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jeudi, 07 juillet 2016

L'homme nu, de Marc Dugain et Christophe Labbé

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L'homme nu, de Marc Dugain et Christophe Labbé

par Francis Richard

Ex: http://www.francisrichard.net

homme-nu-dugain.jpgNous ne nous attarderons pas sur les effets positifs de la révolution numérique, mais plutôt sur la menace sournoise qu'elle fait peser sur notre liberté individuelle, la vie privée, notre droit à l'intimité, et plus généralement sur le danger qu'elle représente pour la démocratie.

Tel est le but poursuivi par Marc Dugain et Christophe Labbé avec L'homme nu. Pour eux, la révolution numérique a enclenché un processus de mise à nu de l'individu au profit d'une poignée de multinationales, américaines pour la plupart, les fameux big data.

Les Gafa

Les big data? Ce sont les Gafa, Google, Apple, Microsoft et Amazon. Que font-elles de répréhensible? Elles collectent des données à visée commerciale. Quel est le danger? Que les services de renseignement y puisent pour surveiller de plus près un de leurs connectés devenu suspect.

Les auteurs reconnaissent pourtant, par exemple, que cela ne permet pas vraiment de détecter les terroristes (il est préférable d'investir dans le renseignement humain), comme l'histoire récente le montre, et ils déplorent, à raison, que cela leur permet de diffuser à l'échelle planétaire leur idéologie mortifère en servant de caisse de résonance à leurs crimes (les médias ne sont pas de reste...).

En fait, ce sont les Etats-Unis - c'est-à-dire un Etat - qui contrôlent les Gafa et qui leur délèguent l'exploitation, le stockage et le raffinement des gisements numériques. En dépit de cette connivence obligée, les auteurs affirment que l'ennemi des big data, c'est la puissance étatique...

La perte du sens

Les auteurs s'inquiètent: En encodant le monde, les big data tendent une Toile entre nous et le réel qui filtre nos émotions, ces sécrétions purement humaines, non modélisables, qui, pour le pire ou le meilleur, font de l'homme un être imprévisible, à la différence de l'ordinateur.

Il est vrai qu'en convertissant le réel en 0 et 1, on nous a fabriqué un monde binaire amputé d'une dimension fondamentale, le sensible. Une simplification qui nous prive d'un élément essentiel à la compréhension des choses.

Ils ajoutent: En prétendant rendre le monde intelligible grâce aux seules corrélations des algorithmes, on ne répond plus à la question du "pourquoi", seul compte le "comment". On ignore les causes pour ne s'intéresser qu'aux conséquences.

Les données

Comment sont collectées les données? Par tous les échanges que nous effectuons avec notre téléphone portable (textos, mails, photos, vidéos), par nos paiements en ligne, par les réseaux sociaux auxquels nous participons (listes d'amis, situation amoureuse, date anniversaire, centres d'intérêts), par nos GPS etc., bref par nos connexions.

Un exemple peu connu? Les liseuses enregistrent habitudes et préférences, les lieux et moments favoris de lecture, quelles pages ont été annotées, quels chapitres éventuellement délaissés, quels livres refermés avant d'avoir été terminés. Toutes ces informations, jusqu'alors inaccessibles, sont maintenant revendues aux éditeurs pour qu'ils optimisent leur offre.

Pourquoi collecter toutes ces données? L'objectif ultime est de collecter toujours plus d'informations, même les plus insignifiantes, sur un individu, dans l'idée qu'il y aura toujours un algorithme pour en extraire un renseignement utile, soit monétisable, soit politiquement ou socialement intéressant.

Comment collecter davantage de données? Grâce à la prolifération des capteurs ou des puces sans contact, similaires à des cartes bancaires ou des passes de transport. Tout cela pour, prétendument, nous faciliter la vie; en réalité, selon les auteurs, pour nous réduire à des consommateurs compulsifs, auxquels les objets non seulement obéissent au doigt et à l'oeil, mais devinent [les] envies (rien ne nous oblige à y céder...).

Le libertarianisme des big data

L'ennemi des big data serait l'Etat-providence. Les big data seraient en effet adeptes de l'idéologie libertarienne, celle du chacun pour soi (et celle - mais il ne faut pas le dire - des solidarités naturelles), et feraient tout pour que la santé soit une affaire purement individuelle, alors que la santé publique est l'incarnation par essence des politiques de solidarité et, sous cette couverture honorable, d'un racket étatique...

