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dimanche, 21 janvier 2024

La pensée philosophique de Nietzsche et l'Allemagne des années 30

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La pensée philosophique de Nietzsche et l'Allemagne des années 30

La partie qui nous a semblé la plus intéressante dans l'essai publié par Controcorrente est la troisième, dans laquelle l'auteur aborde l'intérêt du philosophe pour le "quotidien", l'"humain".

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/112654-il-pensiero-filosofico-di-nietzsche-e-la-germania-negli-anni-trenta/?fbclid=IwAR1tphmP0aDtQTmzSpnadf8JfOb__6MxNEo4udrM1aucOueFO2zWL5qNaSU

Nietzsche est l'un des penseurs les plus lus de tous les temps. Différents facteurs ont contribué à cet engouement: le style poético-aphoristique qui caractérise son œuvre, son a-systématicité, le caractère radicalement dépassé de ses thèses, ainsi que l'exemplarité de leur apodicticité. Des aspects qui, de différentes manières, ont conduit à des lectures parfois divergentes de sa philosophie. Le moment le plus discuté et le plus problématique de la propositionphilosophique du penseur de Röcken se trouve dans ses rapports avec la politique. Matteo Martini, dans un volume récent publié par Controcorrente, Friedrich Nietzsche e il nazionalsocialismo e altre questioni nietzscheane (Friedrich Nietzsche et le national-socialisme et autres questions nietzschéennes), repropose la quaestio vexata des liens entre le penseur et le régime hitlérien (sur commande : controcorrente_na@alice.it, pp. 191, euro 18.00). Le volume comprend une préface de Francesco Ingravalle et une postface de Marina Simeone.

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L'analyse des textes est menée par l'auteur avec une méthode très différente de celle adoptée par Giorgio Colli. Le grand spécialiste de l'antiquité estimait que l'exégèse du philosophe ne pouvait être abordée par le biais de simples citations, car cela conduirait à la "falsification" d'une pensée qui, au contraire, était articulée, complexe, voire en spirale. En outre, Martini cite, par choix explicite, presque exclusivement des textes écrits par Nietzsche dans les dernières années de sa vie, en particulier dans La Volonté de puissance. Cette méthode l'incite à soutenir que "Nietzsche a préparé sans équivoque les fondements philosophico-éthico-culturels sur lesquels le national-socialisme [...] allait proliférer" (p. 30). Cette affirmation peut être vraie dans le même sens qu'il est tout aussi vrai d'affirmer que la révolution conservatrice a préparé l'humus existentiel et politique qui a permis à Hitler de s'établir dans la société allemande de l'époque. Le problème est que, pour l'auteur, le national-socialisme a réalisé la trahison des idéaux nietzschéens et révolutionnaires-conservateurs (de nombreux révolutionnaires conservateurs ont vécu en marge, reclus ou à l'étranger pendant le régime). On ne peut donc pas affirmer que le programme nazi d'extermination des "indésirables" et des "différents" découle directement des aphorismes décontextualisés de Nietzsche, dont Martini reconnaît d'ailleurs les traits humains aimables et courtois.

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Au contraire, il ressort à juste titre de ces pages que la référence aux valeurs aristocratiques chez le philosophe ne renvoie pas à des "exigences raciales" (p. 31), bien qu'une certaine ambiguïté de jugement caractérise certains fragments se référant aux juifs. Nietzsche "a tantôt des mots élogieux à leur égard, tantôt des mots méprisants, mais il ne fait jamais allusion à quoi que ce soit qui puisse ressembler à une exhortation à l'élimination systématique du peuple juif" (p. 33). Le penseur, note l'auteur, était totalement étranger aux idéaux du nationalisme allemand, ce qui avait notamment provoqué la rupture de ses relations avec Wagner. Pour le philosophe, la décadence grecque et européenne avait été préparée par la primauté donnée par Socrate au concept, qui avait contribué à occulter la conception tragique de la vie propre aux Hellènes archaïques. Avec le "socratisme", c'est la course au surmonde, au téléologisme, aux dualismes essence/existence, être/néant, qui trouvera son apogée dans la vision chrétienne. La "mort de Dieu" chez Nietzsche a le sens d'une constatation de fait d'une réalité historico-spirituelle en cours, qui concerne aussi bien son époque que la nôtre, ce qui ne coïncide pas, bien entendu, avec une position athée, comme semble le croire l'auteur. L'un des interprètes qu'il cite, Eugen Fink, était bien conscient que la construction du penseur était centrée sur un effort "théologique", certainement pas chrétien, ayant pour centre la récupération de la sacralité de la physis, lieu de l'origine printanière à laquelle tout revient.

Martini a certainement raison d'affirmer qu'Hitler n'a pas incarné l'idéal de l'"au-delà de l'homme", mais qu'il a tenté de reproposer, sans y parvenir et en la détournant tragiquement, une autre figure créée par Nietzsche, celle du "grand homme", du dominateur (princes de la Renaissance, Napoléon). Le "Surhomme" est celui qui accepte le tragique du monde et l'ennoblit par la création de nouvelles tables de valeurs.  De "nouvelles valeurs" centrées sur le mensonge "anagogique" et non sur le mensonge "catagogique" (le surmonde et Dieu) qui produit la décadence. Il est prophète d'un avenir à venir (non incarné par le nazisme, qui au contraire, comme le reconnaissait de Benoist, avec sa devise "Un chef, un peuple, un empire", laissait entrevoir sa propre vocation monothéiste, loin d'être païenne !): il se savait "dynamite" parce qu'il était conscient que son annonce d'époque allait bouleverser la vie du "dernier homme", certainement pas comme prophète des drames de la Seconde Guerre mondiale !

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La partie la plus intéressante du volume est la troisième, dans laquelle Martini aborde l'intérêt du philosophe pour le "quotidien", l'"humain". En fait, cet intérêt est lié au fait que Nietzsche, comme les Grecs, a en vue la vie nue. Son regard sur le corps, sur l'alimentation, sur le climat sont des preuves qu'il était conscient que tout ce qui est vivant est "animé", qu'il n'y a pas de dualisme âme/corps. Martini semble le sentir lorsqu'il écrit: "pour une raison qui n'est pas facile à expliquer [...] dans cette philosophie, pourtant caractérisée par un matérialisme débridé, il y a (...) quelque chose de spirituel, une sorte de "matérialisme raffiné"" (p. 120). Non, pas de "matérialisme", en Grèce le corps était sacré en tant qu'expression de la dynamis, la puissance du possible qui l'anime et qui anime pour Nietzsche tout ce qui est. C'est précisément dans la mesure où elle est possible que la dynamis n'a rien de providentiel, comme le voudrait l'auteur (la "confiance" dans la Volonté de puissance). Le philosophe de Röcken représente le dernier maillon de la dissolution de l'hégélianisme. Dans cette suite de penseurs, il y a beaucoup de noms qui ont contribué plus que Nietzsche à la définition de la culture politique nationale-socialiste. On peut tout au plus reprocher à Nietzsche de ne pas être parvenu à une récupération effective de la physis grecque. En témoignent les ambiguïtés de la doctrine de l'éternel retour de l'identique (également relevée à juste titre par Martini), pensée à travers la catégorie métaphysique par excellence, le principe d'identité. Cette limite a été saisie par Klages, qui l'a corrigée en parlant de l'éternel retour du semblable, en vigueur dans la nature et dans l'histoire.

Avec Klages, l'héritage nietzschéen et la volonté de puissance elle-même peuvent être lus et vécus au-delà de l'onto-théo-logie dont le penseur, selon Heidegger, était le dernier interprète. Si tel est le cas, la philosophie imaginaire de Nietzsche pourrait donner lieu à un nouveau départ de la civilisation européenne.

Giovanni Sessa

vendredi, 22 septembre 2023

Contre la morale socratique: réflexions nietzschéennes

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Contre la morale socratique: réflexions nietzschéennes

par Aurora (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2023/09/21/contro-la-morale-socratica-riflessioni-nicciane/

L'un des principaux problèmes de Socrate est que sa dialectique - la fameuse maïeutique - était axée sur la recherche d'erreurs dans les arguments des interlocuteurs, ce qui implique toutefois que Socrate avait raison et possédait donc un savoir absolu. En ce sens, elle se révèle être une activité destructrice, incapable de créer des connaissances réelles, sacrifiant ces dernières au profit d'une vérité parfaite mais abstraite. Une vérité qui, comme le souligne Nietzsche, n'existe pas.

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Une morale d'esclave

Au contraire, toujours selon le philosophe allemand, la création d'une métaphysique, d'un super-monde, c'est-à-dire d'une autre réalité pour expliquer ce qui se passe, est le mouvement typique d'une morale esclavagiste qui subvertit la morale aristocratique, en moralisant et en dépouillant les instincts sains des plus forts. C'est pourquoi Nietzsche est qualifié d'antidémocratique et, avec sa figure du surhomme, la tendance anti-égalitaire atteint son apogée. Le surhomme est celui qui traverse le nihilisme, défie les adversités de l'existence, regarde dans les yeux l'abîme et la mort de Dieu, dit "oui" à la vie, en se transformant en enfant, en berger qui mord le serpent noir qui l'étouffe. Il est, en somme, une figure capable de forger et de créer de nouveaux idéaux. Nietzsche prévoit ainsi une transvaluation de toutes les valeurs. Cela se reflète également dans une dimension moins existentielle, plus politique et plus mature de sa pensée, qu'il explore précisément dans son concept de Grande Politique. Sa critique du nationalisme allemand de la fin du 19ème siècle et du système de pouvoir bismarckien lui-même est bien connue, mais ce qu'il aurait préféré à leur place l'est moins. Il s'oppose à la domination du type grégaire qui prospère dans les démocraties et aux tendances niveleuses (y compris celles d'un certain nationalisme positiviste), à tel point qu'il qualifie le libéralisme de "ruée vers le troupeau". Contre ce glissement vers l'homologation, il conçoit l'individu dans son exceptionnalité, dans sa conflictualité, dans son agonisme, comme une communauté de législateurs capable d'opérer cette transvaluation dont nous parlions plus haut, c'est-à-dire "l'autodépassement de l'humain".

Les libéraux

Dans une toute autre perspective, Popper, dans sa critique radicale du déterminisme sociologique de Marx, y trouve les racines de ce type de durcissement de la vérité que nous avons trouvé chez Socrate: "Les collectivistes ont l'enthousiasme pour le progrès, la sympathie pour les pauvres, le sens brûlant de l'injustice, l'impulsion pour les grandes entreprises qui ont échoué dans le dernier libéralisme. Mais leur science repose sur un profond malentendu et leurs actions sont profondément destructrices. C'est ainsi que le cœur des hommes est déchiré, leur esprit divisé, et qu'on leur propose des choix impossibles". Il s'ensuit que le déterminisme causal propre au marxisme n'est qu'une conséquence extrême de la manière platonicienne, et donc socratique, de poser le problème de la politique. Si ce dernier demande "qui doit gouverner l'État", pour Popper les vraies questions sont "comment le pouvoir est exercé" et "combien de pouvoir est exercé". En d'autres termes, selon le philosophe austro-anglais, nous devrions nous rendre compte que tous les problèmes politiques sont des problèmes institutionnels, des problèmes de structure juridique, plutôt que des problèmes de personnes, et qu'en outre, le progrès vers une plus grande égalité ne peut être sauvegardé que par le contrôle institutionnel du pouvoir.

Une troisième voie

Partant de points de vue diamétralement opposés, Nietzsche et Popper mettent tous deux en garde contre la conception erronée d'un bien absolu, d'une théorie abstraite, d'un excès de moralisation, que l'on retrouve dans la pensée de Socrate et qui se propage dans l'histoire à travers les tendances égalitaires et progressistes, avec la circonstance aggravante que Nietzsche considère également que le libéralisme, dont Popper est le défenseur, est atteint de cette maladie: aujourd'hui, c'est l'Occident libéral et financier qui est la pointe extrême et l'avant-garde de cette morale absolutiste qui n'accepte aucune autre perspective et qui poursuit le projet égalitaire attribué à l'école marxiste. Des phénomènes culturels tels que la vogue woke - ou plus généralement la cancel culture -, le fanatisme féministe, mais aussi le populisme plus ou moins de droite, sont illustratifs à cet égard. Chaque parti (ou plutôt chaque "je") croit détenir la vérité absolue, donnant lieu à un cercle vicieux sans fin de fanatisme et de bavardage numérique sans débouchés, au point d'occulter - in fine - cette vérité authentique qui n'est pas une morale ou un dogme mais plutôt un style, une idée, un discours susceptible de mobiliser et d'appeler à l'action un mythe vers un destin commun et réel. Mais tout "nœud gordien" peut être brisé : avec le "glaive de la révolution" et un rire barbare.

20:33 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : socrate, maïeutique, philosophie, surhumanisme, nietzsche | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 24 juillet 2023

Nietzsche, Solon et la dialectique du commandement et de l'obéissance

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Nietzsche, Solon et la dialectique du commandement et de l'obéissance

Par Chad Crowley

Source: https://arktos.com/2023/07/14/nietzsche-solon-and-the-dialectic-of-command-and-obedience/

Chad Crowley explore l'interaction entre la philosophie de la maîtrise de soi de Nietzsche et l'accent mis par Solon sur la responsabilité communautaire, mettant en lumière la dynamique complexe de l'autorité, de l'obéissance et de la poursuite de l'excellence.

La dialectique de l'autorité, de l'obéissance et du commandement a captivé les philosophes pendant des siècles. Deux citations, l'une de Friedrich Nietzsche, "Celui qui ne peut s'obéir à lui-même sera commandé", et l'autre de Solon, législateur athénien du 6ème siècle avant J.-C., "Celui qui a appris à obéir saura commander", fournissent un cadre intrigant pour explorer cette dialectique. Malgré l'abîme temporel, ces philosophes s'engagent dans un dialogue qui éclaire notre compréhension de l'identité, de l'autorité et de la dynamique du pouvoir.

L'interaction profonde entre la philosophie de Nietzsche et la tradition intellectuelle grecque fournit un contexte riche pour interpréter ces déclarations. Nietzsche, d'abord philologue classique, vouait une profonde vénération à la philosophie et à la culture grecques. Il considérait les Grecs, notamment les philosophes présocratiques, comme les incarnations de la créativité, de la force et de la sagesse humaines.

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Nietzsche vouait une profonde admiration au concept grec d'arète, généralement traduit par excellence, qui signifie la réalisation de son plein potentiel. Cette quête de l'excellence résonne fortement avec la philosophie de Nietzsche, qui prône le dépassement et la création de soi, comme le montre son concept de l'Übermensch. L'Übermensch nietzschéen représente un homme qui conquiert ses propres limites, se maîtrise lui-même et affirme ainsi sa volonté sur le monde extérieur. Cette incarnation du triomphe personnel et de la réalisation de soi symbolise la réalisation ultime de l'arète.

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L'idéal aristocratique grec, qui valorise des vertus telles que le courage, l'honneur et les prouesses intellectuelles, trouve un écho chez Nietzsche. Cette noblesse d'esprit est liée au concept grec d'agon, la lutte concurrentielle qui pousse à l'excellence. La philosophie de Nietzsche, bien que profondément inspirée par la tradition grecque, dépasse la simple imitation, créant une réinterprétation nuancée imprégnée de ses idées sur la volonté, le pouvoir et la nature de l'être et du devenir.

L'affirmation de Nietzsche, "Celui qui ne peut s'obéir à lui-même sera commandé", résume sa philosophie de la volonté de puissance. Elle met en avant l'acte d'auto-obéissance comme une manifestation de force, une affirmation de soi qui équivaut à l'exercice d'un pouvoir. Pour Nietzsche, le moi qui commande et le moi qui obéit sont les facettes d'une même entité, incarnant une dynamique interne complexe de pouvoir. Cette dynamique de pouvoir est fondamentalement une question de maîtrise et de force: la capacité à se contrôler soi-même est une affirmation de sa force personnelle, un testament de son pouvoir individuel. À l'inverse, ne pas s'affirmer, ne pas s'obéir, c'est se soumettre à des ordres et à des valeurs extérieurs - un abandon du pouvoir personnel et un affront à la volonté de puissance inhérente à la vie, dans la perspective de Nietzsche.

Un autre concept nietzschéen essentiel à considérer est le pathos de la distance. Cette notion fait référence à la séparation émotionnelle que Nietzsche juge nécessaire entre le haut et le bas, le noble et le commun, une séparation née de valeurs et de réalisations supérieures. Fortement influencé par l'éthique de l'aristocratie grecque, Nietzsche considérait cette distance émotionnelle comme une composante intégrale du voyage vers le dépassement de soi et l'établissement de l'Übermensch. Cette séparation est également un élément essentiel de la dialectique commandement-obéissance : ceux qui se conquièrent eux-mêmes et résistent aux normes extérieures créent une distance émotionnelle qui non seulement les distingue du troupeau, mais leur confère également l'autorité de commander, ce qui éclaire davantage la dynamique complexe de la dialectique.

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En revanche, la citation de Solon, "Celui qui a appris à obéir saura commander", introduit une dimension communautaire dans la dialectique autorité-obéissance. Solon envisage la société comme une entité vivante et harmonieuse où l'homme doit adhérer à des traditions ancestrales établies afin de favoriser un monde équilibré. Apprendre à obéir n'est pas une capitulation de l'individualité, mais un acte de responsabilité sociale. De plus, par l'obéissance, on comprend la trame éthique du commandement et on devient capable de commander aux autres.

Malgré leurs différences, les perspectives de Nietzsche et de Solon ne s'excluent pas mutuellement, mais s'engagent dans une interaction dialectique. Elles reflètent différentes facettes de la condition humaine : l'accent mis sur le moi et la dynamique du pouvoir intérieur (Nietzsche) par rapport à la concentration sur la responsabilité sociale et l'harmonie communautaire (Solon). Les deux perspectives soulignent le rôle de l'obéissance dans la compréhension et l'exercice du commandement.

En bref, la philosophie de Nietzsche encourage un voyage vers la maîtrise de soi et la poursuite de l'idéal grec de l'arête, qui se manifeste dans l'Übermensch. La sagesse de Solon met l'accent sur la vertu sociétale de l'obéissance aux normes communautaires, essentielle pour un leadership efficace. Ces perspectives, malgré leurs disparités, créent une dialectique complexe entre l'autorité et l'obéissance, prônant un équilibre entre l'affirmation de soi et la responsabilité collective. Cet équilibre reflète une interprétation moderne du noble esprit grec incarné par l'Übermensch. Ainsi, le dialogue permanent entre Nietzsche et Solon, ancré dans la philosophie grecque, continue d'éclairer notre compréhension de l'identité, de l'autorité et de l'excellence.

En soutenant Arktos, vous défendez des points de vue alternatifs et contribuez à préserver le riche patrimoine ethnoculturel de l'Europe.

Qui est Chad Crowley? 

Chad Crowley est un homme polyvalent qui a travaillé à la fois dans le monde universitaire et dans celui des affaires. Il vit au Canada, adhère aux principes de la Nouvelle Droite et s'intéresse profondément à l'histoire, à la culture et aux arts.

jeudi, 15 juin 2023

Nietzsche et les Grecs : une compilation de l'Institut italien d'études philosophiques

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Nietzsche et les Grecs: une compilation de l'Institut italien d'études philosophiques

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/nietzsche-e-i-greci-una-silloge-dellistituto-italiano-per-gli-studi-filosofici-giovanni-sessa/

L'expérience spéculative et existentielle de Friedrich Nietzsche représente un tournant dans l'histoire de la pensée européenne, distinguant deux époques différentes de la philosophie : avant Nietzsche et après lui. Cette affirmation est confirmée dans l'ouvrage Nietzsche e i Greci. Tra mito e disincanto (Nietzsche et les Grecs. Entre mythe et désenchantement), actuellement dans les librairies d'Italie grâce aux presses de l'Istituto Italiano per gli Studi Filosofici-Scuola di Pitagora (pp. 175, euro 18.00), édité par Ludovica Boi. Le volume rassemble une série de contributions sur le thème "Nietzsche et les Grecs", élaborées au cours de deux journées d'étude qui se sont tenues les 21 et 22 octobre 2019 dans les locaux de l'Institut au Palazzo Serra di Cassano à Naples. Il s'agissait de réunions et de séminaires organisées dans le cadre du projet "Les Grecs au miroir des Modernes". Le livre se compose de deux parties, chacune contenant trois essais. La préface est signée par Francesco Fronterotta, tandis que l'introduction est signée par l'éditeur.

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L'idée centrale, qui traverse tous les essais, est l'existence d'une continuité philologique-philosophique substantielle dans le parcours du penseur de Röcken. Ludovica Boi note que "s'il est indéniable que Nietzsche n'a jamais fait l'éloge de la méthode historiciste [...], il est tout aussi vrai que l'habitus philologique s'est enraciné en lui dès ses jeunes années et ne l'a jamais abandonné" (p. 13). La philologie fut en effet l'instrument avec lequel le penseur de l'éternel retour donna de l'ordre à sa propre nature intuitive et géniale. Nietzsche l'a transformée en : "un savoir-faire d'orfèvre qui contrecarre l'accélération de la modernité tardive [...] avec ses lectures superficielles et hâtives" (p. 13). D'un point de vue général, la civilisation grecque s'est révélée être, pour le philosophe, un marqueur indispensable de sa propre recherche, un engagement intellectuel intensément vécu. Ces deux éléments doivent donc être dûment pris en compte par quiconque entreprend l'exégèse du parcours théorique de l'Allemand, qui ne peut être distingué en "phases" rigidement opposées, puisqu'il met en évidence des traits unitaires. Nietzsche, tout en voulant reproposer le modus vivendi hellénique, reste un moderne, où l'instance épistrophique se conjugue avec le désir de démythification. C'est autour de cette ambiguïté que les auteurs ont développé leur travail herméneutique.

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Gherardo Ugolini lit La naissance de la tragédie dans une perspective anti-aristotélicienne, en se concentrant notamment sur le décryptage de la "catharsis tragique". À ce sujet, les lectures de Lessing, Goethe et Bernays étaient pertinentes à l'époque. Le premier était porteur d'une exégèse "morale" de la catharsis, le second l'interprétait à la lumière de l'autonomie de l'esthétique, le troisième dans une clé "médico-pathologique". Nietzsche n'est pas convaincu de l'existence dans les représentations tragiques d'une libération "morale" et, reprenant le langage de Bernays, "ne croit pas du tout au potentiel thérapeutique inhérent à la tragédie" (p. 38). Il nie qu'il puisse y avoir une résolution "positive" de la condition tragique, la tragédie reproduisant l'extase dionysiaque. Dans la tragédie attique, le déchargement du dionysiaque, dont le chœur est témoin, dans le monde des images apolliniennes était évident. La seule catharsis possible était donc dans le dionysiaque : "compris comme la dissolution de l'identité et des catégories spatio-temporelles" (p. 43). Il est resté fidèle à cette conception jusqu'aux œuvres de sa maturité.

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Dionysos, tel que saisi par Ludovica Boi, est le fil rouge omniprésent chez Nietzsche. Dans ses premiers écrits, il fait allusion à l'"unité essentielle" (Ur-eine), qui peut être expérimentée par le dépassement du principuum individiationis dans l'expérience extatique. Il la conçoit, en vertu de l'influence schopenhauerienne, en termes transcendantaux. Par la suite, grâce à la leçon tirée du préplatonisme et en particulier d'Héraclite, il s'approche de la coïncidentia oppositorum. Dans les écrits ultérieurs, ce sera précisément la réflexion sur le pouvoir de Dionysos qui déterminera dans sa vision la "dissolution de l'opposition du devenir et de la mort": "dissolution de l'opposition du devenir et de l'être, du moment et de l'éternité, du "monde vrai" et du "monde apparent"" (p. 50). À ce stade, l'"unité essentielle" sera expérimentée en termes de pure immanence, au-delà de tout dualisme ontologique et métaphysique. En conclusion, "Nietzsche radicalise les hypothèses déjà présentes dans la Geburt, en affirmant [...] une divinisation du devenir" (p. 51). Plus précisément, Dionysos symbolise la totalité de l'être ; il enseigne à l'humanité que la mort est liée à la vie. Pour l'auteur, ce dépassement du dualisme représente l'héritage le plus significatif du philosophe, qui réapparaîtra au 20ème siècle dans l'idéalisme magique de Deleuze, Klossowski et Evola.

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Max Bergamo traite du "caractère mixte" de Platon. Pour l'exégèse, il utilise des sources inédites telles que les notes du brillant élève de Nietzsche, Jakob Wackernagel. Par "caractère mixte", Nietzsche entend se référer à Platon, le lisant comme un philosophe chez qui l'écho de la sagesse hellénique archaïque pythagorico-heraclitéenne-socratique peut encore être entendu, présent même dans son choix de dialogue, par rapport auquel, en même temps, la spéculation de l'Athénien marque une rupture claire avec l'introduction du dualisme onto-gnoséologique. Le caractère "non original" de Platon aurait été déduit par Nietzsche à la lecture d'un passage de Diogène Laertius. Valeria Castagnini évoque la vie de l'érudit dans sa jeunesse : "exposant le lien entre le choix de la profession académique [...] et le tempérament du jeune Nietzsche" (p.16). On comprend comment, de cette manière, l'universitaire a fait sien un élément qualificatif de l'enseignement de Nietzsche, à savoir le rapport incontournable entre la vie et la pensée, l'existence et la science.

Edmondo Lisena aborde le rapport du philosophe avec les Grecs autour de l'"admirable année" 1875. À cette époque, le penseur était fermement convaincu que seule une pensée "impure" était capable de réagir face à l'illogisme de la réalité, à la dimension chaotique de la vie. Enfin, Andrea Orsucci exerce son analyse des pages de Umano, troppo umano (Humain, trop humain), en tenant compte de la crise des fondements de la connaissance qui se manifeste à la fin du 19ème siècle. La généalogie de l'esprit libre naîtra d'une confrontation étroite avec les développements de la science.

Un recueil extrêmement intéressant qui entre dans le cœur vital de la philosophie de Nietzsche : la potestas dionysiaque.

Giovanni Sessa

lundi, 24 janvier 2022

Relecture de Karl Löwith entre sacré et nature (au-delà de l'anthropocentrisme)

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Relecture de Karl Löwith entre sacré et nature (au-delà de l'anthropocentrisme)

par Sandro Marano

Source : Barbadillo & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/rileggere-karl-lowith-sul-crinale-tra-sacro-e-natura-oltre-l-antropocentrismo

Giovanni Sessa, en commentant Il silenzio del cosmo : l'ecologia secondo il G.R.E.C.E. Italia (Le silence du cosmos : l'écologie selon le G.R.E.C.E. Italie) sur Barbadillo, suggère de reprendre la lecture approfondie des auteurs qui ont placé la physis [= nature vivante] au centre de leur réflexion, parmi lesquels une place de choix revient sans aucun doute à Karl Löwith (1897-1973), penseur allemand d'origine juive et élève de Martin Heidegger. Je me suis empressé d'accepter cette suggestion, en lisant et relisant (comme il faut le faire pour les livres importants) l'un de ses derniers essais Dieu, l'homme et le monde dans la métaphysique de Descartes à Nietzsche (éditions Donzelli, 1999) publié quelques années avant sa mort en 1967. 

41oRvaa7kPL._SX301_BO1,204,203,200_.jpgJ'avoue, en passant, qu'il y a de nombreuses années, j'avais lu avec profit Da Hegel a Nietzsche (1941) de Löwith, un essai dans lequel, entre autres choses, il soutenait de manière convaincante la centralité de la dimension cosmologique, et donc de l'éternel retour, dans la philosophie de Nietzsche. "La mort de Dieu", écrit Löwith, "ouvre, par le nihilisme, la voie à la redécouverte du monde". Cela m'a permis de me diriger plus facilement vers une possible interprétation écologique de Nietzsche, que j'ai proposée dans un petit essai, Lo stupore del mattino. Nietzsche ecologista (Schena, 1997), dont le titre évocateur m'a été suggéré par l'écrivain de Bari Giorgio Saponaro. 

Le naturalisme cosmologique de Löwith 

L'importance de cette œuvre de Löwith est due, comme le note l'éditeur et traducteur Orlando Franceschelli dans sa précieuse introduction, non seulement au fait qu'elle conclut la recherche philosophique du penseur allemand qui arrive, sur les traces de Nietzsche et de Spinoza, à une sorte de naturalisme cosmologique, mais aussi au fait que "sous la pression de la crise écologique et des défis bioéthiques", la redécouverte philosophique de la naturalité du monde peut contribuer "à la récupération d'un accord raisonnable entre l'homme et le monde". En effet, la philosophie de Löwith, en questionnant "non seulement l'anthropocentrisme de la tradition chrétienne, mais aussi les formes sécularisées sous lesquelles elle a diversement survécu", la "métaphysique de la subjectivité", peut, à notre avis, certainement être incluse parmi les philosophies de l'écologie. 

22803303z.jpgLa cible polémique de Karl Löwith est avant tout le subjectivisme moderne et en particulier les philosophies qui cherchent à comprendre le monde à partir de soi et non pas soi à partir du monde, qui se sont succédé de Descartes à Heidegger et Sartre - à l'exception de Spinoza et Nietzsche et, dans une moindre mesure, de Feuerbach. Löwith écrit : "le chemin de l'histoire de la philosophie mène de la cosmo-theologie grecque à l'émancipation de l'homme, en passant par l'anthropo-théologie chrétienne. La philosophie devient anthropologie dans la mesure où l'homme s'émancipe du cosmos divin des Grecs et du Dieu surnaturel de la Bible, et prend finalement sur lui la création du monde humain. Au terme d'une telle libération de tout ce qui pourrait constituer une contrainte, vient la tentative unique de Nietzsche de récupérer le monde pré-chrétien par le biais de la doctrine du Surhomme, qui surgit en même temps que le déclin de Dieu et enseigne l'éternel retour d'un monde qui se veut lui-même, auquel Nietzsche, en le qualifiant de dionysiaque, reconnaît un caractère divin. 

Le cul-de-sac de l'anthropocentrisme

Dans son texte, Löwith examine les principaux philosophes à partir de Descartes, en ayant pour boussole les notions métaphysiques de Dieu, de l'homme et du monde, ou plutôt la relation entre Dieu, l'homme et le monde. Sa thèse est que la "trinité métaphysique" originelle, après la "chute de Dieu", c'est-à-dire la perte de la foi dans le Dieu biblique, s'est progressivement réduite au simple rapport entre l'homme et le monde, jusqu'à faire de l'homme le centre et la mesure de toutes choses, finissant ainsi par nier le monde lui-même. 

La philosophie chrétienne est à l'origine de la découverte de l'intériorité : "Noli foras ire, redi in te ipsum" (Ne sors pas de toi-même, reviens à toi-même), disait Augustin. Mais la découverte de l'intériorité correspond aussi à une méfiance à l'égard du monde: "La tendance de l'Antiquité tardive au détachement du monde rencontre le renoncement au monde par le christianisme. L'Ancien et le Nouveau Testament n'ont pas d'yeux pour le cosmos. [...] Toute la théologie, de Paul et Augustin à Luther et Pascal, s'accorde à dire que ce n'est pas le monde en tant que tel qui est digne d'amour, mais exclusivement Dieu, qui est lui-même amour, et le prochain, qui doit être aimé en lui". 

Bien que le te ispsum soit interprété différemment par les philosophies modernes (du je pense de Descartes au je transcendantal de Kant, de l'être de Heidegger à la nausée de Sartre), la conséquence commune de cette vision est double: d'une part, "le monde n'est plus la réalité première et ultime, inconditionnellement autonome et embrassant tout"; d'autre part, "l'homme se retrouve sans place et perdu dans l'ensemble du monde, il devient une existence contingente et finalement absurde, jetée dans le monde on ne sait comment et d'où", ouvrant ainsi la voie au triomphe du nihilisme. 

31OHGQ-ne+L._SX331_BO1,204,203,200_.jpgLöwith tente de trouver une issue au nihilisme, au-delà du Dieu de la tradition biblique, qui selon lui n'est plus crédible aujourd'hui, et il se rattache à une ligne philosophique qui va de Spinoza à Nietzsche. Ce courant de pensée annonce un nouveau paradigme centré non pas sur la domination de la nature, mais sur la vie dans la nature. 

La philosophie de Niezsche comme un tournant

Nietzsche représente sans doute le tournant: "La tentative de Nietzsche de "renouer" avec le monde représente, en pleine modernité, une reprise de l'ancienne certitude du monde ". C'est-à-dire d'un monde qui se génère et se détruit éternellement. Cependant, chez le philosophe de l'éternel retour, la métaphysique de la volonté d'origine chrétienne continue d'opérer, se manifestant par la superposition d'une dimension anthropologique (la volonté de puissance) et d'une dimension cosmologique (l'éternel retour). 

L'approche de la philosophie de Spinoza

Löwith tente de dépasser la catégorie de la volonté et il rencontre ici Spinoza qui, avec sa natura naturans, est le penseur qui s'émancipe le plus de l'anthropocentrisme et semble aller encore plus loin que Nietzsche lui-même. Et ce n'est pas par hasard qu'il conclut sa reconstruction historico-philosophique par un chapitre sur Spinoza: en effet, "l'histoire de la philosophie ne constitue pas un progrès ininterrompu dans la conscience de la liberté, si ce qui compte est la connaissance vraie de la nature une et toujours égale de tout ce qui existe. La pensée qui est allée le plus loin dans la recherche de la vérité peut être une pensée historiquement placée dans le passé, mais pour cette raison même, elle peut encore avoir un avenir". Par ailleurs, Spinoza est le philosophe dont s'inspire également le philosophe norvégien Arne Naess, père de l'écologie profonde, pour son écosophie. 

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Une question ouverte

Löwith, séparant clairement la théologie, qui est la confiance dans la révélation de Dieu, de la philosophie comprise comme la recherche de la vérité et "la reconnaissance et l'acceptation de l'incertitude" (Orlando Franceschelli) - dans laquelle il se situe fermement - observe que nous nous sentons au-delà du Deus sive Natura de Spinoza lui-même, car "nous ne pouvons guère imaginer les raisons pour lesquelles la métaphysique a été, pendant si longtemps et si obstinément, une théologie métaphysique et a soutenu qu'elle devait penser en tout cas à Dieu et pas seulement à la totalité du monde, dont l'être sans Dieu est évident pour nous". 

À la question du jeune Nietzsche sur ce qu'est l'anneau universel : "Est-ce Dieu ? Est-ce le monde ?" - qui, dans Zarathoustra, sera plus tard dissoute dans l'exhortation "reste fidèle à la terre !" - Löwith réagit également en se rangeant du côté du monde naturel contre l'esprit de Dieu. Peut-on dès lors considérer Löwith comme "vainqueur de Dieu et du Néant", comme Nietzsche le dit de lui-même dans la Généalogie de la morale ?

