Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 01 janvier 2024

Quel est le rapport entre le libéralisme et la liberté ?

f7d35b6541aaca6f5dcadbd5a3cb8842.jpg

Quel est le rapport entre le libéralisme et la liberté ?

Par Raphael Machado

Source: https://jornalpurosangue.net/2023/12/18/o-que-o-liberalismo-tem-a-ver-com-liberdade/

Il est très fréquent de voir les libéraux traiter leur théorie politique et la "liberté" en tant que valeur et principe comme s'ils étaient synonymes et comme s'il y avait une corrélation proportionnelle directe entre eux.

En fait, pour le libéralisme, la liberté est la valeur suprême et l'axe autour duquel tous les phénomènes sociaux, politiques, économiques et culturels sont lus. C'est plus qu'évident. Ce qui l'est moins, c'est "quelle" liberté ?

Le problème est que les libéraux traitent la "liberté" comme s'il s'agissait d'une chose qui existe dans la nature, ou d'une chose dont le contenu est évident et donné d'avance, et non d'une construction sociale et culturelle. Comme dans toute fausse conscience, ce qui est idéologique, relatif, construit et récent est traité comme scientifique, absolu, naturel et pérenne.

Seriez-vous surpris de découvrir que leur concept de liberté n'a que trois siècles ? Car si l'on définit la "liberté" comme l'absence d'obstacles, d'entraves ou d'interdictions à l'action individuelle, comme le droit de "faire ce que l'on veut", alors jusqu'à l'époque moderne, ce concept de liberté était fondamentalement inconnu de l'humanité.

Aussi étrange que cela puisse paraître, ce que presque tout le monde comprend de manière "évidente" comme étant la définition et le sens même de la "liberté" (certains vont jusqu'à la considérer comme un "droit naturel"!) n'est rien d'autre qu'une construction historique liée au triomphe historique de la bourgeoisie.

Le sujet est largement abordé par Benjamin Constant, Isaiah Berlin et Alain de Benoist.

Ce que les "anciens", comme Constant désignait les Grecs et les Romains, définissaient comme la liberté, c'était la participation active et constante à la communauté comme moyen d'exercer directement une part de souveraineté. La liberté serait donc un principe politique et une prérogative collective.

On n'est libre que dans la mesure où l'on participe à l'exercice de la souveraineté par le biais de la politique. La liberté ne concerne pas la sphère privée, mais la sphère publique. C'est pourquoi les décisions souveraines du corps politique sont rarement considérées comme des atteintes à la "liberté". La liberté est quelque chose qui implique aussi l'obéissance à l'autorité.

Isaiah Berlin aborde le sujet d'une manière différente, mais dans la même direction. Contrairement à ce qu'il appelle la "liberté négative" (c'est-à-dire la possibilité de faire ce que l'on veut, sans avoir à se soucier d'interdictions ou de limitations), Berlin parle de "liberté positive", qui serait une action autodéterminée orientée vers la réalisation de ses propres objectifs fondamentaux.

En ce sens, selon Berlin, un homme dépendant n'est jamais libre, car ses décisions sont facilement influencées par des impulsions qui échappent à son contrôle. Selon cette conception, il est même possible de recourir à l'intervention de l'État et à la coercition pour étendre la liberté, par exemple en renforçant les mécanismes d'autocontrôle et d'autodiscipline des hommes.

Si l'on combine les définitions de Constant et de Berlin, on obtient une vision assez fidèle de la conception traditionnelle de la liberté, telle qu'elle est défendue par Platon, ou telle qu'elle était valorisée dans les sociétés traditionnelles (même si elles n'ont pas toujours réussi à s'en approcher).

Dans la synthèse platonicienne, la liberté prélibérale serait donc la co-participation au corps politique dans la poursuite du Bien, ce qui implique nécessairement le gouvernement du meilleur et la recherche des vocations fondamentales de chacun, avec la responsabilisation de chaque citoyen pour qu'il puisse se réaliser de manière autonome (en tant que cellule du corps politique).

L'image finale est radicalement différente du concept de liberté inventé par les marchands ambulants, les usuriers et les parasites qui composaient la bourgeoisie naissante à la fin du Moyen-Âge et qui ont réussi, pendant longtemps, à dicter la direction du monde.

Le libéralisme (et ses dérivés comme le libertarianisme et l'anarcho-capitalisme), non seulement n'a donc pas le monopole de la défense de la liberté, mais peut aussi être interprété comme contraire à la liberté à la lumière de la Tradition.

jeudi, 02 novembre 2023

Le fantôme de la liberté. Un Occident totalitaire ?

5610ffe77ffb634ad79b4db5b8c317bd.jpg

Le fantôme de la liberté. Un Occident totalitaire?

par Roberto Pecchioli

Source : EreticaMente & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-fantasma-della...

La liberté n'est pas en bonne santé en Occident, patrie autoproclamée de la liberté. Elle risque de se transformer en fantôme, au point de se fondre dans une nouvelle forme, non moins insidieuse que les précédentes, de totalitarisme, où les méthodes "dures" (contrainte physique, terreur, élimination des dissidents, interdictions explicites de penser, de parler, de s'associer, d'agir) sont remplacées par la séduction, le contrôle à distance, l'abolition progressive des idées non conformes. C'est la méthode de la grenouille ébouillantée, le rétrécissement lent et régulier des libertés concrètes, retirées une à une, toujours justifiées par de nobles motifs: sécurité, protection, défense des minorités, inclusion, discours de haine, etc. Nous n'avons pas encore basculé dans le totalitarisme pur et dur, mais les prémisses sont là.

Le titre de cette réflexion contient deux mots (liberté et totalitarisme) dont le sens n'est pas universellement partagé. La troisième catégorie - l'Occident - a depuis longtemps perdu toute connotation géographique pour devenir le nom de la civilisation articulée autour du libéralisme politique et du libéralisme économique, dirigée par les États-Unis, et composée de l'Europe occidentale, d'Israël et des satellites de l'ancien empire britannique, avec des ramifications de plus en plus indisciplinées en Amérique centrale et en Amérique du Sud. L'Occident est un système d'hégémonie sur l'humanité au nom d'une oligarchie internationale illégitime. Il est le contraire de l'Europe, dont il a détruit la culture, les racines et les traditions. Ayant atteint le pouvoir "impérial", il a inversé la prédiction de Lord Acton au 19ème siècle : le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument.

6505393eb4675e15a74e03168aeebb02.jpg

Margaret Thatcher était une interprète cohérente de cette tendance, pour qui il n'y a pas d'alternative au modèle mondial occidental. L'acronyme TINA, there is no alternative, est devenu l'un des mantras d'un système de plus en plus oppressif au nom de la liberté économique et financière de quelques géants. La négation de la possibilité d'alternatives est en soi un concept totalitaire.

La définition la plus prégnante du totalitarisme est celle de Hannah Arendt. Pour la penseuse juive allemande, le totalitarisme contemporain est un modèle politique distinct des formes historiquement connues de pouvoir autoritaire telles que le despotisme, la tyrannie et la dictature. Là où il a pris le pouvoir, il a détruit les traditions politiques, écrasé l'ordre social antérieur et poussé à l'extrême les caractéristiques de la société de masse, telles que l'isolement et l'interchangeabilité des individus.

Le néo-totalitarisme n'exige pas seulement la subordination politique, il envahit et contrôle également la sphère privée et intime. Son objectif est de remplacer la société existante par une société radicalement différente, en construisant au fil du temps une autre humanité. En ce sens, il ne fait aucun doute que le libéralisme mondialiste qui a triomphé après la défaite du communisme et le discrédit de toute autre forme d'organisation politique, économique, sociale et de valeurs présente des traits totalitaires. Notamment en raison de son alliance avec l'appareil technologique et scientifique dont il est le moteur et le propriétaire. L'accusation portée contre le collectivisme d'État par Friedrich von Hayek, économiste ultra-libéral, se retourne contre le libéralisme - sorti de lui-même pour devenir le mondialisme - : celui qui possède tous les moyens, détermine toutes les fins. Les siennes, bien sûr. Encore un indice de totalitarisme.

Avec la même force argumentative, on peut soutenir qu'une société fondée sur des "droits" ne peut être totalitaire, que la liberté économique n'a jamais été aussi grande, et que jamais l'individu, dans ce coin du monde qu'est l'Occident, n'a bénéficié d'autant d'opportunités qui sont devenues des "droits". Les deux thèses sont valables. L'auteur de ces lignes aime la liberté et se méfie des droits. D'abord parce que proclamer des droits sans établir de devoirs correspondants engendre le cynisme, l'indifférence sociale, l'individualisme rancunier, le repli sur un "moi" capricieux, tyrannique comme un enfant gâté. Ensuite, la nature des droits: les droits sociaux et communautaires sont effacés, les droits subjectifs sont mis en exergue, notamment ceux liés à la sphère pulsionnelle et sexuelle. Plié dans un individualisme radical, pulvérisant la communauté, l'Occident détruit aussi la société, l'ordre qui régule les principes, les valeurs, les intérêts distincts mais non incompatibles.

37a0e742e89864ae5c3555cac4febcf2.jpg

Les droits proposés concernent toujours la sphère subjective et considèrent la liberté comme l'absence de contraintes (freedom 'from'), c'est-à-dire la libération. De la famille, de l'autorité, des appartenances naturelles, voire de l'identité la plus intime. Le modèle est le "trans", sujet fluide, changeant, provisoire, détaché de tout ce qui dépasse sa volonté, son plaisir, sa préférence, devenus incontestables. Le droit de ne plus être quelque chose de défini tout en en faisant un drapeau. Renoncer à tout héritage (sauf matériel; l'argent et les moyens deviennent des fins "il n'y a pas d'alternative"), considérer le bonheur - dont la poursuite est un droit - comme la satisfaction immédiate des pulsions, des désirs, des caprices.

Consommation, changement permanent de goûts, d'idées, de modes, de partenaires, de profession, de sexe, d'"orientation sexuelle" et d'existentialité. Fragiles girouettes sans souveraineté sur elles-mêmes, poussées dans le sens du vent. La temporalité comme projet de vie. Une absurdité logique qui produit de l'inconfort, de la tension, de l'insatisfaction jusqu'à la schizophrénie et l'insatisfaction permanente, dont le remède est tout aussi provisoire : le plaisir compulsif, la consommation de la vie - transformée en marchandise - à relancer sans cesse. Le bien et le mal, le juste et l'injuste ? Le concept de Calderòn de la Barca s'applique, dans la bouche du volage Sigismond : nada me parece justo, en siendo contra mi gusto. Rien ne me semble juste si c'est contre mon goût ou ma préférence.

Sans nous en rendre compte, nous avons dessiné la définition de l'addiction. La liberté des modernes est la suite des addictions rendues justes, auxquelles il n'est pas permis d'opposer des limites éthiques, des freins législatifs, des réprobations sociales, des jugements négatifs. L'issue ne peut être que l'équivalence, l'indifférence à tout élément commun au profit d'un subjectivisme égoïste. Le relativisme qui en résulte devient un absolu, la pensée faible interdisant la pensée forte. Selon Benjamin Constant, la liberté des anciens était une étroite autonomie politique vécue dans le droit-devoir de participation à la polis. Celle des modernes est la liberté privée individuelle, y compris le droit à l'indifférence sociale. Résultat : dissolution des limites et des liens, remplacée en fait par l'imperium du plus fort, celui qui souffle sur la girouette en lui imprimant la direction souhaitée.

La liberté des modernes, qui découle du système des droits et de l'insincérité des choix individuels (induits, hétérodirigés par un dispositif très puissant) aboutit à l'absence d'ancrages, de principes partagés. Le paradoxe est que le seul universel reconnu est l'interdiction des universaux, l'imposition de ne rien croire parce que rien n'est valable. Un non-sens destructeur.

Par une singulière association d'idées, on se souvient d'un passage de La luna e i falò de Cesare Pavese, épreuve extrême de l'écrivain, qui s'est suicidé quelques mois après la publication du roman. "Un pays est nécessaire, ne serait-ce que pour s'évader. Un pays signifie ne pas être seul, savoir que dans les gens, dans les plantes, dans la terre, il y a quelque chose qui vous appartient, que même quand vous n'êtes pas là, cela vous attend". Il n'y a plus rien de nous qui nous attend, parce que nous avons rompu tous les liens. Le départ est souvent un voyage dont le retour est prévu, où ce que nous laissons derrière nous est un parangon, même dans le rejet.

Le voyageur a besoin de boussoles, d'objectifs, d'une Ithaque - matérielle et spirituelle - à laquelle se référer, d'une communauté à laquelle se sentir appartenir, d'un ensemble de principes auxquels adhérer, qui peuvent être rejetés ("le goût de partir") mais qui restent là, en attente, solides, stables, parfois rugueux comme la Langa de Pavese. Pour le poète Antonio Machado, il n'y a pas d'empreintes à suivre, le chemin, ce sont nos empreintes. No hay camino, sino estelas en la mar : il n'y a pas de chemin, seulement des sillages dans la mer. C'est - ennobli par la beauté scintillante des vers - le programme de la liberté moderne. Le sillage reste un instant, aussitôt effacé par les vagues.

f986a3104682f2fd00c8a00109a08afb.jpg

Pire encore, en raison de l'omniprésence facile du message musical qui a influencé des millions de personnes, est la liberté abstraite d'Imagine, la chanson de John Lennon qui est le manifeste du nihilisme jubilatoire contemporain. "Imaginez qu'il n'y ait pas de paradis, Si vous essayez, c'est facile. Il n'y a pas d'enfer en dessous de nous, il n'y a que le paradis au-dessus de nous. Imaginez que tous les gens ne vivent que pour aujourd'hui. Imaginez qu'il n'y ait pas de patrie. Ce n'est pas difficile à faire. Il n'y a pas de raison de tuer ou de mourir. Et pas de religion non plus".

Simple, évocateur, la vie en rose. C'est la bande-son du projet subtilement totalitaire des "droits", car si rien ne vaut la peine de vivre ou de se sacrifier, si nous n'existons que pour l'instant, si nous privons de sens toute réalité qui nous dépasse, nous cessons d'être des hommes. C'est le mécanisme totalitaire de l'Occident ultime, avec tous ses masques, les bons sentiments qui cachent la volonté de puissance des oligarchies, le projet d'une humanité grégaire, zootechnique, commandée par la technologie, surveillée 24 heures sur 24, où les décisions sont prises par des appareils artificiels appartenant à un dôme tout-puissant, dont les mots d'ordre pour les masses sont à l'opposé de la conduite.

Plus nous vantons la valeur de la solidarité, plus nous vivons comme des étrangers et des ennemis indifférents et concurrents. Plus nous crions à la tolérance, moins nous acceptons l'autre, moins nous lui reconnaissons le droit d'avoir des idées différentes de celles qui dominent aujourd'hui, en prévision des prescriptions de demain. Plus on prêche la liberté, plus on accepte, plus on invoque la surveillance, le contrôle, une vie d'esclaves libres devant la fenêtre en millions de photocopies. On apprécie toutes les formes d'exhibitionnisme, que le pouvoir appelle transparence pour nier le droit à la sphère privée, intime, immatérielle.

Ce qu'ils appellent des opportunités, c'est la négation "vertueuse" des droits sociaux concrets. Assez de sécurité de l'emploi, d'un ordre collectif raisonnable, d'une dimension publique, de soins de santé protégés, d'une éducation qui soit une culture, une formation à l'esprit critique, et non une simple formation à des tâches futures. Si vous ne réussissez pas, c'est votre faute : vous êtes un perdant dans la grande danse de la compétition. Vous pouvez vous consoler avec l'une des milliers d'addictions auxquelles vous avez droit : drogue, alcool, sexe, défonce, jeu, etc. Personne ne peut vous les refuser, ce sont des "droits". Même le suicide sera bientôt un droit.

Vous n'avez pas un salaire décent bien que vous travailliez dur toute la journée, mais vous pouvez vous marier avec une personne de votre sexe (master gender), acheter le dernier smartphone ou la dernière chemise de marque à crédit. Vous pouvez partir en vacances à tempérament et louer tout ce que vous voulez, du costume à la Ferrari. Vivre de dettes et de loyers, un autre totalitarisme anti-humain. On peut se défoncer toute la nuit dans les clubs et revenir défoncé. Mais à pied, car des villes de quinze minutes sont en préparation. Fini la voiture, place à la mobilité libre. Ils le font pour l'environnement. Dieu banni, l'humanité vénère Gaïa, la Terre personnifiée : retour de l'animisme.

La métaphysique est exclue de la connaissance et les savoirs "humanistes" sont relégués aux loisirs, à commencer par l'histoire et la philosophie, matières qui, comme par hasard, ouvrent l'esprit et permettent le jugement personnel. L'homme technologique n'en a que faire. La suppression du savoir est une opération totalitaire, une ablation de la personnalité au profit d'esclaves qui atrophie des zones entières du cerveau.

5a47fbbd28c9d766a49a4dbcd1f252ae.jpg

La civilisation occidentale se veut rationnelle, scientifique. "Civilisation, progrès, science, technologie : des mots auxquels nos contemporains semblent attacher une sorte de pouvoir mystérieux, indépendamment de leur sens. La science, avec une majuscule, comme le progrès et la civilisation, le droit, la justice et la liberté, fait partie de ces entités qu'il vaut mieux ne pas essayer de définir et qui risquent de perdre tout leur prestige dès qu'on commence à les examiner d'un peu trop près. Toutes les conquêtes dont le monde moderne est si fier se réduisent à de grands mots derrière lesquels il n'y a rien, ou si peu : suggestion collective ; illusion qui, pour être partagée par tant d'individus et se maintenir, ne peut être spontanée". (René Guénon) Exactement : un totalitarisme mou.

20:43 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : totalitarisme, occident, liberté, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 26 juillet 2021

Georges Bernanos et la fin du réflexe de liberté chez les modernes

GEORGES BERNANOS (années 40 - Brésil) bis.jpg

Georges Bernanos et la fin du réflexe de liberté chez les modernes

par Nicolas Bonnal

De son splendide pamphlet anticapitaliste et antimoderne « La liberté pourquoi faire ? » extrayons ces perles :

Bernanos redéfinit l’optimiste : « L’optimisme est un ersatz de l’espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c’est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une Revue nudiste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté. Neuf fois sur dix, l’optimisme est une forme sournoise de l’égoïsme, une manière de se désolidariser du malheur d’autrui. Au bout du compte, sa vraie formule serait plutôt ce fameux « après moi le déluge », dont on veut, bien à tort, que le roi Louis XV ait été l’auteur. L’optimisme est un ersatz de l’espérance, qu’on peut rencontrer facilement partout, et même, tenez par exemple, au fond de la bouteille. »

Bernanos distingue optimisme et espérance :

« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté. […] Mais l’espérance se conquiert. On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts et d’une longue patience. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. »

L’homme n’est pas un animal politique (on sait vite comment cela dégénère, surtout en ce moment) ; il est surtout un animal susceptible d’être sauvé, malgré son matérialisme et sa bestialité :

GeBernLpqf.jpg

« L’homme, comme tout autre animal, ne vit que pour son bien-être, il n’y a rien pour lui qui soit plus précieux que la vie, et rien dans la vie qui ne soit plus précieux que la jouissance. Ce n’est souvent que trop vrai, soit. Mais si ce n’est pas vrai une fois sur cent, ou sur cent mille, ou sur un million, cela suffirait pour prouver que l’homme est un être capable de se dépasser lui-même, et dès lors le monde capitaliste ou marxiste ne peut plus être qu’une expérience faussée, puisqu’elle part d’une définition fausse de l’homme. »

Comme Virgil Gheorghiu (voyez mon texte sur la Vingt-cinquième heure et les esclaves mécaniques), Bernanos remarque nous payons cher notre inféodation à la technique (voyez smartphone et QR phone) :

« Car la machine est essentiellement l’instrument de la collectivité, le moyen le plus efficace qui puisse être mis à la disposition de la collectivité pour contraindre l’individu réfractaire, ou du moins le tenir dans une dépendance étroite. Quand les machines distribuent à tous la lumière et la chaleur, par exemple, qui contrôle les machines est maître du froid et du chaud, du jour et de la nuit. Sans doute, cela vous paraît très naturel. Vous haussez les épaules en vous disant que je veux en revenir à la chandelle. Je n’en veux nullement revenir à la chandelle, je désire seulement vous démontrer que les machines sont entre les mains du collectif une arme effrayante, d’une puissance incalculable. »

Ensuite notre grande âme annonce le contrôle aisé des cerveaux :

« […] Si vous n’y prenez garde, un jour viendra où les méthodes actuelles de la propagande paraîtront ridiculement désuètes, inefficaces. La biologie permettra d’agir directement sur les cerveaux, il ne s’agira plus de confisquer la liberté de l’homme, mais de détruire en lui jusqu’aux derniers réflexes de la liberté. […] »

C’est que l’homme moderne n’aime pas la liberté et qu’il est diablement simplifié (liberté, connecté, voter et consommer) :

« Des millions et des millions d’hommes dans le monde, depuis vingt ans, ne se sont pas seulement laissé arracher par la force la liberté de pensée, ils en ont fait, ils en feront encore, comme en Russie, l’abandon volontaire, ils considèrent ce sacrifice comme louable. Ou plutôt, ce n’est pas un sacrifice pour eux, c’est une habitude qui simplifie la vie. Et elle la simplifie terriblement, en effet. Elle simplifie terriblement l’homme. Les tueurs des régimes totalitaires se recrutent parmi ces hommes terriblement simplifiés. »

unnamedGBLpqf.jpg

Poussant plus loin Gustave Le Bon Bernanos décrit la masse moderne, fasciste, libérale ou communiste, et il voit poindre un isolé groupe d’hommes libres :

 « Les masses sont de plus en plus faites non pas d’hommes unis par la conscience de leurs droits et la volonté de les défendre, mais d’hommes de masse faits pour subsister en masse dans une civilisation de masse où le moindre petit groupe dissident d’hommes libres serait considéré comme une grave rupture d’équilibre, une menace de catastrophe, une espèce de lézarde, de fissure capable d’entraîner brusquement la chute de tout l’édifice. La dictature des masses n’est nullement la libération des masses. »

On rigole, mais seuls les saints pourront nous sauver, rappelle le Grand Georges :

« C’est la sainteté, ce sont les saints qui maintiennent cette vie intérieure sans laquelle l’humanité se dégradera jusqu’à périr. C’est dans sa propre vie intérieure en effet que l’homme trouve les ressources nécessaires pour échapper à la barbarie, ou à un danger pire que la barbarie, la servitude bestiale de la fourmilière totalitaire. »

Source:

Georges Bernanos, La liberté pourquoi faire ?

 

vendredi, 02 avril 2021

La dialectique de la liberté et de l'égalité au coeur du monde historique

80b6d4d702ecf8001fa11c17cc19db4e.png

La dialectique de la liberté et de l'égalité au coeur du monde historique

(reprint et révisé)

par Irnerio SEMINATORE
 
Ex: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/avril/la-dialectique-de-la-libert-et-de-l-galit-au-c-ur-du-monde-historique

Table des Matières

De l'homme de "raison" à l'homme "sans surmoi"

Tocqueville, l'amour de l'égalité et l'imaginaire démocratique

Edmund Burke, l'esprit de réforme contre l'esprit de système

Comment la dialectique de l'égalité et la liberté influence-t-elle la conception de la démocratie  et sa pratique ?

Démocratie et Liberté : Penser la démocratie est-il encore penser la liberté ?

L'émancipation sexuelle et le combat contre la naturalisation du concept d'inégalité 

La "théorie du genre" et la théorie critique de la société. Déconstruction et naturalité apparente

Exodes de masse, théories de l'inégalité naturelle et théories de la "race". Deux variantes d'une théorie des origines

Inégalités de nature et de race

De la Déclaration de l'Unesco de 1950 à la première carte du génome humain de l'an 2000 (Marantz Henig)

Mouvances  identitaires et minorités ethniques en Europe et aux États-Unis

Le Comte Joseph Arthur de Gobineau et son "Essai sur l'inégalité des races humaines" (1853-1855)

La vérité de l'Europe d'aujourd'hui

Du domaine de la liberté et de la chute de l'empire  occidental au nouveau "Moyen Age"

***

De l'homme de "raison" à "l'homme sans surmoi"

La disparition de l'homme de raison, sur lequel a été bâtie la République d'hier et la philosophie morale du XIXème siècle, suscite de nos jours indifférence ou dérision. L'effacement des "vertus" des anciens, ne représente pas seulement la disparition de la liberté, mais la disparition de la "raison", qui était une sorte de loi morale partagée. Ainsi, dépourvue d'une volonté générale, l'homme de notre temps, "l'homme sans surmoi", tend à satisfaire ses besoins pulsionnels immédiats et, en se conformant au principe du plaisir, devient une créature flottante , indifférente à son destin.

L'ennemi de la liberté est-il toujours celui de hier? N'est-il pas aujourd'hui la faiblesse de l'homme sans idéaux, le contraire de "l'homme de raison" de jadis, ennemi, à son tour, de l’État répressif ? C'est un homme de décadence et de soumission, dépuré d'obligations et de devoirs, en particulier nationaux, fils d'une laïcité sans transcendances. On a assimilé cet homme à un homme libre de tout pouvoir coercitif, mais il s'agit en réalité d'un sous-homme, ni libre, ni émancipé, victime de ses désirs et de ses émotions et esclave de trois maîtres, la loi morale, le principe du plaisir et la pénurie des normes ou d'archétypes Un homme anomale, ni national, ni vraiment global et dépourvu de "Daïmon" et de puissance d'interdiction.

La relation entre égalité et liberté assure-t-elle encore la survie des régimes démocratiques vis-à-vis de leurs ennemis, privés et publiques, la tyrannie des minorités et la fracturation convergente des sociétés?

La France décline aujourd'hui à cause de la dissolution de son identité et de sa discorde civile, la Grande-Bretagne se distingue du continent et se sépare du despotisme et du vide de l'Union européenne, forte de sa liberté insulaire retrouvée et de son goût de conquête renaissant et l'Allemagne, au commande de l'Union, par sa puissance reconquise, imprime à la dérive des autres peuples d'Europe, un coup de barre stratégique dans les relations internes et internationales.

Dès lors, une cruelle question se pose :"A qui profite aujourd'hui la liberté? A qui profite la démocratie, institution principielle de la liberté? Les restrictions des libertés publiques obligent à nous interroger sur la démocratie défaillante et à mettre en exergue l'égalité des conditions, l'intégration illusoire de corps étrangers et des "niggers" du monde entier, unifiés par la puissance de l'exclusion, la barbarie de leurs état de conscience, l'arme médiatique de la novlangue universelle et les illusions welfaristes d'un continent gangrené et introuvable .

Vivons nous, derrière les rideaux de la grande histoire, une conception instrumentale de la démocratie, liée à la logique de puissance et à l'hégémonie planétaire du système? Certes, l'affaiblissement de l'Europe, la survie de la Russie et la montée de la Chine, induisent à penser à une guerre culturelle souterraine, une guerre de modèles politiques, qui a ses objectifs propres et qui conduit à une conquête des esprits, engendrant une dispersion des opposants et un regroupements par parentés choisies.

Cependant le but de guerre systémique est d’empêcher la naissance d'un adversaire et, pire encore, d'une alternative crédible. En Europe,affaiblie par la diffusion des hommes sans "surmoi", la bataille pour la liberté est une bataille pour la survie de nos cultures et de nos nations Elle a commencé avec Tocqueville (1805-1859), l'amour de l'égalité et la naissance de l'imaginaire démocratique.

AVT_Alexis-de-Tocqueville_8169.jpg

Tocqueville, l'amour de l'égalité et l'imaginaire démocratique

Dans "De la Démocratie en Amérique", Tocqueville avait bien vu que l'amour de l'égalité était au cœur de l'imaginaire démocratique, consistant à prétendre à l'égalisation des conditions et il avait en même temps constaté que l'individualisme qui accompagne cet égalitarisme est un repli privatiste sur soi, qui peut ouvrir la voie au despotisme social d'un État protecteur.

Ce refus de tout paternalisme politique et ce désir que la préférence individuelle ne vienne entraver la réalisation de soi a conduit à l'élaboration de la doctrine de "l'individualisme possessif" de C.B. Mackperson, pour qui la liberté individuelle est l'expression de la propriété de soi, pouvant aboutir au refus d'adhérer à la société. Ainsi suivant cette doctrine, la conception abstraite de la démocratie comme contrat entre égaux se concrétiserait en un immense phalanstère de copropriétaires, sans solidarité et sans obligations réciproques. Puisque adhérer à la démocratie, c'est adhérer d'abord à l'idéologie démocratique et successivement à un régime politique, une des principales fonctions de ce régime est de reproduire la hiérarchie dirigeants/dirigés et de garantir la consolidation d'une oligarchie, fondée sur le binôme commandement-obéissance. L'abus le plus significatif de notre époque demeure encore, depuis le début de l'âge moderne, la critique acérée de la société et de ses institutions au nom de la "raison". Ortega y Gasset avait déjà identifié cet usage dans l'approche critique du concept de la "raison pure", ayant pour objectif la lutte intellectuelle contre la tradition.

Edmund-Burke.jpg

Edmund Burke, l'esprit de réforme contre l'esprit de système

Edmund Burke repère l'esprit de système qui a conduit à la révolution française dans l'adhésion du peuple et de ses chefs à des valeurs sans justification rationnelle évidente. Il insiste sur le fait qu'une doctrine fondée sur des propositions abstraites, telle la "liberté" ou les "Droits de l'Homme" est un corpus d'énoncés hypostasiés qui permet une utilisation contradictoire de la doctrine, notamment de la part du pouvoir sans que des limites soient portées à l'exercice d'éventuels abus.

Le caractère concret et inductif de sa vision du monde et de la société pousse Burke à privilégier l'induction sur la déduction rigoureuse "à la Condorcet" et à valoriser les approches naturalistes et organicistes, les seules capables de défier les fausses évidences et le temps. Stigmatisé comme réactionnaire et justifiant une société inégalitaire, Burke assigne un rôle central à la tradition et aux préjugés.

Puisque les hommes sont déterminés par des sentiments innés et demeurent profondément attachés à leurs convictions, simplifiés et schématiques, les préjugés consentent une prévisibilité des conduites dans des situations critiques, car les capacités de réflexion et de jugement des individus sont extrêmement limitées et "le fonds universel des natures et des époques", bref le naturalisme historique, offre la matière première pour apprendre de l'expérience et décider des situations.

Comment la dialectique de l'égalité et la liberté influence-t-elle la conception de la démocratie et sa pratique ?

L'idée démocratique des modernes ne s'est pas développée de manière simple. L'instabilité de la démocratie, et la tendance à la corruption de ses principes font associer à celle-ci des images de désordre et d'anarchie, et aujourd'hui de bureaucratie. Or, si la démocratie, comme régime politique de la modernité, est davantage liée à la société égalitaire et à la passion souvent ardente pour l'égalité, la démocratie des républiques grecques et romaines est ancrée aux libertés politiques et à l'intervention directe du peuple dans les affaires publiques. Le "sens" de la démocratie chez Tocqueville est ainsi explicité : "la démocratie constitue l'état social, le dogme de la souveraineté du peuple constitue le droit politique". Selon cette formule, la notion d'égalité inscrite dans la devise de la République française et donc dans "la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen" de 1789 serait au cœur des préoccupations de la démocratie moderne. Or, si "la première et plus vive passion pour l'égalité des conditions est l'amour même de cette égalité..., c'est vers cet idéal que tendraient les peuples démocratiques". (Tocqueville)

Nous remarquerons en revanche que c'est sur le contenu et la nature de cet idéal que se sont manifestés les plus grands équivoques et déchaînés les plus grandes passions. Cette égalité est-elle générale ou de classe ? Est elle nationale ou internationale? Peut-elle être revendiquée avec les mêmes droits et la même légitimité par des populations de souche ou par des immigrés ?

"L'égalité, dans son degré le plus extrême peut-elle se confondre avec la liberté ?" (Tocqueville).

L'égalité forme, d'après Tocqueville, le caractère distinctif de l'époque (XIXème), et plus loin, il ajoute "les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté."

tocqueville_cm.jpg

Alexis de Tocqueville invoque un idéal qui était celui d'un Français sur le continent américain. Or, en Europe et dans l'Amérique d'aujourd'hui, en Russie et dans la Chine du XXIème siècle, la démocratie est encore loin de désigner l'idéal politique et social sur lequel pourrait y avoir un accord entre historiens et philosophes ou entre peuples et classes travailleuses. Encore moins là où le désaccord est plus grand entre minorités immigrées et majorités de souche, minorités qui recherchent la réalisation de l'égalité entre citoyens par l’État et qui espèrent en leur salut et en leur bonheur par un nivellement inévitable et un aplatissement général des conditions de la société.

Démocratie et Liberté : Penser la démocratie est-il penser la liberté ?

Le régime démocratique exige un minimum de foi ou de volonté commune accompagnées par la reconnaissance d'une élite dirigeante ayant confiance en elle-même et en sa propre mission. Or, la masse de l'immigration vit en large partie en dehors du système politique dont elle bénéficie et notamment en termes de politiques sociales. De ce fait, s'il ne peut y avoir de participation à la vie publique ni d'esprit critique, dans le désamour ou dans le mépris de la société, il ne peut y avoir de politique sans "l'affectio societatis", soit elle de la colère ou de la passion. L'idée selon laquelle la liberté n'est guère la jouissance d'un avantage mais la limitation d'un pouvoir, pouvant être exercé sans limites, est loin d'être acceptée par les masses ou par les fauteurs de clientèles et l'autre perception selon laquelle l'idée d'une société de liberté serait celle dans laquelle les citoyens n'auraient rien à craindre et seraient sûrs de leurs biens et de leurs personnes n'est pas, non plus, l'idée d'une société hétérogène et divisée, aliénée à d'autres Dieux et à d'autres vérités, bref multiculturelle.

16426702482_57594127f2_o.jpg

Et encore l'idée de liberté comme refus de nuisance vis à vis d'autrui, ne peut être pensée dans l'insécurité de la vie commune ni encore dans l'impunité des sanctions en cas de crime ou, plus encore, dans l'appel au meurtre (fatwa). Mais telle est la désillusion des apologistes de la démocratie d'admettre que, dans beaucoup de cas, la liberté est restreinte et la démocratie inefficace ou limitée. Les conditions civiques de la liberté ne sont pas réunies parce que manque la figure du « civis », remplacée par celle du squatteur de la cité, autrefois politique.

L'analyse sociologique confirme la double dissociation des droits entre citoyen et immigré et entre citoyen concret et homme abstrait. Ce dernier n'appartient en fait à aucune collectivité ou cité,en mesure de lui imposer le respect des droits et des devoirs.

La crise actuelle des démocraties et, en particulier des démocraties libérales, est due non seulement à l'absence d'une "vérité commune" ou d'un "sens" sociétal partagé mais à l'inexistence d'une force de conviction qu'impose la doctrine de la liberté, face à la corruption de l'idée d'égalité et à sa pathologie sociale et politique.

