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mercredi, 24 juin 2020

L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

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L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 10e Dialogue Stratégique entre l'Union Européenne (UE) et la Chine, en date du 9 Juin 2020, préparant un prochain Sommet Européen (voir référence ci-dessous), marque la volonté de ces deux puissances de coopérer plus étroitement, à la suite de l'épidémie de Covid-19 mais aussi de l'effacement actuel des Etats-Unis.

Si cette volonté se précisait, elle pourrait annoncer un changement important dans l'équilibre politique du monde.

L'UE était représentée lors de cette rencontre par le vice-président Josep Borrell et la Chine par le ministre des affaires étrangères Wang Yi. La Grande-Bretagne n'y participait pas du fait de sa sortie récente de l'UE. L'objet du Dialogue était d'examiner les nouveaux domaines possibles de coopération résultant des effets dévastateurs de l'épidémie. Celle-ci paraît en effet des deux côtés en voie d'être maîtrisée, comme par ailleurs en Russie, malgré quelques résurgences toujours possibles. Au contraire, elle continue à s'étendre en Amérique.

La Chine dispose d'importantes réserves financières. Par ailleurs les entreprises occidentales, y compris en Europe, continuent à lui sous-traiter de nombreux domaines industriels qu'il sera impossible de rapatrier en Europe. Cependant, ses dirigeants considèrent qu'elle ne pourra jamais se passer de l'Europe. Celle-ci demeurera pour elle un partenaire essentiel. Il en est de même des Européens.

Les domaines de coopération dans une économie mondialisée post-Covid seront nombreux. On mentionnera en particulier les recherches scientifiques ainsi que les technologies nouvelles, y compris dans le domaine spatial. Le partage du travail avec la Chine sera bien plus fructueux que la compétition.

Dans ces différents domaines, les Etats-Unis resteront longtemps pour les deux parties un partenaire essentiel. Cependant récemment, lors de la crise du coronavirus notamment, Donald Trump avait décidé de renforcer les frontières et de ne pas participer aux efforts communs de lutte. Ainsi l'Italie au fort de la crise n'avait reçu aucune aide de Washington. Ce fut la Chine qui lui apporta une contribution non négligeable. 

De plus, son incapacité à lutter efficacement contre l'épidémie et ses effets sociétaux avait, comme l'on montré les sondages récents de l'Institut allemand Koerber et de l'Institut américain Pew, a conduit l'opinion européenne à considérer que la coopération avec l'Amérique ne devenait plus pour les Européens une priorité. Ceci ne date pas seulement de l'épidémie. Dès 2017 la volonté américaine de leur interdire toute coopération avec la Chine, notamment dans le domaine de la 5G, au prétexte que celle-ci favoriserait l'espionnage chinois et le détournement des compétences européennes, avait suscité un refus quasi général.

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Aussi bien, le président chinois Xi Jinping a eu sur les perspectives de coopération de nombreux échanges téléphoniques (épidémie oblige) avec Angela Merkel et Emmanuel Macron. Le 10e Dialogue Stratégique entre l'UE et la Chine a confirmé cette volonté réciproque de coopération, comme le montre la conférence de presse de Josep Borrel, référencée ci-dessous.

Josep Borrell y indique que la Chine dont le rôle international ne cessera de s'accroître sera pour l'Europe un partenaire incontournable, en dépit de leurs différences en matière politique ou dans le domaine des droits de l'homme. Il y reconnaît que la Chine n'a pas d'ambitions militaires susceptibles de l'opposer à l'Europe. Même s'il existe de nombreuses divergences d'intérêt, il n'y a pas de « rivalité » au sens propre. Dans l'optique de construire un monde multilatéral, objectif confirmé des deux parties, les dialogues constructifs continueront à s'imposer.

Référence:

EU-China Strategic Dialogue: Remarks by High Representative/Vice-President Josep Borrell at the press conference
9 Juin 2020

https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage...

 

L'enseignement low cost, la "nouvelle réalité" du monde global post-covid

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L'enseignement low cost, la "nouvelle réalité" du monde global post-covid

par Karine Bechet-Golovko
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

La dégradation du système scolaire, très longtemps niée, devient une évidence, non plus seulement pour les enseignants du supérieur, qui ont de plus en plus de mal à travailler avec les jeunes recrues fraîchement débarquées des salles de classe. La destructuration des programmes scolaires, les méthodes ludiques et créatives ont permis de créer une génération intellectuellement et psychologiquement faible - qui par ailleurs présente le grand intérêt pour les cercles dirigeants d'être beaucoup plus manipulable. Un énorme travail de sape a été parfaitement réalisé sous l'impulsion des structures internationales, fonctionnant de concert, à savoir principalement l'OCDE, l'UNESCO et la Banque mondiale. La Commission européenne surveille l'exécution conforme des réformes au niveau européen, et même les pays non-membre de l'OCDE, comme la Russie, sont pris en main. Mais il a fallu attendre la mise en place de la "crise de Covid" pour bénéficier de l'impulsion nécessaire à l'entrée en force de l'enseignement dit "ouvert et à distance", dont la forme actuelle a été façonnée par l'UNESCO en 1997 pour les pays en voie de développement, mais peinait à s'implanter dans les Etats développés. Ce pas a été franchi grâce à l'excuse Covid et la mondialisation renforce un monde unifié, mais prévu comme inégalitaire, avec un enseignement traditionnel, coûteux, pour une élite et un enseignement low cost pour la plèbe. C'est ça la "nouvelle réalité" qui foncièrement veut, avec le temps, nous être imposée. Car cette élite a besoin d'un peuple inculte pour se sentir supérieure.

L'éducation des peuples est la pierre angulaire du développement de toute société. Sans même parler du développement culturel de cette société, sur lequel repose chaque pays, car de lui va dépendre le niveau moyen des élites dirigeantes, les systèmes d'éducation forment les jeunes êtres humains appelés à devenir des Hommes. La vie n'est pas qu'un concept biologique, à moins de ne l'appliquer qu'aux cellules. Un être humain n'est pas qu'un amas de cellules, c'est avant tout un être pensant et conscient de cela. Sa personnalité va résulter et des connaissances acquises et de la manière dont ces connaissances seront acquises, à savoir de sa capacité à l'effort, qui fera de lui ensuite un être capable de se développer. Ou non.

