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vendredi, 08 juillet 2016

L’Inde et le Pakistan entrent dans le Groupe de Shanghai le jour du Brexit

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L’Inde et le Pakistan entrent dans le Groupe de Shanghai le jour du Brexit

Pour le professeur Alfredo Jalife-Rahme, le principal géopoliticien latino-américain, la concomitance de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et de l’entrée de l’Inde et du Pakistan dans l’Organisation de coopération de Shanghai marque le basculement du monde. Désormais, la déglobalisation est en marche.

L’Organisation de coopération de Shanghai représente désormais les deux tiers de la population mondiale. Elle comprend la première économie mondiale (la Chine) et la première puissance militaire conventionnelle (la Russie).

La chute du Mur de Berlin en 1989 avait imposé l’unipolarité stratégique des États-Unis, et la globalisation financière toxique, ce qui a répandu une inégalité monstrueuse, aux niveaux local, régional et global, assortie de chômage massif et d’une austérité asphyxiante. 

Le Brexit, un demi-siècle après l’étape pernicieuse de dérégulation thatchériste, et vingt-sept ans après la chute du Mur de Berlin, ouvre le chemin à une douloureuse déglobalisation  [1] ; cela implique des changements géostratégiques, et accentue le dynamisme de la multipolarité.

Le Brexit constitue la plaque tectonique en mouvement : et cet ébranlement aura des conséquences profondes pour le nouvel ordre global que je qualifie de tripolaire : États-Unis, Russie et Chine.

À court et moyen terme, le Brexit équivaut à la chute du Mur de Berlin.

À plus long terme, à l’échelle du temps long de Fernand Braudel, c’est un anti-Waterloo : c’est un renversement de tendance par rapport à la trajectoire ascendante de la Grande-Bretagne depuis sa victoire militaire décisive, il y a 201 ans, dans l’ancienne Belgique, devenue précisément siège d’une Union Européenne en voie de dislocation.

Pour l’éditorialiste du Global Times chinois, « le futur paysage de la politique globale va probablement conduire des changements d’envergure, comparables à ceux dont on a la trace dans l’histoire géologique avec la fracture de l’ancien super-continent Gondwana il y a 180 millions d’années » [2].

Les pions dispersés de l’UE vont se partager entre la Russie et les États-Unis, la Chine restant à l’arrière-plan.

Dans la façon dont les trois super-puissances racontent la chose, se dessine peut-être le noyau du nouvel ordre global qui va naître du Brexit : les États-Unis disent que c’est la Russie qui a gagné, la Chine assure que c’est le dollar qui a gagné et l’euro qui a perdu, tandis que la Russie assure que c’est la Chine qui a gagné.

De façon prémonitoire, trois jours avant le Brexit, le diabolique méga-spéculateur George Soros —qui a sérieusement contribué au démantèlement de l’Union européenne et de l’euro, en maniant à sa guise migrants et capitaux mobiles—, entrevoyait déjà la Russie comme la puissance globale émergente, dans le mouvement même de la vaporisation de l’Union [3].

LInde-et-le-Pakistan-à-la-frontière-de-Wagah..jpgLe Premier ministre de Hongrie, Victor Orban, avait déjà souligné la responsabilité de Soros, quand il a favorisé la crise migratoire du Proche-Orient afin de faire couler l’Europe [4].

Ce n’est pas par hasard si Soros est déjà l’un des principaux bénéficiaires du tsunami financier causé par le Brexit, pour avoir misé sur l’effondrement de la Bourse et la hausse de l’or [5].

Maintenant, Soros fait le pari d’anéantir la principale banque allemande/européenne, la Deutsche Bank, de façon à avantager les banksters de Wall Street et de la City [6].

Mon article de l’année dernière aura été prémonitoire : « La Grande Bretagne quitte l’Europe pour la Chine : une alliance géofinancière avec hollandisation », tandis que la complémentarité des plus grandes réserves de devises de la Chine avec le savoir-faire financiériste de la City construit l’échafaudage multipolaire pour le nouvel ordre géofinancier du XXI° siècle [7].

Proche de ma façon d’aborder le sujet, c’est Thierry Meyssan, directeur du Réseau Voltaire, qui ajoute que le Brexit, appuyé par la reine d’Angleterre et la réorientation de la Grande-Bretagne vers le yuan chinois, équivaut à la chute du Mur de Berlin et accélère la redistribution des cartes de la géopolitique mondiale [8].

