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vendredi, 06 janvier 2017

Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

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Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

 

Le géographe Christophe Guilluy vient de publier Le crépuscule de la France d’en haut (Flammarion), un ouvrage passionnant dans lequel il met en évidence la partition géographique, culturelle et sociale des deux France qui se font désormais face : d’une part, la France des bourgeois-bohêmes (très minoritaires) qui profitent de la mondialisation libérale et qui règnent sans partage sur la quinzaine de métropoles françaises et d’autre part, la France périphérique des perdants (très majoritaires) de cette même mondialisation. L’oligarchie a choisi de concentrer les richesses dans ces quinze métropoles dans lesquelles elle vit à l’écart des ‘’red-necks’’ de la périphérie qui sont supposés être fascistes.

La minorité de privilégiés qui bénéficie des effets de la mondialisation libérale pratique un apartheid qui ne dit pas son nom et utilise les lois du marché qui, du fait de l’augmentation du prix des biens immobiliers dans ces quinze métropoles, permettent de créer une barrière de verre infranchissable sans avoir à utiliser les méthodes habituelles (murs, grillages, forces de l’ordre…).

Une partie de la population de ces métropoles est d’origine immigrée et accepte de vivre dans des zones résiduelles de moindre qualité et désertées par les autochtones qui ne veulent plus vivre au contact de populations aux mœurs par trop différentes des leurs. Cette population immigrée sert d’alibi aux privilégiés qui se veulent ouverts aux autres et leur permet, en fait, de disposer d’une main d’œuvre bon marché dans le domaine des services domestiques et commerciaux (restaurants…).

Les bobos sont les bourgeois du XXIème siècle qui se donnent bonne conscience en participant au combat fantasmatique contre le fascisme et le racisme.  Fantasmatique parce que le danger fasciste n’existe pas (Jospin lui-même l’a reconnu) et parce que les Français ne sont pas racistes (seule une très petite minorité l’est) ; ils veulent seulement préserver leur culture, leur mode de vie, leur sociabilité, leurs institutions… qui sont menacés par l’immigration que nous subissons depuis quarante ans.

L’idéologie de la bobocratie est véhiculée par la quasi-totalité des médias mais, malgré cela, les Français ne tiennent plus compte des sermons, des mises en garde, des menaces, des injures, des mensonges qu’ils profèrent à longueur d’année. 90% d’entre eux ne leur font pas confiance (lors d’un sondage fait récemment par une radio très connue, 91% des auditeurs ont répondu que les journalistes sont des menteurs !) et Marine Le Pen a été la personnalité politique préférée par les Français en 2016, devant tous les candidats du système ! La bobocratie est en perdition, en France, comme en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Europe centrale et à peu près partout dans le monde occidental.

L’idéologie de la métropole

 L’idéologie de la métropole est celle d’une nouvelle bourgeoisie, libérale-libertaire, dont le modèle est celui de la Silicon Valley californienne. Comme l’a écrit Jean-Claude Michéa, cité par l’auteur, : ‘’Ce modèle repose en effet sur cette idéologie libérale-libertaire qui « constitue depuis des décennies la synthèse la plus accomplie de la cupidité des hommes d’affaires libéraux et de la contre-culture californienne de l’extrême-gauche des sixties »’’. Cette nouvelle bourgeoisie, cool et décontractée, n’en partage pas moins avec la bourgeoisie du passé, un mépris à peine voilé pour les classes populaires : ‘’D’un côté des métropoles embourgeoisées qui travaillent, de l’autre une France périphérique peuplée d’assistés. Une représentation condescendante des classes populaires qui est, à peu de choses près, celle de la bourgeoisie traditionnelle depuis au-moins les Rougon-Macquart !’’.‘’Bénéficiaires d’un modèle économique et territorial qui assure aussi leur hégémonie politique et culturelle, les classes supérieures métropolitaines sont les gardiennes du temple libéral’’.

