vendredi, 12 avril 2024
La métamorphose de Macron, la crise de l'axe franco-allemand et la destruction de l'espace politique européen
La métamorphose de Macron, la crise de l'axe franco-allemand et la destruction de l'espace politique européen
Roberto Iannuzzi
Source: https://geoestrategia.es/noticia/42578/politica/la-metamorfosis-de-macron-la-crisis-del-eje-franco-aleman-y-la-destruccion-del-espacio-politico-europeo.html
Les déclarations belliqueuses du président français sont le symptôme d'une crise profonde du leadership européen, et non la réponse à une menace russe réelle.
Ce qui, à la fin du mois de février, semblait être une plaisanterie du président français Emmanuel Macron ("l'envoi de troupes occidentales en Ukraine n'est pas à exclure") est devenu, au fil des jours, le cheval de bataille du chef de l'Élysée.
Lors d'une interview télévisée à une heure de grande écoute, le 14 mars, M. Macron est allé plus loin. Décrivant à nouveau le conflit ukrainien en termes existentiels ("Si la Russie devait gagner, la vie des Français changerait", "Nous n'aurions plus de sécurité en Europe"), le président français a réaffirmé que l'Occident ne devait pas permettre à la Russie de GAGNER.
Expliquant que l'Occident avait franchi toutes les lignes rouges précédentes en Ukraine (en envoyant à Kiev des missiles et d'autres systèmes d'armes qu'il était initialement impensable de fournir), il a laissé entendre que l'envoi de soldats ne devrait pas non plus être considéré comme tabou (en effet, des militaires de l'OTAN se trouvent déjà en Ukraine).
Ambiguïté stratégique
En précisant que la France ne prendra jamais l'initiative militaire d'attaquer les Russes sur le territoire ukrainien, le président français a maintenu une ambiguïté délibérée sur la possibilité réelle d'envoyer des troupes et sur les objectifs possibles d'une telle mission, la définissant comme une "ambiguïté stratégique".
Il a de nouveau souligné ces concepts dans une interview accordée au journal Le Parisien, à son retour d'une réunion du "Triangle de Weimar" (regroupant l'Allemagne, la France et la Pologne) à Berlin.
"Notre devoir est de nous préparer à tous les scénarios", a déclaré M. Macron, précisant que "peut-être qu'à un moment donné - je ne le souhaite pas, je ne serai pas celui qui prendra l'initiative - il faudra mener des opérations sur le terrain, quelles qu'elles soient, pour contrer les forces russes. La force de la France, c'est que nous pouvons le faire".
Quelques jours plus tard, Le Monde publiait un éditorial signé par le chef d'état-major des armées françaises, le général Pierre Schill (photo, ci-dessus), intitulé avec éloquence "L'armée française est prête".
Dans cet article, Schill écrit que "contrairement aux aspirations pacifiques des pays européens, les conflits qui se déroulent aux marges de notre continent témoignent non pas tant d'un retour de la guerre, mais de sa permanence en tant que mode accepté de résolution des conflits".
Sur la base de ce singulier axiome, le général a déclaré que la France a la capacité de déployer une division de 20.000 hommes en 30 jours et est capable de commander un corps d'armée de 60.000 hommes éventuellement fourni par des pays alliés.
Scénarios d'intervention
Ce que les forces françaises pourraient faire en Ukraine a été expliqué, toujours dans une émission de télévision, par le colonel Vincent Arbaretier. Elles pourraient s'aligner le long du fleuve Dniepr, qui sépare l'est et l'ouest de l'Ukraine, préfigurant une éventuelle tentative de partition du pays.
La deuxième hypothèse avancée est celle d'un déploiement de troupes le long de la frontière avec la Biélorussie, essentiellement pour défendre Kiev d'une éventuelle attaque par le nord. Une troisième possibilité, non évoquée par le colonel, est qu'elles soient destinées à défendre Odessa (la France a déjà des troupes et des chars Leclerc déployés en Roumanie).
Enfin, dernière option, peut-être la plus réaliste, les Français seraient utilisés pour des tâches logistiques à l'arrière, libérant un nombre équivalent de soldats ukrainiens qui pourraient alors aller se battre au front.
Dans tous ces scénarios, une intervention française (éventuellement même à la tête d'un contingent composé de soldats d'autres pays) semble loin d'être suffisante pour changer le cours du conflit, alors que le commandant de l'armée ukrainienne Valery Zaluzhny, récemment démis de ses fonctions, avait estimé à 500.000 hommes le besoin des forces armées de Kiev pour résister à la Russie.