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La simplification incessante des programmes scolaires, le ludique à tout prix soi-disant pour garder l'attention de l'enfant, la diminution des devoirs à la maison, les grandes discussions autour de "stress" des notes et des examens, tout cela contribue à fabriquer une génération faible - et psychiquement et intellectuellement. Selon une étude publiée en 2007, le niveau des élèves de 5e en 2005 était celui des élèves de CM2 en 1987 en orthographe et lecture. Et rien n'a été fait pour que ça s'améliore, car les discours progressistes infantilisant se sont renforcés ces dernières années. En Russie, la chute du niveau des élèves est également perceptible lorsqu'ils arrivent à l'Université et cela grâce, par exemple, à l'apparition dans les petites classes de cahiers pré-remplis ... qui permettent à l'élève de ne pas faire l'effort d'écrire trop, à l'invasion de tableaux électroniques dans les salles de classe ... qui permettent aux élèves de ne pas trop se concentrer, à des programmes réduits, à des professeurs peut enclins à corriger des rédactions et encore moins vérifier des listes de lecture estivales (quand les vacances durent trois mois).

Les sources de cette tragédie humaine, dont nous sommes les seuls responsables, sont à rechercher dans les organismes internationaux, qui dirigent les politiques d'enseignement au niveau national. L'UNESCO est très active à ce sujet et a lancé depuis 1997, ouvertement, un grand mouvement pour "l'enseignement ouvert et à distance". L'idée est très simple : puisque la mondialisation se développe à merveille, le monde global doit prendre en main l'enseignement. Or, les zones culturelles et économiques de ce monde global sont différentes - l'enseignement à distance est une chance ... pour égaliser. Sous les slogans de "débarrasser des contraintes de temps et de lieu", d'"enseignement flexible", les pays sont largement enjoints à se détourner de l'enseignement traditionnel, qui ne serait plus adapté aux exigences d'aujourd'hui, pour se tourner vers l'enseignement à distance, ce qui concerne également les Universités. Les crises économiques vont aider à convaincre, car cette forme d'enseignement coûte beaucoup moins cher.

Cette démarche a été, au départ, tournée vers les pays en voie de développement. L'argument spécifique était simple : vous n'avez pas un budget énorme à consacrer à l'enseignement, vos ressources intellectuelles sont limitées, nous vous proposons une solution à moindre coût avec accès à des "vidéos" de qualité. Le culte managerial de la rentabilité fait son travail.

Parallèlement, en 2002, l'OCDE, qui s'occupe des questions économiques, ouvre une direction de l'éducation, qui va "aider" les Etats à intensifier "dans le bon sens" les réformes de l'éducation. Un rapport aussi volumineux qu'instructif est disponible ici. La toile se renforce, car les partenaires de l'OCDE ici sont notamment la Banque mondiale (dont nous allons parler ensuite), l'UNESCO, la Commission européenne et tout un réseau d'ONG, ce qui permet l'implantation nationale des directives internationales. La démarche de l'OCDE est très intéressante, car elle se base sur différents programmes, dont la méthodologie annoncée est très significative. Sur le programme PISA :

"Elle collecte des informations sur leurs compétences socio-émotionnelles, leurs attitudes à l’égard de l’apprentissage et leur bien-être, et évalue également le degré d’équité des possibilités d’apprentissage qu’offrent les pays à leurs jeunes citoyens. Grâce à ces évaluations, les pays ont la possibilité de comparer leurs politiques et pratiques éducatives avec celles des systèmes les plus performants et progressant le plus rapidement dans le monde, tout en tirant des enseignements de ces comparaisons."

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L'important, dans les réformes de l'enseignement, n'est pas le renforcement de l'orthographe, la lecture, pourtant sans maîtriser sa langue maternelle, aucun élève ne peut construire un savoir solide. L'important n'est pas même le savoir. Il s'agit de conduire les pays à unifier leurs systèmes d'éducation en se copiant les uns les autres (donc adieu les traditions nationales) au regard de l'attribution équitable de compétences socio-émotionnelles. Je ne me risquerai pas à la traduction.

L'autre intérêt de ces démarches est la mise en avant de l'utilitarisme : il faut produire des instruments utiles à la société contemporaine - telle que ces organismes l'ont préalablement déterminée :

"mesure le niveau des adultes dans les compétences fondamentales – à savoir la littératie, la numératie et la capacité à résoudre des problèmes dans des environnements à forte composante technologique. (...) L’analyse des données de l’Évaluation des compétences des adultes offre aux pays un bon aperçu des forces et faiblesses de leur main-d’œuvre – et des éléments de leurs systèmes d’enseignement et de formation qui pourraient encore être améliorés. "

Dans cette logique, il est suffisant, au regard du monde technologique voulu, que ces gens sachent lire, compter et manier les technologies. Le système éducatif, de l'école à l'Université, doit donc produire des instruments plus ou moins vivants permettant de faire marcher un monde déterminé ailleurs. Ce n'est plus l'homme qui façonne le monde dans lequel il vit, c'est lui qui est sommé de s'adapter à un certain monde.

Une question idiote en passant : qui va donc avoir le droit de former les "élites" qui décideront de la forme du monde ? La réponse nous est donnée grâce à la crise du coronavirus.

Toute cette démarche bloquait un peu avant la crise socio-idéologique du coronavirus. Comme le soulignait l'UNESCO, les pays développés restaient plus attachés aux méthodes d'enseignement traditionnel. Mais cette année, la révolution tant attendue a eu lieu, il a fallu l'aider, mais peu importe, enfin, nous sommes appelés à vivre dans le monde merveilleux des prisons à distance, pardon, de la liberté virtuelle. Et une nouvelle réalité s'impose : tout le monde n'aura pas les mêmes chances dans la vie. Ce n'est pas une nouvelle, cela a toujours été le cas, mais justement les sociétés évoluées, traditionnellement, cherchaient à combattre les inégalités sociales. Maintenant, c'est un fait établi. C'est la nouvelle réalité. Parfaitement expliquée par la Banque Mondiale.

Près de 1,5 milliard d’élèves dans plus de 170 pays ne vont plus à l’école, leurs établissements ayant été fermés par les gouvernements en réaction à la pandémie de Covid-19 (coronavirus). Dans ce contexte, les ministères de l’éducation du monde entier tentent désormais d’assurer la continuité des apprentissages par le biais de l’enseignement à distance.