Dans mon article précédent [9], je soulignais la simultanéité géostratégique suivante : le jour même où l’UE commençait à imploser, le groupe de Shanghai (OSC) se réunissait, pour son seizième sommet, à Tachkent (Ouzbékistan), où se sont retrouvés le tsar Vladimir Poutine et le mandarin Xi, et ils approuvaient le protocole d’adhésion de deux grands poids lourds nucléaires : l’Inde et le Pakistan [10]. C’est bien la fin d’une ère [11].

En fait il y a eu deux poussées géostratégiques dans la mesure où, le lendemain du Brexit et après avoir assisté au sommet du Groupe de Shanghai à Tachkent, Poutine a réalisé une visite de deux jours en Chine, pour y approfondir les liens stratégiques avec Xi.

Et ces deux rencontres, celle de Tachkent et celle de Pékin, ont été escamotées par les médias désinformateurs de l’Occident angoissé.

Avec son sarcasme légendaire, le tsar Poutine, sept jours avant le Brexit, admettait, lors de la réunion financière de Saint-Pétersbourg, que les États-Unis « sont encore probablement la seule superpuissance mondiale », au moment où il « se prépare à travailler avec celui qui héritera de la présidence à Washington, quel qu’il soit », sans pour autant « accepter que les États-uniens lui dictent la conduite à tenir » [12].

Le jour même du Brexit, deux puissances nucléaires du sous-continent indien étaient admis dans le Groupe de Shanghai, ce qui veut dire : 110 à 120 ogives nucléaires pour l’Inde [13], et de 110 à 130 ogives pour le Pakistan [14].

Le Daily Times en déduit que l’adhésion du Pakistan est fort significatif, sur la scène géopolitique en plein bouleversement [15].

Avec moins d’enthousiasme cependant que le Pakistan, The Hindu exulte à l’idée que l’Inde et le Pakistan vont être des membres de plein droit de l’OSC ; on peut supposer que la Chine parraine le Pakistan, et la Russie l’Inde [16].

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Or tout n’est pas rose dans le Groupe de Shanghai, car, selon Yang Jin, de l’Académie des Sciences sociales de Chine, la « crise financière globale, les prix en baisse des matières premières de première nécessité (staple commodities) et la détérioration des échanges qui découle des sanctions économiques appliquées à la Russie ont exercé des effets négatifs sur la stabilité (sic) et l’économie des membres de l’OCS », alors que « les grandes puissances (autrement dit les États-Unis, et plus précisément le « plan Brzezinki ») sont intervenus en profondeur dans les affaires régionales, perturbant les intérêts conjoints des membres de l’OCS », ce qui « a rendu difficile leur coopération circulaire » ; car à côté du binôme des superpuissances que sont la Chine et la Russie, quatre pays centre-asiatiques (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan et Ouzbékistan) qui en sont membres, se disputent territoires, ressources en eau et ethnicité [17].

L’adhésion de l’Inde et du Pakistan au Groupe de Shanghai va-t-il lui donner un nouvel élan, après seize sommets décevants ?

Le problème de l’élargissement de l’OCS est qu’elle doit définir son objectif principal, la met face à un dilemme : constituer un bloc de sécurité militaire euro-asiatique pour contrecarrer l’Otan, ou intégrer sans plus un vulgaire bloc mercantiliste.

Le rapprochement entre l’ours russe et le dragon chinois, voilà l’évènement. Le People’s Daily affirme que l’association entre la Chine et la Russie sera un tournant implacable (sic) [18], tandis que Cao Siqi explique que la Chine et la Russie fortifient la stabilité globale et ont atteint un consensus contre l’hégémonie US [19].

Dans le Global Times, un éditorialiste considère que la pression des États-Unis resserre les liens entre la Chine et la Russie, alors que Washington est incapable d’abattre le dragon chinois et l’ours russe en même temps [20].

L’ancien régime est mort, vive la nouvelle ère !

Traduction
Maria Poumier

Source
La Jornada (Mexique)

[3] “Soros sees Russia emerging as global power as EU fades”, Andy Bruce & Kit Rees, Reuters, June 20th, 2016.

[4] “Hungarian Prime Minister accuses billionaire investor George Soros of trying to undermine Europe by supporting refugees travelling from the Middle East”, Jennifer Newton, Daily Mail, October 30th, 2015.

[5] “Billionaire Soros Was ‘Long’ on Pound Before Vote on Brexit”, Francine Lacqua & Sree Vidya Bhaktavatsalam, Bloomberg, June 27th, 2016.

[6] “Soros had Deutsche Bank ’short’ bet at time of Brexit fallout”, Arno Schuetze, Reuters, June 28th, 2016.