Si, à titre d'hypothèse, la conception de la liberté se confondait, dans l'état de nature, avec la puissance physique qu'impose le respect d'une hiérarchie et d'un ordre fondés sur la force, le contenu de la liberté ne pourrait être l'égalité, mais la supériorité d'une règle, en mesure d'atténuer la prédominance de la force sans lois et d'atténuer l'écart entre forts et faibles.

Si la liberté moderne se définit formellement grâce à l’État et en même temps contre lui, les revendications contre l’État et le gouvernement politique affecteront presque automatiquement tous ceux qui demandent la protection de l’État, ou encore ceux qui demandent l'extension illimitée de son action pour des raisons inhérentes à leur survie (assistés multiples, populations immigrées, groupes intellectuels solidaires, chômeurs de longue durée, etc). Le sentiment des premiers est la solidarité, celui des damnés de la mer, l'indigence, le secours et l'exclusion, dicté par l'incompatibilité culturelle, morale et sociale de leurs revendications.

La liberté de choisir la formule politique, les gouvernants de la cité ou les élites du pouvoir est le propre de l'âge moderne.

Ce qu'il faut mettre en exergue ici est la persistance d'une critique anarchiste de la société, différemment habillée ou travestie, qui, au nom de l'égalité, critique la structure inégalitaire de la société. Cette critique ne peut éliminer le pouvoir en tant que concept, fonction ou réseau. Elle est dans l'incapacité d'apporter une contribution aux réformes, en prétendant combattre le "statu quo", déconstruire la structure sociale ou remettre en cause ce que les siècles ont légué. Il s'agit du type de pensée qui prétend "dénaturaliser" les concepts organiques du fait social, relativiser les principes historiques et se battre contre la "nature" humaine et contre "l'homme" concret, dans ses rapports d'amour, de famille et de société.

imagesdrusw.jpg

L'émancipation sexuelle et le combat contre la naturalisation du concept d'inégalité

L'utilisation critique du concept de "raison" se poursuit aujourd'hui dans le combat militant conduit contre la notion de "nature" et la "naturalisation du concept d'inégalité" par la "théorie du genre". Considérant que le champ des inégalités recouvre tout entier le domaine du politique et du social, le concept structurant de ce champ est celui de pouvoir, de hiérarchie et de domination. Ainsi, la critique menée contre la naturalisation du concept d'inégalité s'est attaquée à la distinction homme/femme/identité/altérité. Le but en a été de remettre en cause les legs de l'héritage génétique et de revendiquer une égalité entre les sexes qui secoue la plus ancienne distinction humaine, celle des "genres", attribuée  désormais à une causalité socio-culturelle, Adam et Eve, sortis du paradigme métaphysique et mythologique de l'imaginaire social, seraient ainsi les enfants édéniques d'une société pré-créationniste. Dans son combat contre la prétendue naturalisation des différences, l'historienne et féministe américaine Joan W. Scott a engagé une véritable croisade contre la construction culturelle et artificielle des différences et des inégalités. Partant de l'Histoire sociale marxiste, elle est parvenue à l'Histoire des femmes, en passant par la lutte des classes et en prônant d'abord l'émancipation sexuelle, puis la question raciale.

La "théorie du genre" et la théorie critique de la société.

Déconstruction et naturalité apparente

Plaçant en exergue de son article "l'Histoire comme critique" une citation de Michel Foucault "la critique sera l'art de l'inservitude volontaire et de l'indocilité réfléchie", son projet apparaîtra comme clairement individualisant.

Gender-Identity-900.jpg

Plus récemment, à l'occasion de la deuxième édition du colloque "Penser l'émancipation" (de février 2014 - Université de Nanterre), Joan W. Scott a prolongé son incursion dans le domaine des discriminations raciales que subiraient les personnes issues de l'immigration. Elle a proposé une généalogie des "usages racistes" de l'émancipation sexuelle, qui permettraient l'exclusion des musulmans. Ces derniers seraient marginalisés, comme les femmes,en violation d'un droit fondamental de citoyenneté, totalement imaginaire, "Le droit d'avoir des droits", une critique qui ignore tout aussi bien la notion de droit, comme correspondance entre droits et devoirs, que celle de citoyenneté, de source nationale, et, pour terminer, celle du contexte historique (celui de la "raison" des Lumières ). Dans ce contexte, la revendication des droits ne concernerait que l'égalité entre Français, séparés en castes mais homogènes en conditions et en culture, et ne confonderait pas la revendication identitaire des français avec celle des groupes venant de civilisations, de religions, d'histoires et de races, hétérogènes et incompatibles avec la France et infiniment distantes, en expérience historique et en perspective de vie. Ainsi, le projet féministe de "déconstruction" de la naturalité apparente de l'hétérosexualité, part de l'idée de subvertir les cadres de l'analyse historique. Son concept central demeure "une entreprise féministe (et non sociale...) de dénaturalisation du sexe" ce qui creuse un écart insurmontable entre les objectifs partiels de l'analyse et les ambitions générales de l'approche.

En réalité, la signification revendiquée est celle de dénoncer dans les différences entre les sexes, la force discriminante des rapports de pouvoir. La pauvreté théorique de l'argument tient au refus proclamé de maintenir le "statu quo" et de tolérer la coexistence de deux universalismes contradictoires. Ainsi, ce qu'on appelle la "théorie du genre", n'est guère une démonstration des multiples inégalités sociales, mais un simple postulat de l'enquête, car les sciences permettent de plus en plus aujourd'hui de mettre à jour l'influence des incontournables différences biologiques sur les motivations et les réactions humaines, indépendamment de l'environnement social. C'est remettre en cause la construction sociale du féminisme par rapport à celle fondée sur l'inné et le biologique. La "théorie queer" s'interdit ainsi d'analyser les subjectivités en elles mêmes et se limite à l'examen des "discours" des sujets, marginalisés par la sociologie ou abordés en termes militants et doctrinaux.

95f7ba0736c4d1f5f1dc290346c7be83.jpg

Exodes de masse, théories de l'inégalité naturelle et théories de la "race".

Deux variantes d'une théorie des origines

Les théorisations contre l'égalité et pour la reconnaissance des inégalités naturelles comme facteurs de dynamisme et de "progrès" de la société sont battues en brèche aujourd'hui par un phénomène, puissant et inclassable, une immigration de masse en Méditerranée qui peut être définie comme "un exode inter-continental" ou comme une "invasion des Suds du monde". Si la théorie de l'inégalité a pour origine la société, ces inégalités peuvent être supprimées, en agissant sur les grande tendances sociétales, par la volonté politique européenne. Or, cette immigration incessante et indifférenciée est un révélateur historique des sociétés périphériques et faibles et a comme dénominateur commun la misère et le sous-développement

Cette invasion pose à l'Europe trois problèmes :

  • d'accueil et d'intégration

  • d'hétérogénéité religieuse et raciale

  • de différenciation civilisationnelle avec les populations européennes de souche

Trois problèmes qui sont refoulés avec vigueur par la pensée sociologique et dont le plus gênant est celui d'inégalité de nature et de "race", qui ne peuvent être supprimées. Concepts démonisés, escamotés et improférables à cause des fantasmes du passé qu'ils évoquent. Et surtout concepts à éradiquer "ab imis fundamentis" selon la doctrine humanitariste, totalitaire et officielle.

Inégalités de nature et de race

Commençons par le concept de "race" pour passer ensuite aux principes de religion et "d'humanisme". L'idée d'une inégalité morale, intellectuelle et civilisationnelle, fondée sur la nature et le sang, le faciès, le caractère et la volonté, a constitué monnaie courante en Europe pendant les deux derniers siècles.

Les doctrines politiques qui s'en sont réclamées jusqu'au nazisme ont considéré que la force motrice du progrès et de l'histoire était la lutte des races et pas la lutte des classes, pour l’accaparement des ressources et pour la survie de l'espèce.

Les doctrines raciales ont dénoncé la lutte des classes comme un faux combat. Toute la culture entre les groupes humains est fondée, selon l'idéologie darwinienne, sur l'inégalité de nature, de sang, de religion, d'origine et surtout sur la différente créativité symbolique et scientifique des peuples.

23869-LeCourrierdelUnesco-19501-Couverture-4.jpg

De la Déclaration de l'Unesco de 1950 à la première carte du génôme humain de l'an 2000 (Marantz Henig)

L'interdiction de penser cette évidence a été à la base de la Déclaration de 1950**, lorsque les experts réunis par l'UNESCO mirent au ban les "principes de la race" pour affirmer l'unité biologique fondamentale de l'espèce humaine. Le danger à conjurer était la répétition du génocide nazi, de la Shoah et d'Auschwitz.

L'abandon progressif de la notion de race dure jusqu'à la publication de la première carte du génome humain (juin 2000), confirmant que "la notion de race n'a aucun fondement génétique et scientifique" (Marantz Henig, 2000). Ce document ne pouvait nier la pertinence sociale et historique du problème. Ainsi, les travaux de la période récente s'orientent vers l'exploration de la diversité de l'espèce et tendent à prouver que l'analyse des données génétiques autorise à faire la distinction de la différenciation des individus originaires d'Europe, d'Afrique et d'Extrême Orient. Par ailleurs, l'appartenance raciale, à caractère identitaire, est de plus en plus revendiquée par des minorités ethniques, surtout aux États-Unis. Celles-ci s'affirment comme Afro-Américaines, Asiaméricaines et Amérindiennes. Il s'agit d'une revendication qui n'est pas seulement d'ordre morphologique, mais aussi culturel et symbolique (sub-culture Woke).

Mouvences identitaires et minorités ethniques en Europe et aux Etats-Unis

Une toute autre signification acquiert cette revendication en Europe. Ici, la mouvance  identitaire est double et délimite des "frontières" culturelles et religieuses qui opposent des populations européennes de souche aux immigrés. La revendication de souche (et de droite) n'opère pas sous couvert d'une loi ou d'une protection juridique, mais en opposition à celle ci, légitimée par le mépris silencieux et contesté  de la majorité, vis à vis des minorités. En revanche, la revendication des populations issue de l'immigration ne se limite pas à la seule contestation de la culture et des mœurs des pays d'accueil mais affirme violamment, sous la protection de la loi, sa haine et son hostilité vis à vis de la civilisation occidentale. Le radicalisme de cette mouvance (islamo-gauchiste) confirme  la force du sang et de l'héritage, comme facteurs activants de la contestation racialiste Nous assistons ici au rejet de la citoyenneté, de la démocratie et de l'humanisme, caractérisant la constitution historique de la culture européenne. Il s'agit également du rejet d'une utopie désarmée, celle de l'Union Européenne et de la conversion à large échelle à une autre utopie, armée et militante, celle idéologique, des "niggers" et du Califat, pour laquelle  l'homme n'est pas un être social, obéissant à la souveraineté de la raison, mais un croyant, obéissant à une loi supérieure et universelle, celle de la force pure ou de la Charia.

Arthur_de_Gobineau.jpg

Le Comte Joseph Arthur de Gobineau et son "Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-1855)

La disparition de l'homme de raison est elle aussi la disparition de toute autre explication d'ordre culturel, concernant l'inégalité des races humaines? Au regard des faits les plus récents, l'homme métissé et "l'homme sans surmoi", font tomber la fiction de l'égalité et justifient la légitimité de la violence et de l'insurrection, qui passe dans les mains des victimes émissaires (les anciens esclaves) et qui prétendent décoloniser les héritiers de l'esclavage et leur faire subir chez eux, les mêmes humiliations et "opprobres". Rien de cela ne serait possible sans une double émancipation, politique et idéologique du passé. Cette remise en cause de la "raison historique" repropose la question, insyndicable, arbitraire et également légitime: "Où commence-t-elle l'explication du présent par le passé et la fiction de l'égalité des modernes? Par la quête de l'inégalité "naturelle" des peuples ou par l'involution des premiers régimes démocratique de l'antiquité ancienne? Dans ces dilemmes sans reponse, l'histoire de l'oeuvre de Gobineau demeure indissociable de celle de son époque et de ses interprètes contemporains et successifs: l'eugéniste H.S.Chamberlain(1855-1927), l'anthropologue L.Woltmann(1854-1907) et le philosophe Schopenauer (1788-1860).

La vérité de l'Europe d'aujourd'hui

La vérité de l'Europe d'aujourd'hui est elle comparable à celle du Brésil du XIXème, observé et vécu par le Comte de Gobineau, qui prétendit expliquer par le processus historiques du "métissage", la marche de l’humanité vers un destin inéluctable, celui de sa mort? La vérité de Gobineau ne fut-elle pas travestie, successivement, par les théoriciens de l'eugénisme anglo-saxon et par les adeptes de la supériorité raciale allemande? "L'ignominieuse canaille brésilienne", ne rassemble-t-elle pas à la moelle vicieuse et pervertie de l'Europe d'aujourd'hui, sans vigueur et sans courage ? En effet, à la pure observation, la vérité de l'Europe d'aujourd'hui préfigure un temps où il n'y aura plus de place pour  les européens de souche et pour les sujets-maîtres des espaces, acquis à la grandeur de la  liberté, déchus par l'ordre égalitaire du métissage, l'ordre politique de la démocratie et l'ordre protecteur de ses lois,intégratrices ou assimilationnistes. L'Europe des Lumières historiques et l'Europe post-moderne de la "théorie du genre" auront péris sans aucun doute, à cause de la déchéance du monde européen et du métissage périlleux du multi-culturalisme.

Nous serons arrivé alors au bout de la condition mortelle de notre civilisation, minée de l'intérieur par l'injonction salvatrice du projet révolutionnaire du marxisme de jadis, interprète du "sens de l'histoire et converti aujourd'hui en son successeur idéologique et systémique, l'islamo-gauchisme.

Les mêmes principes destructeurs, l'égalité formelle et la démocratie, placent sur le même plan aujourd'hui les vieux bâtisseurs de cathédrales et leurs implacables et occultes fossoyeurs et ennemis. Cette fausse équivalence des blancs et des noirs, des ariens et des sémites, des hommes et des femmes et de leurs tristes caricatures, ne peut nous faire oublier que les batailles se gagnent ou se perdent toujours sur le terrain symbolique, celui des hiérarchies successives, propres à chaque groupe, ce qui ne peut donner des assurances aux peuples européens, désorientés de devoir se perpétuer dans le satanisme et le désordre racial.

CVT_Sur-linegalite-des-races-humaines_9221.jpegJoseph Arthur de Gobineau et  les deux lois du genre humain

Mettant en scène les éléments hétérogènes qui prédominent en chaque ensemble ethnic, vivant côte à côte sur un même espace, Gobineau nous alertait déjà en 1853, sur le principe destructeur de cette cohabitation innaturelle, la répugnance secrète et ancestrale entre les hommes d'origine diverse, ainsi que sur les deux lois du genre humain, une d'attraction et de croisement et l'autre de répugnance et de rejet L'axiome politique qui prétendait à l'égalité réelle avait oublié que "les nations meurent, lorsque elles sont composées d'éléments dégénérés" et la dégénéressance signifie en effet que l'expérience historique a prouvé l'impossibilité de toute fraternité humaine, face aux diverses formes d'inégalité héritées, d'intellect,de morale ou de force créatrice.

Les exemples de notre période sont nombreux: l'Apartheid en Afrique du Sud (1960), les massacres d'européens et de Harkis, par le non respect des accords d'Evian de la part du FLN en Algérie (1962), les revendications Woke et "Black lives matter" aux Etats-Unis (2018) et en Europe (2020). Ainsi, par son goût de remonter le temps,les anticipations de Gobineau constituent des anticipations prophétiques pour le monde contemporain.

La longévité limitée des peuples et des civilisations, la cohabitation imposée et innaturelles de différentes races, l'apport très inégal à l'identité collective et au bien commun et l'absence d'entente envers les sociétés européennes en Europe, alimentent la naissance de situations explosives, lorsque les incompatibilités deviennent territoriales et la conjoncture internationale transforme des revendications locales en luttes sécessionnistes ou, lorsqu'une minorité déterminée ouvre un contentieux existentiel destiné à devenir "une cause". L'instabilité qui en résulte avance alors sur ce qu'on a appelé par le passé "une question nationale", autrement dit un choc probable et une séparation sanglante.

Du domaine de la liberté et de la chute de l'empire occidental au nouveau "Moyen Age"

Le malaise actuel des démocraties et leurs transformations en régimes politiques autoritaires, où joue puissamment l'instinct de survie et où les compromis du passé seront remplacés par la violence des affrontements identitaires, ne peut avoir qu'un aboutissement, au delà des analogies simplistes; l'établissement de formes de démocraties post-modernes de l'exécutif en Europe et des régimes militaires ou tribaux en Afrique ou ailleurs. Ce seront des fédérations versaillaises d’États et de pouvoirs multinationaux, en camps retranchés de la gouvernance globale, proches des bras armés de la défense collective, qui auront pour fonction de légitimer et de stabiliser les élites au pouvoir  mais sans aucune indépendance, ni autonomie stratégique vis à vis du centre impérial. La force des oppositions en révolte sera compensée par la faiblesse des organisations des hommes sans "surmoi", coupés des peuples métissés, en tumulte permanent. La civilisation européenne résiduelle cultivera le souvenir des compromis sanglants de la guerre des "Cent ans", appliquée au nouvel état de nature et celui-ci sera marquée par des périodes de rupture, de désintégrations sociétales et de dérives tribales, sous les drapeaux de Léviathans surannés et de Behemots bibliques. Ces périodes marqueront la mort de la vieille civilisation et la naissance obscure de formes d'univers historiques et religieux, qui pourraient ressembler aux chûtes chaotiques d'un nouveau Moyen-Age, où des Traités inégaux seraient signés, pays par pays, avec les Chefs des Hordes tribales émergentes. D'invasions supplémentaires de métis, venant de provinces ravagées par la peste de la guerre et de la famine et soutenues par des puissances extérieures ennemies,alimenteront de flux constants les bidonvilles du désespoir comme les enfers humains de Calais, pendant que les "Focos" de la révolte interne videront les villes comme au Cambodge, légaliseront la vengeance raciale comme au Rwanda,feront la police ethnique comme à la Ville du Cap, porteront un siège semblable à celui de Constantinople par un nouveau Sultan et entreront dans Paris, Rome et Vienne, comme dans le Berlin de l'année zéro de l"Apocalypse germanique. Alors et alors seulement la dialectique de la liberté et de l'égalité prendra une fin provisoire, dans l'attente que les barbares apportent l'ordre de leurs civilisations par la force, l'âme de tout rachat et de tout espoir après les luxures meurtrières de Sodome et de Gomorre. Alors et alors seulement de nouveaux prophètes voudront écrire la Bible à l'envers, avant qu'Hérode ne massacre tous les innocents du monde et qu'une étape tournante et tragique ne fasse rentrer les événements dans l'histoire violente des civilisations.

Bruxelles (print le 23 janvier 2018, révisé le 29 mars 2021)

***

* organisé en février 2014 à l'Université de Nanterre

** « Déclaration d'experts sur les questions de race », Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, Paris, le 20 juillet 1950. http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001269/126969FB.pdf

mercredi, 10 mars 2021

L'agonie de la liberté, ou l’entrée dans l'ère du posthumanisme

22220923-homme-mains-tenant-les-barreaux-isolés-sur-fond-noir.jpg

L'agonie de la liberté, ou l’entrée dans l'ère du posthumanisme

par David Engels

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le site polonais Tysol et consacré au rôle de catalyseur joué par la crise sanitaire qui nous "catapulte dans le posthumanisme d'un seul coup de pied"...

Historien, essayiste, professeur, titulaire de la chaire d’Histoire romaine à l’Université Libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

DavE.jpg

L'agonie de la liberté, ou : l’entrée dans l'ère du posthumanisme

Quand j'ai écrit, au début de la crise du coronavirus, que le confinement et ses conséquences constitueraient le plus grand choc dans l'histoire de l'Europe occidentale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux lecteurs et commentateurs ont trouvé cette opinion trop pessimiste. Aujourd'hui, alors qu’après un an, la situation ne s’est pas améliorée, pire, qu'elle s'est même détériorée à bien des égards, nous sommes confrontés aux fruits de nos mauvaises décisions et surtout à une évidence : ce n'est pas la pandémie qui détruit la société européenne, mais la manière dont les gouvernements et les institutions internationales la gèrent.

Au fond, le confinement n'est pas le vrai problème ; au contraire, il agit uniquement comme un catalyseur d’un bon nombre d’évolutions qui étaient déjà en cours longtemps avant la pandémie. C’est là que réside la véritable tragédie politique : même les citoyens et gouvernements qui, jusqu’à présent, ont considéré ces évolutions avec un certain scepticisme, semblent désormais impatients de les voir concrétisées juste pour pouvoir revenir rapidement au confort d’une (supposée) « normalité » – et ce pour la plus grande jouissance de tous ceux qui bénéficient de cette évolution. Parce que cette « nouvelle normalité », même si elle devait être initialement similaire à « l'ancienne », serait tout de même basée sur une conditionnalité sans équivoque qui lui donnerait un fondement complètement différent, et deviendrait rapidement le levier de changements profonds : la « nouvelle » liberté des citoyens ne sera qu’une concession provisoire et non un droit inaliénable. Et même si, pour un observateur superficiel, cette « nouvelle normalité » se démarquera positivement des énormes restrictions liberticides dont nous souffrons maintenant en plein milieu de la pandémie, il sera difficile d’ignorer, du moins à long terme, le changement de paradigme fondamental qui s’impose – une rupture qui nous catapulte dans le posthumanisme d'un seul coup de pied.

GettyImages-1229362669-1320x880.jpg

Depuis de nombreuses années déjà, la classe moyenne, véritable pilier de la démocratie bourgeoise classique de l'après-guerre, est aux prises avec des problèmes économiques croissants. Aujourd'hui, grâce à un lockdown désastreux, elle se retrouve complètement écrasée par deux extrêmes : d’une part, par une petite couche d'oligarques incroyablement riches et qui contrôlent « big tech », « big data », État profond, politique et médias ; et d’autre part, par une grande masse d'individus atomisés et appauvris – et ce qui subsistera encore de la classe moyenne après la crise du covid deviendra, par le mécanisme de la surtaxation et de subventions conditionnelles, totalement dépendant de l’État.

La situation est similaire pour le système financier international. Déjà avant la pandémie, beaucoup craignaient que son implosion ne soit qu'une question de temps. Maintenant, il est devenu clair que les immenses dettes souveraines déjà ingérables avant 2020 sont en train d’être décuplées à cause du lockdown et ne seront plus jamais maîtrisées sans une réorganisation fondamentale de l'ensemble du système monétaire par une suppression de la monnaie physique, des taux d'intérêt négatifs, une économie planifiée, des annulations de dettes, des coupes de budget, la «zombification» du petit commerce et des dévaluations cachées. De ce point de vue, la gestion financière de la crise du coronavirus pourrait même être considérée comme une « démolition contrôlée » d’un système financier poussé dans ses derniers retranchements déjà bien avant la pandémie - avec des conséquences désastreuses pour les citoyens et les États-nations.

2-septembre-2020-generalisation-du-teletravail.jpg

De même, notre conception actuelle d'une vie digne changera fondamentalement. Avant même la crise du covid, l’on pouvait déjà voir au Japon ou en Corée du Sud à quoi ressemblerait une société robotisée, informatisée et déshumanisée d'individus solitaires, qui ne sont guère plus que des extensions organiques externes d’ordinateur qui servent à la fois de lieu de travail et d’instrument de plaisir. Aujourd’hui, alors que les salles de classe virtuelles, le travail à domicile, les conversations électroniques et les systèmes de commande et de livraison en ligne sont utilisés à grande échelle et permettent à des millions de citoyens européens de rester cloitrés à la maison pendant des semaines, voire des mois sans sortir, ce nouveau mode de vie s’est installé partout en Europe et risque de devenir un genre d’état permanent et définitif – ce qui est d’autant plus tragique que le confinement aura des conséquences imprévisibles pour l'équilibre mental de la jeunesse européenne, qui, depuis un an déjà, souffre énormément de cet enferment permanent.

Le paysage médiatique est également en train de se transformer rapidement dans le cadre de la bataille pour le monopole interprétatif de la pandémie. La tendance des grands médias à censurer les contenus idéologiquement déplaisants était déjà clairement visible avant 2020. Mais l'effondrement financier de la presse écrite classique, sa nationalisation indirecte par l'État via des subventions, la généralisation de la lutte contre les prétendues « fake news », la persécution des penseurs « dissidents » à cause de leur soi-disant « hate speech » et la censure publiquement réclamée de la liberté d’expression des « covidiots » et « conspirationnistes » vont radicalement accélérer la transformation du monde des médias et vont, à quelques exceptions près, le rabaisser au niveau de simples organes de propagande gouvernementale.

Un autre facteur est la polarisation politique de la société, qui s'est déjà manifestée depuis l'émergence du soi-disant « populisme », mais qui s'est énormément accrue du fait de la pandémie et conduira bientôt à la formation de fronts politiques inattendus. Dans la plupart des pays occidentaux, la lutte politique n'est plus menée comme un échange argumentatif classique entre des positions progressistes et conservatrices, sociales et libérales, nationalistes et internationalistes. Nous observons plutôt, d’une part, la montée d’une élite politique majoritairement libéral-gauchiste et internationaliste, qui contrôle les médias publics et l'enseignement et va de pair avec la nouvelle oligarchie économique, et, d’autre part, un nombre croissant de personnes se méfiant profondément de ce « système » et luttant pour un changement radical. Cela se reflète également dans l'évaluation de la pandémie et du confinement et conduit graduellement à des convergences politiques parfois étonnantes entre partis « anti-système » qui auraient été impensables auparavant, car la volonté de plus en plus évidente de l'élite politique et médiatique de mentir clairement sur la planification, la mise en œuvre et l'ampleur du confinement, des vaccinations obligatoires, de la mobilité restreinte ou des subventions a fait perdre à de nombreuses personnes toute confiance dans les institutions établies - une hypothèque qui va peser lourdement sur toutes les institutions politiques et sera un réservoir électoral inépuisable pour les mouvements charismatiques alternatifs du futur.

populisme.jpg

Le déclin des valeurs démocratiques est étroitement lié à cette situation. Ce déclin était déjà en préparation depuis le début des années 2000 par la radicalisation idéologique et le renforcement des pouvoirs des institutions européennes, ainsi que de la politisation croissante de l’éducation et des médias. Mais maintenant, la lutte contre la pandémie a conduit à une acceptation sociale généralisée de mesures non seulement non-démocratiques, mais souvent même antidémocratiques et impensables il y a deux ou trois décennies. Au nom du « bien commun », sur base d'une législation d’urgence et à l’aide d’interprétations souvent aventureuses des constitution, les droits fondamentaux se retrouvent restreints, les parlements privés de pouvoir, les forces de police utilisées contre leur propre peuple, les générations futures privées de leurs droits – et tout cela avec l’assentiment des médias et souvent des citoyens eux-mêmes. Sera-t-il possible de « réparer », du moins en partie, les institutions et systèmes de valeurs qui ont été tant mis à mal ? Le doute est plus que permis.

Même les revendications politiques les plus absurdes, et qui ne sont en aucun cas liées à la crise du covid, vont maintenant être mises en œuvre sous couvert de « lutte contre la pandémie », comme l’annoncent non seulement les nombreux gouvernements nationaux, mais aussi les institutions européennes qui s’attellent à instrumentaliser l’octroi (ou le refus) des subventions bruxelloises à des fins purement idéologiques. De l’institutionnalisation de la théorie du « genre » par la lutte contre la droite, l’« approfondissement » de l'intégration européenne, le contrôle de l’« état de droit », la protection des minorités « LGBTQ » et le soi-disant « green deal » à la « dictature climatique » sérieusement réclamée par certains politiciens de gauche, des projets politiques concrets sont actuellement sur la table dont la portée et le radicalisme auraient été, il y a encore quelques années, considérés inacceptables par tous les gens sensés et rejetés comme complètement surréalistes.

formation-reprogrammation-adn-quantique-bruxelles-belgique.jpg

Enfin, n’oublions pas l'une des pires conséquences de la situation actuelle : l’atteinte à l’intégrité du corps humain. Initialement largement rejetée par la plupart de ces mêmes institutions politiques qui, maintenant, nous forcent de plus en plus à nous faire vacciner avec des vaccins ARNm, dont l'effet à long terme (par exemple dans le domaine des pathologies auto-immunes et génétiques) est totalement inconnu, cette ingérence a de quoi renforcer la défiance de nombreux citoyens envers leurs élus, d’autant plus que leur objectif - lutter contre une pandémie qui ne touche en réalité qu'un infime pourcentage de la population, principalement des personnes âgées atteintes de graves maladies préexistantes – semble peu convaincant. Pire encore: au vu du virage transhumaniste réclamé par de nombreux politiciens de premier plan comme notamment le président Macron, l'utilisation massive de vaccins utilisant des techniques génétiques aux composantes incertaines et devant très probablement être régulièrement « rafraîchis » ou « mis à jour » sous menace de privation des libertés essentielles, apparaît comme une rupture délibérée du dernier barrage sur la voie de la création d'une « nouvelle » humanité artificielle, entièrement médicalisée.

Quiconque, aujourd’hui, ne se lève pas pour appeler les choses par leur nom, alors que la « nouvelle réalité » décrite ci-dessus, ce « grand reset » n'est plus une théorie du complot de quelques cinglés, mais une « utopie » revendiquée publiquement, devant les caméras, par de nombreux décideurs politiques et économiques, n’aura le droit de se lamenter ensuite de « n'avoir rien vu venir »…

David Engels (Tysol, 6 mars 2021)

vendredi, 22 mai 2020

Hervé Juvin: la liberté ou la mort

6870454277_bc916f4bf1_b.jpg

La liberté ou la mort ?...

par Hervé Juvin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'allergie à la mort dans notre société. Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

La liberté ou la mort ?

La parabole du maître et de l’esclave constitue pour Hegel la clé de la condition politique. Elle se résume ainsi. La vie est un conflit où ceux qui mettent leur vie en jeu commandent, ceux qui choisissent de vivre à tout prix deviennent esclaves. La liberté a un prix, et c’est celui de la vie. Ceux qui placent la vie au-dessus de tout, ceux qui font des joies de ce monde leur religion, ceux-là qui refusent qu’aucune cause ne vaille qu’on tue ou qu’on meure pour elle, se condamnent à la soumission. La règle connaît peu d’exceptions dans l’histoire. Et les réactions collectives face à l’épidémie de COVID19 ont beaucoup à nous dire sur la parabole du maître et de l’esclave, et sur son actualité.

Le mensonge de la promesse de ne pas mourir

41ER6ZP8YHL.jpgNous choisissons la vie. La promesse implicite de tout gouvernement européen est que chaque femme, chaque homme a droit à plus de 80 ans de vie heureuse, sans souffrance, sans handicap, sans accident. Voilà pourquoi est jugée scandaleuse une épidémie qui a tué des patients dont l’âge médian est de 84 ans — rappelons que dans toutes les sociétés jusqu’à la nôtre, l’immense majorité de la population n’avait aucun espoir d’atteindre cet âge ! Tout ce qui arrive doit trouver une réponse collective, rien de ce qui arrive ne doit plus arriver vraiment, et tous les accidents de la vie doivent être corrigés par l’action bienfaitrice et consolante de l’État. Big Mother est là pour tout et pour tous, tout le temps, mère possessive et étouffante, comme l’a merveilleusement décrit Michel Schneider. Voilà pourquoi une pandémie qui touche une faible proportion des moins de 70 ans, presque exclusivement souffrant d’une ou plusieurs pathologies graves, est insupportable. La mort est exclue du tableau moderne, elle est cachée, dissimulée, le plus souvent noyée dans les brumes de l’inconscience et l’isolement de l’hôpital. Qu’il est loin le temps où Greuze montrait le chef de famille mourant entouré de ses enfants, petits enfants, domestiques, dans la conscience de la vie accomplie !

Le refus de la mort n’est pas qu’une formule. Tout décès devient un scandale. En témoignent ces parents qui portent plainte contre l’armée quand leur fils est mort au combat, parce que le commandement ne l’a pas suffisamment protégé – et que le feu tue. En témoignent ces normes partout imposées pour que tout handicap se voie compensé par les aménagements collectifs — des ascenseurs dans les services publics, chez les médecins ou les dentistes à la demande de tapis roulants au long des sentiers de randonnée. En témoigne plus encore l’extraordinaire effet de sidération causé par une pandémie qui, comme on le dit dans les quartiers, ne tue que des vieux blancs malades — moins de 10 % ont moins de 60 ans et ne sont ni obèses, ni déficients cardiaques ni affectés de maladies respiratoires ou de cancers — bref ; rarement pandémie aura fait perdre moins d’années de vie à ceux qu’elle frappe. Rarement aussi aura-t-elle ouvert de telles espérances aux marchands du contrôle social, du traçage individuel et du pouvoir sanitaire universel — que ne ferait-on pas, non pour une poignée de dollars, mais pour quelques dizaines de milliards de dollars de plus ? Le système de corruption global mis en place par les Fondations nord-américaines peut se réjouir, le choc de la pandémie répète celui du 11 septembre en mettant à bas toutes les protections que l’histoire, les identités et la démocratie avaient érigées contre l’extraterritorialité de la cupidité globale.      

yoran-brejnik-30-03dictaturebis.jpgDémocratie libérale, vraiment ?

Une fois de plus, les complotistes qui s’agitent ont tort. Car la question n’est pas que certains cherchent à profiter de toutes les occasions, ni que d’autres y voient l’opportunité de museler les mouvements sociaux et leur opposition politique, le problème est que les occasions leur sont données. La trouble fascination des démocraties occidentales, ou de ce qu’il en reste, pour les régimes autoritaires et l’acceptation quasi-totale par les populations françaises et européennes d’une dictature sanitaire hors des lois, du débat et de la raison, exprime un trouble profond et peut-être un changement de nature anthropologique.

Le refus de la mort, l’idée que rien ne vaut une vie, la conviction que rien n’est de trop pour ajouter des jours aux jours, et un autre souffle au dernier souffle, ont conduit les gouvernements à des décisions aberrantes au regard des libertés publiques, incohérentes par rapport au discours libéral, mais furieusement pertinentes par rapport à cette croyance ; la mort n’a plus de place dans la société du bien-être ; l’État est comptable d’une assurance de longue vie pour tous. Voilà ce qui fait des industries du corps, de la pharmacie au voyage, la première activité mondiale ; les aliments deviennent une annexe de la pharmacie, et les loisirs, l’occasion de remplir les prescriptions du médecin ; quant à l’amour, l’exercice est recommandé, hygiénique et contrôlé. Voilà ce qui sépare les pays où l’on sait pourquoi tuer ou mourir, de ceux où il s’agit seulement d’en profiter tant qu’on peut, à tout prix. Voilà ce qui sépare l’Europe de ces pays, des États-Unis à l’Afrique, où la population s’insurge contre les fermetures imposées, la mort forcée de la vie sociale et la suppression des libertés publiques. Voilà une soumission qui ne ressemble pas à la France et aux Français. Auraient-ils perdu jusqu’à leur identité, tétanisée par l’indécente propagande des chiens de garde du pouvoir sanitaire qui saturent les écrans ? Et voilà qui promet l’Europe, qui ne sait plus se battre qu’à distance, par drones ou robot interposés, et sans souffrir chez soi, à toutes les défaites.

