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dimanche, 28 juin 2009

Over boeken en schrijvers

OVER BOEKEN EN SCHRIJVERS



Ex: Nieuwsbrief / Deltastichting - nr. 26 - juni 2009
JEAN MABIREDe Normandische schrijver Jean Mabire zal wel niet zo vlug vergeten worden. Over heel Frankrijk, maar ook elders in Europa, telde hij vele vrienden en vooral vele lezers. Daarentegen mocht hij, als beginselvaste non-conformist, zelden of nooit genieten van officiële eerbewijzen of erkenningen. Het zal hem géén zorg geweest zijn.

Wellicht kom ik later nog eens op Mabire terug. Vandaag bespreek ik een uitgave van de recent opgerichte vriendenkring Association des Amis de Jean Mabire (1). Die vereniging plant, naast andere initiatieven, de (her)uitgave van werken van en over de auteur. Het eerste nummer van Jean Mabire parmi nous verscheen in 2008 bij Editions d’Héligoland en brengt de heruitgave van twee bijdragen van Mabire over Pierre Drieu la Rochelle. Die intrigerende en veelzijdige schrijver (1893-1945) wekte de aandacht van Mabire, die tal van biografieën wijdde aan (veelal non-konformistische) auteurs uit heel Europa. Drieu was een van zijn favorieten.

Zijn eerste groter werk was Drieu parmi nous uit 1963, een nog steeds onovertroffen benadering van de schrijver. In de te bespreken uitgave worden “jeugdwerken” van Mabire heruitgegeven, studies in 1961 uitgegeven door de Revue du Département de la Manche. Het zijn goed gedocumenteerde maar tevens met geestdrift geschreven studies over de in Parijs wonende Normandiër (2). Ze ademen bewondering, die daarom niet onkritisch hoeft te zijn. Hoe verschillend de levensloop van Drieu en Mabire ooit mocht zijn geweest, hoe divers hun terreinen van belangstelling, Mabire bewondert in Drieu een man die steeds trouw bleef aan zijn on-dienstbaarheid, aan zijn moed om vaak tégen de stroom in te gaan; aan zijn trouw aan heroïsche en non-conformistische idealen; aan zijn geestelijke aristocratie.

Een reeks om in het oog te houden!

(Karel Van Vaernewyck)
Nota’s:

(1) Adres van de Association des Amis de Jean Mabire, Route de Breuilles 15, F-17330 Bernay Saint Martin
(2) Editions d’Héligoland, 2008, ISBN  978 – 2 – 014874 – 39 – 7. F-27290 Pont-Anthouml.

mercredi, 24 juin 2009

Scène de librairie ordinaire

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SCENE DE LIBRAIRIE ORDINAIRE  

Limonov et Richthofen

Le Secret de l’Espadon, Zipang, Par les Chemins noirs

Joseph Conrad, L’Escadron guillotine, Zanzibar 14

 

J’ai envie d’un livre. Ou, pour dire les choses avec la rigueur sociologique voulue, j’ai envie de m’offrir un bien culturel de consommation courante avec ma paie de salarié moyen du Bas-Empire français, aussi appelé Hexagonistan par certain punk rocker banlieusard d’origine vietnamo-francilienne de qualité. La dernière fois, j’étais sorti du magasin avec l’album 1. Les Prologues de la série Par les chemins noirs sous le bras, du talentueux David B. (Futuropolis). 1920, Fiume l’insurgée, le poète-aviateur-utopiste Gabriele D’Annunzio tient depuis six mois l’hôtel de ville de la capitale mondiale du dadaïsme, ses arditis désoeuvrés le pavé et ses innombrables trafics. Entre les deux, ni pour ni contre, Lauriano, en civil mais toujours soldat, et la belle Mina Linda, espionne le jour, chanteuse de cabaret la nuit. Je ne m’étendrai pas davantage, sinon pour répéter mon admiration devant le graphisme, d’une naïveté très étudiée, et l’adresse du récit, qui restitue sans fausse note l’ambiance survoltée de l’époque, d’après ce que j’en ai lu. Michel Déon l’a écrit : « Il n’y a que les bourgeois qui lisent, et qui lit est automatiquement un bourgeois. » Allons donc voir les nouveautés au rayon littérature de mon supermarché culturel préféré.