[7] « Gran Bretaña abandona a EU por China : alianza geofinanciera con "holandización" », Alfredo jalife-Rahme, La Jornada, 25 de Octobre de 2015.

[8] « Le Brexit redistribue la géopolitique mondiale », Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 27 juin 2016.

[9] “Brexit : ganó el nacionalismo británico/Perdió la globalización/Derrota de Obama/Triunfo de Putin”, Alfredo Jalife-Rahme, La Jornada, 26 de Junio de 2016.

[10] « Ташкентская декларация », Сеть Вольтер, 24 июня 2016.

[11] « "Un nuevo significado, un nuevo peso" : La organización que unirá casi a la mitad del planeta », Russia Today, 24 de Junio de 2016.

[12] « Presidente ruso Putin dice acepta rol de superpotencia de EEUU, diluye elogios a Trump », Grigory Dukor, Reuters, 17 de Junio de 2016.

[13] “Indian nuclear forces, 2015”, Hans M. Kristensen & Robert S. Norris, Bulletin of Atomic Scientists, September 1st, 2015.

[14] “Pakistani nuclear forces, 2015”, Hans M. Kristensen & Robert S. Norris, Bulletin of Atomic Scientists, September 1st, 2015.

[15] “Pakistan’s entry at SCO significant in changing geopolitical scenario”, Daily Times, June 26th, 2016.

[16] “India, Pakistan become full SCO members”, The Hindu, July 11th, 2015.

[17] “SCO needs to overcome diverse demands”, Yang Jin, Global Times, June 26th, 2016.

[18] “China, Russia pledge "unswerving" partnership”, People’s Daily, June 27th, 2016.

[19] “China, Russia to strengthen global stability”, Cao Siqi, Global Times, June 27th, 2016.

[20] “US pressure spurs closer Sino-Russian ties”, Global Times, June 27th, 2016.

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Einwanderung oder Souveränität

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René Daumal, une révolte poétique et spirituelle

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René Daumal, une révolte poétique et spirituelle

Ex: http://www.zones-subversives.com

La trajectoire de René Daumal permet de présenter la créativité poétique qui alimente la première partie du XXème siècle. Il est surtout associé à la revue du Grand Jeu et aux marges du surréalisme.

« Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d’histoire littéraire, alors que si nous briguions quelques honneurs, ce serait celui d’être inscrit pour la postérité dans l’histoire des cataclysmes », prophétise René Daumal. Ce poète méconnu n’a pas tenté de créer une Église, à l’image de Breton ou Debord. Mais il incarne une certaine forme de révolte spirituelle et métaphysique. Il rejette le matérialisme dialectique mais pas la perspective révolutionnaire. Toutefois, Daumal et la revue du Grand Jeu privilégient l’expérimentation poétique, qui peut devenir une force comme une limite.

Le groupe « simpliste »

René Daumal né le 16 mars 1908 à Boulzincourt dans les Ardennes, région d’Arthur Rimbaud. Son père, Léon Daumal, s’active dans le militantisme socialiste. René Daumal découvre Alfred Jarry, l’auteur d’Ubu roi, une pièce de théâtre jugée scandaleuse. Au début du XXème siècle, Alfred Jarry s’inscrit dans le courant du symbolisme, la seule théorie d’Art véritablement nouvelle. Ce mouvement littéraire « lavé des outrageantes signifiances que lui donnèrent d’infirmes court-voyants, se traduit littéralement par le mot Liberté et, pour les violents, par le mot Anarchie », décrit Rémy de Gourmont. Jarry ne cesse de choquer le petit monde littéraire et son attitude perturbe la bienséance bourgeoise de la bonne société parisienne. Si Jarry meurt en 1907, avant la naissance de René Daumal, ce poète marque durablement les avant-gardes littéraires du XXème siècle.

Mais René Daumal ne tarde pas à rencontrer d’authentiques poètes. En classe de seconde, à Reims, il fréquente Roger Gilbert Lecomte, Robert Meyrat, Roger Vailland. René Daumal amène ce trio de farceurs à se poser de véritables questions pour pousser la réflexion, témoigne Robert Meyrat. René Daumal, adolescent discret et rêveur, écrit des poèmes qui tournent en dérision les petits évènements de la vie du lycée. Mais le groupe des « quatre R » se replie sur lui-même pour s’engager dans son aventure spirituelle. Ils méprisent les autres lycéens qu'ils condamnent à la médiocrité. René Daumal expérimente l’alcool, le tabac, le noctambulisme, l’asphyxie. Il se tourne vers les marges de la poésie et de la philosophie.