Un tel déploiement promet également d'être extrêmement risqué. Les experts militaires français ont en effet prévenu qu'en raison de la pénurie d'équipements et de munitions, dans une éventuelle confrontation directe avec les Russes, ce contingent disposerait d'une autonomie de quelques mois au maximum, probablement moins.
Face à l'hypothèse avancée par Macron, un officier des forces armées françaises a commenté que "nous ne devons pas nous faire d'illusions, nous sommes une armée de majorettes face aux Russes".
Dissuasion nucléaire ?
Il est intéressant de noter qu'en évoquant l'hypothèse d'un déploiement de soldats en Ukraine, tant Macron que des commentateurs militaires comme Arbaretier ont insisté sur l'aspect "dissuasion", c'est-à-dire sur l'effet dissuasif qui serait substantiellement basé sur le fait que la France est une puissance nucléaire.
Ce constat est lié au concept d'"ambiguïté stratégique", ou d'incertitude, sur lequel le président français a délibérément mis l'accent. L'idée d'incertitude est à la base de la réflexion stratégique française sur la dissuasion, dont l'un des architectes est le général André Beaufre, qui a beaucoup écrit à ce sujet dans les années 1960.
En gros, selon cette théorie, pour un pays comme la France, qui ne dispose pas d'un vaste arsenal comme les États-Unis, il n'y a qu'un seul élément valable pour dissuader un adversaire: l'incertitude. C'est "le facteur essentiel de la dissuasion".
Bien entendu, Beaufre faisait référence à la dissuasion nucléaire, et non à la possibilité d'envoyer un contingent militaire dans un conflit à la périphérie de l'Europe. Mais le fait que la France soit une puissance nucléaire implique que le déploiement des forces françaises n'est pas, en principe, déconnecté de la dimension nucléaire.
Cependant, l'observation faite par le chef d'état-major Schill dans l'éditorial du Monde précité, selon laquelle la dissuasion nucléaire "n'est pas une garantie universelle" parce qu'elle ne protège pas contre les conflits qui se situent "en dessous du seuil des intérêts vitaux", est tout à fait pertinente à cet égard.
Un conflit inexistant
Quoi qu'en dise Macron, le conflit ukrainien n'a pas de dimension existentielle pour la France, alors que Moscou a déjà amplement démontré qu'il en avait une pour la Russie.
Si le Kremlin est prêt à risquer un conflit nucléaire pour empêcher l'OTAN de s'implanter (officieusement pour être précis) en Ukraine, aucun pays occidental ne prendrait un tel risque pour obtenir un résultat similaire, qui n'est évidemment pas existentiel pour l'Occident.
C'est pourquoi Kiev aurait dû négocier un statut de neutralité dès le départ, et devrait maintenant négocier avec Moscou dès que possible, afin de sauvegarder autant que possible l'intégrité territoriale qui lui reste.
Et c'est pourquoi une coalition de pays "désireux" de déployer un contingent en Ukraine n'aurait pas de véritable couverture au-delà de ses propres (petites) capacités de défense. Ni une force française ni une force de coalition en Ukraine ne seraient couvertes par l'article 5 de l'OTAN.
Et, en cas d'escalade des tensions en Europe à la suite d'un affrontement entre ces forces et les troupes russes en Ukraine, les Etats-Unis n'auraient aucune obligation d'intervenir, ni même de garantir leur parapluie nucléaire, même si les tensions devaient atteindre le seuil nucléaire en Europe.
Le conflit ukrainien a également montré que ni la France ni l'Occident en général ne sont préparés à une guerre d'usure. La doctrine stratégique occidentale, qui s'est concentrée sur un conflit rapide et décisif, a conduit nos pays à ne pas être préparés à une telle guerre, note une étude du Royal United Services Institute (RUSI) du Royaume-Uni.
En conséquence, l'industrie de guerre européenne ne peut rivaliser avec celle de la Russie en termes de capacité de production et ne sera pas en mesure de le faire dans les années à venir.
Il s'ensuit qu'une intervention telle que celle proposée par le président français n'aurait qu'un faible pouvoir de dissuasion à l'égard de Moscou, compte tenu des risques graves encourus par ceux qui souhaiteraient la mettre en œuvre.
La proposition française n'est donc qu'un bluff dangereux ou, plus probablement, cache d'autres motivations.