Vitres teintées, air conditionné (chaud-froid, chaud-froid), signalétique labyrinthique. La moquette a une odeur de… moquette. Sur ce territoire exigu, dont le contrôle semble encore en partie échapper à la Grande Compagnie Commerciale, patrouillent en continu de farouches vigiles de souche polynésienne, tatoués jusqu’à l’oreillette – on murmure qu’ils sont les seuls à pouvoir impressionner les jeunes pillards du samedi après-midi, autre produit multiculturel de masse issu de la Nouvelle Réalité Française, mais la direction refuse de communiquer sur le sujet. « – La HALDE veille... » Des gros bras venus du bout du monde connu défendre les trésors de notre civilisation numérique des barbares en maraude le long des portails magnétiques, limes moderne : nom de Bourdieu, comme dirait quelque publiciste situé à la gauche du Fig Mag, c’est la décadence de Rome !

Au Japon, renseigner le client est un devoir sacré. Ici, l’ignorer est un choix de vie des vendeurs. Ils feront tout leur possible pour l’éviter, quitte à accélérer le pas ou à feindre une surdité passagère. Dans ces conditions, il vaut mieux savoir ce qu’on cherche et où le trouver. Ou alors, se laisser aller et déambuler entre les tables, en quête de son coup de coeur de fin de semaine. Alors miracle, parmi la multitude des publications ni faites ni à faire qui encombrent les étalages, des livres émergent, dont l’originalité et la courte durée de vie sont en général les dénominateurs communs. Le roman Zanzibar 14 du suisse Jean-Jacques Langendorf, l’histoire du duel singulier que se livrent, sur fond de rivalité coloniale en Afrique de l’Est, un espion du Kaiser et l’officier de marine britannique chargé de le mettre hors d’état de nuire (InFolio), avoisinera Mes Prisons de l’écrivain-kalachnikov Edward Limonov, quand le fondateur du Parti national-bolchevik russe transforme son emprisonnement sous le règne de Vlad Poutine en exercice d’autocélébration (Actes Sud) ; la réédition en poche chez Phébus de L’Escadron guillotine de Guillermo Ariaga (c’est l’année du Mexique au Salon du Livre de Paris), ou comment l’avocat désargenté Vescardo échoua à vendre la machine du docteur Guillotin à Pancho Villa mais devint un héros de la révolution malgré lui, petit chef-d’œuvre d’humour picaresque, tiendra la dragée haute à La légende du Baron rouge, la biographie conséquente (près de 500 pages tout de même) de Manfred von Richthofen par le chroniqueur musical Stéphane Koechlin (Fayard). Du free jazz aux virevoltes aériennes… La raison de cette profusion folle chaque semaine en librairie ? La crise de l’édition : des parutions de plus en plus nombreuses, des tirages de plus en plus réduits, d’où des livres de plus en plus coûteux et un recours de plus en plus fréquent au compte d’auteur afin de compenser les pertes, y compris dans les grandes maisons.

« By jove ! » Le Secret de l’Espadon, la première aventure du capitaine Blake et de son ami le professeur Mortimer, reparaît en trois volumes, identiques aux originaux ! Pour qui connaît un peu, Le Secret de l’Espadon, en tête de gondole au rayon bandes dessinées, est tout sauf destiné au jeune public. Lorsque les « Jaunes », comme autrefois on parlait des Asiates, s’élancent à la conquête du globe depuis les monts creux du Tibet (le feuilleton paraît dans le Journal de Tintin à partir de 1946), il faut trois albums à nos deux héros so british et l’invention d’une arme géniale pour sauver le monde libre du joug tyrannique de Lhassa. La Couronne, le Commonwealth appuyés par leurs alliés de l’ONU sortent victorieux de la Troisième Guerre mondiale, la civilisation anglo-saxonne triomphe, mais dès le déclenchement de la conflagration le continent européen a été pulvérisé, ses nations rayées de la carte sous les coups de crayon clair du dessinateur, Edgar P. Jacobs. Imaginé, conçu et publié dans le contexte de la guerre froide naissante, Le Secret de l’Espadon entérine auprès de plusieurs générations de lecteurs le retrait de la vieille Europe de l’histoire et la redéfinition de l’Occident autour du futur Pacte Atlantique. De la BD à la réalité… Les Jaunes n’ont jamais déferlé des hauts plateaux de l’Himalaya, relayés dans l’ordre des périls par le rouge des armées soviétiques ; quant à l’Union Jack, il s’est vu reléguer au second rang des drapeaux, loin derrière le Stars and Stripes américain. Deux mondes, deux superpuissances, les Soviets au lieu des Tibétains, les GI’s à la place des Tommies ; deux approches aux antipodes l’une de l’autre de la civilisation, et au milieu les pays européens, témoins désabusés, réduits pour cinquante ans à compter les points dans la partie de go planétaire que vont se livrer sur leur dos les nouveaux maîtres du jeu.

