présent pour la burqa ainsi que pour les délits « racistes ». L’ouverture des camps de rééducation est proche.

Par-delà cette loi inique qui détourne l’opinion des véritables enjeux dont celui de la faiblesse des États face à l’omnipotence des multinationales, c’est principalement l’homme blanc hétérosexuel qui est donné à la vindicte de l’extrême féminisme et des nervis du « discours des genres ». Malgré une argumentation parfois maladroit (arrêtons d’attaquer le populisme !), l’acteur Philippe Caubère a très bien rappelé qu’on assiste à « la dégradation, la dérive et finalement la faillite d’un “ féminisme ” qui, s’inspirant du fameux “ modèle suédois ” – celui-là même qui permet à un journaliste adulte et responsable ayant accepté une relation sexuelle sans préservatif d’en faire envoyer l’auteur en prison -, se consacre aujourd’hui à la pratique de cette nouvelle chasse à course dont l’homme est le gibier (Libération, 14 avril 2011) ». Allié de l’hyper-classe, l’ultra-féminisme a déclaré la guerre des sexes. Que ces pétroleuses d’un nouveau genre fassent attention, l’homme européen ne renoncera pas à sa virilité sans combattre !

Bousquet et Geoffroy, nouveaux Diafoirus de l’Assemblée nationale, s’amourachent du fameux système suédois. La Suède, parlons-en ! Cet incroyable exemple de dégénérescence occidentale bénéficie cependant de circonstances atténuantes puisqu’il cumule les tares du protestantisme, de la social-démocratie égalitariste, du libéralisme et du féminisme. Il y a des États bien malchanceux dans le monde…

Victime d’étranges accusations, Julian Assange a raison de considérer la société suédoise comme « l’Arabie Saoudite du  féminisme ». À la suite de cette affaire curieuse, des juristes de ce pays décati se demandent si, avant de coucher, la femme ne devrait pas signer une décharge certifiant son consentement… De nos jours, Casanova et Don Juan seraient des ennemis publics parfaits.

Ravagée par une « ripoublique » plus que jamais totalitaire, sectaire et bananière, la France crève d’un excès de lois et de réglementations idiotes qui favorisent l’anomie sociale. Ce délitement revient au « monstre froid » étatique, laquais de la super-classe parasite, qui veut nous contrôler. Contre son invasion dans nos vies, préparons la dissidence, la rébellion, le recours aux maquis… Quant aux Bachelot, Bousquet, Geoffroy et compagnie, stipendiés de l’oligarchie, dégagez ! Bienvenue en revanche aux hétaïres, aux ribaudes, aux courtisanes ! Et donnons au Palais-Bourbon enfin vidé une meilleure fonction : devenir le plus grand lupanar d’Europe !

Georges Feltin-Tracol


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=1956

mercredi, 27 août 2008

De la guerre dans le cyberspace

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De la guerre dans le “Cyberspace”

Entretien avec le journaliste Stefano Silvestri, expert militaire, sur la cryptographie, la sphère privée et la sécurité sur le net

Q. : Professeur Silvestri, au cours de cette der­nière année 1998, on a beaucoup par­lé, sur le net et ailleurs, du projet “Eche­lon”, élaboré par l'agence américaine NA­SA, dans le but de contrôler toutes les com­munications téléphoni­ques, y compris les fax et les courriers électro­niques, mê­me en dehors d'Amérique et, sur­tout, en Eu­rope. D'après certains observateurs, il s'agirait en fait d'une légende colportée sur le net; pour d'autres, en revanche, cet­te intru­sion est une donnée fondamen­ta­le, comme l'ex­plique l'intérêt qu'y por­tent les organismes officiels de la Com­mu­nauté Européenne; cet in­térêt semble prouv­er qu'il ne s'agit donc pas d'une “lé­gende”. Qu'en dites-vous?