Le vieux cri révolutionnaire, la liberté ou la mort, résonne étrangement en ces temps de défaite de la vie. Quand il faut donner son mot de passe, il ne s’agit plus de jouer d’identités multiples et de minorités ignorées, il s’agit de savoir qui est ami, qui est ennemi, et qui tue qui. Nul ne peut souhaiter que revienne le temps où donner le mot de passe est affaire de vie ou de mort. Du Liban au Soudan, du Yémen à la Syrie, du Pakistan à l’Inde ou l’Iran, ils sont des millions à vivre en ce temps-là. Mais nul ne peut douter que le temps est déjà proche où ceux qui ne savent reconnaître leurs amis et les distinguer de leurs ennemis se condamnent eux-mêmes à la confusion d’abord, où nous sommes, à la soumission ensuite, où nous plongeons sans frémir, et enfin à la défaite et à la mort, qui déjà nous font signe sous le masque.

Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin,14 mai 2020)

vendredi, 03 avril 2020

Eric Werner: La liberté, malgré les urgences !...

ee989277-panneau-corona.png

La liberté, malgré les urgences !...

par Eric Werner

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner, cueilli sur le site d'Antipresse et consacré au recul progressif de la liberté en Europe, et en particulier en France.

Penseur important et trop peu connu, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais marquants comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015), De l'extermination (Xénia, 2013), ou Un air de guerre (Xénia, 2017), et de recueils de courtes chroniques comme Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) et Le début de la fin et autres causeries crépusculaires (Xénia, 2012). Il vient de publier dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019).

La liberté, malgré les urgences !

Les sociétés européennes se trouvent aujourd’hui confrontées à de tels défis qu’il peut apparaître étrange, pour ne pas dire inactuel, de s’interroger sur ce que devient aujourd’hui la liberté en Europe. Ce n’est à coup sûr pas une priorité. Et pourtant c’est ce qu’on va essayer ici de faire malgré le couvre-feu matériel et mental imposé par la lutte contre le Coronavirus.

Il est beaucoup aujourd’hui question de «dérive autoritaire» en Europe. C’est évidemment un euphémisme. La vraie question, en fait, qui se pose (au-delà même de celle consistant à se demander si nous sommes encore en démocratie) est celle de l’État de droit. Que subsiste-t-il aujourd’hui encore dans nos pays de l’État de droit?

Je dis «nos pays», car la question ne se pose pas seulement dans certains d’entre eux à l’exclusion d’autres hypothétiquement mieux favorisés, mais peu ou prou partout. Un pays comme la France est évidemment en première ligne. Il serait fastidieux de dresser la liste de toutes les atteintes à l’État de droit survenues en France au cours de la période récente, en lien ou non avec l’épisode des Gilets jaunes. Ces atteintes sont graves et n’ont pas leur équivalent ailleurs. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. On est certainement légitimé à insister sur la singularité française. Mais, d’une part, cette singularité n’est que relative, et d’autre part la France ne fait que précéder les autres pays dans une évolution d’ensemble n’épargnant, en fait, aucun pays. Elle a simplement une longueur d’avance.

libertc3a9s.jpg

Le problème doit donc être abordé à l’échelle du continent dans son ensemble. On admettra sans peine par exemple que les violences policières constatées ces derniers mois en France n’ont pas leur équivalent en Suisse. Mais divers scandales survenus récemment à Genève, ville frontalière, montrent que la Suisse n’est pas a priori à l’abri de tels débordements (1). D’autres exemples pourraient être cités, notamment un, il y a deux ans, dans le canton de Berne. L’affaire avait débouché dans une interpellation au Grand Conseil bernois. Les violences policières sont encore en Suisse l’exception. Mais il ne faut pas dire qu’elles n’existent pas.

Par ailleurs, les violences policières n’épuisent pas le problème. Ainsi, toujours en Suisse, le Parlement s’apprête à adopter un projet de loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, projet de loi entérinant le principe selon lequel de telles mesures pourraient être prises en dehors de tout contrôle judiciaire. Il ne faut pas idéaliser la justice, ni bien sûr non plus surestimer son aptitude à protéger les libertés fondamentales (la violence judiciaire n’est pas un vain mot, elle n’a souvent rien à envier à la violence policière proprement dite), mais le contrôle judiciaire n’en est pas moins préférable à pas de contrôle du tout. Un tel contrôle ne garantit assurément pas en lui-même la survie des libertés fondamentales, mais peut en revanche, dans une certaine mesure au moins, la favoriser. Alors qu’avec sa suppression une telle survie devient hautement improbable, pour ne pas dire désespérée.

Le modèle français

La Suisse se borne ici à suivre l’exemple français, puisqu’en 2017 déjà le Parlement français avait décidé de transférer dans le droit ordinaire certaines dispositions de l’état d’urgence, au nombre desquelles, justement, l’abolition du contrôle judiciaire sur les actes des autorités en lien avec la lutte contre le «terrorisme». On met ici le mot «terrorisme» entre guillemets, car les autorités françaises ont tendance à user et abuser de cette notion en en donnant une interprétation très extensive. On est très vite aujourd’hui en France traité de «terroriste».

On pourrait aussi parler des atteintes croissantes à la liberté de parole et de critique, qui font qu’il devient de plus en plus risqué aujourd’hui d’aborder certains sujets jugés sensibles. Il n’y a pas encore à l’heure actuelle en Suisse de loi Avia, mais il est évident qu’un jour ou l’autre il y en aura une, car on voit mal la Suisse ne pas s’aligner sur ce qui se fait ailleurs en ce domaine. Ce ne sera au reste pas très compliqué. Il suffira de compléter l’article 261 bis du Code pénal, par simple adjonction d’un ou deux alinéas, comme cela vient de se faire pour la pénalisation de l’homophobie. Il faut en tenir compte quand on dit que la liberté d’expression est aujourd’hui mieux garantie en Suisse qu’en France. C’est certainement vrai en soi, mais encore une fois, c’est le mouvement d’ensemble qui compte.

Et ainsi de suite. En France toujours, un décret du 20 février dernier légalise le fichage généralisé des individus, au travers d’une nouvelle application numérique dénommée GendNotes. Les gendarmes sont encouragés désormais à collecter des données à caractère personnel (y compris celles relatives aux opinions philosophiques et politiques). Ils l’ont naturellement toujours fait dans le passé, mais c’est maintenant légalisé. On peut bien, si l’on y tient, parler ici de «dérive autoritaire», mais chacun admettra qu’il s’agit de tout autre chose. On assiste en fait à la mise en place d’un régime de type orwellien inaugurant une nouvelle espèce de totalitarisme. La généralisation à tous les coins de rue de la reconnaissance faciale s’inscrit également dans ce contexte.

Insistons au passage sur le fait qu’avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), les choses se font en quelque sorte toutes seules. C’est une opportunité qui s’offre à l’État, et celui-ci, tout naturellement, en profite.

L’humain rapetissé

On est dès lors amené à se poser cette question: comment se fait-il que personne ne réagisse? En fait, ne se révolte? Car, effectivement, les gens ne révoltent pas. On pourrait dire que la non-révolte est chose normale: plus normale, en tout cas, que la révolte. On ne se révolte qu’exceptionnellement. Les gens ne se rendent pas non plus toujours compte à quels risques ils s’exposent en ne se révoltant pas. Ou quand ils s’en rendent compte, il est déjà trop tard. Ils cèdent également volontiers à la peur. Etc. Tout cela étant admis, on n’en reste pas moins surpris de la passivité et de l’absence de réaction des citoyens. Ils donnent l’impression d’être comme tétanisés. Il y a certes eu l’épisode des Gilets jaunes. Mais leurs revendications étaient d’ordre surtout économique.

ob_ce596e_creditmunicipalcamera4726b.gif

C’est un sujet complexe, on ne va bien sûr pas ici en faire le tour, juste développer une ou deux remarques. On s’inspirera ici du dernier livre d’Emmanuel Todd, Les Luttes de classes en France au XXIe siècle (2), qui aborde le problème sous l’angle anthropologique. Prenant le contre-pied d’une thématique aujourd’hui ressassée, celle de «l’homme augmenté», Todd dit que l’homme contemporain est au contraire extrêmement «diminué». L’individu n’est pas devenu aujourd’hui «plus grand», comme on le prétend parfois, mais au contraire «plus petit». Todd se réfère à certains travaux récents sur la dépression et la fatigue mentale des individus à notre époque. Il insiste également sur le fait que les dernières décennies ont été marquées par un double effondrement religieux et moral, double effondrement qui n’est évidemment pas resté sans effet sur la psyché individuelle. L’ancienne religion s’est effondrée, et avec elle l’ensemble des croyances et points de repère qui contribuaient jusqu’à une date encore récente à «encadrer» l’individu et par là même à le renforcer, à lui donner confiance en lui-même: on pense en particulier au cadre national. L’individu est aujourd’hui très largement abandonné à lui-même. Et donc, tout naturellement, tend à «s’affaisser», à se rapetisser.

C’est un début de réponse. La fatigue, en elle-même, n’est pas nécessairement incompatible avec la révolte, il y a des gens fatigués qui pourtant se révoltent. Mais ce n’est pas le cas le plus fréquent. Ce que la fatigue nourrit plutôt, c’est le renoncement, la passivité. Mais on pourrait dire autre chose encore. Qu’ils soient ou non fatigués, les gens, en règle générale, se révoltent quand ils ont faim. Encore une fois, il faut citer les Gilets jaunes. Or être privé de liberté, ce n’est pas exactement mourir de faim. La liberté n’est pas un bien matériel, mais immatériel. On croise ici Dostoïevski et sa légende du Grand Inquisiteur. Le Christ dit au Grand inquisiteur: l’homme ne vit pas seulement de pain. Soit, mais la plupart de nos contemporains sont aujourd’hui sincèrement convaincus du contraire: l’homme ne vit que de pain. Pourquoi dès lors le fait d’être privé de liberté les conduiraient-il à se révolter?

On retrouve ici l’effondrement religieux. Avec raison, Emmanuel Todd, met la fatigue en lien avec l’effondrement religieux. L’effondrement religieux conduit à la fatigue, qui elle-même conduit à la non-révolte. Sauf que ce passage par la fatigue n’est que facultatif. La non-révolte se laisse aussi penser comme un produit direct de l’effondrement religieux.

Eric Werner (Antipresse n°226, 29 mars 2020)

Notes :
  1. 1) Voir Slobodan Despot: « L’affaire Simon Brandt, un “signal faible” — mais assourdissant! », Antipresse 219 | 09/02/2020.

  2. 2) Seuil, 2020. Cf. en particulier le chapitre V (pp. 127-153).

vendredi, 29 mars 2019

The Rise of Unfreedom in the West

yoani-assange-usa.jpg

The Rise of Unfreedom in the West

Our tradition of free debate, the sine qua non of democratic life, is increasingly under attack in academia, the media, and politics.

 
Andrew A. Michta is the dean of the College of International and Security Studies at the George C. Marshall European Center for Security Studies. Views expressed here are his own.

vendredi, 18 mai 2018

Liberté et légitime défense

LDef.jpg

Liberté et légitime défense

par Bernard Wicht

Ex: http://www.oragesdacier.info

 
Depuis la fin de la guerre froide, le mot liberté a subitement disparu du discours politique au profit du vocable sécurité. Or les philosophes savent bien que ces deux termes ne sont pas compatibles, qu’ils ont plutôt tendance à s’exclure l’un l’autre : « N’y a-t-il liberté politique que famélique, errante et proscrite ? Et n’y a-t-il de sécurité que dans la servitude, sinon dans la servilité... ? Doit-on tout attendre de l’État ou ne rien attendre de lui ? Ces questions sont au centre de toutes les théories politiques qui opposent la liberté de l’individu à la sécurité de l’Etat ou la ‘raison d’État’ à la sécurité des individus. » Nous aurions donc quitté un âge de liberté pour entrer dans une ère sécuritaire avec l’asservissement que cela implique. Signalons d’ores et déjà que pour les sociologues, c’est un fait acquis. Ceux-ci ont explicité cette transition de la liberté à la sécurité en développant, précisément dans les années 90, le concept de société du risque pour tenter de traduire ce repli et le désenchantement qui l’accompagnait : pêle-mêle ainsi, le tabagisme, les catastrophes nucléaires, la disparition de la couche d’ozone ou les armes à feu seraient ressentis comme les nouvelles « menaces » – les risques – pesant dorénavant sur les individus et les collectivités, c’est-à-dire des dangers sans cause ou des accidents dont il faut se préserver par tous les moyens y compris la restriction draconienne des libertés. A la doctrine militaire « zéro mort » correspond donc celle plus sociopolitique du « risque zéro »
 
     Ce glissement de paradigme – de la liberté à la sécurité – est passé relativement inaperçu, pourtant son impact est immense pour la conception de la citoyenneté : dès lors que l’État n’est plus le garant des libertés de chacun mais (au contraire) de la sécurité de tous, le citoyen en armes n’est plus considéré comme une protection contre la tyrannie mais comme un criminel en puissance, comme une menace potentielle, comme un « sauvage » qui risquerait de retourner à l’état de nature. Car, en plaçant la sécurité au centre, en priorité absolue, non seulement on évacue la liberté mais on la recale à l’état de nature, de licence folle, sans règles. Ceci souligne encore la nécessité de re-penser la liberté aujourd’hui, de ré-interpréter en fonction de l’environnement actuel les oppositions paradigmatiques sur lesquelles se fonde la liberté positive : res publica/tyrannie ; armée de citoyens/armée prétorienne ; bien commun/corruption. Or en fonction de cet environnement, ces couples paradigmatiques récupèrent toute leur pertinence et permettent de mettre en évidence combien il est nécessaire pour un groupe de maintenir ou de retrouver sa capacité de décision collective et autonome, combien il est important pour lui de ne pas dépendre totalement d’autrui pour défendre cette capacité. En effet, si l’image du tyran est devenue caricaturale de nos jours, si elle se résume de plus en plus à celle du « méchant » dans les filmographies hollywoodiennes, la tyrannie demeure en revanche une réalité dans les sociétés contemporaines, que ce soit sous la forme du racket mafieux, de la prise en main de certaines populations par les gangs ou d’un pouvoir étatique excessif ayant perdu de vue le bien commun. Les oppositions paradigmatiques précitées servent ainsi de repères et de guide dans cet effort de redéfinition de la liberté. Dans cette recherche de nouveaux espaces de liberté, d’espaces civiques de décision autonome, susceptibles de structurer un sujet autonome en vue de l’action, il convient en outre de garder à l’esprit que l’ère des révolutions, des nationalismes et des idéologies est désormais close. Les fondamentalismes et les fanatismes religieux représenteraient-ils l’étape actuelle ? Certainement pas pour les vieilles sociétés occidentales profondément marquées par les tragédies à répétition du terrible XXe siècle. En revanche, les mécanismes premiers des collectivités humaines demeurent sans doute valables et constituent de ce fait un ressort de fonctionnement premier sur lequel il est possible de re-construire. Dans ce sens, l’adage on ne possède que ce qu’on peut défendre reste un principe de base de toute démarche en la matière. Défendre sa terre et ses biens a été en effet de tout temps, et dans toute société, une motivation essentielle des individus ainsi que le relève notamment Carl Schmitt dans sa théorie du partisan, le combattant tellurique qui se bat pour ses foyers (pro aris et facis) alors que l’État a abandonné la lutte : « Le partisan représente encore une parcelle de vrai sol ; il est l’un des derniers à monter la garde sur la terre ferme, cet élément de l’histoire universelle dont la destruction n’est pas encore parachevée. » Plus loin, c’est Hobbes dans son Léviathan qui rappelle que le droit à l’auto-défense est un droit naturel et que, comme tel, il ne peut être cédé par aucune convention : « L’obligation des sujets envers le souterrain s’entend aussi longtemps, et pas plus, que dure la puissance grâce à laquelle il a la capacité de les protéger. En effet, le droit que, par nature, les humains ont de se protéger eux-mêmes, quand personne d’autre ne peut le faire, ne peut être abandonné par aucune convention. » Dans le même sens, dans son deuxième Traité du gouvernement civil, Locke explique que la première loi de la nature est celle de la conservation de soi-même : « Celui qui tâche d’avoir un autre en son pouvoir absolu, se met dans l’état de guerre avec lui... Car j’ai sujet de conclure qu’un homme qui veut me soumettre à son pouvoir sans mon consentement, en usera envers moi, si je tombe entre ses mains, de la manière qui lui plaira, et me perdra, sans doute, si la fantaisie lui en vient. En effet, personne ne peut désirer de m’avoir en son pouvoir absolu, que dans la vue de me contraindre par la force à ce qui est contraire au droit de ma liberté, c’est-à-dire, de me rendre esclave... et la raison m’ordonne de regarder comme l’ennemi de ma conversation, celui qui est dans la résolution de me ravir la liberté, laquelle en est, pour ainsi dire, le rempart. » 
 
     En la considérant ainsi brièvement sous cet angle, la philosophie occidentale semble contenir toute une culture de la légitime défense formant le socle des libertés politiques. Sur cette première base, on peut ensuite tenter d’ébaucher la configuration de ces nouveaux espaces autonomes de décision et d’action en se demandant comment réoccuper cette coquille vide qu’est devenu l’État postmoderne, cet espace post-étatique livré à la foule et aux réseaux de tous ordres sous la surveillance de milliers de caméras.

Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ?
 

dimanche, 05 juin 2016

La liberté moderne vue par Rémi Brague

ciric_168067.jpg

La liberté moderne vue par Rémi Brague

Ex: http://fboizard.blogspot.com

« La liberté de l’homme moderne a trop souvent la même signification que dans le cas d’un taxi. Un taxi est libre quand il possède trois caractéristiques : il est vide, il ne va nulle part (“en maraude” comme on dit) et il peut être pris d’assaut par le premier venu, qui lui demandera d’aller où il voudra. »

C'est bien dit et c'est terriblement juste : je connais des modernes vraiment paumés d'être modernes, perdus, vides, et cela se traduit dans leurs choix très concrets, une vie dissolue, sans boussole, sans durée, sans profondeur. Mais, à la différence de ce qui se passait avant (des paumés, il y en a toujours eu), ce ne sont pas des marginaux mais au contraire des individus ordinaires.

Chesterton l'avait dit aussi : « Quand on se déclare incroyant, ce n'est pas qu'on ne croit plus en rien, mais qu'on croit en n'importe quoi ».

Vaclav Havel a dit que le problème de l'homme moderne n'était pas qu'il ignore le sens de la vie mais que cette question le préoccupe de moins en moins.

Mais ce n'est pas parce que la préoccupation est évacuée que le manque ne resurgit pas quand même. Notre société est folle et le fond de cette folie, c'est la vie sans transcendance. On retombe sur l'éternelle question de Socrate : « Si l'homme est la mesure de toutes choses, qu'est-ce qui mesurera l'homme ? ». Lhomme sans dieu est fou, fou de lui-même, fou de narcissisme.

00:05 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rémi brague, philosophie, liberté | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 04 janvier 2016

Résistons! Les valeurs de résistance, ne rien lâcher…

Résistons! Les valeurs de résistance, ne rien lâcher…

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Les valeurs de résistance, ne rien lâcher…

porte-voix1.jpgCeux qui s’illusionnent sur l’efficacité de la politique politicienne et les bienfaits très relatifs et largement surestimés de la démocratie directe helvétique manquent trop souvent d’une colonne vertébrale idéologique et d’une culture leur donnant des clés d’analyse à long terme ( « pérenne » comme on dit en novlangue d’Orwell,1984).Le nombre des électeurs ( les parts de marché électoral) peut certes être augmentée et mobilisée pour freiner l’irrésistible montée du mondialisme et des valeurs totalitaires de la lutte contre les inégalités naturelles et irréductibles. Mais aujourd’hui, l’influence, les arrangements consensuels discrets, la propagande médiatique uniformisée l’emportent  presque systématiquement. Il est important de savoir se former,  s’informer, en lisant revues et textes pluralistes et alternatifs, dissidents, hors du courant dominant, en accédant aux medias de réinformation accessible sur le Net (comme Lesobservateurs.ch mais il y en a beaucoup d’autres, comme Polemia et j’en passe). Avant que la censure et le contrôle d’Internet ne soient imposés pour des raisons bien sûr de lutte contre le terrorisme.

PUBLICITÉ
 

Paru en 2015, sous la plume d’Éric Letty et Guillaume de Prémare, « Résistance au meilleur des Mondes » éditions Pierre Guillaume de Roux, est une excellente surprise. Issus de la Résistance populaire et spirituelle incarnée par La Manif pour Tous qui s’est dressée spontanément contre l’imposition ultralibérale du mariage pour tous par le sinistre gouvernement Hollande et la Loi Taubira, les auteurs nous réconcilient avec un stimulant et surprenant catholicisme de combat, de veilleurs. Qui ose se dresser, au nom d’un bio-conservatisme de bon sens et de respect de l’humain, contre le transformisme technologique, égalitaire,  soi-disant progressiste mais surtout totalitaire qui veut  rendre possible toutes les utopies et imposer le « Meilleur des Mondes » anticipé par Aldous Huxley en 1946.Un travail de déconstruction, au service d’un individualisme exacerbé, soumis au pouvoir  de puissances d’argent aveugles et préparé discrètement, c’est  l’empire du consensus, par des architectes zélés et influents est décrit de manière passionnante dans cet ouvrage percutant. Cette superclasse mondiale, oligarchique, décrite par Huntington et Attali, libre-échangiste et immigrationiste forcenée, considère les barrières nationales, mais aussi les identités sexuelles, la culture, les religions comme des obstacles qui sont en train ,espèrent-ils, de disparaître. Obstacles à la consommation de masse, à la satisfaction immédiate des désirs individualistes et égoïstes,  à la perspective de rendre possible, en modifiant le Droit et en utilisant la technologie qui augmente les potentialités humaines, le meilleur des mondes déshumanisé possible : identité de genre, grossesses extracorporelles, procréation médicalement assistée, désexualisation, dictature des experts, féminisation à outrance et haine du rôle du père, disparition de la filiation, de la famille traditionnelle et de l’Histoire individuelle et collective. A lire impérativement pour mieux comprendre les enjeux des batailles sociétales menées actuellement contre la plus petite entité sociale de résistance au meilleur des mondes utopique qu’est la famille ( une femme, un homme, des enfants, une filiation, des valeurs incarnées et inégalitaires puisque complémentaires).

Pour redevenir trivial, il est très important, le 28 février 2016 de voter OUI à l’initiative populaire fédérale « Pour le couple et la famille- non à la pénalisation du mariage, puisque la Constitution sera modifiée en précisant que » le mariage est l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme ».Il est important d’organiser la résistance, à cette occasion, même si elle est symbolique.

Une autre petite merveille d’impertinence est le dictionnaire de novlangue de Jean-Yves Le Gallou et Michel Geoffroy (Via Romana 2015). La novlangue, selon 1984 de George Orwell, oblige les gens à penser conformément à la ligne du parti (aujourd’hui le politiquement correct). On y apprend le pouvoir des mots sidérants pour diaboliser le déviant (homophobe, xénophobe, raciste), des mots tabous (frontières), des mots trompeurs (intégration, être bien intégré, c’est être bien installé). Le pouvoir de l’adversaire apparaît dans  l’usage imposé de la novlangue. Ici la résistance s’impose, appeler un chat un chat et non pas adopter le langage qui signe la soumission, la création de néo-besoins, de nouveaux désirs. Je ne résiste pas au plaisir d’un exemple : Père, terme ringard, sexiste et cryptofasciste. Laïc : personne qui trouve que toutes les religions sont respectables, sauf le catholicisme. Un pur régal pour se désintoxiquer l’imaginaire et oser penser non-conforme, selon les lois naturelles, le bon-sens,  la spiritualité conforme à la Tradition. Dans les recommandations de vote du 28 février, n’oublions pas de dire OUI  à l’initiative de mise en œuvre, pour l’expulsion des criminels étrangers. Même s’il est discutable de revoter pour faire appliquer un texte qui a déjà été accepté par une majorité des votants. Comme nous ne sommes encore pas dans le Village Global sous l’autorité morale du Gouvernement mondial, il est normal d’appliquer notre Droit et de ne pas obéir aux Juges étrangers ou chapeautés par le même Gouvernement Mondial. Rester maître chez soi et ne pas se faire imposer des prises en charge coûteuses et disproportionnées. Non au deuxième tunnel du Gothard, par respect de l’écologie intégrale et pour ne pas augmenter, en période d’accélération des migrations illégales qui s’imposent, la facilité de transiter par notre pays ou de s’y installer. OUI aussi à l’initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires.

Dominique Baettig, Médecin, ancien Conseiller national, militant souverainiste

jeudi, 10 décembre 2015

Garantir le droit et l’accès à la diversité de l’information, à la liberté d’expression… une lutte essentielle!

atteindre-la-liberte.jpg

Garantir le droit et l’accès à la diversité de l’information, à la liberté d’expression… une lutte essentielle!

 
Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Les « terroristes » dont les exploits effrayants sont amplifiés à dessein par les medias politiquement corrects ont déjà gagné en permettant de restreindre, pour la « bonne cause », bien sûr, la sphère privée. Comme en France, où l’effet Charlie (et qui d’ailleurs n’est pas Charlie ?) puis l’effet Bataclan ont entraîné et renforcé l’acceptation sans réel débat d’une Loi sur le renseignement et l’installation de l’état d’urgence sécuritaire. Ainsi le sinistre (de gauche bobo !) gouvernement responsable par sa politique aventureuse et risquée, interventionniste en Syrie, sous perfusion financière par le Qatar et la monarchie  familiale saoudienne, tout en refusant sa responsabilité patente, en profite pour s’immiscer dans la sphère privée des citoyens critiques et limiter leur libre expression et d’information. Oublié le laxisme dans le contrôle migratoire, oublié l’imposition du « vivre ensemble » unilatéral sous peine de sanctions. La gauche moraliste totalitaire rappelle que pour elle, la souveraineté nationale, l’autonomie économique, les valeurs identitaires, les vraies valeurs spirituelles chrétiennes, le racisme et l’islamophobie sont des délits bien pires encore que les dérives explosives de quelques radicalisés franco-belges qu’il ne faut pas amalgamer à l’Islam ou requérants illégaux syriens. L’ennemi principal et prioritaire, qualifié de droite extrême selon l’estampillage de réflexe pavlovien, c’est la population, droite et gauche nationale confondues, qui ose douter de la propagande officielle du Parti du Bien et cherchent des sources d’information critiques, pluralistes, sur internet, s’informer sur des sites alternatifs ou dissidents, peut-être même carrément complotistes, comme le susurre « Big Brother ».Il ne faut pas donner des moyens de contrôle supplémentaire à un régime de bienpensance moraliste et autoritaire, qui les utilisera d’abord contre l’opposition idéologique interne, ce serait suicidaire.

En Suisse la Loi sur le Renseignement, malgré ce que ne veulent pas voir la majorité des parlementaires qui l’ont acceptée, procède de la même logique inquisitoriale. La rétention de données et l’interception de tout ce qui passe par le câble et la fibre optique sont des moyens de surveillance de masse qui ne se basent sur aucune preuve mais seulement sur le soupçon. Des algorithmes informatiques vont détecter des faisceaux d’indices et des mots sensibles dans vos communications téléphoniques, mails, consultations de sites et induire des soupçons. Délit d’intention, de mauvaises pensées, de mauvaises lectures, de mauvaises influences. Pire, des logiciels espions, chevaux de Troie pourront être introduits à votre insu (perquisition en cachette) dans vos ordinateurs et vous surveiller, même si vous n’avez rien fait, rien dit ou juste exercé votre droit à la libre information, à la sphère privée. Que dire de la collaboration d’échanges avec les autres services de renseignements étrangers qui permettra de transmettre automatiquement et sans contrôle vos données à des services en guerre, antiterroriste ou économique.

Dans cette affaire, qui n’a rien à voir avec une gauche bisounours ou tendance matraque, la défense et le droit à la sphère privée, la protection contre l’Etat (et les autres Etats) fouineur et digital, le droit à la liberté de pensée, d’expression, de réunion, d’information l’emportent sur des considérations opportunistes justifiées de la soi-disant guerre contre le terrorisme. Celle-ci est menée par des gouvernements qui soutiennent eux-mêmes des groupes terroristes (les mêmes !), les arment, les sponsorisent et se réjouissent du bon travail qu’ils mènent en Syrie, au Yémen et ailleurs.

Il faut impérativement signer le référendum  du comité interpartis (dont le Parti Pirate) contre la Loi sur le Renseignement. Cette Loi est déjà en soi une petite victoire des actions terroristes qui crée des mécanismes de surveillance totalitaires permettant de repérer des intentions ou des déviances politiques de manière préventive. Cette société totalitaire de surveillance n’a pas pour objet final de contrôler les individus mais de faire intérioriser le sentiment du pouvoir absolu de l’administration concernant la vie privée et publique. Elle ne s’attaque pas à des actes ou des paroles déterminées mais au désir même de résistance.

Dominique Baettig, 9 décembre 2015,  Médecin, Ancien Conseiller national, militant souverainiste suisse.

samedi, 17 janvier 2015

Les dangereux paradoxes du deux-poids-deux-mesures

LIBERTÉ D’EXPRESSION: DU DISCOURS AUX RÉALITÉS
 
Les dangereux paradoxes du deux-poids-deux-mesures
 
Jean Ansar
Ex: http://metamag.fr
 
mouton.jpegLa mobilisation «  je suis Charlie » en faveur de la liberté d’expression pose certains problèmes à l’esprit critique. En effet si certaines opinions sont considérées, au pays où l’on se vante de pouvoir tout dire et tout dessiner, comme des délits, voire des crimes, il y a  là un deux-poids-deux-mesures dont les obscurantistes du djihadisme se servent.

La nouvelle affaire Dieudonné en est une illustration. On se sert de l'émotion "Charlie" dans le durcissement de tout ce qui peut être considéré comme alimentant l’anti-sémitisme. Dieudonné est une cible facile mais il sera compliqué d'assimiler son tweet à une apologie du terrorisme.

On revient avec force sur l’interdiction de la contestation des camps d’extermination de la deuxième guerre mondiale. Mais ce négationnisme est un  discours marginal car interdit, sauf dans certains quartiers et chez certains jeunes qui considèrent ce thème comme un moyen de domination de la communauté juive et donc indirectement du sionisme. Il y a un vrai problème qui ne le voit pas.

De la même manière, ils se demandent pourquoi donc ne pas interdire les caricatures du prophète puisque certaines choses peuvent ne pas être tolérées. Pourquoi une mémoire sacrée au dessus du blasphème. S’il y a une limitation à la liberté d’expression,  il peut y en avoir d’autres.

Dans le contexte actuel pourquoi avoir mis à la une le prophète et pas un djihadiste fou…. On peut critiquer l’islamisme radical sans passer par la case prophète. Mais c’est bien sûr de l’auto censure.

Le cas Dieudonné mérite une fois de plus réflexion

"Je me sens Charlie Coulibaly", "Bal tragique à Colombey"... Certains usages de la liberté d'expression choquent. Si pour Me Emmanuel Pierrat, avocat au Barreau de Paris, la «liberté d'expression est un principe quasi absolu», il peut y avoir des «abus». Et ces abus sont déterminés par la loi.
 
C'est le cas pour Dieudonné, qui a récemment mêlé "Charlie" au nom de l'auteur de la prise d'otages Porte de Vincennes vendredi dernier. Il est poursuivi pour "apologie du terrorisme", selon la Loi anti-terroriste voulue par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. C'est jusqu'à cinq à sept ans de prison si ces propos sont tenus sur Internet. Pour l’avocat de l'humoriste, c’est inapproprié et disproportionné.

Le droit français fixe en fait deux grandes "familles" d'abus : il y a la diffamation ou l'injure, et puis il y a les paroles ou écrits qui appellent à la haine. Parmi eux : l'apologie de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, les propos racistes et antisémites ou les propos homophobes.

A charge pour les juges de «faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. De savoir si, oui ou non, celui qui se présentait comme humoriste hier n'a pas tenu des propos qui relèvent de l'abus et non plus du droit à l'humour», explique Me Emmanuel Pierrat. Ce que l’on traque donc reconnaït-il : c’est l intention…. Pas de haine chez Charlie ; de la haine chez Dieudonné- il s’agit donc d’une approche subjective ou l'on sonde les cœurs… c’est bien sûr la porte ouverte sur la politisation de la justice. Dieudonné diabolisé est  par ailleurs l'arbre qui cache la forêt.

La "une" du numéro tiré à 5 millions d’exemplaires, le premier depuis l'attaque islamiste qui a fait douze morts, montre le prophète Mahomet la larme à l'œil, avec une pancarte "Je suis Charlie", sous le titre "Tout est pardonné". Assez ambigu. De tels dessins "alimentent les sentiments de haine et de ressentiment dans le peuple" et marquent un "mépris" des convictions des musulmans, a estimé le grand mufti de Jérusalem, Mohammed Hussein, dans un communiqué.

Sous le titre "Nous sommes tous Mahomet", le quotidien indépendant algérien en langue arabe Echorouk affiche en "une" le dessin d'un homme avec une pancarte "Je suis Charlie", à côté d'un char de combat qui écrase d'autres pancartes portant les noms de "Palestine", "Mali", "Gaza", "Irak" et "Syrie".

En Turquie, le journal de l'opposition laïque, Cumhuriyet, publie sur quatre pages des extraits du dernier numéro de Charlie Hebdo. Dans l'un de ses éditoriaux, il place une petite vignette en noir et blanc reprenant la "une" de l'hebdomadaire français. Il est le seul à l’avoir fait dans le monde musulman.

La police turque a bouclé les rues voisines du siège du journal à Istanbul par mesure de sécurité. Près du bureau de Cumhuriyet à Ankara, des manifestants ont déployé des banderoles: "la provocation de Charlie continue".

libexpr108235367.jpgEn Egypte, la mosquée et l'université Al Azhar, qui fait autorité pour l'enseignement de l'islam, a demandé aux musulmans d'ignorer les nouveaux dessins de Charlie Hebdo, "une odieuse futilité".
Pour de nombreuses personnes interrogées au Proche-Orient, il est temps de tourner la page.
«Ces dessins ne veulent rien dire, ils ne devraient pas nous toucher. Nous, musulmans, nous sommes plus forts qu'un dessin... On ne devrait pas y prêter attention mais si on veut réagir, il faut réagir mot contre mot, dessin contre dessin», déclare Samir Mahmoud, un ingénieur à la retraité rencontré au Caire.

Emad Awad, un chrétien qui vit dans la capitale égyptienne, dit comprendre la colère de certains de ses voisins musulmans et espère qu'il n'y aura pas de nouvelles violences. Charlie Hebdo, a-t-il regretté, "a perdu une occasion d'aller de l'avant".

Mardi, le grand mufti d'Egypte, Chaouki Allam, avait dénoncé de la part de l'hebdomadaire français «une provocation injustifiée à l'encontre des sentiments des musulmans du monde entier».