On m’en avait parlé, la version papier du film d’animation Valse avec Bachir est désormais disponible chez Casterman. Cent cinquante-cinq pages de pure beauté visuelle. Je me demande à quel numéro la série des Zipang en est aujourd’hui. 24e tome ! A combien ai-je arrêté de suivre les aventures de l’équipage du destroyer Mirai ? Sur le phénomène Zipang, mon Guide du mangavore ne tarit pas d’éloges : « C’est cela Zipang, de Kawaguchi Kaiji : un navire ultramoderne, le DDG-182 Mirai, et des marins qui, très vite, deviennent familiers, amicaux. Comment ne pas se passionner pour l’incroyable odyssée de ce destroyer japonais en route vers l’Equateur, qui s’évanouit dans la nature, aspiré par un vortex, et réapparaît en 1942, à la veille de la bataille de Midway. Vous serez alors happé par l’intrigue, spectateur des clans qui s’affrontent à bord du Mirai et qui voudront faire de vous un des leurs. Entrez à votre tour dans l’histoire et choisissez votre camp : celui, interventionniste, du capitaine de corvette Kusaka, ou celui du capitaine en second Kadomatsu, plus attentiste et indécis sur l’action à entreprendre. D’autant que les flottes de guerre ennemies se rapprochent. »

Retour aux petits formats. Avant Cœur des ténèbres, il y eut Un avant-poste du progrès, du même Joseph Conrad, que réédite Rivages poche. Le Congo belge de 1896, des colons blancs déracinés, des indigènes, tantôt apathiques, tantôt hostiles, la jungle comme une prison végétale pour tous. Cela pourrait se passer en Martinique en 2009. Je prends.

L. S.

 

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mardi, 26 mai 2009

Livres sur Nietzsche

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987

 

Livres sur Nietzsche

Recensions de Robert Steuckers

Tarmo Kunnas, Nietzsches Lachen. Eine Studie über das Komische bei Nietzsche, Edition Wissenschaft & Literatur, München, 1982.

Le comique chez Nietzsche est un thème, pense le philosophe et essayiste polyglotte finlandais Tarmo Kun­nas, qui n'a guère été exploré. C'est le pathos nietzschéen, son romantisme fougueux, bruyant, qui sé­duit d'em­blée et capte les attentions. Rares sont les observateurs, bons connaisseurs de l'œuvre com­plète de Nietz­sche, qui ont pu percevoir l'ironie cachée, le sourire dissimulé, qui se situe derrière les aphorismes tran­chés, affirmateurs et romantiques. Nietzsche se sentait trop solitaire, trop menacé, pour se permettre un hu­mour souverain, direct, immédiat, sans fard. Tarmo Kunnas explore toute l'œuvre de Nietzsche pour y re­pérer les éléments de satire, d'ironie, d'humour et de parodie. Il nous révèle les mutations, les glissements qui se sont produits subrepticement depuis sa jeunesse idéaliste jusqu'à la veille de sombrer dans la folie.

 

Tarmo Kunnas, Politik als Prostitution des Geistes. Eine Studie über das Politische bei Nietzsche,  Edition Wissenschaft & Literatur, München, 1982.

Nietzsche a été politisé, mobilisé par des partisans, mis au service des causes les plus diverses. Pour Tarmo Kunnas, Nietzsche est plutôt «anti-politique», hostile à l'emprise croissante du politique sur les esprits. Méticuleusement, il analyse la critique du système partitocratique chez Nietzsche, ses tendances anti-démo­cra­tiques, ses propensions à l'aristocratisme, son refus de l'idéologème «progrès», son anti-socialisme, son an­ti-capitalisme, son anti-militarisme et, finalement, les rapports entre Nietzsche et le nationalisme, entre Nietzsche et le racisme (l'anti-sémitisme).