La transformation de Macron
Pour les comprendre, il sera utile de retracer rapidement les étapes de la "métamorphose" de Macron, qui est passé d'un dirigeant européen enclin au dialogue avec Moscou à un adversaire implacable du Kremlin, convaincu que la Russie représente une menace non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la sécurité de l'Europe dans son ensemble.
Depuis son entrée à l'Élysée en 2017, le président français avait signalé son intention de forger un partenariat avec Moscou, invitant son homologue russe Vladimir Poutine au château de Versailles, l'ancienne résidence des rois de France.
Pour Macron, la Russie fait partie d'une Europe qui s'étend de Lisbonne à Vladivostok.
Même après le déclenchement du conflit ukrainien en février 2022, le dirigeant français avait soutenu la nécessité de maintenir ouvert un canal de dialogue avec Poutine, affirmant qu'il n'était pas nécessaire d'"humilier la Russie", et s'était entretenu à plusieurs reprises avec le chef du Kremlin.
La conversion de Macron a commencé le 1er juin 2023 lorsque, s'adressant au public du Forum GLOBSEC à Bratislava, en Slovaquie, il s'est prononcé en faveur de l'entrée rapide de l'Ukraine dans l'OTAN, un scénario auquel même Washington et Berlin étaient opposés.
À la même occasion, il a déclaré qu'il souhaitait accélérer l'élargissement de l'UE afin d'envoyer "un signal fort à Poutine". À l'époque, l'Ukraine et ses alliés occidentaux espéraient que la contre-offensive de l'été permettrait d'arracher au moins une partie des territoires occupés aux Russes. Mais l'entreprise est un échec.
Dès lors, les autorités françaises envisagent, dans le plus grand secret, la possibilité d'envoyer des troupes à terre. L'idée est examinée pour la première fois par le Conseil de défense le 12 juin 2023.
Lors d'une conférence de presse en janvier de cette année, Macron a parlé pour la première fois de "réarmer le pays". Le 17 du même mois, Moscou a accusé la France d'avoir envoyé des mercenaires combattre aux côtés des Ukrainiens, affirmant qu'une soixantaine d'entre eux avaient été tués lors d'une attaque russe contre un hôtel de Kharkov.
Enfin, le 22 février, le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, affirme que les Russes ont menacé d'abattre un avion espion français survolant la mer Noire.
Le déclin de l'influence française en Afrique de l'Ouest, qui, après plusieurs coups d'État (au Mali, au Burkina Faso et au Niger), a conduit à la défaite de la France, a sans doute contribué à la détérioration des relations entre les deux pays au cours des derniers mois.
Crise entre Paris et Berlin
Mais l'activisme français sans précédent a aussi une dimension purement européenne, essentiellement liée à la crise de l'axe dit franco-allemand. Les incompréhensions se multiplient entre Paris et Berlin sur la gestion de la crise ukrainienne et, plus généralement, des actifs stratégiques européens.
L'Allemagne est le deuxième fournisseur d'armes de l'Ukraine après les Etats-Unis, tandis que la France se situe au 14ème rang, mais le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a souvent été critiqué par Paris, qui l'accuse d'adopter une ligne "trop prudente".
Berlin, pour sa part, ne cache pas son irritation face à la volonté de Macron de se poser en leader de l'Europe et à sa tentative de créer un axe privilégié avec les pays de l'Est à partir de son discours de Bratislava en juin 2023, avec une action unilatérale qui contourne l'Allemagne.
Malgré la contribution plus importante de cette dernière en termes quantitatifs à l'effort de guerre ukrainien, Paris a souligné à plusieurs reprises la décision de la France de fournir à Kiev ses missiles de croisière à longue portée Scalp, exhortant l'Allemagne à faire de même en envoyant ses missiles Taurus.
Scholz craint cependant que le lancement de ces missiles, d'une portée de 500 kilomètres et potentiellement capables de frapper Moscou, ne conduise à une escalade du conflit qui pourrait impliquer directement l'Allemagne. Cette dernière, contrairement à la France, ne dispose même pas d'une force de dissuasion nucléaire propre et a un passé beaucoup plus houleux avec Moscou qui a laissé des blessures non cicatrisées.
Quelle structure pour l'Europe ?
Mais le désaccord entre Berlin et Paris va au-delà de la simple gestion du conflit ukrainien et touche à la question plus profonde des équilibres stratégiques européens. Scholz et Macron ont tous deux reconnu le déclenchement de ce conflit en février 2022 comme un changement d'époque.