Le Saoudien Iyad Ameen Madani, secrétaire général de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), voit dans les nouveaux dessins de Charlie Hebdo "insolence, ignorance et bêtise". «La liberté d'expression ne doit pas justifier un discours de haine qui insulte les croyances de l'autre. Aucune personne sensée, quelles que soient ses convictions, sa religion ou sa foi, n'accepte qu'on ridiculise ses croyances», a-t-il dit lors d'une visite en Irak. 

Le monde n’est pas Charlie surtout le monde musulman… la liberté doit cheminer avec la responsabilité et l’équité. Limiter la liberté d'expressions d’un coté et prétendre la défendre de tous les autres, ce n’est certes pas une position facile et certainement pas une position sans danger pour les Français qu’on prétend protéger en priorité absolue.

00:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : liberté d'expression, liberté, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 23 novembre 2014

Freedom and Democracy Are No Excuse for U.S. Interventions Overseas

29595_549747315038391_1371305311_n-democracy.jpg

Freedom and Democracy Are No Excuse for U.S. Interventions Overseas

d8b053a37230b5a812021e59d390ed7280f4b26681c68faa5ae3f05ca281420e.jpgWhen U.S. governments take Americans into war, we hear them justify it as a fight for freedom. Often they rationalize it as an anti-tyranny fight, a pro-peace fight and a pro-democracy fight.

Freedom appeals to Americans. It is a core American value, even if it’s not honored in practice here at home.

When politicians use freedom to justify war, they are making an emotional, not a reasoned, appeal. Why? It’s because freedom, while a good thing, is never alone a sufficient reason for the government to commit Americans to a fight for freedom in some foreign land. The war may cost Americans more than they benefit, and America’s wars have. American interventions may cost foreigners more than they gain, and America’s interventions have.

To justify American interventions on grounds of reason or rational interest, the government needs to present arguments. Costs and benefits have to enter the picture. Leaders are reluctant to make such arguments for fear of exposing their war policies as lacking justification from the point of view of American welfare. When they do present their arguments, they are invariably faulty, weak, deficient, exaggerated, illogical and mistaken. They are nonsense. Leaders cannot tell Americans what their real reasons for intervention are, if indeed they themselves are aware of them.

President Truman addressed the nation several times about American intervention in South Korea, such as on July 19, 1950 and September 1, 1950. He made the case for sending American armed forces to Korea. Consequently, between 1950 and 1953, Americans lost 33,686 dead and suffered 92,134 wounded.

The July address made a domino theory argument:

“This attack has made it clear, beyond all doubt, that the international Communist movement is willing to use armed invasion to conquer independent nations. An act of aggression such as this creates a very real danger to the security of all free nations.”

We now know that great doubt surrounded the meaning of the North Korean attack and its motivation. We now know that there was no monolithic international Communist movement, and that this imagined entity was not on any march to conquer independent nations of which South Korea was the first. There was no “very real danger” to America’s national security or other free nations far from Korea.

Truman went on with a freedom appeal: “This [attack] is a direct challenge to the efforts of the free nations to build the kind of world in which men can live in freedom and peace.”

The assertion he made is that war in Korea somehow undermined the work of other nations to live in freedom and peace. Somehow a war anywhere challenges peace everywhere. This linkage makes no obvious sense unless the war in question is the work of an incipient or active empire that has the intent of territorial expansion. Regional wars do not routinely meet that condition. North Korea was not such a power.

However, despite the limited nature of the war, Truman argued a second domino theory version:

“The free nations have learned the fateful lesson of the 1930′s. That lesson is that aggression must be met firmly. Appeasement leads only to further aggression and ultimately to war.”

The lessons of the 1930s are that America should not have entered World War I, should not have created a monetary system that led to inflation and a Great Depression, and should have stayed out of Europe’s wars. The victors in World War I should not have imposed a draconian peace at Versailles. Not all aggressions must be met by American force. Not all neutrality is appeasement. Not all aggression creates further aggression. Not all situations parallel those in the 1930s. Not all dictators are Hitlers. Truman’s domino theory of appeasement did not justify American intervention in Korea.

Truman’s September address deepened his appeals. He added that the war was for the sake of peace, and he embedded the freedom appeal in the millennia of history:

“These men of ours are engaged once more in the age-old struggle for human liberty. Our men, and the men of other free nations, are defending with their lives the cause of freedom in the world. They are fighting for the proposition that peace shall be the law of this earth.”

This passage includes an appeal to universal, earth-wide law and order, brought about by American soldiers in Korea.

Truman appealed again to a third domino theory: “If the rule of law is not upheld we can look forward only to the horror of another war and ultimate chaos.” The argument is that without someone like America upholding the international rule of law of the UN, war and chaos will result.

This theory is false. Not only have U.S. interventions created war and chaos, but many wars have been launched after 1950 despite the fact that the U.S. government chose to intervene in Korea, Vietnam and other places, with or without international approval.

Such welcome peace as there has been as compared with the two world wars has causes far afield from the U.S. intervening to keep the peace or intervening in places like Korea, Vietnam, Yugoslavia, Iraq, Libya, Syria, Mali, Yemen, Afghanistan, and Ukraine.

The upholding of international law by American force, a pax Americana, is imaginary. This is neither a necessary condition for peace nor a sufficient condition for peace.

524dc7abe691b226d3c4428e_736.jpgTo gain domestic support for an unpopular war, Truman raised the ante in his freedom appeal:

“It is your liberty and mine which is involved. What is at stake is the free way of life–the right to worship as we please, the right to express our opinions, the right to raise our children in our own way, the right to choose our jobs, the fight to plan our future and to live without fear. All these are bound up in the present action of the United Nations to put down aggression in Korea.

“We cannot hope to maintain our own freedom if freedom elsewhere is wiped out. That is why the American people are united in support of our part in this task.”

None of these exaggerations were true in 1950. None are true in 2014. They are no more true than the recent false idea that jihadists are intent on wiping out American freedoms.

Lyndon Baines Johnson continued the same rhetoric in his message to Congress of August 5, 1964:

“1. America keeps her word. Here as elsewhere, we must and shall honor our commitments.

“2. The issue is the future of southeast Asia as a whole. A threat to any nation in that region is a threat to all, and a threat to us.

“3. Our purpose is peace.. We have no military, political, or territorial ambitions in the area.

“4. This is not just a jungle war, but a struggle for freedom on every front of human activity.”

His point #1 adds a new rationale, which is the circular rationale that we will fight to maintain our credibility, having earlier made a statement or signed a treaty that we would fight. This is not an independent justification.

#2 is a domino theory, and #4 is Truman’s grandiose idea that this particular war is a much larger war to defend freedom. Truman’s idea no doubt has earlier roots too. #3 is an argument that we can go into this war because we have no ambitions but the noble one of peace. This argument is as false as the others. There are always other ambitions that may be called imperial.

Bill Clinton’s rhetoric on intervention in Kosovo is like that of his predecessors. He invoked the appeasement theory, once again referring to the irrelevant Hitler analogy. He provided a twist on a domino theory by worrying about the conflict spreading to neighboring lands. (This argument hasn’t bothered Bush or Obama In the Middle East.)

And Clinton added a new argument that American prosperity depended on Europe being “safe, secure, free, united, a good partner”. Whew! War for international bankers and international companies! Kosovo matters!

This argument is highly implausible, and it never explains why Europeans cannot intervene on their own if Kosovo’s so important. Now, just extend Clinton’s argument to all the rest of the world in which Americans have trade and investment relations and you have the makings of interventions anywhere on the planet.

The question arises as to whether the U.S. government exists to further American economic relations with the rest of the world, using war as one means. This is hardly what is meant by keeping the peace or defending the nation.

As for Bush, let us note one phrase in his Iraq speech that echoes Truman:

“Intelligence gathered by this and other governments leaves no doubt that the Iraq regime continues to possess and conceal some of the most lethal weapons ever devised.”

Bush’s phrase “leaves no doubt” eerily matches Truman’s “beyond all doubt”. Bush was totally wrong on this score, as wrong as was Truman in his day. Presidents have to make big and unproven claims because they are taking America into war, and war is big. They do not have to be false claims. Why then are they false? After all, in his speech, LBJ lied about the Gulf of Tonkin, as the U.S. Navy detailed account now admits:

“Questions about the Gulf of Tonkin incidents have persisted for more than 40 years. But once-classified documents and tapes released in the past several years, combined with previously uncovered facts, make clear that high government officials distorted facts and deceived the American public about events that led to full U.S. involvement in the Vietnam War.”

This rhetoric, this emotional appeal to intervene militarily in some remote land for the preservation of freedom in America, continues to this day. This is Hillary Clinton:

“There really is no viable alternative. No other nation can bring together the necessary coalitions and provide the necessary capabilities to meet today’s complex global threats.”

“The things that make us who we are as a nation — our diverse and open society, our devotion to human rights and democratic values — give us a singular advantage in building a future in which the forces of freedom and cooperation prevail over those of division, dictatorship and destruction.”

Like Truman, Hillary still wrongly thinks that American forces are necessary and sufficient to produce peace. Additionally, she adds that only America is capable of this task, i.e., America is the indispensable nation in keeping the peace. Icing on the cake is her belief  that America has a comparative advantage in understanding and therefore implementing freedom and cooperation.

Wow! Aren’t we Americans great?!

Hillary’s rhetoric is unanchored to reality. She sweeps under the rug the long list of U.S. foreign policy debacles while grossly impugning and insulting the peoples of other lands.

It is easy for war advocates to speak of spreading freedom and democracy or defending them. This is a justification for possibly making war that is altogether too vague and too broad. This justification can never suffice for such legislation because a multitude of foreign situations fall into these categories or can be construed as falling into these categories. Specific interference by the U.S. needs specific justification, but when has that justification been accurate? Not in the case of Vietnam, not in Iraq, not in Serbia, not in Afghanistan, not in Korea, and not even in World War I. The U.S. interference that led to Pearl Harbor is another instance.

Is it the policy of the U.S. government to assure freedom and democracy in every land on earth and for all of its peoples? This is a practical impossibility that results in continual war. If it ever succeeded, the result would be global tyranny. Have Americans appointed themselves the unilateral and universal crusaders and administrators of freedom and democracy? This role is impossible too. It runs up against the individual developments in one nation after another. It runs aground on the ambiguities of what freedom means, what democracy means, and the flaws of democracy. It runs aground on the self-interests and imperial interests of those who control the U.S. government. This too is why freedom and democracy are not sufficient arguments for interventions.

Those who want to justify U.S. interference in Ukraine or Syria or anywhere else cannot use freedom and democracy as justification. They do not hold up. Being invited in doesn’t hold up. Stopping an aggression doesn’t hold up. A supposed foreign need doesn’t hold up. Upholding a mutual defense treaty doesn’t hold up, for these are really guarantees of the protection of a U.S. military umbrella.

Freedom and democracy are invoked by American leaders in favor of interventions overseas as if they were arguments, when they are nothing more than emotional appeals. America has declared itself a god, indispensable and uniquely qualified. Americans collectively are the god. Americans will enforce freedom and democracy everywhere. America goes to war under the banner of peace, freedom and democracy. Heathens shall be converted by the sword if need be. The freedom appeal is religious. Just as people fall away from religions, they fall away from allegiance to endless wars. The preachers stir them back up and incite them with new enemies and new fears. Your freedoms are under attack. You must fight or chaos will follow.

One president after another uses the rhetoric of freedom and democracy to bolster the appeal of their wars and interventions. They use them by themselves and linked to actual arguments. The linked arguments are typically domino theories or appeasement theories. These are either known to be false at the time or shown to be false later. Presidents assert certainties and absence of doubts when in fact the circumstances surrounding events are clouded and much more complex than they allege.

open-up-mother-fucker-FREEDOM-IS-HERE (1).jpg

Should Americans believe what their presidents tell them when they make important war messages? The general answer seems to be that they should not. Do presidents systematically lie in their war messages? The answer is not clear. It is hard to assess this without deeper study of the circumstances surrounding their speeches. But because the messages are so faulty and mistaken as a rule, it appears that either presidents lie or else they intentionally exaggerate or else they believe in their own largely false rhetoric or else their information is poor. No matter what’s going on, the fact remains that if history is any guide, Americans should not believe what their presidents tell them when they ask them to go to war.

Common sense should tell Americans the same thing, not to believe these war messages, because most of the wars involve no direct attacks on America anyway. Germany didn’t attack the U.S. in either world war. Russia never attacked the U.S. during the Cold War. North Korea didn’t attack the U.S., and neither did Serbia, Vietnam, Iraq, Yemen, Pakistan, Afghanistan, Grenada, Libya, Panama, Haiti or Syria, all places in which the U.S. has intervened, usually accompanied by some sort of justifications coming out of the White House.

samedi, 11 janvier 2014

2014 : année de la quenelle?

quenelle-tt-width-604-height-415.jpg

2014 : année de la quenelle?

Le phénomène Dieudonné : le comique qui fait peur au système.

Jean Ansar
Ex: http://metamag.fr

Ainsi les nazis sont de retour. Ils ont bien changé. Si Dieudonné est le fils du ventre encore fécond de la bête immonde, la race aryenne n’est décidément plus ce qu’elle était. Franchement je n’avais pas envie de voir un spectacle de Dieudonné mais maintenant si je peux, j’irai, avant qu’il ne soit trop tard. Ce que j'ai vu sur internet, par curiosité et besoin d’information, est parfois drôle, parfois mauvais.

Le fameux geste de la quenelle est bien sûr un bras d’honneur vulgaire qui signifie « nique le système ». En faire un salut nazi, même inversé est proprement débile. Cela étant, la quenelle antisystème peut être antisioniste et même antisémite selon le lieu où elle est exécutée. Mais cet anti-sémitisme est pratiqué très majoritairement par des « nazillons »  issus de l’immigration et rares sont, dans le public, ceux qui se référent à Hitler, même s’il peut malheureusement y en avoir quelques-uns.

Mais on comprend que le systéme s’inquiète. Il est en effet clairement dénoncé par les pratiquants de la quenelle comme soumis excessivement à une influence. Il renoue pour des jeunes issus de l’immigration avec une vision assez classique de l’anti-sémitisme. Cette vision est confortée par la montée au créneau des institutions juives qui soutiennent globalement la volonté de Manuel Valls de censurer Dieudonné. Quelques voix discordantes se font entendre. On peut cependant être sûr que le scénario  de l’interdiction va renforcer ceux qui dénoncent une république soumise à une sorte de « police juive de la pensée » selon l’expression d Annie Kriegel.

C’est gros, très gros. Des militants juifs vont à chaque spectacle manifester et provoquer des incidents. Les préfets pourront donc objectivement en déduire qu’il y a risque de trouble à l’ordre public. Le spectacle sera donc annulé, mais c’est l’agressé qui sera puni, pas l’agresseur. Les spectateurs de Dieudonné, eux, n’attaquent personne.

Ce n’est pas nouveau. On refait à Dieudonné le coup d’Ordre Nouveau. Sauf que Dieudonné est aussi noir qu’Obama et Mandela et qu’il parle lui aussi au nom des reprouvés et des exclus… il n’invoque pas, il aurait du mal, la race supérieure. Il dénonce un complot contre la liberté d’expression dans notre démocratie verrouillée.

S’il est interdit légalement, grâce à des menaces de violences , il aura démontré que le complot dans son cas a été quelque chose de réel. Certains s’en inquiètent et mettent en garde contre des actions plus dangereuses  qu’efficaces auprès de l’opinion.

La quenelle a encore semble-t- il de beaux jours devant elle.

vendredi, 30 août 2013

Les aléas de la liberté de conscience

Les aléas de la liberté de conscience

 
Ex: http://www.valeursactuelles.com

 Refuser l’objection de conscience face aux réformes sociétales, c’est en revenir au principe totalitaire selon lequel l’État a toujours raison.

Le développement récent des réformes “sociétales” — c’est-à-dire concernant les moeurs, l’éthique, la liberté individuelle, la famille, le couple et les comportements — rend plus légitime encore qu’auparavant un questionnement sur la liberté de conscience et même sur l’objection de conscience. Car tout cela ressort au domaine de l’infiniment discutable, concerne l’intime et les convictions profondes sur ce qu’est un humain, ce qu’il lui faut, ce qu’il doit rechercher.

On peut avoir l’impression que nous sommes justement arrivés au bon moment de l’Histoire pour défendre la liberté de conscience. C’est le nazisme qui en est l’occasion. Voir ces bourreaux qui ont obéi comme des fantassins aveugles à des ordres barbares et qui se trouvaient capables, des dizaines d’années après, de légitimer encore leur allégeance, cela nous a révulsés au point de nous inciter à toujours défendre la conscience individuelle. La hantise du bourreau fidèle aux ordres a même suscité chez nous une méfiance instinctive du côté institutionnel des choses, à ce point que les groupes les plus conformistes se prétendent indépendants d’esprit. Nous vivons à une époque où tout le monde se prend pour Antigone.

Il est donc assez déconcertant de voir les réponses données à ceux qui en appellent à la liberté de conscience, et même à l’objection de conscience, face aux réformes sociétales dont le gouvernement actuel semble s’être fait une spécialité, et particulièrement face au mariage homosexuel. On leur rétorque qu’ils ne sont pas républicains, car allant à l’encontre de l’égalité républicaine, et aussi homophobes, évidemment. Nantis de ces tares rédhibitoires, ils n’ont évidemment pas droit à la décision individuelle, à vrai dire ils n’ont même pas de conscience, puisqu’ils s’opposent à la seule vérité sociopolitique.

Autrement dit, nous retournons subrepticement à ce que le combat antitotalitaire avait réussi à démanteler : le positivisme — c’est-à-dire l’idée selon laquelle l’État a toujours raison, parce qu’il est l’État. Dans notre cas, il faudrait plutôt dire : ce qui est consacré républicain (progressiste, égalitariste, émancipateur) a toujours raison.

Il faut bien rappeler que la conscience personnelle, celle d’Antigone, celle de l’objection de conscience, représente exactement le contraire du positivisme. Elle présuppose, si elle existe ou plutôt si elle est légitimée (car elle existe même si personne ne la reconnaît), qu’aucune instance supérieure ne peut prétendre avoir toujours raison. Et que le dernier mot, toujours particulier et relatif, revient à la conscience personnelle — ce qui suppose évidemment que l’être humain soit une personne et non un individu programmé par l’État, formaté par l’École.

C’est seulement dans ce cadre que la liberté de conscience existe : si l’idéal républicain, passe au second rang, après la conscience personnelle — autrement dit, si l’on imagine que le progressisme tout-puissant peut être jugé ! Faute de quoi nous en revenons au positivisme, qui était la tare principale des deux totalitarismes, donc du nazisme contre lequel nous ne cessons de lutter.

On ne peut pas porter les antifascistes sur le bouclier de la gloire et ne pas permettre aux maires de récuser le mariage gay en leur âme et conscience. Si la conscience d’Antigone existe et si elle doit être révérée, ce n’est pas seulement pour lutter contre le nazisme et contre les dictateurs exotiques. C’est aussi pour juger les croyances de notre République et dénoncer ses excès, ses abandons, ses lois scélérates. La conscience d’Antigone n’est pas un outil qu’on saisit quand cela nous arrange — pour fustiger Papon ou crier haro sur les accusés des tribunaux internationaux, complices de gouvernements criminels. Et qu’on mettrait sous le boisseau, réclamant dès lors l’obéissance absolue, quand cela nous sied — devant l’égalité républicaine, devant la souveraineté de la pensée d’État. Brandir une théorie pour ses adversaires et la décréter inepte dès qu’elle s’applique à soi : c’est la spécialité des imbéciles, et des idéologues.

lundi, 18 juin 2012

Il delirio delle libertà, per Luigi Iannone, porta verso un nuovo totalitarismo

Il delirio delle libertà, per Luigi Iannone, porta verso un nuovo totalitarismo

di Francesco Lamendola

Fonte: Arianna Editrice [scheda fonte]

Da quando l’Illuminismo ha incominciato a predicare la continua perfettibilità dell’uomo, giungendo al suo corollario inevitabile, che il progresso è il motore della storia e che esso è per sua natura illimitato, l’Occidente - e, al suo rimorchio, un po’ alla volta, il mondo intero - si è avviato per una strada che non può non condurre all’implosione.


Un progresso illimitato è una contraddizione in termini, sia sul piano materiale, sia sul piano spirituale. Sul piano materiale, perché un pianeta dalle risorse limitate non può offrire materia ad esso sufficiente (e una eventuale colonizzazione di altri corpi celesti non farebbe che spostare temporaneamente il problema); sul piano spirituale, perché pretende di spostare sul piano del quantitativo ciò che, per sua natura, non può che essere esclusivamente qualitativo: prima cosa fra tutte, appunto, la qualità della nostra vita, che non si misura in base al P.I.L. o ad altri indicatori economici, anzi non si può misurare  affatto.

La libertà, il grande feticcio dei tempi moderni, dopo aver prodotto innumerevoli ecatombi e crudeltà, si è rivelata infine per quel che era: un vuoto simulacro, una parola d’ordine dietro la quale fa capolino la schizofrenia di una ideologia che, per garantire la massima fruizione di essa al maggior numero di persone, giunge al tragico paradosso di toglierne quote sempre più rilevanti ai cittadini, proprio in nome della difesa dell’ordine senza il quale la libertà stessa non può concretamente esistere.

Prima, dunque, si è predicato che la società ad altro non serve che ad assicurare la libertà a tutti, intesa come godimento del maggior numero possibile di diritti; poi, per poter mantenere la promessa, si è introdotta una legislazione sempre più restrittiva della libertà medesima, al fine di tutelarne il godimento, si dice, da parte dei cittadini virtuosi che la rispettano, e contro i cattivi cittadini che ne abusano. Fatto sta che l’erosione della libertà colpisce tutti indiscriminatamente e che le istituzioni coercitive (giudici, tribunali, forze dell’ordine) stanno invadendo, su mandato dei parlamenti democraticamente eletti, spazi sempre più ampi della vita privata dei cittadini, guardati ormai tutti con sospetto dalle autorità, quali possibili sovvertitori dell’ordine costituito.

Il serpente si morde la coda. Si voleva sempre più libertà per godere di sempre maggiori diritti; ma, nello stesso tempo, si pretende sempre più ordine pubblico, perché l’esercizio della libertà sia possibile: il risultato è la tendenza verso una società poliziesca, sul modello del Grande Fratello orwelliano, dove le cose proibite, non solo in ambito pubblico, ma perfino in quello privato o semi-privato (di fatto, in molti casi la distinzione netta é impossibile) diventano talmente numerose, che al comune cittadino diviene praticamente impossibile conoscerne e rispettarne l’elenco completo, trovandosi così perennemente esposto ai rigori della legge.

Questa è una delle aporie della moderna società “democratica”, esemplarmente messe a nudo nel nuovo libro di Luigi Iannone, «Il profumo del nichilismo. Viaggio non moralista nello stile del nostro tempo» (Chieti, Solfanelli, 2021), preceduto da una ricca presentazione di Alain de Benoist e scandito in quattro agili ma incisivi capitoli che passano in rassegna, con un taglio sociologico che ricorda un po’ gli «Scritti corsari» di Pier Paolo Pasolini, gli aspetto più invasivi e allarmanti di questa tarda modernità: «Il paese dei balocchi», «Civili e democratici», «L’insostenibile leggerezza delle idee», «La comunicazione globale».

Il libro è una vera miniera di spunti di riflessione: argomentato con logica stringente, ma anche con ironia e un certo qual humour che ricorda un po’ Cioran, un po’ il Leopardi delle «Operette morali», persegue una tesi che non perde mai di vista, pur nella discussione degli aspetti particolari, e che si può riassumere in questa formula: in nome di una tecnologia disumana che avrebbe dovuto portarci il Paradiso in terra, stiamo costruendo volonterosamente, pezzo per pezzo, giorno per giorno, qualche cosa che finirà per somigliare molto, ma molto, all’Inferno.

Così Iannone  in un passo particolarmente efficace (pp. 80-82; ma avremmo potuto sceglierne parecchi altri):

 

«… in una società che si vorrebbe senza rischi e in cui il primato ella ragione dovrebbe sovrastare ogni cosa, la libertà personale è sempre minata da divieti moralizzatori che tentano di influenzare nel profondo il modo di agire e di pensare, palesando una impercettibile ma incombente tendenza totalitaria. […]

Nel 2009, “The Independent” aveva avvertito i turisti inglesi con una frase perentoria: “Se una cosa è divertente, l’Italia ha una legge che lo vieta”. Eppure, proprio perché ideologico, è un declivio di portata mondiale. Quasi tutte le città occidentali vanno infatti dietro un modello leggibile e lo perseguono con tenacia, perennemente insoddisfatte del livello di ordine sociale raggiunto, e quindi facilitano obblighi e divieti.

Quando anche New York, che ancor oggi nell’immaginario collettivo funge da terra promessa delle libertà, diventa - come ci ricorda Marcello Fa - il ricettacolo di tutti i divieto possibili, allora si palesa cin tutta la sua forza lo snodo cruciale delle tesi che ho fin qui sostenuto: proprio in questa città si passati dalla TOLLERANZA ZERO, che aveva delle sue precipue motivazioni di ordine pubblico e di decoro urbano, alla continua erosione di quote di libertà in cambio di sicurezza.

Proposte in apparenza strambe e in molti casi inapplicabili (il divieto di fumo nei parchi ma esteso alle spiagge; l’idea, davvero peregrina, di vietare il sale nelle pietanze dei ristoranti; di ascoltare gli iPod durante la maratona, ma un senatore aveva chiesto di estendere il divieto ai pedoni newyorchesi per tutto l’anno; di bere bibite troppo gasate; di baciare la ragazza in strada, di sbattere la scopa anche su un cortile interno ad un palazzo, e così via) possono farci gettare uno sguardo lungimirante sulle regole del gioco, su quelle che si stanno preparando per il futuro e sule finalità che alimentano percorsi solo apparentemente privi di logica.

Ora,. Al di là dell’ironia che per fortuna ancora marca il confine fra lecito e surreale e fa apparire tutto ciò meno invadente di quanto in effetti sia, sembra chiaro che le sanzioni possono rappresentare un deterrente efficace per regolare i confini del vivere civile e la loro legittimità un cardine della convivenza da cui non possiamo prescindere. Ciò che però preoccupa non è la ricerca disperata dell’ordine ma l’intento censore, soprattutto quando ostentato come valore dominante e alòl’interno del quale i divieti sono solo la precondizione, la parte più superficiale di una battaglia della restrizione delle libertà individuali che si gioca su più campi.

Ecco perché deve farsi largo la convinzione che il più orribile dei fantasmi potrebbe impadronirsi del nostro tempo. E cioè, una generalizzata tendenza alla perfezione che si caratterizza per le grandi opportunità economiche e sociali offerte dalla competizione globale  e, contemporaneamente, una non percezione del moltiplicarsi delle limitazioni e dei divieti. Insomma, il delirio delle libertà.»

 

Ed era inevitabile che così avvenisse, viste le premesse.

L’ideologia del progresso illimitato porta al conformismo di massa e, a sua volta, il conformismo di massa porta all’individualismo di massa; per reagire ai cui effetti distruttivi non resta che innalzare un idolo all’Ordine pubblico, delegandolo a fare da super-guardiano dei cittadini, nei quali non si è voluto, saputo o potuto gettare nemmeno un seme di spirito critico individuale, unica radice del senso di responsabilità che rappresenta la vera garanzia del vivere civile.

Abbiamo eliminato i doveri dal nostro codice etico; anzi, abbiamo gettato via l’etica, considerata, al pari della metafisica, una anticaglia del passato; abbiamo creduto che, per garantire i diritti di tutti, fosse sufficiente stabilire una società perfettamente ordinata. Ora ci stiamo accorgendo che l’ordine presuppone il senso del dovere e non solo la coscienza dei propri diritti; ma, invece di comprendere l’errore commesso e tornare a parlare dei doveri, consumisti fino all’ultimo, stiamo preferendo affidarci al “deus ex machina” della legge, che ci salverà dall’anarchia e farà rigare dritto anche i soggetti meno propensi al bene comune.

Insomma: se gli uomini non vogliono diventare perfetti con le buone, allora bisognerà renderli tali con le cattive, magari costringendoli sul letto di Procuste; perché è certo che non ci si può accontentare di niente di meno della perfezione. Infatti, una volta tolta di mezzo la scomoda, ingombrante figura di un Dio che tiene l’uomo in un perpetuo stato di minorità e che gli proibisce di mangiare i frutti dell’albero della conoscenza del Bene e del Male, a chi dare la colpa del fatto che il Paradiso in terra non sia stato ancora realizzato seguendo i dettami della Ragione?

Rimane, in mezzo ai fumi dell’individualismo di massa, con tutti i suoi miti e i suoi discutibili riti, una diffusa carenza di senso del bene comune: questo è il problema più urgente che la nostra società dovrebbe affrontare, prima ancora della crisi economica che ci attanaglia: perché questa nasce da quello, e non viceversa.

E tuttavia, da dove potrebbe mai scaturire il senso del bene comune, se l’ideologia dominante non ha fatto altro che battere e ribattere sul tasto dei diritti privati, della libertà privata, dell’edonismo individuale? Se non ha fatto altro che insegnare che la società esiste per garantire al singolo individuo il massimo della libertà possibile, del profitto possibile, della felicità possibile?

Si raccoglie quel che si semina…


Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

00:05 Publié dans Actualité, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : liberté, totalitarisme, actualité, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 29 avril 2012

Are We Free?

freedom.jpg

Are We Free?

By Collin Cleary

Ex: http://www.counter-currents.com/

1. The Problem

Do we have “free will”? It certainly seems to me that I freely choose what I do in life, with respect to things both major and minor. My decision to go to graduate school, for example, certainly seems to have been one that I made freely, without anyone or anything coercing me. Similarly, my decision not to brew a second cup of coffee moments ago also seems to have been made “of my own free will.” However, things are not always as they appear. It is entirely possible that my actions only seem to be freely chosen by me. They could, in fact, be caused by factors quite beyond my control. “Free will” might simply be an illusion.

This is, of course, one of the most famous problems in philosophy. It is generally framed as the problem of “free will vs. determinism,” determinism being the position that we are unfree; that we are caused, in one way or another, to do what we do (or to be what we are). The two most popular candidates for what might determine us are heredity (i.e., genes) and environment; or nature and nurture. One does not have to choose one or the other: it is quite permissible to hold that we are determined by a mixture of both hereditary and environmental factors.

Some philosophical problems seem like abstract questions divorced from real human concerns – but not this one. Here our dignity is at stake, and our deepest convictions about what it is to be human. That I freely choose to do what I do seems as obvious and self-evident to me as my impression that there really is a world out there, and that my senses put me in touch with it. The idea that this might be an illusion is deeply troubling. But the real problem is not just that I might be wrong about something very important. If determinism is correct, then I must now see myself in a wholly new light. I must abandon my image of myself as master of my life and my actions. If determinism is correct, I am actually a slave. I am a plaything of genes or environment, or both. I am worse than most slaves, in fact, because most slaves are aware that they are slaves. I think I am free, so I am not only a slave, I am a fool to boot. Thus, if determinism is right, human dignity seems to be abolished.

Not only this, human responsibility is abolished as well. We believe that individuals are responsible for their actions. On that basis, we judge them for the things that they do. We praise the actions of others or blame them only if we are convinced they freely chose those actions, and could have acted otherwise. In short, moral judgment – indeed, morality itself – is only possible if free will really exists. If determinism is true, then we cannot judge anyone for their actions, because in a real sense their actions are not their own. They were “caused,” or “forced” to do what they did, and cannot be held responsible.

In sum, a great deal is at stake here. And it seems we must have an answer. Either we must exorcize the specter of determinism and save free will, or we must somehow make peace with determinism (which seems a rather bleak prospect). I actually propose to do neither. My thesis is that the problem of free will and determinism is actually a pseudo-problem, and that it rests upon a false conception of personal identity, or “selfhood.”

2. The Opposable Self

You’ve no doubt heard the absurd claim that human accomplishments are due to our having opposable thumbs. Someone (I can’t remember who) responded to this once by saying that in fact what truly makes us human is our possession of an “opposable self.”

Human beings have the ability to mentally “step back” from the situations we find ourselves in, in a way that no other creature can. When I drive my car or do the dishes, I am seldom absorbed in either. My mind is often someplace else entirely. Sometimes, I am thinking about myself. This ability to mentally disengage from situations, in fact, is a pre-condition of self-awareness. Higher animals (and a good many lower ones, in fact) all seem to have the ability to adjust their behavior based upon how their actions are affecting things around them. For example, if the kitten scratches the family dog and the dog growls ominously, the kitten backs off. But we attribute much of this to the animal instinctually making a new choice from among its pre-set repertoire of behaviors.

Human beings, on the other hand, have the ability to “turn inward” and reflect on themselves in a sustained, prolonged, and profound way that animals just do not seem to be capable of. The reactions of others, for example, may even prompt me to go off on my own (literally or figuratively) and ask “What kind of person am I?” or “Am I a good person?”

The “opposable self” has the ability to abstract itself from all situations and all things – even from the self itself. Consider the following. Right now you are reading my words, taking them in, and (I hope) understanding them.

Reading the preceding sentence, however, caused you to shift your focus: for a moment I caused you to think not about my words but about yourself thinking about my words. Your opposable self awakened, and, in a sense a different “you” came momentarily into being. “You” confronted the “you” confronting the computer (and my words) in front of you.

But if you have understood what I have just now said, still another “you” (or “opposable self”) has come into being: for now “you” are thinking about the “you” that thought about the “you” that was thinking about my words. And so on. J. G. Fichte illustrated this point to his classes by saying “Gentlemen, think the wall! Now think him who thought the wall . . . .”

This remarkable ability that we have to step back reflectively from our surroundings – even from ourselves – generating multiple “selves” confronting selves, is made possible by the fact that we contain nothingness (or negativity) This is how Jean-Paul Sartre put the matter. We have the ability to negate otherness. On a literal, physical level I can destroy or transform things around me. On the mental level, I can refuse engagement with what is immediately present and send my mind off elsewhere (as when, bored at a lecture, I begin imagining how tomorrow’s events will unfold). Or I can deny or repudiate something as it is and imagine or affirm how it ought to be. This is uniquely human, this ability to oppose what ought to be to what is – but it is founded on the more basic ability to disengage from or negate the given.

Consider that when you stepped back and considered yourself considering my words, you had the feeling of being, in that moment, distinctly different from the you that you were thinking about. Have you ever repudiated your own actions or thoughts with the claim – either tacit or explicit – that “that was not me” or “that’s not who I am”? Your opposable self can consider who and what you are only because it has the ability to stand apart from who and what you are; to say “I am not that.” This is how we can look back on ourselves in the past and say (or feel) “I am not that person.” And this is also the basis of our ability to utter what seems, on reflection, to be a very strange statement: “I have a body.” One can only say “I have a body” if one’s “I” has already differentiated itself from the body; i.e., you cannot say “I have a body,” unless this “I” thinks it is not the body. This “I” that “has” the body is the opposable self.