 

Richard Maximilian Lonsbach, Friedrich Nietzsche und die Juden. Ein Versuch (zweite, um einen Anhang und ein nachwort erweiterte Auflage), herausgegeben von Heinz Robert Schlette, Bouvier Verlag / Herbert Grundmann, Bonn, 1985.

R. M. Lonsbach est le pseudonyme de R. M. Cahen, avocat israëlite de Cologne, émigré en Suisse en 1937, revenu dans sa ville natale en 1948. Cahen/Lonsbach était un admirateur de Nietzsche et son petit li­vre, aujourd'hui réédité, est une réfutation radicale des thèses qui font de Nietzsche un antisémite rabique. Ecrit dans l'immédiat avant-guerre, en 1939, ce livre a enregistré un franc succès dans les mi­lieux de l'émi­gration allemande, ainsi qu'en Pologne, aux Pays-Bas et en Scandinavie. Il réfutait anti­cipativement toutes les théories de notre après-guerre qui ont démonisé Nietzsche. C'est en ce sens que cet ouvrage est un docu­ment indispensable. Malgré l'ambiance anti-nietzschéenne de l'Allemagne amé­ricanisée, Lonsbach/Cahen ne modifia pas sa position d'un iota et réaffirma ses thèses lors d'une émis­sion radiophonique en 1960. Le texte de cette émission est également reproduit dans ce volume édité par H. R. Schlette.

 

Henry L. Mencken, The Philosophy of Friedrich Nietzsche,  The Noontide Press, Torrance (California), 1982 (reprint of the first edition of 1908).

Journaliste brillant, fondateur de l'American Mercury,  auteur d'un livre vivant sur la langue anglo-amé­ri­cai­ne, Henry L. Mencken, dont l'ampleur de la culture générale était proverbiale, écrivit également un essai sur Nietzsche en 1908. Pour l'Américain Mencken, Nietzsche est un transgresseur, sa pensée constitue l'antidote par excel­len­ce au sentimentalisme démobilisateur qui exerçait ses ravages à la fin du XIXème siècle. Menc­ken admire l'in­­dividualisme de Nietzsche, son courage de rejetter les modes et les dogmes dominants. Cu­rieu­sement, Menc­ken croit repèrer un dualisme chez Nietzsche: celui qui opposerait un dyonisisme à un apol­linisme, où le dyonisisme serait vitalité brute et l'apollinisme, vitalité de «seconde main», une vitalité dressée par les con­venances. Les castes de maîtres seraient ainsi dyonisiennes, tandis que les castes d'esclaves seraient apol­li­niennes, parce qu'elles soumettent leur vitalité au diktat d'une morale. Cette interpétation est certes tota­lement erronée mais nous renseigne utilement sur la réception américaine de l'œuvre de Nietzsche. Dans le chef de Mencken, la pensée de Nietzsche devait compléter et amplifier celles de Darwin et Huxley, dans l'or­bi­te d'un univers intellectuel anglo-saxon dominé par l'antagonisme entre l'«individualisme» de l'auto-conser­va­tion et l'«hu­ma­nitarisme» du christianisme moral.

Mihailo Djuric und Josef Simon (Hrsg.), Kunst und Wissenschaft bei Nietzsche,  Königs­hausen + Neumann, Würzburg, 1986.

Ouvrage collectif sur l'esthétisme nietzschéen, ce volume contient un article centré sur l'histoire des idées de Des­cartes à Nietzsche, chez qui les concepts traditionnels d'«imagination» et d'«intuition» acquièrent pro­gres­­si­­ve­­ment une dimension entièrement nouvelle (Tilman Borsche: Intuition und Imagination. Der erkennt­nis­­theo­retische Perspektivenwechsel von Descartes zu Nietzsche).  Mihailo Djuric évoque longuement la fusion de la pensée et de la poésie dans le Zarathoustra (Denken und Dichten in "Zarathustra").  Diana Behler passe au crible la métaphysique de l'artiste ébauchée par Nietzsche (Nietzsches Versuch einer Artisten­meta­physik). Goran Gretic étudie, quant à lui, la problématique de la vie et de l'art, dans laquelle se repère le ren­versement pro­prement nietzschéen: la métaphysique se fonde dans l'homme; donc, le chemin de la pensée ne passe pas nécessairement par l'hom­me pour accéder à l'Etre mais va de l'homme à l'homme.