Certes, "une semblable admission qu'un monde devenu sans Dieu constitue aujourd'hui l'évidence dont notre conscience se sent le plus proche, doit toujours savoir préserver, comme Löwith lui-même nous l'a enseigné, la critique sceptique de la recherche" (Orlando Franceschelli).

A notre humble avis, cependant, une question fondamentale reste ouverte : celle de la nature énigmatique de l'homme, mi nature et mi culture ; de l'homme qui, bien que pleinement inséré dans la naturalité du monde, a la possibilité de modifier, d'altérer et de violer l'ordre naturel des choses.

 

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vendredi, 22 octobre 2021

Le mysticisme de Nietzsche

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Le mysticisme de Nietzsche

Un classique du philosophe Gustave Thibon ("Nietzsche ou le déclin de l'esprit") sur le philosophe allemand a été republié chez Iduna.

par Giovanni Sessa

Ex: https://www.barbadillo.it/101348-la-mistica-di-nietzsche/

Gustave Thibon, Nietzsche ou le déclin de l'esprit

50733274._SX318_SY475_.jpgCertains livres, ceux qui éclairent des problèmes théoriques et des besoins existentiels déjà présents en nous, peuvent être lus d'une traite. Nous sortons, nous, d'une telle lecture, qui ne nous a pas peu fascinés. Nous faisons référence à un texte capital du philosophe français Gustave Thibon, Nietzsche ou le déclin de l'esprit, qui est paru dans le catalogue d'Iduna editrice (pour les commandes : associazione.iduna@gmail.com, pp. 299, €25.00). Le texte est accompagné d'une préface de Massimo Maraviglia, visant à contextualiser la figure de l'auteur dans le panorama culturel du vingtième siècle et à clarifier le rapport paradoxal qui liait ce dernier au penseur de l'Au-delà de l'homme. En premier lieu, il nous semble que le volume montre comment les choix intellectuels divergents des uns et des autres n'ont pas du tout pesé sur l'exégèse faite par le penseur français. Le catholique Thibon trouve chez le philosophe allemand un trait mystique, totalement négligé par les interprètes proches des perspectives nietzschéennes.

Naturellement, comme on le verra, nous faisons référence à une sorte de mysticisme négatif qui aurait agi comme un pôle d'attraction sur le théoricien de l'éternel retour. Pour entrer dans le cœur vital du nietzschéisme, Thibon présente le drame intime vécu par l'homme Nietzsche, dans la mesure où, à la manière fichtienne, il est conscient que derrière toute philosophie il y a un homme, avec ses propres idiosyncrasies, ses passions et un trait de caractère donné. En effet, il avoue explicitement "Nous pensons [...] que chez Nietzsche la doctrine est toujours déterminée par les passions et les réactions de l'homme" (p. 9). Et si Nietzsche n'avait pas soutenu que: "il n'y a pas de vérités, sauf les vérités individuelles"? (p. 9). En raison de l'accent mis sur l'homme, sur son esprit convulsivement tendu vers l'infini, le volume que nous présentons ici va au-delà de la "lettre" du penseur de Röcken, mais en retrace la substance. Cette méthode herméneutique est une conséquence des choix existentiels faits par Thibon. Fils de paysans, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il est contraint de prendre la place de son père parti au front et de travailler dans les champs.

Schermata-2021-10-20-alle-15.53.47-323x500.pngLa nature est devenue son premier professeur de sagesse. Il a observé et apprécié sa dimension cyclique, montrant à l'homme le chemin de l'éternité. De la vie rurale qu'il a menée dans son manoir ancestral de Saint-Marcel-d'Ardèche, à laquelle il s'est consacré définitivement après une période d'errance et de voyages, il a tiré l'idée que la limite est le caractère distinctif et insurmontable de la vie. L'étude et la lecture occupaient ses journées, ainsi que les travaux des champs. D'où l'épithète, qui l'a accompagné jusqu'à ses derniers jours, de paysan-philosophe. Ami du premier Maritain, il a accueilli en 1941 Simone Weil, de qui il a appris, comme le rappelle la préface, que: "L'homme désire toujours quelque chose au-delà de l'existence" (p. III). Autodidacte exceptionnel, il est profondément influencé par l'enseignement de Léon Bloy, qui fait de lui un "chrétien extrême": "Je suis un extrémiste à cause de mon attirance pour la théologie négative, la mystique de la nuit, le "Dieu sans base ni appui" qui était celui de saint Jean de la Croix et qui est le mien aujourd'hui" (p. II). Cette tendance spirituelle le met également en contact avec Gabriel Marcel: ce dernier avait compris le caractère énigmatique de l'existence, car il était conscient de "la différence fondamentale entre la pensée scientifique objectivante [...] et une ontologie consciente qui voit (dans la vie) essentiellement le mystère " (p. III).

La critique de la modernité par Thibon s'appuie sur un constat qui, à ses yeux, semblait aller de soi. A l'époque actuelle, "le ciel est fermé et l'égout est grand ouvert" (p. III). La société contemporaine a un trait catagogique, dans la mesure où en elle la vie a été privée de son essence, de sa raison d'être. Thibon, tout comme Nietzsche, voulait redonner un sens au monde. Les deux ont suivi des chemins différents: le chemin chrétien pour le premier, le chemin du retour à Hellas pour le second. Pourtant, ils partageaient tous deux une donnée existentielle commune: le désir de dépasser la simple existence, sensible à l'appel de l'infini et de l'éternel.

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Le Français est, en effet, fasciné par la soif d'absolu qui se dégage des pages de l'Allemand. En eux, il semble percevoir un "pressentiment" du divin, qui disparaîtra bientôt chez Nietzsche, en raison de la montée orgueilleuse de l'ego. Pour Thibon, le "oui à la Terre" du penseur de l'Au-delà de l'homme finit par rencontrer le Néant, il ne s'ouvre pas à la Fondation: "Le monde du devenir, totalement imprégné de Néant, Nietzsche ne le veut plus comme un pont jeté vers la rive divine, mais comme le but fascinant de toute destinée" (p. 277).

En tout cas, pour Thibon, l'antichristianisme de Nietzsche est compensé par sa fascination pour Dieu. De manière appropriée, Maraviglia rappelle le jugement de Karl Löwith sur Nietzsche. Le disciple de Heidegger interprète la "volonté de puissance" comme la volonté d'avenir, la dernière manifestation de la théologie de l'histoire chrétienne, désormais définitivement immanentisée. Au contraire, la civilisation antique, notamment hellénique, avait en son centre la physis, la nature, avec ses cycles éternels, la montée et la chute des entités, d'où le primat de la volonté était totalement absent. La critique acerbe du moralisme, c'est-à-dire la pédagogie de l'anti-morale de Nietzsche, la tabula rasa des pseudo-valeurs du monde bourgeois, aurait pu induire chez le penseur allemand cette dénudation de l'ego, opérée par les mystiques chrétiens, en particulier par saint Jean de la Croix, auquel Thibon dédie la troisième partie du volume. Nietzsche et Jean de la Croix "avaient l'âme de l'adorateur ardent" (p. 225), et s'efforçaient de chasser d'eux-mêmes toute impureté "humaine, trop humaine".

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De Nietzsche jaillit "un torrent furieux de négation" (p. 228) des faux idéaux de la modernité. Thibon relie la négation des nouvelles idoles à Dieu, à l'immuable. Le philosophe français attribue la catastrophe existentielle de l'Allemand au fait qu'il soit resté fidèle au devenir. En réalité, à notre avis, si l'on doit parler d'échec nietzschéen, il faut l'attribuer au résidu chrétien qui a fait de l'éternel retour une énième philosophie de l'histoire, incapable, pour cette raison, de rencontrer réellement la physis grecque. Ce n'est que face à cela que l'homme se dépense stoïquement, comme le répétait Löwith: "Il n'espère pas, il ne désespère pas", pour une vie persuadée.

L'option de la foi nous sépare de Thibon. Néanmoins, nous considérons que ce livre est d'une grande pertinence exégétique. Il saisit ce qui est "caché" chez Nietzsche et le transmet au lecteur d'une manière passionnée et engageante.

mardi, 18 mai 2021

La philosophie comme mode de vie

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La philosophie comme mode de vie

Natella Speranskaya

Ex: https://syg.ma/@natella-speranskaja/filosofiia-kak-obraz-zhizni

Il y a longtemps que la philosophie a cessé d'être un mode de vie, une manière d'être, pour se transformer en un champ de recherche, en une analyse détachée, en un "discours philosophique" ; elle ne pense plus au primordial, elle ne s'occupe plus de la transformation de la pensée, de la formation de l'esprit et de l'âme, de la transformation intérieure de l'homme. Le Grec ancien s'adonnait à la philosophie, qui était pour lui un choix existentiel, une forme de vie, une manière de penser, tandis que la lecture des œuvres d'Héraclite, de Phérécyde ou d'Empédocle conduit à un "exercice spirituel" (Pierre Hadot), une pratique personnelle volontaire.

Les écrits philosophiques des penseurs de l'époque hellénistique et romaine ne visaient pas à informer, mais à façonner et à transformer la pensée des lecteurs. Pythagore, Platon et Aristote ne philosophaient pas devant leurs disciples pour leur fournir un maximum d'informations, ils s'occupaient exclusivement de former les esprits, ils révélaient à leurs auditeurs d'autres niveaux ontologiques, d'autres modes d'être, en fait ils les poussaient vers une transformation intérieure comparable à celle vécue par les initiés des Mystères.

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Pierre Hadot

Comme le souligne à juste titre Pierre Hadot, les œuvres des premiers penseurs n'étaient pas l'exposition d'un quelconque système (l'idée de philosophie systématique n'apparaît pour la première fois que chez le scolastique médiéval Francisco Suarez); il s'agissait d'"exercices spirituels" visant à la transformation de la personnalité. La philosophie dans l'Antiquité était un mode d'existence qui exigeait de la part du philosophe une transformation intérieure et une implication personnelle à chaque instant de sa vie. Les exercices spirituels impliquaient l'ensemble de l'esprit. Néanmoins, les historiens modernes de la philosophie continuent à aborder la philosophie de l'Antiquité avec les normes du Moyen Âge et du Nouvel Âge, c'est-à-dire qu'ils persistent à la considérer comme une activité théorique et abstraite, mais en aucun cas comme une pratique. La philosophie n'était plus considérée comme un mode de vie. Hadot pensait que c'était une conséquence de l'absorption de la philosophia par le christianisme.

Dans la scolastique du Moyen Âge, la theologia et la philosophia étaient très éloignées l'une de l'autre et la philosophie était reléguée au rang de "servante de la théologie". Ce n'est qu'à la Renaissance que nous avons redécouvert Sénèque, Épictète et, plus tard, Marc-Aurèle, puis aussi Cicéron et l'épicurisme, et que nous avons réalisé que la philosophie pouvait être un mode de vie. Le fait que la philosophie ait cessé d'être un mode de vie avec la montée du christianisme est également écrit par André van der Braak. Il souligne que Nietzsche a cherché à faire revivre l'approche grecque de la philosophie en tant que mode de vie. On peut ajouter à cela que Michel Foucault et Ludwig Wittgenstein ont rejoint ces rangs.

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En ouvrant les œuvres des penseurs anciens, nous devrions une fois pour toutes abandonner l'habitude de leur appliquer le système de valeurs de la modernité. Hors du temps sont les idées, les universaux, mais pas leur compréhension à différentes époques! "Avant, je considérais les textes philosophiques - qu'il s'agisse de textes d'Aristote, de Saint Thomas ou de Bergson - comme s'ils étaient intemporels et que les mots avaient toujours la même signification, indépendante de l'époque. Je me suis rendu compte qu'il fallait prendre en compte l'évolution des pensées et des mentalités à travers les âges", lit-on dans Pierre Hadot. J'ai appris que nous devons tenir compte de l'évolution des pensées et des mentalités au fil des siècles", admet Pierre Hadot. Pour moi, c'est le point de départ. On ne peut pas prendre en compte de la même manière les textes de la philosophie ancienne et ceux de la philosophie moderne". Qu'il s'agisse des dialogues de Platon ou des manuels d'Aristote, des traités de Plotin ou des commentaires de Proclus, les œuvres des philosophes ne peuvent être interprétées sans tenir compte de la situation spécifique dans laquelle elles sont nées : elles sont issues d'une école de philosophie au sens le plus concret du terme, où le précepteur façonne les élèves, en essayant de les conduire à la transformation et à l'accomplissement de soi. Au fond, si toute composition est un monologue, une œuvre philosophique est toujours un dialogue sous une forme implicite; la figure de l'interlocuteur possible est toujours présente", conclut Pierre Hadot. Il conclut en considérant que les textes philosophiques de l'Antiquité étaient toujours destinés à un public restreint et avaient des destinataires bien précis, soit un groupe de disciples, soit un adepte spécifique à qui ils étaient écrits. Par exemple, selon Porphyre, Plotin a produit ses œuvres en réponse aux questions posées par ses auditeurs. L'enseignement de la philosophie au cours des trois siècles, c'est-à-dire de Socrate au premier siècle, était presque toujours présenté selon le schéma question-réponse. Le dialogue en tant que genre philosophique a presque disparu aujourd'hui, remplacé par des traités systématiques. Hadot lui-même est assez sceptique quant à la possibilité de faire revivre de nos jours le caractère dialogique de la philosophie antique. Il estime que cette forme d'enseignement n'est possible que dans des communautés telles que les écoles de l'Antiquité "organisées au nom de la convivialité de la philosophie".

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Pour comprendre ce que Pierre Hadot entend par "exercices spirituels", il faut savoir ce qu'il entend par "Esprit". Il appelle Esprit ce que Plotin appelait l'Intellect, le Nous, la Réalité suprême. Le Nous est ce qui se trouve entre l'Un et le multiple. Pierre Hadot : "Personnellement, je définirais l'exercice spirituel comme une pratique personnelle volontaire destinée à provoquer la transformation de l'individu, la transformation de soi. Avant de se fixer sur l'épithète "spirituel", il a passé en revue différentes options: exercices intellectuels, éthiques, mentaux, exercices de pensée, exercices d'âme, et finalement, dans son intention de parler de la tradition philosophique dans l'antiquité gréco-romaine, il s'est fixé sur les exercices spirituels. Puis il a longuement expliqué ce que ces exercices très spirituels ne sont pas (par exemple, ils ne sont pas synonymes de "théologique" ou de "religieux", car ces derniers n'en sont qu'une partie).

Si Pierre Hadot s'était arrêté à l'épithète "éthique", il aurait dû se lancer dans de longues explications. Comment avons-nous l'habitude d'interpréter le mot "éthique"?

L'éthique est communément considérée comme la doctrine de la moralité et de la vertu, mais prêtons attention au mot grec ancien ἦθος, ethos ("moralité", "disposition", "caractère") et surtout à la célèbre phrase d'Héraclite: ἦθος ἀνθρώπῳ δαίμων (que l'on peut traduire par: "l'ethos de l'homme est son daimon").

Daimon, c'est-à-dire le médiateur entre le monde divin et le monde humain (sans les connotations négatives apparues à l'époque post-antique). Le mot ἦθος a aussi le sens de "demeure". Et qu'est-ce que cette demeure sinon ce point intermédiaire où l'homme et la divinité se rencontrent/se confondent/et/ou se heurtent? Selon Aristote, le point médian est ce que la vertu choisit toujours. C'est sa demeure. "Entre" l'excès et la carence, l'humain et le divin, etc. En fait, lorsque l'immoraliste Nietzsche s'est attaqué à la morale moderne, il l'a fait au nom de la "vertu de style renaissanciste, virtu, une vertu libérée du moralisme". Mais si Hadot avait pris l'épithète "noétique" (pour se tourner vers le grec νόησις pour "penser", νόημα pour "pensée", νοῦς pour " esprit "), son exercice n'aurait pas eu à se distancier des mauvaises connotations associées au concept de "spirituel".

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Selon Hadot, la formation des esprits est le fondement des sciences humaines. La philosophie peut-elle être classée parmi les sciences humaines? Andrei Baumeister souligne que le terme "humanités" est apparu à la Renaissance, au XVe siècle, mais que la philosophie est bien plus ancienne. Peut-elle donc être une science des sciences humaines? Les humanités se concentrent sur l'être humain, sur une compréhension anthropocentrique du monde, alors que la philosophie peut émerger comme une manière de dépasser "l'humain, trop humain".

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Peter Kingsley

Le philosophe contemporain Peter Kingsley a réussi à faire revivre l'approche grecque de la philosophie en tant que mode de vie. Kingsley dit qu'il était EXIGÉ par Parménide, comme il était EXIGÉ par Empédocle. "En retournant dans le monde des présocratiques, en me plongeant dans les textes grecs anciens qu'ils nous ont laissés en héritage, j'ai immédiatement commencé à découvrir quelque chose de tout à fait différent. Ces soi-disant philosophes n'étaient pas des penseurs théoriques ou des escrocs, ils n'étaient pas du tout des rationalistes au sens moderne du terme. Beaucoup d'entre eux se présentaient comme des êtres spirituels extrêmement puissants. Les textes grecs avec lesquels j'ai rapidement été en contact - mal interprétés et mal traduits au cours des siècles - ont montré - lorsque les distorsions et les interprétations déplacées étaient mises de côté - qu'ils représentaient des enseignements spirituels exceptionnels et des techniques de méditation extrêmement puissantes qui pouvaient encore être appliqués et pratiqués aujourd'hui. Je les ai pratiqués moi-même et j'ai ressenti une transformation. Je suis entré en contact avec la lignée de succession et les enseignements des anciens maîtres qui, à l'aube de notre civilisation, ont contribué à façonner le monde occidental et à faire naître notre culture", déclare Peter Kingsley.

John Bussanich écrit: "Il [Kingsley] raconte une conversation qui s'est déroulée au département de philologie classique de l'université de Californie, à Los Angeles, après une conférence sur Parménide. Un représentant du ministère s'est plaint que Kingsley était trop dogmatique et que son interprétation n'était pas meilleure que celle des autres. Kingsley a répondu: "Mais vous et moi ne sommes pas les mêmes. Vous lisez Parménide de manière à pouvoir changer son sens à votre guise. Moi, par contre, j'ai lu Parménide de telle manière qu'il peut me changer’’.

Dans-les-antres-de-la-sagesse.jpgLa notion même de "philosophie" devrait acquérir un autre sens. Rappelez-vous les mots de Nietzsche : "Que les dieux aussi philosophent me semble une pensée digne et pieuse, qui peut donner de la joie même au croyant dévot" ? C'est ce qu'il a écrit dans les brouillons de son livre Dionysos. Expérience de la philosophie divine. On sait que Nietzsche se disait élève du philosophe Dionysos. Sans doute, qu'en philosophant on entre dans la sphère du divin. Et, se référant une fois de plus à Nietzsche, on ne peut s'empêcher de souligner que "tous les philosophes sont des gens qui ont fait l'expérience de quelque chose d'inhabituel". Bien plus tôt, à l'époque de la Renaissance, Pic de la Mirandole avait dit quelque chose de similaire: "Si l'on examine la signification et le sens secret des noms sacrés d'Apollon, on verra qu'ils témoignent que Dieu est un philosophe non moins qu'un devin".

Être philosophe, c'est être celui qui accomplit une action, car la pensée est une action. Si vous n'avez pas encore compris cela, vous n'avez pas encore commencé à penser. Débarrassez-vous de l'idée erronée selon laquelle le philosophe est un employé de bureau qui interagit avec le monde en regardant par la fenêtre et en se livrant à des études académiques sans fin. De même, il faut bannir l'autre notion selon laquelle le fatras sans signification que la plupart des gens produisent est une action.

La philosophie implique une intervention active dans un acte cosmogonique infiniment durable en transformant le monde extérieur, en l'influençant subtilement par l'identification des structures paradigmatiques qui sous-tendent l'univers; la philosophie est, si l'on veut, une tentative de transférer les "images archétypales" du mundus imaginalis dans le monde matériel, le monde des formes.

"Imprimer au devenir les signes de l'être" (comme disait Nietzsche), c'est philosopher, et donc agir.

Le philosophe n'est pas l’homme d’un métier, il est impossible de le devenir. Il s'agit d'une sorte d'assignation ontologique, que l'on réalise ou que l'on laisse s'effacer. Une vieille et belle légende parle de l'ange de la mort, dont les ailes sont constellées d'innombrables yeux. Lorsque l'Ange arrive trop tôt, il se contente de toucher un homme de son aile et, de peur qu'il n'oublie la rencontre, lui donne une paire d'yeux supplémentaire. Des yeux qui regardent la préexistence. La philosophie est donc ce "regard" sur la préexistence. Un philosophe reçoit sa deuxième paire d'yeux en même temps que la première, mais ces yeux ne s'ouvrent pas tout de suite. Ils ont parfois besoin d'un professeur, d'un livre, d'un choc soudain, d'une rencontre avec la mort, d'une expérience du numineux. Les mystères servaient cet objectif dans les temps anciens.

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Nietzsche, qui se sentait contemporain d'Héraclite plutôt que du XIXe siècle, savait que la vraie pensée (et donc, oser penser dangereusement) était une expérience de philosophe divin. La philosophie comme action, comme mode de vie. Dans le livre Nietzsche. Une biographie de sa pensée, Rüdiger Safranski écrit:

"Pour le jeune Nietzsche, la philosophie est une occupation qui envahit puissamment la vie. Elle n'est pas seulement un reflet de la vie, elle contribue aussi à son changement, elle est déjà ce changement elle-même. Penser, c'est agir. Cependant, cela ne fait pas référence à une quelconque pensée et pas à un quelconque penseur. Pour que les vérités soient non seulement trouvées, mais aussi incarnées, il faut ajouter le charisme particulier d'un penseur et le pouvoir vitalisant des idées. Une décennie plus tard, dans Humain, trop humain, Nietzsche qualifiera de tels philosophes, capables d'incarner des idées, de "tyrans de la pensée". Nous en voyons l'exemple le plus classique dans la Grèce antique. Parménide, Empédocle, Héraclite, Platon - tous voulaient "se mettre d'un seul coup au milieu de tout l'être".

lundi, 01 mars 2021

Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

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Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

Dr. Paul Kindlon

Ex : https://russia-insider.com/en/

Les historiens littéraires mentionnent fréquemment l'influence allemande sur la littérature russe du XIXe siècle. En effet, on peut affirmer que les premiers écrivains romantiques russes ont beaucoup emprunté à des écrivains allemands tels que Heine, ETA Hoffman, Novalis et Goethe. Cependant, peu de choses ont été écrites sur la manière dont les écrivains russes ont influencé la pensée et la conscience allemandes.

Le lien russo-allemand - d'un point de vue politique - remonte aux grandes rébellions paysannes et citadines de 1848-49. Richard Wagner - compositeur classique de grand talent et nationaliste allemand - a en fait combattu sur les barricades aux côtés de l'anarchiste russe Mikhaïl Bakounine lors du soulèvement de Dresde en 1849. Le jeune Wagner rêvait d'une nouvelle forme de société et d'une nouvelle forme d'art. Les radicaux russes étaient du même avis.

Mais les écrivains russes, en particulier Tolstoï et Turgueniev, ont eu des suites bien plus importantes. Les écrits de ces deux Russes ont eu une forte influence sur les intellectuels allemands. Le premier dans le domaine de la spiritualité et le second dans la sphère de la politique. Les romans de Turgueniev, les Mémoires d'un chasseur et Pères et fils, ont inspiré des milliers d'intellectuels allemands qui rêvaient de changement social et de progrès politique. Turgueniev s'est même installé à Baden-Baden. Mais pour l'écrivain russe Gontcharov, c'est l'Allemand qui doit servir de modèle à "l'homme du futur". Dans son roman Oblomov, un aristocrate russe paresseux et passif (un homme superflu qui n'aime rien de plus que le sommeil) est juxtaposé à un autre personnage vivant, actif et pratique ; qui est à moitié allemand, Stoltz. L'idée étant que les Russes doivent devenir des "hommes d'action" et ne pas gâcher leur vie dans un monde de rêve.

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Turgueniev.

Plus que quiconque, cependant, c'est l'écrivain russe Dostoïevski qui influencera le philosophe Nietzsche qui, par la suite, influencera la pensée allemande (et occidentale) pendant plus de cent ans.

Dostoïevski et Nietzsche

Qualifiant Dostoïevski de "maître psychologue", Nietzsche a lu avec grand intérêt les romans de l'écrivain russe. Il n'était pas seul. À la fin du XIXe siècle, l'Allemagne a connu une flambée de ce que l'on a appelé "l'effet Raskolnikov" : de jeunes hommes désillusionnés qui s'identifiaient au héros commettaient un meurtre (généralement un amant) puis tentaient de se suicider.

Raskolnikov est le protagoniste du roman très philosophique Crime et châtiment de Dostoïevski. Le héros est certain de sa supériorité et de sa grandeur et le prouvera en assassinant sans pitié. À sa grande surprise - alors que Nietzsche avait du mal à publier ses œuvres - il découvrit que le public russe le connaissait déjà et aimait ses écrits ! (Soit dit en passant, l'amour de sa vie, était une intellectuelle et féministe germano-russe du nom de Lou Andreas Salome).

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Nietzsche a été tellement marqué par les écrits de Dostoïevski que son dernier acte de santé mentale - ou peut-être son premier acte de folie - est venu directement d'une scène de Crime et Châtiment. Pendant son séjour à Turin, en Italie (1889), Nietzsche quitte son hôtel et voit une vieille jument - à peine capable de bouger - se faire fouetter par un chauffeur. Tout comme Raskolnikov rêvait de protéger une vieille jument battue en lui jetant les bras autour du cou, Nietzsche a couru vers le pauvre animal souffrant et a jeté les bras autour de la jument en pleurant hystériquement.

Le philosophe allemand qui s'insurgeait contre la "pitié" en tant que forme de morale esclavagiste, qu'il fallait surmonter, ne pouvait pas suivre son propre enseignement à ce stade. C'est un cruel tour de l'histoire que les pensées de Nietzsche aient été adoptées - et modifiées - par les nazis qui, avec une bravade wagnérienne, allaient envahir la patrie de Dostoïevski. Nietzsche - l'homme - aurait été consterné par cet acte sauvage des Raskolnikovs allemands.

jeudi, 27 août 2020

Zur Nietzsche-Rezeption Arthur Moeller van den Brucks

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Armin Thomas Müller:

Zur Nietzsche-Rezeption Arthur Moeller van den Brucks

 
Vortrag an der Universität Freiburg, Februar 2017
 

dimanche, 24 mai 2020

Nietzsche et l'Histoire, Nietzsche dans l'Histoire

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Nietzsche et l'Histoire, Nietzsche dans l'Histoire

"La Grande H.", Dorian Astor

 
fn-cons.jpgL'histoire est indispensable pour comprendre le présent : assurément... et voilà un lieu commun somme toute rassurant. Mais quelle(s) histoire(s), faite(s) par qui, et comment ? Y-a-t-il une manière neutre d'aborder le passé, ou plus recommandable que d'autres qui seraient trop orientées ou militantes ? Les historiens peuvent-ils s'ériger en arbitres des usages du passé – en particulier de ses usages ou instrumentalisations politiques ? Le savoir et l'érudition sont-ils en mesure de dire le dernier mot sur ce qui a eu lieu, et quelles seraient les conséquences de cette prétention ? La pensée d'un philosophe du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche (1844-1900), peut aider à poser ces problèmes très actuels. En 1874, dans sa deuxième "Considération inactuelle", intitulée "De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie", Nietzsche mettait en évidence les enjeux cruciaux de la "science historique" et de notre rapport au passé.
 
Pour en parler, "La grande H." a sollicité Dorian Astor, philosophe, germaniste et spécialiste de Nietzsche.
 
Motion design Jaques Muller, montage Bérénice Sevestre.
Une émission de Julien Théry.
 
** Pour en savoir plus
– D. Astor, Nietzsche, Biographies Gallimard, 2011
– D. Astor, Nietzsche. La détresse du présent, Folio, 2014
– D. Astor, Dictionnaire Nietzsche, Robert Laffont, 2017
– G. Colli, Après Nietzsche, trad. fr. L'éclat, 1987, rééd. 2000.
– G. Deleuze, Nietzsche, PUF, 1965, rééd. 1999
– G. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, PUF, 4e éd. 1974
– M. Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l'histoire », dans Hommage à Jean Hippolyte, PUF, 1971, p. 145-172, téléchargeable en ligne : https://www.unil.ch/files/live/sites/...
– M. Montinari, Friedrich Nietzsche, trad. fr. PUF, 2001.
– M. Perrot (dir.), L'impossible prison, Le Seuil, 1980
– Ainsi parlait Zarathoustra, livre 1 lu par Michael Lonsdale : https://youtu.be/MlvHSb_0IiE

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mardi, 24 mars 2020

Nietzsche : l’hypermoralisme du système face au Grand Remplacement

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Nietzsche : l’hypermoralisme

 

du système face au

 

Grand Remplacement

 
par Tomislav Sunic
 

À chacun son Nietzsche. Par cette phrase nous pouvons entamer un énième discours sur Nietzsche. Vu le nombre inouï d’ouvrages consacrés à  Nietzsche, il est de rigueur de poser la question : quel Nietzsche faut-il lire d’abord ? Faut-il lire en premier lieu Nietzsche lui-même ou faut-il d’abord lire les ouvrages que d’autres auteurs lui ont consacrés ? Et quel ouvrage et par quel autre auteur ? Le problème est d’autant plus grave qu’on ne trouve pas deux ouvrages parmi des dizaines de milliers sur Nietzsche qui s’accordent sur la même interprétation de ses idées. Certes, on pourrait formuler la même remarque quant à mon interprétation de Nietzsche. De plus, il se peut que ma compréhension, mon interprétation et mon choix des armes au regard de ses pensées soient différents de ceux de nombreux auteurs qui prétendent être ses meilleurs interprètes. Par conséquent,  on peut m’accuser d’utiliser des démarches explicatives qui ne seraient partagées ni par Nietzsche ni par ses innombrables interprètes.            


9782080707536.jpgCe qu’il faut mettre en évidence, c’est le lien fondamental établi par Nietzsche entre les valeurs chrétiennes et leurs avatars séculiers  qui servent aujourd’hui  de base légale et psychologique aux classes dirigeantes  en Occident pour faire entrer des masses non-européennes en Europe. En utilisant les valeurs moralisatrices, dont les origines lointaines remontent au christianisme primitif, le Système est en train de procéder à la destruction des peuples européens. 

Nietzsche fut non seulement un bon philosophe mais également un bon philologue qui connaissait  fort bien les subtilités du langage de son temps. Par conséquent et en premier lieu, il nous faut isoler quelques-uns des termes utilisés par lui et tenter de trouver  les équivalents conceptuels, en français et en anglais, utilisés dans le langage académique et médiatique d’aujourd’hui. Ce qu’il faut retenir chez Nietzsche, c’est sa dénonciation incessante de la fausse morale chrétienne propagée par ses contemporains et à la place de laquelle il propose des vertus combatives, c’est-à-dire la « virtù » antique  dépouillée  de la « vertu moraline » (moralinfreie Tugend1.

Dans notre langage à nous, Nietzsche nous enseigne comment  reconnaître, derrière des phrases moralisatrices  sur l’humanité, sur la paix et la tolérance, la nouvelle  forme de terrorisme intellectuel qui se dessine et qui force les gens à devenir la proie de sentiments de culpabilité politique : « Il y a aujourd’hui, presque partout en Europe, une sensibilité et une irritabilité maladives vis-à-vis de la douleur et aussi unetendance fâcheuse à se plaindre, une efféminisation qui voudrait se parer de religion et de fatras philosophique, pour se donner plus d’éclat » 2.  De surcroît, il faut ajouter à cette fausse morale décrite par Nietzsche  sa critique acerbe du providentialisme chrétien qui se manifeste aujourd’hui dans l’esprit grégaire de la démocratie moderne.  Les effets laïcisés de cette moraline chrétienne apparaissent aujourd’hui, en Europe et en Amérique, dans la mystique des droits de l’ homme, le mythe du multi culturalisme, le devoir de métissage, et dans la bien-pensance de l’enseignement supérieur. L’amour pour tous les ratés du monde, en l’occurrence pour les immigrés du Tiers monde à la recherche d’une vie plus facile en Europe,  est devenue une vraie manie dans des cercles politiques et médiatiques. Pierre Chassard, un bon connaisseur français de Nietzsche, résume les pensées du philosophe  par les phrases suivantes :  « Les damnés de la terre, pendus à la croix, sont seuls devins. Les ratés de la vie sont les élus du ciel.  Il sont les bons et les autres sont les méchants » 3. La liste serait plus longue si l’on y ajoutait les petits Blancs avec leur haine de soi, ainsi que le dogme de l’interchangeabilité des peuples et des races véhiculé par le Système et les grands médias. Ces composants dont Nietzsche fut le premier détracteur, sont  aujourd’hui la marque déposée du Système.

9782080710574-475x500-1.jpgCommençons d’abord par l’expression « le grand remplacement ». Cette expression, due à l’écrivain  Renaud Camus, est mal vue par le Système 4.  Or bien que le livre de cet auteur soit fort utile, son titre se prête aux malentendus. Au lieu de l’expression « le grand remplacement », on est tenté d’utiliser la formule plus exacte de « grande invasion ». De plus, le terme « invasion » nous renvoie à la notion du politique des siècles précédents lorsque son emploi s’accompagnait généralement d’un vrai conflit  armé – ce qui n’est pas le cas pour l’heure avec les flux de migrants extra-européens auxquels les médias occidentaux attribuent le titre sentimental de « réfugiés ». Le Système et ses scribes évitent le terme « invasion » ou « remplacement », leur préférant des expressions romantiques tels que « enrichissement culturel » ou « diversité » – termes qui furent d’ailleurs promus par la langue américaine dans les années 80 du siècle précèdent.  D’autre part, même si l’on se met d’accord  sur l’usage du terme « invasion » pour décrire la ruée des migrants afro-asiatiques vers l’Europe, le choix de ce mot nous conduit sur le plan de la polémologie, sujet que l’on peut aborder au passage.
Selon Nietzsche, la moralisation du politique engendre le chaos politique dans les démocraties parlementaires. Dans le cadre de ses analyses, il nous incombe de transposer la fausse morale décrite par lui dans le Système ou nous vivons. En effet, il suffit d’écouter le langage hyper moraliste de nos classes dirigeantes pour s’aviser que leur bric-à-brac politique – qu’ils baptisent « démocratie » et « vivre ensemble » – est une gigantesque imposture. On est chaque jour témoin de l’effusion du langage hyper moraliste dans les discours des dirigeants euro-américains : cela leur sert de paravent juridique pour leurs démarches humanitaristes au profit des immigrés non-européens, mais aussi de belle couverture pour leur répression de toute forme de pensée libre.