StS : Je dis que le contrôle des communica­tions a toujours grandement focalisé l'atten­tion des agences d'information américaines. En ce qui concerne les simples communications té­léphoniques, leur contrôle est déjà un fait ac­quis depuis longtemps. L'attention actuelle, por­tée à internet, n'a fait que croître ces der­niers temps, d'abord dans l'intention de con­trô­ler les aspects de cette technologie qui ont bé­néficié à la criminalité  —je pense notam­ment à la pornogra­phie—  ensuite dans l'inten­tion de protéger les in­for­mations confiden­tiel­les contre les interventions des “hackers”, les pi­rates de l'informatique. Dans ce dou­ble con­texte, est née l'idée qu'il faudra contrôler toujours plus étroitement les communications. Le pro­blème qui se pose est, tout naturelle­ment, de savoir si un tel contrôle est légitime ou non, et dans quelle mesure, car les commu­ni­cations sont en théo­rie ouvertes, car elles ont été créées pour être et de­meurer ouvertes, pour être lues de tous, comme c'est le cas sur la grande toile. Mais si elles sont lues par tous, elles peuvent l'être par les agences de sécu­ri­té. Cette évidence est moins légitime, voire to­ta­lement illégitime, si l'on parle d'informations confi­den­tielles, de quelque forme que ce soit, de quelque manière qu'elles soient cryptées, même si elles ne sont que de simples commu­ni­cations téléphoniques. S'il existe une tutelle, ou des garde-fous, pour ce qui concerne les com­munications à l'intérieur d'un Etat, il n'exis­te aucune protection juridique pour les com­munications internationales.

Q. : Je vais émettre une hypothèse, faire un saut en avant dans le temps, disons de dix ans, ce qui nous amène en l'an 2009. On peut pré­voir, sur base de ce qui se pas­se aujourd'hui, que les autoroutes de l'in­formation acquerront une importance en­core plus importante d'ici ces dix an­nées. A quoi ressembleront ces auto­rou­tes de l'information, seront-elles plus li­bres ou plus contrôlées? Quelle forme pren­dra, se­lon vous, la lutte pour le con­trôle et la sur­veil­lance des informations et surtout pour la pro­tection de la sphère privée?

StS : Ce n'est pas facile de faire des prévi­sions, parce que le net, tel qu'on le connaît au­jourd'hui et tel qu'il s'est développé jusqu'ici, se base sur l'idée d'une liberté complète d'in­for­mer et de faire circuler des informations. Mais la multiplication des phéno­mè­nes de na­tu­re criminelle a forcé les autorités à é­laborer des systèmes plus complexes de contrôle. Je crois donc que cette lutte continuera. Vous sa­vez qu'il existe des organisations à l'inté­rieur même de la grande toile qui s'opposent d'ores et déjà, par principe, à toute forme de contrô­le, même limitée, parce qu'elles estiment que tout type de contrôle fi­nit par bloquer la com­mu­ni­cation. Je retiens person­nellement qu'il faut certaines formes de contrôle, s'il n'y a pas moyen de faire autrement. Il faut réussir pour le net ce qui se passe déjà pour les com­mu­nications téléphoniques internationales : par­ve­nir à généraliser un contrôle sur les thèmes et les mots clefs. De ce fait, je ne pense pas que nous aurons né­cessairement plus ou moins de liberté, mais que nous aurons une si­tuation différente, où deux phé­no­mènes pren­dront parallèlement de l'ampleur : l'é­lar­gisse­ment de la grande toile, c'est-à-dire un ac­crois­­sement de liberté, mais aussi, si­mul­ta­né­ment, une “intrusivité” accrue de la part de cer­taines a­gences étatiques.

Q. : Quels instruments pourra-t-on utiliser pour maintenir la sphère privée dans une situation de ce genre?

StS : Partiellement, la sphère privée est reliée à ce qui se met sur la toile. Il est dès lors évident que ce qui est présent sur la toile peut être lu, tandis que les choses qui n'y sont pas de manière évidente, ne peuvent pas être lues. Par conséquent, on sera tenté de ne pas dire certaines choses sur la toile elle-même. Par ailleurs, on pourra recourir à des sys­tè­mes de plus en plus sophistiqués de cryptage. Mais c'est une démarche beaucoup plus complexe, parce que tout système de cryptage peut être décrypté, sauf si l'on utilise un système supé­rieur d'élaboration de données. En consé­quen­ce, le problème, à ce ni­veau, est celui de pos­sé­der une capacité systémique à élaborer des don­nées de manière plus rapide et plus puis­sante que les autres. Ce type de capacité, seuls les Etats les possèdent.