 

Josef Simon (Hrsg.), Nietzsche und die philosophische Tradition,  Band I u. II, Königs­hau­sen + Neumann, Würzburg, 1985.

Deux volumes comprenant dix études sur Nietzsche. Parmi celles-ci, un essai de Volker Gerhardt sur le «de­venir» dans la pensée de Nietzsche (Die Metaphysik des Werdens. Über ein traditionelles Element in Nietz­sches Lehre vom "Wille zur Macht");  une étude de Tilman Borsche sur le redécouverte des présocratiques chez Nietzsche (Nietzsches Erfindung der Vorsokratiker).  Le Japonais Kogaku Arifuku compare, lui, les fon­­­dements du bouddhisme, dont la vision du vide (sunyata),  avec la définition nietzschéenne du nihilisme (Der aktive Nihilismus Nietzsches und der buddhistische Gedanke von sunyata [Leerheit]).  Günter Abel ana­lyse la philosophie de Nietzsche au départ d'une réinvestigation de l'héritage nominaliste (Nominalismus und Interpretation. Die Überwindung der Metaphysik im Denken Nietzsches).  Abel définit le nominalisme comme une vision du monde qui perçoit celui-ci comme un monde d'individualités, où aucun «universel» n'a d'assise solide, où les principes doivent être manipulés avec parcimonie si l'on ne veut pas choir dans les «schémas» déréalisants, où les assertions doivent se référer à un «contexte» précis; ce monde-là, enfin, est fait, de finitudes concrètes, non d'infinitudes transcendantes. Josef Simon étudie, lui, le concept de liberté chez Nietzsche (Ein Geflecht praktischer Begriffe. Nietzsches Kritik am Freiheitsbegriff der philosophischen Tradition).

 

Mihailo Djuric u. Josef Simon (Hrsg.), Zur Aktualität Nietzsches, Band I u. II, Königs­hausen + Neumann, Würzburg, 1984.

Onze textes magistraux, consacrés au visionnaire de Sils-Maria. Dont celui de Günter Eifler sur les inter­pré­tations françaises contemporaines de l'œuvre de Nietzsche (Zur jüngeren französischen Nietzsche-Rezeption).  Mihailo Djuric se penche sur la question du nihilisme (Nihilismus als ewige Wiederkehr des Gleichen).  Bran­ko Despot démontre avec un extraordinaire brio comment le temps, la temporalité, suscite la «volonté de puissance». La vie, qui est «devenir», ne connait aucune espèce d'immobilité, mais le «déjà-advenu» impose des critères qui ne peuvent pas être ignorés, comme si le «déjà-advenu» n'avait jamais, un jour, fait irruption sur la trame du devenir et n'y avait pas laissé son empreinte. Dans la lutte «agonale», le sur­homme doit affronter les aléas nouveaux et les legs épars du passé, vestiges incontournables. Le temps est donc lui-même volonté de puissance, puisque l'homme (ou le surhomme) doit se soumettre à ses diktats et épouser ses caprices, se lover dans leurs méandres (B.D., Die Zeit als Wille zur Macht).  Tassos Bougas s'interroge sur le retour au monde préconisé par Nietzsche (Nietzsche und die Verweltlichung der Welt); son objectif, c'est de repérer les étapes de cette immanentisation et de dresser le bilan de la contribution nietz­schéenne à ce processus, à l'œuvre depuis l'aurore des temps modernes (T.B., Nietzsche und die Verwelt­lichung der Welt).  Friedrich Kaulbach et Volker Gerhardt se préoccupent de l'esthétisme nietzschéen et de sa «métaphysique de l'artiste» (F.K., Ästhetische und philosophische Erkenntnis beim frühen Nietzsche;  V.G., Artisten-Metaphysik. Zu Nietzsches frühem Programm einer ästhetischen Rechtfertigung der Welt).  

