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lundi, 16 février 2009

Le théâtre futuriste

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

 

Le théâtre futuriste


Es gibt keinen Hund. Das futuristische Theater. 61 theatralische Synthesen von F.T. Marinetti und Cangiullo, Soggetti, Settimelli, Carli, Boccioni, Buzzi, Balla, Depero, Dessy, Rognoni, Vasari, Nanetti, Janelli, Folgore, Corra, Ginna, Chiti, Calderone, Govoni, Aschieri, Pratella, Fillia und 4 Manifeste, aus dem Italienischen übersetzt und herausgegeben von Brigitte LANDES, München, edition text + kritik, 1989, 223 S., DM 42, ISBN 3-88377-304-2.


Tenant compte du regain d'intérêt pour les futurismes, pour leur revendication d'une «fusion de l'art et de la vie», c'est-à-dire pour l'inclusion dans la sphère artis­tique de la technique, de la vitesse, des bruits de mo­teur, de la dynamique, une romaniste allemande, Bri­gitte Landes, a cru bon d'explorer le lieu par excel­lence des provocations futuristes, le théâtre. Ce théâtre de scènes courtes, de variété, qui finissait toujours en bagarres, avec l'arrivée de la police pour vider les lieux. La couleur, Marinetti l'avait déjà annoncée dès son manifeste du 11 janvier 1911: il faut mépriser le public des premières, ces bourgeois coincés qui arri­vent comme un troupeau pour exhiber leurs femelles coiffées de nouveaux chapeaux. Pour échapper à la banalité, les acteurs doivent être animés du désir de se faire siffler: injures, sifflets, tomates indiquent claire­ment que la pièce n'est pas du rabâchage (B. Landes, pp. 7 à 9). En 1913, Marinetti, dans un nouveau mani­feste, fait l'apologie du théâtre de Variété (cf. B. Landes, pp. 153 à 161) parce que la Variété est sans traditions ni dogmes, purement actuelle. Elle est anti-académique, primitive et naïve. Elle détruit la fausseté festive, le pseudo-sacré, le sérieux ampoulé et le su­blime de carton-pâte. Une nouvelle phase du théâtre futuriste commence en janvier 1915, par un nouveau manifeste co-signé par Marinetti, Corra et Settimelli: c'est le théâtre futuriste et synthétique. Ce manifeste commence par un constat: le théâtre est le mode d'expression culturelle le plus prisé des Italiens. Pour neuf Italiens qui vont au théâtre, un seul lit des bou­quins: il faut donc que le futurisme s'infiltre dans la société par le biais du théâtre. Ce théâtre subversif doit être synthétique, soit excessivement court. D'une du­rée de quelques minutes à peine. Ce que ne compren­nent pas les innovateurs de l'art dramatique de l'époque tels Ibsen, Maeterlinck, Andreïev, Claudel, Shaw. Ce théâtre, ensuite, doit être a-technique, c'est-à-dire rejeter les techniques traditionnelles qui ont conduit l'art dramatique dans la fange du pédantisme et de l'abêtissement. Ce théâtre doit être dynamique et simultané, naître de l'improvisation, de l'intuition qui jaillit comme l'éclair, de l'actualité riche en décou­vertes. Ce théâtre doit être autonome, a-logique et ir­réel, ne rien avoir de commun avec la photographie. En conclusion, ce manifeste de janvier 1915, demande qu'un lien s'établisse enfin entre les acteurs et les spectateurs, inaugurant ainsi les modes d'expression théâtrale contemporains.


En 1921, nouveau manifeste du théâtre futuriste de Rodolfo De Angelis avec la collaboration de Marinetti, Cangiullo, Corra, Carli, Settimelli, Prampolini, De­pero, Tato, Casavola, Mix, Bragaglia, Scrivo, Bella­nova. C'est le théâtre futuriste de la surprise, pré­voyant la farce provocatrice dans la salle: vente d'une même place à plusieurs personnes pour provoquer al­garades, injures, gifles et bagarres; badigeonnage de sièges avec de la glu pour ajouter à la pièce proprement dite le spectacle de la fureur d'un bourgeois; les mauvaises places coûtent cher, les bonnes places sont bradées pour presque rien. La provocation et l'in­ter­pellation des spectacteurs y atteignent leur comble.


Brigitte Landes complète ces quatre manifestes d'une anthologie de pièces futuristes.