Comme si on n'avait pas compris, les auteurs insistent: Leur idéologie sous-jacente, c'est le libertarisme [traduction invalide de libertarianism], la loi du marché poussée à l'extrême, la possibilité de tout acheter et de tout vendre sans limite réglementaire.[...] Nourrie par une hyper-avidité, l'accumulation devient une fin en soi. Sauf que les libertariens, dignes de ce nom, refusent d'être liés à toute élite gouvernementale et ne sont pas plus que d'autres mus par l'avidité...

Les auteurs persistent à désinformer et à fantasmer: L'arrivée des robots humanoïdes va précipiter le "chômage technologique", jusqu'à l'ultime étape du chômage total! Ne subsisteront que les tâches à haute valeur ajoutée requérant de la créativité et du contact humain. [...]Une mutation que les big data ont déjà anticipée en imaginant un "revenu universel" pour les 80% restants, les sans-emploi.

Ils précisent en effet: L'idée, en apparence généreuse et humaniste est ardemment défendue par les libertariens, ce courant ultra-libéral largement sponsorisé par les big data. Cette utopie du revenu universel est pourtant soutenue en Suisse par les seuls Verts, qui n'ont rien de libéraux ni de libertariens, sous l'appellation contrôlée de revenu inconditionnel de base, un objet soumis à votation le 5 juin 2016.

L'humain

Les sollicitations numériques incessantes habituent le cerveau à papillonner: Notre attention, captée par une foule de choses souvent insignifiantes, ne parvient plus à se fixer, elle s'éparpille comme les pièces d'un puzzle. Nous perdons notre capacité à nous concentrer, à réfléchir.

Comment, dans ces conditions, ne pas souscrire à l'éloge du livre papier que fait Cédric Biagini, cité par les auteurs? Plus que jamais, le livre papier, dans sa linéarité et sa finitude, constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse, permet de maintenir une cohérence au milieu du chaos.

Comment ne pas d'être d'accord avec les auteurs quand ils disent que les données et les automatismes n'ont jamais fait un être humain? Ce qui constitue notre humanité, c'est indubitablement la conscience, les idées, la créativité, les rêves. L'information, certes, mais en extraire la connaissance, et, mieux, la sagesse, ce qu'aucun algorithme ne peut extraire.

L'hybris

Les big data seraient saisis par l'hybris, la démesure. Ainsi voudraient-elles repousser les limites de la mort, et parvenir, pourquoi pas, à l'immortalité. Ainsi voudraient-elles fabriquer un homme nouveau en l'hybridant avec la machine, ce que d'aucuns appellent le transhumanisme...

Selon les auteurs, les big data iraient encore plus loin: Emportés par leur hybris, les transhumanistes caressent carrément l'idée d'implanter le cerveau dans l'ordinateur, tandis que l'intelligence artificielle permettrait de remplacer l'homme dans des fonctions complexes où le cerveau humain était jusqu'alors considéré comme indispensable. 

Comme de juste, toute cette démesure proviendrait de cette épouvantable idéologie libertarienne des big data et de son individualisme total: Le progrès technologique à tout prix avec pour seule règle de conduite le chacun pour soi.

Le gros mot

Selon les auteurs, le gros mot de circonstance n'est donc plus ultra-libéral, mais libertarien: Le projet des big data est libertarien, sans frontières, sans Etat, il rend obsolètes toutes les idéologies souverainistes. L'acte de résistance sera de remettre l'humain au centre du jeu. De protéger la sensibilité, l'intuition, l'intelligence chaotique, gage de survie.

Remettre l'humain au centre du jeu, n'est-ce pas justement ce que font les libéraux et les libertariens quand ils mettent la liberté individuelle au centre de l'action humaine?

Francis Richard

L'homme nu, Marc Dugain et Christophe Labbé, 208 pages,  Robert Laffont - Plon

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Fronts du Donbass et de Syrie : deux théâtres d’une même guerre

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Robert Steuckers :

Fronts du Donbass et de Syrie : deux théâtres d’une même guerre

Dans plusieurs articles et dans deux conférences données pour les « Journées eurasistes », patronnées par Laurent James à Bruxelles puis à Bordeaux, j’ai eu l’occasion de dire et de répéter que ces deux théâtres de guerre sont liés sur le plan stratégique. Je le répéterai ici car la prise de conscience de ces tragiques faits d’actualité peut contribuer à redonner aux Européens (et aux Russes) la conscience d’un destin commun : celui d’une civilisation bicéphale, ottonienne et rurikide en ses premiers fondements, non plus triomphante mais assiégée, martyre, conspuée comme un Heliand non reconnu par les homme triviaux, sans foi ni loi.