The opposable self or detached “I” shows up quite a lot in the history of philosophy, in one guise or another. It is what’s behind Aristotle’s concept of nous (intellect), the part of our soul that is separate from the body and really nothing at all – a little version of Aristotle’s God, a truly detached “I” that thinks only itself. It was Descartes’s detached “I” that said “I think, therefore I am,” after doubting everything else in existence, including its body. (Descartes goes on to claim that just because we can think of the soul as distinct from the body, it really must be.) We see the detached “I” again in Kant’s transcendental unity of apperception (the “I think” that is in principle appended to any act of awareness), in Fichte’s Absolute Ego which “posits” itself absolutely, and in Sartre’s authentic man, who has the freedom to negate all facticity.

Now, my claim is that “the problem of free will vs. determinism” arises as a result of identifying oneself with this detached “I”; as a result of thinking that the opposable self is who I really am. This is an almost irresistible error. The very act through which the opposable self constitutes itself involves negation; saying I am not this or that. It therefore feels perfectly right to say I am not my body. But, of course, it is perfectly wrong. The truth is that I am my body.

3. Who “I” Am

I do not “have” a body at all. It would be wrong even to say something like “I live in this body.” No, I am my body. We moderns tend to locate consciousness and selfhood in the brain. This is actually a problematic idea – only partially correct — but for the moment let’s just assume that it’s true. And suppose I told you “I have a brain.” This is a perfectly meaningful sentence, as meaningful as saying “I have a left foot.” But it is obviously much stranger. If I lost my left foot I could say, unproblematically, “I had a left foot.” But if I lost my brain you won’t catch me saying “I had a brain,” because “I” would be gone. Yet this peculiar “I” still wants to insist that it “has” a brain.

We begin to wonder just what this “I” can be – this “I” that distinguishes itself from anything and everything. The suspicion emerges that it is nothing at all, a kind of epiphenomenon or will-o’-the-wisp. Albeit a necessary one, as the capacity to step back from our ourselves and our surroundings and distinguish ourselves from them is the foundation of human consciousness. Still, to think that this detachable “I” is myself is a gross error – an error at the root of our horror in the face of “determinism.”

Determinism bothers me because I do not want to believe that my actions are caused by something other than myself. When someone suggests that I might be determined by genetics, I am troubled by this because I think that I am not my genes. Just as I can say “I have a body” or “I have a brain,” so I can say “I have genes.” And again, the precondition of being able to say we “have” those things is our mental ability to artificially distinguish ourselves from them. I have learned much over the years about genetics, and about how our appearance, behavior, and even our thoughts are shaped by genes. But I have this stubborn conviction that I am not my genes; I “have” genes,” but they are not me.

Of course, this is just as problematic a claim as “I have a body,” or “I have a brain.” In fact, in a very real sense my genes are me. My body and my mind have been shaped by my heredity. My “opposable self” revolts against this: “I am not my genes!” But once we realize that my self is something far more complicated and richer than just this phantom that says “I,” this becomes a completely untenable claim.

To begin purely with externals, I am a person with a certain height and build. I have a certain hair and eye color and facial structure. All these have affected my life in important ways and have shaped my experiences and hence shaped my mind as well. My bodily structure means that I am good at some things and not at others. My height and build might have suited me well for the football field, but not for being a jockey. I didn’t pursue being a football player because I had my nose in a book most of the time. Why? There is ample reason to think that such personality traits are heritable. I am an intellectual, and my family tree includes a number of them. I am also impatient, conservative, melancholy – all probably inherited traits. And these inherited traits have made me what I am.

In a real sense I can say that they are me. Once this is realized, the specter of “genetic determinism” seems to be exorcized. Again, what troubles us is the prospect that our actions might be determined by some alien force – something outside us. But my genes are not something alien to me; again, they are me. I am an utterly unique combination of genes inherited from my mother and father (this is true, of course, of all of us – unless we have an identical twin!). When “I” act it is this unique constellation of genetic factors that act – and nothing else. The genes are not alien bodies that “cause” me to do things. I am the cause of my actions, and nothing else – but I am just this unique interweaving of genetic factors.

egypt_freedom_1148215.jpg

I am my genes just as I am my body. My genes link me to my parents and to their parents before them, and so on. So that my being is inextricably tied to the being of certain others, and to the past. (As I will discuss later on, modernity is built upon the “opposable self,” and we moderns don’t like the idea that our being is tied to the past, or anything else for that matter.)

Now, what I have argued in the case of heredity can also be argued for what gets called “environment.” Hegel said that true freedom consists in “willing our determination.” He recognized that we are “determined” by all sorts of social factors over which we have little or no control. The truth of the matter, however, is that these make us who we are; they give us a determinate identity without which we would be nothing at all. Further, social constraints which seem, on the one hand, to limit and “determine” us actually create the concrete circumstances within which our character, preferences, and abilities take shape and unfold.

Tarzan is the most “unfree” man of all. Yes, he is free of all social constraints – but he is bereft of community and of the social institutions which make available to us the means to become what we are. For instance, it might be in my nature to be musical, or to be an artist, or a scientist, or a leader of men. But I can realize none of these possibilities outside of a concrete social setting. But any particular social setting will also “limit” me.

It cannot be any other way: freedom is only possible through determination. Hence we must not see our heredity and environment as alien factors limiting and constraining us. We must “will” our determination – affirm it and make it our own. There is something truly liberating about this: about affirming who we are, and all that has made that possible, and knowing that freedom means becoming who we are. The truth is that we are the cause of our actions, not something else. And if being the cause of our actions is freedom, then we are free. But what we are is shaped by many factors – genetic and otherwise — that we do not choose.

4. True and False Freedom

Here an obvious objection will occur: “But if we don’t choose these factors that shape us, then we are not free!” The trouble with this objection, however, is that it implicitly appeals to a conception of freedom that is so utterly fantastic as to be meaningless. Essentially, the objector is assuming that we are free only if we can choose and control exactly what we are. But this is completely impossible. At this point, therefore, we have a choice. If we accept the objector’s ideal of true freedom, we can bite the bullet and declare that we are unfree. A better approach, however, would be to consider whether there might be a more reasonable understanding of being “free” and “unfree.”

In his Vocation of Man (1800), Fichte writes the following about freedom:

Give a tree consciousness and let it grow unchecked; let it spread its branches and bring forth leaves, buds, blossoms, and fruits peculiar to its species. It will surely not feel limited by the circumstance that it just happens to be a tree, a tree of just this species and just this particular tree of this species. It will feel free because in all those expressions it does nothing but what is demanded by its nature; it will not want to do anything else because it can only want what its nature demands. But let its growth be retarded by unfavorable weather, by inadequate nourishment, or by other causes: it will feel limited and restrained because a drive which really lies in its nature is not being satisfied. Tie its freely striving branches to a trellis, impose alien branches on it by grafting: it will feel forced to act a certain way. Its branches will, of course, continue to grow, but not in the direction they would have taken had they been left to themselves; and it will, after all, bear fruit, but not the fruit demanded by its original nature.[1]

In short, true freedom means freedom to become what you are – but you don’t get to choose what you are, anymore than the tree gets to choose that it’s a tree, or what kind of tree it is. We are “unfree” not as a result of the various factors that have shaped what we are; we are unfree when circumstances prevent us from becoming what we are. All of us are determinate beings of one kind or another, and what has given us determinate form is a whole host of factors we did not choose. It cannot be any other way. The man who bemoans the fact that this makes him “unfree” is really the man whose ideal of freedom is to be nothing at all.

This is the dirty little secret of modernity: the desire not to be anything determinate. We moderns want to believe that we are “free” in the sense of having the ability, if we so choose, to be completely unaffected by the past, by heredity, by ties to others, by hormones, by anatomy, by culture, by ethnicity, and, in general, by any and all physical or social circumstances. We want to “have it all.” And we teach our children “you can be anything you want to be.” We believe that such things as biology, human desires, and the structure of societies are infinitely changeable and perfectible. We regard nature itself as a “social construct,” and feel ourselves unburdened by any limits of any kind. We revolt against the very idea that we – and other things — might be something; something definite, with immovable boundaries that might hinder our desires.

But in this idealism there is a profound and terrible nihilism. To be means to be something – something definite. The will to be nothing definite is simply the will not to be. This is the awful telos of modern, Western civilization. Our quest for a false freedom is at root a will to erase ourselves from the world; a death wish. Life is identity, definiteness, form, order, hierarchy, and limits. Those who would affirm life must affirm all of these things. We must say a great YES to all that which says a still greater NO to our hubris, a voice to which we moderns have become practically deaf.

5. Some Replies to Objections

Essentially, I have argued that the choice between “free will” and “determinism” involves a false dichotomy. That which is supposed to “determine” us (heredity and environment) is not something alien and other that acts upon us. Instead, in a real sense, it is us. Once this is understood, we will realize that I am free just in the sense that my acts are my own – but that what I am has been shaped and determined by all manner of things I haven’t chosen and cannot control. We are free when we are able to act on our nature and to become what we are. The only objectionable form of “determination” would be circumstances in which I am prevented from flourishing; prevented from actualizing my potentialities and becoming what I am.

On this account, both human dignity and moral responsibility are preserved (you will recall that I mentioned at the outset that these were at stake). My acts are still my own, because all those things that are said to “determine” me are not alien and other but a part of my being. Hence, I am not merely the plaything of “external” forces. Further, if this is the case, it follows that I and I alone am responsible for my actions.

I have argued, further, that the “free will and determinism” problem really arises from a false conception of the self – from which we have constructed the idea that true freedom would be a kind of absolute choice, free of any influence by anything that the self has not chosen. I have tried my best to banish this false notion of freedom and of the self. However, it tends — in various ways — to creep back in.

For instance, I could imagine someone objecting to what I’ve argued so far by saying “All right, perhaps true freedom consists simply in our having the choice to will – or not to will – our determination. And this choice, unlike all our other choices is truly free in the sense that it is not ‘caused’ or affected by any factors over which we have no control.” It is tempting to affirm this — precisely because the ideal of the “opposable self,” the detached judge, free of any constraints is so attractive. Sartre has a similar conception of “true freedom”: our “opposable self” is absolutely free to negate anything and everything, in some fashion or other. “Authenticity” means recognizing this and knowing that we are “condemned to be free,” whereas “bad faith” means disowning this freedom, and saying “I couldn’t help it . . .”

But I am sceptical. All sorts of factors – genetic and social – determine whether or not a person has it in them to will, or not to will their determination. There are individuals who are constitutionally incapable of willing their determination, because for them this means defeat. It means complacency, surrendering control, “settling” for what has been handed to them by nature or nurture. And this can be a tremendous virtue – but it is not a “choice” that sprang out of nowhere, without antecedent factors or influences. Such an attitude belongs to a certain sort of character, and character is never self-caused. (Of course, the person who will not affirm his determination does not realize that this characteristic too is something he did not choose.)

Some individuals will affirm their determination, and others will not. Ultimately, we can never explain exactly why some do and some don’t. But one thing is certain: it is not the result of a magical “choice” that was completely free of any antecedent factors or conditions. It is a choice that flows from the sort of man one happens to be – but that is shaped and formed by myriad things we do not choose.

The same thing can be said about the Sartrean “true freedom” as negation. Whether or not I have the will to negate – to rebel against, change, or transform – what nature or society has handed me is a matter of character. And it is also a matter of intelligence. It is a well known fact that stupid people tend to simply accept what they are handed much more readily than intelligent people. Smart people are able to conceive of many more possibilities than stupid people, so they have more choices in life. Though, as I have argued, many factors will determine what choice a person makes from the options of which they are aware, it is nonetheless true that intelligent people will be able to think of a wider array of options. Of course, intelligence is a hereditary trait; we don’t get to choose how smart we are. The will to “negate” the given is thus not something absolutely “free” in the sense of being devoid of antecedent factors or influences: it is very much the result of character traits, hereditary environmental influences, and IQ.

Further, I could imagine someone objecting to what I have argued by invoking a subject dear to my heart: the Left Hand Path. Isn’t that all about rebelling against limits and boundaries, biological and social? Isn’t it about “self-overcoming”? My answer to this is really implicit in what has already been said: yes, the Left Hand Path is all of these things. But it is not for everyone. Who will choose the Left Hand Path? Only those who can. And this is, again, a matter of character. “Self-overcoming” is literally impossible. All that one can do is to realize or develop hitherto undeveloped aspects of one’s self. Again, freedom means becoming who you are.

I suppose someone might also object to everything I have written by saying that it sounds awfully fatalistic. People sometimes confuse determinism and fatalism and think that the determinist position asserts that everything that happens to us is “fated” to happen. But this is not the case. Though who we may be “determined,” this does not mean that everything that happens to us has been somehow pre-determined. When I walk out the door tomorrow I may encounter a salesman out to sell my something – or a madman out to take my life. There is nothing about me that necessitates either one happening. But there is much about me that necessitates how I will react to either occurrence. In a certain sense then, yes, one can say that I am “fated” to act and react in particular ways.

And this leads me to the last point I will make. This has been a philosophical essay; an attempt to arrive at the truth about free will and determinism, without presuppositions. But the position I have arrived at is one that is, in fact, the Traditional position – and it is certainly quite similar to the understanding of fate and personal destiny that we find specifically in the Germanic lore.

According to that tradition, even the gods are subject to fate. Some of the words used to refer to fate include Old Icelandic urðr and Old English wyrd, both of which are related to modern German werden, which means “to become.” There is also Old Saxon metod and Old English me(o)tod, which both mean “measure.”

Fate, for our ancestors, is therefore something measured out to you, and something you become. Fate is not a “plan” for the individual or for the world laid out in advance: fate is what you are handed by heredity, by the past, and by the present circumstances you enter into. Fate is the “lot” that is cast for the individual by the three Norns: Urð (“what has become”), Verðandi (“what is becoming”), and Skuld (“what shall be” – given antecedent factors or conditions).

 Note

1.  J.G. Fichte, The Vocation of Man, trans. Peter Preuss (Indianapolis: Hackett Publishing, 1987), 14-15. It should be noted that here Fichte is taking a position he believes to be completely legitimate and rationally defensible – but also one that he does not himself endorse. The argument of the text is a complicated one.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2012/04/are-we-free/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2012/04/Norns-J.L.-Lund-1777-18671.jpg

00:05 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, liberté | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 09 mai 2011

L'automne des libertés

automne.jpg

L’automne des libertés

par Georges FELTIN-TRACOL

Quand les historiens de demain se pencheront sur la société hexagonale du début du XXIe siècle, ils la qualifieront aisément de société totalitaire molle. En effet, derrière une apparence laxiste se cache une entreprise de destruction systématique des libertés réelles.

Après la défense d’examiner certaines questions historiques sous peine d’emprisonnement (voir le cas de Vincent Reynouard aujourd’hui heureusement libéré), après la prohibition du purin d’ortie (mesure désormais abrogée), la surveillance intéressée de la Toile (cf. loi H.A.D.O.P.I.) et le bannissement public de la burqa musulmane, voilà les autorités prêtes à lever une « milice du sexe » contre les clients des prostituées qui rejoindra la cohorte de la « police de la pensée historique » et de la « gendarmerie du vêtement ».

Un célèbre quotidien vespéral a publié récemment une tribune libre, cosignée par la présidente et le rapporteur de la Mission d’information sur la prostitution en France, intitulée « La prostitution n’est pas une fatalité. Pénaliser le client est une nécessité ». Quelles sont les explications de ces deux députés pour exiger six mois de prison et 3000 euros d’amende aux adeptes des rencontres tarifées ?

Leur justification aurait pu être sanitaire ou sociale. Non, Danielle Bousquet, présidente de la mission et élue socialiste des Côtes-d’Armor, et Guy Geoffroy, élu U.M.P. de Seine-et-Marne, préfèrent recourir à des motivations morales et « politiquement correctes ». Faut-il ensuite s’étonner qu’ils écrivent : « si des députés de droite comme de gauche ont pu s’accorder sur les réponses à donner à ces questions, c’est parce que nous partageons les mêmes valeurs démocratiques et républicaines » ? Où est donc le pluralisme des valeurs, cette diversité fondamentale, tant vanté par ailleurs ? Remarquons une fois de plus la réalité indéniable de l’U.M.P.S., cette coalition kleptocratique parasitaire.

Que réclament donc ces députés, croisements improbables entre un néo-puritanisme post-chrétien et un ultra-féminisme hystérique ? Un ensemble de sottises, ce qui ne saurait surprendre de la part d’individus ignorants et incompétents (qu’on se rappelle de leurs « travaux » pitoyables sur les sectes…). En s’appuyant sur des analyses sociologiques partiales et des documents mondialistes provenant de l’U.N.I.C.E.F., ils assènent avec un mépris formidable et une absence totale de compassion que « les clients ne vivent pas dans la misère sexuelle. […] Ce pauvre homme dont le seul petit plaisir est “ d’aller aux putes ”. Ce serait presque lui que l’on considérerait comme une victime de sa solitude (Le Monde, 12 avril 2011) ». Qu’il est loin, le manifeste situationniste de Debord et Kayanati, qui dénonçait, dès 1966 !, la misère sexuelle avec la fameuse Misère en milieu  étudiant ! Oui, Bousquet et Geoffroy, certains « vont aux putes » comme d’autres participent aux dîners du Siècle ou s’enrichissent sur le dos des contribuables corvéables à merci… Qui sont les plus nocifs ?

N’en déplaise aux deux Tartuffes du Palais-Bourbon et à leurs congénères, la misère sexuelle existe, elle s’est même développée, favorisée par la schizophrénie sociale ambiante. La société exalte en permanence le sexe. Pour vendre une bagnole, un téléphone, un parfum, une pizza, un film, un yoghourt, il faut que la personne – produit d’appel soit physiquement irréprochable et nue, ou en (très) légère tenue. La saturation hyper-sexogène est maximale. Il n’est plus rare qu’un enfant en classe de 6e (soit onze ans) ait déjà vu un film pornographique et n’ignore rien de la vaste palette des pratiques sexuelles… Qu’on ne soit pas surpris de la recrudescence du nombre de viols, malgré les dénégations de la Mission d’information à ce sujet !

Tout pour nos deux députés que pour « Tartuffette » Bachelot, dite aussi la dame bienfaitrice des firmes pharmaceutiques, « il est enfin temps d’analyser la prostitution au regard du respect dû à l’être humain, de la “ non-patrimonialité ” du corps humain et de l’égalité des sexes (Le Monde, 12 avril 2011) ». Ah ! l’égalité des sexes, cette tarte à la crème postmoderniste… C’est au nom de cette absurde « égalité des sexes » que le législateur a inscrit dans le Code pénal le « viol au sein du couple ». Si l’épouse refuse d’assumer son devoir conjugal et si le mari passe outre, il risque la cour d’assises. Jusqu’à maintenant, le mari frustré pouvait se rabattre sur les professionnelles. Bientôt, qu’il fasse l’un ou l’autre, il rencontrera la justice républicaine. Serait-ce le moment d’Onan ?

L’« égalité des sexes » est une gigantesque escroquerie intellectuelle. L’homme n’est pas l’égal de la femme. Ce constat réaffirmé, doit-on en conclure qu’il faille tenir le beau sexe pour inférieur et le réduire à la condition  servile ? Non, surtout pas, car à l’égalité, notion moderne cruciale, il importe de privilégier une conception traditionaliste post-moderne, celle de la complémentarité des sexes à partir de laquelle se répartissent les tâches.

Pour Sarah-Marie Maffesoli du Collectif Droit et Prostitution, « pénaliser le client est un moyen détourné pour prohiber la prostitution. Cela pose la question de la liberté sexuelle de chacun. C’est une loi symbolique, portée par des féministes d’arrière-garde (Libération, 14 avril 2011) ». Elle aurait pu ajouter qu’on assiste à une intrusion supplémentaire de l’État dans la vie privée et l’intimité.

Incapables – car sans aucun courage – de légiférer contre les organismes bancaires et les forces d’argent ou d’imposer le revenu maternel, parental ou familial, voire de citoyenneté, les députés parient sur le renforcement du contrôle des personnes. « Tartuffette » Bachelot avertit qu’« il faudra probablement passer par le flagrant délit ou la dénonciation (Libération, 14 avril 2011) » pour surprendre le client. Va-t-on mettre sur écoute tous les Français ? Les espionner via une vidéo-protection inopérante, onéreuse et futile ? L’usage de la dénonciation ne rappelle-t-il pas les « heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire » (« Allo, la Kommandantur ? » ou bien cliquez sur le site Délation républicaine) ? La ministresse se sentirait-elle une âme d’indic ?

L’invasion de l’État et de la loi dans notre privauté n’est pas une nouveauté. Il y a longtemps que le Français subit des contraintes imbéciles : obligation de posséder un compte bancaire et donc de se soumettre aux intérêts ploutocratiques, d’envoyer ses enfants à l’école et donc de suivre des programmes ineptes, de se faire vacciner et donc d’entériner la mainmise des oligopoles médicaux, etc. Chantres du phalanstère et de la vie en communauté totale, les socialistes utopistes du XIXe siècle (Fourrier et Cabet), seraient pantois devant l’actuelle ingérence étatique qui s’étend encore. Bientôt, les foyers devront s’équiper d’alarme anti-incendie. Au nom de la soi-disant « égalité sexuelle », il imposera sous peu la répartition égalitaire des tâches ménagères. Combien de formulaires à remplir pour passer l’aspirateur ? Et que penser de la proscription prochaine de la gifle et la fessée aux enfants, sinon qu’il s’agit d’abolir la structure familiale et l’autorité parentale ? Quant aux réfractaires, on les embastillera parce que leurs enfants vont dans une école privée hors contrat, parce qu’ils choisissent un traitement médical alternatif (pensons aux avanies faites à ces grands scientifiques réprouvés que furent Mirko Beljanski et Loïc Le Ribault), parce qu’ils osent cultiver « bio » hors de toute réglementation eurocratique… Le tout assorti de l’accusation fallacieuse de menées sectaires…

En plus de l’amende et de l’incarcération (alors que les établissements pénitentiaires sont saturés), certains phobiques de la prostitution, une des rares phobies tolérées, proposent même au micheton pris sur le fait de suivre, à ses frais (c’est-à-dire accepter une extorsion légale), une sorte de stage de citoyenneté dans une association spécialisée. Ce « stage citoyen » existe dès à présent pour la burqa ainsi que pour les délits « racistes ». L’ouverture des camps de rééducation est proche.

Par-delà cette loi inique qui détourne l’opinion des véritables enjeux dont celui de la faiblesse des États face à l’omnipotence des multinationales, c’est principalement l’homme blanc hétérosexuel qui est donné à la vindicte de l’extrême féminisme et des nervis du « discours des genres ». Malgré une argumentation parfois maladroit (arrêtons d’attaquer le populisme !), l’acteur Philippe Caubère a très bien rappelé qu’on assiste à « la dégradation, la dérive et finalement la faillite d’un “ féminisme ” qui, s’inspirant du fameux “ modèle suédois ” – celui-là même qui permet à un journaliste adulte et responsable ayant accepté une relation sexuelle sans préservatif d’en faire envoyer l’auteur en prison -, se consacre aujourd’hui à la pratique de cette nouvelle chasse à course dont l’homme est le gibier (Libération, 14 avril 2011) ». Allié de l’hyper-classe, l’ultra-féminisme a déclaré la guerre des sexes. Que ces pétroleuses d’un nouveau genre fassent attention, l’homme européen ne renoncera pas à sa virilité sans combattre !

Bousquet et Geoffroy, nouveaux Diafoirus de l’Assemblée nationale, s’amourachent du fameux système suédois. La Suède, parlons-en ! Cet incroyable exemple de dégénérescence occidentale bénéficie cependant de circonstances atténuantes puisqu’il cumule les tares du protestantisme, de la social-démocratie égalitariste, du libéralisme et du féminisme. Il y a des États bien malchanceux dans le monde…

Victime d’étranges accusations, Julian Assange a raison de considérer la société suédoise comme « l’Arabie Saoudite du  féminisme ». À la suite de cette affaire curieuse, des juristes de ce pays décati se demandent si, avant de coucher, la femme ne devrait pas signer une décharge certifiant son consentement… De nos jours, Casanova et Don Juan seraient des ennemis publics parfaits.

Ravagée par une « ripoublique » plus que jamais totalitaire, sectaire et bananière, la France crève d’un excès de lois et de réglementations idiotes qui favorisent l’anomie sociale. Ce délitement revient au « monstre froid » étatique, laquais de la super-classe parasite, qui veut nous contrôler. Contre son invasion dans nos vies, préparons la dissidence, la rébellion, le recours aux maquis… Quant aux Bachelot, Bousquet, Geoffroy et compagnie, stipendiés de l’oligarchie, dégagez ! Bienvenue en revanche aux hétaïres, aux ribaudes, aux courtisanes ! Et donnons au Palais-Bourbon enfin vidé une meilleure fonction : devenir le plus grand lupanar d’Europe !

Georges Feltin-Tracol


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=1956

mercredi, 09 juin 2010

Appel de Bernard Lugan pour une vraie information libre

APPEL DE BERNARD LUGAN POUR UNE VRAIE INFORMATION LIBRE

Ex: http://www.emediat.fr/

Réflexion de Bernard Lugan, à paraître dans l’Afrique Réelle n°5

Depuis un quart de siècle l’historiographie africaine a fait des progrès considérables, bouleversant les dogmes de la pensée dominante sur laquelle est fondée la culture d’asservissement de l’Europe. Ainsi :

- En 1986, puis durant la décennie 1990, le postulat selon lequel la richesse de l’Europe fut fondée sur l’exploitation de ses colonies africaines a été pulvérisé par Jacques Marseille et par les historiens britanniques. Journalistes, artistes et invités des émissions de télévision continuent à pourtant à ânonner les poncifs éculés du « pillage colonial ».

- En 2005, Daniel Lefeuvre démontra que la France s’était ruinée en Algérie et que les « 30 glorieuses » ne devaient rien à la main d’oeuvre immigrée venue d’Algérie. Le président Bouteflika exige pourtant des excuses de la part de la France.

- Dans le domaine de la traite des Noirs, Olivier Pétré-Grenouilleau et les historiens anglo-saxons réduisirent à néant le postulat selon lequel la révolution industrielle Européenne résultait directement de la traite. Ils mirent également en évidence l’étroite association de bien des royaumes africains au phénomène, démontrant qu’en réalité, une partie de l’Afrique avait vendu l’autre aux Européens. L’acte d’accusation de la seule Europe est pourtant toujours psalmodié, cependant que la Traite musulmane est régulièrement occultée.

- Pour ma part, j’ai longuement mis en évidence, et cela depuis une quarantaine d’années, l’importance du fait ethnique. Après avoir été nié jusqu’à l’absurde, ce dernier est désormais cité par les journalistes parce qu’ils ne peuvent plus l’occulter. Ils tentent cependant de l’amoindrir, cherchant à faire croire qu’il serait en partie le résultat de la colonisation, ou bien ils le vident de son sens. Ainsi au Nigeria les affrontements traditionnels entre pasteurs peuls (Fulani) et agro pasteurs birom (voir Afrique Réelle n°3) sont présentés comme un choc religieux, explication tronquée car ces heurts sont multi séculaires alors que l’islam n’est présent dans la région que depuis la fin du XVIII° siècle et le christianisme que depuis les années 1900-1920… Il en coûte aux universalistes de reconnaître que les hommes sont différents et que partout dans le monde quand le principe de vie « une terre, un peuple » n’est pas respecté, les affrontements sont inéluctables.

- En Afrique du Sud, tous les historiens admettent désormais que, sur 1/3 du pays les Blancs ont l’antériorité sur les Noirs et cela pour des raisons climatiques que je détaille dans mon dernier livre[1], mais, dans les médias, il est toujours affirmé que les Blancs ont dépossédé les Noirs.

- Sous nos yeux, les mythes imposés par l’actuel régime de Kigali explosent les uns après les autres, alors que, dans les médias, l’histoire officielle du génocide du Rwanda est encore ultra dominante.

Si les historiens se remettent en cause, actualisant constamment l’état des connaissances, le monde médiatique demeure donc enfermé dans les certitudes et les approximations imposées par le politiquement correct. Comme les citoyens l’ont enfin compris, ils ne font donc plus confiance aux journalistes et c’est pourquoi la presse d’information sur support papier est moribonde. Le Figaro est certes encore lu, mais essentiellement pour son carnet du jour. Libération et Le Monde ne survivent que par les aides de l’Etat et les abonnements institutionnels ; quant à la presse régionale, elle se maintient grâce aux renseignements de proximité qu’elle donne. Désormais, la vraie information libre est faite par Internet qui permet de contourner la censure ou les pesanteurs de la pensée dominante. C’est dans cet appel d’air que s’est engouffrée l’Afrique Réelle. Pour devenir une tornade il lui faut encore augmenter son audience, donc ses abonnés.

jeudi, 22 avril 2010

Liberté française, liberté allemande

Liberté française,liberté allemande

à propos de « L'idéologie allemande » de Louis Dumont

 

par Guillaume HIEMET

 

ideologieallemddumont.jpgEn 1967, Louis Dumont publiait un ouvrage, de­venu un classique aujourd'hui, consacré à l'étude du système des castes en Inde. Cette vaste enquê­te, fort novatrice à l'époque, était le point de départ d'une comparaison méthodique entre les cul­tures traditionnelles et cette spécificité dans l'his­toire des cultures que représente l'idéologie mo­derne occidentale. Pour aider à mieux compren­dre le cheminement particulier qui a abouti au monde moderne, Dumont était enclin à souligner l'importance de la conception que les sociétés ont de la place de l'individu à l'intérieur d'elles-mê­mes. Pour cela, il créait une distinction majeure entre les sociétés de type holiste et les sociétés de type individualiste. Par holiste, il entendait les re­présentations qui privilégient la totalité, le corps social avant de mettre en avant le rôle des indivi­dus, et, par le second terme, les idées qui posent l'individu comme premier par rapport au tout so­cial. La comparaison entre le jeu des castes, la hiérarchie qu'il suppose et l'univers de l'indivi­du, les notions de liberté, d'égalité présentait un éclairage nouveau de la situation moderne. Il poursuivait son enquête avec la publication, en 1977, d'Homo aequalis, une étude des fonde­ments de la pensée économique, puis avec les Es­sais sur l'individualisme (1983) qui retraçaient la genèse de l'idéologie moderne à partir de la cé­sure de l'ère chrétienne.

 

Deux conceptions de l'individu

 

Dans son dernier ouvrage, L'idéologie alleman­de,la méthode comparative ne s'attache plus tellement aux différences entre sociétés traditionnel­les et monde moderne, mais davantage mainte­nant, aux deux formes différentes qu'a pu revêtir l'individualisme en France et en Allemagne. Le propos n'est pas nouveau chez Dumont, c'est dé­jà celui des Essais sur l'individualisme. Les cul­tures, contrairement à toute attente, ne sont pas transparentes, la notion d'individu ne se décline pas de la même manière des deux côtés du Rhin, le terme n'a pas la même histoire et il renvoie à des idées qui sont loin d'être identiques dans les deux pays. D'où le germe d'un malentendu, en­core renforcé, lorsque celui-ci se conjugue à la difficulté, comme chez les Français, de concevoir les cultures comme ne répondant pas aux mêmes présupposés que les leurs.

L'universalisme français a du mal à discerner le fait que les autres cultures ne se laissent pas juger à l'aune de la sienne, suivant la tranquille certi­tude selon laquelle, pour reprendre l'expression d'Ernest Lavisse, la France est « la plus humaine des patries ». La distinction holisme-individualis­me et la relation hiérarchique n'est pas la même selon les cultures et tend aisément à emprunter des vêtements très divers. Cela est, sans nul dou­te, la conséquence de notre héritage historique et du contexte dans lequel sont apparues les idées d'individu, car, comme le souligne Dumont, l'in­dividualisme n'a jamais été capable de fonction­ner dans une société sans que le holisme contri­bue d'une façon ou d'une autre à la bonne marche de celle-ci. Il n'est d'exemple plus pro­bant que celui des Lumières où les nouvelles idées ont pu se développer prodigieusement dans un terreau politique traditionnel ne souffrant ja­mais ainsi, d'être mises à l'épreuve des faits.

 

Le rôle-clef de la Bildung

 

Pour Dumont, la spécificité de l'idéologie alle­mande se laisse ramener à trois idées majeures : la permanence du holisme, le rôle à long terme du luthérianisme dans la vision de l'individu et l'idée de souveraineté universelle, héritage du Saint Empire Romain de la Nation germanique (derniè­re réflexion qui aurait mérité d'être approfondie). Nantis de ces notions, Dumont est successive­ment conduit à se pencher sur les figures décisi­ves d'Ernst Troeltsch et de Thomas Mann. Tous deux mis, en quelque sorte, en demeure par la violence du conflit franco-allemand d'éclairer la particularité allemande, avaient cherché à rendre intelligible ce que signifiaient liberté et individu outre Rhin. L'historien des religions tout comme l'auteur des Considérations d'un apolitique (1918) voyaient dans l'idée de Bildung,qui est formation, éducation personnelle de l'individu, le nœud géorgien donnant la clé du sentiment alle­mand.

Pour être bref, nous pourrions dire que la Bil­dung est l'espace de liberté à l'intérieur duquel se développe la pensée d'un individu, espace qui existe en dehors et qui laisse intact l'ensemble des liens qui rattachent cet individu à la commu­nauté dans laquelle il vit. À la différence de la li­berté anglaise ou française, la liberté allemande ne réside pas en première instance dans l'hémicycle des revendications politiques, elle est davantage liberté de s'épanouir, de se former, et ne considère que dans un second temps les conditions politiques. Ce que résume parfaitement Troeltsch dans un article publié en 1916, où la liberté allemande est définie comme : « Unité organisée du peuple sur la base du dévouement â la fois rigoureux et critique de l'individu au tout, complété et légitimé par l'indépendance et l'individualité de la libre culture (Bildung)spirituelle ».

Les sphères où évolue l'idée d'individu française et allemande ne sont pas superposables. L'indivi­du des Droits de l'homme français ne rencontre pas la formulation luthérienne puis piétiste de l'individualité au sens où Thomas Mann avait pu dire, que la Réforme avait immunisé l'Allemagne de la Révolution. Si le propos de Dumont va à l'essentiel, le lecteur informé reste cependant sur sa faim. Les études trop courtes consacrées à Troeltsch ou à Mann permettent difficilement de sortir des grandes lignes alors que les études pré­existantes consacrées notamment au second sont foison. On a l'impression en outre – est-ce sno­bisme de chercheur ? – que Dumont maîtrise mieux la bibliographie américaine que les études publiées en allemand ou en français sur le même sujet !

 

Crise française de la pensée allemande, crise allemande de la pensée française

 

La partie centrale consacrée à la genèse de la no­tion de Bildung en suivant respectivement Karl Philipp Moritz, Wilhelm von Humboldt (1767­1835) et « les années d'apprentissage de Wilhelm Meister » de Gœthe est incontestablement la partie la plus riche et la plus intéressante du livre. Œuvres littéraires, correspondances, réflexions poli­tiques, cette fin de dix-huitième et début de dix-­neuvième siècle sont perçus sous le signe d'une crise française de la pensée allemande, de même que les années qui suivirent 1871 en France, les années de la « Réforme intellectuelle et morale » peuvent être considérées comme une crise alle­mande de la pensée française. Dumont est clair : « Je me suis proposé ici de présenter l'histoire de la pensée et de la littérature allemande de 1770 à 1830 comme une réponse au défi des Lumières et de la Révolution » (1).