Dans l’Allemagne bismarckienne de la fin du XIXe siècle, Nietzsche ne connut pas de flux migratoire extra-européen. En revanche, il avait bien saisi la dynamique de la pensée hyper moraliste qui était en train de s’implanter en Occident dans les discours  de nombreux politiciens et intellectuels de son époque – soit sous une forme libérale, soit sous une forme cryptocommuniste. Cette démarche hyper moraliste, ayant pour but la création du meilleur des mondes ou la promotion des lendemains communistes qui chantent, devait fatalement aboutir, cent ans après sa mort, au monde multiculturel que nous connaissons et contre lequel Nietzsche nous avait mis en garde.

Il serait donc vain de s’en prendre aux migrants, dont la majorité est certes musulmane et extra-européenne, sans décrypter au préalable les idées moralisatrices, globalistes, altruistes et œcuméniques dont se pare l’Eglise depuis deux mille ans. Ce fut le grand mérite de Nietzsche d’avoir été le premier à saisir que tous nos concepts politiques actuels, tous les dérapages du système libéral auxquels nous faisons face aujourd’hui, proviennent du fanatisme chrétien et que  « le mouvement démocratique continue l’héritage du mouvement chrétien ». 5

Certes, dans le Système d’aujourd’hui, qui se veut d’ailleurs le meilleur du monde, toute critique de la démocratie parlementaire, du multi culturalisme et du métissage, entre dans le cadre pénal, de la démonologie et de ses sbires. D’une part, le Système se targue d’être tolérant, prétend donner sans restriction la parole même à ses détracteurs, et d’autre part, il réussit, tout en se cachant derrière les mots de tolérance, de diversité et d’humanisme, à exercer un contrôle total de sa population – phénomène jamais vu auparavant dans l’histoire de l’Occident.  Du point de vue du langage moderne, du point de vue de la notion  du politique, le Système a parfaitement réussi à renverser les traditionnelles valeurs européennes d’honneur et de sacrifice pour le bien commun. Dans le cadre actuel de la transposition de ces valeurs moralisatrices et œcuméniques, décriées par Nietzsche autrefois, il devient logique que les masses non-européennes qui entrent pêle-mêle en Europe se perçoivent comme de « pauvres réfugiés ». En effet, le vocable « réfugié » n’a pas été choisi par les migrants non-européens :  il leur a été accordé par la classe dirigeante et ses acolytes bien-pensants des grands médias.

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L’un de meilleurs connaisseurs de Nietzsche, l’Allemand Alfred  Baeumler, dans l’Allemagne de Weimar, a bien  saisi le dérapage nihiliste inhérent au langage de la démocratie  libérale et l’aberration politique qui en a découlé en Europe entre les deux guerres.

“Le nihilisme, à savoir le chaos, est la conséquence inévitable de la croyance en l’harmonie sans lutte, en un ordre sans contraste. Le véritable ordre naît des relations de pouvoir créées par la volonté de puissance.  Inhumain veut dire chaos. La règne de la tolérance et des idées morales, de la raison et de la compassion, bref “l’humanité” conduit à l’inhumanité”. 6

Le Moi et mon Double

En conséquence de cet hyper moralisme qui sévit  aujourd’hui  en Occident, on aperçoit chez nos gouvernants une tendance accrue au dédoublement de leur propre soi qu’ils projettent ensuite  sur les migrants extra-européens destinés à constituer dorénavant le nouveau phare de l’humanité.  Ce déni de soi est surtout visible en Allemagne, pays qui fut, à partir de 1945, obligé de se rechercher une nouvelle identité.

51g+SxMLW9L._SX359_BO1,204,203,200_.jpgA titre d’exemple de ce mental allemand du « dopplengaegertum », on peut citer  plusieurs auteurs de contes fantastiques du début du XIXe  siècle qui, par détour, reflètent parfaitement l’esprit fracturé de l’Allemagne d’aujourd’hui.  Citons ainsi l’écrivain de contes horrifiques  E. T. A. Hoffmann et sa nouvelle L’homme au sable 7.  Le personnage principal de ce conte tombe amoureux de l’image d’un automate qui ressemble étrangement à une belle femme conçue au préalable dans ses rêves d’antan. Au tout dernier moment, cette femme-automate imaginaire pousse le malheureux au suicide. Aujourd’hui, nous assistons à une semblable fixation mécanique et suicidaire  par des gouvernants européens épris de projets quasi autistiques et tiers-mondistes, à savoir à leur jouissance de la démolition délibérée de leur propre identité et son remplacement par le simulacre de l’identité afro-asiatique. Or cette fois-ci, les gouvernants européens, faute d’être physiquement remplacés par de réels migrants afro-asiatiques, sont en train de se remplacer eux-mêmes par l’imaginaire sur réel emprunté aux migrants afro-asiatiques.
On peut en fournir un exemple avec les pèlerinages pénitentiels des politiciens européens sur les lieux saints de la haute politique mondiale, à savoir Washington, Bruxelles et Tel Aviv. Les Allemands doivent faire un chemin de croix supplémentaire en rendant une visite de pénitence à Israël pour y faire un mea culpaidentitaire. Lorsque la chancelière Merkel s’est rendue en Israël il y a deux ans, elle y déclara: « Être conscient de cette responsabilité( les crimes nazis contre les Juifs, N.A) est une part de notre identité nationale » 8. Sans son Double, c’est-à-dire sans l’acceptation de l’Autre qui fut autrefois nié ou colonisé, le Système et ses bien-pensants ne pourraient pas survivre.
Dans cette même veine, les politiciens et les intellectuels européens se voient obligés de renchérir sur leurs dédoublements  moralisateurs à l’encontre des migrants extra-européens et cela dans le but d’écarter tout soupçon de regain du fascisme ou de crypto-nostalgie coloniale.  On pourrait parler longtemps de ces nouveaux dédoublements chez les politiciens européens qui surenchérissent dans la haine de soi, l’autocensure et l’hypertrophie de la fausse morale envers les inconnus exotiques. Nietzsche a bien décrit cette pensée castratrice,  qui est devenue aujourd’hui l’idée directrice du Système libéral.
Veut-on dire par là qu’un tel système de traitement a rendu l’homme meilleur, je n’y contredirai pas : mais j’ajouterai que, pour moi, rendre « meilleur » signifie « domestiquer », « affaiblir », « décourager », « raffiner », « amollir », « efféminer » (rendre meilleur serait donc presque synonyme de dégrader…) 9.

La recherche du double politique dont nous sommes témoins a atteint aujourd’hui en Europe une limite pathologique : les politiciens de l’EU n’ont de cesse d’amplifier leur bienveillance envers les migrants afro-asiatiques afin de mieux se débarrasser de leur péché historique antisémite, colonialiste et raciste. Dans la majorité des cas, un tel comportement mimétique est le résultat de la rééducation alliée de l’Europe depuis 1945, dont le but était de créer une nouvelle espèce humaine.

Dans ce court essai sur Nietzsche il ne nous faut pas oublier le nom de l’anthropologue allemand Arnold Gehlen, peut être le meilleur connaisseur de Nietzsche, dont l’analyse sur la  moraline du Système porte le nom « d’hyper morale » .

L’hypertrophie morale survient quand on accepte tout simplement chaque être humain dans sa simple humanité et qu’on lui octroie dans cette qualité d’existencele rang le plus élevé 10

Cette hypertrophie morale, ou moraline post-nietzschéenne, est utilisée  par nos gouvernants et leurs services de  « fake news » pour imposer une culpabilité éternelle aux Blancs et leur faire oublier ainsi leur identité culturelle et raciale.

5e02c258250000ca84d311e5.jpegNi l’Eglise catholique ni les papistes du monde entier ne sont à la traîne. Le dernier en date est le pape François avec ses prêches sur les droits des immigrés ou ses homélies affirmant que « les migrants sont le symbole de tous les exclus de la société globalisée » 11. À l’écoute de ses paroles urbi et orbi, cela vaut la peine d’examiner le psychisme des migrants afro-asiatiques. Malgré leur modeste quotient intellectuel, ils ne sont pas bêtes. Ils savent qu’ils ont de puissants alliés, non seulement dans les cercles antifas  mais également au sein du haut clergé catholique, aux Etats-Unis et en Europe.
On peut assurément fustiger George Soros et une foule d’ONG pour avoir facilité l’inondation de l’Occident par des migrants africains et asiatiques. Pourtant, le fait demeure que les migrants afro-asiatiques suivent d’abord et avant tout les appels de bienvenue unilatéraux des politiciens européens dont les propos sont approuvés  par le pape et le haut clergé catholique. Ces derniers sont toujours prompts à se mobiliser pour l’établissement de quartiers et de villes sanctuaires, ce qui a pour effet de redoubler leurs arrivées 12.  En effet, l’Eglise fonctionne aujourd’hui comme une sorte de contre-pouvoir vis-à-vis du pouvoir légal en place, lequel est de toute façon déjà très laxiste par rapport à l’arrivée des migrants.

Au-delà des phrases moralisatrices sur les bienfaits du multi culturalisme et du métissage propagées par le Système et l’Eglise auprès des peuples blancs, les lois impitoyables de la biologie et de l’hérédité ne peuvent être ignorées. Dans les années à venir, les pays de l’Union européenne seront exposés à des conflits multireligieux et multiraciaux parmi les nouveaux migrants non-européens, conflits de grande ampleur et de longue durée. Avec leur déni de soi, les pays européens, Allemagne en tête, auront du mal à faire face non seulement au grand remplacement des peuples, mais également aux conflits sauvages au sein même des divers groupes de migrants non-européens. Contrairement aux opinions erronées  énoncées par les dirigeants de l’UE et leurs mauvais disciples universitaires, l’intolérance raciale et la xénophobie en Europe ne sont  aucunement le privilège des nationalistes blancs. La fierté raciale et l’exclusivisme racial ne sont en aucun cas le monopole des Européens de souche. Les petites guerres larvées entre ressortissants d’origine asiatique et ressortissants de provenance subsaharienne ont un bel avenir.  Pire, de concert avec divers groupes moralisateurs et antifascistes, les gouvernants du Système auront du mal à faire admettre aux migrants les mêmes oukases, les mêmes normes juridiques, les mêmes tests scolaires et les mêmes concepts politiques qu’aux Occidentaux. Imposées aux migrants, ces règles occidentales resteront toujours étrangères et inacceptables pour eux. Au nom de la « diversité »  et « vivre  ensemble » le Système est en train de détruire non seulement l’identité des peuples européens, mais ruine aussi l’identité des nouveaux arrivants non-européens.

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Les états multiculturels et multiraciaux conduisent tôt ou tard à des guerres civiles. Dans le grand remplacement qui est en cours, les guerres interraciales parmi les migrants non-européens seront aggravées par les grands changements démographiques. De plus, ces guerres hybrides et larvées s’accompagneront d’une surenchère des discours  victimaires de chaque membre de ces différentes peuplades  et tribus résidant en Europe, chacun revendiquant bien sûr la première place sur la liste des victimes.  La méfiance mutuelle, suivie par le déclin de la solidarité civique et la dissolution de l’ordre seront à l’ordre du jour. Les bouffonneries moralisatrices et masochistes des politiciens blancs, dont l’Allemagne fait la surenchère, ne sont que le reflet logique d’un vieux complexe d’infériorité dû au passé fasciste, colonial, oustacha ou national-socialiste. Suite aux incessantes incantations des gens du Système – «mea culpa, mea maxima culpa » – qu’aurait dit  Nietzsche au sujet de notre destin ? Sa réponse est claire :  « une crise comme il n’y en eut jamais sur terre » 13.


Notes : 

  1. 1) Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist (Œuvres complètes) (Paris : Arvensa éditions ; 2014), p. 3945. 

  2. 2) F. Nietzsche,  Par-delà le Bien et le Mal (Paris : Editions Ligaran, 2015), p. 293.
  3. 3) Pierre Chassard, La philosophie de l’histoire dans la philosophie de Nietzsche (Paris : éd. GRECE, 1975),  p.78.
  4. 4) Renaud Camus, Le Grand Remplacement  (Paris ; éditions David Reinharc, 2011).
  5. 5) F. Nietzsche, Par delà le bien et le mal (Ouvres complètes), (Arvensa éd). p. 3327.
  6. 6) Alfred Baeumler, Nietzsche; der Philosoph und Politiker(Leipzig : Reclam, 1931), p. 72-73. 
  7. 7) E.T.A. Hoffmann, L’homme au sable (Paris : Gallimard, 2003).
  8. 8) The Times of Israel, « Merkel : la mémoire des crimes nazis « inséparable » de l’identité allemande », le 6 décembre, 2019.
  9. 9) Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol 11). Traduction par Henri Albert (Paris : Mercure de France, 1900), p. 249.
  10. 10) Arnold Gehlen, Moral und Hypermoral  (Frankfurt : Athenäum 1969), p. 143. 
  11. 11) Le Monde, « Le pape François : « Les migrants sont le symbole de tous les exclus de la société globalisée »», le 8 juillet, 2019. 
  12. 12) Voir T. Sunic, « Non-White Migrants and the Catholic Church: The Politics of Penitence », The Occidental Observer, Avril, 2017. 
  13. 13) Friedrich Nietzsche, Ecce Homo (Traduction par Henri Albert), (Paris : Mercure de France 1909), p. 255. 

jeudi, 13 février 2020

La Haute Culture Surhumaniste: l’avenir de l’Occident

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La Haute Culture Surhumaniste:
l’avenir de l’Occident

English original here [2]

L’Occident et ses peuples peuvent-ils être sauvés ? Et que faudra-t-il pour cela – en particulier si nous recherchons une solution à long terme plutôt qu’une dernière digue « provisoire » ? Une nouvelle Haute Culture de l’Occident peut-elle naître pour assurer l’existence des peuples de l’Occident pour une longue durée ? Quelles caractéristiques une telle nouvelle culture devrait-elle posséder ?

Je supposerai que le lecteur connaît le the modèle civilisationnel d’Oswald Spengler [3], un  modèle en grande partie adopté par Francis Parker Yockey dans ses divers travaux sur l’Occident et ses possibilités futures. Avec un Printemps, un Eté, un Automne et un Hiver dans une Haute Culture, l’« Hiver » est la phase de la fin imminente. Il est clair, du moins pour moi (et il semble que Michael O’Meara soit d’accord avec cette évaluation), que nous sommes dans l’« Hiver » de notre Haute Culture Occidentale (c’est-à-dire « faustienne ») moderne actuelle. Et, immergée dans ce déclin, privée d’un principe organisateur dominant qui puisse fournir une structure spirituelle permettant la continuation de son existence, la race blanche est en train de mourir, ne parvient plus à se reproduire, est remplacée par des étrangers, et oppose un degré de résistance inapproprié à la mort de l’Occident.

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Dans les véritables saisons du climat physique, le printemps suit l’hiver. La même chose peut-elle être vraie pour des peuples particuliers et leurs Hautes Cultures ? Si la volonté de (re)-naissance civilisationnelle conduit à la survie raciale à long terme, devrions-nous au moins examiner les possibilités ? Bien sûr, on ne peut pas prédire avec une entière exactitude si une (re)-naissance civilisationnelle aura lieu, et encore moins la forme précise qu’un tel événement prendra. De plus, on ne peut pas planifier à l’avance et créer une Haute Culture de la même manière qu’on établit la formulation générale d’une stratégie et qu’on conduit ensuite les troupes à la bataille. Une Haute Culture doit se développer selon ses propres lois, d’après des facteurs qui ne sont pas entièrement sous contrôle humain (conscient). Cependant, on peut et on doit examiner les données, envisager les possibilités, et, dans la mesure du possible, encourager les tendances conduisant à une (re)-naissance civilisationnelle. De plus, ces tendances pourraient et devraient être guidées, dans la mesure du possible, dans des directions qui seraient plus fructueuses et plus cohérentes avec la nature de notre peuple.

Un point de départ est d’examiner notre Haute Culture actuelle, dont nous voyons les vestiges mourant autour de nous. La dénommée civilisation « occidentale » ou « faustienne » a été décrite par Spengler, et est résumée ainsi [4]:

« …les Occidentaux [5] modernes étant faustiens [6]. D’après ses théories, nous vivons maintenant dans l’hiver de la civilisation [7] faustienne. Sa description de la civilisation faustienne est celle d’une civilisation où la masse recherche constamment l’inaccessible – faisant de l’Homme Occidental une figure fière mais tragique, car tout en luttant et en créant il sait secrètement que le but réel ne sera jamais atteint. »

Ici nous voyons deux caractéristiques définissantes de la civilisation « faustienne » de l’Occident moderne (c’est-à-dire post-antique) : d’abord, un accent placé sur l’infini et l’inconnu, et ensuite que l’effort dirigé vers cela sera toujours infructueux ; les objectifs de l’Occidental sont toujours « inaccessibles ». Le second point et ses implications seront discutés plus loin. Pour l’instant, acceptons le modèle spenglérien et acceptons aussi que nous sommes dans l’Hiver de la culture faustienne. Or l’école spenglérienne, imbue d’« acceptation stoïque » (de « pessimisme »), nous conseillera d’accepter nos circonstances et d’en tirer le meilleur parti. L’ère dans laquelle nous vivons est ce qu’elle est, et, comme le soldat romain montant la garde sous le Vésuve en éruption, nous devons rester à notre poste jusqu’à la fin, jusqu’à ce que tout soit submergé par le déclin inévitable (l’entropie civilisationnelle, si vous préférez).

Mais si la race et la culture sont liées, la disparition de la culture signifie la destruction de la race. Mais est-ce vrai ? La Culture Faustienne n’est pas la première Haute Culture de l’Europe ; elle fut précédée par la Culture Antique. Spengler et son adepte Yockey rompent avec les interprétations culturelles précédentes pour souligner la forte discontinuité entre cultures antique et faustienne. Elles sont perçues comme deux Hautes Cultures distinctes, aussi différentes l’une de l’autre que, disons, la culture égyptienne et la culture « magique ».

Par conséquent, dans le même article sur l’œuvre de Spengler, nous lisons:

Spengler emprunte fréquemment à la philosophie mathématique. Il affirme que les mathématiques [8]et l’art d’une civilisation révèlent sa vision-du-monde. Il note que dans les mathématiques antiques grecques il y a seulement des entiers [9] et pas de véritables concepts  des limites [10] ou de l’infini [11]. Par conséquent, sans le concept de l’infini, tous les événements du passé lointain étaient vus comme également lointains, et ainsi Alexandre le Grand [12] n’avait aucune gêne à se déclarer descendant d’un dieu. D’autre part, le monde occidental – qui a des concepts du zéro [13], de l’infini, et de la limite – possède une vision-du-monde historique qui accorde une grande importance aux dates exactes.

De même, Revilo Oliver écrit [14] :

« Spengler identifie comme deux civilisations entièrement séparées et distinctes la civilisation antique (‘apollinienne’), entre 1100 av. J.C. et 300 apr. J.C., et la civilisation occidentale (‘faustienne’), entre 900 et 2200 apr. J.C. Ce sont les deux pour lesquelles nous avons l’information la plus complète, et entre elles Spengler établit quelques-uns de ses plus brillants synchronismes (par ex., Alexandre le Grand correspond à Napoléon). Même un siècle plus tôt, cette dichotomie aurait semblé presque folle, car chacun savait et prenait comme allant de soi que quoi qu’il puisse en être des cultures étrangères, la nôtre était une continuation, ou du moins un renouveau, de l’antique. Le rejet par Spengler de cette continuité était l’aspect le plus radical et le plus étonnant de sa synthèse historique, mais son influence écrasante a été si grande que cet aspect a été accepté par une majorité des nombreux auteurs ultérieurs sur la philosophie de l’histoire, dont nous pouvons mentionner ici seulement Toynbee, Raven, Bagby et Brown (20). L’antique, nous dit-on, était une civilisation comme les Egyptiens, maintenant morte et enterrée et sans lien organique avec la nôtre. (…)

Spengler (que Brown suit particulièrement à cet égard) appuie sa dichotomie drastique en opposant d’une manière impressionnante les mathématiques et la technologie gréco-romaines aux nôtres ; à partir de cette opposition, il déduit des différences dans la perception de l’espace et du temps, manifestées particulièrement dans la musique, et parvient à la conclusion que la Weltanschauung antique était essentiellement statique, ne désirant et ne reconnaissant qu’un monde strictement délimité et familier, alors que la nôtre est dynamique et manifeste un désir passionné pour l’infini et l’inconnu. On peut avancer diverses objections aux généralisations que j’ai si brièvement et inadéquatement résumées (par ex., la différence de vision est-elle réellement plus grande qu’entre la littérature ‘classique’ de l’Europe du XVIIIe siècle et le romantisme de l’ère suivante ?), mais le point crucial est de savoir si les différences, qui appartiennent à l’ordre que nous devons appeler spirituel par manque d’un meilleur terme, sont fondamentales ou épiphénoménales. »

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J’ai tendu vers l’explication épiphénoménale – mais en tous cas, on peut accepter la conclusion globale d’Oliver dans ses divers travaux : soit la civilisation antique et la civilisation faustienne sont des phases différentes mais connectées de la même Civilisation, soit, même si elles sont complètement distinctes, l’Homme Occidental est capable de produire de multiples Hautes Cultures. De toute manière, on peut en conclure deux choses : (1) un successeur de la Haute Culture faustienne est possible et a un précédent, et (2) ce successeur sera intimement connecté de manières importantes à son (ses) prédécesseur(s) (même si Spengler et Yockey nieraient que cela soit possible).

Par conséquent, soit la civilisation antique et la civilisation faustienne sont effectivement liées (par une réserve génétique commune, une « âme raciale », et une attitude occidentale), soit, si elles sont vraiment distinctes, elles ne sont pas complètement déconnectées, puisqu’elles proviennent d’une source commune ou d’un fondement commun (encore une fois, la réserve génétique générale, l’« âme raciale », et la mentalité occidentale d’individualisme et d’empirisme plus grands que dans d’autres peuples et d’autres cultures). Non seulement la civilisation antique et la civilisation faustienne sont en un certain sens liées, mais, contrairement à ce que disent Spengler et Yockey – et c’est en fait un blasphème pour l’école spenglérienne, qui rejette l’histoire linéaire –, il y a une idée de progression, car la vision-du-monde de la civilisation faustienne est plus large que celle de l’antique ; en effet, cette plus grande largeur de vision est une caractéristique définissante de la faustienne. Cette largeur se manifestant dans des phénomènes comme la technique de haut niveau, et une connaissance massive de base de la science, de l’histoire, de la philosophie et de la moralité et de l’éthique, les bases sont donc posées pour une nouvelle Haute Culture ayant une vision encore plus large que celle de la faustienne. Un spenglérien dirait qu’une Haute Culture de l’Occident, même si elle est possible (et il nierait peut-être cette possibilité), serait complètement déconnectée des aspects « faustiens » de la précédente Haute Culture faustienne occidentale (c’est-à-dire de l’actuelle). Cependant, je dirais que, ayant été éveillé à l’univers dans son ensemble, il est peu probable que l’homme blanc créerait une nouvelle Haute Culture qui serait insulaire, rejetant l’infini. Dans la mesure (limitée) où nous pouvons prédire, ou même influencer, le développement d’une nouvelle Haute Culture, une direction potentielle serait une direction qui ne serait pas purement « faustienne » – au sens de la recherche de l’inaccessible. Au lieu de cela, on pourrait projeter une future Haute Culture qui serait basée sur la réalisation ultime et réussie (finale) de ce qui était précédemment considéré comme « inaccessible ».

Je dirais que le fondement Chrétien de la Haute Culture faustienne est responsable du fait que les buts ultimes que l’homme occidental cherche à atteindre finissent par être « inaccessibles » – et qu’il sait secrètement qu’ils sont « inaccessibles ». La mentalité chrétienne place des limites inhérentes dans l’esprit de l’homme occidental, et il est donc condamné à échouer finalement même si le plein succès est théoriquement possible (finalement). Après tout, le centre d’intérêt du christianisme est Dieu et non pas l’Homme, c’est le « salut » et non le triomphe, et l’accent est mis sur « l’autre monde » et non celui-ci, notre monde réel. Car que l’homme parvienne à la divinité – ou même qu’il ait cela pour but – est une forme de « blasphème », c’est quelque chose qui ne peut pas être toléré. Par conséquent, l’échec ultime doit survenir, puisque la réalisation du but « faustien » (la réalisation elle-même ferait d’ailleurs en sorte que l’événement ne serait plus vraiment « faustien ») n’est simplement pas possible dans une Haute Culture basée sur le christianisme. Le plein développement de l’homme occidental a été restreint par une religion étrangère qui a placé des chaînes sur son esprit et son âme. Nietzsche a bien reconnu les contraintes imposées par le (judéo)-christianisme ; dans L’Antéchrist [15], nous lisons (caractères gras ajoutés) :

« A-t-on vraiment compris la célèbre histoire qui se trouve au commencement de la Bible – de la terreur mortelle de Dieu devant la science ?… Personne, en fait, ne l’a comprise. Ce livre de prêtre par excellence commence, comme il convient, avec la grande difficulté intérieure du prêtre : celui-ci connaît un seul grand danger ; par conséquent, ‘Dieu’ connaît un seul grand danger.

L’ancien Dieu, tout ‘esprit’, tout grand-prêtre, tout perfection, musarde dans ses jardins : il s’ennuie et cherche à tuer le temps. Contre l’ennui, même les dieux luttent en vain. Que fait-il ? Il crée l’homme – l’homme est distrayant… Mais ensuite il remarque que l’homme aussi s’ennuie. La pitié divine pour la seule forme de détresse qui envahit tous les paradis ne connaît plus de bornes : il crée sans tarder d’autres animaux. Première erreur de Dieu : l’homme ne trouva pas ces autres animaux distrayants – il chercha à les dominer ; il ne voulut plus être un ‘animal’ lui-même. – Dieu créa donc la femme. De cette manière il mit fin à l’ennui – et aussi à beaucoup d’autres choses ! La femme fut la seconde erreur de Dieu. – ‘La femme, dans son essence, est serpent, Heva’ – tout prêtre sait cela ; ‘de la femme proviennent tous les malheurs du monde’ – tout prêtre sait cela aussi. Par conséquent, la science aussi vient d’elle… C’est par la femme que l’homme apprit à goûter de l’arbre de la connaissance. – Qu’arriva-t-il ? L’ancien Dieu fut saisi par une terreur mortelle. Voici que l’homme lui-même était devenu sa plus grosse bévue ; il s’était créé un rival ; la science rend les hommes pareils aux dieux – c’en est fait des prêtres et des dieux quand l’homme devient scientifique ! – Morale : la science est l’interdit en soi ; elle seule est interdite. La science est le premier des péchés, le germe de tous les péchés, le péché originel. Voilà toute la morale. – ‘Tu ne connaîtras pas’ – le reste découle de cela. – La terreur mortelle de Dieu, cependant, ne le priva pas de son ingéniosité. Comment se défend-on contre la science ? Pendant longtemps ce fut pour lui le problème capital. Réponse : chasser l’homme du paradis ! Le bonheur, le loisir encouragent la pensée – et toutes les pensées sont de mauvaises pensées. – L’homme ne doit pas penser. – Et donc le prêtre invente la détresse, la mort, les dangers mortels de l’enfantement, toutes sortes de misères, la vieillesse, la décrépitude, la maladie surtout – autant d’armes dans le combat contre la science ! Les problèmes de l’homme ne lui permettent pas de penser… Et pourtant – quelle horreur ! – l’édifice de la connaissance commence à s’élever, assaillant le ciel, faisant de l’ombre aux dieux – que faire ? – L’ancien Dieu invente la guerre ; il sépare les peuples ; il les fait se détruire les uns les autres (– les prêtres ont toujours eu besoin de la guerre…). La guerre – parmi d’autres choses, un grand perturbateur de la science ! – Incroyable ! La connaissance, l’affranchissement du joug des prêtres, prospère en dépit de la guerre. – Alors l’ancien Dieu en arrive à sa dernière résolution : ‘L’homme est devenu scientifique – il n’y a plus rien à faire, il faut le noyer !’… »

FN-antichrist.jpgEffectivement. Si « les doux hériteront de la Terre », il n’y a pas de place pour un effort humain vers l’infini, qui atteigne son but, et qui place l’Homme sur le même plan que Dieu. Si la douceur, l’humilité, l’« humble agneau de Dieu » est l’archétype fondateur d’une culture, alors bien sûr l’infini et l’inconnu ne pourront jamais être atteints. « Tu ne connaîtras pas » : il est étonnant de voir tout ce que nous avons réalisé en dépit de cela, et ces remarquables réalisations occidentales sont survenues – pas par hasard – principalement pendant les périodes automnale et hivernale de la Haute Culture faustienne. C’est seulement quand les contraintes imposées par la culture à définition chrétienne se sont dissipées dans une large mesure que l’acceptation a priori de l’échec s’est affaiblie. Le problème est qu’avec une haute Culture décadente et mourante, cette émancipation (partielle) vis-à-vis du culte de l’humilité ne mènera nulle part. Seule une nouvelle Haute Culture bâtie sur le concept fondamental de la transcendance humaine, et sur la conquête de l’infini et de l’inconnu, permettra à l’Homme Occidental d’accomplir son destin. Les ruines croulantes de la Haute Culture précédente peuvent servir de blocs de construction pour le futur, c’est certain, elles peuvent fournir une inspiration, certainement, et être une source de fierté, c’est sûr. Mais nous devons regarder vers le Futur, et non pas monter la garde auprès d’un Passé mourant ou mort, comme le soldat romain de Spengler.

Si je n’ai aucun dédain pour les croyances des gens, qu’elles soient chrétiennes ou païennes, je ne vois pas un renouveau des anciens dieux païens comme une amélioration avancée par rapport au déclin du faustianisme. Remplacer Jésus par Thor, à mon avis, revient simplement à remplacer une béquille par une autre. Les hommes blancs ne devraient plus aller chercher des dieux exogènes, qu’ils soient nouveaux ou anciens ; nous devrions plutôt rechercher la divinité pour notre race. Pour l’homme blanc, il est temps de grandir et de rejeter les fantaisies de l’enfance, les fantaisies des dieux et des forces intelligentes externes contrôlant un destin que nous devrions être les seuls, vraiment les seuls, à modeler. La devise du monde antique était « Connais-toi toi-même », alors que celle de l’Age Faustien était une combinaison de « Tu ne connaîtras pas » et de « Tu tenteras de connaître et tu échoueras ». Pour la nouvelle Haute Culture de l’Occident, je propose la devise : « Tu connaîtras et tu triompheras ». Cela inaugurera une ère dans laquelle l’Homme Occidental libérera son potentiel en brisant les chaînes imposées par une infériorité supposée devant des dieux imaginaires.

La citation suivante de Yockey, dans The Enemy of Europe [16], résume l’objectif palingénésique que nous tenterions d’atteindre, si nous le voulions :

« Notre Mission européenne est de créer la Culture-Nation-Etat-Imperium de l’Occident, et ainsi nous accomplirons de telles actions, accomplirons de tels travaux, et transformerons tellement notre monde que notre descendance lointaine, en voyant les vestiges de nos édifices et de nos remparts, dira à ses petits-enfants qu’une tribu de dieux vivait jadis sur le sol de l’Europe. »

En d’autres mots, pas de dieux imaginaires. C’est l’Homme qui deviendra « Dieu ». Dans le livre The Portable Nietzsche, l’éditeur Walter Kaufmann interprète ainsi le « surhomme » de Nietzsche :

« ce qui est évoqué n’est pas une super-brute mais un être humain qui a créé pour lui-même cette position unique dans le cosmos, que la Bible considérait comme son droit de naissance. »

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Tout cela est très bien sauf la dernière partie : « La Bible ». Non, monsieur Kaufman, la Bible ne considère pas le Surhomme comme le droit ultime de l’humanité, elle considère plutôt que c’est le « dernier homme ». C’est nous qui devons choisir ce qu’est notre « droit de naissance », pas les fantaisies délirantes de « la Bible ». Cependant, cela étant dit, le reste de la description est sain, si nous considérons qu’elle est appliquée à la race dans son ensemble et pas seulement à des individus sélectionnés dans cette race. Plus d’échec « fier et tragique » dans « l’effort vers l’inaccessible » comme dans la culture « faustienne » – au contraire, la Culture Surhumaniste sera caractérisée par le fier accomplissement réussi de la recherche de l’infini. C’est ce qu’un individu optimiste peut envisager comme nouvelle Haute Culture de l’Occident, avec des liens avec la culture antique et avec la culture faustienne, mais surpassant les deux dans le but et l’objectif de l’esprit humain. Voilà ce que peut être et doit être le Destin Occidental.

Que pouvons-nous faire pour pousser les choses dans la bonne direction ?

Bien que l’auteur juif Isaac Asimov ne soit peut-être pas très populaire parmi les nationalistes blancs, sa série Fondation [17] peut fournir une analogie utile. « La Fondation » était conçue comme piste de lancement pour une nouvelle civilisation après l’effondrement de l’« Empire galactique », afin que l’« ère barbare » après l’effondrement ne dure que quelques milliers d’années, au lieu de 30.000 ans. Placés comme nous le sommes devant l’effondrement de l’Occident à travers l’Hiver de l’Age Faustien, il serait prudent de semer les graines d’une nouvelle civilisation occidentale blanche émergente sur le long terme, tout en luttant aussi à court terme et à moyen terme pour préserver la race blanche et sauver la plus grande partie possible de la civilisation faustienne occidentale. Sans ces objectifs à plus court terme, la renaissance civilisationnelle à long terme ne sera pas possible. Inversement, sans une renaissance civilisationnelle, le préservationnisme blanc à long terme serait contestable.

Ainsi, il y a deux choses qui sont nécessaires ici. D’abord il y a la lutte pour la préservation raciale blanche et pour sauver autant que possible de la culture faustienne, pour servir de base de connaissance et de blocs de construction pour la nouvelle Haute Culture de l’Occident. Ensuite, il faut initier un effort pour commencer à poser les fondations de cette nouvelle Haute Culture. Comme indiqué plus haut, une Haute Culture est bien sûr un phénomène organique qui ne peut pas être créé sous une forme préparée à l’avance et artificiellement imposée à un peuple. Néanmoins, il est possible de semer les graines et d’avoir quelque choix concernant les gaines qui doivent être semées. Et ensuite, nous pourrons nourrir le jeune plant pendant qu’il poussera, et pendant qu’il se développera d’après son propre caractère inhérent. Cela, nous pouvons le faire et nous devons le faire.