Revenons aux deux fronts de la guerre en cours : il serait sot d’imaginer que la situation en Syrie n’a rien à voir avec celle, bloquée, qui afflige les régions de l’Est de l’Ukraine. L’histoire nous enseigne que les deux régions sont des « régions-portails », des « gateway regions » sur les « rimlands » entourant le « heartland », la terre du milieu, dominée par la Russie. La notion géopolitique de « gateway région » ou « région-portail » a été mise en exergue par le stratégiste américain Saul B. Cohen dans plusieurs de ses essais et ouvrages. L’importance d’immobiliser, de détruire ou de bloquer les régions-portail est cruciale pour la stratégie globale actuelle et passée des Etats-Unis puisque celle-ci a toujours consisté à interdire le déploiement de synergies continentales sur la masse territoriale eurasiatique, dans le Vieux Monde ou sur l’Ile-monde du géopolitologue britannique Halford John MacKinder. Cette stratégie globale implique d’empêcher toute coopération sur le long terme entre l’Europe centrale et la Russie. La pratique consiste dès lors à créer artificiellement des conflits dans les régions-portail afin qu’elles ne puissent plus jouer leur rôle d’interface entre grandes régions d’Eurasie. On y créera des turbulences permanentes ou des guerres de longue durée en appuyant indirectement des intermédiaires, des « proxies », dont l’idéologie est toujours farfelue, délirante, criminelle et fanatique. Pendant des décennies, les régions-portail seront inutilisables, ne pourront plus servir à joindre des énergies constructives.

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La partie de l’Ukraine située à l’Est de la Crimée a relié jadis l’Europe (représentée par les comptoirs génois et partiellement vénitiens) au reste de l’Asie aux temps de Marco Polo, des grands khans mongols et plus tard encore, bien que dans une moindre mesure. La côte syrienne était la porte d’entrée des longues routes terrestres vers l’Inde et la Chine. La nécessité vitale de contrôler cette voie d’accès a amené l’Europe occidentale à lancer huit croisades durant notre moyen-âge (Spengler nous expliquait toutefois que la notion de « moyen-âge » n’est valide que pour nous).

Les réalités géographiques sont stables et permanentes. Elles seules sont significatives, au-delà des régimes ou des personnalités politiques, des idéologies ou même des religions. Tous les oripeaux idéalistes, utilisés pour susciter des guerres inutiles ou, pour être plus exact et précis, des guerres retardatrices (Carl Schmitt), sont autant de dérivatifs lourds et parasitaires pour aveugler les naïfs. MacKinder a voulu nous l’expliquer dans son livre magistral et plus ou moins oublié aujourd’hui, Democratic Ideals and Realities, qui a connu plusieurs éditions, chaque fois remaniées, entre 1919 et 1947.

Aujourd’hui, si les deux régions-portail en ébullition étaient pacifiées, les puissances économiques situées à l’Est et à l’Ouest de celles-ci, pourraient permettre l’acheminement de biens et de matières premières par voies terrestres, oléoducs et gazoducs, chemins de fer entre l’Asie orientale, l’Iran et l’Europe (dans le cas de la Syrie) et entre la Chine, la Russie et l’Allemagne (dans le cas de l’Ukraine). Ce qui est important aujourd’hui, et donc ne pourrait subir d’entraves artificielles, ce sont les projets postmarxistes et « listiens » de la Chine : elle les a imaginés et a commencé à les mettre en œuvre grâce aux surplus qu’elle a pu engendrer en devenant le principal atelier du monde. Elle envisage de les réaliser dans le cadre des BRICS et/ou du Groupe de Shanghai, avec l’assentiment de la Russie et du Kazakhstan.