Robert Steuckers.

 

mercredi, 15 octobre 2008

Racines de la géopolitique

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Racines de la géopolitique, géopolitique et fascisme, retour de la géopolitique

 

Analyse: Claude RAFFESTIN, Dario LOPRENO, Yvan PASTEUR, Géopolitique et histoire, Paris, Payot, 1995, 175 FF.

 

Au cours des années 70, le déclin intellectuel du marxisme et les affrontements internes du monde communiste se sont conjugués pour rendre nécessaire le recours à la géopolitique. A l'évidence, la seule prise en compte des facteurs socio-économiques et idéologiques ne suffisaient à comprendre et interpréter litiges nationalitaires et territoriaux. Les problématiques espace et puissance ne pouvaient plus être ignorées d'où 1e recours à une géographie comprise comme “science des princes et chefs militaires” (Strabon). Professeur de géographie humaine à l'université de Genève, Claude Raffestin ne l'entend pas ainsi. Avec l'aide de deux chercheurs en sciences sociales, il se fait fort de prouver que la géopolitique n'est pas une science ni même un savoir scientifique (1). “Production sociale marquée du sceau de l'historicité”, la géopolitique ne serait qu'une superstructure idéologique légitimant le nationalisme et l'impérialisme de l'Allemagne du XXième siècle commençant. Pour en arriver à cette affirmation abrupte, Claude Raffestin procéde à une démonstration en trois temps.

 

Dans une première partie (“Racines de la géopolitique”), il décrit et explique le rôle d'intermédiaire joué par Friedrich Ratzel (1844-1904) entre une géographie allemande marquée par les philosophies de Herder et Hegel —la géographie est l'élément de base de l'histoire des peuples, des nations, de Etats— et l'œuvre de Rudolf Kjellen (1864-1922), professeur et parlementaire suédois, créateur du néologisme de “géopolitique” en 1916. Héritier de Humboldt et Ritter, F. Ratzel est à l'origine d'une géographie humaine fortement structurée par une vision darwinienne du monde (vision organiciste de l'Etat, individu géographique; thème de la lutte de l'espèce-Etat pour 1'espace). S'il n'est pas indifférent aux problèmes de son temps, l'ensemble de son travail est tourné vers la connaissance de la Terre et des connexions entre les sociétés humaines et leur milieu de vie. Cette géographie, que l'on peut qualifier d'académique, n'est donc pas de la géopolitique. C'est avec Rudolf Kjellen que se développe une géographie active, applicable aux rapports de puissance du moment (cf. L'Etat comme forme de vie, publié en 1916 et traduit l'année suivante en Allemagne) alors même qu'en Grande-Bretagne Halford John Mackinder (1861-1947), en développant et affinant ses thèses exposée dans sa célèbre conférence de 1904, s'inscrit dans la postérité de l'Américain Alfred T. Mahan (1840-1914). La géopolique naît donc avec la premièr guerre mondiale.

 

La seconde partie, "Géopolitique et fascisme", est construite autour de la personne et l'œuvre de Karl Haushofer (1869-1946). C'est à ce général bavarois qu'il revient de continuer la lignée Ratzel-Kjellen en faisant de la géopolitique une science appliquée et opérationnelle. Après avoir tenté de démonter le travail de réhabilitation de Karl Haushofer, Raffestin montre le peu d'impact de ses efforts intellectuels sur le cours des choses (2). La “saisie du monde” qu'il assigne comme but à la géopolitique laisse place à la propagande. D'habiles constructions graphiques “mettent en carte” les ambitions expansionnistes du IIIième Reich et assurent l'endoctrinement des masses. La Zeitschrift für Geopolitik n'en inspire pas moins les géopolitiques franquiste et mussolinienne caractérisées par le décalage entre leur discours, global et impérial, et la réalité des Etats espagnol et italien.