Dans ces métropoles désertées par les gros bataillons des autochtones les plus modestes au cours des vingt-cinq dernières années, il y a une population d’origine immigrée qui permet aux privilégiés de disposer d’une main d’œuvre peu exigeante, disponible pour des activités de services domestiques et commerciaux et qui leur donne le sentiment de vivre dans un univers mondialisé et ouvert , ce qui n’est qu’un trompe-l’œil : ‘’Cette présence populaire et immigrée permet aux tenants de la métropolisation de mettre en avant l’image d’une ville ouverte et mixte. La réalité est que la présence de ces catégories ne freine qu’à la marge le processus d’éviction des catégories modestes des métropoles. Par ailleurs, l’accentuation des inégalités spatiales montre que le modèle métropolitain ne favorise pas l’ouverture et la mixité, mais la ségrégation’’.

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Les bourgeois-bohêmes ou la nouvelle bourgeoisie

Selon Christophe Guilluy, les bobos ont horreur de cette appellation parce qu’elle contient  le mot « bourgeois ». Ils ne peuvent pas imaginer qu’ils sont les nouveaux privilégiés, ceux qui profitent d’un système économique très dur pour l’immense majorité des Français (ou des Italiens, ou des Anglais…..la situation est la même partout). Pour se donner bonne conscience, le bobo affiche sa solidarité avec les homosexuels, les immigrés et les victimes des guerres. Çà ne lui coûte pas cher ; un tweet de temps en temps et la participation à une manifestation lui donnent l’impression d’être un rebelle. Le bobo vit claquemuré dans sa métropole dont il pense qu’elle est un monde ouvert, à la différence de la France périphérique qui serait, selon lui, intrinsèquement « pétainiste ». En fait, tout cela est faux. Le bobo est le bourgeois du vingt et unième siècle ; un bourgeois hypocrite qui essaie de dissimuler son aisance derrière un look débraillé et un langage branché, « cool ». ‘’Derrière le mythe de la société ouverte et égalitaire des métropoles cosmopolites, nous assistons donc au retour des citadelles médiévales, de la ville fermée, et à la consolidation d’un modèle inégalitaire de type anglo-saxon… Détachée de toute appartenance collective autre que celle de son milieu, la nouvelle bourgeoisie surfe sur la loi du marché pour renforcer sa position de classe, capter les bienfaits de la mondialisation et se constituer un patrimoine immobilier qui rivalisera demain avec celui de l’ancienne bourgeoisie’’.

 L’idéologie des bobos est un libéralisme poussé dans ses plus extrêmes conséquences en matière d’individualisme ; ce qui se traduit par un mondialisme radical, une désaffiliation à l’égard de toute communauté autre que socio-économique, une approbation totale du libéralisme économique et un libertarisme radical en matières de mœurs.

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L’antifascisme : une rhétorique qui vise à dissimuler une guerre de classes

Les bobos se donnent bonne conscience en ‘’militant’’ contre le racisme et contre le fascisme, deux maux illusoires dont ‘’Lionel Jospin reconnaîtra plus tard que cette « lutte antifasciste en France n’a été que du théâtre » et même que le « Front National n’a jamais été un parti fasciste »’’. Quant au racisme qui est peu fréquent au sein de la population autochtone, il est surtout le fait des immigrés musulmans dont l’antisémitisme est fréquent et parfois même criminel. ‘’Véritable arme de classe, l’antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste. Mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l’ « ennemi fasciste » et donc la sur-médiatisation du Front National’’. ‘’La France du repli d’un côté, des ploucs et des ruraux, la France de l’ouverture et de la tolérance de l’autre. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cet « antiracisme de salon » ne vise absolument pas à protéger l’ « immigré », le « musulman », les « minorités » face au fascisme qui vient, il s’agit d’abord de défendre des intérêts de classe, ceux de la bourgeoisie’’. Intérêts de classe qui sont dénoncés par la France périphérique qui, elle, ne profite pas de la mondialisation voulue par la nouvelle bourgeoisie et qu’il faut réduire au silence en la méprisant et en l’injuriant.‘’Car le problème est que ce n’est pas le Front National qui influence les classes populaires, mais l’inverse. Le FN n’est qu’un symptôme d’un refus radical des classes populaires du modèle mondialisé. L’antifascisme de salon ne vise pas le FN, mais l’ensemble des classes populaires qu’il convient de fasciser afin de délégitimer leur diagnostic, un « diagnostic d’en bas » qu’on appelle « populisme »’’.

