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mercredi, 14 août 2024

Abellio Tao

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Abellio Tao

par Laurent James

« Nous creusons la fosse de Babel » - Franz Kafka, Cahiers divers et feuilles volantes

Publié en 1953, Assomption de l’Europe est un ouvrage essentiel de Raymond Abellio. Il s’agit d’une analyse structurelle complète de la morphologie historique de l’Europe, et des raisons de sa transformation en Occident.

Abellio y explicite sa vision de l’ontogenèse des civilisations, précisant qu’elle est tout à fait similaire à celle des individus.

Il assigne cinq instants clefs à la vie d’une civilisation, à savoir : la conception, la naissance, le baptême, la communion et la mort, fondant ainsi une véritable symbolique historique des sacrements.

Ainsi, pour Abellio, la conception de l’Europe chrétienne se fait-elle par Jésus : le germe est déposé au sein de la matrice.

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Par la naissance, le nourrisson quitte la matrice pour entrer dans le monde, tout en restant tributaire de sa mère ; pour Abellio, il s’agit de la scolastique de Saint Thomas d’Aquin, qui met toute sa raison dans la foi.

Le baptême consacre l’instant où la personne ne se contente plus de voir le monde : elle se voit elle-même. Elle renait de par l’acquisition de la conscience de sa propre conscience, se voyant pour la première fois comme sujet dans un monde d’objets. À la Renaissance, Galilée et Descartes mettent toute leur foi dans la raison.

Quant à la communion, il s’agit d’un moment où la civilisation change son rapport avec le monde, qui n’est plus un monde d’objets, mais un monde de sujets. Et un sujet, ça s’assujettit. En 1789, l’Europe ne se voit plus comme cause-de-soi, mais cause-de-l’univers. Elle s’appelle désormais Occident, et se confondra de plus en plus avec le monde jusqu’à ce que ce soit le monde qui devienne pleinement occidental. L’épuisement consécutif à cet épanchement indéfini mène en toute logique à la mort. Et c’est bien ce qui se passe aujourd’hui.

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Cependant, cette loi des cycles montre la qualité de l’inachèvement indéfini de ce processus, chaque étape historique d’une civilisation ayant des répercussions indéfinies dans toutes les autres. Ainsi : « Le baptême de l’Europe fut la conception de l’Amérique » ; et, bien plus tard : « La guerre de 1941-1945 a marqué pour l’Amérique l’instant de sa Re-naissance ». De l’autre côté de la planète, le prétendu statisme de la civilisation chinoise, par exemple, naguère dénigré par Guillaume Faye pour mettre en exergue une supposée supériorité de la civilisation occidentale, n’est que le signe d’une durée beaucoup plus longue de ses trois premiers sacrements, par rapport aux civilisations placées sous le signe du christianisme.

Et il est fort probable que la Chine ne franchisse en ce moment les arcanes de sa propre communion avec le monde, ce qui ne pourra qu’aboutir au remplacement de l’Occident par la sinisation complète du monde – ce à quoi on finira bien par trouver un nom plus évocateur, et aussi plus précis, car contrairement au processus d’occidentalisation du monde qui prit son essor avec la transgression du nec plus ultra par Christophe Colomb, prenant les atours d’une exportation – forcément bancale – des aspects les plus formels et externes de la religion chrétienne, la sinisation actuelle du monde ne passe en aucune manière par la volonté d’imposer Lao Tseu, ni Confucius, et encore moins Bouddha. La Chine absorbe tout, et ne rejette rien.

Alors que c’est la géopolitique qui devrait l’emporter sur les idéologies, notons que c’est la technocratie qui l’emporte aujourd’hui sur la géopolitique, poursuivant sa tâche pour asseoir son pouvoir total, se jouant des guerres intra-continentales et de toute multipolarité, effective ou non. C’est-à-dire que le pouvoir absolu des ténèbres du non-être n’envisage plus du tout quelque choc des civilisations que ce soit, mais l’aplanissement des civilisations, et leur résorption dans une harmonie nihiliste de façade.

Le redressement économico-industriel de la Russie, tout comme de la Chine et prochainement de l’Inde, s’est fait sous les fourches caudines de la cyber-technocratie de surveillance généralisée. L’État s’est libéré des servitudes oligarchiques, pour tomber sous la férule des technocrates.