Le groupe qui se définit comme « simpliste » s’active à des gamineries. Les jeunes poètes se distinguent par des caractères différents mais partagent la même curiosité pour l’expérimentation et les mêmes affinités mystiques. Le simplisme est décrit comme « troué, effondré, malmené, une non-œuvre, une contre-œuvre pour finir » selon Yves Peyré. Le groupe simpliste, formé en 1924, utilise la drogue et l’opium pour ses expérimentations métaphysiques. Meyrat propose aux trois autres « phrères » simplistes de jouer à la roulette russe. Il vide les barillets mais ses compagnons ne sont pas au courant et prennent le jeu au sérieux. Les simplistes jouent avec leur vie de manière enfantine, comme s’il s’agissait d’une farce. L’enfance est alors considérée comme une source d’inspiration métaphysique.

René Daumal se réfère à Nerval, écrivain du rêve. Il pratique l’hypnose pour atteindre l’isolement sensoriel et un sentiment de vertige. Le simplisme est une philosophie qui « va se fonder sur cette métaphysique expérimentale, celle de "l’identité de l’existence et de la non-existence du fini vers l’infini" », selon H.J. Marxwell. Les simplistes recherchent un « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens », selon la formule d’Arthur Rimbaud.

La création de la revue le Grand Jeu

daumalGJ.jpgEn 1925, René Daumal rentre en khâgne au lycée Henry IV à Paris. Lecomte et Meyrat sont restés à Reims. Mais Vailland et surtout Minet ont également rejoint la capitale. Pierre Minet, surnommé Phrère Phluet, fréquente les milieux marginaux de la bohème parisienne et joue un rôle important dans la dynamique de création d'une nouvelle revue: le Grand Jeu.

Les collaborateurs du Grand Jeu proviennent d'origines géographiques et idéologiques différentes. Le premier numéro doit être publié en 1928 pour être consacré à la Révolte. Daumal insiste “pour ne pas donner une place excessive aux poèmes”, “pour ne pas avoir l'air de jeunes gens qui veulent être imprimés. D'ailleurs, qu'importe ? - Trop de poèmes ennuient vite, la partie poétique sera d'ailleurs aussi importante que la philosophique”. René Daumal prend la direction éditoriale du projet en raison des absences de Gilbert-Lecomte et Vailland.

Mais le Grand Jeu reste dans l'ombre des surréalistes qui valorisent également la révolte. La dimension individualiste et réfractaire de cette révolte débouche, pour André Breton et les surréalistes, vers les idées anarchistes. La poésie permet également d'exprimer un dégoût pour la société et de dénoncer les contraintes sociales et morales.

La trajectoire de René Daumal croise donc celle d'André Breton mais aussi celle d'Alfred Jarry et de la pataphysique. Pour René Daumal, “Le particulier est absurde”, “Le particulier est révoltant”, toute forme prise au sérieux devient absurde. Pour Jarry, le rire pataphysique devient “la seule expression humaine du désespoir”, pour “exorciser l'absurde”. René Daumal partage avec la pataphysique une philosophie de la table rase comme préalable. Mais il s'aperçoit rapidement des limites d'une simple critique ravageuse de l'existant sans perspective. C'est ce qui explique sa dérive dans l'orientalisme mystique.

René Daumal présente la réflexion de la revue Le Grand Jeu dans un texte intitulé “Liberté sans espoir”. L'adolescent doit forger son propre jugement sans subir la moindre influence. Il doit construire son propre espace de liberté, avec une révolte sans objet. L'ironie, qui devient alors centrale, constitue la réalisation d'“actes gratuits” dans lesquels la volonté ne se soumet à aucune règle. La valeur de l'acte se mesure à “la volonté pure”. Surtout, l'être humain doit renoncer à son individualité pour s'éveiller à la dimension universelle de l'esprit humain.

Ce discours métaphysique complexe permet aux membres du Grand Jeu d'attaquer violemment la société occidentale et ses dogmes. “Faire désespérer les hommes d'eux-même et de la société” devient le but du Grand Jeu. La négation et la destruction de la société avec ses règles idiotes devient un projet salutaire. Le premier numéro du Grand Jeu comprend trois essais sur la “Nécessité de la révolte”. Ensuite, le revue intègre plusieurs poèmes.                    

Convergences et oppositions avec les surréalistes

Le Grand Jeu se rapproche des surréalistes mais aucun accord n'aboutit. En effet, le Grand Jeu accueille les exclus et dissidents du mouvement surréalistes qui critiquent l'autoritarisme d'André Breton.

