mardi, 17 février 2015
Cinquante nuances de Grey, ou le nouvel opium du peuple
La manipulation des opinions, c’est-à-dire des peuples, c’est une affaire d’opium, d’opium du peuple. Il y a les grandes manipulations et les petites manipulations qui sont parfois plus grandes qu’on ne le croit. Jugez-en.
En France, traditionnellement et comme chacun sait, l’opium du peuple, c’était la religion, catholique et quasi absolue. La lutte contre cet opium-là est séculaire dans notre beau pays. Pour faire simple, le premier assaut fut la Réforme, suivie du cortège des guerres de religion. Le siècle de Louis XIV et la Contre-Réforme furent des réponses politique et religieuse vigoureuses. Mais un nouvel assaut se préparait, les Lumières du XVIIIe siècle, encyclopédistes et autres francs-maçons. On en connaît le couronnement, la « Grande Révolution », comme disent encore ses fidèles.
De soubresaut en soubresaut, de rémission (Napoléon) en nouvel accès de fièvre (la Commune), notre « opium » des peuples de France s’enlise, se délite, se désagrège, se décompose, se métamorphose. Péguy et tant d’autres n’y pourront rien. Un grand coup lui est porté par la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905.
Depuis, et sans porter atteinte aux espoirs des croyants, ni dénigrer leur foi séculaire, laquelle fait partie de mon identité, j’observe un haut clergé de France pour le moins frileux, pour ne pas dire maso. Il ne fait plus rêver, il ne distille plus l’opium du peuple. Parle-t-il encore de Lui ?
Alors, vers quel paradis se tournent certains de nos compatriotes ? Vers les Cinquante nuances de Grey.
C’est une petite histoire commencée en 68, libération sexuelle, peace and love. On continue avec l’essor spectaculaire du porno (Emmanuelle), qui bénéficie des « nouvelles techniques d’information et de communication ». Et on en arrive à ce succès de librairie et à l’écran… avec le manuel théorique et les exemples pratiques en plein écran. La foule se rue.
Petite manipulation pas si innocente que ça. L’opium du peuple n’est plus la consolation de la grenouille de bénitier, c’est la partie de pattes en l’air à cache-cache.
Depuis Mitterrand, c’est l’opium fornicateur dont la gauche gave le bon peuple. « Chacun fait, fait, fait, c’qui lui plaît, plaît, plaît », tra la la.
B…z, braves électeurs, on s’occupe du reste…
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lundi, 11 juin 2012
PORTRAIT PSYCHOLOGIQUE DES “BABA COOLS”
PORTRAIT PSYCHOLOGIQUE DES “BABA COOLS”
Je confesse avoir commis une négligence, avoir laissé moisir pendant 5 ans un excellent livre dans un coin sombre de la petite bibliothèque qui se dresse à mon chevet. Ce livre est l'œuvre de Matthias Horx (né à Düsseldorf en 1955), chroniqueur à Pflasterstrand, Tempo et Die Zeit, auteur de 2 ouvrages de science-fiction et de 2 critiques des engouements contemporains (ceux des alternatifs et ceux des “battants” reagano-thatchériens du début des années 80). Son titre ? Aufstand im Schlaraffenland (Révolte au pays de cocagne). C'est une sorte de biographie politique et culturelle d'une génération d'enfants gâtés, la première génération du siècle qui n'a pas été confrontée à une grande guerre et qui n'avait qu'un souci, fort fébrile : expérimenter du neuf, être contre tout, rêver d'un trip à la marijuana ou d'une passe exaltante, comme dans les manuels de sexualité avancée, mais qui n'est évidemment jamais venue. Horx :
« Si nous sommes honnêtes, nous devons confesser que nous étions tout de même des privilégiés. Enfants, nous avons encore vécu dans de petites familles intactes, dans le contexte d'un progrès ininterrompu et c'est avec cet arrière-plan finalement solide que nous avons expérimenté la révolution tout en grandissant, alors que les utopies, promettant une “autre vie” ; n'avaient pas encore été tentées et n'avaient pas encore déçu ; à l'époque, existait encore bel et bien un “système” que l'on pouvait critiquer radicalement, pour de bonnes raisons. Nous, garçons et filles d'une génération qui, comme aucune autre, a cherché l’ALTERNATIVE, le HORS-NORMES, n'avons, en fin de compte qu'accélérer un processus que cette société, que nous faisions mine de haïr, a “normalisé”. Car notre révolte, avec ses rêves à la fois fous et comiques, ses prétentions ridicules, ses appels emphatiques à l'émancipation totale, n'a finalement contribué qu'à maintenir à flot la modernité dans la société. En empruntant les chemins de détour du fondamentalisme le plus bizarre, elle a fait en sorte que l'héritage de nos pères, c'est-à-dire un pays un peu figé, encore marqué par notre passé pré-démocratique mais où le miracle économique a été possible, soit devenu le chaos actuel. La démocratie de nos pères était imparfaite : elle était encore en chantier, mais ce chantier n'était pas le plus mauvais du monde ».
