Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 18 décembre 2018

Sur Louis Pauwels

louis-pauwels-1200x726-1200x660.jpg

Sur Louis Pauwels

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Né le 2 août 1920 à Paris et décédé un 28 janvier 1997 à Suresnes, Louis Pauwels fut sinon une personnalité paradoxale, pour le moins un personnage aux multiples facettes. Cet enfant de grand bourgeois flamand élevé par le second mari de sa mère, un ouvrier tailleur, Gustave Bouju, fut romancier, adaptateur de pièces et de romans pour la télévision, rédacteur en chef de Combat, puis d’Arts, et responsable de presse, créateur en 1977 du Figaro Magazine. C’était aussi un polémiste remarqué. Pensons à cet éditorial ravageur de décembre 1986 qui critiquait les manifestants contre le projet de loi d’Alain Devaquet sur la réforme de l’université. Il diagnostiquait que « c’est une jeunesse atteinte d’un SIDA mental. Elle a perdu ses immunités naturelles : tous les virus décomposants l’atteignent ». Bien vu ! Hélas, c’est tout l’Hexagone qui est maintenant frappé par cette horrible pandémie…

LPblumroch.jpgCertains de ses romans sont passés à la postérité. Une chanson de Serge Gainsbourg mentionne L’amour monstre. Louis Pauwels doit aussi sa renommée à deux essais coécrits avec Jacques Bergier, Le matin des magiciens (1960), et sa suite moins connue, L’homme éternel (1970). Le succès du Matin des magiciens lui permit de lancer, dès 1961, la revue Planète versée dans le réalisme fantastique (l’Atlantide, les extra-terrestres dans l’histoire, le Tibet mystérieux, les expériences parapsychologiques, etc.).

Longtemps anti-chrétien, Louis Pauwels retrouve la foi catholique à la suite d’un étrange accident au bord d’une piscine d’Acapulco au Mexique en 1982. Il se rallie alors au reaganisme, à la désastreuse politique de Margaret Thatcher, à l’Occident américanocentré et à la « révolution néo-libérale ». C’est son tournant libéral-conservateur ! Ainsi délaisse-t-il ses douze années précédentes de compagnonnage avec la « Nouvelle Droite » gréciste dans sa phase nominaliste, faustienne et scientiste. Il avait dédié sa pièce Président Faust (Albin Michel, 1974) à Alain de Benoist. Il gardera cependant la nostalgie des années 70 qu’il restitue dans son roman, Les Orphelins (Éditions de Fallois, 1994). Dans Les Dernières Chaînes (Éditions du Rocher, 1997), on retrouve de vieilles opinions défendues à ce moment-là. Il y constate que « l’uniformisation est le pendant de l’égalitarisme (p. 222) » et recritique implicitement le christianisme.

Dans son excellent Blumroch l’admirable ou le déjeuner du surhomme (Gallimard, coll. « Folio », 1976), il fait dire à Joseph Blumroch, l’étonnante hybridation entre Jacques Bergier et Alain de Benoist, être « pour une méritocratie. C’est le seul régime juste. Il n’existe nulle part (p. 33) ». Anticipant le transhumanisme, Blumroch attend avec une évidente impatience le Surhomme nietzschéen non sans avoir au préalable prévenu que « l’idée de surhomme que se font les sous-hommes est […] fasciste (p. 31) ». Déjà, dans sa Lettre ouverte aux gens heureux et qui ont bien raison de l’être (Albin Michel, coll. « Lettre ouverte », 1971), Louis Pauwels avouait miser « sur des minorités d’hommes exceptionnels. Pas du tout sur des minorités d’hommes exceptionnellement colériques. […] Pour moi, les seules élites vraies et respectables sont celles qui trouvent leur justification et leur récompense dans le bonheur d’autrui, ici et maintenant (pp. 152 – 153) ».