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Les Etats n'ont pas eu le choix, ils ont été mis en situation extraordinaire. C'est ce que l'on a pu appeler le putsch numérique. Car le recours à ces plateformes numériques dites "ouvertes" (comme dans le rapport de l'UNESCO) a été forcé. L'enjeu aujourd'hui pour ces groupes dirigeants est transformer l'extraordinaire en ordinaire. Et ça bloque. Car s'ils sont très doués pour déconstruire, le modèle proposé est absurde. Pour reprendre leurs critères, il n'est pas performant.

Tout d'abord, car c'est une démarche qui renforce l'inégalité au lieu de l'effacer :

Le moyen proposé est en fait d'aller plus loin - développer le numérique. Or, comme la crise du coronavirus l'a montré, les élèves veulent un contact physique avec l'école, leurs professeurs et leurs copains. Les étudiants se rebiffent. Certains en Russie, dont la lettre est en ma possession, se sont adressés aux autorités de leur établissement pour décrire la réalité des conditions dans lesquelles ils ont été mis pour passer leurs examens par zoom : devoir chercher un point d'accès internet à plusieurs dans une voiture, louer un appartement à plusieurs, se rapprocher en campagne d'une borne internet quel que soit le temps, etc. Et à ce jour, alors que tout a réouvert à Moscou, étrangement l'Université d'Etat de Moscou (Lomonossov), sur ordre du Recteur, reste fermée ... sine die. D'autres, comme MGIMO, l'Université du ministère des Affaires étrangères russe, ont demandé à leurs enseignants d'enregistrer des vidéos de leurs cours, car il n'est pas certain qu'elles ouvrent leurs portes à la rentrée. Autrement dit, il est possible d'aller au resto ou dans les salles de sports, l'on peut voter pour la réforme constitutionnelle et aller voir la Parade militaire, mais aller à l'Université est dangereux. Dans un certain sens, c'est vrai.

Pour remédier aux défauts du système, par exemple, en France l'on propose des tables rondes dans les écoles (car les virus se dirigent en ligne droite, c'est bien connu) et en Russie de faire signer aux étudiants un document dans lequel ils s'engagent eux-même à ce que leur internet fonctionne. Ubu s'épanouit sous nos cieux ...

Et ce nouveau monde propose donc deux formes d'enseignement. Un enseignement réel, physique, avec un contact entre élèves et enseignants, avec des livres, des cahiers et des bibliothèques, un enseignement cher - pour l'élite. Et un enseignement low cost, avec zoom et wikipédia, "débarrassé des contraintes de temps et de lieu" où les enfants seront obligés de passer des heures assis devant un écran (ce qui est très mauvais pour leur santé) ou bien où les cours, pour tenir compte justement de leur santé seront réduits à 10-20 minutes, pour la forme. Un enseignement peu cher, rentable. Pour la plèbe. Qui ensuite pourra aller vendre dans des magasins des smartphones et des tablettes. Puisque comme précisé dans le rapport de l'OCDE, elle saura lire, compter et manier les technologies, elle pourra établir une facture et même encaisser l'argent, sans trop d'erreurs.

C'est ça la nouvelle réalité qui veut nous être imposée, celle d'un monde inégalitaire et heureux de l'être. C'est ça l'importance de la course aux technologies de pointe, car pendant que les pays sont occupés à cela, ils transforment docilement leur société, détruisent leur industrie, détruisent leur recherche scientifique, détruisent leur système scolaire. S'affaiblissent. Et comme ils sont faibles, ils sont heureux que les masses soient incultes, donc manipulables (comme l'expliquait Herman Gref, le directeur de la Sberbank en Russie). Puisque des populations fortes et éduquées ne pourraient tolérer cela. Pour autant, le fantasme de cette élite édulcorée est assez primaire, car il serait surprenant qu'une baisse généralisée du niveau, ce qui est proposé, permette de sauvegarder des îlots d'élitisme réels.

C'est bien ici un rapport de faiblesses et non pas un rapport de forces. A nous de décider, si l'on veut être formaté pour entrer dans les contours étriqués d'un monde qui réalise le fantasme d'une pseudo-élite, dont l'existence ne dépend que de l'abrutissement de la masse ou si l'on défend la réalité, ni ancienne, ni nouvelle, simplement notre vie.
 

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Moyen-Orient, le grand enfumage sur les raisons du chaos depuis avant les accords Sykes-Picot

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Moyen-Orient, le grand enfumage sur les raisons du chaos depuis avant les accords Sykes-Picot

Par Bernard  Cornut *

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

L'articulation historique et stratégique entre les questions de la Palestine et de Mésopotamie, et des couloirs d'export depuis la Mésopotamie (et le Golfe depuis l'émergence du gaz comme remplaçant du pétrole pour la génération électrique et le chauffage) vers la Méditerranée Est, c'est essentiel pour comprendre et faire comprendre l'histoire tragique du Moyen-Orient, y compris la tragédie entretenue depuis 2011 en Syrie, pays situé entre Iraq et Palestine. Cette analyse devrait aussi servir pour proposer, voire imposer, des solutions globales pour une paix juste et durable. 

Concernant le partage de l’Empire Ottoman entre les vainqueurs de la Guerre Européenne de 1914 devenue mondiale, il est important de relever des points d’histoire essentiels pour éclairer non seulement les faits et les traités d’après-guerre, mais aussi les intentions des Empires d’alors, avant l’été 1914 et avant la négociation entre les alliés français, britanniques et russes. Il s’agit aussi de mieux comprendre et répartir les responsabilités, et ainsi dégager les points clé pour sortir toute cette région du chaos.

Visées de l’Empire Britannique sur toute la Mésopotamie, ses pétroles et un couloir vers Haïfa. 