Le premier a jugé nécessaire de rétablir une relation privilégiée avec Washington, aspirant à devenir le principal garant de la sécurité en Europe au nom de son allié américain, et en étroite coordination avec l'OTAN.
Le second, en revanche, a réaffirmé la nécessité d'une "autonomie stratégique" de l'Europe. Cependant, il l'a articulée de manière quelque peu contradictoire lorsque, tout en voulant apparemment renoncer à une coordination directe avec Washington, il a tenté d'établir un axe avec les pays de l'Est (notoirement alignés sur les positions américaines les plus intransigeantes), toujours dans une clé anti-russe.
Le conflit ukrainien a mis en crise l'accord tacite à la base de l'axe franco-allemand, selon lequel, si Berlin était reconnu comme le leader économique en Europe, le leadership stratégico-militaire revenait à Paris.
En cherchant à réarmer son armée, le gouvernement allemand a jeté les bases d'une rupture de ce fragile équilibre. En lançant l'initiative "European Sky Shield", un bouclier anti-missiles impliquant 17 pays européens et basé sur des technologies américaines et israéliennes, Berlin a commis une nouvelle honte à l'égard de Paris.
En effet, l'Elysée aspire à créer une industrie européenne de la défense basée sur la technologie française (même l'Italie, qui partage avec la France le système de missiles SAMP-T, ne s'est pas jointe à l'initiative allemande).
Paris reproche donc à Berlin non seulement une "invasion de la campagne", mais aussi sa volonté de maintenir des liens étroits avec l'industrie de guerre américaine.
Après le Brexit, la France est restée le seul pays de l'UE à avoir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU et le seul à posséder des armes nucléaires. Cependant, l'offre de Macron d'étendre la dissuasion nucléaire française au niveau européen s'est heurtée à la froideur de Scholz, qui semble vouloir rester lié au parapluie nucléaire américain.
Effets secondaires
D'où la tentative française d'assumer le leadership européen dans la gestion du conflit ukrainien, ce qui ressort également de la mise en exergue par Macron des différences entre la France et l'Allemagne.
De retour de Berlin, où s'est tenue la réunion du Triangle de Weimar, le président français a décrit M. Scholz comme étant encore attaché à la culture pacifiste de son parti, le SPD.
"L'Allemagne a une culture stratégique de grande prudence, de non-intervention, et reste à l'écart de l'énergie nucléaire", a déclaré M. Macron, soulignant qu'il s'agit d'un "modèle très différent de celui de la France, qui dispose d'armes nucléaires et qui a maintenu et renforcé une armée professionnelle".
Le dirigeant français a ajouté que "la Constitution de la Cinquième République fait du président le garant de la défense nationale". En Allemagne, en revanche, la chaîne de commandement doit tenir compte du système parlementaire".
Or, on le voit, la compétition franco-allemande a pour effet d'exacerber l'affrontement avec Moscou, aboutissant à l'appropriation totale par l'Europe du soutien militaire à Kiev, en l'absence de toute perspective de négociation.
Cela ne fait que répondre au plan stratégique américain de déléguer l'endiguement de la Russie aux Européens (avec toutes les responsabilités économiques et sécuritaires que cela implique) afin de déployer ses moyens militaires dans le Pacifique.
Réprimer les dissensions internes
Enfin, la "croisade" contre Moscou voulue par le président français a une dimension électorale évidente. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen disposerait de plus de 30% des voix et pourrait battre la coalition de Macron (Renaissance), qui disposerait d'environ 18% des voix, lors des prochaines élections européennes.
Une victoire aux élections européennes pourrait garantir à Mme Le Pen un tremplin pour sa prochaine ascension à l'Élysée, lorsque M. Macron aura atteint la limite qui est de deux mandats.
Gabriel Attal, premier ministre et successeur possible de Macron, a récemment accusé le RN d'être "l'infanterie" de Poutine en Europe. L'activisme de Macron sur le front ukrainien sert donc également à diaboliser l'opposition interne et à unir la nation contre la menace d'un "ennemi extérieur".
Jusqu'à présent, le succès n'est pas au rendez-vous, si l'on en juge par les sondages selon lesquels 68% des Français considèrent que la proposition du président de déployer des troupes en Ukraine est une "erreur".
Mais le cas français est emblématique d'un paradigme européen plus général, dans lequel une "menace extérieure" spécialement entretenue fournit un excellent prétexte pour étouffer la dissidence, imposer une logique d'urgence et empêcher tout débat sérieux sur la crise politique, économique, sociale et culturelle qui secoue l'Europe.