Dumont laisse entrevoir que l'idée de Bildung se forme peu à peu, est contrainte de se préciser en opposition à l'idée française d'individu. Mais a­vant d'aller plus en avant, il est nécessaire d'avoir à l'esprit les origines religieuses, protes­tantes, de cette idée de formation personnelle. La Bildung est, dès la fin du Moyen-Âge chez les mystiques, une éducation de soi qui se comprend comme ouverture à la grâce divine, le modèle (Vorbild)de cette attention constante à soi étant la figure de Jésus-Christ. Ce fondement religieux reste déterminant, rajeuni et ancré qu'il est par le piétisme, et ce, malgré l'élargissement et l'approfondissement que connaît l'idée de Bildung en cette fin de dix-huitième siècle.

Intégration et revendication d'autonomie

 

Dans un premier temps, l'analogie de la Bildung et des Lumières ne manque pas de se faire, parti­c ulièrement dans les manifestations les plus exa­cerbées des héros de roman : exaltation de l'hom­me en son individualité unique, égocentrisme, raison et liberté vagabonde. À partir de là, les rapprochements deviennent plus délicats. En ef­fet, l'éducation de la Bildung consiste en grande part à faire sienne les valeurs intangibles de la communauté, de les intégrer au mieux, suivant les traits de sa complexion. Un peu de la façon dont Gœthe pourra dire : « Ce dont tu as hérité, acquiers-le afin de le posséder ». Le nouveau Bil­dungsroman, roman de formation, décrit les iti­néraires de ces jeunes gens, où la revendication d'autonomie de la pensée se conjugue avec la né­cessité du voyage, qui est reprise en charge, re­connaissance par soi-même, assimilation de ce qui a déjà été créé, vécu. Ainsi, comme le montre bien Dumont, la Bildung, loin de créer un indi­vidu désolidarisé, en retrait du monde, n'incite au retour sur soi que pour mieux s'enrichir des res­sources du monde qui l'entoure. L’idéal de déve­loppement du sujet de la Bildung en vient à transformer l'homme abstrait des Lumières en lui taisant intégrer la dimension holiste, en l'inté­grant dans un tout plus vaste.

C'est sur cette base que s'établit le dialogue avec la culture grecque et son souci pédagogique. L'homme qui naît au monde est un être mal dé­grossi qui se doit de se développer, d'épanouir sa propre personne. Le perfectionnement de soi est le premier but auquel l'homme se doit de répon­dre. Cette réflexion de longue haleine centrée sur la formation et l'éducation de soi permettra ainsi à Wilhelm von Humboldt de dire : « C'est la contribution incontestable des Allemands d'avoir les premiers vraiment saisi ce qu'est la Bildung grecque ». Le parcours personnel d'un homme, l'approfondissement de sa pensée croissent à me­sure que le monde proche a été reconnu et fait sien. À l'inverse, un monde mis en coupe réglée, géométrisé, cher à Descartes et à ses héritiers est un monde hors de toute présence humaine et dont l’exemplaire d'humanité, si ce mot a encore un sens ici, ressemblerait fort au téléspectateur mo­deme, martien héberlué.

Le zèle révolutionnaire, produit d'un individualisme à la française

Le personnage de Wilhelm von Humboldt, l'évo­lution de ses idées permettent assez bien de saisir la particularité de l'idéologie allemande, l'adapta­tion aux Lumières qui s'est opérée, la prudence puis le rejet de plus en plus ferme à l'égard de la Révolution française. La Révolution qui heurte les Allemands de plein fouet, qui entraîne l'Euro­pe dans la guerre, qui suscite violences et spolia­tions lui ôte rapidement les rares partisans qu'elle pouvait trouver hors de France. Pour Humboldt, ces tares ont leur source dans cette volonté de transformation politique abrupte qui caractérise la Révolution, cette volonté de mettre en œuvre le contrat social rousseauiste en oubliant, un instant, que l'auteur de l'Émile ne pose celui-ci que comme hypothèse de réflexion.

individualismedumont.jpgHumboldt, dans ses écrits, met en forme la ré­ponse allemande aux idées révolutionnaires : l'individu de la Bildung forme un cercle indé­pendant de l'État et le laisse se réformer tout seul. Le pendant de cette conception est développé dans une importante étude théorique, l'Essai sur les limites de l'État. Si la première préoccupation de l'homme politique concerne la libre formation des sujets, les fonctions de l'État doivent être ré­duites au minimum et la première des tâches de celui-ci est d'assurer la sécurité des sujets.

Cette subordination de la politique à la formation singulière de l'individu n'a pu se faire que dans la mesure où la Bildung était perçue comme une ouverture à la totalité. Les conséquences de ces points de vue se laissent assez rapidement saisir. Le conservatisme de l'État allemand retient les pleurs et les soupirs des historiens, qui regardent d'un même coup avec perplexité la conjugaison de méfiance envers l'État et d'obéissance qui ca­ractérisent ses sujets. Ainsi, l'individualisme qui surgit dans la notion de Bildung est loin de se re­trouver dans l'individu des Droits de l'homme.

 

Les lacunes de l'université française

 

Si l'individualisme français de l'identité renvoie à une égalité première de tous les hommes, pour le lecteur allemand, la même notion renvoie à la sin­gularité, à la spécificité de tout être, et cette diffé­rence implique une inégalité de fait. C'est finale­ment lors de la création de l'université (1809­-1810) de Berlin que Wilhelm von Humboldt aura la possibilité de mettre en œuvre ses vues réfor­matrices. Après la défaite devant les années napoléoniennes, la restauration de l'État passait en premier lieu par la relève spirituelle, préoccupation des meilleurs esprits de l'époque. L'université de Berlin, symbole du renouveau prussien, deviendra bientôt le foyer européen des sciences historiques et philologiques, modèle d'innovation dans les sciences humaines.

L'idée de Bildung renforce encore la tradition d'indépendance des universités allemandes. En comparaison, le régime des universités françai­ses, sous les régimes les plus différents du dix­neuvième siècle, Empire, Restauration, Républi­ques, reste une université sous tutelle. Autrement dit, l'université allemande n'a de comptes à ren­dre qu'à la culture allemande ; en France, elle est un moyen de diffuser l'idéologie du régime. L'insuffisance de l'université française, ses tares, ont été remarquablement décrites par Georges Gusdorf dans son ouvrage sur l'herméneutique (Les origines de l'herméneutique), il est plaisant de constater que sa dépendance envers le pouvoir politique n'a aujourd'hui que peu changé, signe de la permanence des idées politiques.

L'idée de Bildung, de formation personnelle, a conservé un très fort pouvoir d'attraction dans les pays de langue allemande jusqu'à nos jours. Il nous semble que la littérature allemande a tou­jours été particulièrement sensible de préciser d'une part, la place de la personne dans la collec­tivité, de l'autre, son cheminement propre. Ainsi dans la confrontation franco-allemande qui est celle de la première guerre mondiale, l'indivi­du apparaît en Allemagne sous trois couleurs dis­semblables : « das Individuum », l'individu fran­çais détaché de toute appartenance à son peuple, « der Einzelne », l'individu dénombrable, et enfin « die Persönlichkeit », la personne en tant qu'elle a été formée par la Bildung, consciente de son ap­partenance. Les réponses pressenties par le Bil­dungsroman ne sont jamais univoques. Ainsi de l'itinéraire de Joseph Knecht, héros du Jeu de perles de verre de Hermann Hesse qui, au terme de son parcours initiatique, parvenu à la tête de son ordre éprouve une nostalgie inextinguible vers le monde et la nécessité d'y retourner. Initia­tion, enseignement forment un cercle où se dé­ploie la liberté de l'homme ; la compréhension de la culture dessine, tout à la fois, son individualité et son attachement à la communauté.

 

Guillaume HIEMET.

• Louis Dumont, L'idéologie allemande : France-Allemagne et retour, Gallimard, 1991, 316 p., 145 FF, ISBN 2-07072426-3.

Esthétique du nihilisme

Du romantisme au modernisme

Bruno HILLEBRAND, Ästhetik des Nihilismus : Von der Romantik zum Modernismus, J.B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart, 1991, VI + 237 S., DM 48; ISBN 3-476-00781-2.

Un professeur allemand. Bruno Hillebrand (°1935), spécialiste de Gottfried Benn, s'interroge, avec perti­nence et acuité, sur le rapport entre esthétique et nihi­lisme. Depuis que le romantisme a découvert le nihilisme vers la fin du XVIIIème siècle, cet « isme », qui est un mystérieux et inquiétant convive, comme l'a dit Nietzsche, frappe à toutes les portes : celle de la litté­rature comme celle de la philosophie ; plus tard, en no­tre siècle il est venu tambouriner à la porte du monde des arts. Dans le champ de la littérature, c'est Tieck qui l'a découvert ; Jean Paul a introduit, en toute con­naissance de cause, le concept de nihilisme dans sa Vorschule der Ästhetik ; dès 1804, les Nachtwachen de Bonaventura constituent l'un des points culminants de l'expérience nihiliste. À l'évidence, Kleist souffrait du syndrome nihiliste, de l'absence de sens. Plus que tout autre poète, Büchner a thématisé dans sa poésie le sentiment de l'inutilité, de la vacuité, de l'absurdité du cosmos, de la religion et de l'existence. La pensée nietzschéenne, elle, englobe, arraisonne, place au cen­tre de ses préoccupations, la nouvelle philosophie du nihilisme. Elle lui donne une profondeur inégalée et la transmet à d'autres poètes, écrivains et philosophes d'Allemagne et de France, Heidegger, Benn, Sartre, Camus et bien d'autres encore. Dans les arts plasti­ques et les styles de notre siècle, on ne cesse de percevoir les symptômes issus de l'expérience nihiliste : les réductions, les provocations, les positions anti-idéelles, les volontés anti-harmoniques ; bref, l'anti-art en général, avec son refus de toute conciliation tant au niveau du contenu qu'au niveau de l'objet.

Sans une saisie suffisante de ce que signifie le nihilis­me, on ne peut comprendre l'évolution des arts au XXème siècle. Globalement, le modernisme dans les arts se place sous l'enseigne de « ce convive le plus mystérieux et le plus inquiétant ». En effet, s'il n'y a pas de sens, si tout est inutile ou vain, les futuristes peuvent briser les œuvres du passé, pour tenter (désespérément ?) de construire du neuf. Les gestes ou­trés, matamoresques de DADA, sont signes de déses­poir ou acceptation joyeuse, narquoise, du chaos fon­damental du monde. Et puisqu'il n'y a pas de valeurs éternelles, puisqu'aucune métaphysique ne peut être sérieusement revendiquée ou propagée, DADA estime que l'existence sur terre est insaisissable. Pour DADA, ce n'est pas le principe espérance qui est la constante fondamentale du modernisme, mais le principe hasard, ce qui appelle une question, qui est capitale : l'homme est-il un hasard ?

 

mardi, 02 mars 2010

Les Cosaques de la liberté: l'expérience de l'anarchisme de Nestor Makhno en Ukraine

makhno_seul.jpgArchives de SYNERGIES EUROPENNES - 1987

Les Cosaques de la liberté : l'expérience de l'anarchisme de Nestor Makhno en Ukraine

par Ange Sampieru

 

Présenter en 475 pages la vie et l'action de Nestor lvanovitch Makhno (1889/1934), inspirateur et réalisateur de la seule expérience de communisme libertaire pendant la période de la révolution russe (entre 1917 et 1921) est un pari réussi par A. Skirda. Spécialiste de la Russie Soviétique, l'auteur exprime sans aucun doute sa sympathie politique pour l'anarchisme makhnoviste au travers d'une étude aussi complète que variée.

 

Un travail d'apologie

 

En dépit de tout l'intérêt des analyses  historiques de l'expérience originale accomplie par Makhno et ses partisans, le plan choisi par Skirda nous apparaît peu significatif. Après avoir étudié  son sujet d'un point de vue chronologique et événementiel (de l'enfance de Makhno à sa mort en exil à Paris en 1934), il revient sur une recherche plus psycho-historique dans un second temps, achevant son ouvrage par une revue très critique des livres consacrés à l'anarchisme ukrainien et à son fondateur. On suit alors assez péniblement ces mouvements assez "anarchiques". Au fond, on lit ici trois ouvrages différents : l'un est un livre d'histoire, fort brillant au demeurant, consacré à l'histoire de l'expérience anarchiste en Ukraine dans ses rapports avec le phénomène global de la Révolution russe. Le second est une monographie de N. Makhno, fondateur et "Batko" ("petit père" en quelque sorte) de ce mouvement de "communisme libertaire". Le troisième enfin est une recension critique des textes (brochures, articles de presse, romans, etc.), ayant pour thème principal ou quelquefois secondaire l'expérience makhnoviste. C'est cet "éclatement" qui. sans remettre en cause la richesse et le sérieux de ce travail historique, rend peut-être mal à l'aise le lecteur que je suis. Un dernier point de forme enfin : la sympathie presque "religieuse" de l'auteur pour son héros et ses idées l'amènent, dans tous les cas,  à une défense quasi militante de ses décisions et de ses choix politiques et militaires. Ainsi l'exécution, aussi barbare qu'inutile, d'émissaires des "gardes blancs" de Dénikine lui proposant une alliance face aux divisions de l'armée rouge n'appelle de sa part aucun commentaire. Commentaires qui, tout au contraire, abondent quand il s'agit d'actes de trahison commis par les responsables politiques ou militaires léninistes. Où fut alors la grandeur d'âme du héros qui fit pendre, le long d'un chemin, des porteurs de missives protégés par leur statut d'émissaires. Par ailleurs, dans ce que nous avons convenu de nommer le "second livre" il n'y a, chez Skirda, aucun aspect critique dans son analyse du personnage de Makhno. Nous regrettons cette vision toute théorique, l'auteur réservant ses critiques, souvent fondées, aux adversaires de Makhno et à ceux de ses partisans ou amis qui ont eu le malheur de ne pas le suivre en tous points dans son existence mouvementée.

 

 

Les deux visages du makhnovisme : identitaire ukrainien et anarchiste

intellectuel

 

Ceci étant, il nous apparaît que le mouvement anarchiste, fondé en Ukraine par Nestor Makhno, connait deux visages. L'un est celui du discours anarchiste, que nous comprenons comme idéologie cohérente, inscrit dans une filiation intellectuelle proprement occidentale. L'anarchie est ici une forme assez radicale de contestation du pouvoir d'État et, au-delà même, de toute structure politique et administrative centrale de direction. L'État confisquant à son profit le pouvoir politique, il confisque aussi la démocratie comprise comme forme autonome et locale de représentation et de gestion. On trouve ces critiques tant dans le mutualisme proudhonien, inquiet des empiétements grandissants de l'État post-révolutionnaire en France, que dans l'anarcho-syndicalisme sorélien, partisan d'une révolution spontanée prolétarienne contre la conception républicaine et bourgeoise du pouvoir politique. Dans tous les cas, on assiste à une renaissance de l'idéologie ancienne et traditionnelle des "libertés communautaires" qui structurent la démocratie européenne. Chez Makhno, l'anarchie inscrit ses références dans une même problématique. Une problématique nationale et sociale, puisque apparaissent en filigrane la revendication "nationale" ukrainienne, face au pouvoir central moscovite russe, et la revendication sociale paysanne, face à l'administration politique urbaine. L'anarchie répond alors à cette double revendication. Réponse "voilée" puisqu'aussi bien dominée par les "grands thèmes" occidentaux de l'idéologie moderne. Ainsi ni la revendication nationale (comprise comme désir explicite d identité culturelle et linguistique traduit en termes de pouvoir politique) ni la revendication paysanne (l'autonomie maximale face à la philosophie occidentale de la ville) ne sont reconnues à part entière. Ce  refus résulte d'une présence souveraine des valeurs de l'anarchie comprise comme idéologie sociale occidentale.

Plus proche encore d'une revendication ethno-culturelle, l'auteur souligne la présence majoritaire au sein des troupes makhnovistes des descendants des cosaques zaporogues. Il est indubitable, à la lecture de ce livre, que le mouvement anarchiste dans les steppes de l'Ukraine résulte beaucoup plus d'un sentiment culturel, plus ou moins enfoui dans sa mémoire des paysans cosaques, que dans l'adhésion aux valeurs globales de la révolution anarchiste, au sens des intellectuels de l'anarchie formés à l'école citadine et théorique de Bakounine et Kropotkine.

Et les explications de Skirda sur cette adhésion toute théorique aux réflexions et aux valeurs de l'Anarchie (avec un grand A) sont non seulement peu convaincantes mais aussi et surtout constamment démenties par les descriptions du premier livre. Les paysans et les quelques ouvriers qui suivirent Makhno sont-ils des militants anarchistes ou plus simplement des Ukrainiens opposés non seulement à la restauration de l'ancien régime social des grands propriétaires (régime fondé sur un mélange détonnant de féodalisme et de valeurs socio-économiques bourgeoises) mais aussi à la perpétuation du pouvoir moscovite, que celui-ci se présente sous une couleur blanche ou rouge. L'Anarchie serait alors une "béquille théorique", une superstructure dans le langage marxiste, qui serait bien loin du concret historique. Le véritable ressort résiderait dans la volonté consciente, chez la masse paysanne de descendance zaporogue ou non (bien que les premiers aient été les inspirateurs et les vrais décideurs du mouvement), de restaurer une communauté sociale et politique en accord avec leur propre vue du monde. Skirda, militant anarchiste formé à l'école occidentale, refuse de souligner cette présence. C'est une erreur et elle révèle un point de vue très théorique que l'on regrettera.

 

Les raisons de l'hostilité des makhnovistes à l'égard des bolchéviques

 

makh.jpgA contrario, nous découvrons avec beaucoup d'intérêt, chez Skirda, les rapports conflictuels  entretenus par cette armée libertaire et paysanne avec les autorités léninistes-bolchéviques. Lénine et Trotsky, intellectuels et citadins, n'avaient que mépris et incompréhension, quelquefois mués en haine, à l'égard des masses paysannes. D'autant plus si ces dernières étaient opposées à leur autorité et non-russes ! La politique de répression, la NEP, la lutte contre les moyens propriétaires (les fameux Koulaks), bref la guerre civile à outrance menée contre les ruraux non russes et russes, résulte de ces sentiments développés et théorisés dans l'idéologie prolétarienne ouvrière des émules de Marx (bourgeois finalement conservateur et citadin). La misère des sociétés industrielles de l'Ouest fut élevée au rang de péché suprême que la Révolution devait effacer. Dans ce cadre, le paysannat était aussi, même si des nuances étaient introduites, complice et soutien du système bourgeois. Ce qui était un raccourci fulgurant dans la pensée et l'analyse chez Marx, devenait un dogme idéologique d'État chez Lénine. Dans ce schéma, l'anarchisme makhnovien, appuyé sur la multiplication des "soviets libres" en Ukraine, pouvait structurer les réactions spontanées d'autodéfense des paysans locaux.

 

Le prélèvement autoritaire et violent de la production paysanne au profit des villes, la substitution  du marché d'État à l'ancien marché des propriétaires féodaux, enfin le statisme des lieux (Moscou reste le centre du pouvoir) et des méthodes de pouvoir (utilisation normale de la force policière et militaire dans les opérations de prélèvement) confirmait les sentiments latents des producteurs locaux. En fait, il y eut politique de pillage des productions rurales ­au profit des centres urbains, politique justifiée par un discours révolutionnaire et appliquée par des forces répressives similaires aux forces de l'ancien régime tsariste (Tchéka au lieu de l'Okhrana). Les anarchistes eurent alors beau jeu d'identifier la politique autoritaire de Lénine avec l'ancienne pratique tsariste. Après la première révolution (renversement du tsarisme et création d'un État constitutionnel de type occidental) et la seconde révolution (coup d'État bolchévique), la "troisième révolution" consistait à établir un communisme social égalitaire sans autorité d'en haut. C'était du moins le programme de militants anarchistes. Le spontanéisme plus ou moins dirigé des révoltes populaires en Ukraine face à la politique de l'autorité moscovite-bolchévique se brise pourtant contre la puissance de l'armée rouge et des méthodes de répression de masse utilisées. Cet échec constitue une leçon historique. L'État bolchévique, en dépit de sa rhétorique communiste (atteindre l'utopie vivante de la société sans état et sans classes), appliqua les règles strictes du pouvoir moderne, issues de l'expérience révolutionnaire française (notamment en Vendée).

 

Un modèle applicable au monde entier

 

La seule issue aurait peut-être été de réaliser la synthèse entre les deux forces motrices de toute l'histoire : celle qui unit la force de la volonté d'existence identitaire (qui est une force nationale mais non nationaliste) et la construction d'une communauté démocratique et sociale, basée sur les valeurs de justice et d'égalité civique. C'est cette fusion, modifiée par les circonstances locales, qui assura la puissance révolutionnaire dans diverses régions du monde : révolution nassérienne, idéologie de la nation arabe chez le chef de l'État libyen, révolution populaire vietnamienne, sandinisme nicaraguayen, révolution du capitaine Sankara au Burkina-Faso. etc. Mais il eut fallu pour cela que l'anarchie ne fut pas une des nombreuses facettes de l'idéologie dominante moderne, mais l'expression réelle et locale de la volonté d'indépendance d'un peuple. À ce titre, l'auteur reste dans un schéma idéologique bien éloigné de la véritable voie de l'indépendance, qui pourrait tout aussi bien se nommer "anarchie" que trouver une autre étiquette.

 

 

Ange SAMPIERU.

Alexandre SKIRDA, Les Cosaques de la liberté, Jean-Claude Lattès, Paris, 1986, 475 p.

mercredi, 06 janvier 2010

Démocratie américaine et dialectique de la liberté

estados-unidos.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Démocratie américaine et dialectique

de la liberté

à propos d'un livre de Gottfried Dietze

 

par Hans-Dietrich SANDER

Parmi les livres dignes d'intérêt récemment pa­rus, et soumis à la conspiration du silence, il y a l'ouvrage sur l'Amérique de Gottfried Dietze:

 

Gottfried Dietze, Amerikanische Demokratie — Wesen des praktischen Liberalismus,  Olzog Verlag, München, 1988, 297 S., DM 42.

 

Depuis longtemps déjà, l'auteur n'avait plus pu­blié d'articles dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung  et dans Die Welt (Bonn). Il n'est plus membre de la Mount Pelerin Society.  Il s'en est retiré, parce qu'il ne lui a pas été permis de pro­noncer son discours sur Kant en langue alle­mande lors d'une diète de la dite société à Berlin! Mais personne en revanche n'a pu le traiter de «terroriste intellectuel». Gottfried Dietze est pro­fesseur ordinaire de «théorie comparée des pou­voirs» à la John Hopkins University de Baltimore, l'une des cinq universités les plus co­tées aux Etats-Unis (sa faculté occupe d'ailleurs la première place en son domaine). Ses travaux, il les publie en Allemagne chez J.C.B. Mohr (Paul Siebeck) et chez Duncker & Humblot, c'est-à-dire chez les meilleurs éditeurs de matières polito­logiques. La maison Olzog, qu'il a choisie pour éditer son livre sur l'Amérique, ouvrage destiné à un public plus vaste, ne suscite pas davantage les colères des professionnels hystériques qui enten­dent façonner l'opinion publique selon leurs seuls critères. La démocratie ouest-allemande vient manifestement d'atteindre un seuil critique, où, désormais, ceux qui prononcent des paroles libres, claires, transparentes, passent pour des excentriques. Et, «notre démocratie», pour re­prendre les mots de son Président Richard v. Weizsäcker, ne peut pas se permettre des excen­triques politiques.

 

Critique du libéralisme pur et réminiscences tocquevilliennes

 

Dietze passe depuis longtemps déjà pour un ex­centrique dans notre bonne république. Pour être exact, depuis que le Spiegel a découvert, jadis, qu'il servait de conseiller au candidat à la Présidence américaine Barry Goldwater, et cela, au moment où la guerre du Vietnam atteignait son point culminant. Toute évocation de son nom, à l'époque, suscitait la suspicion. Il a tenté de re­venir en Allemagne, en y postulant un poste uni­versitaire. Sans succès. Le dernier des grands théoriciens du libéralisme politique n'est pas le bienvenu dans la République fédérale, acquise pourtant aux principes du libéralisme. Cette si­tuation n'est pas incompréhensible. Elle découle, d'une part, du rapport même que Dietze entretient avec l'idéologie libérale et, d'autre part, de son engagement politique aux côtés de Goldwater. La modestie de Dietze est telle, qu'il n'a pas osé pa­raphraser Kant dans les sous-titres de ses ou­vrages majeurs, Reiner Liberalismus (Le libéra­lisme pur) et Amerikanische Demokratie (La dé­mocratie américaine). Au premier, il aurait parfai­tement pu donner le titre de Kritik des reinen Liberalismus  (Critique du libéralisme pur); au second, Kritik des praktischen Liberalismus  (Critique du libéralisme pratique). Il aurait ainsi imité le grand penseur de Königsberg, avec sa Critique de la raison pure  et sa Critique de la rai­son pratique.

 

Le titre du livre qui me préoccupe ici, Amerikanische Demokratie,  paraphrase pourtant un autre grand théoricien politique, Alexis de Tocqueville, auteur de La démocratie en Amérique. Mais Dietze adopte une perspective critique à l'endroit des idées de Tocqueville. Il cherche à donner d'autres définitions aux con­cepts. Contrairement à Tocqueville, qui, il y a 150 ans, voulait explorer l'essence de la démo­cratie à la lumière de la démocratie américaine, Dietze cerne la démocratie américaine en soi, qui, dans la forme qu'elle connaît aujourd'hui, n'existait pas encore vers 1830-40, sa transfor­mation radicale par Andrew Jackson n'en étant qu'à ses premiers balbutiements. La démocratie américaine, explique Dietze, est fondamentale­ment différente des autres démocraties, ce qui la rend précaire quand elle est imposée à d'autres pays.

 

La néomanie américaine

 

Dietze approche son sujet en analysant les phé­nomènes et les discours de la quotidienneté amé­ricaine, de la banalité quotidienne de l'American Way of Life, qui, soutenu par cette bonne cons­cience typique du «Nouveau Monde», se présente comme une poussée incessante vers la nouveauté (Drang nach dem Neuen), vers tout ce qui est nouveau. Le concept américain de liberté repose sur un fondement problématique: en l'occurrence sur la volonté d'être toujours prêt à réceptionner cette nouveauté. Ensuite, ce concept trouve son apogée dans la notion de Manifest Destiny, du destin et de la mission de l'Amérique, qui est d'apporter cette liberté à tous les autres peuples. Dans la foulée de ses possibilités illimitées, la démocratie américaine n'a pas créé une forme spécifique de libéralisme politique mais des va­riations libérales toujours changeantes.

 

Ce type de démocratie a très fortement marqué le peuple américain et, à l'inverse, le peuple a mar­qué la démocratie américaine. Les origines des Etats-Unis, faites d'émigrations et d'immigrations, se sont transformées en migra­tions et en vagabondages, en manifestations et en agitations. Le résultat: une absence permanente de racines, qui trouve un parallèle saisissant dans le monde juif toujours dé-localisé (ent-ortet). Cette absence de racines est la condition première de la symbiose actuellement dominante. Contrairement aux symbioses d'antan, cette symbiose actuelle ne présente pas une panoplie de négations qui se combinent utilement à des positions données, mais une gamme de négations qui s'imposent sur la scène publique en se créant du tort les unes aux autres.

 

Une pulsion jamais assouvie de liberté jouissive

 

Le pouvoir du peuple en Amérique oscille ainsi de la démocratie élitaire à la démocratie égalitaire, de la démocratie représentative à la démocratie di­recte, de la démocratie limitée à la démocratie il­limitée. Quelle vue d'ensemble cela donne-t-il? Celle d'un «pot-pourri dans le melting pot»; par «melting pot», nous n'entendons pas, ici, le seul mélange des races et des ethnies. Ce jeu chao­tique dérive précisément de cette pulsion inces­sante vers la nouveauté et se maintient par la force intrinsèque dégagée par cette pulsion. Il dérive des droits inaliénables à jouir de la triade life, li­berty and pursuit of happiness, d'une liberté toujours plus grande qui se mesure surtout à la possession de biens matériels et à leur jouissance. Dans une telle optique, le pays n'est rien, l'individu est tout.

 

Ce serait bien là le perpetuum mobile  d'un monde totalement immanent, si la pulsion de li­berté n'était pas pluri-signifiante et à strates mul­tiples. Dans son analyse, Gottfried Dietze déploie une dialectique de la liberté, où sa position vis-à-vis du libéralisme prend des formes socratiques. En effet, le livre, en de longs passages, se lit comme un dialogue, où chaque facette est oppo­sée à son contraire (son négatif), si bien qu'à la fin, on débouche sur des questions ouvertes.

 

La pulsion de liberté du libéralisme pur n'est pas seulement dirigée contre les tyrans: elle s'épuise dans la lutte interne de concurrences diverses aux frais des autres. Cela ne nous mène pas seule­ment à la lutte hobbesienne de tous contre tous, lutte où apparaîtrait juste la crainte de Hegel de voir l'homme considérer qu'une telle liberté au­torise et prône le vol, le meurtre et le désordre, mais aussi à une exploitation despotique de la mi­norité par la majorité, ce qui serait parfaitement conciliable avec le libéralisme, parce qu'il exige plus de liberté pour l'individu sans regard pour les autres.

 

La transposition de cette émancipation dans le domaine de la libido, comme on a pu l'observer au cours de ces dernières décennies en Amérique, fait que cette pulsion, sans regard pour autrui, qui poursuit sa quête insatiable de bonheur conduit à une «jungle sexuelle» que Hobbes n'avait pas pu imaginer.

 

Une symbiose entre

Jefferson et Freund

 

La permissivité engendrée par la lutte concurren­tielle outrancière et la multiplication des contacts sexuels, où la question du bien et du mal n'est plus posée, a forgé une symbiose entre Jefferson et Freud, dont les conséquences excessives ne peuvent surgir qu'en Amérique: «Les idées de Freud, telles qu'elles ont été prises en compte et perçues par les Américains, ont complété celles de Jefferson —du moins dans les interprétations qu'elles avaient acquises au cours du temps; elles les ont complétées de façon telle que le pensée li­bérale ancrée dans ce peuple s'est vue considéra­blement élargie, s'est apurée à l'extrême et s'est détachée de tout contexte axiologique».

 

Sur le plan de la liberté, nous apercevons très vite la différence essentielle entre Tocqueville et Dietze. Tocqueville voyait une démocratie améri­caine liée à l'idée d'égalité, suscitant une tendance générale et progressive à expulser toute notion de liberté. Dietze, au contraire, voit dans la liberté le pôle adverse de la démocratie et de l'égalité; et, pour lui, la liberté est tout aussi illusoire que la démocratie et l'égalité. Ce que Tocqueville crai­gnait jadis, soit de voir advenir une dictature égalitaire de la démocratie, n'a pas eu lieu: la pulsion de liberté s'y est sans cesse heurtée et en a émoussé les contours.

 

La pulsion de liberté, en tant que fondement ul­time du libéralisme à l'américaine, s'est toujours mise en travers de toutes les mesures de contrôle, d'équilibrage et de conservation. Sans ces me­sures, le libéralisme devient un mouvement anti-autoritaire. De ce fait, le despotisme de la majorité et le mouvement anti-autoritaire sont les extrêmes du libéralisme pratique, extrêmes qui se rejoi­gnent dans le libéralisme pur. Prenons deux exemples.

 

Une presse libre qui censure

ce qui ne lui plaît pas

 

Le premier montre comment l'expression «presse populaire» a acquis un sens ambigu. La presse, qui, à l'origine, était un instrument servant à presser des lettres sur du papier, a fini très vite par presser ses vues dans les cerveaux du peuple, à la manière la plus libérale qui soit: «L'ancienne liberté de presse, soit la liberté de la presse vis-à-vis de toute censure étatique, s'est transformée radicalement: elle est devenue liberté pour la presse de censurer, dénoncer et vilipender l'Etat, des citoyens individuels et des groupes précis de la société d'une manière éhontée, nuisant aux cibles infortunées et profitant à ceux qui usent et abusent de cette liberté. Cette situation s'observe dans tous les pays où la presse est libre mais elle est plus frappante encore aux Etats-Unis, écrit Dietze, le plus libéral des pays».

 

Le deuxième exemple nous montre les possibili­tés illimitées que laisse entrevoir le jeu de mot democracy/democrazy,  où le «pouvoir du peuple» apparaît comme l'«enfollement du peuple». Dietze souligne à plusieurs reprises que la quintessence de la démocratie américaine ne permet pas de percevoir cet «enfollement» comme une dégénérescence. Car la quintessence de la démocratie américaine, c'est que son libéralisme est réellement sans principes, dépourvu de tout point de référence éthique et de toute forme de responsabilité.

 

Les déceptions des Européens face à l'extrême versatilité américaine ne sont dès lors pas con­vaincantes: «Vu d'Amérique, vu du lieu où se bousculent toutes les variantes et variations du li­béralisme, il ne peut guère y avoir de déceptions nées du spectacle et du constat de comportements instables, du va-et-vient de la politique améri­caine. On ne peut être déçu que lorsque quelque chose évolue d'une façon autre, pire, que ce que l'on avait prévu. Mais, dans la démocratie améri­caine, qui se rapproche plus du libéralisme pur que n'importe quelle autre démocratie, on ne doit guère s'attendre à une politique constante. Toute constance y disparaît sous la pression des sou­haits et des désirs des individus et du peuple, mus par l'humeur du moment».

 

Anarchie et volonté de simplification outrancière

 

Au point culminant de ses analyses enjouées et sans pitié, qui rappellent celles de Machiavel, Dietze cite le poète irlandais William Butler Yeats: «Things fall apart; the center cannot hold; Mere anarchy is loosed upon the world»  («Les choses se disloquent; le centre ne maintient plus rien; une anarchie brute envahit le monde»). Pour Dietze, Yeats, dans cette phrase résume l'essence du libé­ralisme pur. Quand cette situation d'anarchie est atteinte, toute dialectique de liberté prend fin.

 

Dietze explique ensuite le processus dans son moteur intime et profond: «Bien des signes nous l'indiquent: la complexité croissante de la vie a éveillé une nostalgie du simple, du pur, avec des simplifications outrancières, si bien que la démo­cratie n'apparaît même plus comme une forme politique dans le sens où l'entendaient Locke ou Rousseau mais bien plutôt comme l'entendait Bakounine». La démocratie à l'américaine est le catalyseur de ce courant sous-jacent fondamental: «Sans doute, très probablement, les évolutions du Nouveau Monde, avec la pulsion constante de changement qui règne là-bas, ont accéléré le pro­cessus. Car l'américanisation du monde est un fait que l'on ne saurait ignorer en ce siècle, que les Américains déclarent être le leur, même si le rêve d'une pax americana  est passé depuis long­temps».

 

La question finale que pose le livre de Dietze est la suivante: «Qu'adviendra-t-il de l'Amérique et de l'américanisme? Il faut attendre. L'avenir nous le dira». Question rhétorique ou question ma­cabre? Dietze prononce des vérités que l'on n'aime guère entendre dans la République de Bonn, où l'on considère la démocratie à l'américaine comme une sotériologie, pour ne pas dire comme une vache sacrée, alors que cette dé­mocratie a été instaurée en RFA comme un sys­tème provisoire mais qu'on s'est habitué à consi­dérer comme définitif. Ce sont des vérités que l'on n'aime guère entendre parce qu'elles sonnent justes. On préfère se boucher les oreilles.

 

Après la révolution populaire allemande de RDA, qui fait apparaître la démocratie de Bonn pour ce qu'elle est vraiment, soit un système provisoire, et la remet en question, il n'est pourtant plus possible de se boucher les oreilles. Les Alle­mands devront, en opérant la synthèse de leurs divers systèmes politiques actuels, trouver une réponse adéquate, adaptée à leur histoire, pour dépasser le système de la démocratie à l'amé­ricaine.

 

Hans-Dietrich SANDER.

(recension parue dans Staatsbriefe 1/1990; adresse: Castel del Monte Verlag, Türkenstr. 57, D-8000 München 40).

 

 

 

jeudi, 19 mars 2009

Ezra Pound, lo scandalo libertario

Ezra Pound, lo scandalo libertario

 
Pound.jpg
"Beauty is difficult", scriveva Ezra Pound: la bellezza è difficile. E senz' altro è difficile capire come uno dei geni poetici del Novecento volesse conciliare Benito Mussolini e Thomas Jefferson, la libertà e la scelta per la Repubblica sociale. A sciogliere queste contraddizioni in un «elogio libertario di Ezra Pound» ci ha provato la settimana scorsa sul Corriere della Sera il filosofo Giulio Giorello in un articolo dedicato a un saggio di Pound tradotto da Andrea Colombo per la prima volta in italiano, Il carteggio Jefferson-Adams come tempio e monumento (Edizioni Ares, introduzione di Luca Gallesi).

«Beauty is difficult»,


L' intervento di Giorello non è passato inosservato. Non ci riferiamo tanto al commento entusiastico di Luciano Lanna sulla prima pagina del Secolo d' Italia, «Pound (come Jünger) era un libertario», quanto all' attenzione che ad esso ha dedicato Giano Accame, ex direttore del Secolo d' Italia, ma soprattutto uno dei maggiori esperti italiani del pensiero politico di Pound. «Negli anni Novanta avevo pubblicato per Settimo Sigillo il saggio Pound economista. Contro l' usura - ci dice Accame -. Un lavoro cui mi dedicai quando Pound, soprattutto per i lavori poetici, era stato ampiamente rivalutato dalla critica di sinistra, a cominciare dai fondamentali saggi del professor Massimo Bacigalupo, che collaborava al manifesto e, detto per inciso, era figlio del medico italiano dell' autore dei Cantos. Mi sembra che l' intervento di Giorello possa rappresentare l' inizio della rivalutazione non soltanto poetica, ma del pensiero complessivo di Pound, anche alla luce della crisi finanziaria internazionale».


Che cosa c' entra, si potrebbe obiettare, il crollo dei mercati finanziari, evocato peraltro anche da Giorello, con il poeta americano che aveva scelto di vivere in Italia? «Pound - spiega Accame - si reputava un patriota, legato ai valori della Costituzione, che affidava al Congresso di Washington la custodia della moneta. Egli considerava un' abiura della sovranità popolare l' aver delegato la gestione della moneta e della finanza alla Banca centrale, un ente i cui responsabili non rispondono delle proprie azioni al popolo. Da questa concezione derivava la proposta ingenua di una moneta deperibile... Al di là degli aspetti utopistici e sconclusionati del suo pensiero economico, restano oggi, in questa situazione, i moniti profetici. Pound considerava i poeti come le antenne di un popolo».
Pensiero economico a parte, definire «libertario» uno scrittore che si schierò pubblicamente per la Repubblica sociale italiana può essere visto da alcuni intellettuali di sinistra come un' impostura. «Non è affatto un' impostura - risponde Accame - perché il sogno finale di tutti i grandi intellettuali fascisti, da Giovanni Gentile all' eretico Berto Ricci e all' artista Mario Sironi, era realizzare la grandezza italiana nella libertà. Il fatto poi che Pound fosse vicino al fascismo in declino rispondeva un po' alla natura dei pionieri americani, gente costretta a fuggire perché negletta nella propria terra».


Internato in un campo di concentramento vicino a Pisa, dove scrisse i Canti pisani, da alcuni considerato il meglio della sua produzione, Pound passò poi dodici anni in un manicomio criminale a Washington, ma l' America non ebbe mai il coraggio di condannare per tradimento uno dei suoi geni. Nessuno può negare la tensione libertaria di testi composti in un campo di prigionia. Tuttavia, osserva Luigi Sampietro, docente di letteratura angloamericana all' Università Statale di Milano e frequentatore tra la fine degli anni Sessanta e i primi anni Settanta di casa Pound a Brunnenburg, vicino a Merano, «non si deve confondere tensione democratica, certamente presente in Pound, e liberalismo, che è l' espressione culturale del mercato. In fondo Adams e Jefferson condussero una guerra economica, per la liberalizzazione del mercato, diedero l' indipendenza alla propria terra perché non volevano pagare tasse. Ezra Pound, invece, con la sua ossessione contro l' usura, da cui derivava il suo antiebraismo, e l' invenzione di una moneta deperibile basata sul valore accumulato con il lavoro, contrapposto al denaro neutro valido per tutti, si ispirava in fondo a principi antiliberali. Chi potrebbe realizzare, se non una dittatura con un' economia dirigista, la carta-lavoro ipotizzata dall' autore dei Cantos?».
D' accordo con «l' elogio libertario» scritto da Giulio Giorello è lo scrittore Pietrangelo Buttafuoco, autore di Cabaret Voltaire (Bompiani). Tuttavia, dice Buttafuoco, il contesto politico-culturale del nostro Paese ci costringe sempre «alla scoperta dell' acqua calda. Sì, ha capito bene: scoperta dell' acqua calda. Perché fin quando non ci libereremo dell' incubo antifascista, non ci potremo accostare con serenità al grande patrimonio culturale del Novecento. E non solo, perché ricordo che in Italia la cultura marxista più retriva ha messo in dubbio persino i filosofi presocratici, considerandoli antesignani del pensiero negativo. Come per Pound, oggi assistiamo alla rivalutazione del Futurismo, dopo che per anni ci hanno annoiato con le scoperte della transavanguardia. Ci rendiamo conto soltanto adesso che il Futurismo è stato il maggiore movimento culturale italiano assieme al Rinascimento? Certo, ebbe anche una valenza politica».

mercredi, 25 février 2009

Prof. M. Storme: la liberté la plus fondamentale: le droit de discriminer

MEstorme2-27012005.jpg

 

 

Matthias Storme

La liberté la plus fondamentale: la liberté de discriminer

 

Honorable assemblée,

Au moment où il est question d’attribuer le Prix de la Liberté, il est assez convenable de réfléchir à l’état de notre liberté et aux conditions de son développement. Je souhaiterais notamment exposer les raisons pour lesquelles la liberté de discriminer est une liberté fondamentale, et même la plus fondamentale des libertés, du fait que, sans cette liberté, la plupart des autres libertés fondamentales n’existent tout simplement pas. A cet effet, il me faut d’abord rappeler ce que sont les bases des libertés fondamentales. Il faut, en effet, les considérer au pluriel: mon titre déjà donne à supposer qu’il n’existe pas une seule liberté, mais plusieurs libertés. Il s’agit là de l’expression de ma conviction que la liberté ne repose pas sur un principe abstrait, auquel on peut confronter le comportement humain ou qu’on peut imposer, mais sur une série de libertés concrètes, d’acquis provenant de combats historiques ou de développements, qui ne vont jamais de soi, mais qui doivent à chaque fois être défendus et rétablis. Nous qualifions de fondamentales certaines de ces libertés, telle la liberté de conscience, la liberté de la personne, la liberté religieuse, la liberté d’association, la liberté de travailler, la liberté d’enseigner, le libre examen (la liberté d’investigation).

 

Liberté, totalitarisme et doute

Ces libertés ne sont donc jamais définitives et les libertés acquises peuvent être menacées par de nouveaux développements sociaux. Dans leur forme concrète, elles ne sont pas universelles, mais le produit d’une histoire particulière, l’histoire de notre civilisation occidentale.

Bien qu’elles soient le résultat d’évolutions séculaires, il existe quelques moments-clé dans cette histoire, dans notre histoire. Dans un essai admirable -que je dois d’ailleurs à mon collègue Boudewijn Bouckaert de connaître - ‘Qu’est-ce que l’occident’(1), Philippe Némo distingue cinq évolutions-clé qui ont été les plus marquantes pour la civilisation occidentale: la cité grecque, le droit romain, l’eschatologie biblique, les réformes grégoriennes et les révolutions modernes. Parmi celles-ci, les éléments les plus importants pour mon thème d’aujourd’hui sont:

-          l’institution de l’autorité de la loi dans la cité grecque : the rule of law, not of men;

-          le développement du droit privé, dont la propriété privée, par les Romains;

-          la distinction entre l’ordre civil (territorial) et l’ordre spirituel, avec pour chacun leur légitimité propre dans la chrétienté occidentale;

-          le développement de la tolérance religieuse et des libertés fondamentales dans les temps modernes.

Cette évolution, qui ne s’est pas produite de manière rectiligne, n’a jamais été définitivement acquise et est régulièrement menacée par d’autres tendances sociales. Au 20e siècle, cela s’est produit principalement sous les diverses formes de totalitarisme qui sont parvenues au pouvoir: le bolchévisme et le national-socialisme. Il se présente aujourd’hui une nouvelle variante du totalitarisme, une nouvelle intolérance religieuse, l’eureligion de la non-discrimination.

 

C’est pour cette raison qu’il est de la première importance, pour le maintien de nos libertés, d’étudier les caractéristiques du totalitarisme et de les évaluer avec exactitude. Sont à cet égard des ouvrages de référence ‘The origins of totalitarianism’ de Hannah Arendt, ‘La tentation totalitaire’ de Jean-François Revel et ‘Mémoire du mal, tentation du bien’ de Tzvetan Todorov.

 

Bien que le totalitarisme ne puisse pas être contenu dans une seule définition ou dans des caractéristiques définitives, quelques constantes peuvent quand même en être dégagées: une claire hiérarchie du pouvoir, le rejet de toute autre légitimité et la distinction entre le droit et la morale, une autorité qui contraint le citoyen à tendre vers le bien qu’elle définit, une autorité qui ne se préoccupe pas seulement des comportements, mais également des motivations du citoyen, etc. Avant toute autre chose, le totalitarisme se caractérise par une claire distinction entre le bien et le mal: le bien doit être imposé et le mal ne peut être toléré mais, doit être combattu. Le contraire du totalitarisme -que nous l’appelions démocratie ou toute autre chose- ne pourra dès lors jamais se présenter sous une autre forme de simplisme. Il ne pourra jamais avoir la même univocité et la même incontestabilité que la pensée totalitaire. Mieux encore: lorsque des notions telles que démocratie, droits de l’homme, tolérance et autres sont devenues des notions univoques, qui échappent ainsi à toute mise en doute, nous avons là l’indication la plus claire qu’il s’agit du déguisement d’une nouvelle forme de totalitarisme. Car ‘lorsque le fascisme reviendra, il le fera sous le sigle de l’antifascisme’.

 

L’antithèse du totalitarisme doit avant tout être recherchée dans la disposition à penser de manière articulée, à donner suffisamment d’espace au doute et donc au débat, à ne considérer ou ne promouvoir aucune évolution comme étant irréversible, à accepter qu’il n’y ait pas qu’une seule direction dans laquelle les braves gens peuvent progresser (2).

 

Cela ne nous contraint pas, bien sûr, au doute absolu, comme l’âne de Buridan, qui se trouvait à égale distance entre deux picotins de foin et qui est mort de faim, parce qu’il ne trouvait aucun argument déterminant pour aller vers l’un plutôt que vers l’autre. Un doute relatif peut, en effet, parfaitement être pensé et même institutionnalisé. Mieux encore: le doute doit même être institutionnalisé dans des formes concrètes, imparfaites, pour ne pas dégénérer lui-même dans l’absoluité du relativisme.

 

La tolérance comme notion-clé

La notion-clé de notre expérience occidentale dans cette manière de penser est la notion de tolérance. Il s’agit d’autant plus d’une notion-clé que la tolérance peut, en se haussant jusqu’à un absolu, dégénérer en une intolérance absolue (3).

 

La clé est à trouver dans la définition scolastique qu’en donne Reimond de Penaforte dans sa Summa de Iure canonico (vers 1123) (4): Minus malum toleratur, ut maius tollatur, un mal est toléré, parce que le combattre entraînerait un mal plus grand que le supporter. Il ne s’agit pas là d’une pensée simple: que quelque chose de mal puisse exister et doive quand même être admis, au motif que le combattre entraînerait un mal plus grand que le mal qu’on combat. Mieux encore: la portée exceptionnellement vaste de cette conception intellectuelle ne devrait pas, je crois, être sous-estimée. L’art de la tolérance ne consiste pas, en effet, à tolérer des choses qu’on considère comme bonnes, mais bien à ne pas combattre ce qu’on considère comme mal d’une manière telle que le combat serait pire que le mal. Selon l’expression de Todorov, la tolérance est ‘le sentier étroit’ (5) entre deux précipices:

-          d’un côté, on trouve l’intolérance classique, qui consiste dans la surtension de soi-même: formes de racisme et de xénophobie, formes de haine idéologique, etc;

-          de l’autre côté, on trouve la perversion de la tolérance en une anti-tolérance: lorsqu’on interdit à d’autres de trouver mal ce qu’ils doivent tolérer et de trouver meilleures ses propres valeurs et que quelqu’un soit contraint de trouver les conceptions que d’autres ont du bien équivalentes à ses propres conceptions. Avec cette perversion de la tolérance, la défense de conceptions personnelles est criminalisée comme étant une offense aux idées des autres, et cela se produit dans des domaines de plus en plus étendus: la défense de sa propre culture est stigmatisée comme étant xénophobe, la défense de conceptions morales relatives à la vie privée à l’encontre d’un subjectivisme moral absolu comme étant homophobe et la défense de sa propre religion comme étant islamophobe. Cela débouche, selon le mot d’Alain Finkielkraut, sur ‘une tolérance qui finalement ne tolère qu’elle-même’ (6). Le mal n’est-il d’ailleurs pas toujours la perversion du bien ?

 

La société démocratique

La société moderne occidentale s’est constituée dans les formes spécifiques dans lesquelles la tolérance a été institutionnalisée. Cela s’est produit, d’une part, par l’acceptation que plusieurs ordres juridiques particuliers (nationaux ou régionaux) coexistent les uns à côté des autres sur pied d’égalité, chacun sur son propre territoire et, d’autre part, par l’institution de libertés fondamentales pour les habitants individuels de ces territoires. Cette dernière institution impliquait le développement d’une société civile, qui a conquis sur le roi et sur l’église un espace privé aussi bien que public. Notre démocratie moderne, basée sur des libertés, repose ainsi sur un équilibre complexe, dont les caractéristiques sont les suivantes:

-          le monopole de la violence est réservé au pouvoir public, qui seul peut imposer manu militari des règles de comportement;

-          en revers à cette médaille, le principe de légalité, qui interdit au pouvoir public de décider autrement qu’à partir de règles générales égales pour tous et définies au préalable (le pouvoir ne peut pas décider ‘à la tête du client’, ne peut pas imposer des règles individuelles, ne peut pas discriminer au sens de traiter inégalement sans le justifier de manière objective et raisonnable):

-          et, en corollaire, l’endiguement du pouvoir par l’institution de libertés fondamentales, en particulier la liberté de conscience et d’expression, la liberté d’association et de religion (séparation de l’église et de l’état) et la liberté de réunion, la propriété privée.

 

Ces libertés ne sont pas seulement, ou pas au premier chef, des droits subjectifs individuels, mais des institutions d’intérêt général, comme cela ressort d’ailleurs clairement de la Constitution belge de 1831. Celle-ci dispose, par exemple, que chacun jouit de la liberté personnelle et de la liberté d’expression et de religion, mais que ‘La liberté de la personne est garantie’ et ‘La liberté de culte, l’exercice public de celui-ci, de même que la liberté d’exprimer son opinion en toute matière sont garanties.’ C’est précisément grâce à ces libertés que les individus peuvent se développer d’une autre manière que par leur droit à l’application de la règle. Ils reçoivent la liberté de s’associer, dans des liens ou des institutions sociaux, d’attribuer du sens (dont la culture), de transmettre des informations (dont l’enseignement), de pratiquer la sollicitude et la solidarité. C’est dans ces relations que se sont épanouis des valeurs (culturelles, pédagogiques, humanitaires, …) et un sens à notre vie. Parallèlement aux relations dont on est partie par nature, plus précisément par parenté, interviennent d’autres relations librement nouées qui jouent un rôle important à l’égard de ces valeurs.

 

La plus-value énorme qu’apportent ces libertés, aussi bien par comparaison avec une société purement fondée sur la parenté qu’avec une société totalitaire, n’est guère contestée. Pourtant, les conditions essentielles à cet apport ne sont pas reconnues et elles sont aujourd’hui, en Europe, mises de plus en plus en péril. Elles concernent le rapport, et plus particulièrement la distinction, entre le droit et l’éthique (morale, bonnes mœurs), de même qu’entre les pouvoirs publics et la société civile (secteur public et secteur privé).

 

Distinction entre le droit et la morale

Une société démocratique édifiée sur des libertés requiert en tout premier lieu qu’on fasse la distinction entre droit et éthique, morale ou correction. Ceci implique aussi bien que beaucoup de ce qui est tenu par la majorité comme étant incorrect soit toléré, et aussi bien que chacun puisse trouver incorrect ce qui est permis ou même encouragé sous la forme de règles de droit par la majorité. La démocratie s’appuie sur la conviction que, pour un nombre très important de comportements humains, interdire même des comportements qui sont considérés comme incorrects ou immoraux par la majorité constitue un mal plus grand que les tolérer: in dubiis libertas. Cette tolérance fait toutefois défaut non seulement lorsque des comportements ou des opinions traditionnellement considérés comme incorrects sont interdits, elle fait bien sûr également défaut lorsqu’il est interdit de combattre comme immoraux, avec des moyens non-violents, des comportements qui sont légalement autorisés.

 

La liberté d’expression particulièrement

Permettez-moi, avant de pousser plus avant l’analyse des aspects pervers du non-respect de la distinction entre droit et éthique, de souligner entre temps l’importance particulière des libertés de conscience, d’expression et d’association. Alors que de manière générale des restrictions raisonnables sont possibles et même nécessaires à la liberté sur le plan des comportements, plus précisément pour la protection des droits d’autrui, cela vaut beaucoup moins pour l’expression des opinions, raison pour laquelle la liberté doit s’appliquer -en principe à toutes- mais tout particulièrement aux expressions d’opinions considérées comme incorrectes.

 

Est encore plus radicale la liberté de conscience: là où un pouvoir démocratique a le droit, dans certaines limites, de réglementer nos comportement, il n’a aucun droit de coloniser nos pensées. Die Gedanken sind frei; ce qui se passe dans la tête des gens ne concerne pas le pouvoir et, dans une société démocratique, les intentions des citoyens ne peuvent pas servir de fondement à une sanction pénale (autre chose étant, et étant effectivement relevant, que certains comportements soient le fait d’une mauvaise intention ou d’une négligence (7)).La liberté d’expression doit donc être tout à fait absolue.  Je ne voudrais pas non plus absolutiser la distinction entre cette liberté et les autres, telle la liberté de religion, la liberté de se réunir pacifiquement, la liberté de pratiquer le commerce ou l’industrie, de jouir paisiblement de la propriété privée et toutes les autres libertés. Mais il existe quand même entre elles une différence importante. Il y a à cela plusieurs raisons

 

  • La liberté d’opinion et d’association a, en effet, été restreinte dans notre régime actuel par les nouvelles lois de contrainte, essentiellement dans la mesure où l’expression d’une opinion constituerait une ‘incitation’ à quelque chose, et non plus seulement, comme par le passé et sous des conditions très restrictives (la diffamation), pour le contenu de l’opinion elle-même. Pourtant, sauf dans le cas d’usage de violence ou de contrainte, entre l’incitation à commettre quelques chose et l’acte commis, il y a encore place pour la libre volonté de la personne qui est incitée. Il y a là une différence essentielle avec les comportements qui causent un dommage par eux-mêmes, ou avec le fait de contraindre quelqu’un d’autre à causer un dommage (auquel cas il ne s’agit plus d’inciter, mais de contraindre, ce qui se situe dans un tout autre registre, car alors la liberté de celui qui est contraint est en cause). A une société qui reconnaît dans la personne un être doté d’une libre volonté, il est impossible d’assimiler une expression de nature à inciter à un comportement illicite, mais sans y contraindre, avec ce comportement illicite lui-même –d’autant moins qu’on puisse encore parler d’une société démocratique lorsque l’incitation à des comportements incorrects, mais non illicites, peut être punie (comme c’est le cas en Belgique aujourd’hui).

 

Un état démocratique n’interdit donc aucune expression d’opinion en tant que telle. Sauf dans le cas elle où atteint une personne, prise individuellement, dans sa dignité personnelle, individuelle. Mais c’est un non-sens de rendre punissable l’offense faite à un groupe. Il y a une différence fondamentale entre des propos qui offensent ou calomnient de façon générale et vague et ceux qui offensent ou calomnient une personne déterminée ou également une personne déterminée individuellement. Le droit à la bonne réputation qui peut justifier une restriction à la liberté d’expression est un droit individuel. Ce n’est pas un droit collectif, d’autant moins qu’il apparaîtrait que ce droit collectif ne vaudrait que pour certains types de groupes. Il est contraire à l’égalité des citoyens d’étendre ces restrictions à la liberté d’expression, qui protègent les droits d’individus, aux fins de protéger des ‘groupes’. En procédant de cette façon, on accorde à ces groupes -notamment à des groupes bien organisés qui parviennent à se faire reconnaître comme un groupe outragé ou discriminé- toutes sortes de droits collectifs dont ne bénéficient pas le groupe des citoyens ordinaires. Il n’est donc pas possible que des expressions d’opinion soient prohibées parce qu’elles seraient offensantes pour un groupe de personnes, et non pas pour une personne déterminée. J’observe, d’ailleurs, que toutes sortes de sentiments collectivement offensés sont aujourd’hui à l’évidence bien mieux protégés que, par exemple, le sentiment national des Flamands, lequel pour toute une série de faiseurs d’opinion est quotidiennement sujet à suspicion -sans pour autant, pour être bien clair, que je mette en doute leur liberté juridique de le mettre en question.

 

Cela veut-il dire que nous devons tolérer les opinions incorrectes ? Oui et non. Nous ne pouvons pas les combattre sur le plan juridique, mais nous le pouvons parfaitement avec notre discours et tout autre comportement non-violent. Si quelqu’un a le droit d’exprimer des idées incorrectes, j’ai en effet également, de mon côté, le droit fondamental de discriminer cette personne (voir plus loin). Ce qui me paraît le plus dérangeant dans le débat sur la liberté d’expression (8), c’est cette distinction qu’on opère entre ce qui est éthiquement justifié et ce qui est juridiquement toléré, de même que l’idée que la notion juridique de liberté d’expression recouvre par essence également la liberté d’exprimer les opinions les plus incorrectes.

 

L’interdiction, par le moyen d’une loi ou d’un juge, d’exprimer une opinion incorrecte est, en toute hypothèse, un mal plus grand que cette expression elle-même, pour autant qu’il ne s’agisse que de l’expression d’une opinion: «Le dommage que la parole libre va immanquablement occasionner est le prix qui doit être payé pour le droit le plus important que connaisse une société libre.» (J. GRIFFITHS, ‘Meer fatsoen en minder recht‘, NJB 2004). Il va de soi que les contradicteurs, qui jugent cette opinion incorrecte, jouissent eux aussi de la même liberté. Chacun a le droit de dire que Buttiglione est un homophobe, tout comme j’ai le droit de qualifier de phobomane intolérant et dangereux celui qui l’accuse d’homophobie. Mais dès lors que notre homophobie éventuelle devient un délit d’opinion, nous ne vivons plus dans une démocratie, mais dans un état totalitaire.

 

D’ailleurs, selon mon opinion, les expressions d’opinion ne sont non seulement pas à prohiber en tant que telles sur le plan juridique, mais elles ne doivent pas non plus être trop promptement qualifiées d’immorales sur le plan éthique. Comme l’écrivait l’anthropologue du droit anglo-néerlandais précité John Griffiths, l’expression abusive –qui donc selon lui ne peut pas être limitée par l’état, mais peut parfaitement être contestée en tant qu’incorrecte par les citoyens- ne peut pas consister dans la pensée qui est à la base de l’expression, mais seulement dans «la manière inutilement blessante dont cette pensée est exprimée. Et l’inutilité ne réside pas dans la peine que cette pensée peut causer, mais dans l’absence de toute plus-value de communication apportée par les mots ou les images qui  causent cette peine inutile: des propos orduriers, des termes lourds de significations disqualifiantes tels que ‘nazi’, des textes sacrés tatoués sur des dos nus, etc.» (fin de citation) Qu’on soit ou non d’accord avec ce dernier exemple, le cœur du problème peut difficilement être mieux exprimé.

 

On ne demanderait pas mieux que toutes les expressions d’opinion se contiennent dans les limites de la correction. Mais comment peut-on dire dans le même temps qu’il était parfaitement incorrect de la part de Théo van Gogh de parler de baiseurs de chèvre -ce qu’il a effectivement fait, même s’il ne s’agissait que d’une allusion à une recommandation faite par l’ayatollah Khomeini- et mener parallèlement dans les écoles des campagnes officielles qui font la promotion du langage grossier et proposent toutes sortes de corps nus enlacés sans la moindre plus-value communicationnelle.

 

  • La liberté d’expression a, par ailleurs, une fonction politique essentielle. Plus précisément, il est de la première importance que les citoyens puissent mettre en question les règles de droit, à condition qu’ils ne les violent pas entre temps, même dans l’hypothèse où ces règles auraient été consacrées au rang des droits de l’homme. Donc éventuellement un plaidoyer pour abroger la CEDH, ainsi que Geert Wilders en a tenu un au niveau de l’Etat néerlandais, ou un plaidoyer pour la modification des droits fondamentaux dans notre Constitution. Et pour ce qui est de cette dernière, je vise ici, bien sûr, une modification dans un sens non-socialiste. Car, pourquoi ne pourrions nous jamais modifier les textes relatifs aux droits fondamentaux que dans une seule direction -toujours plus socialiste- et jamais dans une autre direction ?

 

Et bien cette liberté a été supprimée dans les régimes belge et européen. Il s’y trouve de plus en plus de règles de droit qui sont à ce point absolues, qu’elles ne doivent pas seulement être respectées, mais qu’elles ne peuvent même pas être mises en question et sont donc élevées au rang de dogmes théologiques. La Cour d’appel de Gand a jugé, dans un arrêt fameux du 21 avril 2004, que le simple fait d’argumenter en public pour une modification discriminatoire de la loi (il s’agit d’une modification légale basée sur une distinction qui n’est pas justifiée d’une manière raisonnable et objective) est déjà constitutif d’un délit (9). Les textes de la CEDH et de la Charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne sont aujourd’hui consacrés comme étant des textes saints, qui peuvent encore à la rigueur être tatoués sur un dos nu, mais dont la remise en question est interdite et même pénalement sanctionnée. On en trouvera l’illustration dans la disposition de la Charte des fondements de la constitution européenne relative à la prévention de l’exercice abusif (article II-54), qui prévoit qu’aucun de ces droits et libertés ne peut être exercé pour en supprimer un ou pour le restreindre. Lorsqu’on sait qu’entre temps tout ou presque a déjà été élevé au rang de droit de homme, tel par exemple le droit à des congés payés, cela signifie que, après que cette constitution aurait été approuvée, il n’y aura plus de liberté de s’exprimer pour contester l’opportunité des congés payés. C’est cependant un non-sens absolu que de considérer tous les droits de l’homme comme égaux par nature et de leur attribuer un même statut. Pour moi, cette seule disposition est déjà suffisante pour rejeter cette constitution, parce qu’elle consacre une forme nouvelle de totalitarisme, une nouvelle espèce de théocratie. Cette disposition doit également nous amener à écarter comme catégorie unitaire simplificatrice tout discours sur ‘les’ droits de l’homme.

 

Assimilation perverse du droit à la morale

La distinction à faire entre droit et morale n’est pas seulement une condition d’existence des libertés fondamentales, c’est également une condition de praticabilité du débat éthique et de l’activité morale elle-même. Tendre à confondre le droit et la morale est particulièrement néfaste, pour deux raisons qui ne sont contradictoires qu’en apparence:

-          d’une part, cela aboutit à élever trop de règles de bienséance au rang de règles contraignantes -hypertrophie de la morale-, ce qui tend à asphyxier le débat moral par l’imposition d’une trop grande uniformité;

-          à l’inverse, cela conduit à ce que les règles de bienséance qui ne sont pas contraignantes perdent toute dimension morale. Ce dernier aspect constitue la perversion, traitée plus haut, de la tolérance, qui rend impossible aux citoyens d’encore contester de manière non-violente des comportements qu’ils considèrent comme immoraux en les contraignant à trouver également moral tout ce qui est légal.

Celui qui commence par interdire légalement tout ce qui est incorrect finit bientôt par considérer comme correct tout ce qui n’est pas interdit par la loi.  La distinction entre droit et morale ou correction est dès lors une condition indispensable de praticabilité pour tout débat éthique. Il est, par ailleurs, de la première importance pour la société que la légitimité de la puissance publique ne se réduise pas à sa conformité à l’ordre moral. Roger Scruton a, dans The West and theRrest, admirablement décrit comment un des problèmes les plus fondamentaux du monde arabe consiste précisément dans le fait que les pouvoirs publics n’y ont jamais possédé une légitimité autonome et n’en ont jamais eue que dans la mesure où ils ont respecté et fait respecté la loi religieuse, (sharia). Selon mon estimation, nos fondamentalistes des droits de l’homme ne sont guère mieux que les wahhabites et ils ont leur propre doctrine takfir: un état qui ne respecte pas leur conception des droits de l’homme doit être taxé d’illégitimité. Bien que je doive reconnaître que j’ai de la peine à ne pas me conformer à cette doctrine et à considérer moi aussi notre état comme illégitime…

Bien entendu, cela ne peut pas être un objectif d’avoir un ordre juridique qui soit en contradiction avec la morale, mais c’est précisément parce que la tolérance est une vertu morale qu’il est tout sauf immoral, mais essentiellement éthique justement, de ne pas imposer avec des prescrits et des interdits légaux (et donc dans bien des cas avec violence) la moralité dominante (qui n’est que celle de ceux qui détiennent le pouvoir). Un ordre juridique qui tolère des opinions et même des conduites malséantes, voire immorales est dans le même temps un ordre moral, car il exerce la vertu de tolérance; il pratique une morale plus complexe que la morale simpliste qui juge que tout ce qui est incorrect doit être réprimé par le bras des juges et des inquisiteurs, donc sur le plan juridique. Un argument supplémentaire important en faveur de cette tolérance est apporté par Koen Raes, qui souligne qu’une conviction éthique acquise sous la contrainte perd toute valeur (10). La moralité requiert la liberté.

 

Tout ceci est exprimé de manière étincelante par un des plus grands juristes de tous les temps, Friedrich Carl von Savigny. Lorsqu’il traite de l’essence du droit, il souligne le fait que le déploiement de la personne humaine exige une liberté au sens juridique, un espace de liberté. «Das Recht dient des Sittlichkeit, aber nicht indem es ihr Gebot vollzieht, sondern indem es die freie Entfaltung ihrer, jedem einzelnen Willen innewohnenden Kraft sichert” (11). En paraphrasant, cela signifie que le droit ne doit pas imposer la morale par des commandements, mais en donnant à la personne un espace de liberté, espace sans lequel elle n’a pas la possibilité d’agir moralement. Ce fondement de notre ordre juridique a au cours du vingtième siècle été soumis à une pression de plus en plus forte. Pour être tout à fait clair, Savigny ajoutait immédiatement que même un exercice de cette liberté qui n’aurait pas été respectueux de l’éthique n’en demeurerait pas moins dans le champ de cette liberté.

 

Alignement pervers du devoir civil et du devoir politique

Est tout aussi fondamentale pour le rejet du totalitarisme la distinction qui doit être faite entre les agissements du pouvoir public et ceux du citoyen dans la civil society. Le pouvoir ne peut pas discriminer et ses actes doivent être légitimés: il doit pour toute discrimination fournir une justification objective et raisonnable. Ceci en ce que la reconnaissance d’espaces de liberté par le pouvoir tient essentiellement au fait que la loi est imposée également à celui qui ne l’aurait pas approuvée. Sans cette réserve, une démocratie ne serait rien de plus qu’une dictature de la majorité. Le citoyen ne dispose pas cependant de la position monopolistique du pouvoir. Dans un état non-totalitaire, il y a une différence fondamentale entre les devoirs et libertés du citoyen et les devoirs et libertés du pouvoir. Au pouvoir s’applique le principe de légalité et l’interdiction de discrimination, et non aux citoyens qui ne disposent pas d’une situation de monopole. Il va de soi qu’un citoyen devra se justifier s’il contrevient à la loi. Toutefois, dans un état non-totalitaire, la loi implique que, pour un citoyen, il n’existe aucune obligation générale de justifier les choix qu’il opère dans la société, mais bien les libertés qui l’en affranchissent: liberté personnelle, liberté d’expression, liberté de religion, liberté d’association, etc. A cela s’ajoute qu’il peut exister des limites externes à ces libertés mais que, à l’intérieur de ces limites, on ne doit pas produire de justification pour l’exercice de cette liberté: la liberté elle-même est en effet précisément la justification de tout choix opéré à l’intérieur de ces limites externes. C’est pourquoi une interdiction de discrimination imposée aux citoyens est une atteinte totalitaire à la démocratie. En d’autres mots: la liberté de discriminer est l’essence même de toute liberté fondamentale et elle est dès lors la plus fondamentale des libertés.

 

Explication en sept points

Une liberté exclut toute nécessité de justification; interdire une discrimination est donc la négation de cette liberté.

Aux termes de l’article 2 de la loi anti-discrimination (ci-après en abrégé LAD), la discrimination est ‘toute différence de traitement -même apparemment neutre- qui n’est pas justifiée d’une manière objective et raisonnable ???’. Son interdiction dans tout comportement de la vie sociale (donc en dehors du cercle privé au sens strict du mot) implique dès lors, par définition, l’obligation pour quiconque de justifier de manière objective et raisonnable tout comportement qui traite des personnes de manière différente, sous quelque rapport que ce soit (la liste limitative des critères de discrimination interdite a, en effet, été retirée de la loi comme étant elle-même discriminante (12)). Ceci est la lettre de la loi qui a été approuvée par tous les partis dits démocratiques, les prétendus libéraux en premier. Il ne s’agit pas ici d’une obligation morale ou éthique, mais d’une obligation légale, qui dans un grand nombre de cas est sanctionnée pénalement avec des peines de prison qui peuvent aller jusque un an, et encore plus dans certains cas particuliers.