Ensuite, Matthias Horx croque avec cruauté et à propos les 11 principaux défauts du fondamentaliste soixante-huitard :
1. La rouspétance idéologique.
Elle a pris des proportions insoupçonnées. Indice quotidien de cette maladie : le courrier des lecteurs des journaux de la “gauche branchée” : « Si X écrit encore des articles dans votre journal, je me désabonne sur le champ ». La menace : je vous retire mon amour. Règne des positionnements binaires : l'homme (nous) et les cochons (les autres, les vieux cons, les beaufs et les inévitables fachos), l'État (policier, bien sûr) et la Résistance (nous), le Bien et le Mal. Sur la persistance de ces agrégats, il est impossible de bâtir un corpus idéologique pragmatique, donc le seul exercice que peuvent encore pratiquer ces messieurs-dames, conclut Horx, c'est la dénonciation. On pense à messires Monzat, Soudais, Olender, Grodent, Brewaeys, Duplat et à d'autres reliques inamovibles du sous-journalisme contemporain.
2. La régression permanente.
Dans les résidus du soixante-huitardisme allemand, le vocabulaire infantile fait recette : « Mon nounours adoré, Ta petite souris te salue, te fait un bisou, Je t'aime mon gros Lapinos, etc. ». Horx a repéré cette phraséologie dans le courrier des lecteurs du TAZ berlinois, organe par excellence de ce public infantilisé. Les petits couples, né sur les campus, d'intellos branchés sur les idées abstraites et déconnectés du réel charnu ou âpre, rugueux ou enflammé, sont aujourd'hui bien fânés, affectés de vilains embonpoints, aiment les autocollants pour orner l'arrière de leur Golf orange : les plus prisés sont ceux avec un gros matou yankee fatigué : Garfield. Symptomatique. D'un rousseauisme non individualiste, ajoute Horx, posant comme acquis que nous serions tous des “copains solidaires”, si la société ne nous avait pas pervertis, n'avait pas cassé nos réflexes communautaires. L'axiome de cette démarche, c'est que les conflits sociaux ne surviennent qu'à cause des institutions (État, justice, etc.). Mais le temps a prouvé que même (et surtout) dans les “communes alternatives”, les “communautés de squatters”, les “groupes de base”, inimitiés, jalousies, incompatibilités d'humeur, luttes pour la conquête sexuelle, étaient le lot quotidien. Les recours artificiels à des “communautés”, sectes détachées des flux réels de l'existence, conduit à des chamailleries à l'infini. En dehors de la famille réelle, des liens de sang, il n'y a pas de communauté idéale possible. Les imitateurs droitiers de ce régressisme de 68 (où la psychologie est la même que dans cette gauche infantilisée, mais où seul varient discours et références) tombent dans les mêmes travers, comme le souligne par ailleurs le philosophe allemand Günter Maschke, issu des agitateurs du SDS gauchiste pour déboucher aujourd'hui dans le “schmittisme” contre-révolutionnaire : la lecture rapide et impréparée, a-critique, de Nietzsche entraîne souvent, si elle est concomitante à celle des aventures d'Astérix, vers un imaginaire néo-païen qui reconstitue inconsciemment le petit village d'Armorique, protégé des agressions du monde extérieur par la potion magique d'un discours jugé “vrai et pur”, baptisé “nos idées” (à prononcer avec trémolos dans la voix). Aux fermes biologiques des gauchistes devenus “verts” correspondent certaines demeures “communautaires” avec pierre solaire ou menhir, où quinquagénaires bedonnants et adolescents boutonneux dansent en rond, au coucher du soleil, en évoquant les Gaulois, les Vikings ou la Hitlerjugend. À gauche comme à droite, en dépit des “façons de parler” idéologiques, en dépit des poses que l'on prend, on est finalement fils d'une même époque, enfants gâtés d'une même civilisation de la consommation, où s'estompe le sens du réel et des responsabilités, au profit d'esthétismes inféconds et d'utopies niaises (cf. G.Maschke, « Kraut & Rüben : Vorletzte Lockerungen », in Etappe, 3, 1989, p.136).