Les forces spirituelles, qui sont les forces vivantes de chaque civilisation, se battent ardemment pour retrouver leur place dans chacun de ces pôles, afin de rendre au concept de multipolarité son véritable caractère révolutionnaire et anti-occidental.

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En Chine, aujourd’hui, la reconnaissance du visage, ou de la paume de la main, par numérisation optique sert bien souvent de moyen de paiement. L’identité personnelle de notre propre corps a remplacé l’impersonnalité suprême du billet de banque.

Mais on sait – en tout cas, je le sais parfaitement – que, par ailleurs, de nombreux groupes taoïstes de combat tentent de subvertir le néo-confucianisme au pouvoir, de manière à rendre à la Chine sa véritable autorité spirituelle (tout en conservant et fortifiant son ascendant politique).

La Chine hante toute l’œuvre de Raymond Abellio : essais, romans, journal, mémoires. Lors des Rencontres Abellio de 2014, Gilles Bucherie affirmait que la Chine était un outil abellien pour mesurer l’émergence de l’histoire invisible.

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Il y a tout d’abord la prégnance du Yi-King, dont il est écrit dans le Manifeste de la nouvelle gnose qu’il « fonctionne sur une base quadripolaire, celle du Vieux Yang, du Jeune Yang, du Jeune Yin et du Vieux Yin », et dont la logique de la double contradiction « anime depuis des millénaires les transformations à l’œuvre dans les soixante-quatre hexagrammes ». Et Abellio insistait surtout sur le fait qu’il était temps de révéler au grand jour la Structure Absolue de ce Yi-King, car « nous sommes entrés dans une ère de désoccultation intellectuelle de l’ésotérisme ». Désocculter le Yi King, c’est montrer par exemple l’identité formelle de sa structure avec celle des codons du code génétique, ou même avec les lois de transformation des particules sub-atomiques (voir Le Tao de la physique, de Fritjof Capra). C’est mettre en avant « la logique sphérique contre la logique linéaire, la logique pleine contre la logique plane ».

« La désoccultation du Yi King s’inscrit dans la ligne d’une révolution culturelle universelle où la phénoménologie occidentale, en tant que fin de la philosophie, vient éclairer du dedans et en quelque sorte intérioriser la révolution permanente venue de l’Orient » (La Fin de l’ésotérisme).

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Le Symbolisme de la Croix est peut-être le livre de René Guénon qui a le plus marqué la pensée d’Abellio ; et notamment ces chapitres de pure considération géométrique, généralement considérés comme difficiles, qui mettent en lumière le fait que « le passage des coordonnées rectilignes aux coordonnées polaires » décrivant la Croix en rotation sur elle-même aboutit à « la figuration du vortex sphérique universel suivant lequel s’écoule la réalisation de toutes choses, et que la tradition métaphysique de l’Extrême-Orient appelle Tao, c’est-à-dire la Voie » (Guénon, op. cit.).

L’image tridimensionnelle de la Croix en rotation comme seul et unique lien possible, vivant et agissant, entre Orient et Occident.

Stat orbis dum volvitur crux.

Quelques mots sur le rôle de la prêtrise invisible, absolument définitive pour l’avenir de notre civilisation selon Abellio, et dont les caractéristiques sont fondamentalement taoïstes : « Les prêtres purs sont toujours invisibles. Aussi est-ce à l’Occident se dissolvant en tant qu’Occident visible qu’il appartient de faire germer en lui l’esprit de la première caste, et celui-ci ne sera pleinement intensifié dans son ordre que lorsque cet Occident disparaîtra. […] Ces prêtres déjà conscients du futur Occident ne peuvent être aujourd’hui que des solitaires sans action visible dans le monde » (Assomption de l’Europe).