droit-de-parler-chroniques.jpgCe zélateur anti-écologiste du progrès technicien s’intéressait à l’Europe. Dans son maître-livre, Le droit de parler (Albin Michel, 1981), le recueil de ses premières chroniques « révolutionnaires – conservatrices » du Figaro Magazine préfacé par Jean-Édern Hallier, il revient régulièrement sur l’avenir de notre continent. « Pour que l’Europe trouve son indépendance et assure sa sécurité, elle n’a pas d’autre voie que la volonté de puissance. Nous devons avoir le dessein de devenir l’une des grandes puissances mondiales, y compris dans le domaine militaire. Nous en avons les moyens. Nous avons le nombre. […] Nous avons à nous affirmer et à nous manifester comme union des nations du vieux monde central, communauté vivante de peuples historiques concrets, forgeant concrètement leur sécurité, conscients de leur originalité, soucieux de leur rayonnement (p. 219). »

Trois ans plus tôt, dans Comment devient-on ce que l’on est ? (Stock, coll. « Les grands auteurs »), il affirmait que « l’Europe a besoin de croire en elle-même. Elle a besoin de traditions ancestrales réanimées, de volonté de puissance et d’intelligence froide. Elle a besoin d’énergie, de richesse et de force (p. 195) ». Il avançait même que « la monarchie est une idée nouvelle en Europe. La nouveauté est de redécouvrir ce que nous sommes (idem) ». En 1979, au sein du collectif Maiastra, rédacteur de Renaissance de l’Occident ? (Plon), on pouvait lire que « la grande différence entre l’Europe et l’Occident, c’est que l’Europe demeure la source des valeurs et des facultés créatrices dont l’Occident ne porte que les applications. L’Europe détient les sources de la culture, là où les blocs qui sont nés et se sont détachés d’elle, ne possèdent que la civilisation née de cette culture (p. 312) ».

Dans son extraordinaire « Adresse aux Européens sans Europe » présent dans Le droit de parler, Louis Pauwels souligne que les racines des États européens « plongent dans un modèle culturel initial qui met la souveraineté dans le spirituel, l’esthétique et les vertus chevaleresques (pp. 166 – 167) » avant de conclure « Qui s’étonnerait, à y bien regarder, du peu de patriotisme de la jeunesse française ? Trop peu d’Europe éloigne de la patrie. Beaucoup d’Europe y ramène. Ils seront patriotes quand nous serons européens (p. 167) ». Trente-sept ans après, cette réflexion demeure toujours d’actualité !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 21, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 6 novembre 2018 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Le Royaume-Uni et le dernier Empire - Sur la souveraineté, l'intérêt nation et l'ordre libéral des nations

skynews-big-ben-europe-brexit_4492794.jpg

Le Royaume-Uni et le dernier Empire
 
Sur la souveraineté, l'intérêt nation et l'ordre libéral des nations
 
par Irnerio Seminatore
Le Royaume Uni et le dernier Empire 

Le 25 Novembre 2018, après 18 mois d'âpres négociations, un projet d'accord a été signé par les Chefs d’États et de Gouvernement des 27 Pays-membres de l'Union Européenne et par la Première Ministre du Royaume-Uni, M.me Theresa May, pour mettre fin à la membership de la Grande Bretagne aux institutions européennes, après 45 ans d'adhésion(1973).

S'ensuivit une courte allocution, puis le retour amer de la Première Ministre à Londres, afin de  soumettre le texte (de 585 pages) et une déclaration politique d'accompagnement (de 26 pages), au débat et à la ratification parlementaires de Westminster.

La journée, historique et peu jubilatoire, a marqué un échec du projet européen et un tournant grave de son évolution, que certains (Macron) préconisent de "refondation".

En effet, les dangers internes du consensus de masse, exprimés par référendum et libérés des freins et des contrepoids traditionnels, ont pris le poids sur la définition de l'avenir.

Voulu par un choix populaire, ce retour à l'exercice intégrale de la "souveraineté nationale" de la part de la deuxième puissance économique du continent s'est fait dans l'amertume et dans l'incertitude.

Trois arguments ont pesés sur le vote populaire: l'immigration, la zone euro et le fossé culturel et politique entre l'Est et l'Ouest.