 

 

 

 

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lundi, 16 février 2009

Le théâtre futuriste

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

 

Le théâtre futuriste


Es gibt keinen Hund. Das futuristische Theater. 61 theatralische Synthesen von F.T. Marinetti und Cangiullo, Soggetti, Settimelli, Carli, Boccioni, Buzzi, Balla, Depero, Dessy, Rognoni, Vasari, Nanetti, Janelli, Folgore, Corra, Ginna, Chiti, Calderone, Govoni, Aschieri, Pratella, Fillia und 4 Manifeste, aus dem Italienischen übersetzt und herausgegeben von Brigitte LANDES, München, edition text + kritik, 1989, 223 S., DM 42, ISBN 3-88377-304-2.


Tenant compte du regain d'intérêt pour les futurismes, pour leur revendication d'une «fusion de l'art et de la vie», c'est-à-dire pour l'inclusion dans la sphère artis­tique de la technique, de la vitesse, des bruits de mo­teur, de la dynamique, une romaniste allemande, Bri­gitte Landes, a cru bon d'explorer le lieu par excel­lence des provocations futuristes, le théâtre. Ce théâtre de scènes courtes, de variété, qui finissait toujours en bagarres, avec l'arrivée de la police pour vider les lieux. La couleur, Marinetti l'avait déjà annoncée dès son manifeste du 11 janvier 1911: il faut mépriser le public des premières, ces bourgeois coincés qui arri­vent comme un troupeau pour exhiber leurs femelles coiffées de nouveaux chapeaux. Pour échapper à la banalité, les acteurs doivent être animés du désir de se faire siffler: injures, sifflets, tomates indiquent claire­ment que la pièce n'est pas du rabâchage (B. Landes, pp. 7 à 9). En 1913, Marinetti, dans un nouveau mani­feste, fait l'apologie du théâtre de Variété (cf. B. Landes, pp. 153 à 161) parce que la Variété est sans traditions ni dogmes, purement actuelle. Elle est anti-académique, primitive et naïve. Elle détruit la fausseté festive, le pseudo-sacré, le sérieux ampoulé et le su­blime de carton-pâte. Une nouvelle phase du théâtre futuriste commence en janvier 1915, par un nouveau manifeste co-signé par Marinetti, Corra et Settimelli: c'est le théâtre futuriste et synthétique. Ce manifeste commence par un constat: le théâtre est le mode d'expression culturelle le plus prisé des Italiens. Pour neuf Italiens qui vont au théâtre, un seul lit des bou­quins: il faut donc que le futurisme s'infiltre dans la société par le biais du théâtre. Ce théâtre subversif doit être synthétique, soit excessivement court. D'une du­rée de quelques minutes à peine. Ce que ne compren­nent pas les innovateurs de l'art dramatique de l'époque tels Ibsen, Maeterlinck, Andreïev, Claudel, Shaw. Ce théâtre, ensuite, doit être a-technique, c'est-à-dire rejeter les techniques traditionnelles qui ont conduit l'art dramatique dans la fange du pédantisme et de l'abêtissement. Ce théâtre doit être dynamique et simultané, naître de l'improvisation, de l'intuition qui jaillit comme l'éclair, de l'actualité riche en décou­vertes. Ce théâtre doit être autonome, a-logique et ir­réel, ne rien avoir de commun avec la photographie. En conclusion, ce manifeste de janvier 1915, demande qu'un lien s'établisse enfin entre les acteurs et les spectateurs, inaugurant ainsi les modes d'expression théâtrale contemporains.


En 1921, nouveau manifeste du théâtre futuriste de Rodolfo De Angelis avec la collaboration de Marinetti, Cangiullo, Corra, Carli, Settimelli, Prampolini, De­pero, Tato, Casavola, Mix, Bragaglia, Scrivo, Bella­nova. C'est le théâtre futuriste de la surprise, pré­voyant la farce provocatrice dans la salle: vente d'une même place à plusieurs personnes pour provoquer al­garades, injures, gifles et bagarres; badigeonnage de sièges avec de la glu pour ajouter à la pièce proprement dite le spectacle de la fureur d'un bourgeois; les mauvaises places coûtent cher, les bonnes places sont bradées pour presque rien. La provocation et l'in­ter­pellation des spectacteurs y atteignent leur comble.


Brigitte Landes complète ces quatre manifestes d'une anthologie de pièces futuristes.


Robert Steuckers.