3. Se complaire dans les (auto)applaudissements.
Toutes les réunions sont ponctuées d'applaudissements, comme les messes de jadis étaient ponctuées d'amen. L'ouvrier qui a basculé dans le chômage et qui s'égare dans ces poulaillers pour lever timidement le doigt et demander au public de retomber à pieds joints dans le concret est applaudi. Ses contradicteurs du podium qui lui reprochent sa naïveté, de ne pas comprendre les mécanismes subtils de l'aliénation, sont également applaudis. Les rituels sont immuables : désigner l'ennemi, prononcer une blague amère sur Helmut Kohl, critiquer les flics, entrelarder le tout d'appels au concret jamais suivis d'effets.
4. La pensée d'un camp retranché.
Toute question doit être éludée si elle ne conforte pas les certitudes du groupe, de la “gauche” comme “camp mythique” : toute démarche critique, tout apport de paramètres nouveaux sont exclus. Il est interdit de penser ce qui peut relativiser les certitudes. Risque : l'ensemble du corpus doctrinal perdra toute crédibilité sur le long terme, parce que toute innovation, tout écart, sont soustraits au discours, à la discussion, réduisant par là même le corpus à un jeu de coquilles vides : celui qui voit dans l'adversaire, ou dans l'esprit critique de son propre camp, un “mauvais” ou un “traître” finira par perdre la bataille. Rigidifiée, pétrifiée, la doctrine ne travaille ni n'absorbe plus de substance et ne peut pas faire face à l'adversaire qui, ignorant les interdits de langage, récupère cette substance, la travaille et l'instrumentalise.
5. Un besoin et une nostalgie d'identification.
Il faut s'identifier à quelque chose, à un camp, à un petit groupe replié sur lui-même, jouissant de l'infaillibilité, fermé à tout compromis. Survient la moindre contrariété, le camp n'offrant plus la perfection tant attendue et espérée, ne correspondant plus à 100% à l'idée, le militant, rigoriste, migre vers une nouvelle “totalité”, où il croit pouvoir s'investir à fond, réaliser son fantasme à 100%. Ces militants-fantasmeurs, ces fanas du 100%, s'avèrent vite inintéressants : leurs images du monde ne tolèrent plus de contradictions fécondes.
6. Tout savoir.
Croire qu'on sait tout, qu'on est détenteur d'une infaillible Besserwisserei. Le militant de la commune sait tout : comment on règle la politique extérieure du Zimbabwe, la politique économique du Cuba de Castro, les négociations américano-soviétiques sur la réduction des missiles nucléaires balistiques, comment on met une pièce de Brecht en scène, on joue le rôle de modérateur dans un talkshow. Ce savoir implicite du sectaire ou du gourou, expert universel, est bien entendu pourvu de toutes les qualités, sauf une : la curiosité. Plus besoin de chercher, on sait déjà tout, on a des recettes pour tout. Affirmer joyeusement ses propres vérités peut être fécond, à la condition, ajoute Horx, que l'on garde une distance critique.
