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mercredi, 11 décembre 2013

Tintin au pays du Lotus bleu

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TINTIN AU PAYS DU LOTUS BLEU
 
L’ œuvre d’Hergé décryptée


Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr

Le Lotus bleu (ou Les aventures de Tintin, reporter, en Extrême-Orient) est l’un des premiers albums écrits par Georges Rémi (dit Hergé, 1907-1983) : la première édition est parue par épisode dans la revue du Petit Vingtième entre le 2 août 1934 et le 17 octobre 1935. 


Cette publication originelle de 126 planches noir et blanc a été mise en couleur en 1946, c’est la version actuelle, la plus connue de cette bande dessinée. À la différence de ses premières réalisations, et en particulier Tintin au Congo où abondes poncifs et préjugés, Georges Rémi a fait pour cet album un réel effort documentaire. Grâce à trois prêtres, le père Wallez, qui assurait la parution du supplément pour la jeunesse du Petit Vingtième, l’abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois de Louvain et le père Neut, ancien secrétaire d’un ministre de Sun Yat-Sen, devenu moine à l’abbaye de Saint-André (près de Bruges), Hergé va s’informer sur les traditions et la société chinoises. Par l’intermédiaire du second, il fait la connaissance d’un étudiant de Shangaï du même âge que lui, inscrit aux Beaux-Arts de Bruxelles et issu d’une famille catholique : Tchang Tchong-Jen. Tchang va initier le dessinateur belge à la culture de son pays et lui esquisser des décors et des environnements détaillés pour servir de cadre visuel aux futures planches. Cette rencontre a eu un impact sur le scénario qui se déroulera à Shangaï, ville de Tchang Tchong-Jen ; et c’est en hommage à son collaborateur chinois que Georges Rémi baptise l’un des principaux héros de l’aventure :  « Tchang ». 

L’univers et le contexte historique du Lotus Bleu relève du reportage, ce qui explique en partie son succès : l’atmosphère de Shangaï, siège des concessions américaines et européennes (Britanniques et Françaises), est plus vraie que nature avec ses ruelles encombrées et ses fumeries d’opium (plus de 1 700 établissements), dont on connaît la tragique histoire : une drogue meurtrière, sous contrôle des puissances coloniales et ayant fait des ravages dans la population (entre 25 et 100 millions de toxicomanes, 5 à 20% de la population au XIXe siècle) ; ce marché lucratif a été imposé par la force : les guerres de l’opium ; il sera interdit en 1908, mais des trafics et des fumeries illicites perduraient encore à l’époque de Tintin.

La bande dessinée a été écrite au moment où le Japon amorce son expansion territoriale en Chine : Hergé relate l’incident de Moukden (18 septembre 1931) : le sabotage de la voie ferrée perpétré par les Japonais, lesquels en attribue la responsabilité au gouvernement chinois pour servir de prétexte à l’invasion de la Mandchourie. Mais l’auteur situe l’affaire dans les environs de Shangaï par souci de cohérence avec l’unité géographique de l’album. Georges Rémi prend parti contre Tôkyô et ne modifiera pas une bulle de son scénario, malgré les protestations japonaises.


 Les œuvres d’Hergé ont été étudiées sous toutes leurs coutures par de nombreux auteurs. Ces recherches ne sont pas sans rappeler Les mémoires de Corto Maltese : décryptage de l’univers historico-symbolique de Corto, imaginé et mis en scène par Hugo Pratt (Hugo Pratt est décédé en 1995 ; les Mémoires ont été éditées en 1998) : Corto séjourne en Chine à l’époque des Seigneurs de la Guerre (Corto Maltèse en Sibérie). 


Patrick Mérand, un éditeur tintinophile et Li Xiaohan, une doctorante chinoise qui vit en France, nous offre une traduction des idéophonogrammes et un commentaire instructif et concis sur le contexte historique et culturel du Lotus Bleu. Les auteurs, outre leurs connaissances linguistiques, ont exhumé des photographies d’époque, dont certaines ont servi de document de travail à Hergé. Le Lotus Bleu décrypté est un livre instructif (centré sur la traduction des idéophonogrammes chinois) et sa lecture un moyen plaisant de (re)découvrir la Chine des années 1930. Il est vivement conseillé de procéder à une lecture en parallèle avec la bande dessinée originale. 

Patrick Mérand et Li Xiaohan, Le Lotus Bleu décrypté, éditions Sepia.

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