C’est une question sérieuse requérant une stratégie pensée à l’avance et d’un caractère visionnaire extrême, pas une chose qui peut être « discutée » légèrement sur des « liens de blogs » ou sur des forums publics (typiquement malsains). Ce n’est pas une chose qui peut être faite en un jour. C’est un projet à long terme, sur plusieurs générations, qui doit être entrepris par des individus dévoués voulant poser les fondations de quelque chose de grand et de noble pour la postérité. Ce ne sera pas une « réparation rapide » dont les résultats pourraient être vus dans une décennie ou deux ; au contraire, c’est un projet qui a le potentiel pour influencer le cours de l’histoire humaine, et il doit être mis en œuvre à ce niveau supérieur.

Par conséquent, cet essai est simplement un appel à l’action et un examen initial et rapide des possibilités. Si un tel projet est initié un jour, il ne devrait pas et ne doit pas se perdre dans les détails des « mouvements » habituels qui obsèdent beaucoup de militants, et ne peut pas non plus être lié à l’activisme « défensif » plus sérieux, mais à court terme, qui est requis pour sauver notre peuple et notre culture aujourd’hui. C’est une autre question, sur un plan entièrement différent.

Beaucoup sont appelés ; peu sont élus. Le Futur attend.

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[1] Image: https://cdn.counter-currents.com/wp-content/uploads/2010/07/DaliColossus.jpg

[2] here: https://www.counter-currents.com/2010/10/the-overman-high-culture-future-of-the-west/

[3] modèle civilisationnel d’Oswald Spengler: http://en.wikipedia.org/wiki/Spengler%27s_civilization_model

[4] ainsi: http://en.wikipedia.org/wiki/The_Decline_of_the_West

[5] Occidentaux: http://en.wikipedia.org/wiki/Western_world

[6] faustiens: http://en.wikipedia.org/wiki/Faustian

[7] civilisation: http://en.wikipedia.org/wiki/Civilization

[8] mathématiques: http://en.wikipedia.org/wiki/Mathematics

[9] entiers: http://en.wikipedia.org/wiki/Integer

[10] limites: http://en.wikipedia.org/wiki/Limit_%28mathematics%29

[11] infini: http://en.wikipedia.org/wiki/Infinity

[12] Alexandre le Grand: http://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_the_Great

[13] zéro: http://en.wikipedia.org/wiki/0_%28number%29

[14] écrit: http://www.revilo-oliver.com/rpo/Enemy_1.html

[15] L’Antéchrist: http://www.fns.org.uk/ac.htm

[16] The Enemy of Europe: http://en.wikiquote.org/wiki/Francis_Parker_Yockey#The_Enemy_of_Europe_.281953.29

[17] Fondation: http://en.wikipedia.org/wiki/Foundation_series

 

samedi, 19 octobre 2019

Olena Semenyaka: «Friedrich Nietzsche as the “Founder” of Conservative Revolution

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Olena Semenyaka:

«Friedrich Nietzsche as the “Founder” of Conservative Revolution

Фридрих Ніцше як «засновник» консервативної революції

Out of intellectual phenomena and social currents that count Friedrich Nietzsche among their predecessors, Conservative Revolution (further CR. – OS) occupies a unique place as a guide for a comprehensive translation of his philosophical leitmotifs into distinct conceptions in the fields of philosophy of history, anthropology and philosophy of subject, political philosophy, including the civilizational analysis, ethnography and geopolitics, philosophy of culture, philosophy of religion and even philosophy of technology.

AM-OSpor.jpgAccording to Swiss-German historian Armin Mohler, who introduced this formula in a prolific albeit debatable study “Conservative Revolution in Germany: 19181932” [80] to describe an intellectual milieu hostile to the “ideas of 1789,” CR, as a cultural and political current, has taken shape in the interwar Germany, but its conceptual relevance transcends these temporal and geographic boundaries. Although later metaphysical discussions of Nietzscheanism[1] within the current are lacking in his pioneer historiographic research (1950), the very number of critical monographs attempting to question the integrity of CR and simply deconstruct the term speaks in favor of its heuristic value[2] [81]. As of now, CR, with or without the quotation marks, gave birth to quite a rich tradition of academic investigation as a thought-provoking, interdisciplinary and even paradigm-shifting subject.

It has become a commonplace to argue that this movement’s political ambitions, regardless of palpable responsibility for the collapse of the Weimar republic, have come to end in 1933 and thus have never been fully implemented in practice. However, a descriptive value of Mohler’s monograph allowed researchers to consider the accomplished “CR” even such remote in time and space historical phenomena as the Restoration of Meiji in Japan, also regarded as the Japanese version of “modernization without westernization,” which started in 1868 [99]. Facing this broad historiographic request, one could paraphrase Voltaire by saying that even if there was no German CR, it should have been invented.

Yet, these conservative-revolutionary principles would have never been specified and applied to a wider scope of historical trends unless Friedrich Nietzsche, as an admitted “godfather” of the movement, had stated the ongoing decadence in the Western part of the world. His discussion of the European crisis in cultural, geopolitical, institutional, etc. terms corresponds with a variety of conceptual responses to this condition by key conservative-revolutionary thinkers of the 20th century (Oswald Spengler’s “decline of the West,” “Prussian Socialism” and “Caesarism,” Arthur Moeller van den Bruck’s “new conservatism / new socialism,” “young nations” and “the Third Empire,” Carl Schmitt’s geopolitics of large spaces as “pluriversum,” Ernst Jünger’s “heroic realism,” “new nationalism” and “the United States of Europe,” Werner Sombart’s “creative destruction” in economics, Gottfried Benn’s “Dionysian” expressionism and art “after nihilism,” etc.). However, they would indeed have fallen apart had it not been for a metaphysical foundation of European “illness” diagnosed by Nietzsche as the spread of the desert of nihilism[3].

Moreover, witnessing the upheaval brought by the First World War, theorists, researchers and “fellow travelers” of the conservative-revolutionary movement, above all, Ernst and Friedrich Georg Jünger, Armin Mohler and Martin Heidegger, offered the most exhaustive philosophical interpretation of Nietzscheanism as part of the discussion on a new or “the second beginning” of Western metaphysics, at least the prospects for overcoming nihilism, thus challenging a literal understanding of the “end-of-philosophy” thesis. In other words, this largely comparative, or rather genealogical study also brings out that the relation between “theoria” and “praxis” stemming from the modernity is not necessarily mediated by ideology.

That being said, far from explaining obscurum per obscurius (Nietzscheanism via CR and vice versa), the article seeks to examine metaphysical and practical conclusions drawn by the conservative-revolutionary movement from the pivotal Nietzsche’s concept of transvaluation of all values, thus suggesting a heuristic way out of the lasting “battle over Nietzsche” between the Left and the Right. A proof of Nietzsche’s visionary genius, narrow political appropriations of his name have almost cost him a place at the philosophic Olympus and should be firmly rejected. Besides, without exaggeration, Ernst Jünger’s and Martin Heidegger’s reception of Nietzscheanism, as well as their own polemic over it, is the groundbreaking milestone in Nietzsche-studies which cannot be skipped over in the given research.

AM-OSlivre.jpgMore precisely, this interwar German movement, which has always been escaping strict definitions, owes its reputation of the “ideocratic,” “metapolitical,” “neither right-wing, nor left-wing” Third Way precisely to embracing Nietzscheanism as a means of Weberian “re-enchantment of the world” [63]. Indeed, in social sciences and humanities, it was no sooner than Nietzsche put forward the event of the “death of god” that ideological and, basically, purely modern perplexities of the Left and Right have become a low priority compared to transhistorical (epochal) interplay of modernism and antimodernism, broader, the progressive and regressive vector. The latter were partially grasped by derivative intuitions of reactionary modernism [38], organological supermodern [63, 109; 40], archeofuturism [10], etc. in reference to Nietzsche-inspired phenomenon of CR.

Fairly enough, the majority of conservative-revolutionary researches shedding light on the alternative of the classic triad (“premodern-modern-postmodern”) periodization are dedicated namely to Ernst Jünger’s work as a convinced follower of Nietzsche and, according to his longtime secretary Armin Mohler, the most representative theorist of CR. It is his creativity that is considered the brightest example of the alternative of the Enlightenment project of modernization and is widely known for its futuristic and even forecasting value [65]. Dramatic failed attempts by Mohler to bring Jünger back to politics and make him head the endeavors of a post-war German generation eloquently coincided with Jünger’s growing focus on the metaphysical revolution in the history of the West followed by the thematic polemic with Heidegger in the 50-s.

Despite a misleading title, which was not favored by futuristic Jünger, such a super- (not to be confused with post-) modern alignment is the main reason why it is hard to classify CR, which otherwise shows all signs of a distinct and consistent theoretic current, as the classic fourth ideology crowning liberalism, socialism and conservatism. Likewise, it shows the absurdity of any strict ideological attribution of Nietzscheanism as the intellectual legacy ahead of its time, the conviction repeatedly expressed by Nietzsche himself.

For the past over half a century since the classic study by Mohler was out (1950), little advance has been made in this field. More precisely, there is enough literature dealing with the complexity of Nietzsche’s social ideas and their place in his entire body of work; the point is that Nietzsche-debates have long reached such a level of intensity that the conflict of interpretations unfolds between recognizable humanitarian paradigms, schools and traditions rather than breaking readings of his attitude to certain “-isms.” In other words, today, there is a rivalry between the basic insights into what Nietzscheanism is all about: emancipation or the will to power, decadence or vitalism, tradition or revolution, etc.

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Ukrainian historiographers of the subject are lucky to have at their disposal 1000-page research of Nietzsche’s corpus and biography [110] by leading Ukrainian specialist on Nietzscheanism Taras Lyuty, which offers an exhaustive overview of Nietzsche’s reception in Germany, including Jünger’s and Heidegger’s contribution, France, Great Britain, United States, Italy, Spain, Russia, Poland, the Eastern world and Ukraine. At the same time, multifaceted yet integral elaboration of Nietzsche’s thought within the conservative-revolutionary current deserves to be a separate challenging chapter of modern Nietzscheana.

In this light, it is especially remarkable that in 2016 in Germany took place the annual Oßmannstedter Nietzsche Colloquium entitled “Nietzsche and the Conservative Revolution,” which offers a searched balanced account of Nietzscheanism beyond extremes of ideological reductionism and mere aestheticism. Held under the aegis of the Klassik Stiftung Weimar and the Nietzsche Commentary of Heidelberg Academy of Sciences headed by Prof. Andreas Urs Sommer, it has become a wide interdisciplinary event which highlighted the Nietzsche-exegesis by such diverse conservative-revolutionary authors and related figures as Oswald Spengler, Martin Heidegger, Ernst Jünger, Carl Schmitt, Arthur Moeller van den Bruck, Ernst Niekisch, Armin Mohler, Hugo von Hofmannsthal, and others. Nietzsche and Dostoevsky, “radical aristocratism” of Rainer Maria Rilke, and Nietzsche’s merit in the very introduction of the term “CR” were also addressed at this surprise colloquium. Its results were published in an over 600-page collection of conference materials [89].

Previously, the founding Oßmannstedter Nietzsche Colloquium (2014) has already undertaken an uneasy study on the thematic complex “Nietzsche-Politics-Power,” which has prepared the audience for the lesser-known comparative background of CR. Back then, the ambiguity of Nietzsche’s exposure of contradictions tearing a bourgeois society apart was problematized as the issue begging for the further exploration. The trajectory of thought outlined by the event’s organizers was quite similar to the idea behind the given research: from the fact that Nietzsche’s works contained many apparently reactionary elements to their inherently transhistorical and, nolens volens, metaideological nature, which inevitably leads to the phenomenon of CR and the quest for a new metaphysics. Thus, the third Oßmannstedter Nietzsche Colloquium finally allowed positive yet unapologetic reconstruction of possible outcomes of his “criticism of modernity” as stated in “Ecce Homo”: “This book (1886) is in all essentials a critique of modernity, modern science, modern art, even modern politics, along with indications of an opposite type that is anything but modern, a noble, yea-saying type” [85, 80].

TK-FNlivre.jpgIndeed, so far, attempts to convert Nietzsche into politics have been mostly associated with the Nietzsche-Archiv’s destiny in the service of National Socialist ideology thanks to its ardent supporter Elisabeth Förster-Nietzsche, philosopher’s sister. However, the same destiny largely befell the work of conservative-revolutionary Nietzscheans, the brightest example being “The Third Empire”[4] by Arthur Moeller van den Bruck, the author of “Tschandala Nietzsche,” “Führende Deutsche” and other Nietzsche-themed writings.

Three overviews of Nietzsche’s legacy of that period deemed the most important by Karl Jaspers were the readings by Ludwig Klages, Alfred Baeumler and Ernst Bertram [49, 467]. Oddly enough, Heidegger, who, especially in his late period, exposed Nietzsche’s biologism [28, 168–170], in the 30-s polemicized with the biological interpretation of Nietzscheanism targeting both Klages and Spengler in lectures [e.g. 24, 103–116]. To be fair, the late Heidegger’s understanding of Nietzsche, which may be already traced in “Contributions to Philosophy” (1936–38) [20, 218–219], derived Nietzsche’s biologism from metaphysics of subjectivity, more precisely, subjectivity of the “will to power,” so it was different from vitalist and organicist interpretations by Klages and Spengler. Anyway, in this, he solidarized with Baeumler [29, 297], professor of philosophy and an ideologue of National Socialism. In contrast with his colleague Ernst Krieck, Baeumler did not reject Nietzsche as a philosopher who opposed “socialism, nationalism and racial thinking” [66, 31], so only National Socialist readings of Nietzsche could overlap with the conservative-revolutionary ones, not vice versa. Likewise, Heidegger denied Nietzsche’s imperialism (“Neither does the “grand style” want an “aesthetic culture,” nor does the “grand politics” want the exploitative power politics of imperialism” [31, 158]) and provided the deepest philosophical account of Nietzscheanism in the two-volume “Nietzsche” work.

Later, thanks to the most influential left-wing readings of Nietzsche, in particular, the second issue of Georges Bataille’s review “Acéphale” (1937) eloquently entitled “Nietzsche and the Fascists: A Reparation” [2], the “blond beast’s” herald was fully rehabilitated by French postmodernist philosophers and, broadly, New Leftist thinkers like Peter Sloterdijk who incorporated Nietzsche’s legacy into the sociocultural analysis and critique of ideology following in the footsteps of Max Horkheimer and Theodor Adorno. But the price for this insightful yet, by and large, another arbitrary and incomplete reception of Nietzsche’s ideas was their “methodological” reduction to Paul Ricoeur’s “philosophy of suspicion” and genealogical inquiry in the vein of Michel Foucault.

As a result, such inconvenient albeit pivotal for Nietzsche concepts as great politics, a new aristocracy (“a ruling caste”) of a united Europe, anti-egalitarianism (“a pathos of distance”) and a contempt for a “democratic mediocrity” along with a reverence for free thinking, etc., which were objectively highlighted by Jaspers in his introduction to “Corpus Nietzscheanum,” were passed over in silence. Alluding to Bataille, new reparations to Nietzsche are needed.

For it is enough to look through editions like “The Cambridge Companion to Nietzsche” or “Historical Dictionary of Nietzscheanism,” to realize that, initially, reactionary elements in Nietzsche’s thought were too obvious for the succeeding generation not to be astonished by his enthusiastic readings “from the Left.” In contrast with an impressive marriage of socialism with Nietzscheanism and Social Darwinism in Jack London’s novels and short stories, Georg Lukács, one of the masterminds behind “Western Marxism,” after a short period of fascination, confidently labeled Nietzsche as “as founder of irrationalism in the imperialist period” in the eponymous chapter of his work, “The Destruction of Reason” (1952), as well as portrayed him [70, 37–94, 309–399], Arthur Schopenhauer, Wilhelm Dilthey, Oswald Spengler and others as precursors of Adolf Hitler.

ET-livreit.jpgOn the other hand, according to Ernst Troeltsch, German philosopher of history, theologian and, along with Thomas Mann and Hugo von Hofmannsthal, one of the first promoters of the term “CR” [107, 454], only after the First World War, through “war experience,” Nietzsche’s thought was purified of its “sickly and exaggerated elements and thus had set ‘new aims’” [106, 75, quoted after 64, 48] for the German people. Jürgen Habermas confirms that Nietzsche reached the peak of popularity in Germany’s interwar period, when “the ideas of 1914” were confronted with “the ideas of 1789,” noting that “thinkers as various as Oswald Spengler, Carl Schmitt, Gottfried Benn, Ernst Jünger, Martin Heidegger, and even Arnold Gehlen show affinity with this background” [18, 209]. 

In other words, those standing at the origins of CR partly shared discontent with Nietzsche’s “irrationalism” by a conventional line “Lukács – Frankfurt School/ Habermas.” As T. Lyuty’s research shows, Nietzsche’s reception (not only in Germany and France but also Fascist Italy and Falangist Spain) was quite complicated, getting more controversial in the aftermath of both world wars and including many instances of both leftist and rightist apologies of Nietzscheanism.

Not incidentally, the national-revolutionary wing of CR, the most left-leaning among its currents, offered the most inclusive readings of Nietzsche. Just to name a few, Jünger’s mentor Hugo Fischer, who was close to the circle of sociologist Hans Freyer, an author of programmatic “Revolution from the Right” (1931), wrote both “Lenin: Machiavelli of the East” (1933) and “Nietzsche the Apostate” (1931) [12] in which he argued that Nietzsche was a more profound diagnostician of alienation than Karl Marx [1, 194–195], and Friedrich Hielscher, an architect of pagan “Das Reich” (1931), who described Nietzsche as the “protector of the past, as crusher of the present, as transformer of the future” [41, 200, quoted after 1, 153]. National Bolshevik Ernst Niekisch admired Nietzsche in his early texts, although after 1945, in fact, he has become a founder of Marxist criticism of Nietzsche in the GDR [92].

Likewise, the French New Right in the person of their “godfather,” Italian thinker Giorgio Locchi, who polemicized with Lukács’ blaming Hitlerism on Nietzsche, agreed with postmodern counterparts like G. Bataille, Maurice Blanchot, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida, Jean Baudrillard and others in their positive assessment of Nietzsche’s prevailing “revisionism” of modern. It is precisely therein that we encounter contemporary attempts to interpret Nietzscheanism, at a glance, “from the Right” by converting it into a new humanitarian school, which would have hardly gained momentum without New Leftist praise of Nietzsche’s “centauric” nature and a Dionysian revolt against the modernity in the vein of Sloterdijk’s “Thinker On StageNietzsche’s Materialism” (1986)  [99]. Locchi, who gave an impetus to thinkers as varied as Dominique Venner (i.a., an author of “Ernst Jünger: Another European Destiny”), Robert Steuckers, Pierre Vial, Pierre Krebs, Alain de Benoist, Guillaume Faye and others, directly linked Nietzscheanism to German CR and was the first to define Nietzsche’s view of history as “spherical.”

GL-NW.jpgKey works by Locchi for our study, “The Meaning of History” (1971), “Wagner, Nietzsche and the Myth of Suprahumanism” (1982), “Martin Heidegger and Conservative Revolution” (1988), also published in response to “Heidegger’s case,” etc., reveal a threefold structure of history “unlocked” by initiators of the discontinuity with the tradition of preceding two thousand years [13, 211] and founders of the suprahumanist myth: Richard Wagner, above all, as an author of “The Ring of the Nibelung” and Friedrich Nietzsche reconciled with him and portrayed as his disciple. Having paralleled Wagner’s “aristocratic socialism” with CR, Locchi criticizes not only Lukács but also Adorno’s take on Wagner along with the entire Frankfurt School. According to him, suprahumanism, inspired by Johann Fichte’s discovery of Germania[5], revolts against the “egalitarian” Judeo-Christian worldview and, as opposed to a preventive function of critical theory, carries out a creative mission [67].

In spite of Heidegger’s dismissal of Nietzsche’s rhetoric of values as a pinnacle of modern metaphysics of subjectivity [26, 101–102; 30, 209–267; 28, 83–94], the axiological, not cosmological understanding of the eternal recurrence by Locchi and his disciples[6] is influenced by Heidegger’s criticism of metaphysics, anthropological thinking and humanism, as well as derivative conceptions of temporality and history [21]. As a result, cyclic and especially linear conceptions of history are rejected by these followers of Nietzsche as ill-suited for the ways of a free-willed human being famously defined by Heidegger as transcendence [21, 351]. The axiological interpretation of the eternal recurrence implies that culture’s underlying values are being reaffirmed over the course of time. However, innocence of life’s becoming, within the conception, means that the past (as a reservoir of archetypal patterns) and the future (as the potentiality of conditions to re-enact them), basically, are interrelated functions of the polycentric present as a playground for historical dynamic in any possible direction [see in more detail: 90, 117–126].

For instance, Guillaume Faye, whose theory of archeofuturism as a “dynamic worldview” is largely inspired by Nietzsche, Spengler and Jünger, argued that Nietzsche’s legacy should be firmly placed on the side of the Right, or rather “revolutionary Right” in the sense discussed above, especially his vision of the united Europe [17]. To mark the difference between the “old” and “new” Right, Faye famously contrasted Nietzscheanism with the strictly anti-modern school of integral traditionalism (“For some Guénon, and for others Nietzsche” [10, 174]) implying, above all, an ability to embrace the very epitome and the vehicle of modernity – technology.

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To disclose this changing worldview, Faye complemented the “deconstructive” pole of Nietzscheanism, which is usually explored by left-leaning humanitarians, with an affirmative idea of the eternal recurrence, as follows: “Needless to say, Archeofuturism is based on the Nietzschean idea of Umwertung – the radical overthrowing of the modern values – and on a spherical view of history” [10, 74]. He emphasized that the eternal recurrence concerns “the identical” rather than “the same.” Different historical forms and institutions undergo a metamorphosis, yet their function remains unchanged: for instance, a nuclear-powered ballistic missile submarine as a modification of an Athenian trireme [10, 75][7].

Carefully studied by Locchi, Armin Mohler did not consider Nietzsche just one of the conservative-revolutionary “church fathers” like Martin Heidegger or Stefan George [80, 69–70]. According to Mohler, precisely Nietzsche’s philosophy, also far beyond Germany [80, 87], shaped CR as the revolt against a linear conception of history, albeit not incompatible with the latter’s elements, and the very logic of progressivism. Quite remarkably, Mohler’s thesis on CR (1949) was supervised by Karl Jaspers, another Nietzsche scholar famous in his own right.

KL-FNlivre.jpgIt is Heidegger’s disciple Karl Löwith (“Nietzsche’s Philosophy of the Eternal Recurrence” and “From Hegel to Nietzsche: The Revolution in 19th Century Thought”)[8] who is credited by Mohler for one of the earliest insights (1935 and 1941, respectively) into the essence of Nietzscheanism as the self-overcoming of nihilism springing from the “death of god” through the will to the eternal recurrence of the same. Although Löwith detected a contradiction between the anthropological (“self-eternalization”) and cosmic (natural) eternal recurrence which includes and cancels the former [68, 60], he viewed Nietzscheanism as the quest to “renew, in the end, the ancient view of the world on the peak of anti-Christian modernity” [68, 74].

Referring to the often-quoted Löwith’s sentence about the oscillation of the German spirit of the 19th century between the two endpoints in the persons of Hegel and Nietzsche, with lesser centers of gravity like Marx, Kierkegaard and Dostoevsky, Mohler emphatically contrasts Nietzsche with Hegel as the last great representative of the linear thought [80, 88]. Since the rebirth anticipated by conservative revolutionaries is possible only within the cyclic or mythological time enabling the access to eternity, Mohler praises Löwith’s work as the brightest philosophical-historical account of the “Interregnum,” the interim between the decline of the old order and the emergence of the new [80, 88].

Thus, temporality of the state of nihilism is clearly encrypted in Nietzsche’s allegories of the turning point in the course of the transvaluation of all values, the Great Noon in particular. The promise of the Interregnum’s end surmounted by a Superman echoes the passage from “To Genealogy of Morals,” which itself is a commentary to “Thus Spoke Zarathustra”: “… this bell stroke of noon and of the great decision that liberates the will again and restores its goal to the earth and his hope to man; this Antichrist and anti-nihilist; this victor over God and nothingness – he must come one day” [see 68, 56].

Having combined an etymological interpretation of revolution (from Latin “re-volutio”) as “rotation,” “spinning around,” “volution” with Moeller van den Bruck’s “new conservatism” as the restoration of eternal principles rather than the return to the past, Mohler made Nietzsche’s idea of eternal recurrence (meaning to the Origin) the common denominator for five different trends of CR, from Young Conservatives to National Revolutionaries (as the most influential). All of them had practical manifestation, and some of them were revolutionary also in quite a literal sense, expectedly laying stress on the “active-nihilistic” phase of the transvaluation of all values.

To recall, as follows from the notes to “The Will to Power,” posthumously complied and published Nietzsche’s magnum opus (at least for Heidegger), in which constituents of this metaphysical dynamics were for the first time revealed, so-called active nihilism is to be distinguished from its passive counterpart. Passive nihilism is a sign of the spirit’s fatigue, whereas active nihilism, quite the reverse, indicates surpassing of outworn ideals, is transitory and paves the path towards new values. This key fragment is the same both in the critical edition of Nietzsche’s Collected Works by Colli and Montinari and in the 1901 compilation [87, 350–351; 84,157–158].

FN-WtP.jpgYet Old Gunpowder-Head, as Jünger used to call Nietzsche [51], provided conservative-revolutionary luminaries like him not only with recipes for social change. For historians of philosophy, connections between Nietzsche’s legacy and CR (which is the subject matter of the study) are of a special interest given that the famous “turn” of Heidegger towards a conservative criticism of technology and final abandonment of transcendentalism and voluntarism was triggered namely by his familiarization with Jünger’s conservative-revolutionary classic: “Total Mobilization” (1930) and “The Worker. Domination and Gestalt” (1932) [11, 718].

As believed by Heidegger, Jünger was the last Nietzschean and even “the only real follower of Nietzsche” [36, 227] whose early philosophy was the culminating point of Western metaphysics. Heidegger arrived at this conclusion within his two seminars on Jünger’s Worker right after it was out and during the winter semester at Freiburg University in 1939–1940. His extensive observations, as well as notes on other Jünger’s texts comprise the entire 90th volume of Heidegger’s Collected Works, “On Ernst Jünger,” which was revealed to the public in 2004 [36]. English translation of its crucial fragments may be found in “The Heidegger Reader” edited by Günter Figal [33, 189–206]. In one of them, Heidegger addresses Nietzsche’s metaphysics in relation to Western history after the First World War and claims that “only Ernst Jünger has grasped something essential there” [33, 192], i.a. contrasting his insight with “superficial” Spengler’s reading and mere cooption of certain Nietzsche’s ideas by Gabriele D’Annunzio and Benito Mussolini.

In the 1945 reflection upon his 1933 rectorial address, Heidegger recalls that Nietzsche’s words “God is dead” [25, 111] were mentioned there precisely in the light of predicted by Jünger emergence of a planetary state as a pinnacle of the modern will to power encompassing everything regardless of “whether it is called communism, or fascism, or world democracy” [22, 375–376]. In the 1933 speech entitled “The German Student as the Worker” [23, 205–206], he for the first time publically referred to Jünger and highly estimated his 1932 opus magnum. Yet Heidegger was scared of this tendency and wanted to avert it.

The late Jünger, in Heidegger’s opinion, still applied the language of old metaphysics (of subjectivity) to describe the advent of the new. Jünger’s essay “Over the Line” (1950) was published in a collection of articles dedicated to Heidegger’s 60th birthday anniversary and edited by Hans-Georg Gadamer [58; 57]. Likewise, Heidegger’s reply “On the Line” (1955) appeared in a jubilee edition in honor of Jünger turning 60 [34], and its extended version entered Heidegger’s Collected Works under the title “To the Question of Being” [37]. Their intense correspondence lasted till Heidegger’s death in 1976 [9].

In this respect, Heidegger’s early interpretation of Nietzscheanism as a search for a unifying force that is akin to the purpose of art in the age of Romanticism and thus is capable of bridging the gaps between disintegrated fields of modernity [19, 97–99] was much closer to the views on Nietzsche’s “bequest” held by Jünger brothers and Mohler. Indeed, in “The Will to Power as Art,” the lecture course on Nietzsche delivered at the University of Freiburg-im-Breisgau in 1936–37, Heidegger echoed Nietzsche’s assessment of art as “the anti-Christian, anti-Buddhist, anti-nihilist par excellence” [87, 521] by defining it as the “distinctive countermovement to nihilism” led by the “artist-philosopher” [31, 69–76].

MH-FNdeuxvol.jpgNietzsche as the philosopher who, in Habermas’ words, “entrusted the overcoming of nihilism to the aesthetically revived Dionysian myth” [19, 99] was explored in-depth by Friedrich Georg Jünger. In his eponymous book “Nietzsche” (1949) [60], as well as famous trilogy “Greek myths” (1947) comprised of “The Greek Gods,” “The Titans” and “The Heroes” [59], he paid a special attention to Pan as an epitome of the wild and Dionysus as a redeemer from the misery of time. Both motifs, as well as F. G. Jünger’s book “The Perfection of Technology” (written in 1939 and translated to English as “The Failure of Technology: Perfection Without Purpose” [61]), intersect with the late Heidegger’s criticism of instrumental rationality as “machination,” yet this time he considered Nietzsche’s philosophy the endpoint of Western metaphysics rather than the salvation [see 112].

At any rate, the spiritual-historical diagnosis of the epoch set by Nietzsche determined both Ernst Jünger’s metaphors of a great metaphysical transition (“the magical zero point [of values],” “Interregnum,” “the line,” “the wall of time,” “the return of the gods,” “approaching,” “whitening” understood not “as a nihilistic act, but rather as a counter-offensive” [56, 9] and subsequent “spiritualization,” etc.) and the middle Martin Heidegger’s conception of beyng-historical thinking “from within” the fate of Being (currently, forgetfulness). In other words, and it coincides with the scope of the article, Nietzscheanism fully underlies metaphysical teleology of CR (from subject-centric Prometheism to “summoning the gods”), which is indeed most pronounced in Ernst Jünger’s work.

In a positive sense, Mohler would fully agree with Heidegger’s opinion on Jünger’s legacy as the fullest explication of Nietzsche’s metaphysics and, in particular, the concept of the Superman[9] as a nihilist and at the same time a legislator of new values. For that purpose, he singled out three kinds of nihilism: the Western (French) one born out of satiety and weariness, just like passive nihilism described by Nietzsche, the Eastern (Russian) born out of life’s plentitude and the “spatial” rejection of any boundaries, and the German striving for its own exuberance just like many French are fond of German “barbarians” [80, 94]. However, Mohler interprets the German nihilism as conscious and volitional: as opposed to other types, it is especially dangerous as the both destructive and creative force capable of assuming new forms. Objectively highlighting the variety of conservative-revolutionary currents and manifestations, Mohler, when it comes to a metaphysical core of the subject, leaves no doubt that it boils down to Nietzscheanism as the German or active nihilism exemplified in Ernst Jünger’s work.

Mohler considers the gospel of this creative nihilism the first edition of “The Adventurous Heart” (1929) in which Jünger introduces a focal concept of the “magical zero point,” clearly referring to Nietzsche’s motif of the transvaluation of all values, towards which, in the interwar period, had been marching through the world on fire the “salamanders” like him. Mohler also draws attention to another representative concept invented by the German veteran and writer: the paradoxical combination of “Prussian anarchist” who rejects all existing orders, but only out of reverence for something greater [80, 96]. As Jünger himself explains, this “Prussian” rebellion needs explosives to free the living space for a new hierarchy [54, 66]. Later, it will evolve into his model of the right-wing anarchist – the Anarch[10].

FGJ-FN.jpgFinally, in the most frequently quoted excerpt from “The Adventurous Heart,” as if Nietzschean prophecy of the “twilight of the idols” has come true, Jünger comments on a sinister reputation gained at that time by his generation. To wit, they were said to have been capable of destroying the temples. Far from denying it, Jünger, in fact, objected that such a sentence simply bore no significance in the futile epoch producing nothing but museums [53, 112].

Indeed, as Klemens von Klemperer observed, it was Nietzsche who, “in his paradoxical position between conservatism and nihilism, between conserving and destroying” [64, 39], gave birth to the well-known “dilemma of conservatism” that has to counter the extremities of Enlightenment by its own means [16]. Thus it comes as no surprise that the early Thomas Mann (1921) considered Nietzsche “nothing but Conservative Revolution” [75, 598] meaning the synthesis of “enlightenment and faith, freedom and bonds, spirit and flesh, ‘God’ and the ‘world’” [75, 597–598]. In this context, Mann referred to Henrik Ibsen’s search for “the third kingdom,” a Hegelian synthesis of the Pagan kingdom of man and flesh and the Christian kingdom of God and spirit [75, 597], for the first time problematized in Ibsen’s play “Emperor and Galilean” (1873) about Julian the Apostate. It brings the continuity of Nietzscheanism and CR to a whole new level, though in the introduction to the émigré journal “Measure and Value (1937) Mann underlined the metapolitical meaning of this aware of tradition yet future-oriented blend of aristocratism and revolution [74, 801].

A new / secret kingdom and elite carrying this ideal in the vein of Nietzsche’s “On the Future of our Educational Institutions,” two basic mythologemes of the founding Young-Conservative current of CR, were introduced by Stefan George’s Circle and poetry, especially collections “The Star of the Covenant” (1914) and “The New Reich” (The Kingdom Come) (1928) [14, 15, also see Kantorowicz (62)]. In turn, they were inspired by an allegiance to “Secret Germany” found, above all, in Friedrich Hölderlin’s hymns, writings by Friedrich Schiller, Heinrich Heine, Paul de Lagarde, Julius Langbehn, as well as the legend of sleeping “mountain king” Friedrich I Barbarossa [43, 30–41].

GB-FNari.jpgNietzscheanism as “radical aristocratism,” the formula first suggested by Georges Brandes and personally approved by Nietzsche [83, 213], burst into blossom in “Nietzsche: Attempt at a Mythology” (1918), the most popular book on Nietzsche in Weimar Germany by the Circle’s and Mann’s associate Ernst Bertram, as well as catalyzed Mann’s ideal of the “nobility of the spirit” [72]. Deep connections between Nietzsche, George and Austrian prodigy Hugo von Hofmannsthal who, like Mann, popularized the term “CR” in the field of cultural criticism in his 1927 address to students of the University of Munich “Literature as the Spiritual Space of the Nation,” are also widely known [44; 103]. According to Hofmannsthal, the Age of Enlightenment is nothing but a moment within the unfolding countermovement of CR of a scope unknown to Europe [44, 412413].