7. La nostalgie.
Les activistes d'hier se sont calmés. Ils sont rassis. Mais ils croient toujours aux phrases qu'ils ont hurlées dans les manifs ou aux oreilles de leurs contradicteurs, musclés ou ironiques. Toutes les sous-cultures, de gauche comme de droite, réagissent à des chiffres, signes et symboles, à des petits dessins connus, des lettrages complices, à des petites faucilles et croix, à des marteaux soviétiques ou de Thor, etc. La réalité, hyper-complexe, que ces malheureux militants sont incapables de saisir, cette réalité qui fait peur, cette réalité que l'on doit malgré tout affronter quand on quitte papa et maman, son ours en peluche ou sa petite armée de soldats Airfix qui ne peut prendre aucun palais d'hiver, ne délivrer aucun Stalingrad, ne sauter sur aucun Diên Biên Phu, est réduite à des dénominateurs communs forts simples. À gauche, les termes “solidarité”, “révolution”, “émancipation”, etc., sont investis d'une aura positive : il suffit de les évoquer, même furtivement, pour que les circonstances désignées sous l'un ou l'autre de ces labels soient d'office considérées comme “positives”. Ainsi, la “révolution iranienne” est restée longtemps une “chose finalement positive” pour les tenants de l'idéologie de 68, qui pourtant, selon leur propre logique, devaient refuser toute forme d'autoritarisme religieux. Horx cite l'ambivalence des discours de gauche sur l'Iran (“Chah t'Iran”), sur le port du tchador (symbole d'anti-impérialisme), sur les nationalismes basque et irlandais (pourtant bel et bien farouchement identitaires), sur la corruption de la junte révolutionnaire nicaraguéenne, etc. La nostalgie d'une “bonne révolution”, non encore advenue, se retrouve dans les jugements sur les révolutions réelles, qui ont utilisé, pour briser les résistances des régimes en place, des argumentaires non progressistes, archétypaux, religieux (opium du peuple ?), théocratiques, nationalistes, mythologiques, etc. Sans de tels agrégats et résidus, aucune foule ne peut être activée, aucun bouleversement violent n'est possible. Le progressisme n'est donc pas bon pour la révolution : il l'inhibe. Constat qui aurait dû forcer les soixante-huitards à davantage de scepticisme.
8. Le statut de victime.
La sempiternelle et aveugle glorification des “petits et des justes" conduit à un culte de l'échec. Le militant, que Horx nomme le Politfreak, a connu tant de révolutions qui, au lieu d'apporter libération et émancipation, ont mis en place des régimes durs, policiers et obscurantistes, qu'il en vient à croire que les vaincus seuls restent purs. Sentiment que partagent désormais droites post-collaborationnistes et gauches post-modernes. Il vaut dès lors mieux demeurer victime des circonstances, rester un opprimé que de se rendre complice d'un activisme qui trahit l'idée, l'utopie. Ce sentiment d'impuissance se transpose dans la vie quotidienne : je trouve pas d'appart' ? C'est la faute à la société ; pas de boulot... ? Toujours cette foutue société... J'peux plus parler à France-Culture ? C'est la société d'exclusion qui m'exclut, moi, le génie tant attendu, l'infaillible d'entre les infaillibles...
9. L'envie sociale.
Certains soixante-huitards ont réussi : dans la publicité, dans le dessin, dans la création culturelle. Cette réussite a généralement exigé beaucoup de travail, d'abnégation : mais les vieilles règles du labeur acharné paient toujours. Malheur à ces battants ! Leurs camarades-victimes leur en veulent à mort, leur reprochent leur petite Golf, leur appartement, leur vacances. Mais la pauvreté de ces jaloux n'est pas pauvreté réelle, explique Horx, c'est une pauvreté “idéologisée”, artificielle : le jaloux qui feint de haïr l'argent est en réalité obnubilé par l'argent. Il en veut, et il veut du luxe, mais sans efforts, pour récompenser son génie, même si celui-ci n'est producteur de rien. La conjugaison de ces désirs et de cette paresse le conduit dans l'ornière de l'incompatibilité sociale. Le marginal de ce type, plus que le capitaliste, fait de l'argent la mesure de toutes choses.