Les négociations Sykes-Picot aboutirent à des lettres signées le 16 mai 1916 à Londres par le ministre britannique Grey et l’ambassadeur français Cambon. Néanmoins des prétentions britanniques antérieures furent clairement établies par les travaux du De Bunsen Committee, comité interministériel de l’Empire Britannique sur ses buts de guerre dans la Turquie d’Asie. Entre le 12 avril et juin 1915, furent menées à Londres plusieurs réunions (secrètes alors)i où participa Mark Sykes, c’est à dire avant le mandat de négociations confiées à lui et à François Georges-Picot à l’automne 1915. Dès juin 1915, la Mésopotamie toute entière, de Bassora au piémont du Taurus, était un but de guerre britannique, incluant les 3 vilayets Bassora, Bagdad, Mossoul et en option une partie de la province (Mutasarriflik) du Zor, plus étendue que le mohafazat syrien de Deir Ez Zor aujourd’hui, et aussi un accès à un port méditerranéen, de préférence Haïfa ou Alexandrette. C’était justifié pour l’exploitation future du pétrole affleurant en de nombreux endroits, et suspecté abondant. Si les Anglais ont cédé à la demande des Français sur Mossoul dans l’accord de mai 1916, ils ont pris soin que Kirkouk soit inclus dans leur zone d’influence. Après l’amère reddition britannique à Kut le 29 avril 1916, le général Maude réorganisa les forces britanniques et indiennes. En décembre 1916, elles reprirent leur avancée vers Bagdad, occupée le 11 mars 1917, tout en dissuadant désormais leurs alliés russes descendus en Perse de les rejoindre à Bagdad, alors qu’il ne leur restait qu’une centaine de kmii

91Ryp510OfL.jpgEn 1905, Mark Sykes, alors jeune diplomate britannique à Constantinopleiii, a rédigé et transmis un rapport sur les sources affleurantes de pétrole entre Bitlis, Mossoul et Baghdad (Report on the Petroliferous Districts of Mesopotamia), à partir du travail d’un ingénieur allemand engagé par la Liste Civile du Sultan. L’attaché militaire anglais, lui, avait déjà été l’auteur d’un article publié en mai 1897 avec une carte des zones pétrolières en Mésopotamie, et en 1904 il avait pu récupérer une copie de la carte des zones pétrolières récemment dressée par un allemand employé du Syndicat ferroviaire anatolien. Cette prospection allemande était menée dans le cadre légal de la concession de la voie ferrée Konya Bagdad et au-delà vers Bassora, signée en 1902 entre une filiale ferroviaire de la Deutsche Bank et l’Empire Ottoman. Car cette concession allemande lui avait accordé un droit complet de prospection, exploitation et vente de produits miniers, pétrole inclus, sur une bande de 20 km de chaque côté du tracé prévu. L’ambassadeur britannique O’Connor transmit à Londres en soulignant « that many of the springs can be profitably worked before the completion of the Baghdad Railway by mean of pipelines to the sea». Dès 1905 plusieurs visées concurrentes se font jour, envers les ressources pétrolières de Mésopotamie et les voies de transfert. 

Dès avant 1914 fut créée à Londres la société Turkish Petroleum Companyiv autour du financier Cassel, de Callouste Gulbenkian qui avait longtemps travaillé à Bakou et écrit un long article sur le pétrole pour la Revue des Deux Mondes de mai 1891, et de quelques proches des Jeunes Turcs mis dans la combine, la Deutsche Bank étant réduite à une part minoritaire. Cette TPC demanda début 1914 une large concession dans l’Empire Ottoman et s’arrangea pour qu’elle fût autorisée en juin 1914 par le Grand Vizir. Néanmoins cette concession de la TPC ne fut pas ratifiée par le Parlement Ottoman avant la guerre, ce qui la fit contester ensuite par la Turquie, tandis que les Britanniques l’annulèrent pendant la guerre pour éteindre tous les droits allemands, vu la présence de la Deutsche Bank dans l’actionnariat. 

Un signe révélateur de la forte détermination des intentions britanniques est que le 23 mai 1914 la London Petroleum Review titra « The Oil Deposits of Mesopotamia, a second Baku in the making ». Trente ans avant, un tiers du pétrole mondial sortait de Bakou. Cet article annonciateur parut donc plusieurs semaines avant l’attentat de Sarajevo et la crise de juillet 14, cinq mois avant l’entrée en guerre de l’Empire Ottoman aux côtés de l’Empire allemand qui lui avait proposé une alliance signée secrètement le 2 août 1914. Néanmoins ensuite, de début août à fin octobre 1914v, alors que la guerre européenne faisait rage, le gouvernement Jeunes Turcs se garda de provoquer la Russie en Mer Noire, contrairement aux souhaits de l’Allemagne. Et surtout il avait proposé, secrètement aussi, à la Russie, à la France et à l’Angleterre de rester neutre, et même à l’Angleterre d’être son allié, quitte à renier l’alliance avec l’Allemagne si l’Angleterre acceptait. En vain ! Pas de réponse positive de Londres. Car pour l’Empire Britannique de l’été 1914, sous l’influence notamment de Churchill et de l’amiral Fischer qui savaient l’importance stratégique du pétrole pour la puissante Navy, atout majeur de la Couronne, l’Empire Ottoman devait être vaincu et démantelé, les bons morceaux devant être récupérés, et surtout pas laissés à d’autres. 

Peu après l’arrivée de Bassora d’une force expéditionnaire navale anglo-indienne le 21 novembre 1914, puis à Qurna le 9 décembre, l’hebdomadaire illustré Le Miroirvi publia une photo sépia de Bassora avec cette légende « Bassora définitivement occupée par les Anglais », terme qui reflète l’intention prédéterminée de l’Empire Britannique. 

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En sus de leur présence dans l’Iraq placé sous mandat, les forces armées britanniques occupèrent jusqu’au printemps 1926 deux petites provinces de la République de Turquie, Sirnak et Siirt, afin d’obliger Atatürk à accepter le rattachement du vilayet de Mossoul à l’Iraq. Et non pas à la Turquie, comme Mustafa Kemal l’avait prévu dans son Pacte National proclamé en 1919 au moment de la reprise coordonnée des combats contre les occupants européens, Britanniques, Français en Cilicie, Grecs ayant débarqué sur la côte égéenne à l‘incitation des Britanniques. Pour proposer un tracé de frontière entre la République de Turquie et l’Iraq sous mandat britannique, un comité de la SDN se réunit à Bruxelles fin octobre 1924, et le tracé retenu s’appela dès lors la ligne de Bruxellesvii ! Atatürk la refusa : les cartes de Turquie d’alors n’incluent aucun trait de frontière à l’est de Tell Abyad, bourg et gare sur la frontière séparant la Turquie de la Syrie sous mandat français qui comprenait alors encore le sandjak d’Alexandrette. Après une brève reprise de combats en 1926 dans ces lointaines provinces turques, Atatürk céda et un traité fut signé à Ankara. Cette frontière nord de l’Iraq ne fut stabilisée qu’au début des années 1930. 