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Le séparatisme des bobos

Les bobos ont abandonné toute idée de nation et l’Union européenne n’est, pour eux, qu’une étape vers un monde unifié dont les pôles seraient les métropoles dans lesquelles seraient rassemblées les élites culturelles, financières et techniques. Dans ce monde des métropoles interconnectées, les zones comprises entre elles seraient des zones réservées aux « losers » et seraient ignorées de la caste métropolitaine : ‘’Dans une tribune commune, Anne Hidalgo et Sadiq Khan font l’apologie du dynamisme des villes globales et ouvertes qu’ils opposent à la léthargie des Etats-nations, considérés comme le cadre du repli sur soi. Structurellement minoritaires, les partisans de l’ordre mondialisé prônent donc maintenant l’indépendance de leurs citadelles et l’abandon des périphéries populaires ! Les grands contempteurs de la France ou de l’Angleterre du repli préconisent ainsi le repli territorial de la bourgeoisie. Cependant, en attendant la création de ces cités-Etats, les classes dominantes et supérieures devront se confronter à un problème existentiel : comment assurer l’avenir d’un modèle mondialisé rejeté par une majorité de l’opinion ?’’.

Le mythe d’un monde nomade

attalinomade.jpgL’idée que les bobos se font du monde est celle d’un monde de nomades (l’ineffable Jacques Attali a dit que sa seule patrie était son ordinateur !). Or les études démographiques et sociologiques montrent qu’il en va très différemment.  ‘’ Contrairement à ce que laisse entendre le discours dominant, la majorité des gens sont sédentaires : ils vivent dans les pays, régions ou départements où ils sont nés… en France comme dans le monde, les classes populaires vivent et préfèrent vivre, là où elles sont nées. Si les gens apprécient le « voyage », le tourisme, ils ne choisissent pas le déracinement’’. L’idée d’un monde fluide, atomistique, est celle que tentent de nous imposer les classes dominantes libérales pour lesquelles il n’est de réalité qu’individuelle. ‘’Cette représentation permet d’imposer efficacement l’idée d’une société hors sol, d’individus libérés de toutes attaches, circulant comme les marchandises au gré de l’offre et de la demande, contrairement aux classes populaires réticentes au changement et tentées par le « repli »’’. Les nomades ne sont qu’une toute petite minorité au plan mondial et les sociétés enracinées restent la norme.

Les préoccupations ethnoculturelles de la France d’en bas

 La classe dominante rabat la contestation du système qu’elle impose sur les seuls succès électoraux du Front National mais cette contestation est le fait d’une part beaucoup plus importante du peuple français. Ce sont environ 70% de nos compatriotes qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés et 60% qui ne se sentent plus vraiment chez eux. Le Front National a donc une marge de progression énorme s’il n’abandonne pas ce qui a fait son succès : la lutte prioritaire contre l’immigration et pour la préservation de la culture nationale. Christophe Guilluy souligne le fait que ce sont les plus âgés des Français qui continuent de soutenir le système tandis que ce sont les plus jeunes, surtout ceux des milieux populaires, qui, au contraire, le contestent massivement. Un sondage CEVIPOF de mai 2016, ‘’révèle ainsi que 37% des jeunes issus du milieu ouvrier et 60% des primo-votants chômeurs accorderaient leurs suffrages à Marine Le Pen, contre 17% des jeunes issus des catégories cadres et professions intellectuelles supérieures. L’étude souligne que « Marine Le Pen est particulièrement visible au sein des primo-votants issus de l’immigration européenne (Espagne, Italie et Portugal) et crée en cela une fracture politique et électorale au sein même de la population issue de l’immigration »’’. La tendance est donc au renforcement des contingents d’électeurs dits ‘’populistes’’, ce qui est confirmé par Jérôme Fourquet de l’IFOP  qui a dit ‘’que désormais les ressorts électoraux des électeurs populaires sont essentiellement « ethno-culturels »’’ (cité par Christophe Guilluy). ‘’Débarrassées des affiliations politiques traditionnelles, les classes populaires réinvestissent leur capital social et culturel. Ce processus n’est pas le signe d’un repli, mais la réponse à un modèle libéral mondialisé qui détruit les solidarités’’. Les classes populaires de la ‘’périphérie’’ (60% des Français selon Guilluy et non pas les quelques 15 à 20% de ruraux âgés et éloignés de tout dont parlent les statistiques officielles) rejettent désormais la mondialisation libérale et la culture qui lui est associée tout en se raccrochant à la culture nationale (le seul recours disponible puisqu’il n’y a pas de culture européenne et qu’il n’y a plus de cultures régionales dynamiques hormis dans quelques régions) qui lui sert de refuge, ce qui se traduit par un ré-enracinement strictement national qui court-circuite les projets européens du passé. Il semble bien que, comme l’a dit récemment Viktor Orban,  la nation ait de beaux jours devant elle.