 

mercredi, 15 octobre 2008

Racines de la géopolitique

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Racines de la géopolitique, géopolitique et fascisme, retour de la géopolitique

 

Analyse: Claude RAFFESTIN, Dario LOPRENO, Yvan PASTEUR, Géopolitique et histoire, Paris, Payot, 1995, 175 FF.

 

Au cours des années 70, le déclin intellectuel du marxisme et les affrontements internes du monde communiste se sont conjugués pour rendre nécessaire le recours à la géopolitique. A l'évidence, la seule prise en compte des facteurs socio-économiques et idéologiques ne suffisaient à comprendre et interpréter litiges nationalitaires et territoriaux. Les problématiques espace et puissance ne pouvaient plus être ignorées d'où 1e recours à une géographie comprise comme “science des princes et chefs militaires” (Strabon). Professeur de géographie humaine à l'université de Genève, Claude Raffestin ne l'entend pas ainsi. Avec l'aide de deux chercheurs en sciences sociales, il se fait fort de prouver que la géopolitique n'est pas une science ni même un savoir scientifique (1). “Production sociale marquée du sceau de l'historicité”, la géopolitique ne serait qu'une superstructure idéologique légitimant le nationalisme et l'impérialisme de l'Allemagne du XXième siècle commençant. Pour en arriver à cette affirmation abrupte, Claude Raffestin procéde à une démonstration en trois temps.

 

Dans une première partie (“Racines de la géopolitique”), il décrit et explique le rôle d'intermédiaire joué par Friedrich Ratzel (1844-1904) entre une géographie allemande marquée par les philosophies de Herder et Hegel —la géographie est l'élément de base de l'histoire des peuples, des nations, de Etats— et l'œuvre de Rudolf Kjellen (1864-1922), professeur et parlementaire suédois, créateur du néologisme de “géopolitique” en 1916. Héritier de Humboldt et Ritter, F. Ratzel est à l'origine d'une géographie humaine fortement structurée par une vision darwinienne du monde (vision organiciste de l'Etat, individu géographique; thème de la lutte de l'espèce-Etat pour 1'espace). S'il n'est pas indifférent aux problèmes de son temps, l'ensemble de son travail est tourné vers la connaissance de la Terre et des connexions entre les sociétés humaines et leur milieu de vie. Cette géographie, que l'on peut qualifier d'académique, n'est donc pas de la géopolitique. C'est avec Rudolf Kjellen que se développe une géographie active, applicable aux rapports de puissance du moment (cf. L'Etat comme forme de vie, publié en 1916 et traduit l'année suivante en Allemagne) alors même qu'en Grande-Bretagne Halford John Mackinder (1861-1947), en développant et affinant ses thèses exposée dans sa célèbre conférence de 1904, s'inscrit dans la postérité de l'Américain Alfred T. Mahan (1840-1914). La géopolique naît donc avec la premièr guerre mondiale.

 

La seconde partie, "Géopolitique et fascisme", est construite autour de la personne et l'œuvre de Karl Haushofer (1869-1946). C'est à ce général bavarois qu'il revient de continuer la lignée Ratzel-Kjellen en faisant de la géopolitique une science appliquée et opérationnelle. Après avoir tenté de démonter le travail de réhabilitation de Karl Haushofer, Raffestin montre le peu d'impact de ses efforts intellectuels sur le cours des choses (2). La “saisie du monde” qu'il assigne comme but à la géopolitique laisse place à la propagande. D'habiles constructions graphiques “mettent en carte” les ambitions expansionnistes du IIIième Reich et assurent l'endoctrinement des masses. La Zeitschrift für Geopolitik n'en inspire pas moins les géopolitiques franquiste et mussolinienne caractérisées par le décalage entre leur discours, global et impérial, et la réalité des Etats espagnol et italien.

