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dimanche, 22 août 2010

UN ouvrage fondamental sur la "révolution conservatrice"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Un ouvrage fondamental sur la révolution conservatrice

 

Richard FABER (Hrsg.), Konservatismus in Geschichte und Gegenwart, Königs­hau­sen & Neu­mann, Würzburg, 1991, ISBN 3-88479-592-9.

 

Deux contributions de cet ouvrage collectif intéressent directement notre propos: 1) Ri­chard FABER, «Differenzierungen im Be­griff Konservatismus. Ein religionssoziolo­gi­scher Versuch» et 2) Arno KLÖNNE, «"Rechts oder Links?". Zur Geschichte der Nationalrevolutionäre und Na­tionalbolsche­wisten». Richard Faber, dont nous connais­sons déjà la concision, résume en treize points les positions fondamentales du "con­servatisme" (entendu dans le sens alle­mand et non pas britannique):

◊1) le principe de "mortui plurimi", le culte des morts et des anciens, garant d'un ave­nir dans la conti­nui­té, de la durée.

 

◊2) Ce culte de la durée im­plique la no­stal­gie d'un ordre social stable, comme celui d'a­vant la révolution, la réfor­me et la re­nais­san­ce (Hugo von Hofmanns­thal).

 

◊3) Dans l'actualité, cette nostalgie doit con­duire l'homme politique à défendre un or­dre économique "sain", respectant la plu­ralité des forces sociales; à ce niveau, une con­tra­diction existe dans le conservatisme con­temporain, où Carl Schmitt, par exem­ple, dé­nonce ce néo-médiévisme social, com­me un "romantisme politique" inopé­rant, au nom d'un étatisme efficace, plus dur encore que le stato corporativo italien.

 

◊4) L'ordre social et politique dérive d'une re­­pré­sentation de l'empire (chinois, babylo­nien, perse, assyrien ou romain) comme un analogon du cosmos, comme un reflet mi­cro­cosmique du macrocosme. Le christia­nis­­me médiéval a retenu l'essentiel de ce cosmisme païen (urbs deis hominibusque com­munis). La querelle dans le camp con­ser­vateur, pour Faber, oppose ceux qui veu­­­lent un retour sans médiation aux sour­ces originales païen­­nes et ceux qui se con­tentent d'une ré­­pétition de la synthèse mé­dié­vale christia­ni­sée.

 

◊5) Les conservateurs perçoivent le fer­ment chrétien comme subversif: ils veu­lent une re­ligion qui ne soit pas opposée au fonction­nement du politique; à partir de là, se déve­loppe un anti-christia­nisme conservateur et néo-païen, ou on impose, à la suite de Jo­seph de Maistre, l'ex­pé­diant d'une infailli­bi­li­té pontificale pour bar­rer la route à l'impo­li­tis­me évangélique.

 

◊6) Les positivistes comtiens, puis les maur­ras­siens, partageant ce raisonnement, déjà présent chez Hegel, parient pour un catho­li­cis­me athée voire pour une théocratie a­thée.

 

◊7) Un certain post-fascisme (défini par Rü­diger Altmann), observable dans toutes les traditions politiques d'après 1945, vise l'in­té­gration de toutes les composantes de la so­ciété pour les soumettre à l'économie. Ainsi, le pluralisme, pourtant affiché en théo­rie, cè­­de le pas devant l'intégra­tion/ho­mo­loga­tion (option du conservatisme technocrate).

 

◊8) Dans ce contexte, se dé­ve­lop­pe un ca­tholicisme conservateur, hostile à l'auto­no­mie de l'économie et de la so­cié­té, les­quel­les doivent se soumettre à une "syn­thèse", celle de l'"organisme social" (suite p. 67).

 

◊9) Le contraire de cette synthèse est le néo-li­béralisme, expression d'un polythéis­me po­liti­que, d'après Faber. Les principaux re­pré­sentants de ce poly­théis­me libéral sont O­do Marquard et Hans Blumenberg.

 

◊10) Dans le cadre de la dialectique des Lu­mières, Locke estimait que l'individu devait se soumettre à la société civile et non plus à l'autorité po­litique absolue (Hobbes); l'exi­gence de soumission se mue en césarisme chez Schmitt. Dans les trois cas, il y a exi­gence de soumission, comme il y a exi­gen­ce de sou­mission à la sphère économique (Alt­mann). Le conservatisme peut s'en ré­jouir ou s'en insurger, selon les cas.

 

◊11) Pour Fa­ber, comme pour Walter Ben­jamin avant lui, le conservatisme représente une "tra­hi­son des clercs" (ou des intellec­tuels), où ceux-ci tentent de sortir du cul-de-sac des discussions sans fin pour débou­cher sur des décisions claires; la pensée de l'ur­gence est donc une caractéristique ma­jeu­re de la pensée conservatrice.

 

◊12) Faber cri­ti­que, à la suite d'Adorno, de Marcuse et de Ben­jamin, le "caractère affir­ma­teur de la cul­ture", propre du con­ser­va­tisme. Il re­mar­que que Maurras et Maulnier s'engagent dans le combat politique pour pré­server la culture, écornée et galvaudée par les idéo­logies de masse. Waldemar Gu­rian, disciple de Schmitt et historien de l'Ac­tion Fran­çai­se, constate que les sociétés ne peuvent sur­vivre si la Bildung disparaît, ce mé­lange de raffinement et d'éducation, pro­pre de l'é­li­te intellectuelle et créatrice d'une na­tion ou d'une civilisation.

 

◊13) Dans son dernier point, Faber revient sur la cosmologie du conservatisme. Celle-ci implique un temps cyclique, en appa­ren­ce différent du temps chrétien, mais un au­teur comme Erich Voe­gelin accepte explici­te­ment la "plus ancien­ne sagesse de l'hom­me", qui se soumet au rythme du devenir et de la finitude. Pour Voe­gelin, comme pour cer­tains conserva­teurs païens, c'est la pen­sée gnostique, an­cêtre directe de la moder­nité délétère, qui re­jette et nie "le destin cy­clique de toutes choses sous le soleil". La gnose christia­ni­sée ou non du Bas-Empire, cesse de per­ce­voir le monde comme un cos­mos bien or­don­né, où l'homme hellé­ni­que se sentait chez lui. Le gnostique de l'an­tiquité tardive, puis l'homme moderne qui veut tout mo­di­fier et tout dépasser, ne par­vient plus à re­gar­der le monde avec émerveillement. Le chré­tien catholique Voe­gelin, qui aime la cré­a­tion et en admire l'or­dre, rejoint ainsi le païen catholique Maur­ras. Albrecht Erich Günther, figure de la ré­vo­lution conserva­trice, définit le conserva­tis­me non comme une propension à tenir à ce qui nous vient d'hier, mais propose de vi­vre comme on a toujours vécu: quod sem­per, quod ubique, quod omnibus.      

 

Dans sa contribution, Arno Klönne évoque la démarche anti-système de personnalités comme Otto Strasser, Hans Ebeling, Ernst Niekisch, Beppo Römer, Karl O. Paetel, etc., et résume clairement cette démarche en­tre tous les fronts dominants de la pen­sée politique allemande des années 20 et 30.  Le refus de se laisser embrigader est une leçon de liberté, que semble reprendre la "Neue Rechte" allemande actuelle, sur­tout par les textes de Marcus Bauer, philo­so­phe et théologien de formation. Un ex­cel­lent résumé pour l'étudiant qui sou­hai­te s'i­ni­tier à cette matière hautement com­ple­xe (RS).

 

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