Les bobos sont en train de perdre la partie

 ’C’est par ces périphéries que la France d’en haut est en train de perdre le contrôle. Maastricht a été le premier coup de semonce, le référendum de 2005, le deuxième. La déstabilisation ne viendra pas d’un hypothétique « grand soir », mais du lent processus de désaffiliation sociale et culturelle des classes populaires. De la classe politique au monde culturel et intellectuel en passant par les médias, l’ensemble de la classe dominante commence à redouter les conséquences du marronnage des classes populaires. Car il rend visible un conflit de classes, aux soubassements désormais sociaux et identitaires, et dont on a longtemps prétendu qu’il n’existait pas’’.  Désormais, l’antifascisme et l’antiracisme, les deux armes de la bourgeoisie bobo n’impressionnent plus personne. ‘’C’est terminé. Les classes populaires ne parlent plus avec les « mots » de l’intelligentsia. Le « théâtre de la lutte antifasciste » se joue devant des salles vides’’. ‘’Le discours de la classe dominante n’a plus aucune prise sur le réel, il fait apparaître une France privilégiée mais hors sol, une « France du vide »’’.

Des bobos sur la voie du totalitarisme

L’oligarchie commence à comprendre qu’au plan démocratique elle a perdu la partie et qu’elle ne maîtrise plus l’évolution de l’opinion (le Brexit et l’élection de Trump ont montré que, désormais, des changements de fond sont possibles malgré les tirs de barrage de l’oligarchie ; Breitbart et d’autres sites de moindre importance ont permis ces deux victoires électorales qui ont sidéré la bobosphère). Sûre et certaine de détenir la seule et unique vérité, elle réagit en dénonçant les travers de la démocratie et en affirmant de plus en plus clairement sa préférence pour un modèle despotique (forcément « éclairé ») : ‘’Réunie sous la bannière de l’antifascisme, partageant une représentation unique (de la société et des territoires), les bourgeoisies de gauche et de droite sont tentées par le parti unique. « Si les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires » (Simon Leys), une tentation totalitaire semble aussi imprégner de plus en plus une classe dominante délégitimée, et ce d’autant plus qu’elle est en train de perdre la bataille des représentations. Ainsi, quand la fascisation ne suffit plus, la classe dominante n’hésite plus à délégitimer les résultats électoraux lorsqu’ils ne lui sont pas favorables. La tentation d’exclure les catégories modestes du champ de la démocratie devient plus précise’’.

Quand Alain Minc déclare que le Brexit, « c’est la victoire des gens peu formés sur les gens éduqués » ou lorsque Bernard-Henri Lévy insiste sur la « victoire du petit sur le grand et de la crétinerie sur l’esprit », la volonté totalitaire des classes dominantes se fait jour’’. Cette arrogance et ce mépris se sont manifestés à nouveau lors de la victoire électorale de Donald Trump dont l’oligarchie a stigmatisé les électeurs d’en bas forcément abrutis, incultes et alcooliques. L’oligarchie dépitée ne sait plus qu’injurier le peuple ; elle va tenter de reprendre la main et de limiter la pratique de la démocratie mais elle ne réussira pas à conserver le pouvoir durablement. Ironie de l’histoire, cette oligarchie ne sera même plus tentée de se réfugier aux États-Unis qui sont désormais dirigés par un nouveau diable. Prise en sandwich entre Poutine et Trump, désavouée en Grande-Bretagne et en Italie, dénoncée par les leaders politiques d’Europe centrale, rejetée par toutes les périphéries, en France et ailleurs, la bobocratie est en perdition !