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C’est dans cet esprit qu’Abellio, face à la tentation quiétiste, en appelait à un « militantisme prophétique » réunissant politique, science et spiritualité au sein d’un Ordre nouveau, mettant en œuvre une « dialectique du vide foudroyé » - comme l’écrivait Jean Parvulesco dans son portrait flamboyant Le Soleil rouge de Raymond Abellio, esquisse d’une « grande biographie personnelle » qui reste encore à venir…

À ma connaissance, la seule personne véritablement qualifiée à avoir tenté de revivifier cette idée motrice a été Ubald Hirsch, fils du kabbaliste Charles Hirsch, co-auteur avec Abellio de La Bible : document chiffré (originellement dédié à Pierre de Combas). Deux pages de l’ouvrage anonyme Les Magiciens du nouveau siècle (J’ai lu, 2018) relatent la tentative d’enlèvement d’Ubald à l’âge de dix ans par une secte séthienne... L’Ordre ardemment rêvé par Ubald Hirsch était structuré en trois fonctions majeures, trois castes opératives et quatre pôles visibles, et agencé suivant l’ordre sénaire-septénaire des arcanes majeurs du Tarot de Marseille – qu’Abellio voyait comme un équivalent européen du Yi-King. Ubald lisait Vers un nouveau prophétisme comme le mode d’emploi pour l’élaboration d’un militantisme prophétique et opératif, à visée à la fois gauloise et européenne ; il périt à la tâche, vaincu par Abaddon. Je tenais à profiter de ce texte pour lui rendre hommage.

J’ai nommé plus haut Fritjof Capra. Il y aurait toute une réactualisation synthétique des connaissances scientifiques à faire, dans la perspective abellienne d’élaborer à la fois une véritable science numérale au service de l’Ordre, et de fonder une physique basée sur la fécondité de l’indétermination. Le Tao est fluctuant – tout autant que l’énergie minimale de la matière, celle du Vide. Une physique qui emprunterait à Héraclite, Grégoire de Nazianze et Maître Eckhart les principes-clés de sa pensée, et que l’on pourrait coupler en toute sérénité avec le Tao Te King.

Une physique préconisée par Guénon dans ses Principes du calcul infinitésimal, où il précise que la définition d’un système à l’équilibre ne devrait plus reposer sur une somme vectorielle des forces nulles (principe fondamental de la statique), mais sur un produit vectoriel des forces égal à l’unité.

« Ainsi, l’équilibre sera défini, non plus par le zéro, mais par l’unité. Cette formule correspond exactement à la conception de l’équilibre des deux principes complémentaires yang et yin dans la cosmologie extrême-orientale ».

Il y avait quelque chose d’indéterminé

avant la naissance de l’univers.

Ce quelque chose est muet et vide.

Il est indépendant et inaltérable.

Il circule partout sans se lasser jamais.

Il doit être la Mère de l’univers.

Tao Te King, XXV

 

Le Tao engendre Un.

Un engendre Deux.

Deux engendre Trois.

Trois engendre tous les être du monde.

Tao Te King, XLII

Par ailleurs, la Chine - astrologiquement associée à Pluton dans La Fosse de Babel - se pose comme suprême horizon eschatologique dans Visages immobiles : son dernier roman, son « roman du huitième jour ». Elle apparaît alors de façon lumineuse comme une rupture radicale avec le monde juif – dont on sait qu’Abellio connaissait particulièrement bien les arcanes ésotériques. Et sa compréhension singulière de la signification de Kafka et Simone Weil ne fait que renforcer cette impression. « Kafka et Simone Weil ne sont pas des consciences juives qui se sentent prises au piège du corps européen, ce sont des corps juifs pris au piège de la conscience européenne » (Assomption de l’Europe).

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Jean Parvulesco : « Aussi peut-on considérer que, si l’œuvre de Dostoïevski devait marquer l’entrée dans les ténèbres d’un cycle historique tout à fait final, le cycle même de la manifestation suprême des puissances négatives et de la grande subversion nihiliste à leur service, l’œuvre de Raymond Abellio en marque, elle, aujourd’hui, et comme au-delà de tout, la tragique sortie ». En montrant dans son dernier roman l’émergence planétaire d’un nouveau terrorisme, Abellio illustre également, et de manière concomitante, le remplacement de la gnose juive par la pensée chinoise.

Visages immobiles : « Dans le combat qui s’engage en ce moment pour la domination du monde, il n’y a plus que deux esprits moteurs, tous deux ultimes, et ce sont l’esprit juif et l’esprit chinois, que tout oppose. Je dis bien tout. Autant les Juifs, par leur activisme cérébral, sont des hypermâles faits pour l’action en soi, autant les Chinois apparaissent comme les porteurs de l’hyperféminité qu’appellent aujourd’hui le renversement des temps et le rééquilibrage paisible du monde ».