Confronté à un compromis insatisfaisant et au dilemme de se soumettre ou de sortir sans accord (no deal), certains ministres du gouvernement de Theresa May ont réconforté le débat,en indiquant au pays, comme objectif ambitieux, un nouveau destin planétaire, le seul à la hauteur de son passé.

Enfin, l'U.E et la Grande Bretagne sont revenues, chacune, à leurs traditions et pratiques. Les continentaux à l'utopie bureaucratique des institutions européennes avec, en corrélat, l'opposition pré-moderne du "peuple" et des"élites" (France) et le Royaume-Uni à ses fondamentaux, de liberté et de démocratie politiques, avec, en corrélat, le droit de dissidence, de sécession et de résistance à la contrainte  normative de l'Union.

Contre ce tyran (l'empire oppressif de l'U.E) on a pu invoquer ainsi le droit moyenâgeux de sédition et de mort, le tyrannicide.

La volonté de quitter l'hydre européenne  a été la première exigence à satisfaire, en parfaite conformité avec le référendum et avec les demandes des "brexiters" (les tories) de mener une politique d'austérité et, des remainers, de souhaiter une plus grande présence de l’État dans la vie économique.

Le vote en faveur du Brexit a représenté pour tous, continentaux et britanniques, une victoire du populisme, du nationalisme et du souverainisme, comme "longue usurpation du pouvoir", ou, en d'autres termes, comme fondement d'une légitimité ancienne.

Face au dernier empire (l'U.E) et à l'extrémisme normatif de la "raison", tous les avatars de l'anti-souverainisme n'ont pu éviter une crise de confiance envers les institutions et contre les "élites globalistes" de la mondialisation.

En France et en Italie, l'impuissance de l'ordo-libéralisme et des traités de l'U.E, à proposer une offre politique par le biais d'un dépassement des partis politiques,de la représentation bi-partisane (justifiant l'appel "ni droite, ni gauche"), et de l'usure des corps intermédiaires , a mis en lumière, grâce au référendum britannique, le clivage qui existe désormais entre deux visions de la société, nationale et international, à l'ère d'internet.

Il a poussé à une radicalisation des termes de l'accord, arraché par Theresa May, qui a dramatisé à l'excès le choix final, "Ou moi,ou le chaos (identifié à un "no deal", ou à une négation de l'intérêt national).

Le Royaume Uni, l'intérêt national et la "Balance of Power"

En effet et par le passé, c'est au nom de "l'intérêt national" que le Royaume Uni a toujours défini ses choix, en politique interne, prônant pour l'unité du royaume et en politique européenne et mondiale, penchant  pour l'adoption  du vieux principe de "divide et impera!"

A titre d'impact psychologique, la crise de la Grande Bretagne avec l'Union européenne, a été comparée, par les médias et par une partie de la classe gouvernementale britannique à la "crise de Suez" de 1956, qui tourna politiquement au fiasco, malgré la victoire militaire.

Cette comparaison a rappelé à l'opinion la première prise de conscience, encore circonscrite, du déclin de l'Empire.

Son déclassement géopolitique et historique confina depuis et pour l'essentiel, les deux puissances coloniales de l'époque, la France et la Grande Bretagne, à peser sur le seul continent européen.

La "limite", qu'imposait désormais au Royaume -Uni  la "surextention impériale"(P. Kennedy), n'était rien d'autre que l'adaptation de l'intérêt national à la politique de "l'équilibre de puissance" de David Hume, comportant  une surveillance permanente sur les intentions et les manœuvres des acteurs continentaux concurrents, afin que "ne soit pas tenue en une seule main une force supérieure à toutes les autres coalisées"!

Une image efficace pour définir l'opposition résolue de l'Angleterre aux ambitions continentales et montantes de toute puissance hégémonique, dont témoignèrent la première et la deuxième guerre mondiales.

Cependant, la conscience du déclin de l'Empire fut ressentie pour la première fois et de manière plus aiguë par Churchill, vis à vis de l'Amérique et de l'Union Soviétique, à la "Conférence de Téhéran, des trois Grands, Roosevelt, Staline et Churchill", en 1943, organisée pour définir la coordination militaire et politique de la dernière phase du conflit, par l'ouverture d'un deuxième front et le débarquement en Normandie, ainsi que pour redessiner la carte de la Pologne et de l'Allemagne dans l'organisation de l'ordre mondial et dans la recherche de la sécurité collective sur le théâtre européen.