Bruno Guillard

Christophe Guilluy – ’Le crépuscule de la France d’en haut’’ – Editions Flammarion

samedi, 24 septembre 2016

Chr. Guilluy: La "société ouverte", c'est l’autre nom de la "loi du marché"...

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La "société ouverte", c'est l’autre nom de la "loi du marché"...

Entretien avec Christophe Guilluy

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le géographe Christophe Guilluy à Atlantico à l'occasion de la sortie de son nouvel essai Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016). L'auteur nous livre une description lucide d'une France déjà largement communautarisée et dont la classe moyenne a explosé sous les coups de la mondialisation...

Christophe Guilluy : "Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui ce sont les pauvres qui vont demander la fin de l'État-Providence"

guilluycrépuscule.jpgAtlantico : Dans votre dernier livre Le crépuscule de la France d'en haut, vous dressez un premier constat insistant sur la fracture entre un discours politique évoquant les classes moyennes alors que celles-ci seraient en voie de transformation vers une classe populaire. Quelle différence faites-vous entre une représentation politique et la réalité du terrain ?

Christophe Guilluy : Oui, c’est paradoxal alors même que nous sommes au temps de "la sortie de la classe" moyenne des petites catégories salariées. La classe politique dans son ensemble, droite et gauche confondues, est l'héritière des Trente Glorieuses. Leur représentation du pays, c'est la France de Giscard. Avec deux Français sur trois qui sont des classes moyennes qui ne s'en sortent pas trop mal, et qui sont encore dans une phase où l'on peut imaginer que leurs enfants vont s'en sortir. C'est l'idée d'une classe moyenne majoritaire.

Et d'ailleurs, ces partis ont été conçus pour cela, ils s'adressent toujours aux classes moyennes.

Mais le paradoxe est que les sociologues nous expliquent depuis 20 ans que la classe moyenne a implosé, qu'elle s'est émiettée, divisée. Il y a une classe moyenne inférieure, supérieure, il y a même une classe moyenne "inférieure-inférieure". Ce que les politiques ne comprennent pas, c'est qu'un concept peut être pertinent à un instant T et être totalement inopérant quelques années plus tard, ce qui est le cas avec le concept de classe moyenne. Il ne dit plus rien. Je me suis donc posé la question de savoir pourquoi la classe politique continuait d'utiliser un concept qui n'existe plus.

Il y a d'abord un intérêt politique, qui est de laisser entendre qu'il existe encore une classe moyenne majoritaire. Cela signifie que le système économique qui a été choisi profite à la majorité. C'est une façon de réaffirmer une France qui serait intégrée socialement, économiquement, même si, par ailleurs, il peut y avoir des problèmes. Et ce "par ailleurs" correspond aux banlieues, où vivent des populations qui ont des "problèmes", où il y a des émeutes, des exclus, etc. Mais ce "eux" n'est pas "nous". Parce qu'il y a ici une impossibilité de penser la classe moyenne autrement que comme une classe moyenne blanche.