Mediated by Mann’s “Reflections of a Non-Political Man” (1918) equating the political with alien to the Germans “democraticism” [73], the myth of a new kingdom came to fruition in “The Third Empire” (1923) by the founder of Young Conservatism Moeller van den Bruck partially sharing Nietzsche’s disdain for Bismarck’s Second Reich. More politicized than Mann’s ideal of the third kingdom, just like his anti-Weimar June Club helping Franz von Papen to become the Chancellor of Germany in 1932, this conception, still, was ecumenical and strongly influenced by the Third Testament as envisaged by Dmitry Merezhkovsky, who sparked Moeller’s interest in Fyodor Dostoevsky, i.a. the motif of the Third Rome, and helped him to publish the first German translation of the writer’s Complete Works by Elisabeth Kaerrick (1906–1919) [7]. Both conceptions, in Merezhkovsky’s case, emphatically [111], echoed a heretic eschatological teaching by the 12th century mystic Joachim of Fiore, according to which the Age of the Father (Old Testament) and the Age of the Son (New Testament) will be followed by the Age of the Holy Spirit when man will ascend to the direct contact with God in freedom and love [94].

Further politicization of the term “CR” thanks to Edgar Julius Jung (1932)[11], an advisor and a speechwriter to von Papen, reached its peak in “political theology” of Reich’s “crown lawyer” Schmitt, at first, also a confidant to von Papen and General Kurt von Schleicher, the last Chancellor of Weimar Germany, initially seeking to tame Hitler’s dictatorship within the confines of a more “Prussian” state model [77, 301–302].

Again, these Nietzscheans did not fit in the real Third Reich: Moeller committed suicide in 1925 and did not witness the appropriation of “The Third Empire” by the self-proclaimed “drummer” of his ideas, Hitler [91, 278], George, who bequeathed his vision of the Secret Germany to Claus von Stauffenberg [see in more detail 93], the future leader of the anti-Hitler Prussian fronde, had emigrated and died before he could rethink Goebbels’ invitation to head the renewed Prussian Academy of Arts [105, 66], Jünger, as a popular military prosaic, sarcastically refused to join the latter [97, 143], Benn, whose expressionist embrace of decadence, including the rejection of a eugenic reading of the Superman[12], was condemned by the regime, soon enough was expelled from its ranks [96, 237–238], Hielscher, who led a clandestine resistance group, barely escaped the fate of the July 20 assassins thanks to the interference of the Ahnenerbe managing director Wolfram Sievers, albeit failed to return the favor at the trial over the latter [42: 424, 448–451], E. J. Jung, like von Schleicher, was killed by the SS during the Night of the Long Knives in 1934 [71, 220–226], Niekisch, an author of “Hitler, a German Calamity” (1932) was repressed and imprisoned in a concentration camp [82], Spengler resigned from the Board of Nietzsche Archive [108, 130–131], and so on. Only Heidegger, who eventually also left the Board [95, 144–145], and Schmitt were willing to take advantage of official positions in the Third Reich. Collaboration was so exceptional that the latest 2019 research by Mehring ranking Heidegger among conservative revolutionaries underlines that such an attribution is possible solely on the grounds of shared metaphysical ambitions [78, 33].

SG-secret.jpgApart from Hölderlin, Goethe and Nietzsche, George’s vision of the Secret Germany also strongly influenced Hielscher, a friend of Martin Buber and an editor of National-Revolutionary magazines “Der Vormarsch” and “Das Reich” who created a unique panentheistic theology and closely cooperated with Jünger [42, 216–225]. However, it was Jünger who revolutionized detached ideals of Young Conservatives by reinterpreting the Dionysian principle in Nietzsche’s philosophy of culture as the titanic principle of technology that defines the modernity. Returning Heidegger’s reproach that Jünger, employing visual metaphors of the metaphysical transition, was not a “thinker” [36, 263], Jünger claimed that Heidegger lacked a clear political vision and that is why he hoped that National Socialism would bring something new [39, 55]. At the same time, Jünger’s own “clear” vision performed a critical function, for, except for a short period of political involvement as a publicist, he remained “a seismograph of the epoch” [92, 525]. Yet, in contrast with “cultural pessimist” Heidegger who eventually concluded that “only a God could save us” [32], Jünger, in spite of an apparent impact of Heidegger’s and F.G. Jünger’s presumed “technophobia,” was unique in making the transvaluation of all values the programmatic quest of his entire body of work.

Approaching the article’s conclusions, let us summarize the trajectory of this quest. As the leader of the National-Revolutionary current and the author of “The Worker,” the early Jünger, reflecting upon irreversible changes brought by the first “industrial” war of 1914–18, elaborated rare positive remarks about socialism and the labor movement in Nietzsche’s notes to “The Will to Power.” According to them, the workers should learn to feel like soldiers and get honorarium instead of payment [87, 350]. They will be headed by an ascetic caste concentrating the plentitude of power. In the third section (1880) of “Human, All Too Human,” Nietzsche invoked the machine analogy for warfare and centralized party politics [86, 653]. Jünger developed both motifs [104, 146] in “The Worker” calling upon the workers[13] to feel like masters and a new frontline aristocracy laying claim to planetary domination [54: 76, 90].

Similarly to Heidegger, technology in Jünger’s thought becomes the very epitome of nihilism. Yet, he welcomes it as the most revolutionary power of the present and models the conservative-revolutionary subject after this vessel of creative nihilism. In the interwar period, Jünger describes the advent of a new human type carved by the metaphysical gestalt of the Worker and associated with unchained titan Prometheus “mobilizing the world by means of technology” [54, 165]. In the post-war period, he transformed into Gaia’s son Antaeus drawing strength from the earth and joining her revolt against the Olympians [52: 344–347, 580–582, 606–607, 650–651, 659]. Conceived by industrial total mobilization in the aftermath of the First World War, in the post-industrial society, soldier workers acquire softer protean features, but Zarathustra’s maxim of staying true to the earth stands paramount. According to the late Jünger, anthropocentric history is nothing but a layer of geohistory [52: 478–479, 502, 506–507, 533, 544, 588–589, 655–656].

EJ-pain.jpgThat is how the early Jünger’s active nihilism counterbalanced the Young-Conservative fascination with the religious “Russian idea” and Dostoevsky’s “revolution out of conservatism” [109, 355]. Stating the ongoing “geological revolution” [114: 55–58], Jünger refers to the Joachist Age of the Holy Spirit [52, 414] only in “At the Wall of Time” (1959) when, remembering Nietzsche’s formula of the Superman as the conqueror of god and nothing, the pursued self-overcoming of nihilism enters the “creative” phase of challenging the nothing itself. Already in 1934 essay “On Pain” Jünger gives the following assessment of its proceedings: “We conclude, then, that we find ourselves in a last and indeed quite remarkable phase of nihilism, characterized by the broad expansion of new social orders with corresponding values yet to be seen” [55, 46]. In Klemperer’s words, “tough Nietzscheans” Spengler, Jünger and Moeller van den Bruck, in fact, “signed a pact with the devil” when took a risk to follow in Nietzsche’s footsteps and attempted to turn nihilism against itself [64, 153].

Yet, in “Over the Line” (1950), Jünger optimistically referred to Nietzsche’s self-description as “the first perfect nihilist of Europe who, however, has even now lived through the whole of nihilism, to the end, leaving it behind, outside himself” [87, 190; 88, Preface] as well as Dostoevsky’s novels like “Crime and Punishment” promising a chance to overcome nihilism, to “recover” from it [57, 248–255]. The ways to do it he discussed in “The Forest Passage” (1951) and “Eumeswil” (1977) featuring the models of a sovereign individual: first the Forest Goer ostracized from a society, then a new Prussian anarchist, the Anarch, whose creative and meaningful nihilism is turned against sheer (passive) nihilism of “fake” emancipation theories and movements. At this point, Jünger, as the proponent of “heroic overcoming” of the technological challenge according to Rolf-Peter Sieferle [98], starts “summoning the gods” along with Heidegger and F. G. Jünger, “conservative critics of technology,” although the middle Heidegger’s remark on Jünger’s and Spengler’s technological “idolatry” (positive and negative, respectively) [35, 261] was an obvious overstatement.

Indeed, the late Jünger gets more pessimistic regarding the proximity of the anticipated metaphysical transition: according to the forecast from “The Change of the GestaltPrognosis for the 21 Century” (1993) resting on Hölderlin’s poem “Bread and Wine” [45], the titans will reign throughout the entire 21 century, whereas the gods will return only after a new Hesiodic titanomachia heralding the final end of the anthropocentric history [114: 40–41, 49–50, 53–54]. Promised by Joachim of Fiore “spiritualization” is again mentioned by Jünger [114, 54]. Yet another of his Hölderlin-inspired [114: 49–50, 51–52] beliefs that man should be friends both with the gods and “the iron ones,” remains unrevised. In “Nietzsche,” F. G. Jünger parallels the philosopher’s reverence for the tragic Dionysian art with the same Hölderlin’s sympathy for the titans and other primordial beings in poems like “Nature and Art or Saturn and Jupiter” [48]. Lamented by Heidegger, who discussed Nietzsche in the broader framework of lecture courses on Hölderlin and considered him superior to Nietzsche in terms of delving into the depth of Greek Dasein [27, 135; see also 76], in E. Jünger’s case, Hölderlin’s “flight of the gods” [47, 210] becomes a matter of approaching the “untethered titans” [46].

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For this purpose, Jünger adds an intermediate figure of Dionysus, one of the late Nietzsche’s alter egos. As the myth tells us, once torn apart by the titans, Dionysus himself resembles them by his ecstatic overwhelming powers disclosed by Carl Gustav Jung in “Wotan” essay (1936), among others, alluding to the Unknown God from Nietzsche’s poetry [4, 311–312]. Surrounded by maenads, this “thrice-born” companion of Demeter and Persephone unites the living and the dead in a ritual procession. The god of the underworld in Orphic mysteries, Dionysus, in Jünger’s opinion, truly resides in Eleusis where the mysteries of resurrected nature are celebrated [51, 71].

As a philosophical writer, Jünger makes this observation in the technology-themed novella “Aladdin’s Problem” (1983) claiming that the true opposition is not between the Apollonian and the Dionysian, as Nietzsche believed, but between the divine and the titanic [51, 71], between the gods as patrons of creation, culture, meaning, poetry, memory, identity and borders and the titans standing for voluntarism, activism, productivity, speed, Sisyphean efforts, borderlessness, formlessness, hybris, etc. [52, also see 59]. Dionysus, accordingly, becomes a redeeming link between the anticipated breakthrough of divine timelessness and repetitive activities in concrete temples of the titans, factories, that is, work as the way to worship them, for the eternal recurrence Jünger associates precisely with the titans [114, 60–61].

Well-aware of Prussian militarism’s dangers, Nietzsche concurred on the dictum “when cannons roar, muses are silent” [86, 288–289]. Nietzsche’s disciple and Jünger’s teacher, highly influential both in Young-Conservative and National-Revolutionary circles, it was Spengler who reinterpreted the Apollonian-Dionysian opposition through the prism of Nietzsche’s phenomenology of European decadence, as well as “young” and “old” peoples as the dichotomy of culture, when a cultural organism is full of vital creative forces, and civilization, when only its “mummy” remains, as it is currently the case at the late “Caesarist” phase of Western “Faustian” soul. At this stage of the aged and “declined” West [100: 146, 194–195, 453], art, literature and architecture are far beyond the peak; only calculation, construction, spatial expansion and quantitative growth in general matter [100, 1–67]. Having borrowed Spengler’s “world-historical perspective,” also indebted to Joachim of Fiore [101, 31], and rendered the contrast of organic phases as the clash and coexistence of the divine and the titanic, Jünger made a big step forwards as compared to the Young-Conservative actualization of Nietzsche.

To sum up, starting with the very etymological level, CR may be regarded as the fullest attempted explication of Nietzscheanism as a dynamic worldview. In turn, the futuristic relevance of its pivotal message of the self-overcoming of nihilism is comprehensively elucidated by Ernst Jünger as the face of CR, according to Mohler, and the only true Nietzschean, according to Heidegger. Supplemented by Locchi’s spherical conception of history, the potential of Nietzscheanism is revealed in the discussions of Jünger and Heidegger on the prospects for the great metaphysical transition after the Interregnum, in Jünger’s terms, or the second beginning of metaphysics, in Heidegger’s. Besides, Jünger’s distinction of the gods and the titans is the insightful upgrading of Nietzsche’s dichotomy of the Apollonian and the Dionysian bringing to the surface a lacking dimension of technology in Nietzsche’s work. Filling this critical gap in the modern Nietzscheana will open new horizons for the interdisciplinary application of Nietzsche’s ideas and the “rebirth” of philosophy in the light of the conservative-revolutionary discovery of super- or altmodern.

Notes

  1. 1 See “Historical Dictionary of Nietzscheanism” [6].
  2. 2. Stefan Breuer, the most influential critic of CR as a coherent current, in the end, could not help using this term himself and listed it among the most successful inventions of contemporary history of ideas [5, 1].
  3. 3. Needless to say, historians of philosophy are interested in metaphysical, not strictly social aspects of CR, which otherwise would be addressed in this research in more detail. In this respect, vitalist Nietzscheanism in Jünger’s interwar political journalism is less important for this study than his rethinking of Nietzsche’s active nihilism as titanism and philosophical-historical sophistication of the “transvaluation of all values.”
  4. 4. Rendered as “Empire” instead of “Reich” in its condensed English edition [79] (first translated by Emily Overend Lorimer in 1934) precisely to disambiguate it from the National Socialist political regime.
  5. 5. Not to be confused with Nietzsche’s criticism of petty Germanness.
  6. 6. The opposition of the “Judeo-Christian” and “archaic” worldview, “history” and “cosmos” was popularized by Romanian historian of religion Mircea Eliade whose name is fairly included in the related tradition of thought. Although in the introduction to his magnum opus “Cosmos and History: The Myth of the Eternal Return” (1949) he considered Nietzsche’s interpretation of an eponymous Greek myth purely modern [8], the longing for the world’s re-sacralization, which, according to Eliade, is promised by annual ritual participation of an archaic man in the New Year recreation of the world (partaking of the myth’s cosmological function), does correlate with “open opportunities” of the eternal recurrence as the axiological notion. This polemics with the contradiction detected in Nietzsche’s thought by Löwith (see below), actually, is shared by Eliade who believes that the myth frees humanity from the cage of history, more precisely, predestination of the Judeo-Christian eschatology rather than thrusts into the prison of nature.
  7. 7. Here, Nietzscheanism almost coincides with futurism the technological advantages of which, in Faye’s opinion, are artificially restrained by the egalitarian and humanistic modernity. The spherical view of history, likewise, has nothing to do with a cyclic return to the past, which, as Faye claims, has failed and has led to the catastrophe of modernity. Instead, he employs a metaphor of a billiard ball which chaotically moves across the table. After a number of spins, the same point might touch the cloth several times, but its position in space will be different. As a result, Nietzscheanism underlies the “re-emergence of archaic social configurations in a new context” [10, 74], which is the basic intuition behind archeofuturism.
  8. 8. However,Löwith expressed his concern with Jünger’s interwar attack on a bourgeois individual in this book [69].
  9. 9. The resemblance, again, is homological, for Jünger’s philosophy of subject, at least in its gestalt-related part, rests on Leibniz’s “monad,” Plato’s “idea” and Goethe’s “urplant” rather than Nietzsche’s Superman in a narrow sense.
  10. 10. Apart from elucidating Nietzsche’s conception of creative nihilism, such political projections help to reveal that subtle way in which Nietzscheanism may be converted into ideology, and never vice versa (when ideological postulates receive philosophical substantiation).
  11. 11. “By “conservative revolution” we mean the return to respect for all of those elementary laws and values without which the individual is alienated from nature and God and left incapable of establishing any true order. In the place of equality comes the inner value of the individual; in the place of socialist convictions, the just integration of people into their place in a society of rank; in place of mechanical selection, the organic growth of leadership; in place of bureaucratic compulsion, the inner responsibility of genuine self-governance; in place of mass happiness, the rights of the personality formed by the nation” [50, 352].
  12. 12. “Since then we have studied the bionegative values, which are rather more harmful and dangerous to the race but are a part of mind’s differentiation: art, genius, the disintegrative motifs of religion, degeneration; in short, all the attributes of creativity” [3, 383].
  13. 13. In “The Worker,” work is understood as the all-pervading lifestyle brought by “titanic” industrialization and has no relation to its didactic cultural purpose, individual or collective.

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Auflage]. – München : Deutscher Taschenbuch Verlag / New York : Walter de Gruyter, 1999. – Bd. 13. – 672 S. 88. Nietzsche F. The Will to Power ; [trans. by Walter Kaufmann and R.J.Hollingdale, ed. by Walter Kaufmann] / Friedrich Nietzsche. – New York : Vintage Books, A Division of Random House. – 575 p. 89. Nietzsche-Lektüren : Nietzsche und die Konservative Revolution / [Hrsg. von Sebastian Kaufmann, Andreas Urs Sommer]. – Berlin / Boston : Walter de Gruyter, 2018. – B. 2. – 658 S. 90. O’Meara M. New Culture, New Right : Anti-Liberalism in Postmodern Europe / Michael O’Meara. – Bloomington : AuthorHouse, 2004. – 228 p. 91. Pechel R. Deutscher Widerstand / Rudolf Pechel. – Erlenbach-Zürich : Eugen Rentsch, 1947. – 343 S. 92. Penshorn S. Zarathustra auf dem Obersalzberg : Die Nietzsche-Rezeption Ernst Niekischs nach 1945 / Sascha Penshorn // Nietzsche und die Konservative Revolution. – Berlin / Boston : Walter de Gruyter, 2018. – B. 2. – 505–536. 93. Riedel M. Geheimes Deutschland : Stefan George und die Brüder Stauffenberg / Manfred Riedel. – Köln : Böhlau Verlag, 2006. – 267 S. 94. Riedl M. Longing for the Third Age : Revolutionary Joachism, Communism, and National Socialism / Matthias Riedl // Brill’s Companions to the Christian Tradition : A Companion to Joachim of Fiore ; [ed. by Matthias Riedl]. – Leiden / Boston : BRILL, 2017. – Vol. 75. – Pp. 267–318. 95. Rockmore T. Heidegger’s Philosophy and Nazism / Tom Rockmore. – Berkeley / Los Angeles / London : University of California Press, 1992. – 382 p. 96. Schärf C. Das Ausstrahlungsphänomen Gottfried Benns Nietzsche-Projektionen / Christian Schärf // Klassik und Moderne Schriftenreihe der Klassik Stiftung Weimar : Friedrich Nietzsche und die Literatur der klassischen Moderne ; [hrsg. von Thorsten Valk]. – Berlin / New York : De Gruyter, 2009. – Bd. 1 – S. 231–246. 97. Schwilk H. Ernst Jünger : Leben und Werk in Bildern und Texten / Heimo Schwilk. – Stuttgart : Klett-Cotta, 1988. – 320 S. 98. Sieferle R-P. Ernst Jüngers Versuch einer heroischen Überwindung der Technikkritik / Rolf-Peter Sieferle // Selbstverständnisse der Moderne : Formationen der Philosophie, Politik, Theologie und Ökonomie; [hrsg. von Günter Figal und Rolf-Peter Sieferle]. – Stuttgart : Metzlersche Verlagsbuchhandlung, 1991. – S.133–174. 99. Sloterdijk P. Der Denker auf der Bühne : Nietzsches Materialismus / Peter Sloterdijk. – Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1986. – 190 S. 100. Spengler O. Der Untergang des Abendlandes : Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte ; [völlig umgestaltete Ausgabe] / Oswald Spengler. – München : Oskar Beck, C.H. Becksche, 1923. – Band 1 : Gestalt und Wirklichkeit. – 603 S. 101. Spengler O. Der Untergang des Abendlandes : Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte ; [einunddreissigste bis zweiundvierzigste Auflage] / Oswald Spengler. – München : Oskar Beck, C.H. Becksche, 1922. – Band 2 : Welthistorische Perspektiven. – 635 S. 102. Steffen H. Schopenhauer, Nietzsche und die Dichtung Hofmannsthals / Hans Steffen // Nietzsche. Werk und Wirkungen ; [Hrsg. von Hans Steffen]. – Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1974. – S. 65–90. 103. Szabó L V. “…eine so gespannte Seele wie Nietzsche.” Zu Hugo von Hofmannsthals Nietzsche-Rezeption / Szabó V. László // Jahrbuch der ungarischen Germanistik ; [hrsg. von Gesellschaft ungarischer Germanisten, Budapest und Deutscher Akademischer Austauschdienst, Bonn]. – Budapest : Gondolat Kiadoi Kör / Bonn : DAAD, 2006. – S. 69–93. 104. Trawny P. Martin Heidegger / Peter Trawny ; [Hrsg. von Thorsten Bonacker (Marburg), Hans-Martin Lohmann (Frankfurt a.M.)]. – Frankfurt am Main / New York : Campus Verlag, 2003. – 192 S. 105. Trawny P. George dichtet Nietzsche. Überlegungen zur Nietzsche-Rezeption Stefan Georges und seines Kreises ; [hrsg. von Wolfgang Braungart und Ute Oelmann] / Peter Trawny // George-Jahrbuch. – Band. 3. – Tübingen : Max Niemeyer, 2000/01. – S. 34–68. 106. Troeltsch E. Der metaphysische und religiöse Geist der deutschen Kultur / Ernst Troeltsch // Deutscher Geist und Westeuropa : gesammelte kulturphilosophische Aufsätze und Reden ; [Hrsg. von Gangolf Hübinger]. – Tübingen : Verlag von J. C. B. Mohr. – S. 59–79. 107. Troeltsch E. Die Krisis des Historismus / Ernst Troeltsch // Schriften zur Politik und Kulturphilosophie (1918–1923) ; Ernst Troeltsch : Kritische Gesamtausgabe ; [Hrsg. von Gangolf Hübinger]. – Berlin / New York : Walter de Gruyter, 2002. – Vol. 15. – S. 433–456. 108. Woods R. The Conservative Revolution in the Weimar Republic / Roger Woods. – New York : St. Martin’s, 1996. – 173 p. 109. Достоевский Ф. М. Дневник писателя / Федор Достоевский // Собрание сочинений : В 9-ти т. – Т. 9. Книга 1. – Москва. : Астрель, АСТ, 2007. – 844 с. 110. Лютий Т. Ніцше. Самоперевершення / Тарас Лютий. – К. : Темпора, 2016. – 978 с. 111. Мережковский Д. Данте / Дмитрий Мережковский // Собрание сочинений : В 8 т. ; [сост. О. А. Коростелев, А. Н. Николюкин, ред. О. А. Коростелев [и др.], вступ. ст. А. Н. Николюкин]. – М. : Республика, 2000. – Т. 4 : Данте. Наполеон. – С. 141–239. 112. Михайловский А. Чего не видел Эрнст Юнгер. Рец. на : M. Heidegger. Zu Ernst Jünger. Gesamtausgabe. Bd. 90 / Александр Михайловский // Ежегодник по феноменологической философии. – М. : Изд-во РГГУ, 2008. – Т. 1. – С. 477–491. 113. Молодяков В. Консервативная революция в Японии : идеология и политика / Василий Молодяков. – М. : Изд. Фирма «Восточная Литература» РАН, 1999. – 329 с. 114. Юнгер Э. Смена гештальта. Прогноз на XXI век – Ernst Jünger. Gestaltwandel. Eine Prognose auf das 21. Jahrhundert ; [пер. с нем. и послесловие А. Михайловского] / Эрнст Юнгер. – М. : Издание книжного магазина «Циолковский», 2018. – 80 с

 Автор: Олена Семеняка

vendredi, 09 novembre 2018

Philippe Granarolo présente son dernier livre « En chemin avec Nietzsche »

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Philippe Granarolo présente

son dernier livre

« En chemin avec Nietzsche »

Ajoutée le 28 oct. 2018
Dans ce nouveau livre paru chez l'Harmattan,
Philippe Granarolo rassemble ses principaux
articles dans son exploration de l’œuvre de
Friedrich Nietzsche, auquel il a consacré toute
son existence : du plus ancien, Le rêve dans
la pensée de Nietzsche (1978) au plus récent,
Le Surhomme : mythe nazi ou image
libertaire ? (2016). Ces articles constituent les
étapes d'une lecture originale et cohérente.
Regroupés en cinq chapitres, « L'Imaginaire »,
« Le Corps », « Le Temps », « Le Futur » et
« Le Retour Éternel », ces articles constituent
une introduction à l'étude de l’œuvre
nietzschéenne.
 

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Broché - format : 15,5 x 24 cm - 26 euros
ISBN : 978-2-343-15570-8 • 5 octobre 2018 •
254 pages EAN13 : 9782343155708
+ d'infos
 
 
 

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mercredi, 07 novembre 2018

Questionnaire de la Nietzsche Académie Réponses de Robert Steuckers

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Questionnaire de la Nietzsche Académie 

Réponses de Robert Steuckers

- Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Nietzsche annonçait la transvaluation des valeurs, c’est-à-dire l’abandon et le dépassement de valeurs qui s’étaient pétrifiées au fil des siècles, jusqu’à devenir les charges que portait le chameau dans la fable de Zarathoustra. Il a fallu deux siècles et demi environ aux Européens pour se dégager des vieilles tables de valeurs : et ce processus de dégagement n’est nullement achevé car les résidus de ces fausses valeurs, qui résistent à la transvaluation, reviennent sans cesse à la charge, parfois avec une rage destructrice autant qu’inféconde, comme l’attestent le festivisme et le « politiquement correct ». Il y a encore bien du travail à faire ! Les pétrificateurs, avant les coups de marteau de Nietzsche, faisaient toutefois face aux résidus des valeurs antiques, celles des périodes axiales de l’histoire, qui offraient, face à leurs manigances, de la résilience tenace, malgré que les pétrificateurs étaient au pouvoir, alliés aux démissionnaires d’hier qui abandonnaient graduellement leurs exigences éthiques, leurs exigences de style, comme le montre parfaitement la déchéance des catholiques (et des protestants) en démocrates-chrétiens et des démocrates chrétiens en prétendus « humanistes » . A l’époque de Baudelaire et de Nietzsche, s’installe un système dominé par l’économie et la finance qui houspille les valeurs créatrices hors du champ d’action, hors de la vie de la plupart des hommes, réduisant ceux-ci à de la matière « humaine, trop humaine ». Ce système est toujours en place et se vend à nos pauvres contemporains, qui sont hélas « humains, trop humains », sous différents masques : Nietzsche nous apprend à les arracher, à dénoncer le plan pétrificateur qui se dissimule derrière les beaux discours eudémonistes ou les promesses politico-messianiques. Nietzsche est donc un Maître qui nous apprend de multiples stratégies pour nous extraire des pétrifications du système.

 - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie d’abord, et avant tout, combattre les falsifications mises en place pour faire triompher les projets des êtres vils, ceux qui pétrifient, comme je viens de le dire, mais qui, de cette pétrification, tirent leur pouvoir, le consolident et le perpétuent au détriment de la beauté et de la légèreté, de l’harmonie apollinienne et de l’ivresse dionysiaque. Tout est lourdeur, pesanteur, répétition chez les tenants des fausses valeurs en place, toutes pétrifiées, monstrueusement froides : Baudrillard parlait d’un système obèse ; l’architecture prisée par le système en place est d’une laideur sans nom, la répétition des poncifs du « politiquement correct » est d’une lourdeur à frémir. L’humain trop humain s’étiole en une dépression infinie, contraint qu’il est de ne surtout rien créer, même de petites choses originales car tout, désormais, doit être sérialisé. Etre nietzschéen, c’est vouloir, envers et contre tout ce que l’on nous propose, la véritable légèreté d’âme, le gai savoir, la beauté permanente de nos environnements, la magnifique variété du monde, obtenue par les perspectives aquilines, celles, justement, du Nietzschéen qui, tel l’aigle, vole haut au-dessus des contingences abrutissantes du système et voit les choses sur tous leurs angles.

- Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

Je recommande tout particulièrement La généalogie de la morale et L’Antéchrist, car ces deux livres sont justement ceux qui nous enseignent à arracher les masques des pétrificateurs.

- Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

Parce qu’il voulait bousculer les tables des valeurs au 19ème siècle, le nietzschéisme a d’abord été la marque des révolutionnaires de gauche, des anarchistes de tous poils, des artistes (parfois un peu déjantés) et des féministes. Dès la première décennie du 20ème siècle, la gauche allemande s’est pétrifiée à son tour, comme le déplorait et le fustigeait un social-démocrate combattif et contestataire (au sein de son propre vivier politique), tel Roberto Michels (qui parlait de la formation d’oligarchies fermées sur elle-mêmes au départ des bureaucraties des partis, tenues par les « bonzes »). La décennie qui a précédé la Grande Guerre a été, pour les socialistes allemands, l’époque d’une dé-nietzschéanisation progressive, les bonzes ne supportant pas l’audace nietzschéenne, surtout celle qui consiste à arracher les masques des hypocrites, à s’affirmer face aux conventions désuètes. C’est alors que l’on verra le nietzschéisme basculer vers la droite. En Autriche, comme je l’ai démontré dans le premier volume que j’ai consacré aux figures de la révolution conservatrice allemande, les socialistes consolident leurs positions sur l’échiquier politique de l’Empire des Habsbourgs jusqu’en 1914 parce qu’ils s’inspiraient de Wagner, de Schopenhauer et de Nietzsche. On peut également arguer qu’un socialiste italien prénommé Benito était, avant 1914, un activiste politique dont les inspirations philosophiques venaient de Hegel et de Marx, assurément, mais aussi de Bergson et de Nietzsche. Il quittera le parti socialiste italien, en voie de figement idéologique. Plus tard, le futur communiste Gramsci en fera autant, en dénonçant le « Barnum socialiste ». On peut arracher le masque des hypocrites au nom d’une révolution de gauche comme d’une révolution ou d’une restauration de droite.

 - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

L’impact de la pensée de Nietzsche est immense et s’est diffusée à tous les niveaux des arts et des lettres en Europe. Pour des raisons purement didactiques, je me réfère généralement aux catégories forgées par le Professeur René-Marill Albérès, pour qui plusieurs filons dans les lettres européennes portent la marque de Nietzsche : 1)  le filon anti-intellectualiste, qui, sous des formes très diverses, reprend l’hostilité nietzschéenne au socratisme et à tout intellectualisme desséchant, une hostilité que l’on a appelée parfois sa « misologie » (son rejet des logiques et des raisons figeantes) ; 2) le filon dit du « déchirement et de l’action », propre aux années 1930 et 1940, qui englobe la soif d’aventure où l’existence audacieuse prend plus de valeur que l’essence, perçue, souvent à tort, comme figée et immuable. Nietzsche a brisé des certitudes pétrifiées : les hommes sont partis à la recherche d’autre chose, en tâtonnant, en se sacrifiant, en commettant parfois l’irréparable : ils ont été a-socratiques, non ratiocinants, pleins de panache ou tragiquement broyés. Je ne pense pas qu’il existe des auteurs entièrement nietzschéen, seulement des auteurs marqués par un aspect ou un autre du « continent philosophique » qu’est Nietzsche. Seul Nietzsche est pleinement nietzschéen : chacun, disait-il, est sa propre idiosyncrasie. Il ne fait sûrement pas exception à la règle ! Revenons à la notion de « continent nietzschéen » : l’expression est de Bernard Edelman, auteur aux PUF de « Nietzsche – Un continent perdu » (1999). L’œuvre nietzschéenne a effectivement des dimensions continentales, où l’on peut puiser à l’envi, sans jamais en venir à bout, sans jamais enfermer ce foisonnement dans un « enclôturement » trop étriqué.

- Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

Les socratismes (christianisés ou non), les mauvaises consciences sur lesquelles tablent les idéologies manipulatrices ne retiennent que l’humain, trop humain, ou l’homme domestiqué (le « type ») par tous les vecteurs de morbidité qui ont agi dans l’histoire occidentale. Le surhomme est donc celui qui s’efforce d’aller au-delà de cette morbidité générale, par l’effet de sa volonté de puissance, et éventuellement y parvient, inaugurant de la sorte le règne des « grands hommes », mutants qui abandonnent les morbidités, devenues le propre de l’espèce humaine « typifiée ».

- Votre citation favorite de Nietzsche ?

Ce n’est pas une citation mais un poème, intitulé Ecce homo :

Ja ! Ich weiss, woher ich stamme !

Ungesättigt gleich der Flamme

Glühe und verzehr ich mich.

Licht wird alles, was ich fasse,

Kohle alles, was ich lasse:

Flamme bin ich sicherlich.

 

(Oui ! Je sais d’où je suis issu !

Insatiable comme la flamme

Je brûle et me consume.

Lumière devient ce que je saisis

Cendre ce que j’abandonne :

Oui, je suis flamme).

vendredi, 23 mars 2018

The Black Sun: Dionysus, Nietzsche, and Greek Myth

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The Black Sun: Dionysus, Nietzsche, and Greek Myth

Gwendolyn Taunton

Ex: https://manticorepress.net


Affirmation of life even it its strangest and sternest problems, the will to life rejoicing in its own inexhaustibility through the sacrifice of its highest types – that is what I call the Dionysian…Not so as to get rid of pity and terror, not so as to purify oneself of a dangerous emotion through its vehement discharge – it was thus Aristotle understood it – but, beyond pity and terror, to realize in oneself the eternal joy of becoming – that joy which also encompasses joy in destruction…And with that I again return to that place from which I set out –The Birth of Tragedy was my first revaluation of all values: with that I again plant myself in the soil out of which I draw all that I will and can – I, the last disciple of the philosopher Dionysus – I, the teacher of the eternal recurrence(Nietzsche, “What I Owe to the Ancients”)

It is a well known fact that most of the early writings of the German philosopher, Friedrich Nietzsche, revolve around a prognosis of duality concerning the two Hellenic deities, Apollo and Dionysus. This dichotomy, which first appears in The Birth of Tragedy, is subsequently modified by Nietzsche in his later works so that the characteristics of the God Apollo are reflected and absorbed by his polar opposite, Dionysus. Though this topic has been examined frequently by philosophers, it has not been examined sufficiently in terms of its relation to the Greek myths which pertain to the two Gods in question. Certainly, Nietzsche was no stranger to Classical myth, for prior to composing his philosophical works, Nietzsche was a professor of Classical Philology at the University of Basel. This interest in mythology is also illustrated in his exploration of the use of mythology as tool by which to shape culture. The Birth of Tragedy is based upon Greek myth and literature, and also contains much of the groundwork upon which he would develop his later premises. Setting the tone at the very beginning of The Birth of Tragedy, Nietzsche writes:[spacer height=”20px”]

We shall have gained much for the science of aesthetics, once we perceive not merely by logical inference, but with the immediate certainty of vision, that the continuous development of art is bound up with the Apollonian and Dionysian duality – just as procreation depends on the duality of the sexes, involving perpetual strife with only periodically intervening reconciliations. The terms Dionysian and Apollonian we borrow from the Greeks, who disclose to the discerning mind the profound mysteries of their view of art, not, to be sure, in concepts, but in the intensely clear figures of their gods. Through Apollo and Dionysus, the two art deities of the Greeks, we come to recognize that in the Greek world there existed a tremendous opposition…[1]

Initially then, Nietzsche’s theory concerning Apollo and Dionysus was primarily concerned with aesthetic theory, a theory which he would later expand to a position of predominance at the heart of his philosophy. Since Nietzsche chose the science of aesthetics as the starting point for his ideas, it is also the point at which we shall begin the comparison of his philosophy with the Hellenic Tradition.