10. Le mélange des genres.
Le soixante-huitard G., pas plus doué qu'un autre, parvient à gérer ses salles de cinéma. Il distingue la sphère privée de la sphère professionnelle. Sa copine K. ne parvient pas à faire tourner sa petite boutique alternative : mais elle engage des copains, se fournit chez d'autres camarades, paie des salaires que ne peut rapporter l'entreprise, etc. Elle mélange politique et privé, entreprise et copinage, idéologie et réalité. Ces pratiques conduisent à des bricolages inimaginables, à de la corruption, à une dictature des paramètres psycho-affectifs. Une quantité inutile de grains de sable s'infiltre dans les rouages de la machine, des intérêts qui ne sont pas rationnellement définissables, et que personne d'extérieur n'est à même de comprendre, bloquent le bon fonctionnement de l'entreprise ou de l'appareil.
11. L'exagération obligatoire.
Les exagérations de la scène 68arde sont bien connues : en France, une Claire Brétecher et un Lauzier les ont croquées avec une causticité aussi vraie que pertinente. Quand la police ouest-allemande recherchait la bande à Baader, c'était le fascisme qui revenait, la peste brune qui se réinstallait ; quand le gouvernement organise un recensement, il met un terme à la démocratie ; etc. Ces métaphores didactiques avaient, aux yeux de ceux qui les ont employées pour la première fois, une valeur “éducative”. Faire réfléchir, montrer les déviances possibles, nuancer, contraindre à plus de modération, etc., au départ d'une description volontairement caricaturale, sont des pratiques rhétoriques très anciennes : le problème, c'est que la génération 68 a pris les figures de style, les métaphores, pour des réalités bien tangibles. Et les a transposées dans la vie quotidienne privée, affective, politique. On a commencé à parler d'“exploitation émotionnelle” dans le ménage, de “fonctionnalisation” dans le travail militant au sein même du projet alternatif, etc. Ce soupçon permanent, qui voit en tout une simple façade masquant une exploitation ou une tromperie, conduit à tout examiner, tout retourner, tout décortiquer, pour trouver, en bout de course, quelque chose de fondamentalement pourri, mauvais, pervers. La conséquence de cette méfiance quasi pathologique, paranoïaque, c'est l'incapacité à nouer des relations normales avec des hommes et des femmes d'un autre parti, d'un autre bord, avec d'autres catégories professionnelles, plus axées sur la technique, plus focalisées sur des critères pragmatiques, à accepter les goûts d'autrui, pire, dans les cas extrêmes, à n'être plus capable de nouer des relations humaines normales. Fatalité : l'exagérateur a toujours raison: il est vrai que l'amour, le couple, recèlent toujours, quelque part, une forme ou une autre de dépendance, que la vie de groupe implique toujours une dose d'exploitation réciproque. Mais le soupçon incessant, la volonté constante de dénoncer l'exploitation larvée, le défaut caché, l'immoralité occultée, conduit au néant social, au solipsisme. Le jusqu'auboutisme du processus de dénonciation conduit à des problématisations ad infinitum. La vie ne peut se déployer que si l'on refuse ces problématisations inutiles. Si on est capable de “laisser tomber”... Horx : « Cela, justement, nous l'avons très mal appris ».
◘ Matthias Horx, Aufstand im Schlaraffenland. Selbsterkenntnisse einer rebellischen Generation, Carl Hanser Verlag, München, 1989, 216 p.
► Robert Steuckers, Nouvelles de Synergies Européennes n°6, 1994.
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mercredi, 21 mars 2012
I miti che generano depressione
di Claudio Risé
Fonte: Claudio Risè [scheda fonte]
Un europeo su dieci è depresso. Le donne il doppio degli uomini, e i giovani più degli adulti. Lo rivela l’ultimo sondaggio importante svolto in Italia, Francia, Inghilterra, Spagna e Germania, che conferma i dati precedenti. Sappiamo così che non aumenta. Ma cosa succede quando si entra in depressione, e perché accade?