Cela conduit non seulement à une aggravation inévitable de cette crise, mais aussi - en raison du conflit avec la Russie - à une détérioration continue de la stabilité et de la sécurité du continent.
Cependant, l'alarmisme européen sur la "menace russe" masque à peine le mécontentement croissant qui se répand partout, y compris dans les pays de l'Est (de la Pologne à la Roumanie, en passant par la Bulgarie et la République tchèque), sur la façon dont la question ukrainienne a été gérée.
Dans sa folie, l'Europe se prépare à une mobilisation de grande ampleur.
Ces derniers jours, les dirigeants de l'UE et de l'OTAN parlent de plus en plus du retour de la conscription et de l'augmentation du financement de la défense. Le président letton Rinkēvičs a déclaré dans une interview au Financial Times qu'il était nécessaire de réintroduire la conscription en Europe en raison de la "menace" de la Russie. "Nous devrons revenir aux dépenses de la guerre froide", a-t-il ajouté. Le président estonien Karis a quant à lui évoqué la possibilité d'introduire une taxe spéciale pour financer les dépenses militaires croissantes des pays européens et les amener au niveau de celles des États-Unis. L'ancien commandant en chef de l'OTAN en Grande-Bretagne, le général Richard Sherriff, a suggéré dans une interview accordée à Sky News que "nous devrions penser à l'impensable". Aujourd'hui, cette question est également débattue en Pologne: la possibilité de réintroduire la conscription a été évoquée par le chef de l'Office national de sécurité polonais, Jacek Severa.
Les dirigeants de l'UE ne cachent plus leur intention de lutter contre la Russie. Dans ce contexte, les pays les plus proches géographiquement - la Pologne, la Moldavie et les trois pays baltes - se distinguent tout particulièrement. Le président de la Lettonie estime qu'il est nécessaire de ramener les dépenses militaires au niveau de la guerre froide (les États baltes faisaient partie de l'URSS pendant la guerre froide), le dirigeant de l'Estonie a proposé d'augmenter les dépenses à 3 % du PIB à l'avenir, tandis que Tallinn a donné 1% à l'Ukraine l'année dernière.
La machine de propagande en Europe est active: la Russie est toujours présentée sous un jour défavorable, on a même réussi à utiliser la tragédie du Crocus pour accuser le "régime de Poutine". Toute opinion alternative est immédiatement supprimée et ne peut être diffusée dans les médias. L'implication de l'Europe dans la guerre augmente déjà avec chaque nouvelle aide financière et matérielle à l'Ukraine, et il pourrait bientôt s'avérer que sur les fronts russes, ce ne sont pas les forces armées ukrainiennes qui affronteront la Russie, mais le personnel de l'OTAN.
La Pologne a suspendu le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.
L'objectif de ce traité était de réduire les armements conventionnels offensifs existants détenus par les États membres de l'OTAN et les anciens pays du Pacte de Varsovie, puis de les maintenir à un certain niveau. Les engagements concernent les chars, les blindés, l'artillerie, les avions de combat et les hélicoptères d'attaque.
Le gouvernement espagnol cède le port de Mahón à l'OTAN pour qu'il serve de base.
La station navale de Mahón (photo) est l'une des bases espagnoles participant à l'opération Sea Guardian de l'Alliance atlantique (OTAN), qui met l'accent sur la connaissance de l'environnement maritime pour dissuader et combattre le terrorisme, ainsi que pour atténuer d'autres menaces.
Des sources du ministère de la défense ont confirmé à Europa Press que Minorque est l'une des multiples capacités que l'Espagne offre à l'OTAN. Il est donc courant que des navires de l'OTAN fassent escale dans ce port.
Selon la Défense, l'opération, active depuis 2016, "vise à développer une connaissance robuste de l'environnement maritime, en combinant des réseaux, basés sur des capteurs et des non-senseurs, avec un échange fiable d'informations et une connectivité entre les alliés et toutes les organisations liées à l'environnement maritime".
L'état-major de la défense indique que la mission de l'Espagne dans le cadre de l'opération comprend jusqu'à quatre sorties par mois d'un avion de patrouille maritime, un sous-marin sur une période de 35 jours, un navire de patrouille en mer prêt à prendre la mer dans les 48 heures sur demande et un navire de commandement avec un état-major embarqué disponible pour diriger en temps voulu.