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The opposition between Apollo and Dionysus is one of the core themes within The Birth of Tragedy, but in Nietzsche’s later works, Apollo is mentioned only sporadically, if at all, and his figure appears to have been totally superseded by his rival Dionysus. In The Birth of Tragedy, Apollo and Dionysus are clearly defined by Nietzsche, and the spheres of their influence are carefully demarcated. In Nietzsche’s later writings, Apollo is conspicuous by the virtue of his absence – Dionysus remains and has ascended to a position of prominence in Nietzsche’s philosophy, but Apollo, who was an integral part of the dichotomy featured in The Birth of Tragedy, has disappeared, almost without a trace. There is in fact, a simple reason for the disappearance of Apollo – he is in fact still present, within the figure of Dionysus. What begins in The Birth of Tragedy as a dichotomy shifts to synthesis in Nietzsche’s later works, with the name Dionysus being used to refer to the unified aspect of both Apollo and Dionysus, in what Nietzsche believes to the ultimate manifestation of both deities. In early works the synthesis between Apollo & Dionysus is incomplete – they are still two opposing principles – “Thus in The Birth of Tragedy, Apollo, the god of light, beauty and harmony is in opposition to Dionysian drunkenness and chaos”.[2] The fraternal union of Apollo & Dionysus that forms the basis of Nietzsche’s view is, according to him, symbolized in art, and specifically in Greek tragedy.[3] Greek tragedy, by its fusion of dialogue and chorus; image and music, exhibits for Nietzsche the union of the Apollonian and Dionysian, a union in which Dionysian passion and dithyrambic madness merge with Apollonian measure and lucidity, and original chaos and pessimism are overcome in a tragic attitude that is affirmative and heroic.[4]

The moment of Dionysian “terror” arrives when […] a cognitive failure or wandering occurs, when the principle of individuation, which is Apollo’s “collapses” […] and gives way to another perception, to a contradiction of appearances and perhaps even to their defeasibility as such (their “exception”). It occurs “when [one] suddenly loses faith in […] the cognitive form of phenomena. Just as dreams […] satisfy profoundly our innermost being, our common [deepest] ground [der gemeinsame Untergrund], so too, symmetrically, do “terror” and “blissful” ecstasy…well up from the innermost depths [Grunde] of man once the strict controls of the Apollonian principle relax. Then “we steal a glimpse into the nature of the Dionysian”.[5]

apollonooooooo.jpgThe Apollonian and the Dionysian are two cognitive states in which art appears as the power of nature in man.[6] Art for Nietzsche is fundamentally not an expression of culture, but is what Heidegger calls “eine Gestaltung des Willens zur Macht” a manifestation of the will to power. And since the will to power is the essence of being itself, art becomes “die Gestaltung des Seienden in Ganzen,” a manifestation of being as a whole.[7] This concept of the artist as a creator, and of the aspect of the creative process as the manifestation of the will, is a key component of much of Nietzsche’s thought – it is the artist, the creator who diligently scribes the new value tables. Taking this into accord, we must also allow for the possibility that Thus Spake Zarathustra opens the doors for a new form of artist, who rather than working with paint or clay, instead provides the Uebermensch, the artist that etches their social vision on the canvas of humanity itself.  It is in the character of the Uebermensch that we see the unification of the Dionysian (instinct) and Apollonian (intellect) as the manifestation of the will to power, to which Nietzsche also attributes the following tautological value “The Will to Truth is the Will to Power”.[8] This statement can be interpreted as meaning that by attributing the will to instinct, truth exists as a naturally occurring phenomena – it exists independently of the intellect, which permits many different interpretations of the truth in its primordial state. The truth lies primarily in the will, the subconscious, and the original raw instinctual state that Nietzsche identified with Dionysus. In The Gay Science Nietzsche says:

For the longest time, thinking was considered as only conscious, only now do we discover the truth that the greatest part of our intellectual activity lies in the unconscious […] theories of Schopenhauer and his teaching of the primacy of the will over the intellect. The unconscious becomes a source of wisdom and knowledge that can reach into the fundamental aspects of human existence, while the intellect is held to be an abstracting and falsifying mechanism that is directed, not toward truth but toward “mastery and possession.” [9]

Thus the will to power originates not in the conscious, but in the subconscious. Returning to the proposed dichotomy betwixt Dionysus and Apollo, in his later works the two creative impulses become increasingly merged, eventually reaching a point in his philosophy wherein Dionysus refers not to the singular God, but rather a syncretism of Apollo and Dionysus in equal quantity. “The two art drives must unfold their powers in a strict proportion, according to the law of eternal justice.”[10] For Nietzsche, the highest goal of tragedy is achieved in the harmony between two radically distinct realms of art, between the principles that govern the Apollonian plastic arts and epic poetry and those that govern the Dionysian art of music.[11] To be complete and  to derive ultimate mastery from the creative process, one must harness both the impulses represented by Apollo and Dionysus – the instinctual urge and potent creative power of Dionysus, coupled with the skill and intellectualism of Apollo’s craftsmanship – in sum both natural creative power from the will and the skills learnt within a social grouping. This definition will hold true for all creative ventures and is not restricted to the artistic process; ‘will’ and ‘skill’ need to act in harmony and concord.

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In Nietzsche’s philosophy, Apollo and Dionysus are so closely entwined as to render them inseparable. Apollo, as the principle of appearance and of individuation, is that which grants appearance to the Dionysian form, without for Apollo, Dionysus remains bereft of physical appearance.

That [Dionysus] appears at all with such epic precision and clarity is the work of the dream interpreter, Apollo […] His appearances are at best instances of “typical ‘ideality,’” epiphanies of the “idea” or “idol”, mere masks and after images (Abbilde[er]). To “appear” Dionysus must take on a form.[12]

In his natural state, Dionysus has no form, it is only by reflux with Apollo, who represents the nature of form that Dionysus, as the nature of the formless, can appear to us at all. Likewise, Apollo without Dionysus becomes lost in a world of form – the complex levels of abstraction derived from the Dionysian impulse are absent. Neither god can function effectively without the workings of the other.  Dionysus appears, after all, only thanks to the Apollonian principle. This is Nietzsche’s rendition of Apollo and Dionysus, his reworking of the Hellenic mythos, forged into a powerful philosophy that has influenced much of the modern era. Yet how close is this new interpretation to the original mythology of the ancient Greeks, and how much of this is Nietzsche’s own creation? It is well known that Nietzsche and his contemporary Wagner both saw the merit in reshaping old myths to create new socio-political values. To fully understand Nietzsche’s retelling of the Dionysus myth and separate the modern ideas from that of the ancients, we need to examine the Hellenic sources on Dionysus.

apolyre.jpgMyths of Dionysus are often used to depict a stranger or an outsider to the community as a repository for the mysterious and prohibited features of another culture. Unsavory characteristics that the Greeks tend to ascribe to foreigners are attributed to him, and various myths depict his initial rejection by the authority of the polis – yet Dionysus’ birth at Thebes, as well as the appearance of his name on Linear B tablets, indicates that this is no stranger, but in fact a native, and that the rejected foreign characteristics ascribed to him are in fact Greek characteristics.[13] Rather than being a representative of foreign culture what we are in fact observing in the character of Dionysus is the archetype of the outsider; someone who sits outside the boundaries of the cultural norm, or who represents the disruptive element in society which either by its nature effects a change or is removed by the culture which its very presence threatens to alter. Dionysus represents as Plutarch observed, “the whole wet element” in nature – blood, semen, sap, wine, and all the life giving juice. He is in fact a synthesis of both chaos and form, of orgiastic impulses and visionary states – at one with the life of nature and its eternal cycle of birth and death, of destruction and creation.[14]  This disruptive element, by being associated with the blood, semen, sap, and wine is an obvious metaphor for the vital force itself, the wet element, being representative of “life in the raw”. This notion of “life” is intricately interwoven into the figure of Dionysus in the esoteric understanding of his cult, and indeed throughout the philosophy of the Greeks themselves, who had two different words for life, both possessing the  same root as Vita (Latin: Life) but present in very different phonetic forms: bios and zoë.[15]

Plotinos called zoë the “time of the soul”, during which the soul, in its course of rebirths, moves on from one bios to another […] the Greeks clung to a not-characterized “life” that underlies every bios and stands in a very different relationship to death than does a “life” that includes death among its characteristics […] This experience differs from the sum of experiences that constitute the bios, the content of each individual man’s written or unwritten biography. The experience of life without characterization – of precisely that life which “resounded” for the Greeks in the word zoë – is, on the other hand, indescribable.[16]

Zoë is Life in its immortal and transcendent aspect, and is thus representative of the pure primordial state. Zoëis the presupposition of the death drive; death exists only in relation to zoë. It is a product of life in accordance with a dialectic that is a process not of thought, but of life itself, of the zoë in each individual bios.[17]

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The other primary association of Dionysus is with the chthonic elements, and we frequently find him taking the form of snakes. According to the myth of his dismemberment by the Titans, a myth which is strongly associated with Delphi, he was born of Persephone, after Zeus, taking snake form, had impregnated her. [18] In Euripides Bacchae, Dionysus, being the son of Semele, is a god of dark and frightening subterranean powers; yet being also the son of Zeus, he mediates between the chthonic and civilized worlds, once again playing the role of a liminal outsider that passes in transit from one domain to another.[19] Through his association with natural forces, a description of his temple has been left to us by a physician from Thasos: “A temple in the open air, an open air naos with an altar and a cradle of vine branches; a fine lair, always green; and for the initiates a room in which to sing the evoe.”[20] This stands in direct contrast to Apollo, who was represented by architectural and artificial beauty. Likewise his music was radically different to that of Apollo’s; “A stranger, he should be admitted into the city, for his music is varied, not distant and monotone like the tunes of Apollo’s golden lyre”. (Euripides Bacchae 126-134, 155-156)[21]

Both Gods were concerned with the imagery of life, art, and as we shall see soon, the sun. Moreover, though their forces were essentially opposite, they two Gods were essentially representative of two polarities for the same force, meeting occasionally in perfect balance to reveal an unfolding Hegelian dialectic that was the creative process of life itself and the esoteric nature of the solar path, for just as Dionysus was the chthonic deity (and here we intentionally use the word Chthon instead of the word Gē  – Chthon being literally underworld and Gē being the earth or ground) and Apollo was a Solar deity; but not the physical aspect of the sun as a heavenly body, this was ascribed by to the god Helios instead. Rather Apollo represented the human aspect of the solar path (and in this he is equivalent to the Vedic deity Savitar), and its application to the mortal realm; rather than being the light of the sky, Apollo is the light of the mind: intellect and creation. He is as bright as Dionysus is dark – in Dionysus the instinct, the natural force of zoë is prevalent, associated with the chthonic world below ground because he is immortal, his power normally unseen. He rules during Apollo’s absence in Hyperborea because the sun has passed to another land, the reign of the bright sun has passed and the time of the black sun commences – the black sun being the hidden aspect of the solar path, represented by the departure of Apollo in this myth.

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Apollo is frequently mentioned in connection to Dionysus in Greek myth. Inscriptions dating from the third century B.C., mention that Dionysos Kadmeios reigned alongside Apollo over the assembly of Theben gods.[22] Likewise on Rhodes a holiday called Sminthia was celebrated there in memory of a time mice attacked the vines there and were destroyed by Apollo and Dionysus, who shared the epithet Sminthios on the island.[23] They are even cited together in the Odyssey (XI 312-25), and also in the story of the death of Koronis, who was shot by Artemis, and this at Apollo’s instigation because she had betrayed the god with a mortal lover.[24] Also, the twin peaks on Parnassos traditionally known as the “peaks of Apollo and Dionysus.”[25] Their association and worship however, was even more closely entwined at Delphi, for as Leicester Holland has perceived:

(1) Dionysus spoke oracles at Delphi before Apollo did; (2) his bones were placed in a basin beside the tripod; (3) the omphalos was his tomb. It is well known, moreover, that Dionysus was second only to Apollo in Delphian and Parnassian worship; Plutarch, in fact, assigns to Dionysus an equal share with Apollo in Delphi[26]

A Pindaric Scholiast says that Python ruled the prophetic tripod on which Dionysus was the first to speak oracles; that then Apollo killed the snake and took over.[27] The association of Apollo and Dionysus in Delphi, moreover, was not limited to their connection to the Delphic Oracle. We also find this relationship echoed in the commemoration of the Great flood which was celebrated each year at a Delphian festival called Aiglē, celebrated two or three days before the full moon of January or February, at the same time as the Athenian Anthesteria festival, the last day of which was devoted to commemorating the victims of the Great Flood; this was the same time of the year when Apollo was believed at Delphi to return from his sojourn among the Hyperboreans. Moreover, Dionysus is said to have perished and returned to life in the flood.[28] Apollo’s Hyperborean absence is his yearly death – Apollonios says that Apollo shed tears when he went to the Hyperborean land; thence flows the Eridanos, on whose banks the Heliades wail without cease; and extremely low spirits came over the Argonauts as they sailed that river of amber tears.[29]

This is the time of Dionysus’ reign at Delphi in which he was the center of Delphic worship for the three winter months, when Apollo was absent. Plutarch, himself a priest of the Pythian Apollo, Amphictyonic official and a frequent visitor to Delphi,  says that for nine months the paean was sung in Apollo’s honour at sacrifices, but at the beginning of winter the paeans suddenly ceased, then for three months men sang dithyrambs and addressed themselves to Dionysus rather than to Apollo.[30] Chthonian Dionysus manifested himself especially at the winter festival when the souls of the dead rose to walk briefly in the upper world again, in the festival that the Athenians called Anthesteria, whose Delphian counterpart was the Theophania. The Theophania marked the end of Dionysus’ reign and Apollo’s return; Dionysus and the ghosts descended once more to Hades realm.[31] In this immortal aspect Dionysus is very far removed from being a god of the dead and winter; representing instead immortal life, the zoë, which was employed in Dionysian cult to release psychosomatic energies summoned from the depths that were discharged in a physical cult of life.[32]

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Dionysus is the depiction of transcendent primordial life, life that persists even during the absence of Apollo (the Sun) – for as much as Apollo is the Golden Sun, Dionysus is the Black or Winter Sun, reigning in the world below ground whilst Apollo’s presence departs for another hemisphere, dead to the people of Delphi, the Winter Sun reigns in Apollo’s absence. Far from being antagonistic opposites, Apollo and Dionysus were so closely related in Greek myth that according to Deinarchos, Dionysus was killed and buried at Delphi beside the golden Apollo.[33] Likewise, in the Lykourgos tetralogy of Aischylos, the cry “Ivy-Apollo, Bakchios, the soothsayer,” is heard when the Thracian bacchantes, the Bassarai, attacks Orpheus, the worshipper of Apollo and the sun. The cry suggests a higher knowledge of the connection between Apollo and Dionysus, the dark god, whom Orpheus denies in favour of the luminous god. In the Lykymnios of Euripides the same connection is attested by the cry, “Lord, laurel-loving Bakchios, Paean Apollo, player of the Lyre.”[34] Similarly, we find anotherpaean by Philodamos addressed to Dionysus from Delphi: “Come hither, Lord Dithyrambos, Backchos…..Bromios now in the spring’s holy period.”[35] The pediments of the temple of Apollo also portray on one side Apollo with Leto, Artemis, and the Muses, and on the other side Dionysus and the thyiads, and a vase painting of c.400 B.C. shows Apollo and Dionysus in Delphi holding their hands to one another.[36]

An analysis of Nietzsche’s philosophy concerning the role of Apollo and Dionysus in Hellenic myth thus reveals more than even a direct parallel. Not only did Nietzsche comprehend the nature of the opposition between Apollo and Dionysus, he understood this aspect of their cult on the esoteric level, that their forces, rather than being antagonistic are instead complementary, with both Gods performing two different aesthetic techniques in the service of the same social function, which reaches its pinnacle of development when both creative processes are elevated in tandem within an individual. Nietzsche understood the symbolism of myths and literature concerning the two gods, and he actually elaborated upon it, adding the works of Schopenhauer to create a complex philosophy concerning not only the interplay of aesthetics in the role of the creative process, but also the nature of the will and the psychological process used to create a certain type, which is exemplified in both his ideals of the Ubermensch and the Free Spirit. Both of these higher types derive their impetus from the synchronicity of the Dionysian and Apollonian drives, hence why in Nietzsche’s later works following The Birth of Tragedy only the Dionysian impulse is referred to, this term not being used to signify just Dionysus, but rather the balanced integration of the two forces. This ideal of eternal life (zoë) is also located in Nietzsche’s theory of Eternal Reoccurrence – it denies the timeless eternity of a supernatural God, but affirms the eternity of the ever-creating and destroying powers in nature and man, for like the solar symbolism of Apollo and Dionysus, it is a notion of cyclical time. To Nietzsche, the figure of Dionysus is the supreme affirmation of life, the instinct and the will to power, with the will to power being an expression of the will to life and to truth at its highest exaltation – “It is a Dionysian Yea-Saying to the world as it is, without deduction, exception and selection…it is the highest attitude that a philosopher can reach; to stand Dionysiacally toward existence: my formula for this is amor fati”’[37]  Dionysus is thus to both Nietzsche and the Greeks, the highest expression of Life in its primordial and transcendent meaning, the hidden power of the Black Sun and the subconscious impulse of the will.

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Endnotes:

[1]James I. Porter, The Invention of Dionysus: An Essay on the Birth of Tragedy, (California: Stanford University Press, 2002), 40

[2]Rose Pfeffer, Nietzsche: Disciple of Dionysus, (New Jersey: Associated University Presses, Inc. 1977), 31

[3] Ibid.,31

[4] Ibid., 51

[5] James I. Porter, The Invention of Dionysus: An Essay on the Birth of Tragedy, 50-51

[6] Ibid., 221

[7] Ibid., 205-206

[8] Rose Pfeffer, Nietzsche: Disciple of Dionysus, 114

[9] Ibid, 113

[10] James I. Porter, The Invention of Dionysus: An Essay on the Birth of Tragedy, 82

[11] Rose Pfeffer, Nietzsche: Disciple of Dionysus, 32

[12] James I. Porter, The Invention of Dionysus: An Essay on the Birth of Tragedy, 99

[13]Dora C. Pozzi, and John M. Wickerman, Myth & the Polis, (New York: Cornell University 1991), 36

[14]Rose Pfeffer, Nietzsche: Disciple of Dionysus,  126

[15] Carl Kerényi, Dionysos Archetypal Image of Indestructible Life, (New Jersey: Princeton university press,  1996), xxxxi

[16] Ibid., xxxxv

[17] Ibid., 204-205

[18] Joseph Fontenrose, Python: A Study of Delphic Myth and its Origins (Berkeley: University of California Press, 1980), 378

[19]Dora C. Pozzi, and John M. Wickerman, Myth & the Polis,  147

[20]Marcel Detienne, trans. Arthur Goldhammer Dionysos At Large, (London: Harvard Univeristy Press 1989), 46

[21]Dora C. Pozzi, and John M. Wickerman, Myth & the Polis,   144

[22] Marcel Detienne, trans. Arthur Goldhammer Dionysos At Large, 18

[23] Daniel E. Gershenson, Apollo the Wolf-God in Journal of Indo-European Studies, Mongraph number 8 (Virginia: Institute for the Study of Man 1991), 32

[24]Carl Kerényi, Dionysos Archetypal Image of Indestructible Life, (New Jersey: Princeton university press,  1996), 103

[25] Dora C. Pozzi, and John M. Wickerman, Myth & the Polis,  139

[26] Joseph Fontenrose, Python: A Study of Delphic Myth and its Origins (Berkeley: University of California Press, 1980), 375

[27] Ibid., 376

[28]Daniel E. Gershenson, Apollo the Wolf-God in Journal of Indo-European Studies, Monograph number 8, 61

[29] Joseph Fontenrose, Python: A Study of Delphic Myth and its Origins (Berkeley: University of California Press, 1980), 387

[30] Ibid., 379

[31] Ibid., 380-381

[32] Ibid., 219

[33] Ibid., 388

[34] Carl Kerényi, Dionysos Archetypal Image of Indestructible Life, (New Jersey: Princeton university press,  1996), 233

[35] Ibid.,217

[36] Walter F. Otto, Dionysus: Myth and Cult, (Dallas: Spring Publications, 1989) 203

[37] Rose Pfeffer, Nietzsche: Disciple of Dionysus,  261

vendredi, 05 mai 2017

NIETZSCHE’S ENLIGHTENMENT

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NIETZSCHE’S ENLIGHTENMENT

The German philosopher is not the proto-postmodern relativist some have mistaken him for.

Since his death in 1900, the philosopher Friedrich Nietzsche has had the unfortunate distinction of being blamed for three catastrophes to have befallen Western civilisation. He was blamed for the First World War, when his inflammatory and bellicose writing became cult reading not only for Europe’s restless youth, yearning for blood sacrifice at the beginning of the 20th century, but also for a German military class adjudged to have initiated that catastrophe.

As if being charged for one world war wasn’t bad enough, Nietzsche was also blamed for the Second World War, with his talk of superior ‘Supermen’ [Übermenschen] crushing the ‘decadent’ and ‘weak’ selectively appropriated by Hitler and the Nazis. This was despite the fact that Nietzsche loathed German nationalism and especially despised anti-Semites for their pathetic resentment.

And thirdly, in the past 50 years, Nietzsche has been blamed for a more silent disaster: the rise of relativism and the idea that there is no such thing as objective truth. Seldom now, especially in academia, do you now read the word ‘truth’ written without those doubting – and even contemptuous – inverted commas. One of the most resilient doctrines of our times is that all knowledge depends on who is saying it and for what motive. This relativism is invariably traced back to Nietzsche.

This is largely to do with French philosopher Michel Foucault’s rehabilitation of Nietzsche. Foucault’s writing on power and knowledge in the 1960s and 1970s, which has been widely disseminated in society ever since, drew upon quotes from Nietzsche that ‘truth’ stems from the desire for power and has no eternal objective foundation. In his landmark lectures, ‘Truth and Juridical Forms’, delivered in 1973, Foucault said of the myth of ‘pure truth’: ‘This great myth needs to be dispelled. It is this myth which Nietzsche began to demolish by showing… that behind all knowledge [savoir], behind all attainment of knowledge [connaissance], what is involved is a struggle for power. Political power is not absent from knowledge, it is woven together with it.’

I believe that it’s time that the great man and free-thinker par excellence was reclaimed by the school of the Enlightenment

When you hear cries on campus or in academic literature these days that knowledge, truth or science are but ‘white’ or ‘male’ inventions, look no further than Foucault to discover from where this rhetoric came. And because Foucault is open in his debt to Nietzsche, he helped to raise Nietzsche to his current status as the godfather of postmodernist relativism.

He has consequently been maligned as the source of our nihilist discontents. In Allan Bloom’s The Closing of the American Mind (1987), a key work in the Culture Wars, Bloom complained that Nietzsche was behind the emergent spirit of nihilism in academia, the fount of the corrosive culture of relativism eating away at the values of liberal democracy. ‘Nobody really believes in anything anymore’, wrote Bloom, ‘and everyone spends his life in frenzied work and frenzied play so as not to face the fact, not to look into the abyss. Nietzsche’s call to revolt against liberal democracy is more powerful and more radical than is Marx’s.’

Elsewhere, in Experiments Against Reality (2000), conservative commentator Roger Kimball damns ‘Nietzscheanism for the masses, as squads of cozy nihilists parrot his ideas and attitudes. Nietzsche’s contention that truth is merely “a moveable host of metaphors, metonymies and anthropomorphisms”, for example, has become a veritable mantra in comparative literature departments across the country.’ More recently, Peter Watson opened his 2014 work The Age of Nothing with the following questions on the book’s very first page: ‘Is there something missing in our lives? Is Nietzsche to blame?’

But is Nietzsche really to blame? And was he really a relativist? I would say that he isn’t and he wasn’t. I believe that it’s time that the great man and free-thinker par excellence was reclaimed by the school of the Enlightenment.

Nietzsche is often invoked favourably by relativists, or denounced by their detractors, for an infamous statement near the beginning of his 1878 work, Human, All Too Human. It reads: ‘there are no eternal facts, nor are there any absolute truths’.  Yet elsewhere in the same book he exhorts the values of ‘rigorous reflection, compression, coldness, plainness… restraint of feeling and taciturnity’. Thus spoke the real, authentic language of Nietzsche’s rational, harsh and demanding philosophy – not the lazy relativism of legend and hearsay. And the most interesting and telling thing about Human, All Too Human is that it is actually dedicated by the author to Voltaire, one of the principal propagators of the Enlightenment.

This shouldn’t surprise us. Nietzsche, after all, attacked superstition, religious dogma and uncritical, unexamined and outdated ways of thinking – just as Voltaire did. They both believed that Christianity’s god was dead. And they believed in thinking for yourself and daring to challenge the consensus. As Nietzsche later reflected: ‘Voltaire is, in contrast to all who have written after him, above all a grand seigneur of the spirit: precisely what I am, too.’ When writing Ecce Homo in the late 1880s, Nietzsche sought to resurrect the Voltairean spirit in Europe, which he felt by his times had been washed away by pessimistic Romanticism. ‘Voltaire still comprehended umanità in the Renaissance’, Nietzsche wrote, ‘the cause of taste, of science, of the arts, of progress itself and civilisation’.

In Human, All Too Human, Nietzsche in turn denounces Jean-Jacques Rousseau, the writer many claim birthed Romanticism. ‘It’s not Voltaire’s temperate nature, inclined to organising, cleansing and restructuring, but rather Rousseau’s passionate idiocies and half-truths that have called awake the optimistic spirit of revolution, counter to which I shout: “Ecrasez l’infame!” [‘crush the infamous thing!’— referencing Voltaire’s cry against superstition]. Because of him, the spirit of the Enlightenment and of progressive development has been scared off for a long time to come: let us see (each one for himself) whether it is not possible to call it back again!’

Truths were to be obtained and striven for, but they were always to be tentatively held, ready to be jettisoned when they were disproved or no longer useful

Nietzsche believed in truth, albeit of an unstable, contingent, perspectival and disposable variety. He believed in constant experimentation and argument. His Übermensch forever goes beyond and above. This is why they had to struggle, because truth was difficult but ultimately necessary to obtain through free-thinking and reason. As he wrote in Daybreak (1881): ‘Every smallest step in the field of free thinking, and of the personally formed life, has ever been fought for at a cost of spiritual and physical tortures… change has required its innumerable martyrs… Nothing has been bought more dearly than that little bit of human reason and sense of freedom that is now the basis of our pride.’ Far from being casual about truth, Nietzsche cared deeply about it. And any truth we held had to earn its keep. ‘Truth has had to be fought for every step of the way, almost everything else dear to our hearts, on which our love and our trust in life depend, had to be sacrificed to it’, he wrote later in 1888 in The Antichrist.

Nietzsche believed truths had to be earnt. He believed we had to cross swords in the struggle for truth, because it mattered so dearly, not because ‘anything goes’. We had to accept as true even that which we found intolerable and unacceptable, when the evidence proved it so. All points of view certainly are not valid. Walter Kaufmann, who began the mainstream rehabilitation of Nietzsche after the Second World War, concluded in the fourth edition of his classic Nietzsche: Philosopher, Psychologist, Antichrist (1974): ‘Nietzsche’s valuation of suffering and cruelty was not the consequence of any gory irrationality, but a corollary of his high esteem of rationality. The powerful man is the rational man who subjects even his most cherished faith to the severe scrutiny of reason and is prepared to give up his beliefs if they cannot stand this stern test. He abandons what he loves most, if rationality requires it. He does not yield to his inclinations and impulses.’

Of course our truths aren’t eternal. Times change. While Nietzsche’s quote that ‘there are no eternal facts’ has been appropriated by relativists, this statement is entirely consistent with our Popperian approach to truth today: we hold on to truths before new evidence comes along to prove otherwise. Copernicus had fathomed the truth until Galileo came along with a better one. Newton’s physics were right until Einstein supplanted them. The science of tomorrow will inevitably disprove the science of today.

Nietzsche was in the end a radical empiricist – a self-declared enemy of ideology, ideologues and people who cling dogmatically to systems, beliefs and ‘-isms’

Truths were to be obtained and striven for, but they were always to be tentatively held, ready to be jettisoned when they were disproved or no longer useful. Nietzsche wrote how contingent truths were useful for our everyday lives: ‘One should not understand this compulsion to construct concepts, species, forms, purposes, laws… as if they enable us to fix the real world; but as a compulsion to arrange a world for ourselves in which our existence is made possible. We thereby create a world which is calculable, simplified, comprehensible, etc, for us.’ Not all points of view were equally valid, because some were useful, and others were useless.

Nietzsche was in the end a radical empiricist – a self-declared enemy of ideology, ideologues and people who cling dogmatically to systems, beliefs and ‘-isms’. He deplored Kantian metaphysics for the same reason he decried Rousseau’s Romanticism: both were detached from the here and the now of real life. Both told us nothing about what was important or useful.

Truths do change with the times. Our truths are not eternal and do indeed evolve, and not all truths are ‘equally valid’. They have to prove their worth. Nietzsche put it so in a youthful letter to his sister, ‘if you wish to be a devotee of truth, then inquire’. What champion of the Enlightenment would argue with that?

Patrick West is a spiked columnist. His new book, Get Over Yourself: Nietzsche For Our Times, will be published on 1 August by Imprint Academic. Preorder it here. Follow him on Twitter: @patrickxwest

For permission to republish spiked articles, please contact Viv Regan.

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dimanche, 20 novembre 2016

Nietzsche et l’hyperphysique de la morale

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Nietzsche et l’hyperphysique de la morale

L’interrogation sur la morale est au cœur de la pensée de Nietzsche. « Je descendis en profondeur, je taraudais la base… je commençais à saper la confiance en la morale » (Aurore). La démarche de Nietzsche est une démarche de soupçon sur le pourquoi des choses. En conséquence, Nietzsche annonce qu’il faut de méfier à la fois de la morale et des moralistes. « J’ai choisi le mot d’immoraliste comme signe distinctif ou comme distinction », écrit-il dans Ecce homo.

Le rapport à la morale de Nietzsche va toutefois bien au-delà de la dimension de provocation, d’où la nécessité d’une généalogie de Nietzsche quant à la question morale. Le propos du philosophe André  Stanguennec consiste d’abord en cela : retracer l’apparition et les remaniements du thème de la morale chez Nietzsche. Il vise ensuite à étudier son traitement dans la Généalogie de la morale, cette œuvre étant vue comme l’unification de la théorie du problème moral chez Nietzsche Enfin, la troisième partie du travail de Stanguennec est consacrée à des mises en perspectives critiques d’origines diverses (Kant, Fichte, une certaine philosophie matérialiste – celle d’Yvon Quiniou), critiques présentées sous une forme dialogique.

Il faut donc effectuer un retour sur l’approche que fait Nietzsche de la morale. Nietzsche s’oppose d’abord à Socrate et à ses trois idées : 1) le savoir est condition de la vertu, 2) on ne pêche que par ignorance, 3) il est possible de chasser le mal du réel. Comment Nietzsche voit-il la question de la morale ? Sous l’angle du perspectivisme, « condition fondamentale de toute vie » (Aurore), perspectivisme d’abord humain, puis supra-humain. Il s’agit en d’autres termes de mettre en perspective les actions de chacun par rapport à son itinéraire, à ses valeurs, et cela sans référence à une morale transcendante, ni à une origine commune de celle-ci quels que soient les hommes.

aurorefn.jpgRien n’est responsabilité et tout est innocence pour Nietzsche (Humain, trop humain). Il reste la probité c’est-à-dire la rigueur et l’exigence vis-à-vis de soi-même. Quand Nietzsche dit qu’il n’y a pas de responsabilité des actes humains, en quel sens peut-on le comprendre ? En ce sens que : c’est le motif le plus fort en nous qui décide pour nous. Nous sommes agis par ce qui s’impose à nous en dernière instance : soit une force qui nous dépasse (ainsi la force de la peur qui nous fait fuir), soit une force qui nous emporte (ainsi la force de faire face conformément à l’idée que nous avons de nous-mêmes). Mais dans les deux cas, il n’y a pas de responsabilité à proprement parler.

La notion de responsabilité de l’individu est rejetée par Nietzsche pour deux raisons. L’une est qu’il ne s’agit pas pour lui de se référer à l’individu en soi. La seconde raison est que la notion de responsabilité supposerait l’univocité du sens de nos actions – univocité à laquelle Nietzsche ne croit pas. Quand Nietzsche oppose le « divisé » à « l’indivisé » qu’est l’individu (Aurore), il plaide pour un individu acceptant la division même de son être. Et c’est pour cet être et pour lui seul que se pose la question de la morale. Cette question de la morale prend ainsi sens à partir de la mort du dieu moral, le dieu des apparences, le surplombant (le Père), à partir de la mort du dieu d’amour (le Fils), et à partir de la mort du dieu devenu homme (le dieu modeste et humanisé qu’est aussi le Fils).

Loin d’être à l’origine des comportements « vertueux », la morale est pour Nietzsche une interprétation de ceux-ci a posteriori. Et une interprétation parmi d’autres. En ce sens, pour Nietzsche, cette interprétation est toujours fausse parce qu’incomplète. L’interprétation morale a posteriori nie ce qui s’est incarné dans l’acte – le flux de forces, l’énergie, la mise en perspective de soi (toujours le perspectivisme). La morale de l’intention ne dit jamais avec probité ce qui vraiment a fait advenir les actes. C’est pourquoi il y a selon Nietzsche un fondement « amoral » à une autre morale possible et souhaitable selon lui. Quelle est-elle ? Une morale en un sens plus restreint, une morale plus tranchante, avec laquelle on ne peut biaiser. « Ce qui fait le caractère essentiel et inappréciable de toute morale, répétera Nietzsche dans Par-delà bien et mal, c’est d’être une longue contrainte … c’est là que se trouve la “ nature ” et le “ naturel ” et non pas dans le laisser-aller » (paragraphe 188).