Les autres Empires européens avaient aussi des visées sur les bons morceaux de l’Empire Ottoman, dès avant la crise de juillet 1914 et leur guerre européenne.

Visées de l’Empire russe sur Constantinople, les Détroits et les plaines irrigables de Mésopotamie. 

Les Russes et l’Eglise Orthodoxe lorgnaient sur Constantinople. Le traité de Berlin avait permis à la Russie tsariste d’occuper 3 provinces orientales de l’Empire ottoman, Kars, Ardahan et Artvin. L’armée tsariste avait en février 1914 préparé un plan secret interarmées d’attaque amphibie pour conquérir Constantinople et les Détroits, plan validé par le Tsar Nicolas II en avril 1914viii, donc avant la crise européenne de l’été 14. Le ministre russe de l’Agriculture lorgnait sur le potentiel des deux grands fleuves Euphrate et Tigre pour l’irrigation et la production agricole. Après le début de la Guerre, les Britanniques dirent aux Russes « Constantinople est pour vous » afin de les inciter à aider l’offensive des alliés aux Dardanelles du printemps 1915, qui a lamentablement échoué au prix de dizaines de milliers de morts de chaque côté.

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Les premiers accords Sykes-Picot prévoyaient, avant la révolution bolchevique, d'attribuer les zones en jaune à l'Empire russe.

Les visées de l’Empire allemand sur la Mésopotamie, ses ressources et jusqu’au Golfe. 

L’Empire Allemand lui aussi avait des visées sur la Mésopotamie et quelques bons ports ottomans. Guillaume II avait beaucoup investi dans la connaissance de la région où il avait voyagé, notamment en 1898. Vers la fin des guerres balkaniques, recevant un rapport de ses services sur des mouvements de troupes tsaristes aux frontières ottomanes, le Kaiser y écrivit en marge le 30 avril 1913 : ce sont « des préparations au partage de la Turquie, qui est apparemment plus proche qu’on pensait. ... Veillons bien à ce qu’il ne se passe pas sans nous. Je prendrai la Mésopotamie, Alexandrette et Mersin »ix. Depuis 20 ans, le Kaiser disposait d’une carte précise de Syrie et de Mésopotamiex que son conseiller arabophone, Dr Max von Oppenheim, a fait dresser et imprimer en 1893. La visée impériale sur une ressource clé et de bons ports profonds pour la protéger et l’exporter s’accompagnait d’une coopération en archéologie et en formations techniques et militaire.

Un Empire français plus soucieux de cuivre, coton et soie et des écoles chrétiennes que du pétrole. 

En France, au tournant du siècle le quai d’Orsay avait été souvent alerté sur l’intérêt des pétroles de Mésopotamie par des lettres d’un français turcophone de Toulouse qui s’était installé à Constantinople comme précepteur des enfants du Sultanxi, et suivait de près les prospections et publicationsxii sur ces sujets. Quand les négociations des alliés sur leurs buts de guerre commencèrent, les dirigeants français étaient conscients des visées britanniques sur les pétroles de Mésopotamie puisque le président du Conseil Aristide Briand précisa dans sa lettre d’instructions à Picot, datée du 2 novembre 1915xiii « Il serait également souhaitable que les régions minières de Kerkouk pussent être englobées dans notre domaine, mais il est à craindre que, sur ce point, les Anglais se refusent à entrer dans nos vues. » 

Tout cela pour insister sur le fait établi qu’avant même le début des négociations formelles d’après l’été 2015, l’Empire Britannique était décidé à contrôler toute la Mésopotamie, à cause du pétrole surtout, et à empêcher que tout autre puissance, allemande, russe ou française, ne s’en empare.

Le contrôle des robinets du pétrole pas cher, clé majeure de l’histoire du Moyen-Orient. 

L’histoire économique de la région fut explorée par quelques historiens français mais surtout des auteurs anglo-saxons de culture anti-impérialiste, turcs et arabes, qui ont pu décrypter les intérêts des Etats et des puissances industrielles et commerciales en ce début du 20ième siècle. C’était alors l’émergence des moteurs Diesel, en nombre et en puissance croissante (60 Cv par MAN en 1897, 700 Cv pour des sous-marins en 1907) et dès 1910-1912 commença la conversion des deux plus imposantes marines de guerre, britannique et allemande, à la chauffe au fuel au lieu du charbon. La nationalisation de l’Iraq Petroleum Company par le régime baathiste irakien survint le 1er juin 1972, survenant après un bras de fer entre l’IPC et Bagdad au printemps 1972, et quelques mois après un traité d’amitié et de coopération avec l’URSS en 1971. Cette nationalisation réussie influença de façon essentielle toute la suite des évènements au Moyen-Orient, car le pétrole de Mésopotamie était connu désormais comme le moins cher à produire au monde, et sans doute le plus abondant, car la Mésopotamie est une plaine encore en subsidence, comme me dit un jour de 1972 le grand géologue français Louis Dubertret. 

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La Mésopotamie était connue pour ses affleurements de bitume, cités dans la Bible, exploités au temps d’Hammourabi, mentionnés sur des tablettes sumériennes. Et surtout cartographiés à la fin du 19ème siècle par les services de l’Empire Ottoman et des géologues européens. D’ailleurs le Sultan Abdül Hamid ne se priva pas d’acquérir pour l’Etat, et aussi sur sa caisse personnelle, des terrains repérés comme pétrolifères, ce qui permit à l’un de ses héritiers xivde plaider la spoliation par les Britanniques avec de nombreux avocats de divers pays, mais en vain pendant plus de 50 ans.

Contrôles de la Mésopotamie et de la Palestine, deux objectifs liés dès 1900. 

Pourquoi insister sur cet éclairage ? Je suis convaincu depuis au moins 25 ans, par mes lectures diversifiées et par mon expérience de tout le Moyen-Orient depuis 48 ans, que la question de la Palestine, et surtout les soutiens précoces (disons de 1897 à 1925) et durables à l'entreprise sioniste s'expliquent essentiellement par la volonté d’un certain contrôle de la Mésopotamie et de couloirs pour exporter ses pétroles, notamment jusqu’à un bon port de l’est méditerranéen. Cette volonté est apparue dans les milieux pétroliers, financiers et stratégiques à partir des années 1890-1900. Puis elle s'est renforcée à partir des émeutes et des incendies à Bakou en 1905xv, provoquant la chute de cette production russe auparavant dominée par les Frères Nobel et aussi Rothschild qui avait installé une raffinerie près de Trieste et développé un circuit de transport du brut par une voie ferrée reliant Bakou à Batoum puis en bateau via la Mer Noire et les détroits, donc sans passer par les plaine russes et la Baltique pouvant geler. 