Je parle ici très spécifiquement de projets « listiens » dans le cadre de cette grande organisation continentale car Friedrich List fut le principal théoricien du développement dans l’histoire du monde. Il demeure un classique de la pensée politique concrète et reste d’une grande actualité. Il ne faut jamais oublier que List impulsa le développement des chemins de fer dans l’Allemagne non encore industrialisée de la première moitié du 19ème siècle, initiative qui a permis l’unification territoriale des Etats allemands (du Zollverein à la proclamation du II° Reich à Versailles en 1871) et leur industrialisation fulgurante. Sans List, personne n’aurait jamais parlé d’une puissance allemande, politique et économique. Ce fut aussi List qui dressa les plans du creusement de canaux économico-stratégiques aux Etats-Unis (il fut fait citoyen américain), de façon à relier les régions des Grands Lacs aux ports de la côte est. En Allemagne encore, il propose aux cercles d’avant-garde politique, qui ne souhaitaient pas végéter dans l’aimable désordre de la Kleinstaaterei, de relier par canaux les bassins fluviaux de la Vistule à la Meuse dans la plaine nord-européenne alors dominée par la Prusse. Sans le génie de List, personne n’aurait jamais pu parler de la puissance agricole globale des Etats-Unis : en effet, l’Etat américain n’aurait jamais pu exploiter correctement le « wheat belt », la « ceinture de blé », du Middle West sans l’existence précoce d’un moyen de transport de masse vers les ports de l’Atlantique. De plus, l’approvisionnement aisé des grandes villes de la côte atlantique a permis d’attirer une immigration de grande ampleur venue d’Europe. Le ravitaillement était assuré.   

Selon List, qui songeait en termes de multipolarité continentale et favorisait les projets d’unification pacifiques sous l’égide du développement technologique, le rôle de l’Etat est justement de soutenir et de subventionner les moyens de communication pour susciter le développement de forces créatrices, industrielles, techniques et privées, appelées à croître. En ce sens, Joseph Schumpeter est son disciple. List appartient donc à une école libérale constructive, non handicapée par un fatras de notions idéologiques nauséeuses, présentées comme eudémonistes. Il est la figure de proue d’une école pragmatique efficace et non stupidement conservatrice de statu quo handicapants, qui a pu, dans le cadre des Lumières actives et non des Lumières bavardes, rejeter les aspects négatifs de l’idéologie libérale vulgaire qui oblitère l’Europe et l’eurocratisme aujourd’hui.

Les pionniers chinois du développement de l’Empire du Milieu se réclamaient de List, à la fin de l’ère impériale moribonde à la fin des années 1890 et aux débuts du défi lancé par les Républicains nationalistes de Sun Yatsen (qui réussit sa révolution en 1911). List a eu beaucoup de disciples chinois. Après les crises subies par la Chine au cours de la première moitié du 20ème siècle, les guerres civiles, les troubles provoqués par les « warlords » en lutte les uns contre les autres, l’occupation japonaise, l’ère communiste et la révolution culturelle, la Chine a décidé de se débarrasser tacitement du marxisme de l’époque maoïste, sans faire trop de tapage pour ne pas ameuter les masses auparavant conditionnées et les membres du parti. Cette « dé-marxisation » silencieuse est en fait une redécouverte de List et de ses disciples actuels, des plans qu’ils ont pensés et qui ressemblent à ceux que le maître initial avait forgés pour l’Allemagne ou pour les Etats-Unis.

Ces plans ont donné la puissance économique, industrielle et agricole à ces deux pays. Les divagations idéologiques actuelles créent la confusion et font émerger des conflits empêchant l’éclosion et la mise en œuvre de développements utiles dans le domaine des communications, dont l’humanité toute entière pourrait bénéficier. C’est une politique belliciste et retardatrice (Carl Schmitt) qui a provoqué les guerres horribles et inutiles de Syrie et du Donbass. Et ces conflits pourraient, on l’imagine bien, être rapidement étendu au Caucase (Tchétchénie, Daghestan, Ossétie), aux provinces de l’Est de la Turquie (les Kurdes contre l’établissement turc), bloquant pour de longues décennies toute possibilité d’étendre les voies de communication ferroviaires, les oléoducs et gazoducs et les routes terrestres.

Robert Steuckers.  

Peter Feist: Ursachen der Flüchtlingswelle

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Peter Feist: Ursachen der Flüchtlingswelle

Peter Feist spricht über die Ursachen der Flüchtlingswelle bei Quer-Denken.TV

Pierre-Yves Rougeyron: Stasis - Penser le chaos

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Pierre-Yves Rougeyron:

Stasis - Penser le chaos

Conférence de Pierre-Yves Rougeyron pour la sortie de Perspectives Libres n°17 :

"Stasis - Penser le chaos"