La morale est la théorie du déplacement des jouissances du monde. Qu’est-ce qui ordonne le passage d’une jouissance à une autre ? Quelle structure ? C’est là qu’est la morale selon Nietzsche, en un sens donc, à la fois étroit et ambitieux. Tout le reste est conséquence de ce questionnement ainsi formulé. Nietzsche peut être pacifiste ou belliciste en fonction de ce qui permet le mieux l’apparition d’un type humain supérieur. Il peut être pour un certain type de sélection si elle permet l’apparition d’un type d’homme supérieur, mais contre la forme actuelle du progrès donc de la sélection contemporaine : « Le progrès n’est qu’une idée moderne, donc une idée fausse », écrit Nietzsche (Antéchrist).

S’il y a une morale pour Nietzsche, elle consiste donc, exactement et strictement, à remonter aux origines des actes humains. Il faut comprendre que « le corps est une grande raison » (Zarathoustra). Il faut aussi enregistrer qu’il y a la vraie morale (c’est-à-dire l’éducation d’une contrainte par la contrainte) de ceux qui savent « digérer le réel » et la fausse morale-alibi des autres. « Un homme fort et réussi digère ses expériences vécues (faits, méfaits compris) comme il digère ses repas, même s’il doit avaler de durs morceaux » (in Généalogie de la morale). Le vouloir-lion ne se résume à aucune morale, aucun « tu dois ».

L’homme-lion ne refuse pas la douleur, à la manière de l’épicurien. Ce serait là vouloir un bouddhisme européen, une Chine européenne, une Europe devenue « Petite Chine ». L’homme-lion ne recherche pas non plus à tout prix le plaisir, à la manière du gourmand tel Calliclès (qui ne se réduit bien sûr pas à cette dimension et est notamment le fondateur de la généalogie de la morale et du droit).

L’homme-lion n’est ni masochiste (et donc certainement pas chrétien) ni hédoniste (d’où l’écart dans lequel se trouve Michel Onfray quand il défend Nietzsche au nom, à la fois, du matérialisme et de l’hédonisme). En d’autres termes, pour Nietzsche, tout « oui » à une joie est aussi un « oui » à une peine (cf. « Le chant du marcheur de nuit », in Zarathoustra, IV, paragraphe 10). « Toutes choses sont enchaînées, enchevêtrées, éprises. »

Lunatic Asylum Nietzsche by shamantrixx.jpg

La morale de Nietzsche ne consiste jamais à représenter quelque chose et surtout pas l’esthétique du sublime qu’il attribue à Kant et à Fichte. Elle consiste à présenter, à affirmer, à produire. Elle est métaphorique. André Stanguennec le montre bien : si l’anti-nihilisme de Nietzsche  est clair et net, son rapport au bouddhisme est ambivalent : sa conception du Moi comme illusion, et illusion à tenir à distance de soi-même plaît à Nietzsche. Et dans le même temps il perçoit fort bien comment un bouddhisme « épuré » psycho-physiologiquement (cf. A. Stanguennec, p. 277) pourrait rendre « vivable » le nihilisme – et même –, car Nietzsche mène toujours une analyse biface du réel – circonscrire ce nihilisme à un espace et à une population tels que d’autres horizons s’ouvrent au(x) surhomme(s). Le nihilisme servirait alors stratégiquement de bénéfique abcès de fixation à la médiocrité.

Cette nouvelle morale de Nietzsche est donc tout le contraire d’un « bouddhisme européen » (au sens de « européanisé ») consistant à « ne pas souffrir », et à « se garder » (en bonne santé). La grande santé n’est en effet pas la bonne santé. Elle est la santé toujours en conquête d’elle-même et en péril de n’être assez grande. Le bouddhisme européen est donc une fausse solution.

L’alternative n’est pas entre bouddhisme et hédonisme. La morale de Nietzsche n’est pas non plus le finalisme, qui postule qu’il faudrait se conformer à un sens déjà-là. C’est à l’homme, selon Nietzsche, de donner une valuation – une valeur dans une hiérarchie de valeurs – aux choses. Et ces valeurs sont conditionnées par leur utilité sociale. À quoi servent-elles ? Que légitiment-elles ? Voilà les questions que pose et se pose Nietzsche Ne le cachons pas : il existe un risque, au nom d’une vision « réalitaire », au nom d’une philosophie du soupçon, de croire et faire croire que l’homme n’a que des rapports d’instrumentalisation avec ce qu’il proclame comme « ayant de la valeur » pour lui. Des rapports purement stratégiques avec les valeurs : les valeurs de sa stratégie et non la stratégie de ses valeurs. « Nietzsche concède donc, écrit en ce sens André Stanguennec, qu’une part non négligeable de vérité a été découverte dans la perspective sociologique et utilitariste sur la morale » (p. 225).

Deux composantes forment la morale de Nietzsche : surmonter la compassion, surmonter le ressentiment. Il n’y a pour Nietzsche  jamais de fondement de la morale mais toujours une perspective. Cette perspective est ce qui permet au fort de rester fort. Il s’ensuit que ce qui met en perspective la morale de chacun se distribue selon Nietzsche en deux registres : morale des faibles et  morale des forts. Le terme « morale » n’est au demeurant pas le meilleur. Il s’agit – et le mot dit bien la brutalité dont il est question – d’un fonctionnement. Morale des faibles : elle se détermine par rapport à l’autre; le jugement (attendu et redouté en même temps) des autres précède l’action qui n’est qu’une réaction. Morale des forts : le sentiment de soi prévaut sur le sentiment de l’autre ou des autres; l’action s’en déduit, le jugement – qui est un diagnostic en tout état de cause sans repentir – intervient après l’action. Pour le fort, il ne saurait y avoir de faute puisqu’il ne saurait y avoir de dette vis-à-vis d’autrui. Il peut juste y avoir un déficit du surmontement de soi par soi, c’est-à-dire une mise en défaut de la volonté de puissance.

Ce qui est moral pour Nietzsche c’est de vouloir la multiplicité infinie des perspectives. Nietzsche s’oppose donc aux philosophes ascétiques, adeptes d’une volonté de puissance à l’envers, et dont le mot d’ordre est de « vouloir le rien » (attention : la volonté de néant des ascétiques ne se confond pas avec le bouddhisme, volonté du néant de la volonté – « ne rien vouloir »). Ensuite, contrairement à Kant, Nietzsche refuse la distinction entre l’apparence des choses et les choses en soi. Pour Nietzsche, la référence de la morale, c’est le monde comme totalité inconditionnée, totalité ni surplombante ni substantielle mais parcourue par les volontés de puissance qui sont comme les flux du vivant.

friedrich_nietzsche_by_gpr117.jpgNietzsche tente de dépasser la question du choix entre l’infinité ou la finitude du monde. Il tente de la dépasser par un pari sur la joie et sur la jubilation. C’est en quelque sorte la finitude du monde  corrigée par l’infinité des désirs et des volontés de puissance. La physique de Nietzsche est peut-être ainsi non pas une métaphysique – ce qui est l’hypothèse et la critique de Heidegger – mais une hyperphysique.

Cette hyperphysique nietzschéenne du monde consiste en l’impossibilité d’une morale du « moi ». Le « moi » renvoie à l’idée d’un dieu unique qui serait le créateur du « moi » comme sujet. Or, Nietzsche substitue au « moi » un « soi » comme « grande raison » du corps (Zarathoustra). Le dernier mot de la morale est alors la même chose que la vision de soi acceptée comme ultime. Nietzsche nous délivre sa vision : « Je ne veux pas être un saint … plutôt un pitre » (Ecce homo). Toutefois c’est une saillie marginale que cette remarque de Nietzsche. Ce qui est bien pour Nietzsche, c’est d’être soi, c’est d’approfondir non sa différence aux autres, mais son ipséité, c’est se référer non aux autres mais à soi. Nietzsche rejoint Fichte quand celui-ci précise : « Ce que l’on choisit comme philosophie dépend ainsi de l’homme que l’on est » (Première introduction à la doctrine de la science, 1797).

Ainsi, il n’y a pas pour Nietzsche de vrai choix possible d’une philosophie ou d’une morale : « Nos pensées jaillissent de nous-mêmes aussi nécessairement qu’un arbre porte ses fruits » (Généalogie de la morale, avant-propos). S’il n’y a pas de vrai choix, il n’y a pas pour autant de transparence. Nietzsche affirme : « Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, nous ne pouvons faire autrement que de nous prendre pour autre chose que ce que nous sommes » (Généalogie de la morale). Étrange platonisme inversé que celui que développe Nietzsche. Car dans sa perspective, notre possibilité d’être, et notre force d’être elle-même, repose sur l’acceptation et même sur le pari de notre inauthenticité, de notre être-devenir « à côté de nous-mêmes ». Et c’est un autre problème, au-delà du travail de Stanguennec, que de savoir si cette position est tenable.

dimanche, 30 octobre 2016

Bruno Favrit, Vitalisme et vitalité

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Bruno Favrit, Vitalisme et vitalité

(Editions du Lore, 2006)

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

brunofavrit.jpgIl est parfois bon de parcourir les bibliothèques d’autrui. Ainsi, c’est en explorant une bibliothèque où le paganisme et les traditions d’Europe ont bonne place que je tombai par « hasard » sur une brochure du nom de Présence Païenne. Son auteur, Bruno Favrit, sans jouir (hélas) de la renommé d’un Jean Mabire ou d’un Christopher Gérard, n’est pas un inconnu et encore moins un débutant.

Collaborateur à la décapante revue non-conforme Réfléchir & Agir, Bruno Favrit compte une quinzaine d’ouvrages à son actif, principalement des essais sur le paganisme et des romans. En fin connaisseur de la Grèce antique – particulièrement de l’œuvre de Platon – et de la philosophie de Friedrich Nietzsche, l’auteur synthétisait dans la brochure susnommée une vision solaire du paganisme traversée par un vitalisme bienvenu en ces temps moroses d’apathie existentielle et de nihilisme. Quelle ne fut pas ma surprise et ma joie lorsque je découvris que Bruno Favrit avait précisément consacré un ouvrage à la question du vitalisme, et pas n’importe lequel: celui de la Grèce antique. Vitalisme et Vitalité, c’est donc son nom, est un essai dont la lecture devenait par conséquent indispensable…

« La Grèce comme creuset de la civilisation occidentale est un fait avéré […] Son vitalisme se tient là, dans le champs de tous les possible. C’est ce que nous proposons de méditer à une époque où la sclérose, la limitation, la législation n’ont jamais été aussi pesantes ». Redécouvrir des racines enfouies au plus profond de nous-mêmes à une heure où, justement, plus rien ne doit avoir de racines, ni de sens, où l’existence de chacun se résume à un parcours linéaire allant d’un point A à un point B. Nous autres Européens avons la chance de pouvoir puiser le vitalisme nécessaire quant à notre sauvegarde dans nos nombreuses traditions et cultures : c’est pourquoi nous incarnons la diversité dans l’unité. Néanmoins, la racine prépondérante de notre civilisation Européenne est incontestablement la Grèce antique (« Tout est parti de la Grèce ») qui fut un point de départ pour des domaines tels que l’Art, la Philosophie (qu'elle soit tournée vers la métaphysique ou le politique), la Religiosité et le Sacré, la Science, etc. C’est ce que propose d’étudier la première partie de cet essai.

Il y aurait énormément de chose à dire sur ce berceau civilisationnel que fut la Grèce antique. Nous l’avons dit plus haut : son influence est prépondérante. Or, il s’agit ici d’un essai et non d’une étude universitaire, l’excellente connaissance du sujet conjugué à un esprit de synthèse s’imposent donc. Heureusement, Bruno Favrit manie les deux parfaitement et la lecture de Vitalisme et Vitalité n'en est que plus agréable. Dans la sous-partie « La tradition et les idées » l’auteur développe les thèmes des dieux, des mythes et des différentes écoles de philosophie présocratique avec des figures telles Pythagore, Anaxagore, Parménide, Héraclite et post-Socratique en la figure de Platon. Bien que cité de nombreuses fois, on regrettera cependant l’absence d’une partie consacrée à Aristote, philosophe, au coté de son maître Platon, d’une importance et d’une influence pourtant capitale…

La mythologie et la religiosité des anciens grecs sont bien entendu à l’honneur. En bon nietzschéen, Bruno Favrit nous gratifie même d’une partie dédiée à Dionysos, expression d’une autre facette du vitalisme européen, celui là-même que le christianisme, poison de l’âme européenne, n’a cessé de diaboliser. D’autres grands thèmes sont pareillement étudiés lors de cette première partie (à savoir les mœurs et l’éducation à Sparte, l’expérience de la guerre et l’expérience métaphysique) dont nous pourrions en résumer la quintessence via la citation suivante : « L’union et la volonté comme moteur de l’action, c’est donc la leçon que nous donne la Grèce. Elle n’appelle pas seulement à ce que l’homme tende à s’identifier aux dieux, mais à ce que la société toute entière s’organise autour de cette idée, davantage du reste qu’une idée : une interprétation du monde. »

La deuxième partie de l’ouvrage, « De l’homme empêché à l’homme vitalisé », se veut être « le constat d’une déréliction, ses causes et ses effets, et une relecture du monde à travers le prisme vitaliste ». Sont désignés par l’essayiste comme ennemis de l’être et, en ce qui nous intéresse, de l’être européen: l’idéologie du progrès, les monothéismes, l’eudémonisme, le règne de l’Opinion, l’irénisme et l’égalitarisme. L'auteur revient également sur la notion capitale à ses yeux (et nous souscrivons entièrement à son point de vue): le Mythe. Mythos qu’il oppose au Logos. Les mythes, les légendes, et les contes font partie intégrale de notre identité d’Européens, un auteur comme Robert Dun s’attachait particulièrement à ces derniers. Nous avons ici matière à inspirer nos vies et la jeunesse. Plutôt Siegfried et Héraclès qu’Iron Man et Captain America !

Vitalisme et Vitalité de Bruno Favrit est un essai roboratif, loin de la lourdeur des écrits académiques et de celle du « dernier homme », emprunt de poésie parfois, chose normale pour ce lecteur de Nietzsche ! Ils sont d’ailleurs nombreux aujourd’hui à remettre au goût du jour cette philosophie vitaliste (voir Rémi Soulié et son Nietzsche ou la sagesse dionysiaque). Le renouveau vitaliste sera une étape majeure quant aux retrouvailles avec notre être européen, cette fameuse « âme européenne ». Notre imago mundi est certes politique mais elle est aussi métaphysique, et cette métaphysique se doit d'être vitaliste, c’est à dire « plus que vie ». L’essai de Bruno Favrit est un appel. Espérons qu’il sera entendu !

Donatien/C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

Pour commander l'ouvrage:

http://www.ladiffusiondulore.fr/documents-essais/24-vital...

dimanche, 16 octobre 2016

Bruno Favrit répond au questionnaire de la "Nietzsche Académie"

Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com

Bruno-Favrit.jpgRéponses de l'écrivain nietzschéen Bruno Favrit (link) au questionnaire de la Nietzsche académie. Bruno Favrit est l'auteur d'une biographie sur Nietzsche aux éditions Pardès (2002).

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Bruno Favrit - A quinze ans, j'ai découvert ''Ainsi parlait Zarathoustra'' et j'ai senti toute la puissance qui se tenait dans ces pages. Bien entendu, l'adolescent est plus prompt à s'enthousiasmer du moins je veux encore y croire, dans ce monde où la culture se traduit par une offre débridée et quasi illimitée dont la qualité n'est pas la partie émergente. Mais le signe que Nietzsche est une valeur sûre, c'est que trente ans après, je peux le retrouver avec le même étonnement, les mêmes battements de cœur. Je ne peux en dire autant d'auteurs qui ont illuminé ma jeunesse mais qui ont depuis nettement perdu leur pouvoir.

BF-1.jpgN.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

B.F. - ''Le Crépuscule des idoles'' me semble une bonne entrée en matière. D'ailleurs, dans ''Ecce homo'', à propos de ce livre, Nietzsche a cette confidence : « C'est une exception parmi mes livres. Il n'y en a pas de plus substantiel, de plus indépendant, de plus révolutionnaire, de plus méchant [...] qu'on commence par lire cet écrit.». Et, contrairement à ce que j'ai fait, il faudrait presque terminer par le ''Zarathoustra''. Car il est formidablement crypté et il convient d'avoir côtoyé Nietzsche pour en goûter toute la substance hauturière. Entre ces deux, il ne faudrait rien négliger. On doit savoir que ses livres ont été composés sans véritable espoir qu'ils passent avant longtemps à la postérité. Conscient qu'il ne s'adressait qu'à une minorité, Nietzsche, qui a fini par s'éditer à compte d'auteur, ne s'est pas découragé, même s'il a quelquefois songé à s'orienter vers la poésie ou la musique. Je pense qu'il était conscient de la puissance de ses écrits. Il croyait en lui. Tout l'avantage de sa pensée est dans ce qu'il n'eut pas à la diluer pour complaire à un éditeur, aux critiques ou à un cénacle.

N.A. - Être nietzschéen, qu'est-ce que cela veut dire ?

B.F. - D'abord apprendre à penser par soi-même. Se doter d'une certaine forme de misanthropie  en tout cas ne point trop s'illusionner sur l'homme. Ensuite, s'obliger à affronter l'adversité et la bêtise sans se laisser étouffer par trop de compassion. C'est déjà beaucoup. Quand j'ai publié ma biographie sur Nietzsche, on m'a reproché d'en avoir restitué une image païenne. Mais je ne vois pas comment j'aurais pu en faire une autre lecture. Il encourageait la danse, la divagation sur les sommets en compagnie des ménades. Quant au Galiléen... on sait bien ce qu'il en pensait.

BF-2.jpgN.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

B.F. - Je pourrais me défiler en disant qu'il n'appartient à aucune idéologie mais il faut tout de même noter que Nietzsche goûtait peu les ''socialistes'' qui montraient, selon lui, de profondes similitudes avec les chrétiens. Son attitude essentiellement aristocratique ne devrait pas nous faire penser que, s'il revenait en ce monde, il prendrait le parti de ceux qui ont renoncé à défendre les ouvriers pour se consacrer aux exclus, aux malades, brefs à ceux qu'ils ont tellement assistés et pommadés qu'ils ont tué en eux toute velléité de résistance. Si Nietzsche a pu être ''de gauche'', il y a bien longtemps.

N.A. - Quels auteurs sont nietzschéens ?

B.F. - Je vais certainement en oublier. Mais il me semble évident que des figures comme Montherlant ou Drieu lui doivent énormément. Cioran, est son fils spirituel. A l'étranger : Hamsun, Pessoa, Jünger, Henry Miller, Mishima... Quant à dénicher d'authentiques nietzschéens en ce début de siècle, c'est bien difficile. Peut-être Naipaul, Gòmez Dàvila et, par chez nous, le sociologue Michel Maffesoli qui prédit le retour de Dionysos. En revanche, si le nietzschéisme d'Onfray n'est pas une imposture, cela y ressemble fort.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ?

B.F. - Les spécialistes n'ont pas fini de soupeser et de se prononcer sur cette notion. Il suffit pourtant de lire le Zarathoustra, même si son aspect parabolique peut dérouter. Le Surhomme, c'est celui qui vient se mettre au contact des hommes ceux de la place du marché  et qui, effrayé par tant d'inanité, s'en retourne sur les hauteurs. Il peut s'agir aussi de Dionysos reconceptualisé et infiniment libre et libéré si l'on conserve la majuscule. Pour moi, plus ''trivialement'', le surhomme est déjà celui qui sait « conserver la joie d'être son propre maître » (pour reprendre une formule de ''Humain, trop humain''). Lorsque l'ermite de Sils Maria écrit « mes livres ne parlent que de victoires remportées sur moi-même », il participe de sa tentative de s'ériger en surhomme. A ce sujet, je me suis fait cette réflexion : Nietzsche a été malade la majeure partie de sa vie au point qu'il a dû s'arrêter d'enseigner. Ce qui ne l'a pas empêché de donner par la suite une tonifiante leçon de vie et de grande santé à ses semblables. Comme quoi la maladie a du bon lorsqu'elle frappe des ''surhommes''. Il est préférable pour nous que le père de ''Zarathoustra'' ait éduqué le monde plutôt que la centaine d'étudiants de l'université de Bâle.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

B.F. - « Qui n'est pas un oiseau ne doit pas se risquer au-dessus des abîmes. » (Zarathoustra II - Des sages célèbres.)

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jeudi, 08 septembre 2016

Zoroastrismo, modernidad y Nietzsche

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Zarathustra par Nicolas Roerich (1931)

Zoroastrismo, modernidad y Nietzsche

Ex: http://hiperbolajanus.com

Irán es un país lejano, tanto en el ámbito geográfico como en aquel de las mentalidades, y más respecto a un Occidente moderno totalmente carente de empatía hacia cualquier realidad que sobrepase el marco de «valores» y mentalidades convencionalmente aceptados. En el contexto de la geopolítica mundial atlantista Irán representa uno de los males absolutos a abatir, al que combatir con toda clase de armas, desde la desinformación y la propaganda negra hasta la difamación y las visiones más grotescas. La revolución islámica de Jomeini cambió las perspectivas de Occidente respecto a este país, especialmente en el momento en el que dejó de ser un títere de los americanos para recuperar la integridad de su soberanía. Pero más allá de estos conflictos y visiones de nuestros días, ¿qué sabemos realmente de Irán? ¿Qué sabemos de su sistema de creencias más allá de la fe islámica ahora dominante sobre un extenso territorio y casi 80 millones de habitantes? Hoy nos gustaría destacar la importancia de ciertas creencias preislámicas que, desarrolladas en suelo iranio, han tenido una importancia, que no conviene infravalorar, en la configuración de las grandes religiones monoteístas.

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En primer lugar, habría que reconocer a este extenso país el mérito de haber sido el origen del sincretismo y sistematización de algunos conceptos que son parte inestimable de las grandes religiones abrahámicas, y entre los elementos más destacables están la articulación de un sistema dualista a nivel cosmológico, religioso y ético o de los valores de las grandes religiones del desierto. No en vano, de estas concepciones dualistas surgió la idea del «bien» y del «mal» que forman parte del juicio moral que estas concepciones religiosas hacen del mundo, y son parte inextricable de su cosmovisión. Otros mitos recurrentes y asociados a formas de profetismo, así como la idea de resurrección de los muertos encontraron también sus primeras teorizaciones en tierras iranias. Sin embargo, cuando buscamos el origen de estas ideas y su formulación doctrinal el enigma y el misterio vuelve a aparecer ante nosotros, y en este caso la figura de Zoroastro o Zaratustra se nos presenta como una incógnita que entre el mito, la leyenda y la realidad, pero frente al cual ciertos especialistas en la religión y espiritualidad iranias tratan de arrojar algo de luz: por un lado se habla de un Zaratustra histórico y vinculado a una función revolucionaria, como reformador de las concepciones religiosas y espirituales de los pueblos iranios. Otra vertiente duda de la función de profeta e historicidad de la figura de Zaratustra para destacar aquello que éste representa desde la perspectiva de las creencias espirituales de los antiguos pueblos de Irán.
 
Más allá del debate historiográfico acerca de la veracidad histórica del personaje, su función arquetípica dentro de un universo simbólico y espiritual es inestimable. Algunos han fechado su existencia entre el 1000 y el 600 a,c, aunque se ha podido concretar que pudo vivir entre el 628 y el 551 a.c y se dice que pudo vivir en el este de Irán, probablemente en Jorasmia o Bactriana. Según la tradición fue zaotar, que se correspondería con la figura de un sacerdote sacrificador, vinculado a la ejecución de los ritos, y cantor, y sus escritos sagrados, sus gathas, se inscribirían en una vieja tradición indoeuropea vinculada a la poesía sagrada. Pertenecía al clan Spitama, de criadores de caballos y su padre se llamaba Purusaspa. Se sabe que Zaratustra estuvo casado y que tuvo dos hijos, de los que incluso se conocen los nombres. El contexto en el que Zaratustra difundió su mensaje era el de una Comunidad sedentaria de pastores, fuertemente pertrechada por valores étnico-religiosos y sacerdotales, en la que nuestro Profeta representó un factor revolucionario desde el punto de vista espiritual al poner en duda a las autoridades sacerdotales, y de hecho en su ataque a esta casta saderdotal invocó a Ahura Mazda, a la divinidad tribal. Como consecuencia de estos ataques a la ortodoxia religiosa vigente, Zaratustra se vio obligado a huir de la Comunidad y refugiarse en los dominios de otro grupo tribal, de la tribu Fryana, donde consiguió convencer y convertir a su nueva fe al jefe de la tribu, Vishtaspa, que, desde ese momento, se convertiría en su principal valedor y protector. Sin embargo, sus enemigos continuaron en su empeño de defenestrarle, tanto a él como a su familia. En los gathas también se conserva el testimonio de las actividades misioneras de Zaratustra, de la extensión de su palabra y de los numerosos adeptos y discípulos que se agruparon en torno a él. Este texto sagrado, que refleja un sentido de la existencia sobrio, tono pedreste o la sequedad en la narración, también refleja las enseñanzas zoroastrianas bajo la forma de las parábolas, o enseñanzas a través de las que se trazan una particular cosmovisión del mundo, donde el castigo a los malvados y la recompensa a los virtuosos es una constante. Al mismo tiempo hechos milagrosos y relatos mitológicos van generando una aureola mística y salvífica del personaje, quien representa la luz sobrenatural del bien en su grado excelso frente al mal absoluto de los demonios.
 
Se ha vinculado a Zaratustra a las experiencias y técnicas empleadas por los chamanes y el uso de alucinógenos y otros estimulantes, algo que se ha contrastado históricamente entre los indo-iranios por otros pueblos coetáneos como fueron los escitas o los indios, y que en teoría habrían inspirado sus profecías, que le habrían sido transmitidas directamente por Ahura Mazda. La particularidad de esta revelación divina es que deja a la libre elección del hombre la elección del bien y el mal, y su ejercicio depende enteramente de la voluntad humana, abandonada a su libre albedrío. De modo que existe la posibilidad de que el hombre acepte el camino correcto, el que dirige a la regeneración en lo primordial, como la vía contraria, la que hunde al hombre en el envilecimiento del mal. Tanto el bien como el mal tienen su origen en Ahura Mazda, pero éste trasciende toda contradicción al acoger todas las opciones en su seno, y parece indicar que la aparición del mal estaría directamente relacionada con la condición previa de la libertad humana. Al mismo tiempo Zaratustra se opuso a una serie de ritos orgiásticos y sacrificios cruentos y otros excesos que formaban parte de la liturgia tradicional de los pueblos indo-iranios. Paralelamente en la reformulación de las antiguas tradiciones étnicas, Zaratustra trató de otorgarles un nuevo valor, y con ello revigorizarlas. Otro de los elementos que aparece en este contexto de reforma es el viaje de los muertos y la idea de juicio al final de los tiempos, un elemento especialmente recurrente en la escatología cristiana, donde los justos serán salvados y admitidos en el paraíso, mientras que los malvados formarán parte de la casa del Mal.
 
El fin último de Zaratustra no era otro que transformar la existencia, probablemente ante la idea de un inminente fin de los tiempos, y la idea de renovación, la cual tendría lugar a través de la intermediación directa de Ahura Mazda, quien representa un modelo de bondad, santidad y omnipotencia que sus adeptos deben tomar como modelo al representar éste el bien frente al mal, que sería identificado con la antigua religión. La división entre buenos y malos es lo que desemboca en una visión dualista del mundo que define dos cosmovisiones antagónicas y enfrentadas, tanto a nivel cósmico como antropológico, y una forma particular de ser y estar en el mundo.
 
Finalmente, y según nos cuentan las fuentes, Zaratustra murió asesinado a la edad de 77 años a manos del turanio Bratvarxsh en un templo del fuego. En algunas fuentes tardías se dice que los asesinos se disfrazaron de lobos, que representaban simbólicamente a las sociedades de hombres vinculadas a las antiguas tradiciones iranias, a las que Zaratustra identificaba con el Mal.
 
Hay muchos más elementos de análisis que podríamos comentar, pero que dada la naturaleza de nuestro texto no vamos a profundizar en ellos. No obstante, es importante apuntar la existencia de elementos de reflexión muy profundos, de naturaleza filosófica, y el conocimiento de la doctrina y teología de la antigua tradición indo-irania.
 

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Las referencias que tenemos en el presente del Zoroastrismo y su fundador están muy mediatizadas por el uso que el filósofo alemán Friedrich Nietzsche hizo de su figura, al que, paradójicamente, convirtió en una especie de apóstol o profeta de sus propias enseñanzas. Zaratustra proporcionó una multitud de elementos, mitos y doctrinas que, ulteriormente, servirían de vehículo de expresión, hasta llegar al terreno de los mitos, y en el ámbito teológico, para el desarrollo de las grandes religiones monoteístas, y en concreto del cristianismo, que fue precisamente la máxima expresión de la moral del rebaño, de la desfiguración y falsificación de la existencia a manos de los sacerdotes, a los que también se enfrentó el propio Zaratustra en su momento. Sin embargo, Nietzsche no buscaba moralizar el mundo, sino más bien destruir las categorías morales bajo las cuales se pretendía enmascarar la naturaleza y la Verdad, y enfrentar al hombre a sus propios miedos y al mismo abismo de la vida, en toda la magnitud de su crudeza. Zaratustra era el hombre solitario, acompañado de sus animales heráldicos, el águila y el león, que vive en una cueva, apartado del mundo, y que para transmitir su mensaje a la humanidad, su mensaje de superación, renovación y transfiguración, tiene que volver entre los hombres, y enfrentarse a sus miserias, a sus vilezas y mediocridades.
 
Zaratustra se convierte en el vehículo de los grandes conceptos de la doctrina nietzscheana, desde la voluntad de poder, el superhombre o la idea de transvaloración, y lo hace transformando la esencia de las ideas que, históricamente, había representado aunque no de ciertas actitudes, como aquellas relacionadas con la voluntad de transmutar la esencia del discurso religioso dominante, o una forma de trascendencia más directa e inmanente, y con ello más dependiente de la voluntad humana. Nietzsche tenía un conocimiento muy limitado del mundo oriental, aunque en ocasiones hacía referencias a éste, y son conocidas sus menciones del famoso Código de Manú, un antiguo texto védico en lengua sánscrita, que había servido de base a la sociedad de castas, y que destaca por su rigor y la rectitud de los principios que lo articulan, el cual es mencionado con veneración por parte del filósofo alemán.
 
La trascendencia y espiritualidad dependen enteramente de un principio de objetividad, de la existencia de unas verdades eternas e inamovibles capaces de hacer partícipes en la esencia de lo primordial a los hombres. El abandono de los preceptos espirituales o la democratización de las grandes verdades esotéricas al gran público no hace sino destruir y vulgarizar el Principio Divino, al cual no se puede someter a ningún tipo de discusión, y mucho menos ser puesto en duda por parte del hombre prometeico y racionalista moderno, quien trata de sustituir las grandes verdades de la Tradición por la falsa omnipotencia de la razón y la ciencia. Zaratustra fue un reformador y el contexto de su discurso era fundamentalmente religioso, con un afán claramente proselitista, algo es propio de las religiones del «fin de los tiempos», del Kali-Yuga, donde la formulación de aspectos personales y relacionados con la salvación tendrían una importancia decisiva frente a los mencionados aspectos de Trascendencia, de Verdades eternas o perennidad.
 

jeudi, 21 avril 2016

Rémi Soulié: Nietzsche et la sagesse dionysiaque

INTERVIEW RÉMI SOULIÉ: NIETZSCHE ET LA SAGESSE DIONYSIAQUE

Avec Rémi Soulié nous abordons tout l'aspect dionysiaque de la philosophie de Friedrich Nietzsche, son actualité, ainsi que les concepts d'éternel retour, de volonté de puissance, de sagesse tragique, une improvisation libre sur cet esprit libre, sa vie et son oeuvre - en tant que disciple de Dionysos.

Blog de Pierre Kerroc'h : http://www.vivezentransemutants.com

Page facebook : Pierre Kerroc'h

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samedi, 14 novembre 2015

Dorian Astor: «Du point de vue de Nietzsche, nous n’en avons pas fini d’être modernes»

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Dorian Astor: «Du point de vue de Nietzsche, nous n’en avons pas fini d’être modernes»

Dorian Astor est philosophe, ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé d’allemand, il a publié chez Gallimard une biographie sur Nietzsche (2011). Dans Nietzsche, la détresse du présent (2014), il interroge le rapport qu’entretient l’auteur de Par-delà bien et mal avec la modernité politique et philosophique.

PHILITT : Vous considérez que la philosophie naît en temps de détresse. Quelle est cette détresse qui a fait naître la philosophie (si l’on date son apparition au Ve av. J.-C. avec Socrate) ?

Dorian Astor : Je ne dis pas exactement que la philosophie naît en temps de détresse, dans le sens où une époque historique particulièrement dramatique expliquerait son apparition. Je dis qu’il y a toujours, à l’origine d’une philosophie ou d’un problème philosophique, un motif qui peut être reconnu comme un motif de détresse. Deleuze disait qu’un concept est de l’ordre du cri, qu’il y a toujours un cri fondamental au fond d’un concept (Aristote : « Il faut bien s’arrêter ! » ; Leibniz : « Il faut bien que tout ait une raison ! », etc.). Dans le cas de Socrate, on sent bien que son motif de détresse, c’est une sorte de propension de ses concitoyens à dire tout et son contraire et à vouloir toujours avoir raison. Son cri serait quelque chose comme : « On ne peut pas dire n’importe quoi ! » C’est alors le règne des sophistes, mais aussi du caractère procédurier des Athéniens. C’est ce qui explique que Platon articule si fondamentalement la justice à la vérité. Or l’absence de justice et la toute-puissance de la seule persuasion ou de la simple image dans l’établissement de la vérité, voilà un vrai motif de détresse, que l’on retrouvera par exemple dans le jugement sévère que porte Platon sur la démocratie.

Je crois que chaque philosophe est mû par une détresse propre, qu’il s’agit de déceler pour comprendre le problème qu’il pose. Il est vrai que dans de nombreux cas, en effet, la détresse d’un philosophe rejoint celle d’une époque, c’est souvent une détresse de nature politique : Leibniz, par exemple, est obsédé par l’ordre : les luttes confessionnelles et le manque d’unité politique le rendent fou, c’est pourquoi il passe son temps à chercher des solutions à tout ce désordre, à réintroduire de l’harmonie. Pour Sartre, ce sera la question, à cause de la guerre et de la collaboration, de l’engagement et de la trahison. Il y aurait mille autres exemples.