L’écriture automatique émerge avec la découverte de l’inconscient par la psychanalyse. Un groupe, autour de Breton et Soupault, fonde la revue Littérature en 1919. Ce projet commence « par la démolition de tout ce qui pourrait nous accaparer. Ne pas permettre. La réussite, pouah. La première bataille se livre contre le poème, le pohème, le peau-aime, etc », écrit le jeune Aragon. Breton et Soupault écrivent le poème des Champs magnétiques, réalisés sous la dictée magique de l’inconscient. Les mots et les phrases apparaissent d’eux-mêmes. La découverte de l’aventure surréaliste par Daumal et les jeunes Rémois fait écho à leurs propres préoccupations. Mais le mouvement dada s’attaque directement à la forme poétique. « Il est parfaitement admis aujourd’hui qu’on peut être poète sans avoir écrit un vers, qu'il existe une qualité de poésie dans la rue », estime Tristan Tzara. A Paris, le mouvement dada organise des conférences destinées à créer des scandales. Le 23 janvier 1920, les acteurs sur scène massacrent un texte de Breton. Puis Tzara lit un article de journal dans un concert de crécelles. Pour Breton, cette destruction de l’art incarne « l’idée moderne de la vie ». Mais les surréalistes se séparent de dada qui combat également la poésie. L’expérimentation surréaliste peut passer par des activités médiumniques. Breton tente de supprimer le contrôle qu'exerce la raison sur l’esprit pour libérer une force spirituelle. L’investigation surréaliste se tourne alors vers l’écriture automatique et le récit des rêves.

daumalcontreciel.jpgL’esprit humain doit se libérer de ses conditionnements selon les surréalistes. En 1925, ce mouvement pose des bases précises avec, pour préalable, « un certain état de fureur ». L’action surréaliste ne se préoccupe pas de « l’abominable confort terrestre » mais vise à « changer les conditions d’existence de tout un monde ».

Mais Breton tente de démolir le Grand Jeu à partir de positions politiques de certains de ses participants. Par exemple, Vailland fait l’éloge du préfet de police de Paris dans la presse. Le Grand Jeu interdit dès lors les contributions individuelles dans la presse. Mais Breton s’attache à conserver le monopole de la contestation poétique.

Le Grand Jeu se considère comme communiste dans la destruction de l’ordre établi mais ne rejoint pas le Parti. Les intellectuels communistes sont considérés comme des policiers serviles. Mais l’aventure du Grand Jeu s’essouffle et René Daumal se tourne vers de nouveaux horizons. Le Grand Jeu, depuis les simplistes, demeure une expérience collective qui dépasse les prétentions individuelles. « L’Occident individualiste-dualiste-libre-arbritriste, triste, capitaliste-colonialiste-impérialiste et couvert d’étiquettes du même genre à n’en plus finir, il est foutu, vous ne pouvez vous en doutez comme j’en suis sûr », constate Daumal.

La trajectoire de Daumal et du Grand Jeu s’ancre dans la créativité poétique de son époque. Mais la critique de la vie quotidienne débouche vers une fuite dans la poésie et la métaphysique. Le rêve, l’expérimentation s’apparentent à une fuite hors du monde et de la civilisation occidentale. Daumal, pourtant critique lucide de l'institutionnalisation du surréalisme, ne s’inscrit pas dans une démarche de dépassement de la société marchande par l’émancipation individuelle et collective. La révolution intérieure prime sur la révolution sociale. Alors que les deux devraient être étroitement liés. Sa dérive vers la culture orientale et une forme de religiosité hindouiste révèle l’impasse d’une révolte uniquement spirituelle pour ré-enchanter.

Articles liés:

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L'explosion Dada

Sur René Daumal:

Jean-Philippe de Tonnac, René Daumal, l'archange, Grasset, 1998

Emission Surpris par la nuit sur René Daumal 

Emission radio consacrée à René Daumal

Dans la revue Clés

Court-métrage de Marion Crépel sur les simplistes

Sur le Grand Jeu:

Site consacré au Grand Jeu

Dans La revue des ressources: Régis Poulet, "Le Grand Jeu de René Daumal, une avant-garde à rebours"

Sur le site Traces autonomes, "Le Grand Jeu, une avant-garde critique"

Dans Libération : Frédérique Roussel, "Le cercle des phrères disparus"

Conférence : Zéno Bianu, "Rien ne va plus, faites le Grand Jeu"