 

La troisième partie, “Le retour de la géopolitique”, porte sur les recompositions de ce discours dans l'après-deuxième guerre mondiale. Une partie beaucoup trop courte pour emporter la conviction du lecteur. Le pragmatisme anglo-saxon, dont font preuve Nicholas J. Spykman (1893-1943) et de ses successeurs, —Robert Strausz-Hupé est le seul qui soit cité!— ne trouve pas grâce aux yeux de Raffestin. Il n'y voit qu'une resucée de la vieille et infâme Geopolitik. Idem pour les publications de l'Institut international de géopolitique, dirigé par Marie-France Garaud, pour les travaux de la revue Hérodote, emmenée par Yves Lacoste, ou encore ceux de sa consœur italienne Limes, dirigée par Michel Korinman et Lucio Caracciolo. A ce stade du livre, on ne prouve plus quoi que ce soit, on anathémise! Raffestin peut conclure: la géopolitique est le “masque” du nationalisme, de l'impérialisme, du racisme. Il en arrive même à renverser ces rapports de déterminant à déterminé puisqu'en visualisant divers litiges territoriaux, “la démarche de la géopolitique serait très proche de celle d'une prophétie autoréalisatrice” (p. 307-308).

 

Cet ouvrage a le mérite d'adresser de justes critiques à ce que l'on appellera le géopolitisme: regard olympien négligeant les échelles infra-continentales, affirmations péremptoires, proclamation de lois, volonté de constituer la géopolitique en un savoir global couronnant l'ensemble des connaissances humaines. Scientiste et déterministe, cette géopolitique est datée. Elle a déjà fait place à une géopolitique définie non plus comme science mais comme savoir scientifique (cf. note n°1), prenant en compte les multiples dimensions d'une situation donnée et les différents niveaux d'analyse spatiale attentive aux “géopolitiques d'en bas” (celles des acteurs infra-étatiques). Modeste, cette géopolitique post-moderne est celle d'une planète caractérisée par la densité des interactions (flux massifs et divers), par l'hétérogénéité des acteurs du système-Monde (le système interétatique est doublé et contourné par un système transnational: firmes, maffias diverses, églises, sectes groupes terroristes...), et l'ambivalence des rapports entre unités politiques (relations de conflit-coopération, disparition des ennemis et par voie de conséquence des amis désignés). Cette géopolitique est celle d'un système-Monde hyper-complexe, multirisques et chaotique (3). Mais ces renouvellements sont tout simplement ignorés par Raffestin. Parce que son objectif est le suivant: disqualifier à nouveau la géopolitique en pratiquant la reductio ad Hitlerum.

 

Louis SOREL.

 

(1) Selon le géopolitologue Yves Lacoste, directeur de la revue Hérodote, 1a géopolitique n'est pas une science ayant vocation à établir des lois mais un savoir scientifique qui combine des outils de connaissance produits par diverses sciences (sciences de matière, sciences du vivant, sciences humaines) en fonction de préoccupations stratégiques. Sur ces questions épistémologiques, cf. «Les géographes, l'action et le politique», Hérodote n° 33-34, 2°/3° trimestre 1984 (numéro double) ainsi que le Dictionnaire de géopolitique publié sous la direction d'Yves Lacoste chez Flammarion en 1993.

 

(2) Cf. la préface de Jean Klein à Karl Haushofer, De la géopolitique, Fayard, 1986. Lire également les pages consacrées par Michel Korinman à Karl Haushofer in Quand l'Allemagne pensait le monde, Fayard, 1990.

 

(3) Cf. Lucien Poirier, La crise des fondements, Economica/Institut de stratégie comparée, 1994.

00:20 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres, géopolitique, politique, théorie politique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 24 juin 2008

Céline musicien

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Céline musicien

Chez Nizet est paru Céline musicien de Michael Donley. L'é­di­teur écrit: «La petite musique de Céline? Quelque chose qui va de soi, serait-on tenté de dire. De nos jours, aucun lecteur informé n'ignore la façon hautement poétique dont l'écrivain a su maîtriser les aspects sonores et rythmiques du français, surtout du français parlé. Pourtant, on a ten­dan­ce à oublier que Céline emploie le mot "musique" non seu­lement pour désigner le style de ses livres, mais aussi en se référant à ce qu'il essaie de capter: "la musique inté­rieu­re", "la musique de l'âme". De fait, la musique —cette "ca­ta­lyse de toute grâce", comme il l'a définie—  est la matrice de son œuvre entière. Mais qu'est-ce que la musique? En es­sa­yant de répondre à cette question, l'auteur démontre que la petite musique de Céline —loin d'un maniérisme synta­xi­que ou d'un bricolage cosmétique— n'est autre que la mise à jour du véritable contenu de ses livres» (JdB).

Michael DONLEY, Céline musicien, 2000, Librairie Nizet, F-37.510 Saint-Genouph, 338 pages, 190 FF.

 

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