Yang juif contre yin chinois.

Taoïsme suprême de la Fin des Temps.

Les premiers expulsent Dieu. Les seconds l’absorbent, dans un vertige d’impersonnalité absolue.

C’est la signification de cette célèbre sentence d’Abellio, expliquant que lorsque la Chine submergera notre continent, ce sera « pour y chercher Dieu ».

Puisque « la vraie mission de la Chine », lit-on dans La Fosse de Babel, « est d’abord de faire cesser sur la terre la lutte de l’espace et du temps ».

Si la Chine finira par sortir victorieuse du combat ultime contre l’esprit juif, ce n’est pas par un quelconque antisémitisme (on ne trouve la moindre trace en Chine ni de juifs, ni – contrairement au Japon – d’antisémites), mais par la plénitude toute-puissante de son indifférence souveraine et abyssale envers le judaïsme.

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Je finirai par une anecdote, qui illustre parfaitement mes propos. À l’occasion d’un récent séjour au Sichuan, j’ai tissé des liens – ou plutôt, des liens se sont tissés d’eux-mêmes – de manière irréversible avec le Mont Heming qui, plus encore que le Qingcheng, représente le réceptacle terrestre du Tao originel – bien avant que Huangdi, l’Empereur Jaune tokharien, n’en reçoive les enseignements de Ning Fenzhi. Il se trouve qu’un homme d’affaires contemporain a exprimé le désir de reconstruire les temples sacrés du mont Heming, en grande partie détruits durant la Révolution culturelle. Cet homme, Xue Yongxin, a récemment fait la déclaration suivante : « Je vais faire de cette montagne le cœur vivant du Taoïsme, tout comme le sont le Vatican pour les chrétiens et Jérusalem pour les musulmans ».

Je vous laisse méditer.

洛鸣

Laurent James, 5 mai 2024.

18:32 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yi king, traditions, chine, tao, raymond abellio | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 05 septembre 2021

Yi King: la morsure brisante - Hexagramme n° 21

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Yi King: la morsure brisante - Hexagramme n° 21

Présentation d'Alessandro Zanconato

Ex: https://www.azionetradizionale.com/2021/07/24/i-ching-il-morso-che-spezza-esagramma-n-21/

Le Yi King est un ancien texte de sagesse chinois, composé de 64 hexagrammes, symboles constitués de lignes yang (entières) et yin (brisées), capables de représenter tous les états et changements de l'univers. Ceux qui apprennent son langage sont capables d'accorder leur vie avec l'harmonie de la nature (le Tao), atteignant ainsi une véritable noblesse d'esprit.
Nous l'explorons dans cette chronique éditée par Alessandro Zanconato, auteur du livre Il morso che spezza (ed. Passaggio al Bosco).

SCI - LA MORSURE QUI BRISE

i-ching-21.jpgL'hexagramme, qui a donné son nom à ce livre, indique une situation dans laquelle il est nécessaire d'être ferme et décisif : il représente un moment difficile dans lequel la détermination est essentielle et, par conséquent, il devient nécessaire de rompre tout retard. Il s'agit d'une signification inhabituelle dans un texte comme le Yi King, qui prône généralement les vertus du calme, de la docilité et de l'abandon souple. Cependant, l'oracle sait qu'au cours de la vie, il y a des circonstances dans lesquelles on ne peut et ne doit pas hésiter. La quatrième ligne forte entre des lignes faibles représente graphiquement un obstacle dans la bouche, que les dents doivent briser de manière décisive. L'hexagramme indique aussi, dans les lignes mutantes, les risques que l'action décidée peut encourir : en mordant la viande on peut trouver du poison (troisième ligne) ou une pointe de flèche en métal (quatrième et cinquième lignes) et - néanmoins - il n'y a pas de culpabilité. Ceux qui agissent savent qu'ils peuvent échouer, mais il vaut mieux être courageux et "souffrir" pour avoir la liberté de jugement - c'est-à-dire la capacité de juger sagement indiquée par la quatrième ligne - que de ne rien faire et d'être négligent.