L'opération est placée sous le commandement opérationnel du Commandement maritime allié (MARCOM), à Northwood (Royaume-Uni). Le MARCOM sert de centre d'échange d'informations sur la sécurité maritime pour l'Alliance. Dans des déclarations à IB3 Ràdio, reprises par Europa Press, le maire de Mahón, Héctor Pons, a indiqué que les visites de navires dans le cadre des manœuvres de l'OTAN sont "récurrentes" et qu'il s'agit d'un "emplacement stratégique".
La station navale de Mahón, sur l'île de Minorque (Espagne), est devenue l'une des trois bases espagnoles de soutien logistique pour les navires de l'OTAN opérant en Méditerranée, ont indiqué des sources gouvernementales au journal El País.
Le journal précise qu'en avril 2023, les autorités espagnoles ont proposé Mahón à l'alliance en tant que "port avec autorisation diplomatique permanente" afin que les navires du bloc militaire participant à l'opération Sea Guardian puissent y accoster et y jeter l'ancre. Le journal souligne que le port de Mahón réunit les conditions nécessaires pour servir de point d'appui logistique à l'OTAN.
18:25 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, emmanuel macron, axe franco-allemand, europe, affaires européennes, espagne, baléares, otan, atlantisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 11 octobre 2022
L'objectif de Biden : l'Ukraine comme tombeau de l'axe franco-allemand
L'objectif de Biden : l'Ukraine comme tombeau de l'axe franco-allemand
Andrea Muratore & Emanuel Pietrobon
(23 avril 2022)
Les sages disent que le plus grand canular que le Diable ait jamais réalisé a été de convaincre le monde qu'il n'existe pas. C'est ainsi que le Malin peut faire porter aux autres la responsabilité de tous ses méfaits. C'est ainsi qu'il peut agir sans être dérangé, entraîner le mortel de service dans la tentation, et disparaître soudainement comme la brume lorsque le péché a été commis.
Un bon stratège, semblable au rusé Satan dépeint par John Milton dans le poème épique Paradise Lost, est appelé à faire de la nécessité une vertu, à saisir l'opportunité lorsqu'elle se présente et même à la créer à partir de rien lorsqu'on lui en donne l'occasion. Un bon stratège, semblable au vieux démon dépeint par C. S. Lewis dans son oeuvre satirique The Screwtape Letters, sait comment exploiter les faiblesses des autres et sur quelles tromperies antédiluviennes s'appuyer pour condamner l'adversaire au cinquième cercle de l'enfer.
Gagner sans se battre. Observer deux ou plusieurs querelles avec la complaisance de ceux qui n'entreront à la fin du spectacle que pour récolter les fruits semés par d'autres. Se dire connaisseur de l'art de la guerre, en effet, ne revient qu'à une seule chose : posséder les connaissances nécessaires pour obtenir un résultat maximal avec un effort minimal. Une connaissance que le duo Biden-Blinken a (dé)montré avoir quand, en faisant capoter les négociations sur les soi-disant garanties de sécurité, il a convaincu un Vladimir Poutine exaspéré par l'échec de la diplomatie de la canonnière de concrétiser l'impensable : l'invasion de l'Ukraine.
En piégeant la Russie dans les sables mouvants ukrainiens, réinterprétation contemporaine du bourbier afghan, la présidence Biden a atteint certains objectifs dans l'immédiat et nourrit l'espoir d'en atteindre d'autres à moyen et long terme, de la fracture du cercle autour de Poutine à la déstabilisation de l'espace post-soviétique, en passant par la consolidation de l'encerclement atlantique de Moscou et, surtout, l'objectif le moins visibilisé à ce jour : l'effritement de l'Entente franco-allemande. Une garantie pour le maintien de l'Europe comme province géostratégique de l'empire américain.
Poutine, le meilleur ennemi de Biden
Si Poutine n'existait pas, Biden aurait dû l'inventer. Approché pour gagner, impulsif quand il est acculé et paranoïaque - toujours. Ne pas vouloir accepter le rejet comme une réponse. Et prévisible, donc, dans ses réactions. Le meilleur ennemi que les États-Unis auraient pu souhaiter à ce moment précis de l'histoire - une période de transition délicate vers un nouvel ordre mondial.
La loi non écrite de tout stratège est de "créer quand c'est nécessaire, d'exploiter quand c'est possible" et le duo Biden-Blinken, en retournant magistralement contre le leader du Kremlin cette diplomatie de la canonnière qu'ils ont utilisée pour appeler à la renégociation de l'architecture de sécurité euro-atlantique et au retour à l'ère des sphères d'influence, a montré qu'il savait l'appliquer. William Burns, ambassadeur du dialogue, bâtisseur de ponts entre Washington et la Russie et gardien de l'appareil du directeur de la CIA, a tenté de prendre la mesure de Moscou en institutionnalisant cette prévisibilité dans un dialogue franc et étroit. Une offre non retenue par Moscou, qui a choisi de se raidir, ouvrant la voie à la contre-attaque américaine.