Theodor_Herzl.jpgEn 1901 Théodore Herzl s’était vu refuser par le Sultan la concession coloniale juive en Palestine qu’il réclamait en proposant le rachat de l’écrasante dette ottomane et un crédit de 81 ans. Après avoir obtenu au printemps 1902 d’énormes crédits de 3 grandes banques européennes, Crédit Lyonnais, Dresdner Bank, Lloyds, Herzl retourna à Constantinople et là écrivit en français le 25 juillet 1902 une longue lettre au Sultanxvi, incluant : « Par contre le gouvernement Impérial accorderait une charte ou concession de colonisation juive en Mésopotamie – comme Votre Majesté Impériale avait daigné m’offrir en février dernier- en ajoutant le territoire de Haïfa et ses environs en Palestine... » 

L’implication des intérêts américains au Moyen-Orient pendant et après la Grande Guerre. 

La guerre européenne déclenchée à l’été 1914 s’étendit à l’Orient dès l’automne, puis devint mondiale quand les Etats-Unis s’en mêlèrent. L’énorme dette de guerre britannique était gérée par des banques américaines, principalement JP MORGAN. Juste avant la guerre et à l’automne 1914, Lloyd George, chancelier de l’Echiquier à Londres, craignait que la livre Sterling s’effondre, notamment à cause des assurances maritimes garanties par le Trésor. Il avait sollicité les conseils de Lord Rothschild : En quoi puis-je vous aider ? Je le lui dis. Il entreprit de le faire immédiatementxvii. En 1916, dans l’entourage sioniste (Brandeis, Colonel House...) et financier du président américain Woodrow Wilson, des négociations s’amorcèrent pour le partage des dépouilles, et la garantie de la dette britannique, au cas où l’Amérique viendrait au secours des Britanniques et de leurs alliés. Depuis quelques années le mouvement sioniste américain fournissait des pièces d’or aux services britanniques du Bureau Arabe du Caire afin de financer un réseau de renseignement. Ce réseau d’informateurs, dit Nili, fut développé et géré par Aaron Aaronsohnxviii, à l’origine agronome talentueux résidant près de Haïfa, vite soutenu par le mouvement sioniste américain. Quand Aaron partit au Caire pour aider le Bureau Arabe à interpréter, le réseau fut animé par sa sœur jusqu’à son arrestation et suicide. En 1915-16, ce réseau renseignait sur les positions des troupes ottomanes en grande Syrie et tout au long de la voie ferrée du Hijaz, et notamment sur la localisation et l’état des puits, car l’eau était requise en quantité pour les locomotives à vapeur qui formaient l’essentiel des  moyens logistiques de l’armée ottomane. Pour sa campagne de réélection à l’automne 1916, le slogan populiste de Wilson fut « America Out of the War ». Réélu, Woodrow Wilson fit entrer l’Amérique en guerre en avril 1917. Le 2 novembre 1917, Lord Balfour signa sa fameuse lettre à Lord Rothschild pour affirmer un soutien britannique au projet de « foyer national juif » en Palestine... Plus tard, en février 1922, Churchill écrivit à Curzon alors chef du Foreign Office « Je suis arrivé en toute indépendance à la conclusion que tant que les Américains seront exclus d’une participation au pétrole de l’Iraq, nous ne verrons pas la fin de nos problèmes au Moyen-Orient »xix. Churchill se résolut alors à faire entrer un consortium de 4 sociétés pétrolières américaines dans le tour de table de l’Iraq Petroleum Company en gestation, qui produisit ensuite près de Kirkouk, construisit un oléoduc jusqu’à Haïfa et là une raffinerie. L’IPC dura jusqu’en 1972... 

Pour moi le messianisme sioniste et l'exploitation de sentiments et mythes historico-religieux judaïques ne furent et ne restent qu'une façade, un enfumage, un moyen pour assurer l'adhésion des masses dans les pays occidentaux. 

Il est temps que le débat soit ouvert sur cette question de fonds, notamment à l’occasion des élections présidentielles en France. Seule une politique cohérente sur les affaires étrangères, énergétiques et environnementales, qui soit réaliste, juste, déterminée et ferme, aux niveaux français, européen et de l’ONU, peut ramener la paix et un développement sain dans tout le Moyen- Orient en assurant aussi l’atténuation du risque climatique et environnemental global. 

*Ingénieur en génie rural, énergie et environnement, auteur ** en géopolitique et histoire, suite à ses terrains dans presque tout le Moyen-Orient depuis 1968, dont 14 ans de résidence professionnelle en 6 pays de l'ex Empire ottoman (Libye, Liban, Syrie, Iraq, Egypte, Turquie).

** Auteur de Ben Laden ou Kyoto? Orienter l'Occident plutôt qu'occire l'Orient. L'Harmattan, Paris, 2003

Texte révisé les 18 et 21/01/2017 pour publication par le CVPR-PO  

Quelques notes bibliographiques multilingues:

i Voir ch.7 in: RUTLEDGE, Ian Enemy on the Euphrates. The Battle for Iraq 1914-1921 SAQI, London, 2014, 477p., bibliog., index.

ii Voir ch. 7 The Russians in Persia et ch.9 1917 The Tsarist Empire at its zenith p.222, in McMEEKIN Sean The Russian origins of the first world war. Harvard Univ. Press, 2013; 323p. Bibliog. Index.

iii Voir ch. 1 Indications of Oil, in RUTLEDGE 2014.

iv Détails par ex. in KENT, Marian Moguls and Mandarins. Oil, Imperialism and the Middle East in British Foreign Policy, 1900-1940. Frank Cass London 1993, 192. Bibliog. Index

v Voir ALSAKAL, Mustafa, The Ottoman Road to War in 1914: The Ottoman Empire and the First World War. Cambridge: Cambridge University Press, 2008. 226p.

vi Magazine Le Miroir, collection personnelle de l’auteur.

vii Détails in HOOPER, Charles A. L’Iraq et la Société des Nations. Paris : Pédone, 1927, 112p.

viii McMEEKIN 2013 Op.cit.