Le second intérêt ici, pour les classes supérieures, c'est de s'identifier aux classes moyennes. Ce qui est génial, c'est de se laisser croire que finalement on fait partie de "la moyenne",  comme l'ouvrier ou l'employé, c’est-à-dire comme ceux qui ont véritablement subi une baisse de niveau de vie, une vraie précarisation, un vrai descenseur social. Ce brouillage social est accentué par le fait que ces classes supérieures tiennent en même temps un discours critiquent sur "les riches". Elles portent pourtant et cautionnent le modèle mondialisé de ces élites en tenant le discours de la société ouverte. Le problème est que "la société ouverte" est l’autre nom de la "loi du marché". Une loi du marché qui bénéficie effectivement prioritairement aux riches et aux détenteurs du capital mais aussi à ces classes supérieures qui, actuellement, se constituent notamment des patrimoines dignes des hôtels particuliers du XIXe. Mais aujourd'hui, cette bourgeoisie n'est plus identifiée comme telle. D’où mon utilisation du mot "bobo", qui m'a été reprochée. Si cette catégorie ne constitue qu’une fraction des couches supérieures (dont le point commun est de soutenir le modèle mondialisé, elles peuvent donc être de gauche ou de droite), elle permet de sortir du brouillage de classe en utilisant le mot "bourgeois". Ces gens sont arrivés dans des quartiers populaires, là où vivaient des catégories modestes (anciens ouvriers, actifs immigrés…), dont les revenus, le capital culturel, n’ont rien à voir avec ces classes supérieures. Cette nouvelle bourgeoisie n’est pas "riche", elle ne détient souvent pas le "capital", mais il faut les désigner pour ce qu'ils sont : des bourgeois. Ces gens sont très sympas, cools etc., mais ils représentent une catégorie sociale qui n'a strictement rien à voir avec ce qu'étaient hier les classes populaires qui occupaient ces territoires. Il ne faut pas non plus oublier la violence sociale de cet accaparement de biens qui étaient anciennement ceux de ces catégories populaires.

L'idée a été de connecter cela avec une vision globale des effets de mondialisation sur le territoire. Et attention, il n'y a pas de complot : il s'agit simplement du résultat du "laissez-faire" du marché. Le marché de l'emploi dans les grandes métropoles est totalement polarisé. Les emplois des anciennes classes moyennes ont alors progressivement disparu. Le marché des métropoles n'a pas besoin de ces gens. Le résultat est qu'aujourd'hui, 66% des classes populaires ne vivent plus dans les 15 premières métropoles.

Un sondage IFOP pour Atlantico publié le 4 septembre indiquait que 75% des Français considéraient que le terme "républicain" ne les touchait plus, ce terme ayant perdu son sens. Votre constat insiste également sur la notion de "séparatisme républicain", indiquant que la société française serait en voie d’américanisation, par l'acceptation "banale" du multiculturalisme. Ici encore, considérez-vous que le discours "républicain" actuel soit en retard ? 

fanfare-gifs-animes-323257.jpgJe parle de fanfare républicaine. La grosse caisse. L'absurdité de ce débat est de penser que nous, en France, parce que nous sommes plus malins que les autres, nous allions entrer dans le système mondialisé, mais en gardant la République. Sauf que nous ne pouvons pas avoir le système mondialisé sans en avoir les conséquences sociétales. Il faut choisir. Soit nous gardions un système autarcique, protectionniste, fermé, etc., soit on choisit la société ouverte et ses conséquences, c’est-à-dire le multiculturalisme.

Il suffit d'aller cinq minutes dans un collège pour voir comment les enfants se définissent : blanc, noir, musulman, juif, tout sauf "je ne reconnais aucune origine". Même si nous avons pu connaître cela au début de l'immigration maghrébine. Mais cela a basculé à la fin des années 1980, et maintenant, on y est. Et le discours consistant à vouloir revenir à l'assimilationniste républicain n'a pas de sens. C'était un très beau système mais que fait-on ? On demande aux filles d'enlever leurs voiles, aux juifs d'enlever leurs kippas, etc. ? Oui, mais ça s'appelle une dictature. Attention, je ne dis pas qu'il y a eu acceptation, parce que personne n'a voulu une société multiculturelle, et certainement pas les milieux populaires (quelles que soient leurs origines). Ce modèle n'a pas été voulu en tant que tel, ce n'est que la conséquence de l'ouverture. La société française est devenue une société américaine comme les autres. Il suffit de regarder les méthodes de gestion des minorités : quelle différence entre le Royaume-Uni et la France ? Un jeune Pakistanais à Londres a à peu près le même ressenti qu'un jeune maghrébin en France, un jeune Noir de Bristol par rapport à un jeune Noir de Villiers-le-Bel.