Q. : Quels sont les Etats qui ont les systè­mes les plus puissants ?

StS : Essentiellement, les Etats-Unis. Nous en som­mes arrivés au stade que les Etats-Unis, sur in­jonc­tion de leur ministère de la défense, n'exportent ja­mais ces systèmes de sécurité complets, qu'ils éla­bo­rent chez eux pour le bé­néfice du gouvernement américain, pour évi­ter d'affronter des systèmes de cryptage étran­gers, difficiles à briser.

Q. : Si je vous comprends bien, nous a­vons af­faire, d'une part, à un processus de globali­sa­tion et, d'autre part, à un re­tour au natio­na­lisme, face au nouveau sys­tème mondial de communication…

StS : C'est un double processus qui survient tou­jours sur les marchés globalisés : au dé­part, on com­mence avec un maximum de li­ber­té, puis, à un certain moment, on en arrive à développer des rapports de force. Dans le cas qui nous préoccupe, nous sommes face à un problème de rapports de for­ce.

Q. : Nous avons donc affaire à une guerre dans le “cyberspace”, pour le contrôle des flux d'in­for­mations, mais est-ce une pers­pective bien réelle? Si oui, comme va-t-on la combattre et par quels moyens?

StS : Disons que cette idée d'une guerre dans le “cy­berspace” reçoit beaucoup d'attention ac­tuellement parce qu'elle se concilie parfaite­ment avec l'hypo­thèse que posent les Amé­ri­cains aujourd'hui, affir­mant que nous assistons à une nouvelle révolution dans les affaires mi­li­taires. Ce que l'on considère dé­sormais com­me le système des systèmes consiste, pour l'essentiel, en une méthode électronique de contrôle des diverses armes, qui tend simulta­nément à utiliser aussi des systèmes de guerre non tradi­tion­nels: par exemple, le contrôle de l'in­formation. Celui-ci revêt évidemment une im­portance cruciale en temps de guerre. Les mé­dias donnent de fausses informations, ou n'en donnent pas, et réussissent ain­si à em­pê­cher la circulation de certaines informa­tions dé­terminées, ou à se substituer aux systèmes d'in­formation nationaux des pays que l'on veut at­ta­quer. Tout cela est théoriquement possi­ble. Le con­trô­le peut également s'exercer sur les informations d'ordre technique, dans la me­­sure où nos nouveaux systèmes d'arme­ment dépendent d'un certain flux d'informa­tion. Par exemple, les informations, en pro­ve­­nance de satellites, relatives aux positions géo-sta­tionnaires, au climat, etc., peuvent se faire in­fluencer d'une certaine manière, ce qui est aussi une façon de faire la guerre. Notam­ment l'intrusion, en provenance de l'extérieur, dans les systèmes d'infor­mation ou de sécu­ri­té, ou dans les systèmes de con­trôle du trafic aé­rien, sont considérés comme des ac­tes de guer­re. De telles intrusions n'ont pas enco­re eu lieu; elles ne sont que de pures hypo­thè­ses, relevant de la science fiction ou du roman et non pas encore du réel. Mais il est évident que si un hacker peut perturber un ordinateur du Pentagone, celui-ci peut utiliser la même technique contre un tiers.

Q. : Par conséquent, dans l'hypothèse d'u­ne guerre “informatique”, n'aurons-nous pas af­fai­re à un problème se focalisant da­vantage sur les sources d'information?

StS : Effectivement, plusieurs problèmes se jux­tapo­sent:  un problème qui relève de la sé­curité des sources, un problème quant à la “pu­reté” des infor­mations et un problème de sé­curité des infor­ma­tions. Sur le Vieux Con­ti­nent, nous avons peu d'ex­pé­riences, parce qu'en Europe, nos systèmes mi­li­tai­res sont ar­chaïques, au pire, trop vieux en tout cas pour faire face à la nouvelle donne. Les Américains ont plus d'expériences parce qu'en fait leurs systè­mes militaires utilisent certes d'anciennes techni­ques, comme les Européens, mais utili­sent aussi la grande toile; ils ont donc une in­dé­niable expérience dans la façon d'utiliser cel­le-ci, tant sur le plan dé­fensif que, po­ten­tiel­lement, sur le plan offensif.