Rien de comparable avec l'amertume de Theresa May, de retour à Westminster, après la conférence extraordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement des Pays-membres de l'Union. Ni l'enjeu, ni la taille des protagonistes semble justifier une telle comparaison.

brexit.jpg

Perspectives et équilibres planétaires

Toutefois, sur la toile de fond de l'histoire européenne la réappropriation du passé acquière désormais une valeur symbolique différente pour les diverses classes d'acteurs et mobilise différemment les deux camps, face à l'avenir et aux projets de"reforme" des institutions qui avaient été jusqu'ici communes.

Si les deux impératifs de l'intérêt national et de l'équilibre de puissance ont été les deux fils conducteurs du Royaume Uni depuis le traité de Utrecht (en 1713, reconfirmé par le Congrès de Vienne en 1805), se résumant à l'unité des îles britanniques autour de la couronne et à la division des joueurs sur le continent, rien de tel pour les 27 pays membres, irréductibles à un principe d'action commun.

Vers quelle direction tournera-t-il le vent de l'histoire du XXIème siècle et qui en saisira la force et les opportunités?

Il semble désormais acquis que l'entrée de la Grande Bretagne dans la Communauté européenne en 1973 n'a été rien d'autre que l'adaptation du principe directeur de la politique britannique traditionnelle, visant à empêcher de l'intérieur toute transformation de l'Union en puissance politique susceptible de devenir une menace et à privilégier l'élargissement, au détriment de l'approfondissement institutionnel, lors de la demande d'adhésion des pays de l'Est, en faisant accepter son pouvoir de regard et de veto, qui lui permirent de bloquer toute avancée significative du bloc concurrent et de rester libre d'agir, sans les contraintes économiques de la zone euro.

Or, l'identification claire de son intérêt de sécurité et de sa survie et l' insertion de cet intérêt vital dans les nouveaux équilibres planétaires, portera-t-elle la Grande-Bretagne à oublier son encrage insulaire entre l'Europe et l'Amérique?

Par ailleurs le Royaume-Uni vise-t-il désormais l'Océan Pacifique et l'Océan Indien, dont le contrôle représente l'enjeu majeur du XXIème siècle, comme nouveau centre de gravité du monde, où pulsera le cœur du capitalisme universel de la finance et de la grande manufacture.

A-t-il oublié que l'enjeu d'une accession à cette zone pivot est un défi et un pari disputés, impliquant simultanément le visage bifront de la paix et de la guerre, au marges extérieures d'une Asie, multiple et conflictuelle?

En est-il de même des préoccupations et des clés de lecture du système international de la part de l'Union Européenne?

Grande Bretagne, France et Allemagne face au renouveau diplomatique de l'Europe

Dans la foulée d'un renouveau diplomatique, consécutif au Brexit, concernant les relations de puissance à l'échelle mondiale et  face à une France qui demande à l'Allemagne de surmonter ses tabous économiques pour faire avancer l'Union, le Ministre des Finances et Vice-Chancelier allemand Olaf Scholz (SPD), a invité la France à consentir de transformer son siège au Conseil de Sécurité  des Nations Unies, pour permettre à l'Europe de parler d'une seule voix.

En effet le "droit de veto" au sein du Conseil de Sécurité, consent aux membres permanents de disposer d'un instrument diplomatique, permettant de traiter d'égal à égal avec les Grands de la planète.

Ainsi le retour au premier plan de la scène internationale et le risque de démantèlement de l'Union Européenne dans la lutte ouverte entre les différents principes de légitimité, visant à débarrasser le débat des vieux carcans idéologiques, impose une polarisation des idées et des positions, soit en ce qui concerne  la rétrospective historique que pour la définition de l'avenir.

Quant aux pronostics d'avenir sur la réussite du Brexit ou  sur son éventuel rejet par la Chambre des Communes, deux analystes du divorce anglo-unioniste, Kevin  O' Rourke et Marc Roche, ont formulé deux idées opposées.

Selon le premier, après le rejet quasi certain de l'accord convenu entre les négociateurs des deux parties, s'ouvrirait une crise politique majeure au Royaume Uni.  Un vrai purgatoire pour M.me Theresa May, prise dans un conflit sans fin, opposant une coalition de contraires (composée de brexiters et de remainers), pour qui l'échec du Leadership, ferait du Royaume Uni, "un pays hors d'Europe, mais encore dirigé par l'Europe et tenu de respecter des règles, qu'il n'aurait pas écrites" (Financial Times).

D'après le deuxième, non seulement Westminter votera l'accord, mais la ferveur de cette option sera telle que le Royaume Uni, deviendra plus dur, plus inégalitaire, mais beaucoup fort économiquement, de telle sorte qu'un nouveaux  destin planétaire s'ouvrira au Royaume, délibérément projeté vers le contrôle de l'Océan Indien et du Pacifique, pivots maritimes de l'Asie.

Un "Partenariat ambitieux"entre le Royaume Uni et l'U.E?

Face à une Union Européenne, à qui a fait défaut une capacité de conception et d'action géopolitique et stratégique globales et une impuissance singulière en matière monétaire, de politique étrangère et de sécurité, mais aussi de frontières et d'immigration, et encore de R&D, de technologies avancées et d'environnement, l'attractivité de jadis s'est commuée en une délégitimation, en une prise de distance et en diffractions internes multiples, qui rendent douteuses ses propositions de "partenariat ambitieux après le Brexit"(Michel Barnier/ Le Figaro du 2 août 2018).

En effet M.Barnier, se penchant sur les modalités de retrait du Royaume Uni, membre du G7 et du Conseil de sécurité des Nations Unies, après avoir passé en revue les points litigieux et les résultats positifs de la difficile négociation, précise que les fondations économiques sur lesquelles s'est construite l'U.E, ne peuvent être affaiblies.

Puis et en conclusion, il met en exergue l'essentiel de la dispute, son caractère politique, axé sur le concept de souveraineté et il précise "le Royaume Uni souhaite reprendre la souveraineté et le contrôle de sa propre législation...mais il ne peut pas demander à l'U.E de perdre le contrôle de ses frontières et de ses lois."

S'opposent, dans ce passage et dans les aspects sous-jacents de ces formulations, deux interprétations du concept de souveraineté et de sa "summa potestas".

Du côté britannique, une conception unitaire  et cohérente du pouvoir et de la légitimité, ancienne et absolue en son principe, en son étendue et en sa liberté de manifestations historiques, qui s'exprime sous forme de "balance".

Du côté de l'Union une définition relative et partagée du pouvoir souverain, inessentielle du point de vue historique, artificielle du point de vue institutionnel et circonstancielle du point de vue décisionnel, sécuritaire et stratégique.

Or, quelles histoires sont en train d'écrire aujourd'hui, ces deux acteurs de la vie contemporaine, le Royaume Uni et l'Union Européenne?

Une histoire de capitulation et de vassalisation du Royaume Uni à l'entreprise déclinante du projet européen, ou, en revanche, une nouvelle histoire de la liberté des peuples et du retour des nations?

Assistons nous, dans une période de turbulences internationales aiguës, à une recrudescence de revendications ingérables et, simultanément, à un appel à la souveraineté incontestée?

jo-johnson-minister-of-state-for-universities-and-science.jpg

Jo Johnson et Mike Pompeo

La souveraineté, le multilatéralisme et l'ordre libéral des États-Nations

A l'échelle européenne, la fronde de Jo Johnson, ex secrétaire d’État pro-européen aux transports, menée contre l'accord obtenu par Mme May lors des longues négociations avec l'U.E, porte sur la limitation de la souveraineté britannique, non compensée par la liberté promise, de mener une politique commerciale autonome.

Il prône ainsi pour un nouveau référendum, en donnant au peuple le dernier mot.

A l'échelle mondiale, le secrétaire d’État, MIke Pompeo, a décrété au même moment,  à Bruxelles, au German Marshall Fund, la fin du multilatéralisme, au nom de la priorité de la souveraineté américaine sur la logique du système international.

Après avoir rappelé que le vieux système de la coopération internationale ne fonctionne plus et qu'il profite à des acteurs de l'ombre (la Chine), lui permettant d'avancer ses pions, au sein des institutions supra-nationales ou de creuser un clivage entre les intérêts d'une bureaucratie non élue et leurs peuples et pays (U.E), il a rappelé que les intérêts  de l'Europe et des États Unis précèdent ceux des institutions supra-nationales (ONU, UE, FMI, BM, OMC etc), puisque seuls les États-Nations peuvent garantir les libertés démocratiques et ont pour assise le peuple libre.

En effet, seuls les États-Nations sont l'expression de la souveraineté, à l'instar des organisations multilatérales, porteuses de compétences dépourvues de contraintes et de sanctions.

Le multilatéralisme, défendu par les européens, n'est pas seulement une méthode, ou mieux, un choix de régime politique (démocratie ou autocratie), mais une question de stratégie et d'intérêt à long terme, bref de polarisation des forces et des cultures.

L'effacement des vieilles administrations américaines (Obama, Clinton, etc), et l'alignement de certains gouvernements européens (A.Merkel, F.Hollande/ E.Macron, Gentiloni, etc..), ont conduit l'Occident à la paralysie ou à l'impuissance. Or, conclut-t-il les États-Unis, qui revendiquent un rôle central dans le nouvel ordre libéral, mènent le monde vers le recouvrement des souverainetés nationales, comme le font les britanniques avec le Brexit.

Un monde libre est un monde d’États-Nations et ne peut être un univers de bureaucraties supra-nationales.

Ce nouvel ordre libéral ne peut jaillir que d'une profonde reforme des esprits et des institutions et ne peut aspirer à la stabilité que par l'affirmation d'un principe de cohérence, fondé sur le soubassement de trois notions, le Leadership, pourvu du sentiment instinctif de l'histoire, la capacité de décision et d'action et l'ordre contraignant du monde, bannissant l'inaction, les compromis sans fin et les déclarations illusoires.

Il ne s'agit pas de rééquilibrer mais de refonder!

Pas d'inclure l'ennemi ou la menace, mais de les combattre!

Lorsque la liberté et la démocratie se dissocient et la foi dans la raison disparaît ou s'affaiblit, la "guerre civile"mondiale est proche!

globalpact.png

La souveraineté et le "Pacte mondial pour les migrations"

Les bases normatives d'un droit futur aux migrations élaborées par les Nations Unies dans un "Pacte mondial", signé à Marrakech les 11 décembre 2018, vident les souverainetés nationales de leur substance et prétendent apporter une réponse globale à un phénomène d'ordre planétaire.

Elles poursuivent le long chemin de la proclamation des droits de l'homme et du citoyen, débuté avec les révolutions américaine et française et poursuivi après la IIème G.M, sans enfreindre la tutelle juridictionnelle des États.

L'humanité multiculturelle qui se dessine à Marrakech est destinée, dans sa rhétorique, à mettre fin à toutes les discriminations accumulées au fil des siècles.

Les États y sont réduits à des outils de gestion des flux forcés de populations, dénaturant leur fonction essentielle, mais circonscrite dans l'espace terrestre, de protection et de sécurité.

Il en découle que la marche vers le communautarisme, par l'acceptation de la part des États signataires, de la diversité, ethnique et religieuse, n'est rien d'autre que la rupture de toute cohésion et de toute solidarité nationale et, de ce fait, la dissolution des États-Nations, nés de l'idée de "raison", de liberté et d'ordre.

Par ailleurs la recommandation du "Pacte", adressée aux États de "priver de subventions...tous les médias qui promeuvent des formes de discriminations à l'égard des migrants", est un encouragement totalitaire pour tous les dictateurs de la planète, réels ou virtuels, à censurer la presse et à instaurer la"pensée unique".

En perspective la signature d'un tel "Pacte", marque l'alliance des gauches tiers-mondistes et des lobbies post-colonialistes  de la répentence et cache le coût annuel des migrants qui est évalué pour la seule France, à 12,2 milliards d'euros, sans coûts annexes.

Cette signature, au sein de l'Union européenne, n'est que le prélude à d'autres Bréxit et à d'autres litiges entre États Membres, concernant le fardeau des flux migratoires et ne peut être interprétée que comme un recul du concept de souveraineté, d’intérêt national et de frontières, bref comme un recul du cadre juridique au sein duquel la progression des droits s'accompagnait jadis,de la progression des mœurs et des sociétés.

Or, ce cadre a été celui de la civilisation occidentale moderne!

Par ailleurs, du point de vue idéologique, ce pacte, s'il consacre comme acteur culturel naissant la société civile trans-nationale, constitue néanmoins un  danger  de submersion démographique pour les sociétés européennes  et pour leur rempart identitaire, la chrétienneté.

En subordre, et dans le concret du phénomène migratoire, il demeure difficile dans le marasme des arrivées de masse, d'opérer un tri de légalité, entre émigrants économiques et émigrants politiques et d'ignorer ,dans l'accueil, le malaise profond des musulmans de vivre dans des "sociétés ouvertes", sauf à oublier, dans un univers de conflits, le rôle de la "ruse" historique  du "cheval de Troie".

La souveraineté et la géopolitique globale

Or, si "la souveraineté" est la "summa potestas" ou  l'auctoritas, superiorem non recognoscens", qui décide du cas d'exception, le Brexit est né d'un conflit entre deux principes de souveraineté et de légitimité ,millénaire pour l'empire britannique et circonstanciel pour l'empire des normes. 

En son pur concept, la souveraineté reste le nœud incontournable du maintien ou de la  déconstruction de tout ordre social, interne ou international et  permet  d'inscrire un pouvoir  dans la  géopolitique des grandes espaces, constitués, au XXIème siècle, par le Pacifique et l'Océan indien, comme pivots maritimes de l'Eurasie.

Dans le contexte d'aujourd'hui,le retrait américain du pacte de libre-échange trans-pacifique rend aléatoires les garanties de sécurité de l'immense zone maritime jadis recouverte par l'empire britannique, l'Australie et la Nouvelle Zélande, mais aussi la Malaisie et l'Indochine, où l'exacerbation de l'affrontement, pour l'heure commercial, entre la Chine et les États-Unis, conduit à la constitution d'un front commun entre le Japon et la Chine.

Ainsi, il est à parier que l'après Brexit sera marqué, moins par l'accroissement de la rivalité entre le Royaume Uni et l'Union Européenne, que par la recherche d'un nouveau destin, planétaire et multipolaire, pour les deux ensembles

De la vieille architecture euro-continentale de la sécurité, le Royaume-Uni héritera l'objectif historique d'une opposition permanente à la Russie et à toute organisation eurasienne à caractère militaire, dans le but d’empêcher un rapprochement euro-russe et, encore davantage germano-russe, qui en ferait un ensemble dominant et menaçant.

Au delà de l'espace européen, il partagera avec les États-Unis ou l'Inde, l'objectif d'une compétition sans merci, dans les domaines clés de l'espace, des big-data,de la  cyber-war et de l'intelligence artificielle. La réappropriation de la souveraineté et d'un réalisme retrouvé lui permettront  une alliance sans états d'âme avec des États autoritaires, à capitalisme publique, débarrassée du chantage encombrante du modèle démocratique et des droits de l'homme.

A l'image de son passé, il pourra actualiser à l'échelle du monde,  les principes unifiants de la cohérence stratégique, qui ont fait grande à toute époque la notion d'empire.

infstart.jpeg

La souveraineté européenne et son impasse stratégique

Le dossier nucléaire et celui des deux traités INF (interdiction des armes nucléaires à portée intermédiaire - de 500 à  5500 km, de 1987, susceptible de péremption), et START (sur le plafonnement des missiles nucléaires intercontinentaux ou sol-sol), constituent les domaines, sur lequel l'Europe montre la plus grande atonie et manque de suggestions et d'idées.