Dans mon livre sur Nietzsche, j’essaie de montrer que l’un de ses motifs fondamentaux de détresse est le présent (un autre motif serait le non-sens de la souffrance, cri par excellence, mais c’est une autre affaire). Le présent, non seulement au sens de l’époque qui lui est contemporaine, mais en un sens absolu : le pur présent, coincé entre le poids du passé et l’incertitude de l’avenir, jusqu’à l’asphyxie. Des notions comme celles d’ « inactualité », de « philosophie de l’avenir » ou même d’« éternel retour » et de « grande politique », etc., sont autant de tentatives pour répondre à et de cette détresse du présent. L’un des grands cris de Nietzsche sera héraclitéen : « Il n’y a que du devenir ! » Heidegger a parfaitement senti cette dimension du cri dans la philosophie de Nietzsche. Or, c’est un cri parce que cette « vérité » est mortelle, on peut périr de cette « vérité ». Nietzsche s’efforce d’inventer des conditions nouvelles de pensée qui permettraient au contraire de vivre de cette « vérité » : ce sont les figures de l’« esprit libre », du « philosophe-médecin » et même du « surhumain ». Tous ces guillemets appartiennent de plein droit aux concepts de Nietzsche : c’est le moyen le plus simple qu’il ait trouvé pour continuer à écrire alors qu’il se méfiait radicalement du langage, de son irréductible tendance à l’hypostase, c’est-à-dire de son incapacité à saisir le devenir.

Selon vous, Nietzsche a quelque chose à nous dire aujourd’hui. Est-ce parce que nous traversons une crise généralisée ou bien parce que nous sommes les lecteurs de l’an 2000 qu’il espérait tant ?

Il y a eu un léger malentendu sur la démarche que j’adopte dans mon livre — et que l’on retrouve jusque sur sa quatrième de couverture, dans une petite phrase que je n’ai pu faire supprimer : « ses vrais lecteurs, c’est nous désormais ». Non, nous ne sommes pas aujourd’hui les lecteurs privilégiés de Nietzsche. Si c’était le cas, il n’y aurait d’ailleurs pas besoin de continuer à publier des livres sur lui pour essayer d’« encaisser » ce qu’il nous lance à la face. Lorsqu’on voit le portrait que dresse Nietzsche de son lecteur parfait, par exemple dans Ecce Homo[1], on se dit qu’on est vraiment loin du compte… Je fais simplement l’hypothèse que, sous certaines conditions, le diagnostic qu’établit Nietzsche à propos de la modernité, de l’homme moderne et des « idées modernes », comme il dit, nous concerne encore directement : je crois, pour paraphraser Habermas dans un autre contexte, que la modernité est un projet inachevé[2]. Nous sommes très loin d’en avoir fini avec les sollicitations de Nietzsche à exercer une critique profonde de nos manières de vivre et de penser. En ce sens, nous sommes toujours des « modernes » et la notion fourre-tout de « postmodernité » ne règle pas le problème. Sans doute est-on d’ailleurs autorisé à formuler cette hypothèse par la temporalité propre à la critique généalogique nietzschéenne, qui est celle du temps long. « Que sont donc quelques milliers d’années[3] ! » s’exclamait-il. Que sont 150 ans, après tout ? Bien évidemment, il ne s’agit pas de dire que rien n’a changé depuis l’époque de Nietzsche, ou même que rien ne change jamais, ce qui serait parfaitement ridicule ; mais de sentir que, du point de vue de Nietzsche, nous n’en avons pas fini d’être modernes : dans notre rapport à la science, à la morale, à la politique, etc. De toute façon, Nietzsche a un usage très extensif de la notion de moderne : on le voit, dans sa critique, remonter l’air de rien de siècles en siècles jusqu’à Socrate, voire jusqu’à l’apparition du langage ! — comme si le problème était en fait l’« homme » en tant que tel, ce qu’il répète d’ailleurs souvent.

Mais revenons à cette notion de « crise généralisée » de l’époque actuelle. Que la situation ne soit pas bonne, c’est évident. Mais je crois avec Nietzsche que nous n’avons pas non plus le privilège de la détresse. Permettez-moi de citer un peu longuement un fragment de 1880 : « Une époque de transition c’est ainsi que tout le monde appelle notre époque, et tout le monde a raison. Mais non dans le sens où ce terme conviendrait mieux à notre époque qu’à n’importe quelle autre. Où que nous prenions pied dans l’histoire, partout nous rencontrons la fermentation, les concepts anciens en lutte avec les nouveaux, et des hommes doués d’une intuition subtile que l’on appelait autrefois prophètes mais qui se contentaient de ressentir et de voir ce qui se passait en eux, le savaient et s’en effrayaient d’ordinaire beaucoup. Si cela continue ainsi, tout va tomber en morceaux, et le monde devra périr. Mais il n’a pas péri, dans la forêt les vieux fûts se sont brisés mais une nouvelle forêt a toujours repoussé : à chaque époque il y eut un monde en décomposition et un monde en devenir.[4] »

Ce seul texte, parmi beaucoup d’autres, permet d’affirmer que Nietzsche n’est pas un décadentiste, alors même qu’à partir de 1883, il fait un usage abondant du terme de « décadence » (en français, de surcroît). Par le simple fait que sa pensée est étrangère à toute téléologie historique, il ne peut souscrire au décadentisme ou à ce qu’on appelle plus volontiers aujourd’hui le « déclinisme ». C’est qu’en réalité, on voit ressurgir de manière récurrente les mêmes dangers à diverses époques : la « décadence » est avant tout, pour Nietzsche, un phénomène d’affaiblissement psychophysiologique, dont la détresse est l’un des signes ou symptômes. Or cela peut arriver n’importe quand et arrive à toutes les époques. Les variations de puissance, les alternances de santé et de morbidité, suivent des cycles, ou plus précisément des « mouvements inverses simultanés », plutôt qu’un vecteur unidirectionnel.

Alors on peut critiquer ou rejeter chez Nietzsche les couples de notions tels que santé et maladie, force et faiblesse, vie ascendante et vie déclinante ; mais si l’on décide par méthode de les appliquer à la situation actuelle, nous risquons d’en arriver à un diagnostic aussi édifiant qu’effrayant… En tout cas, il est fort probable que nous soyons en pleine détresse ou, pour le dire en termes nietzschéens, victimes de chaos pulsionnels que nous sommes incapables de hiérarchiser — autre définition de la « maladie ».

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Pour Antoine Compagnon, les antimodernes sont les plus modernes des modernes. Nietzsche est-il, en ce sens, un antimoderne ?

Nietzsche écrit souvent « Nous autres, modernes », il sait parfaitement qu’il est un moderne, fût-ce sous la forme de l’antimodernisme, qui, en effet, comme dit Compagnon, a quelque chose de plus-que-moderne ; on pourrait jouer à dire « moderne, trop moderne », sur le modèle d’Humain, trop humain. Nietzsche est moderne en ce sens qu’il a le sentiment d’arriver à un moment décisif où il faudra préparer un autre avenir que celui auquel semblent nous condamner le poids du passé et la détresse du présent. Comme je le soulignais à l’instant, le présent est pour Nietzsche un problème très inquiétant, et chaque fois que cette inquiétude s’exprime, c’est une inquiétude de moderne. Je pense à la définition minimale que Martuccelli donne de la modernité : « L’interrogation sur le temps actuel et la société contemporaine est le plus petit dénominateur commun de la modernité. Elle est toujours un mode de relation, empli d’inquiétude, face à l’actualité ; c’est dire à quel point elle est indissociable d’un questionnement de nature historique[5] ». Ce qui est antimoderne, dans l’inquiétude moderne de Nietzsche, c’est sa lutte acharnée contre l’optimisme, le progressisme, l’eudémonisme, la Révolution, la démocratie, etc. Mais attention : sa position « anti-Lumières » – pour reprendre le titre de l’ouvrage de Sternhell[6], à mon sens plus important que celui de Compagnon – est très ambiguë. On ne comprend pas, par exemple, sa haine de Rousseau si on ne l’articule pas à sa critique impitoyable du romantisme, qui fut précisément un vaste mouvement anti-Lumières. Sa proximité avec les Lumières, certes très conflictuelle, quasiment sous la forme d’un double bind, ne se limite pas, comme on le répète souvent, à la période dite intermédiaire, celle d’Humain, trop humain. L’anti-romantisme de Nietzsche est un élément essentiel si l’on veut discuter équitablement de la dimension « réactionnaire » de son œuvre.

Vous consacrez de nombreuses pages au rapport que les antimodernes entretiennent avec la modernité. Cependant, vous ne faites pas la distinction entre antimoderne et inactuel. Doit-on faire la différence ?

Si je ne la fais pas dans mon livre, alors c’est qu’elle y manque ! Parce que ce n’est effectivement pas la même chose. En réalité, je crois avoir essayé de faire cette distinction, sans doute pas assez explicitement. Mais je ne peux y avoir échappé pour la simple raison que Nietzsche est tiraillé entre ces deux positions, c’est ce que j’appelle la « bâtardise de l’inactuel ». D’un côté, la lutte (anti)moderne contre le temps présent : « agir contre le temps, donc sur le temps, et, espérons-le, au bénéfice d’un temps à venir[7] », écrit Nietzsche ; de l’autre une lutte contre le temps au sens absolu, c’est-à-dire au bénéfice d’une certaine forme d’éternité. Bien avant l’hypothèse de l’Éternel Retour, Nietzsche cherche à inscrire ou réinscrire de l’éternité dans le temps qui passe. En d’autres termes : s’arracher à l’Histoire pour s’élever au Devenir, ou y plonger. Parce que c’est le Devenir qui est éternel. L’Histoire ressortit au régime de la production et du développement, le Devenir à celui de la création et du hasard. C’est sans doute la part deleuzienne de ma lecture de Nietzsche : la distinction profonde entre l’Histoire et le Devenir, entre le fait et l’événement, entre le progrès et le nouveau…  Je crois que c’est l’antimodernité qui le fait polémiquer avec son époque, mais que c’est son inactualité qui l’élève à une intuition de l’éternité. Toutefois, ces deux démarches sont coextensives, c’est pourquoi il n’emploie qu’un seul terme : « unzeitgemäss » signifiant « qui n’est pas conforme à l’époque », mais aussi, en quelque sorte, « qui est incommensurable avec le temps ».

Peut-on dire, à l’inverse de l’impératif rimbaldien qui invite à être « résolument moderne », que la pensée de Nietzsche coïncide plutôt avec la phrase de Roland Barthes : « Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne » ?

L’alternative que vous formulez est une autre manière d’exprimer la différence entre l’antimodernité et l’inactualité dont nous venons de parler, et donc d’exprimer la tension prodigieuse, chez Nietzsche, entre la « résolution » et l’« indifférence ». On pourrait la formuler encore autrement : c’est la tension qu’il y a entre la vita activa et la vita contemplativa, entre la préparation de l’avenir et le désir d’éternité. Puisqu’on parlait d’inactualité, il faut dire que, si Nietzsche a beaucoup changé entre les Considérations inactuelles (1873-1876) et la partie de Crépuscule des idoles intitulée « Incursions d’un inactuel » (1888), la tension demeure toutefois entre la descente du lutteur dans l’arène de l’époque et le retrait du contemplatif dans la montagne. Zarathoustra lui aussi monte et descend plusieurs fois. Il y a un fragment posthume fascinant de l’époque du Gai Savoir où Nietzsche se propose de pratiquer, à titre expérimental, une « philosophie de l’indifférence[8] » (qui d’ailleurs doit préparer psychologiquement à la contemplation de l’Éternel Retour). Cette indifférence du sage, c’est ce qu’il admire chez les stoïciens et les épicuriens ; et lorsqu’il les accable au contraire, c’est en vertu de la nécessité de l’action et de la responsabilité du philosophe de l’avenir. Alors oui, il y a quelque chose de rimbaldien chez Nietzsche, surtout dans sa volonté de « se rendre voyant », d’« arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens » : c’est au fond un peu ce que prescrit le § 48 du Gai Savoir qui a inspiré le titre de mon ouvrage : le remède contre la détresse, c’est la détresse. Et sans doute y a-t-il aussi chez lui quelque chose de… barthésien : une aversion pour ce qui vous récupère et vous englue, pour le définitif et l’excès de sérieux ; un plaisir du provisoire, de l’aléatoire, de la nuance. En ce sens, Nietzsche comme Barthes sont baudelairiens — et modernes : ils ont bel et bien l’intuition qu’il y a de l’éternel dans l’éphémère.

astorhhhh.jpgEnfin, qu’est-ce qui différencie un « nietzschéen de gauche » et un « nietzschéen de droite » dans leur vision du monde moderne ?

Ah ! La question est un piège, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, permettez-moi de m’arrêter un instant sur le terme de « nietzschéen », qui est en lui-même problématique. Si l’on veut seulement dire : spécialiste de Nietzsche, ça a le mérite du raccourci, mais ça ne va pas très loin, et on sent bien que l’adjectif est toujours surdéterminé. Être adepte, disciple, héritier de Nietzsche ? Vivre selon une éthique nietzschéenne ? Bien malin qui peut y prétendre – mais ceux qui font les malins ne manquent pas… Ce qui peut être nietzschéen, c’est, dans nos meilleurs moments, une certaine manière de poser certaines questions, une certaine affinité avec certains types de problèmes ; c’est emprunter une voie sur laquelle on pourra peut-être dire beaucoup de choses nouvelles, mais une voie qui reste ouverte par Nietzsche. C’est évidemment la même chose pour les platoniciens, les spinozistes, les hégéliens, etc. Je crois par ailleurs que le plus intéressant, c’est de savoir avec quelle famille de philosophes on a senti une parenté ou conclu des alliances. Mais ce sont certains aspects, certains réflexes ou instincts qui peuvent être nietzschéens en nous, non pas l’individu tout entier — et heureusement !  Pour mon propre compte, j’ai été assez clair sur ce que j’entends par mon affinité nietzschéenne : c’est simplement le fait que, malgré tout ce qui reste difficile, opaque, voire inaudible ou inacceptable à la lecture de Nietzsche, je continue inlassablement à le lire et à travailler patiemment, parce que j’en ai besoin — en deux sens : je m’en sers et j’aurais du mal à vivre sans. Ce besoin, qui est au fond une affaire strictement personnelle ou, disons, idiosyncrasique, n’est pas une conclusion de mon travail, c’est une prémisse que vient confirmer ou relancer chaque acquis de ce travail. Mais le but de mon travail en revanche, c’est de franchir (et de faire franchir) des seuils ; d’essayer de montrer qu’en un certain point de blocage ou d’intolérabilité, on peut trouver dans l’œuvre même de Nietzsche de quoi débloquer le passage et augmenter le seuil de tolérance ; expliquer et comprendre, pour le dire vite.

Une fois dit ce que j’entends par nietzschéen, il faudrait définir ce qu’on entend en général par la gauche ou la droite, dont les définitions elles-mêmes sont « en crise » aujourd’hui : vous imaginez bien que je ne me lancerai pas dans cet exercice redoutable ! Mais là encore, je ne crois pas qu’un individu tout entier soit de gauche ou de droite, mais que certains aspects, certains réflexes ou instincts peuvent l’être, et qu’ils s’expriment alternativement ou simultanément. Ce serait trop simple ! En tout cas, je crois que, plus on travaille sur Nietzsche, moins les expressions « nietzschéen de droite » et « nietzschéen de gauche » ont de sens. Toutefois, il y a une histoire de la réception de Nietzsche où elles deviennent historiquement pertinentes, bien qu’ambiguës. Je ne peux pas développer ici cette vaste question, qui obligerait à balayer trop grossièrement un siècle et demi de réception. Je n’indiquerai brièvement que deux pôles extrêmes : d’un côté la récupération bien connue et très rapide de Nietzsche par l’extrême-droite puis le fascisme ; de l’autre, l’émergence d’un Nietzsche « post-structuraliste », dans les années soixante-dix, marqué par ce qu’on appelle aujourd’hui, souvent avec un mépris odieux, la « pensée 68 ». Ce nietzschéisme « de gauche » est lui-même ambigu, lorsqu’on voit les critiques adressées à de prodigieux penseurs profondément influencés par Nietzsche, comme Deleuze et Foucault dont certains se demandent s’ils n’ont pas finalement ouvert la voie à un relativisme néo-conservateur – c’est par exemple la position d’Habermas –, à un ultralibéralisme débridé ou tout simplement à une dangereuse dépolitisation de la philosophie — et si vous me demandiez à présent de parler d’Onfray, je ne vous répondrais pas, cela me fatigue d’avance.

Mais revenons à mon idée que droite et gauche ne permettent pas d’aborder Nietzsche avec pertinence. Avant toute chose, il faut être honnête : il y a évidemment un noyau dur qui interdira toujours de rallier Nietzsche à une pensée de gauche — c’est son inégalitarisme profond et son concept fondamental de « hiérarchie ». Le problème n’en demeure pas moins que, si l’on décide de rallier Nietzsche à la droite ou à la gauche, on trouvera toujours de quoi prélever dans ses textes ce dont on a besoin, mais on sera tout aussi sûrement confronté à des éléments absolument inconciliables avec nos convictions ou inappropriables par elles. Ou, à un plus haut niveau d’exigence, on trouvera chez Nietzsche des éléments fondamentaux propres à critiquer très sérieusement certains présupposés idéologiques de la droite comme de la gauche.

Pourquoi nous heurtons-nous toujours à l’impossibilité de fixer Nietzsche d’un côté ou de l’autre ? Ce constat dépasse largement le seul domaine des idéologies politiques. J’essaie de montrer dans mon livre la manière dont Nietzsche ne cesse de renvoyer dos-à-dos, ou de faire jouer l’un contre l’autre, les pôles de systèmes binaires ou les termes de relations biunivoques — pratique très consciente et très maîtrisée que l’on appelle communément les « contradictions » de Nietzsche, et que je nommerais plutôt l’usage du paradoxe, en référence à la définition qu’en donne Deleuze[9]: un ébranlement multidirectionnel initié par un élément rebelle dans un ensemble pré-stabilisé d’identifications univoques — en d’autres termes, des attaques de l’intérieur contre l’alliance du bon sens et du sens commun. Ce caractère multidirectionnel signifie notamment la mobilité des points de vue, leur multiplication autour du phénomène considéré, la nécessité de saisir la multiplicité de ses faces et volte-face pour déjouer le « bon sens » à sens unique du jugement commun (doxa) et l’hypostasie congénitale du langage — C’est ce qu’on entend généralement par le perspectivisme de Nietzsche.

Prenons l’exemple de son rapport très complexe au libéralisme, en son sens classique, qui fait l’objet d’une assez longue analyse dans mon livre. Nietzsche écrit, que « les institutions libérales cessent d’être libérales dès qu’elles sont acquises […] Ces mêmes institutions produisent de tout autres effets aussi longtemps que l’on se bat pour les imposer; alors, elles font puissamment progresser la liberté[10]. » Vous avez là une proposition qui, à la limite, pourrait inspirer aussi bien la gauche révolutionnaire que la droite ultralibérale ! C’est que tout se joue dans la reconfiguration profonde des concepts de puissance et de liberté, de leur exercice et de leur articulation alors même qu’ils sont des processus en devenir et jamais une quantité stable ou une qualité inconditionnée. Alors, pour répondre à votre question : peut-être un « nietzschéen de gauche » insistera-t-il sur les puissances d’émancipation, c’est-à-dire sur la résistance ; et un « nietzschéen de droite », sur l’émancipation des puissances, c’est-à-dire sur l’affirmation. Cela sous-entendrait que l’affect fondamental de la gauche soit un refus des situations intolérables, et l’affect fondamental de la droite, un acquiescement aux choses comme elles vont. Je n’en sais rien, ce que je dis est peut-être idiot. De toute façon, cela ne nous mène pas très loin, car résistance et affirmation sont chez Nietzsche des processus indissociables, comme le sont la destruction des idoles et l’amor fati, ou même le surhumain comme idéal d’affranchissement et l’éternel retour comme loi d’airain. Voilà des injonctions paradoxales ! Mais les meilleurs lecteurs ne séparent jamais les deux, et travaillent au cœur du paradoxe. On parle beaucoup du grand acquiescement nietzschéen à l’existence, et avec raison. Mais il ne faut jamais oublier que le oui n’a aucun sens sans le non, toute une économie des oui et des non, des tenir-à-distance et des laisser-venir-à-soi, comme dit Nietzsche. Toute une micropolitique qui déjoue nos grandes convictions et oblige à des pratiques expérimentales de l’existence, y compris politiques. C’est que Nietzsche, comme tout grand philosophe, se méfie des opinions, et encore davantage des convictions, dans lesquelles il reconnaît toujours un fond de fanatisme. Lui-même rappelle quelque part qu’il n’est pas assez borné pour un système — pas même pour le sien.

[1]  « Pourquoi j’écris de si bons livres », § 3
[2]  Cf. Jürgen Habermas, « La Modernité : un projet inachevé », in Critique, 1981, t. XXXVII, n° 413, p. 958

[3]  Deuxième Considération inactuelle, § 8
[4]  FP 4 [212], été 1880
[5]  Sociologies de la modernité, Gallimard, 1999, p.9-10
[6] Zeev Sternhell, Les Anti-Lumières : Une tradition du XVIIIe siècle à la Guerre froide, Fayard, 2006 ; Gallimard (édition revue et augmentée), 2010.
[7] Deuxième Considération inactuelle, Préface
[8] FP 11 [141], printemps-automne 1881
[9] Différence et répétition, PUF, 1968, p.289 sq., et Logique du sens, Éditions de Minuit, 1969, p.92 sq.
[10] Crépuscule des idoles, « Incursions d’un inactuel », § 38

mardi, 27 octobre 2015

Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie

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Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie
 
Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com 

Julien Rochedy est l'auteur d’un essai d’inspiration nietzschéenne Le Marteau sous-titré Déclaration de guerre à notre décadence, auteur d’un mémoire universitaire sur Nietzsche et l’Europe et ancien directeur national du FNJ.

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Julien Rochedy - Une importance fondamentale puisque je pense véritablement, sans pathos, qu'il a changé ma vie. Sa lecture, précoce, a fait office d'un baptême, d'une sorte de renaissance. Je l'ai lu si tôt (entre 14 et 17 ans) qu'on ne peut pas dire qu'il s'agissait de lecture à proprement parler, avec le recul et la distance que cela suppose. Je l'ai littéralement ingurgité, je l'ai fait mien, sans aucune interface entre ses livres et le jeune « moi » qui était en pleine formation. Dès lors, quoique je lise, quoique j'entende, quoique je voie ou quoique j'ai envie de faire, je ne peux l'appréhender qu'avec le regard nietzschéen qui me fut greffé si jeune.

N.A. - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

julien_rochedy_carre_sipa.jpgJ.R. - Je tiens Nietzsche pour une paire de lunettes. Il est, pour moi, avant tout une façon de regarder le monde. Une grille de lecture. Un filtre d'exactitude et, surtout, de sincérité. C'est s’entraîner à percevoir ce qui se mue et s'agite autour de soi en se débarrassant des grilles de lectures morales (le bien et le mal) ou idéalistes (au sens de la primauté de l'Idée). C'est donc regarder les choses et les hommes par delà bien et mal, par le prisme des valeurs aristocratiques ou des esclaves (le sain et le malade, le bon et le mauvais), en s'attardant plutôt sur la psychologie, et en fin de compte, la physiologie (l'importance du corps comme heuristique de l'esprit) pour comprendre les idées d'un homme, au lieu de se mentir sur la capacité « raisonnante » et abstraite des humains. Et c'est aussi sentir profondément ce qui appartient au nihilisme, au déclin, au mensonge vénéneux, à la maladie et à la mort, plutôt qu'à la vie, à la grande vie et l'immense « oui » qui va avec.

Je vous parlai de sincérité à propos de ce que nous oblige Nietzsche. Avec lui, après lui, on ne peut plus se mentir à soi-même. S'il m'arrive par exemple d'avoir une idée pour m'économiser, même si mon cerveau se met à fonctionner, comme de mise chez tous les hommes, pour me trouver une justification, morale ou raisonnable (toute « idée » est une justification de soi), je sais qu'en réalité cette idée ne fait que découler de ma faiblesse. Tout le reste est prétexte.

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

J.R. - Je ne recommanderai pas un livre en particulier, même si « Par delà bien et Mal » et, bien sûr, « Zarathoustra », surnagent. Je recommanderai plutôt une succession de livres pour celui qui voudrait se lancer dans Nietzsche. D'abord Généalogie de la morale, qui suscite directement un immense doute sur ce que l'on croyait établi sur la nature du bien et du mal. Puis Par delà bien et mal, pour approfondir. Ensuite Zarathoustra, l'apothéose poétique de sa philosophie. Après, l'ordre compte moins. Je conseillerai toutefois particulièrement les œuvres de Nietzsche de l'après Zarathoustra, c'est à dire à partir de 1883, car j'ai toujours pensé qu'il y avait un Nietzsche, à la fois en tant qu'auteur (le style) et philosophe (la puissance), avant son Zarathoustra et après son Zarathoustra. L'auteur du Gai Savoir est encore un peu académique. Celui de Crépuscule des Idoles est pur génie.

N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

J.R. - Tout dépend bien sûr de ce que l'on entend par droite et gauche. Ces concepts peuvent signifier tellement de choses différentes selon les personnes qu'il est difficile d'enfermer Nietzsche dans des espaces si vagues. Toutefois, en me permettant de les prendre d'un point de vue philosophique, si toutefois ce point de vue peut exister, je dirais bien entendu que Nietzsche est de droite. L'importance qu'il donne à l'inégalité, aux valeurs aristocratiques, au goût raffiné, à la sélection et à la force, ainsi que son mépris souverain pour la populace, les valeurs égalitaires, la féminisation, la démocratie, le matérialisme grossier, etc, font que Nietzsche ne peut évidemment pas être reconnu comme un auteur de gauche.

N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

J.R. - Je pourrai vous faire une liste non exhaustive, de Drieu à Jünger en passant par London, mais ça n'aurait pas vraiment de sens, dans la mesure où ces auteurs peuvent être nietzschéens pour différentes raisons, et que des auteurs, nés avant Nietzsche, pourraient être considérés comme nietzschéens. Les grecs par exemple, Héraclite, Alcibiade, Périclès, sont des nietzschéens avant l'heure. Encore une fois, Nietzsche est une façon de voir le monde, et cette façon fut partagée mille fois dans l'Histoire, la plupart du temps par les hommes les plus grands, les plus intelligents et les plus honnêtes avec eux mêmes.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

J.R. - Avec une lecture simple, mais tout de même pas trop mal, je pourrais vous répondre : c'est le kalos kagathos des Grecs, l’homme idéal, celui qui a la vie la plus remplie et dont la santé débordante s'enrichit de toujours plus de passions et d’aventures, de pensées, de force et de beauté. Mais ce serait bien trop banal. Le surhomme est celui qui accepte le tragique, le destin, et qui l'accepte en riant. C'est le Dieu Thor qui va à la guerre en riant aux éclats dans sa barbe rousse. Le monde n'a manifestement pas de sens, la vie est précaire, je suis imparfait, rien ne vaut rien, mais je cours au charbon quand même. Le pied dansant. Et là, à ce moment là, tout trouve son sens : la vie n'a comme seule justification qu'elle même. C'est le pessimiste actif dont parle Heidegger dans ses écrits sur Nietzsche.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

J.R. - Je n'en ai pas une en particulier, mais laissez moi vous raconter une anecdote :

Un jour que j'étais dans un bar et que je réfléchissais, avant de l'écrire, à mon livre le Marteau (d'inspiration largement nietzschéenne comme vous l'avez rappelé), je vois un grand gaillard venir s'accouder à côté de moi. Et sur l'un de ses avants bras, je vois tatoué « Amor fati ». J'exulte. Je vois cela comme un signe. Je me mets à délirer en mon for intérieur. Je lui fais signe et lui dit, bêtement, un truc du genre « aux nietzschéens ! » en levant mon verre. Il me répond, interloqué : « quoi ? ». Je lui répète et m’aperçois qu'en réalité il ne connaît pas Nietzsche. Il s'était tatoué ça juste « parce que ça sonnait bien ».

Alors finalement, je vous répondrai « amor fati ». Ça résume tout.

Et en plus ça sonne bien.

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samedi, 05 septembre 2015

NIETZSCHE - LA DÉTRESSE DU PRÉSENT

NIETZSCHE - LA DÉTRESSE DU PRÉSENT

de Dorian Astor (folio) Ed. Gallimard

Pierre Lance*
Ex: http://metamag.fr

astornietz.jpgJ’avoue avoir manqué de prudence lorsque j’ai promis à MÉTAMAG de rédiger une note de lecture sur cet ouvrage. Car je n’avais encore rien lu de l’auteur et je ne m’attendais pas à recevoir un pavé de 650 pages constituées de commentaires sur l’oeuvre de Nietzsche. 


Certes, je salue bien bas la performance. Noircir 650 pages de considérations d’une utilité très contestable, il faut le faire ! Pourtant j’ai un préjugé favorable envers tous les écrivains qui se passionnent pour Nietzsche, le plus grand philosophe et psychologue de l’ère contemporaine, mais j’attends d’eux qu’ils apportent un éclairage original et des réflexions pertinentes sur les écrits flamboyants du prophète de la surhumanité. 


A mon grand regret, je n’ai rien trouvé de ce genre dans aucune de toutes les pages que j’ai lues, soit environ le quart du total en différents endroits, car je n’ai pas pu m’astreindre à lire la totalité de ce pensum, indigeste au plus haut point. L’avant-propos déjà m’avait laissé perplexe. D’abord parce que l’auteur y abuse des mots «moderne», «modernité» et «post-modernité» qui sont pour moi des termes dépourvus de sens, du moins sur le plan philosophique. Car la philosophie s’attache à l’essentiel qui, par nature, est intemporel. Ensuite parce qu’une phrase de ce texte m’a fait bondir. Dorian Astor nous affirme en effet : «Il ne fait aucun doute que la lecture de Nietzsche est douloureuse». J’en suis resté pantois ! Car mes premières lectures de Nietzsche me plongèrent immédiatement dans un bain de joie et d’enthousiasme sans pareil. Enfin quelqu’un qui avait tout compris ! (Et je ne peux imaginer de douleur à cette lecture que dans les esprits congelés par une religion ou idéologie quelconque). Si bien que je n’ai eu de cesse d’avoir absorbé les oeuvres complètes de ce magnifique trublion, sans oublier les Fragments posthumes, ni, bien entendu, la correspondance. C’est dans cette dernière que Nietzsche renie sans équivoque sa vision de l‘Éternel Retour (dont les petits professeurs de philosophie se gargarisent encore à qui mieux mieux), dans une note relevée par son excellent biographe Daniel Halévy dans une lettre à Peter Gast du 10 juin 1887. 


Le biographe écrit et cite : «Sans doute Nietzsche a-t-il voulu, une fois de plus, mettre sa pensée au clair». Quelques mots, deux lignes à peine, jetés comme un cri, interrompent cet exposé. Les voici : «Le Retour éternel est la forme la plus extrême du nihilisme : le néant (l’absurde) éternel !». Quel soulagement ce fut pour moi de voir Nietzsche reconnaître à ce propos son erreur, laquelle ne cessait de me tarabuster. Tant il me paraissait évident que l’idée d’un éternel retour de toutes choses est absolument incompatible  avec un univers éternel et infini (ce qu’il est inexorablement), donc indéfiniment renouvelé. (Nous abandonnerons à leurs rêveries pseudo-scientifiques et crypto-théocratiques les ridicules adorateurs du Big-Bang). À vrai dire, Nietzsche avait déjà quasiment tordu le cou à l’Éternel Retour dans l’aphorisme 335 du Gai savoir, dans lequel il écrit : «Qui juge encore: «dans tel cas tout le monde devrait agir ainsi», n’a pas encore fait trois pas dans la connaissance de soi-même; sans quoi il n’ignorerait pas qu’il n’y a pas, qu’il ne saurait y avoir d’acte semblable, que tout acte qui a été fait le fut d’une façon unique et irréproductible, qu’il en sera ainsi de tout acte futur...».
Dorian Astor s’est fort empêtré lui-même dans l’Éternel Retour, mais je porterai à son crédit ce paragraphe de la page 518 de son livre, dans lequel il écrit : «... Il me semble que dans l’Éternel retour, c’est la question de l’Éternel qui est centrale, et qui forme le point où se nouent le problème de la connaissance et celui de la vie. Le Retour n’est «que» l’une des formes hypothétiques ou expérimentales d’un exercice ou ascèse de la pensée et de la vie philosophiques en vue de répondre au problème de l’éternité.»  (Soit dit en passant, je ne vois pas en quoi l’éternité est un problème. C’est au contraire son impossible absence qui en serait un). Cette tentative de «justification» intéressante et astucieuse de l’absurdité fondamentale de l’Éternel Retour ne saurait pourtant remplacer la vérité toute nue : Nietzsche a lui-même donné congé à sa vision première de ce Retour sempiternel et illogique. A la décharge de tous ceux qui l’ignorent (et qui sont trop pauvres en intuition philosophique pour découvrir cela par eux-mêmes), il est vrai qu’il ne l’a fait qu’en une seule courte phrase, alors qu’il avait consacré des pages et des pages à vanter sa «vision» de 1880. 


Toutefois je m’étonne que Dorian Astor, qui a manifestement lu et relu toute l’oeuvre de Nietzsche avec grande vigilance, autant que moi-même s’il se peut, n’ait pas relevé la dénégation nietzschéenne de l’Éternel Retour. Aurait-il négligé la correspondance avec Peter Gast, le grand ami et confident de Nietzsche ? J’ai peine à le croire. A moins qu’il n’ait pas osé diffuser cette révélation capitale ? Car l’on a tant glosé sur cet impossible Retour depuis un siècle et sur toute la planète que cette révélation tardive causerait une véritable secousse sismique dans le landerneau universitaire, où l’éternel retour de l’Éternel Retour constitue en quelque sorte la rente viagère des cerveaux dévitaminés. Il n’y a donc probablement qu’un chien fou de mon espèce qui soit capable de jeter un tel brûlot dans les cimetières de la culture.


Dorian Astor, Nietzsche. La détresse du présent, Collection Folio essais (n° 591), Gallimard 10,20 € . 

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lance348-1338573363.jpgPierre Lance fut en 1969 le fondateur de la «Société Nietzsche», qui publia jusqu’en 1977 la revue «Engadine». Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont notamment «Charles de Gaulle, ce chrétien nietzschéen» (1965, épuisé), «Au-delà de Nietzsche» (1976, réédité en 1992, épuisé), «En compagnie de Nietzsche» (recueil d’articles, 1991) et «Le Fils de Zarathoustra» (Editions Véga-Trédaniel, 2006). Il publie actuellement un billet quotidien abordant tous les sujets sur le site www.nice-provence.info.

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