bobo.jpgLe problème ici, c'est la différence entre le multiculturalisme à 10 000 euros et le multiculturalisme à 1 000 euros. À 1 000 euros, les choix résidentiels et scolaires sont de 0. Ce qui veut dire cohabitation totale. Si vous habitez dans un pavillon bas de gamme au fin fond de l'Oise et que la cohabitation est difficile avec les familles tchétchènes installées à côté de chez vous, vous ne pouvez pas déménager. En revanche, le bobo de l’Est parisien qui s'achète un loft s’assure grâce au marché de son voisinage et, au pire, peut toujours déménager ou déscolariser ses enfants si cela se passe mal. C'est la seule différence. Parce que pour toutes ces questions, et contrairement à ce que laisse entendre la doxa médiatique, nous sommes tous pareils. En haut, en bas, toutes les catégories sociales, quelles que soient les origines... Ce qui change, c'est le discours d'habillage. Le "je suis pour la société ouverte" ne se traduit pas dans la réalité. La norme, c’est l’érection de frontières invisibles dans les espaces multiculturels ou le séparatisme car personne ne veut être minoritaire.

La société multiculturelle est une société avec des tensions réelles et une paranoïa identitaire pour tout le monde. Les blancs pensent que les musulmans vont prendre le terrain, les maghrébins pensent que les Français sont racistes, les Noirs considèrent que les Arabes leur en veulent, les Juifs sont dans une relation conflictuelle avec les musulmans.

Aujourd'hui, c'est la tension avec l'islam qui monopolise le débat, en raison de la présence d'une importante communauté en France, (et en extension) mais également en raison du réveil de l'islam dans le monde musulman. Nous sommes sur une logique démographique avec un islam qui prend de plus en plus de place. Dans une telle configuration, si une partie de la communauté se radicalise, elle devient de fait beaucoup plus visible.

En réalité, sur ces questions il n’y a pas "les bons" et "les méchants" : nous sommes face à des comportements universels. Il est possible de faire comprendre à l'autre que ce qui se passe aujourd'hui avec le FN est d'une banalité extrême. En expliquant que ce qui se passe, c'est que le vote FN est un vote de "blédard", d’attachement à son "village", d’une volonté banale de ne pas devenir minoritaire, surtout pour les catégories populaires, quelles que soient leurs origines, qui n’ont pas les moyens d’ériger des frontières invisibles. C’est vrai en France, mais aussi en Algérie, au Sénégal ou en Chine : ces ressorts sont universels. Tout le monde peut le comprendre. Nous sommes dans cette complexité du monde multiculturel, que nous n'avons pas choisi. Quand je dis "nous", les falsificateurs laissent entendre qu’il s’agit d’un comportement de "petit blanc". C’est faux, cette perception est commune à tous les individus quelles que soient leurs origines. Les musulmans ne sont pas plus partisans de la société multiculturelle que les Juifs, les Chinois, les Français blancs ou les Noirs. Ils la pratiquent mais sans l’avoir choisie. Cette société idéalisée par la classe dominante, elle est ce qu'elle est, avec sa dose de séparatisme. Ce qui pose la question du séparatisme, qui n'est pas une hypothèse mais une réalité. Et cette société-là, c'est la société américaine. La France est aujourd'hui le pays d'Europe qui la plus grande communauté maghrébine, la plus grande communauté juive, et la plus grande communauté noire. Le multiculturalisme, nous y sommes, malgré la fanfare républicaine qui joue encore. Aujourd'hui, c'est la question de l'islam qui est posée, mais demain, compte tenu des flux migratoires qui ont lieu aujourd'hui et de la croissance démographique en Afrique, c'est la question de l'identité noire qui se posera.

Vous évoquez l'idée d'une "société populaire" en rupture avec un discours dominant, formant ce que l'on pourrait appeler une société parallèle. Quels en sont les contours ? Qui sont les membres de cette société populaire ? A l'inverse, comment évoquer cette "France d’en haut" électoralement parlant ?

Électoralement parlant, cette France d’en haut, structurellement minoritaire, pèse beaucoup sur les grands partis. Mais ce qui est intéressant, c'est la désaffiliation des nouvelles classes populaires de leurs alliances traditionnelles. L'ouvrier qui votait à gauche, le paysan qui votait à droite : tout cela, c'est fini. C'est soit l'abstention, soit le vote FN pour les catégories populaires d’origine française ou européenne. Mais ce qui se forme, c'est une nouvelle société ou des gens qui étaient opposés (l'ouvrier, le petit commerçant, l’employé et le paysan, qui se retrouvent pour beaucoup sur ces territoires de la France périphérique) ont une perception commune de la mondialisation.