Alcuni aspetti diventano sempre più evidenti: ad esempio i tratti “sociali” della depressione, i suoi legami col lavoro, la famiglia, e il modello di sviluppo attuale.
I depressi vengono messi in difficoltà dal carattere “performativo” del nostro modello sociale che richiede in continuazione di “funzionare” bene nei diversi campi, dal lavoro alla sessualità.
Ridurre la persona a produttore (di denaro, successo, piacere), suscita in molti l’ansia di “misurare” direttamente quanto siano adeguati alle richieste degli altri e del collettivo. A questo punto, se non si è sostenuti da una forte autostima, e da molta concretezza e umiltà, è facile deprimersi.
Il modello della “persona di successo” è, infatti, per definizione, ideale e irraggiungibile, come dimostrano le stesse biografie delle star, che rivelano in continuazione improvvisi squarci di infelicità, disordine, o vere e proprie malattie.
La bellezza, l’essere attraenti, è una dote di partenza, non è completamente costruibile con la chirurgia o altri artifici: dà più sicurezza apprezzarsi per come si è che inseguire una perfezione inesistente.
L’altro grande Idolo del nostro modello culturale poi, il potere, richiede a sua volta (per solito) grandi durezze e sacrifici per ottenerlo, (magari sul piano della coerenza, gusti, o moralità personali), e prima o poi va necessariamente lasciato, o comunque viene tolto.
Adeguarsi a queste richieste collettive: performance elevate, bellezza, potere, suscita dunque di per sé prima ansia, e poi depressione. Si diventa come bambini piccoli e esageratamente prepotenti, che su una giostra vogliano raggiungere il cavallo di legno che c’è davanti invece di godersi il loro giro. E quando il giro è finito piangono.
Da questo punto di vista la depressione, se attraversata con consapevolezza, può invece essere un importante passaggio formativo e una straordinaria scuola di vita, come ha ricordato nei suoi lavori (tra cui l’ultimo: Elogio della depressione) Eugenio Borgna, che ha introdotto in Italia la psichiatria fenomenologica.
Certamente non è facile, come del resto buona parte delle esperienze formative dell’esistenza.
Il rifiutare questo “lato difficile” della formazione personale, e il cercare di aggirarlo con tecniche, o con vere e proprie menzogne, come la “vendita del successo” in cui consiste molta pseudo educazione contemporanea, non fa altro che produrre nuove depressioni e altri disagi. Tra questi, è piuttosto interessante l’attuale svalutazione mediatica e culturale dell’importanza nella vita delle persone di un rapporto di coppia stabile.
Del consumismo complessivo e della relativa esaltazione dell’individuo, col suo fascino e potere, fa parte infatti la celebrazione della fine della famiglia-coppia stabile, sostituita da famiglie aperte e variabili, inframmezzate da lunghi periodi di stato “single”. Peccato però che proprio le persone che vivono da sole, single, divorziati, separati o vedovi siano nel gruppo di testa dei depressi (in Europa e nel mondo).
Lo stabile e profondo rapporto d’amore con l’altro, così come la ricca e complessa socialità della famiglia, col suo dialogo tra generazioni e società circostante, sostiene infatti, oggi e da sempre, la formazione e sviluppo della persona. E quindi il suo benessere.
Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it
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dimanche, 10 octobre 2010
On achète bien les cerveaux... Sur la publicité et les médias
On achète bien les cerveaux...
Sur la publicité et les médias
Ex: http://zentropa.splinder.com/
"Les liens des régies publicitaires avec les neurosciences prouvent que la fabrication de "cerveaux humains disponibles" chers à Patrick Le Lay, le président de TF1, est devenue une réalité des médias. Une idéologie est à l’oeuvre : elle vise à nous rendre étrangers à nous-mêmes pour faire de nous des cibles normées en fonction d’intérêts marketing.