Q. : Pourriez-vous nous donner quelques exem­ples récents de conflits ou, plus gé­néralement, d'événements de la politique internationale, où la lutte pour le contrôle de l'information dans le “cyberspace” a dé­jà eu un rôle d'une im­portance parti­cu­lière?

StS : Je dirais que, pour l'essentiel, c'est enco­re une question de rapports de force entre les Etats-Unis, l'Europe et les autres pays. Exem­ple : nous avons af­faire à un nouveau niveau dans l'utilisation des in­formations et des don­nées recueils à la suite d'in­terceptions télépho­niques à la suite immédiate des attentats en Afrique contre les ambassades améri­caines; ce nouveau degré d'utilisation de la techno­lo­gie s'u­tilise désormais pour repérer les groupes ter­­roristes responsables de ces attentats. Ce ni­veau technologique en est encore au stade de la simple information. Par ailleurs, il y a tou­te une série d'exem­ples de guerre informa­ti­que mais ces cas sont surtout liés au monde in­dustriel plus qu'au monde militaire ou à la sé­curité pure. Ou bien l'on utilise les canaux in­formatiques libres ou couverts pour trou­bler la sécurité des industries.

Q. : Le “cyberspace”, par définition, est en quel­que sorte “a-territorial”, ou, au moins, très éloigné du type de terri­to­rialité auquel nous sommes habitués dans le monde réel (et non virtuel). Existe-t-il dès lors une géopolitique du “cyber­spa­ce”. Et sous quelle forme?

StS : Le “cyberspace” constitue une négation de la géopolitique. Par suite, nous pouvons dire que nous sommes essentiellement con­fron­tés à une question de frontières. Les fron­tiè­res peuvent tout sim­ple­ment se connecter, non pas aux médias, mais aux u­tilisateurs eux-mêmes. Nous pouvons dire qu'il existe une géopolitique du “cyberspace” dans la me­sure où nous trouvons plus d'utilisateurs con­cen­trés dans une région du monde que dans une autre. Ce qui nous donne une forte con­centration aux Etats-Unis, une concentration en croissance constante en Europe et une con­centration très réduite et épar­pil­lée en Afrique. Autre hypothèse : on pourrait déve­lop­per des ca­tégories géopolitiques reposant sur la capa­ci­té technologique à intervenir dans le “cy­ber­space”, capacité qui coïncide dans une large me­sure avec la zone où l'on utilise de la ma­nière la plus in­tense ces technologies et où cel­les-ci sont par con­séquent les plus avan­cées. Je crois que j'ai énuméré là les prin­ci­pa­les catégories, parce que, pour le re­ste, in­tro­duire des barrières à l'intérieur même du “cy­ber­space” équivaudrait à détruire le “cyber­spa­ce” lui-même. Et, en conséquence, cela signi­fie­rait ipso facto de détruire ce principe de li­berté de circulation ou ce principe de grande fa­cilité de circulation des informations, qui po­se problème, mais qui est simul­tanément la ri­chesse de cet instrument.

Q. : Existe-t-il des protocoles de régle­men­ta­tion entre les Etats en ce qui con­cer­ne le “cy­berspace”?

StS : Non. Pas encore en tant que tels. Je di­rais que ce qui va se faire tournera essen­tiel­lement autour du problème des contrôles. En d'autres termes: com­ment pourra-t-on géné­rer des coopérations pour évi­ter l'augmen­ta­tion de la criminalité dans ce nouveau moyen de communication qui, comme tous les mé­dias, peut évidemment se faire pénétrer par les réseaux criminels. Tous ces problèmes sont liés au fait que le “cyberspace” est par défini­tion extra-territorial. En tant que tel, toutes les in­terventions à l'intérieur de ce cyberspace, mi­ses à part les inter­ven­tions sur un opérateur sin­gulier, sont des inter­ven­tions forcément trans­nationales. A l'échelon na­tio­nal, une in­ter­vention est possible, mais elle fait auto­mati­quement violence à des tiers. Des romans com­­mencent à paraître qui prennent pour thè­me de tels sujets. Tom Clancy est de ceux qui s'occupent ain­si de la grande toile; il a inventé une police amé­ricaine fictive qui s'appelle “Net Force” mais qui n'a pas une fonction seule­ment protectrice et judiciaire, mais se livre à des actions offensives et défensives à l'inté­rieur même du “cyberspace”. En Europe, nous n'en sommes pas encore là. Loin de là.