Faire de la menace une opportunité. L'occasion, dans ce cas, de faire d'une pierre deux coups : affaiblir et la Russie et l'Union européenne. Car cette dernière, en effet, dans la vision américaine n'a de sens que si elle existe dans une position de subalternité au sein du pôle de puissance occidental, en tant que province périphérique de l'Empire ni plus ni moins inhibée dans ses mouvements que l'Amérique latine.
La soi-disant "rupture atlantique" n'allait pas être réparée par la présidence Biden. Elle avait et a des causes (beaucoup) plus profondes. Nous l'avions expliqué dans nos colonnes le 7 janvier 2021, au terme de la courte mais intense ère Trump, que le président du Parti démocrate poursuivrait la politique d'usure de l'ordre hégémonique franco-allemand de ses prédécesseurs. Tout au plus, en raison de la différence de fond idéologique, changerait-il la forme de l'attrition tout en laissant le fond intact.
Biden, nous l'avions prévenu avant qu'il ne prenne ses fonctions à la Maison Blanche, dissimulerait derrière des appels à l'unité apparemment innocents une "cohésion coercitive". L'objectif était évident : "empêcher, ralentir et retarder la réalisation de la soi-disant autonomie stratégique prônée par Macron". Et dans les mois qui suivent, comme prévu, le déclenchement de la bataille des espions, de nouvelles escarmouches diplomatiques et l'adoption de nouvelles sanctions (clairement) coordonnées.
La guerre de Poutine qui ne dérange pas Biden
Le sabotage de l'autonomie stratégique européenne, c'est-à-dire le processus d'émancipation géopolitique de l'UE vis-à-vis des États-Unis, passe inévitablement par trois directions : la Russie, le Royaume-Uni et l'axe Paris-Berlin.
La Russie comme un épouvantail à agiter, et à inciter à la violence si et quand cela est nécessaire - comme en Ukraine -, pour éviter la matérialisation du cauchemar mackinderien d'un axe eurasien avec Berlin comme capitale. Un épouvantail à repousser et avec lequel il faut cesser toute forme de couplage, comme, par exemple sur le plan de l'énergie.
Le Royaume-Uni comme bélier pour exercer une pression tactique sur le ventre mou de l'Empire franco-allemand, en particulier l'espace polono-balte. Le Royaume-Uni, qui, sans surprise, a d'abord participé au boycott des négociations sur les garanties de sécurité, puis a poussé à l'entrée de l'OTAN dans la guerre d'Ukraine et à l'introduction de sanctions sans précédent contre la Russie, de l'exclusion de SWIFT à l'embargo énergétique, en connaissance de l'asymétrie de leurs dégâts. Coup de grâce au parti de la détente dirigé par Emmanuel Macron et soutenu par (quelques) autres.
L'axe Paris-Berlin perpétuellement privée de débouché grâce aux nids de poule et aux impasses, comme le veto américain à la construction d'une armée européenne commune et comme la stratégie, toujours américaine, basée sur le butinage des partis politiques et des forces sociales prônant un atlantisme radical et porteurs d'instances contraires à l'intérêt européen, notamment sur le plan énergétique - de l'importation accrue de GNL nord-américain à une transition verte soudaine et traumatisante. Emblématiques, à ce dernier égard, sont les Verts allemands : nœud coulant autour du cou d'Olaf Scholz, partisans d'une rupture totale avec la Russie et la République populaire de Chine, détracteurs du gazoduc Nord Stream 2 depuis le premier jour et possibles exhumateurs du défunt TTIP et autres propositions pour une plus grande intégration euro-atlantique.
Que la perspective d'une Ukraine envahie par la Russie ne dérange pas Biden, car elle est utile dans le contexte du boycott de l'autonomie stratégique de l'Europe et de l'usure concomitante de l'Entente franco-allemande, Macron l'avait pressenti dès le départ. C'est la raison de son dynamisme diplomatique en décembre, janvier et février. Et c'est pourquoi, malgré la guerre, il a maintenu actif le canal du dialogue avec Poutine et a continué à fournir une respiration artificielle au parti de la détente européen qui était en état comateux.