Je suis l’auteur d’un livre dont vous n’entendrez probablement jamais parler dans vos journaux, à la télévision ou même à la radio. Son nom ? On achète bien les cerveaux (édition Raisons d’agir, 2007). Il ne s’agit pas d’un opuscule tendancieux ou d’un brûlot d’extrême gauche ou d’extrême droite. Simplement, c’est un livre qui prétend apporter une analyse critique sur un phénomène qui rythme notre quotidien : l’omniprésence massive de la publicité et ses conséquences sur les médias. Le titre fait bien sûr référence à la phrase prononcée en 2004 par Patrick Le Lay, le PDG de TF1, sur le « temps de cerveau humain disponible » que le patron de la chaîne s’enorgueillit de vendre à Coca-Cola. Je suis allée enquêter dans le cœur même de la machinerie publicitaire de la Une. Et ce dont je me suis aperçue, c’est que la commercialisation du cerveau du téléspectateur n’est pas un phantasme ou un abus de langage. C’est le reflet de la plus stricte vérité si l’on en croit les propos de neurologues qui travaillent aujourd’hui pour les principaux médias, dont TF1, sur l’impact de la publicité dans la mémoire.
Le temps n’est plus où l’on se contentait de tests et de post-tests pour prouver l’efficacité des messages publicitaires. Face à des nouveaux médias comme Google ou Yahoo, qui proposent à l’annonceur de payer pour chaque contact transformé en trafic et de suivre le client à la trace, les grands médias cherchent à montrer qu’ils arrivent à pénétrer l’inconscient des consommateurs. A l’instar des grands annonceurs américains, ils ont confié à une société spécialiste des sciences cognitives, Impact Mémoire, le soin d’explorer ce que le cerveau retient dans la communication publicitaire. Pour cela, les « neuromarketers » ont recours à une machine uniquement utilisée jusqu’à présent à des fins médicales, pour détecter les tumeurs par exemple : l’imagerie à résonance magnétique (IRM). Que disent les expériences menées en laboratoires ? Que la zone du cerveau réactive aux images publicitaires, le cortex prefrontal médian, est associée à l’image de soi et à la connaissance intime qu’on a de soi-même (c’est la région cérébrale qui est affectée lorsqu’il y a des troubles de schizophrénie par exemple). En activant le cortex prefrontal médian, les neuromarketers cherchent donc à réussir l’alchimie parfaite : l’opération qui consiste à transformer tout amour de soi en tant que soi - le narcissisme - en amour de soi en tant qu’autre - une cible publicitaire. La publicité vise donc à nous rendre en quelque sorte étrangers à nous-mêmes pour modeler en nous des comportements normatifs qui épousent les intérêts des firmes commerciales.
On le sait depuis Jean Baudrillard et John Kenneth Galbraith, la société de consommation ne peut exister sans son corollaire publicitaire. Car seule la publicité crée dans les têtes une urgence fantasmatique et pavlovienne sans laquelle il n’est pas de tension consumériste : c’est parce que je suis sans cesse sollicité par un univers euphorisant, rempli de symboles de bonheur, que je tends vers la jouissance de l’acquisition matérielle. De cette tension naît un désir structurant dans la mesure où il permet à l’individu d’exister en tant qu’homo consumans. Adhérer aux valeurs de l’imagerie publicitaire - « On vous doit plus que la lumière », « Vous n’irez plus chez nous par hasard », « Parce que je le vaux bien » -, c’est communier aux nouvelles icônes des temps modernes. Il s’agit de prendre corps dans l’espace collectif, de se transfigurer dans une identité à la fois plurielle et, puisqu’elle s’adresse à moi en tant que cible, singulière. L’essayiste François Brune parle d’une « volonté de saisie intégrale de l’individu dans ce qu’il a d’anonyme ». D’où un principe clé de la domestication des esprits : chacun cherche à se ressembler en tant que tribu consommatrice. C’est en effet parce que je renonce à mon appartenance à une identité universelle pour m’inscrire dans une fonctionnalité « tribalisée » que j’abdique de ma citoyenneté au profit d’un label de consommateur tel que l’entend l’ordre marchand. Ce faisant, la publicité permet la mutation d’une société de classes vers autant de cibles qu’il y a d’intérêts et de positions économiques à défendre. Elle vise la reproduction et la permanence de stéréotypes inhérents à tout message établi en fonction d’un statut supposé sur l’échelle sociale.