 

La troisième partie, “Le retour de la géopolitique”, porte sur les recompositions de ce discours dans l'après-deuxième guerre mondiale. Une partie beaucoup trop courte pour emporter la conviction du lecteur. Le pragmatisme anglo-saxon, dont font preuve Nicholas J. Spykman (1893-1943) et de ses successeurs, —Robert Strausz-Hupé est le seul qui soit cité!— ne trouve pas grâce aux yeux de Raffestin. Il n'y voit qu'une resucée de la vieille et infâme Geopolitik. Idem pour les publications de l'Institut international de géopolitique, dirigé par Marie-France Garaud, pour les travaux de la revue Hérodote, emmenée par Yves Lacoste, ou encore ceux de sa consœur italienne Limes, dirigée par Michel Korinman et Lucio Caracciolo. A ce stade du livre, on ne prouve plus quoi que ce soit, on anathémise! Raffestin peut conclure: la géopolitique est le “masque” du nationalisme, de l'impérialisme, du racisme. Il en arrive même à renverser ces rapports de déterminant à déterminé puisqu'en visualisant divers litiges territoriaux, “la démarche de la géopolitique serait très proche de celle d'une prophétie autoréalisatrice” (p. 307-308).

 

Cet ouvrage a le mérite d'adresser de justes critiques à ce que l'on appellera le géopolitisme: regard olympien négligeant les échelles infra-continentales, affirmations péremptoires, proclamation de lois, volonté de constituer la géopolitique en un savoir global couronnant l'ensemble des connaissances humaines. Scientiste et déterministe, cette géopolitique est datée. Elle a déjà fait place à une géopolitique définie non plus comme science mais comme savoir scientifique (cf. note n°1), prenant en compte les multiples dimensions d'une situation donnée et les différents niveaux d'analyse spatiale attentive aux “géopolitiques d'en bas” (celles des acteurs infra-étatiques). Modeste, cette géopolitique post-moderne est celle d'une planète caractérisée par la densité des interactions (flux massifs et divers), par l'hétérogénéité des acteurs du système-Monde (le système interétatique est doublé et contourné par un système transnational: firmes, maffias diverses, églises, sectes groupes terroristes...), et l'ambivalence des rapports entre unités politiques (relations de conflit-coopération, disparition des ennemis et par voie de conséquence des amis désignés). Cette géopolitique est celle d'un système-Monde hyper-complexe, multirisques et chaotique (3). Mais ces renouvellements sont tout simplement ignorés par Raffestin. Parce que son objectif est le suivant: disqualifier à nouveau la géopolitique en pratiquant la reductio ad Hitlerum.

 

Louis SOREL.

 

(1) Selon le géopolitologue Yves Lacoste, directeur de la revue Hérodote, 1a géopolitique n'est pas une science ayant vocation à établir des lois mais un savoir scientifique qui combine des outils de connaissance produits par diverses sciences (sciences de matière, sciences du vivant, sciences humaines) en fonction de préoccupations stratégiques. Sur ces questions épistémologiques, cf. «Les géographes, l'action et le politique», Hérodote n° 33-34, 2°/3° trimestre 1984 (numéro double) ainsi que le Dictionnaire de géopolitique publié sous la direction d'Yves Lacoste chez Flammarion en 1993.

 

(2) Cf. la préface de Jean Klein à Karl Haushofer, De la géopolitique, Fayard, 1986. Lire également les pages consacrées par Michel Korinman à Karl Haushofer in Quand l'Allemagne pensait le monde, Fayard, 1990.

 

(3) Cf. Lucien Poirier, La crise des fondements, Economica/Institut de stratégie comparée, 1994.

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mardi, 24 juin 2008

Céline musicien

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Céline musicien

Chez Nizet est paru Céline musicien de Michael Donley. L'é­di­teur écrit: «La petite musique de Céline? Quelque chose qui va de soi, serait-on tenté de dire. De nos jours, aucun lecteur informé n'ignore la façon hautement poétique dont l'écrivain a su maîtriser les aspects sonores et rythmiques du français, surtout du français parlé. Pourtant, on a ten­dan­ce à oublier que Céline emploie le mot "musique" non seu­lement pour désigner le style de ses livres, mais aussi en se référant à ce qu'il essaie de capter: "la musique inté­rieu­re", "la musique de l'âme". De fait, la musique —cette "ca­ta­lyse de toute grâce", comme il l'a définie—  est la matrice de son œuvre entière. Mais qu'est-ce que la musique? En es­sa­yant de répondre à cette question, l'auteur démontre que la petite musique de Céline —loin d'un maniérisme synta­xi­que ou d'un bricolage cosmétique— n'est autre que la mise à jour du véritable contenu de ses livres» (JdB).

Michael DONLEY, Céline musicien, 2000, Librairie Nizet, F-37.510 Saint-Genouph, 338 pages, 190 FF.

 

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