Q. : Pouvez-vous nous donner une défini­tion de ce que l'on appelle un système de “cryptogra­phie”?

StS : La cryptographie est un système visant à ca­moufler, à masquer, le langage. Vous prenez un mot et vous lui donnez une tout autre si­gni­fication. Vous avez affaire là à un système de cryptographie ba­nale. Les systèmes de cry­p­to­graphie ont crû en im­portance, au fur et à me­sure que les communica­tions, elles aussi, ont acquis de l'importance. Ainsi, au fur et à me­sure que les opérations militaires propre­ment dites se sont mises à dépendre toujours da­vantage du bon fonctionnement des com­mu­ni­ca­tions, la cryptographie est, à son tour, de­venue très importante. C'est clair : tant que les communications se faisaient entre le com­man­dant des forces sur le terrain et, par exem­ple, le peloton de cavalerie qu'il avait en­voyé en reconnaissance, la communication se vo­yait confiée à un messager et la cryptogra­phie n'avait pas beaucoup de sens. Pour l'es­sentiel, il suffisait que le messager comprenne bien ce que le commandant lui disait et le ré­pète correctement. Pe­tit à petit, quand les o­pé­rations sont devenues plus globales, on a com­mencé à utiliser des systèmes plus com­plexes, mais qui risquaient d'être intercep­tés ou décryptés comme la radiophonie. La crypto­gra­phie était devenue nécessaire. Pendant la se­con­de guerre mondiale, la cryptographie a joué un rôle fondamental. Les alliés ont réussi à décrypter le sy­stème allemand de crypto­gra­phie. Cela leur a pro­cu­ré un gros avantage stra­tégique, pendant toute la du­rée des ho­sti­lités. Pendant la guerre froide éga­le­ment, la capacité de pénétrer les systèmes de com­­mu­nication de l'adversaire a eu une impor­tan­ce ca­pitale. Dans cette guerre, la capacité des Amé­ricains à parfaire ce genre d'opération é­tait supérieure à celle des Soviétiques, ce qui a donné, in fine, l'a­vantage aux Etats-Unis. Au­jourd'hui, la guerre des cryptographies conti­nue tant dans la sphère écono­mique que dans celle du militaire. La guerre actuelle dépend lar­gement des nouveaux systèmes de cryp­to­­gra­phie, lesquels sont désormais intégrale­ment ba­sés sur l'informatique. Plus l'ordina­teur est rapide et puissant, plus le logarithme est complexe, sur ba­se duquel on crée la cryp­tographie des phrases, et, finalement, l'en­sem­­ble du système est le plus fort. Les super-or­dinateurs américains sont nés, partielle­ment, pour être capables de gérer les opérations de la Nasa dans l'espace, mais aussi, pour gérer de nou­veaux systèmes de cryptographie.

Q. : Par conséquent, les systèmes de cry­pto­gra­phie, comme le soutient le dé­par­te­ment de la défense aux Etats-Unis, peu­vent se considé­rer véritablement comme des armes?

StS : Ils font assurément partie du système de sécu­rité et de défense d'un pays. Ils con­sti­tuent une ar­me offensive dans la mesure où ils peu­vent poten­tiel­lement pénétrer le système de communication de l'ennemi, et constituent aussi une arme défensive, car ils empêchent l'en­nemi de pénétrer leurs propres systèmes. A ce système de cryptographie s'ajoutent les au­tres systèmes spécialisés mis en œuvre. La com­­binaison des divers types de systèmes don­ne un maximum de sécurité.

 

(entretien paru dans Orion, n°179/août 1999; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

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