ix Voir in AKSAKAL 2008 Op. Cit.

x Collection personnelle de l’auteur. Feuille Ouest de cette carte trouvée et acquise à Ankara.

xi Voir BAREILLES, Roland Le crépuscule ottoman 1875-1933 Un Français chez le dernier grand sultan. Toulouse : Editions Privat, 2002. 366p. Bibliog. Index. Annexes

xii L’ouvrage le plus détaillé sur le pétrole dans l’espace ottoman est en turc : EDIGER, Volkan Ş Osmanlı’da neft ve petrol. Ankara : METU 2005, 472p. Bibliog. Index, Illustrations. Cet auteur géologue, historien, économiste fut conseiller pour l’énergie de 3 présidents turcs Demirel, Sezer, Gül.

xiii Citée in extenso p 90-94 in : HOKAYEM, BOUMALHAB ATALLAH, CHARAF Documents diplomatiques français relatifs à l’histoire du Liban et de la Syrie à l’époque du mandat : 1914-1946. Tome 1 Le démantèlement de l’Empire Ottoman et les préludes du mandat : 1914-1919. Beyrouth Les Editions Universitaires du Liban, Paris L’Harmattan, 2003, 809p.Index. Carte des accords Sykes-Picot.

xiv SAMI, Mahmud E. The Quest for Sultan AbdülHamid’s oil assets. His heirs’legal battle for their rights. Istanbul: The ISIS press. 2006. 174p. Appendices.

xv Voir par ex. YERGIN, Daniel Les hommes du pétrole. Les fondateurs 1859-1945.Paris : Stock 1991 tome 1, 563p.

xvi Lette reproduite en fac-simile in ENGIN Vahdettin Pazarlık. Istanbul : Yeditepe 2010. 213. Bibliog. Index, Annexes (ouvrage en turc d’historien turc francophone).

xvii p.121-122 in LLOYD GEORGE, David Mémoires de guerre t1. Paris : Fayard 1934, Trad. Charles Bonnefon.

xviii Voir GOLDSTONE, Patricia Aaaronsohn’s Maps The untold story of the man who might have created peace in the Middle East. Orlando: 2007, Harcourt Inc. 344p. Bibliog. Index. Le musée Aaronsohn installé dans les 2 maisons de sa famille au village de Zikhron Yaacov au sud de Haïfa est instructif.

xix Cité en anglais p. 119 in MEJCHER, Helmut Imperial quest for oil: Iraq 1910-1928; London: Ithaca Press, 1976, 199p. Bibliog. Index. 

Le MI6 pourrait devenir le mandataire de la CIA pour empêcher l’Europe de se rapprocher de la Russie

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Le MI6 pourrait devenir le mandataire de la CIA pour empêcher l’Europe de se rapprocher de la Russie

Par Andrew Korybko

Source Oriental Review via OneWorld

Traduction française: https://lesakerfrancophone.fr

Le rôle obscur du MI6 [le service d’espionnage britannique, NdT] dans quatre scandales d’infox liés à la Russie au cours des dernières années suggère fortement qu’il est en train d’être instrumentalisé pour devenir le mandataire de la CIA pour empêcher l’Europe de se rapprocher de la Russie une fois que le Nord Stream II sera achevé.

La « nouvelle détente » UE-Russie qui se profile

L’achèvement imminent du gazoduc Nord Stream II entre la Russie et le de facto leader allemand de l’UE est l’un des développements géopolitiques les plus importants du continent aujourd’hui, ce qui conduit à des spéculations crédibles selon lesquelles le bloc entrera inévitablement dans une « Nouvelle Détente » [en français, NdT] avec Moscou avec ou sans le soutien de Washington quelque temps après la fin du projet. Si Trump remporte sa réélection, les États-Unis pourraient très bien « approuver » ce scénario, compte tenu de ses relations récemment revigorées avec le président Poutine, mais même dans ce cas, son « État profond » (bureaucratie militaire, diplomatique et de renseignement permanentes) pourrait encore essayer de déjouer ses plans de rétablissement de la paix. Si Biden gagne, cependant, il est presque certain que les États-Unis feront tout ce qu’ils peuvent pour saper le rapprochement de l’Europe avec la Russie. Quoi qu’il en soit, l’« État profond » est toujours enclin à conserver une influence directe ou indirecte sur les affaires européennes afin d’influencer ce processus au mieux de ses capacités.

La saga Skripal

C’est là que réside la pertinence des relations de la CIA avec le MI6, ce dernier ayant joué un rôle occulte de plus en plus actif dans quatre scandales distincts d’infox liés à la Russie ces dernières années. Ces relations méritent d’être analysées un peu plus en profondeur afin de mieux comprendre l’une des manières les plus probables par lesquelles l’« État profond » américain pourrait tenter de saper les relations UE-Russie, que M. Trump soit ou non réélu. Il convient de rappeler au lecteur la saga Skripal d’il y a plusieurs années, où la Russie était accusée par l’Occident, sans preuve, d’avoir orchestré un complot élaboré pour empoisonner un de ses anciens espions. Cet incident a jeté un nuage noir sur les relations de la Russie avec l’Occident et est largement considéré par ceux qui ne font pas partie des principaux médias comme une opération de renseignement sous faux drapeau visant à ruiner la « Nouvelle Détente » souhaitée par Trump avec le président Poutine par la fabrication d’un incident très médiatisé qu’il lui était impossible d’ignorer et auquel il ne pouvait pas répondre.

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Allégations concernant une base d’espionnage russe dans les Alpes françaises

Ce n’est pas une coïncidence si cette provocation s’est produite au Royaume-Uni puisque le MI6 et la CIA travaillent en étroite collaboration, et que ces deux agences se sont également associées pour inventer la théorie de la conspiration russe qui a depuis été officiellement démystifiée par le gouvernement américain. Néanmoins, ces acteurs de l’« État profond » alliés n’ont pas cessé d’essayer de ruiner les relations entre l’Occident et la Russie, d’où la raison pour laquelle ils ont concocté une autre théorie de conspiration à la fin de l’année dernière, alléguant que des espions russes opéraient à partir d’une base secrète dans les Alpes françaises. La France a été prise pour cible cette fois-ci à la fois parce qu’elle est l’un des leaders du continent mais aussi en raison de son rôle dans le processus de paix de Minsk pour l’Ukraine, déchirée par la guerre civile. Les présidents Macron et Poutine entretiennent également d’excellentes relations entre eux et le dirigeant russe s’est même rendu en France l’été dernier pour montrer à quel point leurs deux pays étaient proches à l’époque précédant le scandale qui a été inventé quelques mois plus tard.