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De nombreuses idées intéressantes vont à contre-courant de notre époque sombre : la liberté de jugement - à laquelle le texte fait référence - est associée à l'anxiété, puisque le livre reconnaît que tout choix humain libre a pour contrepartie l'incertitude de son résultat, de sorte que le poids extrême de la responsabilité peut dégénérer en anxiété et en inquiétude. Cependant, l'oracle est loin de la dimension éblouissante et aveuglante de la désorientation existentielle à laquelle certaines philosophies de notre temps - par exemple, l'existentialisme français et allemand d'un Sartre et d'un Heidegger - ont conduit trop d'esprits hypersensibles. L'angoisse ne doit jamais paralyser l'action ; la liberté elle-même est conçue dans un sens positivement pregnant par rapport à la philosophie de la crise occidentale. La liberté elle-même est conçue dans un sens positivement prégnant par rapport à la philosophie de la crise occidentale : elle n'est pas la faculté de choisir entre des alternatives irréductibles et en même temps axiologiquement équivalentes - d'où le sentiment de "nausée" qui imprègne le "dernier homme" post-nietzschéen et post-sartrien, perpétuellement incapable d'échapper à une condition de malaise et d'ennui existentiel, paralysé par le sentiment de la nullité de toute chose, présent dans des œuvres telles que L'être et le néant ou La nausée - mais plutôt la sagesse dans la délibération et l'action, une capacité concrète à discriminer entre le bien et le mal, le correct et l'erroné.

Le commentaire de Confucius sur le cinquième vers mutant le dit très clairement : "On n'est libre et parfait que si l'on peut se considérer comme irréprochable" ; autrement dit, la liberté est toujours en même temps une responsabilité active, au sens étymologique de "capacité de répondre" à soi-même et aux autres de ses choix. Loin de la sagesse chinoise l'idée d'exprimer une forme vide de liberté comme l'arbitraire irrationnel et nihiliste entre des possibilités indifférentes !

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L'hexagramme 21 enseigne aux "homoncules" de la civilisation technologique post-moderne une éthique de responsabilité et de courage qui s'oppose à deux défauts spéculaires et complémentaires de "l'homme sans qualités" d'aujourd'hui : l'inertie morale et l'hyperactivité pragmatique. Ces vices semblent à première vue être des opposés et des contradictions (l'un impliquant une forme d'inaction, l'autre une agitation débridée), mais ils ne le sont pas: aujourd'hui, l'incapacité de distinguer moralement le bien et le mal, le bon et le mauvais, héritage du relativisme nihiliste, est très souvent associée à un "agir" agité dans les circuits aliénants de la production et de la consommation, à travers l'exaltation fidéiste et superstitieuse du "faire" hypertechnologique, de la production sans but et sans forme, autre que le but et la forme de l'argent-marchandise accumulé, investi et dépensé dans la recherche spasmodique de la jouissance hédoniste. Plus l'homme moderne est privé de points d'orientation éthiques solides, plus il se jette à corps perdu dans la poétique capitaliste, qui ne génère pas d'œuvres d'art, mais des objets de désir compulsif produits en série, pour combler son vide spirituel étouffant. Un tel individu humain n'est pas capable de faire des choix existentiellement fertiles, de générer de la vie et de la connaissance pour lui-même et pour les autres ; ses "actions" sont en fait des "réactions", des compulsions répétitives dans lesquelles l'originalité créative est absente et où l'impersonnalité domine : "nous faisons comme les autres", "nous vivons comme ça parce que tout le monde le fait". Pour être authentiquement créatif, il faudrait donc avoir en soi une réserve d'énergie et de nourriture, s'abreuvant aux sources spirituelles de la Tradition pérenne, dont les formes varient au cours de l'histoire et selon les latitudes, mais dont les principes fondateurs sont éternels et intemporels. L'une de ces expressions est sans aucun doute la sagesse profonde et vivifiante du Yi King, une source pérenne de rafraîchissement pour ceux qui ne se sont pas abandonnés au désert du Kali Yuga, l'âge sombre actuel destiné - de toute façon - à s'accomplir et à passer à une phase aurorale renouvelée du cycle cosmique, tel que décrit par le Livre des Mutations, à l'horizon de l'éternelle circularité de la vie naturelle et humaine.

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14:19 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, chine, yi king, traditionalisme, hexagrammes | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook