Les partis politiques cherchent à conquérir des « parts de marché », une clientèle qui leur permettra de peser plus lourd, de conquérir d’autres parts d’influence, réelles ou médiatiquement amplifiées. La gauche cultive la notion de pauvreté, pourtant relative et dépendante du niveau subjectif où est mise la barre. Comme il y aura toujours quelqu’un sous ou à la limite de cette barre arbitraire, il y aura une clientèle à courtiser avec des objectifs forcément jamais atteints. Dans la même veine de la discrimination ou du racisme (délits qui relèvent de l’Inquisition religieuse et de la lutte contre le Mal, le Démon) il y aura toujours au moins une personne susceptible qui se sentira discriminée et justifiera la poursuite de la lutte infinie et du mandat des Inquisiteurs autoproclamés. Pour ceux qui aiment les histoires psychologiques, la posture idéologique de la gauche moraliste ressemble à une fable de Watzlawick : la poudre anti- éléphants. Surpris de voir un homme dans un train ouvrir sa fenêtre à chaque arrêt et répandre de la poudre dans l’air, un voyageur curieux lui demande le sens de son activité. Je répands de la poudre pour faire fuir les éléphants répond celui-ci. Mais il n’y a pas d’éléphants dans cette région ? Justement parce que je répands cette poudre…
Définir des problèmes fictifs ou philosophiques sans existence ou ampleur réelle et imposer une solution inquisitoriale. Tout en affirmant que si les problèmes diminuent, ils restent toujours encore suffisamment importants pour durcir encore plus la Loi et donner plus de pouvoir aux associations victimaires. Et ainsi pourrir la vie des gens ordinaires, forcément pêcheurs, voilà une pratique idéologique de gauche. Peut-on imposer le respect systématique, la folie de l’égalité par la Loi et la menace ? Bien sûr que non. La pensée conservatrice, imprégnée de la philosophie grecque, du christianisme civilisationnel, du libre-arbitre pense que l’amour du prochain est un choix individuel, raisonnable mais qui ne saurait être imposé systématiquement avec menace de sanctions et de condamnation à l’Enfer médiatique. C’est un choix philosophique, religieux mais qui a des exceptions.
Une religion toute Amour de l’Autre ou du Prochain n’existe pas, sauf comme Idéal à atteindre, effort sur soi-même. S’il est sage de savoir tendre l’autre joue, le recours à l’auto-défense légitime, le recours à la force, l’enfermement des délinquants violents est une nécessité aussi pour protéger les libertés individuelles, la sphère privée, la propriété. Le rôle de l’Etat est de garantir la sécurité, d’imposer des limites, des règles communes, la protection du Droit contre l’arbitraire du plus fort ou du plus nombreux. Pour incarner cette position conservatrice de bon sens, l’écrivain G. Orwell (auteur de « 1984 ») a inventé le concept de « bon sens commun », de décence. Antitotalitaire, partisan du « moindre mal » comme limite aux interventions de l’Etat, il croit aux vertus des gens ordinaires, le bon sens, la majorité silencieuse qui représente mieux cet idéal d’innocence (ne pas nuire) que celui de la classe moyenne qui définit seulement des conditions économiques. La critique de la religion du progressisme systématique, la critique du gaspillage, l’imposition de limites à la croissance économique infinie, à l’usage de la technologie pour améliorer les fonctions humaines (transhumanisme) le retour aux valeurs religieuses (ce qui relie) avec ses rituels d’enracinement et de résolutions symbolique des conflits sont les valeurs morales de l’esprit de résistance contre le totalitarisme du Marché. Et à la domination totalitaire des Droits de l’Homme individualiste qui s’attaquent aux liens naturels et culturels, aux différences et à la complémentarité des sexes, au bon sens commun, au sentiment d’appartenance commune pour imposer un vivre ensemble totalitaire et atomisé. Le Droit de tout individu d’imposer ses exigences à tous les autres…L’intérêt général, le bon sens commun, la modestie, l’acceptation de limites, voilà les valeurs de demain…
Dominique Baettig, 24 mars 2015