Une provocation à Prague

Mais celle-ci a également échoué, bien qu’une fois de plus, elle se soit avérée ne pas être la dernière d’une série apparemment interminable de tentatives de la CIA et du MI6 pour saper les relations entre la Russie occidentale. La plus récente a eu lieu à Prague après qu’il ait été allégué, sans la moindre preuve, qu’un espion russe était entré dans ce pays d’Europe centrale et s’apprêtait à empoisonner quelques responsables politiques pour se venger de leur décision de démolir un monument de l’époque soviétique datant de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur a analysé cet aspect de leur guerre d’information commune contre la Russie dans son article de l’époque sur le scandale de l’assassin russe de la République tchèque, « The Czech Republic’s Russian Assassin Scandal Reeks Of The Skripal Conspiracy« , qui reliait les points stratégiques et expliquait comment cela représentait la dernière phase d’un schéma de provocations de longue date destiné à ruiner les relations de Moscou avec divers pays européens. Il est intéressant de noter que Prague n’était pas non plus un endroit choisi au hasard, tout comme le Royaume-Uni ne l’était pas lorsqu’il s’agissait des Skripals.

La diversion COVID-19

La capitale de la République tchèque est censée être la base des opérations de la CIA et du MI6 en Europe centrale. Elle aurait donc pu servir de lieu approprié pour une nouvelle provocation de l’infoguerre sous faux drapeau contre la Russie, sur le modèle de l’incident de Skripal. Hélas, cette accusation armée contre la Russie n’a pas été reprise comme les autres parce que la pandémie mondiale COVID-19 a distrait la population mondiale, mais il est prévu qu’une prochaine tentative sera faite soit dans ce pays soit ailleurs dans le même but de tenter de ruiner les relations de la Russie avec l’Occident. Quoi qu’il en soit, ce qu’il est important de souligner en ce moment, c’est le rôle du MI6 dans tout cela en tant que « partenaire junior » des États-Unis, qui est plus important que jamais aujourd’hui compte tenu de ce qui a été mentionné au début de cette analyse sur la façon dont l’achèvement imminent du Nord Stream II conduira probablement à un rapprochement entre la Russie et l’UE avec ou sans « l’approbation » des États-Unis (indépendamment du fait que Trump gagne ou non sa réélection).

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Les soupçons européens sur l’Amérique

Bien que le Royaume-Uni ne soit plus un membre officiel de l’UE, il entretient toujours des relations très étroites avec le bloc, notamment en termes de partenariats « d’État profond » avec le MI6. Le rôle de la nation insulaire dans chacun des infox sur la Russie mentionnés précédemment suggère fortement qu’elle est préparée à devenir le mandataire de la CIA pour arrêter l’évolution de [l’attitude] de l’Europe vers la Russie  après l’achèvement du Nord Stream II. Le continent est devenu méfiant à l’égard des intentions américaines à son égard depuis l’élection de Trump, qui a vu le Président menacer de mener une guerre commerciale contre les « alliés » transatlantiques de son pays et mettre une pression immense sur les membres de l’OTAN pour qu’ils paient davantage pour leur propre défense. Cela a choqué de nombreux Européens et les a amenés à envisager sérieusement la perspective d’un rapprochement indépendant avec la Russie afin de parvenir à un meilleur « équilibre » entre les deux grandes puissances. Bien que certains pays de l’UE, comme la Pologne, soient opposés à un tel scénario, ils pourraient avoir du mal à le contrebalancer, car ils n’ont ni le pouvoir ni l’influence nécessaires pour le faire.

La CIA « cheval de Troie » dans l’UE

Les États-Unis tentent d’exploiter l’« initiative des trois mers » menée par la Pologne en Europe centrale afin de creuser un fossé entre l’Europe occidentale et la Russie et de faire en sorte que l’Amérique puisse continuer à diviser et à gouverner le continent, mais leur « État profond » complote secrètement avec les Britanniques à cette fin également, nonobstant la fabrication d’autres fausses conspirations contre la Russie, comme celles qui ont été décrites précédemment dans cette analyse. Les Européens ne font peut-être plus autant confiance aux Américains de nos jours qu’auparavant, mais ils font toujours confiance aux Britanniques et sont désireux de maintenir d’excellentes relations avec son « État profond » afin de réduire l’impact pratique du Brexit. Cela fait du MI6 le « cheval de Troie » parfait de la CIA pour saper de l’intérieur l’« État profond » de l’UE, étant donné le respect et la confiance dont cette agence de renseignement britannique jouit toujours sur le continent. Le Royaume-Uni s’efforce également de conserver et même d’étendre son influence en Europe malgré le Brexit, d’où la raison pour laquelle il travaille main dans la main avec les États-Unis de cette manière en faisant monter les enchères contre la Russie.

Encourager un faux drapeau britannique

À l’avenir, les Européens devraient rester en alerte pour toute provocation de l’info-guerre des faux drapeaux contre la Russie, comme l’ont fait plusieurs autres provocations très médiatisées qui ont été examinées dans cette analyse. Il se pourrait que la CIA adopte une approche encore plus discrète lors de la prochaine analyse afin de « tirer les ficelles à distance » en faisant en sorte que le MI6 joue un rôle plus visible en semant le trouble. Cette astucieuse ruse pourrait rendre le prochain récit plus crédible aux yeux des Européens, car ils seraient moins susceptibles de soupçonner qu’il pourrait s’agir d’un énième complot américain maladroit et voué à l’échec.

Dans ce cas, il est important que les « États profonds » des nations européennes et les publics qu’ils représentent « officiellement » se préparent à ce scénario et traitent le MI6 avec la plus grande suspicion s’il joue un rôle quelconque dans ce qui pourrait bientôt arriver. Un moment potentiellement historique pourrait bientôt approcher où le Nord Stream II conduirait à un rapprochement entre l’UE et la Russie qui changerait la donne, c’est pourquoi les mois à venir pourraient être la « parfaite » mais peut-être aussi la dernière occasion pour la CIA de saper ce scénario par l’intermédiaire de son mandataire MI6.

Andrew Korybko

Traduit par Michel, relu par Kira pour Le Saker Francophone