L'histoire donnera tort ou raison aux efforts de Macron, mais cette première moitié, quelle que soit la façon dont la guerre en Ukraine se termine, Biden l'a incontestablement gagnée. Il l'a gagnée lorsque Poutine a choisi la voie des armes, forçant l'UE à se plier à la ligne dictée par les États-Unis et assassinant le parti européen de la détente et de l'autonomie stratégique. Et il l'a gagné, non moins important, en plantant les graines de la discorde dans les champs fertiles qui nourrissent l'hégémonie franco-allemande, aujourd'hui affaiblie par des divergences sur les sanctions à appliquer à la Russie et la forme de la sécurité européenne d'après-guerre - davantage d'OTAN ou une armée commune ? - et demain contraint d'affronter l'épreuve du feu : le puissant réarmement de l'Allemagne.
L'Europe franco-allemande meurt-elle à Kiev ?
Vladimir Poutine a sans doute choisi de mettre fin à l'ère de la GeRussie d'Angela Merkel en ouvrant le jeu ukrainien. Mais d'une certaine manière, il a doublement joué le jeu de Washington en accaparant également les perspectives de l'axe franco-allemand. Pas tant par des ruptures entre Paris et Berlin, mais plutôt par la déstabilisation de toute perspective d'une Europe ayant la capacité d'agir autour du leadership de la France et de l'Allemagne. Berlin a choisi la voie atlantique sur le front de la défense, dans le gouvernement d'Olaf Scholz les Verts l'ont emporté, ennemis du gazoduc Nord Stream 2, du dégel avec la Russie, de la diplomatie des ponts, jusqu'à ce que ce soit l'industrie qui rappelle à l'ordre les risques d'un embargo énergétique total. Emmanuel Macron a dû rebondir après ses premières manœuvres de détente, qui ont vu le rival stratégique britannique dans l'arène de l'OTAN et l'adversaire politique polonais dans l'arène européenne l'emporter dans la bienvaillance américaine. Londres et Varsovie sont les capitales de l'Europe atlantique, autour desquelles l'Italie, la Roumanie, la République tchèque, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et les républiques baltes se dressent désormais comme porte-drapeau du contraste total avec Moscou.
Paris et Berlin sont métaphoriquement en état de siège. Et Macron l'est aussi sur le front politique : ne nions pas que le rêve inavouable de Washington est une victoire présidentielle de Marine Le Pen qui, aussi lointaine soit-elle, serait pour les Etats-Unis une garantie de la fin définitive, également sur le front politique, de l'axe franco-allemand. Les "mains baladeuses" du scandale du tic-tac de McKinsey et les attaques du gouvernement atlantique contre les initiatives de paix de Macron semblent au moins suspectes dans la campagne électorale. Parce que l'avenir de l'axe franco-allemand, et donc de l'autonomie stratégique européenne, dépend de la réélection de Macron à l'Élysée.
Plus la guerre durera et plus le feu brûlera aux frontières de l'Europe, plus la perspective d'un axe franco-allemand moteur de l'autonomie stratégique européenne s'éloignera. Plus l'Europe sera perçue comme une périphérie de l'Occident sous la bannière étoilée, plus il sera difficile pour une capacité opérationnelle de présenter une sortie de crise menée par la France et l'Allemagne. Plus les États-Unis dictent la ligne de l'OTAN en empêchant l'Europe de choisir la paix ou la guerre, mais en la convainquant de danser à son propre rythme, moins la France et l'Allemagne seront en mesure de jouer un rôle décisif à l'avenir. La fin de l'axe franco-allemand comme moteur de l'Europe est un objectif clair de l'ère Biden, fondé sur la nécessité de reconstruire l'unité du camp occidental sans perspective de déviation de l'orthodoxie de Washington pour les alliés européens. Inexorablement appelé hors de l'histoire. Transformé en périphérie dans l'archipel de la mondialisation dans lequel se prépare la guerre froide 2.0. Dans le camp duquel Washington ne veut pas s'écarter. Et le contrôle de son territoire, grâce à Vladimir Poutine, est plus étroit. Voilà pour les perspectives d'autonomie stratégique européenne.
19:46 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, joe biden, vladimir poutine, ukraine, russie, politique internationale, géopolitique, axe franco-allemand | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 30 septembre 2014
Will France and Germany challenge NATO?
Will France and Germany challenge NATO?
00:05 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, politique internationale, roland dumas, france, allemagne, europe, affaires européennes, pôle franco-allemand, axe franco-allemand | | del.icio.us | | Digg | Facebook