 

Cette interdiction implique une Einlassungszwang bien trop poussée, soit une obligation de se défendre en droit. Le pouvoir se ménage ici un bon nombre de possibilité de chantage. Dans notre système juridique, n’importe qui peut être assigné pour n’importe quoi (sous la réserve qu’il peut réclamer des dommages et intérêts si l’action est téméraire et vexatoire), mais il revient au législateur de veiller à ce qu’une trop grande part de la vie privée ne se trouve pas judiciarisée. Estimer que tout comportement de la vie doit s’apprécier en termes juridique comme étant bon ou mauvais est du panjuridisme. Bon nombre de choses ne doivent être jugées ni bonnes ni mauvaises (confusion évoquée plus haut entre droit et morale). Mettre sur pied un système juridique qui incite à attaquer ses concitoyens, non seulement verbalement, mais civilement et pénalement, peut être rapproché de la libéralisation de la possession d’armes à feu: cela ne justifie pas tout usage d’arme à feu, mais cela augmente les probabilités d’usages injustifiés et cela rend la société plus violente.

 

 Mais indépendamment de cela, le reproche principal réside, comme il a été dit, dans le fait que l’essence des libertés consiste précisément à être libre dans des limites déterminées et à ne pas devoir dès lors justifier auprès des autorités son action de manière objective et raisonnable. C’est la liberté elle-même qui justifie le choix et qui affranchit de toute autre justification. Lorsque cette liberté ne peut être exercée que pour opérer des choix jugés objectifs et raisonnables par le pouvoir, le citoyen est réduit à la dimension d’organe de l’état total. Ladite interdiction de discriminer n’est donc rien moins que l’abolition de la liberté personnelle.

 

A ceux qui objecteraient que la discrimination est anti-chrétienne, je rappellerai la réplique sans ambiguïté du Christ dans l’évangile de Matthieu, au chapitre 20 verset 13: le maître qui avait engagé des ouvriers pour sa vigne payait, aux ‘ouvriers de la onzième heure’ autant que ce qu’il avait promis et payé aux ouvriers qui avaient travaillé la journée entière. Ces derniers se plaignaient d’être discriminés et la Bible leur répond ce qui suit: «Je ne vous ai pas causé d’injustice. N’étions-nous pas convenus d’un denier ? J’entends donner à ces derniers autant qu’à vous. Ou ne puis-je pas faire ce que je veux de mes biens ? Ou votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ?» Le Christ a mis alors le doigt sur la plaie: l’exigence d’un traitement égalitaire est elle-même inspirée par un comportement qui est éthiquement  négatif, à savoir l’envie. Dans notre pays, aujourd’hui, le Christ atterrirait en prison, du chef d’incitation à la discrimination. Et si quelqu’un devait à présent m’opposer le verset 12 du chapitre 7 de l’évangile de Matthieu: «Tout ce que voudriez que les hommes vous fassent, faites le pour eux.», je lui répondrais: je souhaite effectivement que les hommes me laissent la liberté de discriminer et je leur laisserai la même liberté.

 

Ne vous laissez pas abuser par les formules, proprement exorcistes, qui sont utilisées de bonne ou de mauvaise foi pour prétendre qu’une loi anti-discrimination ne porte pas atteinte à la liberté. La question n’est pas, bien évidemment, de savoir si ces loi et leurs applications prétendent porter atteinte aux libertés fondamentales, mais bien de savoir si elles le font effectivement. Je vais vous citer un exemple de bonne foi, et aussi de naïveté, et un exemple de mauvaise foi.

-          L’exemple de naïveté, c’est l’article 3 LAD, qui dispose que ‘Cette loi ne porte pas préjudice à la protection et à l’exercice des droits et libertés fondamentales repris dans la Constitution et dans les conventions internationales des droits de l’homme. ???’ Cet article résulte d’un amendement bien intentionné du sénateur Hugo Vandenberghe, un des rares chrétiens démocrates qui ait eu le courage de tirer sur le frein au parlement. Les autres partis ont approuvé son amendement, probablement parce qu’ils savaient déjà qu’ils pourraient en faire usage comme d’un cache-honte. Il est en effet apparu que toute portée pour cet article à été évacuée par une doctrine et une jurisprudence liberticide -la loi n’avait pas encore été publiée au Moniteur Belge que même les juristes généralement modérés écrivaient déjà qu’il allait de soi que l’article 3 ne signifiait pas que cette loi n’apporte aucune limitation aux libertés fondamentales, mais seulement que ces libertés doivent à présent être dosées au crible du droit à un traitement égal (voir divers auteurs dans l’ouvrage Vrijheid en gelijkheid (Liberté et égalité), notamment J. VELAERS, ‘De antidiscriminatiewet en de botsing van grondrechten’(La loi antidiscrimination et sa collision avec les droits fondamentaux)). La loi dit pourtant ‘ne porte aucun préjudice ???’ et pas ‘doit être dosée’. La jurisprudence laisse bravement cette disposition de côté. Dans l’Arrêt de la Cour d’arbitrage sur la LAD (157/2004), l’article 3 LAD n’est même pas mentionné, bien que, dans ma requête, il en avait été tiré expressément argument. C’est comme si cette disposition n’existait tout simplement pas.

 

En bref, c’est un peu comme si on libérait un meurtrier en série à condition qu’il dise de son propre mouvement qu’il n’est pas un meurtrier et qu’il justifie sa libération en expliquant qu’un équilibre doit être recherché entre le droit de tuer du meurtrier et le droit à la vie de ses victimes potentielles et que le juge soit assez intelligent pour trouver cet équilibre.

-          Un exemple de mauvaise foi, d’où ressort ce qu’on vise, semble-t-il, par cet équilibre, se trouve dans l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 21 avril 2004, contre la Vlaamse concentratie et ct. L’arrêt affirme, sous le point 2.2.2, que ‘l’article 3 de la loi du 30 juillet 1981 n’installe en aucune manière le despotisme de la ‘pensée correcte’ et une critique, fût-elle violente et formulée par quelque groupe ou association que ce soit, et d’autant plus par un parti politique, est et reste possible’, mais il se prononce contre, dans le même alinéa déjà, en exigeant que les propositions visant à apporter des solutions aux problèmes de la société multiculturelle ne puissent être formulées que si elles sont objectivement et raisonnablement justifiables ! Ainsi qu’il apparaît plus loin dans l’arrêt, une argumentation, en faveur d’une modification de la loi, qui selon un juge ne serait pas raisonnablement justifiée, constituerait donc un délit dans notre pays. Si le fait d’argumenter en faveur d’une législation qui n’est pas objectivement et raisonnablement justifiée constitue un délit dans notre pays, il est surprenant qu’un bon nombre de parlementaires ne soient pas en prison. Quoi qu’il en soit, proclamer qu’on n’impose pas de cette manière un despotisme, ainsi que le fait l’arrêt, fait irrésistiblement penser à la toile de Magritte qui porte le titre ‘Ceci n’est pas une pipe’.

 

Contradiction avec le principe de légalité et de sécurité juridique

Une interdiction générale de toute discrimination est un attentat contre le principe de légalité et de sécurité juridique et un déplacement injustifiable du pouvoir du peuple et de ses représentants vers le juge. C’est en criante contradiction avec le principe de base, cité plus haut, de l’état de droit que les Grecs ont développé il y a déjà vingt-cinq siècles: the rule of laws, not of men. Or l’interdiction de discriminer est si vague et sujette à tant d’interprétations subjectives qu’elle fait de tout juge pris individuellement un législateur, et cela dans un domaine où on fonctionne avec des sanctions pénales et où le principe de légalité n’en devrait que d’autant plus être pris en compte.

 

L’argument classique pour justifier cette abolition de la liberté, c’est qu’il se trouve toujours inscrit dans les conventions que les libertés peuvent être limités lorsqu’il s’agit de protéger les droits d’autrui. Mais la limitation de la liberté qui impose une interdiction de toute discrimination en matière de libertés est à cet égard d’une nature totalement différente que la limitation des libertés par les droits d’autrui. Tout d’abord, cette protection n’est pas accordée seulement à autrui, mais également à ce qu’on désigne comme des groupes; j’ai déjà formulé pour une large part ci-avant ma critique à leur égard. Ensuite, l’interdiction de discrimination ne s’étend pas du tout à la protection des droits qu’un tiers possède déjà contre son concitoyen, comme le droit à la vie, à l’intégrité corporelle, à la liberté personnelle, à la propriété privée et à la jouissance paisible de celle-ci (protection contre un trouble anormal, contre un endommagement, contre l’éviction, etc), à son intimité familiale, à son honneur, etc. On dispose de droits individuels quelle que soit la manière d’agir du concitoyen discriminant.

 

Mais placer au nombre des possibilités de limiter (ces droits ???) un droit à un traitement égal est une perversion du principe de légalité dans la restriction des libertés fondamentales, une perversion qui doit donner à la théologie dominante de l’égalité un blanc-seing pour vider complètement ces libertés de leur contenu. Cette restriction ne protège notamment en aucune manière les droits des tiers qui existent déjà par eux-mêmes, mais elle crée un nombre indéfini de droits ‘à la même chose’ de la part de tous les citoyens contre tous les autres. Mais une liberté fondamentale est précisément la liberté de marquer des différences qui vont à l’encontre des conceptions ou de la morale dominantes; lorsque celles-ci considèrent que le sexe, l’origine, la religion, etc ne sont pas relevants pour un comportement donné, la liberté fondamentale c’est dès lors en l’espèce de les trouver relevants.

 

Il existe bien entendu des quantités de cas où des comportements discriminatoires constituent des actes illicites, non pas parce qu’ils sont discriminants, mais parce qu’ils sont illicites indépendamment du fait qu’on opère ainsi ou non une distinction entre citoyens. L’idéologie anti-discrimination pervertit notre pensée relativement aux droits à protéger et aux actes illicites. Le raisonnement vicié s’est même infiltré dans les arrêts de la Cour d’arbitrage, qui qualifie toute atteinte portée par le législateur à un droit fondamental de discriminante et, pour cette raison, d’inconstitutionnelle. Il s’agit là d’une évolution aberrante imputable au fait que, jusqu’il y a peu, la Cour d’arbitrage ne pouvait scruter des textes légaux qu’en fonction de l’interdiction de discrimination, et non en fonction des droits fondamentaux. Bien malheureusement, la Cour a après cela encore fait usage de la formule. Lorsqu’on pousse plus avant le raisonnement de la Cour d’arbitrage et Cie, un meurtre ne serait pas punissable parce que c’est un meurtre, mais parce qu’il constitue une atteinte discriminante au droit à la vie. Le résultat de ce Newspeak, c’est que, à l’inverse, les droits fondamentaux et les droits (vie, intégrité corporelle, propriété, honneur) précités sont moins fortement protégés que ce fameux droit à un traitement égal -ainsi que cela ressort bien du point suivant

 

Le législateur punit les motivations au lieu des comportements

Une interdiction de discriminer est totalitaire également en ce qu’elle ne se préoccupe pas seulement des comportements, mais également des motifs des citoyens. Lorsqu’un citoyen commet un délit, sont relevants pour l’appréciation de celui-ci son caractère intentionnel ou la négligence, mais pas ses motifs précis ou l’absence de motifs précis. Pour moi, le vol est punissable parce qu’il constitue une atteinte à la propriété, et pas parce qu’on y discrimine le volé par rapport aux autres. Mais aujourd’hui, selon certains, la discrimination est plus grave qu’aucun autre délit (elle justifie en effet des cordons sanitaires, lesquels ne sont pas installés à l’égard d’autres malfaiteurs et de leurs partis). Le législateur a repris ce même raisonnement stupide dans le Code pénal, sous la forme de facteurs d’aggravation des peines pour une série de délits. Je trouve toutefois nauséabond que, dans notre code, la peine prévue pour un meurtre, des coups et blessures, un vol, etc diffère selon les motifs de ce meurtre, de ces coups, de ce vol. Si la motivation de leur auteur a été discriminante, il sera puni plus sévèrement que quelqu’un qui a commis le délit de manière arbitraire. Cela signifie que quelqu’un qui est victime d’un acte illicite commis sans raison est moins bien protégé que quelqu’un qui en aurait été la victime pour sa religion, la couleur de sa peau ou ses convictions politiques, et cette dernière personne serait à nouveau moins protégée si une ‘justification objective et raisonnable’ pouvait être fournie pour le délit. Peut-on trouver plus absurde ? Cette absurdité a été justifiée par le gouvernement au moyen de toutes sortes de théories sur les sentiments des victimes de délits de haine. Selon ces théories, les personnes qui sont agressées, volées, offensées, etc, sans aucun motif discernable dans le chef de l’auteur ressentiraient donc le fait moins profondément que ceux qui peuvent découvrir chez l’auteur des motivations répréhensibles ? Elles en éprouveraient moins de sentiment de peur, d’impuissance et d’isolement. Il existe des arguments au moins aussi convaincants pour prouver le contraire. Quelqu’un qui est agressé sans motif a, en effet, encore bien plus de raisons de craindre et de se sentir désarmé que quelqu’un qui connaît les motivations de son agresseur.

 

Réductionnisme rationaliste

Une quatrième objection réside dans le fait que les citoyens ne sont pas seulement tenus de justifier devant le juge leurs comportements dans la vie sociale, mais même de les justifier de manière objective et raisonnable. Mis à part le fait que les critères de justification objective et raisonnable sont fixés par le juge lui-même, il y a encore l’objection que bien des affaires peuvent parfaitement être justifiées, encore que le juge, à l’issue d’un processus juridique avec son argumentation formalisée, aboutisse à la conclusion qu’elles n’ont pas été justifiées objectivement et raisonnablement par le prévenu.

 

Prenons la parabole évoquée plus haut des travailleurs de la onzième heure de l’évangile de Matthieu. Ils reçoivent autant de salaire pour moins de travail, ce qui signifie que les autres, pour le même travail, ont reçu beaucoup moins. Considéré en salaire, ils n’ont reçu qu’un onzième de ce qu’ont reçu les travailleurs de la onzième heure. Un salaire inégal pour un travail égal constitue une différence qui, sans aucun doute, est discriminatoire dans le cadre des réglementations européenne et belge et dès lors prohibée.

 

Mais est-ce tellement évident ? Est-il vraiment inadmissible qu’un employeur paye un travailleur à temps partiel, qui est chômeur pour le reste du temps, autant qu’il payerait un travailleur à temps plein ? L’un et l’autre ont quand même plus ou moins les mêmes besoins et nécessités. Pourquoi payer selon les besoins serait-il plus déraisonnable que payer selon la prestation ? La chose ne serait inadmissible que si le pouvoir l’imposait, par l’instauration du communisme, mais il serait également inadmissible de l’interdire. Cependant, sous l’empire de la loi anti-discrimination, tout ce qu’on trouve raisonnable doit également pouvoir être transposé sous la forme d’un raisonnement juridique susceptible d’une certaine généralisation; tout geste d’équité, de générosité qui ne s’inscrit pas dans le cadre d’une règle, mais est limité à un cas particulier, est en cela contraire à la loi. Il existe des conceptions très différentes de l’équité: le pouvoir dispose des compétences pour organiser, au moyen des impôts et des cotisations sociales, une certaine redistribution et pour faire la promotion d’une justice d’échange au moyen des règles du droit patrimonial et de l’organisation de marchés. Mais dans un état non-totalitaire, la compétence du pouvoir ne porte pas plus loin. La législation anti-discrimination n’accepte plus pour des cas de ce type qu’un seul modèle d’équité: la méritocratie. Mais lorsqu’on doit donner dans tous les cas une fonction à la personne qui possède le plus d’aptitudes, c’est toujours celle qui a le plus qui obtient encore plus (13).

 

On peut évidemment toujours dire qu’il est possible de discriminer positivement, mais il est démontré qu’imposer une discrimination positive n’aide pas en fin de compte les groupes désavantagés. Par-dessus le marché, on se retrouve moralement empêtré dans des contradictions internes: on ne peut pas imposer la     non-discrimination et pratiquer dans le même temps une discrimination dite positive. Discriminer positivement implique qu’on avantage quelqu’un, non du fait de ses besoins personnels, mais du fait de son appartenance à un groupe désavantagé (de manière euphémique, on appelle cela une politique de groupe-cible). La justification de cette politique -différente d’une politique sociale normale en faveur des plus démunis en tant que personnes- est souvent à trouver dans une Wiedergutmachung (réparation) pour des fautes du passé. Les Noirs aux Etats-Unis devraient être avantagés, non pas parce qu’ils auraient des besoins sociaux individuels, mais parce que leurs ancêtres ont été discriminés et que cela doit aujourd’hui être corrigé par une discrimination inverse, même s’il s’agit de descendants de la cinquième génération si pas plus. Ainsi que cela a été démontré par une autorité américaine en la matière, c’est une absurdité. Effectivement, les femmes elles aussi constituent un groupe désavantagé et, dès lors, quiconque descend d’une femme doit être positivement discriminé par rapport à qui n’en descendrait pas.

 

Pour en revenir à l’essentiel de mon quatrième argument: il n’existe pas qu’une seule espèce de justice et qu’une seule forme de vertu et nombre de vertus humaines ne sont pas réductibles à une justification objective et raisonnable. L’amour du prochain, l’amitié, la générosité, la loyauté et la fidélité, le courage, la compassion, la gratitude, l’humour. Dans notre régime fondé sur l’anti-discrimination, ces vertus sont refoulées de la vie sociale vers la sphère strictement privée et sont rendues suspectes. Dans la vie sociale, il n’y a plus de place que pour une justification raisonnable, soit pour un calcul froid. Les démunis n’auraient-ils besoin que d’une non-discrimination froide, objective et rationnelle, ou d’humanité, d’attachement ou de sentiments, qui sont précisément discriminants, tels que la sympathie, l’amitié, la générosité ? Mieux encore, les faibles sont les victimes de la législation anti-discrimination, du fait de leur environnement de vie qui est détruit et du fait qu’ils sont particulièrement dépendants d’un engagement concret de leur prochain, lequel n’existe que lorsqu’il y a entre les personnes un attachement qui trouve son expression dans des relations sociales et des institutions qui génèrent une identité de groupe (14). Ce sont en effet, précisément, les structures traditionnelles de solidarité qui disparaissent dans une société qui n’est plus fondée que sur des droits individuels (droits de l’homme et autres) et dans laquelle finalement ce sont les liens qui sont basés sur des intérêts strictement économiques qui résistent le mieux. Ou, comme M. Gauchet l’écrivait  dans ‘Quand les droits de l’homme deviennent une politique’ (15): les droits de l’homme organisent une liquidation de «l’ensemble des facteurs structurants qui continuaient de figurer une transcendance des collectifs par rapport aux individus». Une véritable démocratie exige une société civile dans laquelle l’attribution commune de signification et les signes qui donnent un sens à notre vie en communauté sont représentés et retransmis (16).

 

Mais faisons encore un pas de plus dans l’analyse des conditions d’une justification ‘raisonnable’. De l’exposé des motifs et de l’application de la loi anti-discrimination, de même que des argumentations développées par ses défenseurs, il ressort notamment que cette raison est réservée à une figure humaine unique ‘politiquement correcte’. Une image conservatrice de l’homme, qui se montrerait très réservée à l’endroit de la malléabilité de l’homme, est considérée comme déraisonnable. La loi anti-discrimination repose précisément sur le refus ‘to see reasons in the given world’, le refus d’accepter le caractère incomparable de l’homme et le caractère non-malléable de la société, le refus d’accepter les limitations humaines, et la rancune qui se greffe là-dessus. Je citerai à cet égard le livre d’Hannah Arendt ‘The burden of our time’(17), qu’elle remaniera plus tard sous le titre célèbre ‘The origins of totalitarism’. Elle parle du nihilisme de l’homme moderne et de sa rancune, rancune due au fait qu’il ne peut accepter ses limites, parce qu’il voudrait être son propre créateur: «Modern man has come to resent everything, even his own existence -to resent the very fact that he is not the creator of the universe and himself. I this fundamental resentment, he refuses to see rhyme or reason in the given world. (..) The alternative for this resentment, wich is the psychological basis of contemporary nihilism, would be a fundamental gratitude for the few elementary things that are invariably given us, such as life irself, the existence of man and the world. (..) into the tremendous bliss that man was created with the power of recreation, that not a single man but Man inhabit the earth.”

 

L’homme qui discrimine est un homme qui s’oppose au nihilisme égalitaire, lequel nous oblige à considérer tout comme équivalent, et dès lors sans valeur.

La loi anti-discrimination ne vise, par ailleurs, en aucune manière à protéger les faibles, mais elle est «un instrument pour imprimer à la sphère sociale une uniformisation poussée, à l’opposé de toutes les distinctions traditionnelles. (..) A partir d’idées abstraites, rationalistes, tels les droits de l’homme, les droits de l’enfant, … toutes sortes de choses doivent inévitablement disparaître, telles les discriminations inadmissibles.» (H. de Dijn, Tertio, 11 décembre  2002)

 

Le principe d’égalité et de non-discrimination est destiné à briser les anciens liens et à réduire les traditions. La famille, l’origine, la nationalité, l’appartenance religieuse et l’identité culturelle doivent devenir des produits jetables, sauf peut-être pour des groupes minoritaires. Nombre de vertus sociales ne requièrent pas de l’objectivité, mais de la subjectivité. Et non seulement les vertus qui sont les plus importantes dans la société sont souvent celles qui précisément ne donnent aucune justification raisonnable et objective à des préférences et à des traitements distincts, mais il y a mieux: nombreux sont les traitements, les activités, les choses qui sont précisément sans valeur lorsqu’elles ne reposent que sur une justification raisonnable. Que valent l’amour et l’amitié qui sont exclusivement fondés sur une justification objective et raisonnable ?  Que vaut la générosité si elle repose exclusivement sur une justification objective et raisonnable ? Que vaut une reconnaissance qui est réduite à cela ? Que sont la fidélité et la loyauté, que valent toutes ces vertus si importantes dans notre vie en communauté si elles ne sont que raisonnablement justifiées. Amour, amitié, fidélité, bref tout ce qui donne sens et valeur à la vie est, en effet, par essence fondé sur la discrimination; et cela devient sans valeur lorsque cela ne repose que sur une justification raisonnable et objective.

 

L’idéologie anti-discrimination a donc comme effet, et probablement comme objet, en tout cas comme résultat d’imposer le nihilisme à la civil society. Et ce n’est qu’en aménageant un espace de liberté dans lequel les gens ont le droit de discriminer -à savoir une société civile- que les vertus humaines peuvent s’épanouir, que les hommes ont la possibilité de donner du sens à leur vie, de transmettre du sens, de vivre leur identité, de pratiquer la sollicitude et la solidarité. Et n’y porte nullement atteinte la probabilité que, au sein de cet espace de liberté, il se produise également des faits de moins bon aloi et des comportements qui sont tout sauf vertueux.

 

Par contre, l’idéologie anti-discrimination, en tant qu’expression du nihilisme contemporain, est une agression contre tout ce qui a trait à l’attribution de sens. Elle bannit la subjectivité humaine de la vie sociale. Comme il a été exposé plus haut, faire coïncider droit et morale implique en fait l’évacuation de la morale, de l’éthique. Sous le masque de la promotion de la moralité, l’idéologie anti-discrimination fait en réalité la promotion du comportement amoral et elle bannit de la vie publique toute transmission de sens et toute pratique identitaire. Elle refoule hors de la sphère sociale tous ces aspects de notre humanité vers la sphère strictement privée. Provisoirement du moins, car l’idéologie totalitaire n’arrêtera bien sûr pas là son irrésistible ascension, mais elle a l’intention à terme d’investir également le cercle familial -qu’on considère, par exemple, ce qui se passe avec les droits de l’enfant, avec l’immixtion de l’état dans l’éducation, dans l’enseignement à domicile, etc. L’attribution de sens, le vécu de l’identité, l’amour du prochain requièrent cependant que nous fassions parfois précisément la différence là où il n’existe plus de justification objective. Le combat contre le refroidissement de la société exige donc de nous que nous incitions les gens à la discrimination, une ‘discrimination positive’, il est vrai, en donnant à leur prochain plus que ce à quoi il a droit. Mais il s’agit bien entendu quand même encore toujours de discrimination, puisque les autres ont reçu moins (seulement ce à quoi ils ont droit an sich). «La discrimination est donc un pas dans la direction de l’indifférence qui va réfrigérer notre société humaine.» (18)

 

Entreprise de sape de la open society

L’interdiction de discriminer institutionnalise la suspicion dans les relations publiques interhumaines. En d’autres mots, c’est une source d’aigrissement, monsieur Stevaert. Donner à quiconque la possibilité de mettre en cause comme incorrect tout comportement d’un concitoyen dans la vie sociale mine la disposition des gens à encore avoir une activité sociale. Cela rend invivable toute relation ‘ouverte’ avec des étrangers. Cela incite à adopter un comportement qui évite les contacts et à pratiquer les circuits non-publics pour l’expression d’opinion et l’échange de biens et de services.

Cela menace la open society et renforce la Vier Augen Gesellschaft. (19) Les principaux perdants de l’opération sont les faibles, qui sont en effet ceux qui ont le plus besoin d’une sphère publique, où trouver ce qu’ils recherchent et qui soit basée sur une série de valeurs humaines, fondées par essence sur d’autres motifs qu’une justification raisonnable et objective: confiance, amitié, fidélité, loyauté, solidarité, probité intellectuelle, courage, sollicitude, estime, attribution de sens (pour citer ces valeurs civiques dont notre société, à entendre le Prince Philippe, a un si grand besoin (20). Ce sont eux aussi qui ont particulièrement besoin que les contacts sociaux n’aient pas lieu qu’avec des personnes qu’ils connaissent déjà. C’est là quelque chose que la loi anti-discrimination ne favorise pas. Lorsque je veux donner en location mon appartement et que je le fais savoir publiquement, je cours le risque d’être traîné devant un juge par chaque candidat locataire qui s’est senti frustré. Si je répond que j’ai loué à quelqu’un d’autre parce que je le trouvais plus aimable ou parce qu’il en avait plus besoin, je serai probablement condamné.

 

Ce n’est que si je fais usage d’une pure logique de profit que le juge me donnera raison. Je vais donc, cela va de soi, m’efforcer d’éviter de proposer publiquement mon appartement en location et ne l’offrir qu’à des amis et connaissances et à leurs amis au sein de leur réseau de connaissances. C’est de cette manière que les faibles y perdent, car ils ne disposent pas de ce genre de réseaux. Sans l’interdiction de discrimination, ils auraient peut-être été discriminés, mais ils auraient de toute manière eu plus de chances. C’est eux qui ont le plus grand besoin d’une open society. «Les bénéficiaires privilégiés de l’instauration de ce monstre difforme sont aisés à désigner: quelques groupes de minorités bien organisés, qui définissent aujourd’hui les agendas politiques, déconstruisent l’ensemble de la société et la colonisent en fonction de leur intérêt partisan.» Je reproduis ici la petite phrase pour laquelle j’ai obtenu une nomination pour le prix 2003 de l’homophobie (malheureusement pour moi, le Vatican s’était exprimé avec une formule encore plus homophobe que la mienne -je ne comprends pas comment c’est possible- et il est filé avec le prix. Par ailleurs, il ne s’est trouvé personne à la Fédération Holebi (Homo-lesbo-bisex) en mesure de justifier publiquement leur nomination).

 

La partisan tolerance

Parvenus à ce point, les idéologues de l’anti-discrimination vont probablement s’efforcer d’objecter que tout cela ne va pas se passer de cette manière, que cette loi n’a quand même été mise en place que pour combattre les cas extrêmes les plus marginaux et que les bons citoyens ne doivent pas en avoir peur. Et bien cela ne fait que rendre la chose encore pire. Promulguer une loi inique parce qu’elle ne sera appliquée qu’aux méchants revient à peu près à dire que les grands criminels ne doivent pas bénéficier d’un procès en règle puisqu’il ne s’agit quand même que de grands criminels.

 

Cet argument, comme les autres arguments pro, révèle bien qu’une interdiction de discrimination dans les relations privées est un exemple d’école de la partisan tolerance, telle que la définit Marcuse. Selon cette doctrine, la tolérance ne peut jamais exister que dans une seule direction, la ‘bonne’, bien entendu. Il en est de même, l’interdiction de discrimination, qui est une mesure qui a été mise en place par une idéologie pour n’être appliquée que dans une seule direction idéologique déterminée, et bien sûr jamais dans une autre. Ce n’est pas par hasard que l’interdiction de discrimination du chef de convictions politiques n’a pas été reprise dans la loi et n’y est apparue que par le fait que la Cour d’arbitrage a estimé que cette limitation était elle-même discriminatoire. Ceci rend évident que nous nous trouvons dans un régime où certains partis discriminent de manière effective ceux qui pensent autrement qu’eux, sous le prétexte que ces derniers inciteraient à la discrimination. Si ces règles étaient appliquées de manière non-partisane, elles devraient l’être d’abord aux partis qui ont voté ces lois. Quand va-t-on sanctionner les partis qui ont voté ces loi liberticides, au lieu de punir ceux à qui cette intention a simplement été attribuée par leurs adversaires ?

 

La loi anti-discxrimination ne vise donc pas du tout à rendre les rapports entre citoyens plus corrects, plus moraux. Par cette application perverse du principe d’égalité -à savoir comme une arme tendue aux citoyens dans leurs rapports mutuels et non comme une exigence qui ne s’impose qu’au pouvoir-, la population risque de se retrouver plus que jamais divisées en catégories, hommes et femmes, autochtones et allochtones, hétérosexuels et homosexuels, etc. Cela débouche sur une nouvelle balkanisation de la société, au sein de laquelle ces groupes se trouvent opposés les uns aux autres. Cela aboutit plus d’une fois à des régimes de quotas, par lesquels des personnes se voient attribuer quelque chose parce qu’elles correspondent à un critère ‘illégitime’ déterminé. En fait, tout cela n’est que symptomatique de quelque chose qui tient à l’essence même de l’idéologie anti-discrimination, à savoir qu’elle est elle-même discriminante et qu’elle l’est par nature. Elle discrimine parce qu’elle part d’une distinction entre les bons et les méchants, entre ceux qui discriminent et ceux qui ne discriminent pas et qu’elle prétend justifier de cette manière la discrimination qu’opèrent certains discriminateurs. C’est une idéologie qui sert à justifier sa propre discrimination et à prohiber celle des autres.

 

Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il est grand temps d’inscrire, à côté, ou mieux au-dessus, de ces quarante-cinq ou plus encore droits de l’homme qu’on a déjà conçus pour la constitution européenne et autres déclarations ronflantes, le plus fondamental de tous les droits de l’homme, la liberté la plus fondamentale: la liberté de discriminer

 

  1. PUF, Paris 2004
  2. Milan KUNDERA et Michael WALTZER ont qualifié cette dernière idée de ‘gauche kitsch’: “There is nothing to gain from the merger, for the chief value of all this marching lies in the particular experience of the marchers. There is no reason to think that they are all heading in the same direction. The claim that they must be heading in the same direction, that there is only one direction in wich goodhearted (or ideologically correct) men  and women can possibly march is an example -so writes the Czech novelist Milan Kundera in The Unbearable Lightness of being (Part VI: ‘The Grand march’)- of leftist kitsch.” (M. WALZER, Thick and thin, pp. 8-9)
  3. J’ai approfondi ce point dans ma causerie intitulée ‘Tolérance’ au congrès national du Davidsfonds, Anvers 20 avril 2002, in ‘De Vlaamse Beweging. Welke toekomst ?’, Davidsfonds Louvain 2002, p. 164-179. version légèrement corrigée sur le site http://www.storme.be/tolerantie.html; légèrement abrégé sous le titre ‘Tolerantie: een complexe deugd’, in Nieuwsbrief Orde van de Prins 2003, n°4, p.6
  4. Sur ce point, voit B. BOUCKAERT, ‘Tolerantie en permissiviteit: een decadente verwarring ?’, in Tolerantia, een cahier van de Orde van de Prince, Orde van de Prince, 2000, p.47 ss
  5. TODOROV, lors de la réception des spinoziens en 2004
  6. A. FINKIELKRAUT, ‘Tolerantie, de laatste tiran ?,’De groene Amsterdammer, 2 décembre 1998, http://groene.nl/1988/49af_tolerantie.html; A. FINKIELKRAUT, L’ingratitude, Conversation sur notre temps, Gallimard, Paris 1999, p.196 et ss et 204 et ss, en néerlandais sous le titre Ondankbaarheid, Contact, Amsterdam 2000.
  7. C’est la distinction entre meurtre et homicide, tout autre chose est la question du motif du meurtrier.
  8. A titre d’exemple, une contribution dans laquelle cette distinction fait totalement défaut: Jan BLOMMAERT, ‘De crisis van de vrijmeningsuiting’ Samenleving en politiek, décembre 2004, également consultable sur http://cas1.elis.rug.ac.avrug/crisis.htm.
  9. Sous le point 2.2.1: «Pour ce qui concerne l’incitation, il est acquis que suffit déjà un vague encouragement à commettre une discrimination, une ségrégation, à céder à la haine, à la violence. De même tenir à des concitoyens, dans les conditions de publicité de l’article 444 du Code pénal, un plaidoyer en faveur d’une modification législative discriminante peut dès lors, même si une telle modification ne peut être mise en œuvre que de la manière prévue par la Constitution, être incontestablement considéré comme un encouragement en général à la pratique de la discrimination.»
  10. K. RAES, «Tolerantie onder druk: wederzijds respect of wederzijdse onverschilligheid”, 42. Ons erfdeel 1999, repris dans Tolerantia, een cahier van de Orde van de Prince, 2000, p. 47 et ss, p.(133 et ss) 134.
  11. F.C. SAVIGNY, Das System des heutigen Römischen Rechts, I, p. 331.
  12. Arrêt n°157/2004 octobre 2004 sur les requêtes de Vanhecke et ct et de Storme contre la LAD.
  13. Cette critique a déjà été formulée à plusieurs reprises par le professeur Philippe VAN PARIJS (UCL).
  14. Vgl H. de DIJN, Voorbij de ontzuiling, communication à la Chaire Triest 2001
  15. in Le débat 2000, n°110
  16. Vgl. H. de DIJN, ‘Nieuwe politieke cultuur heeft levensbeschouwing nodig’, Ons erfdeel 2000, (347) 352,

avec renvoi à A. MARGALIT, ‘The decent society’,

  1. H. ARENDT, ‘The burden of our time’, Seeker & Warburg, London 1951, p. 438.
  2. Vgl. Alfons Vansteenwegen, in Tertio, “We moeten opnieuw leren discrimineren”
  3. Pour la signification de cette expression, voir ma contribution dans Doorbraak, septembre 2001, http://www.vvb.org/doorbraak/pdf/0109.pdf
  4. Dans son allocution de réception d’un doctorat honoris causa à la KU Leuven