Sauver l'INF et prévoir le renouvellement de START, implique, pour les Européens, de favoriser le dialogue stratégique entre les États-Unis et la Russie et proposer l'inclusion de la Chine dans ces pourparlers et dans leurs issues, dans le but de la contraindre aux mêmes règles.

L'espace diplomatique pour de telles propositions existe, mais l'Europe, pourtant déclassée de rang et menacée en sa force vive par des systèmes d'armes placés (Pologne) ou pointés contre elle (Volgograd), n'y exprime ni des projets ni des avis.

L'Europe voudra-t-elle rester une Europe des normes et des règles budgétaires, plutôt qu'une Europe de la sécurité ou une Europe identitaire et de civilisation?

Pour l'heure elle semble préférer les disciplines de l'euthanasie et l'abandon à l'irréparable destin du "Fatum", soudé autour du nœud menaçant d'"Islam-migrations-terrorisme-démographie", plutôt que secouer la paresse intellectuelle de ses élites et s'éveiller politiquement.

La souveraineté et l'ordre libéral du monde

Le Brexit, comme beaucoup d'autres moments des relations euro-britanniques a été une victime du consensus de masse des démocraties et des tentations des classes dirigeantes, divisées, de satisfaire simultanément aux revendications populaires et aux objectifs à long terme de leurs pays.

C'est pourquoi il apparaît si difficile à Mme May de définir un nouveau rapport entre les retournements presque quotidiens des députés de Westminster et les arrangements obtenus avec les négociateurs des trois institutions de l'Union européenne.

En effet le défi est de taille et concerne l'art de gouverner, bref la capacité de conjuguer les impératifs immédiats des passions populaires et les objectifs à long terme de l'avenir.

Il ne s'agit pas d'agir pour toute l'humanité, mais  de se frayer un chemin dans la voie ardue de la complexité, autrement dit d'accorder les objectifs émotionnels de la nouvelle diplomatie avec les calculs à long termes de la diplomatie du passé.

Un difficile équilibre, consistant à ne pas se plier à la loi du nombre du consensus de masse, sans que l'ordre transcendant d'une mission publique puisse prévaloir sur la liberté et celle-ci se plier aux humeurs variables des foules, négligeant la définition de la perspective et celle de la grande stratégie.

Ainsi le Brexit marque la fin du sentiment d'appartenir à une même communauté humaine de peuples et de nations, distincte de toutes les autres, la communauté européenne, qui avait réussi à modérer par la raison et à atténuer par le calcul et par l'équilibre des forces, les rivalités de position et de principe entre ambitions concurrentes.

Ce qu'on a appelé le même système de valeurs (ou même parenté spirituelle), n'était rien d'autre que l'adaptation aux temps modernes du vieux système de Westphalie, d'apparente neutralité idéologique ou de non intervention dans les affaires intérieures d' autres pays.

Or ce sentiment, autrefois fortifiant, s'affaiblit ou disparaît, face à la submersion démographique des migrants extra-européens et à la différente perméabilité de leur acceptation dans les pays d’accueil, ce qui prouve la difficulté de traduire des cultures différentes en un système unique de civilisation.

Par ailleurs la différente appréciation de l'ordre mondial, implique une réévaluation de la notion d'équilibre des forces, à l'intérieur des différents régions et dans leurs relations d'interdépendance.

Ceci impose un réexamen philosophique du concept de "limite" dans le rapprochement de ce qui est distinct, au sein d' un système socio-politique régional ou global.

Pour conclure, le Brexit pousse à une reconsidération sur la transcendance de l’État et de la souveraineté étatique, reposant, dans la conception post-moderne du projet européen, sur le soft power, dépourvu de l'expérience millénaire du conflit, de la tragédie et de la volonté de puissance.

Ou, pour le rappeler avec David Hume, dénoué du principe-clé de l'art britannique de gouverner, le principe de "l'équilibre des forces" qui, au dessous de apparences, suppose "l'unité équilibrée des contraires" (Héraclyte).
 
Bruxelles le 12 décembre 2018
 
Information
Email : info@ieri.be
Site internet : http://www.ieri.be
Tel : +32 (0)2 280 14 95