Seulement, puis-je réellement me retrouver dans cette incessante musique d’ambiance que je n’ai pas sollicitée ? Comme l’a montré Bernard Stiegler dans De la misère symbolique (éditions Galilée, 2004), « on ne peut s’aimer soi-même qu’à partir du savoir intime que l’on a de sa propre singularité ». Or les techniques marketing, parce qu’elles me donnent à entendre et à voir des sons et des images identiques à celles de mon voisin, me construisent une histoire qui est semblable à celle de mes congénères. Comme tel, c’est bien à un effondrement de la conscience individuelle et à une dissolution du désir que nous conduit l’idéologie publicitaire : « Mon passé étant de moins en moins différent de celui des autres parce que mon passé se constitue de plus en plus dans les images et les sons que les médias déversent dans ma conscience, mais aussi dans les objets et les rapports aux objets que ces images me conduisent à consommer, il perd sa singularité, c’est-à-dire que je me perds comme singularité ».( De la misère symbolique, op. cit. p. 26). Selon Bernard Stiegler, le règne hégémonique du marché entraîne inexorablement la ruine d’un « narcissisme primordial » en ce sens qu’il induit un « conditionnement esthétique » qui est aussi une « misère libidinale et affective ». En s’identifiant à la cible publicitaire à laquelle il est supposé appartenir, le consommateur consent par là même à la dissolution de son désir individuel dans un « nous » artificiel créé pour les besoins d’édification du marché des classes dominantes.
De ce conditionnement va naître une nouvelle socialité phantasmatique qui amène le consommateur à se sentir déterminé beaucoup moins par son groupe de classe, son origine sociale, que par des aspirations collectives véhiculées par les médias. Ce n’est d’ailleurs pas tant des emblèmes statutaires que cherche à promouvoir la publicité que des rapports imaginaires qui permettent à l’individu d’exister virtuellement dans le regard de ses contemporains. Tout est prétendument accessible, y compris le luxe, puisque je ne suis plus prisonnier de mon statut mais libéré par ma consommation. A la vieille division archaïque entre dominants et dominés doivent venir se substituer des communautés de désirs susceptibles de reconstruire un « nous entièrement fabriqué par le produit ou le service » comme dit Stiegler.
L’ homo economicus est en quelque sorte consommé par ce qu’il consomme. Il se jette à corps perdu dans l’addiction consumériste, non pas tant dans une course éperdue à l’avoir, comme on le croit souvent, mais pour être. Car le bonheur publicitaire apporte une forme de plénitude fugace dans une société privée de repères politiques et esthétiques. Après la fin proclamée des idéologies et l’avènement d’une classe moyenne de plus en plus compromise par des tensions inégalitaires, il structure notre être de façon rituelle en permettant la transfiguration d’un « je » devenu anarchique, incontrôlé, en un « nous -cible » standardisé et resocialisé.
Créée en 1836 pour aider les journaux à mieux se vendre aux masses populaires, la publicité s’impose aujourd’hui comme le mode de financement principal, voire exclusif, des médias à l’ère numérique. Le consommateur accepte avec insouciance cette manne providentielle qui lui permet d’accéder à des contenus. Mais en connaît-il vraiment le prix ? Information altérée au profit d’intérêts économiques, positionnements éditoriaux déterminés par les perspectives de recettes des annonceurs, campagnes véhiculant des stéréotypes sociaux... Parce qu’elle structure de façon incontestée notre inconscient collectif, la publicité est devenue un vecteur non plus seulement de revenus mais de sens... Les médias tendent à se transformer en zélés prédateurs d’une clientèle-proie pour le compte de leurs principaux clients. Des neurosciences au travestissement des contenus, tout est mis en place pour parvenir à cet objectif. Ce livre se propose d’étudier comment l’instrument économique d’une démocratisation de l’information s’est peu à peu mué en outil politique d’une domination économique."
Marie Bénilde
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