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C'est ce qui les rapproche. Ce sont ces catégories qui vont vers le parti de sortie de la classe moyenne, le FN. Il n'y a pas de conscience de classe, mais ces gens pensent à peu près la même chose du sort qu'on leur a fait avec la mondialisation, mais également des effets de la métropolisation. Ces populations sont sédentaires, elles n'ont plus les moyens de partir, elles doivent s'ancrer sur le territoire, dans des zones peu dynamiques en termes de création d’emplois privés dans un contexte de raréfaction de l’argent public. De plus, ces territoires ont beaucoup vécu de redistribution, de l'investissement public, de la création de postes dans le secteur public. Mais tout cela est terminé. La manne publique a disparu. Et ce n'est pas parce que les gens ont Internet qu'ils sont à New York, ce discours est une arnaque. Le Cantal et Manhattan, ce n'est pas la même chose. Le réseau, ce n'est pas Internet, ce qui compte c'est de rencontrer des gens, être physiquement en face de quelqu'un avec qui on décide de faire des choses, comme le font les cadres supérieurs dans les métropoles. La mobilité n'est plus une mobilité pour tous, elle concerne prioritairement les catégories supérieures, ce qui implique une nouvelle forme de sédentarisation des catégories populaires.

Dans un livre publié en 2006 (Combattre les inégalités et la pauvreté. Les États-Unis face à l'Europe), le directeur de la recherche économique de Harvard, Alberto Alesina, et son collège Edward Glaeser montrent "la relation fondamentale entre fragmentation raciale et dépenses sociales en pourcentage de PIB", indiquant que plus un pays est fragmenté "racialement", moins les dépenses sociales sont élevées. La France périphérique peut-elle participer à de telles décisions ?

C'est également la thèse de Robert Putnam, qui a analysé les grandes villes, et qui a démontré le même phénomène. Il se posait la question de savoir pourquoi les politiques sociales étaient plus faibles dans les grandes villes. Et effectivement, le résultat était que les gens ne veulent pas payer pour les pauvres d'une autre communauté. C'est toute l'ambiguïté du rapport actuel à l'État-Providence qui se traduit dans la parole politique. Il existe un discours radical actuellement sur cette question, qui consiste à dire que l'on donne trop d'argent aux chômeurs, aux assistés, etc. Et ce, sans poser la question culturelle qui se cache pourtant derrière. C'est exactement ce qui se passe en France.

Ce qui est amusant, c'est que les libéraux pensent que les Français sont gagnés par le libéralisme et qu'ils sont contre l'État-Providence. C’est faux. Mais la situation paradoxale est qu’aujourd’hui ce sont les pauvres qui vont demander la fin de l'État-Providence.   

Vous avez été attaqué pour votre travail. Quelle est la difficulté de votre discours au sein de l'Université ?

Oui, des critiques de quelques individus très idéologisés et éloignés des réalités, qui falsifient mon travail, et aussi tout bêtement par des "concurrents". Une histoire de business. Au-delà de ça, ces gens défendent en réalité un modèle, celui des classes dirigeantes, dont ils bénéficient.

Christophe Guilluy (Atlantico, 19 septembre 2016)

vendredi, 25 mars 2016

Jeu de miroir entre le « boboïsme » et le jihadisme

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Jeu de miroir entre le « boboïsme » et le jihadisme

Ex: http://lesalonbeige.blogs.com

Lu sur Eecho qui fait un amalgame politiquement très incorrect:

"Le terrorisme jihadiste interpelle nos sociétés au plus profond. Saurons nous l’appréhender en vérité ? La propagande radicale des islamistes exige une réponse radicale, à son niveau. Mais nos sociétés en semblent bien incapables… 

[...] Mais on ne comprendra ces actes qu’en considérant les facteurs déterminants du terrorisme :

  • l’existence d’une doctrine, d’un corpus idéologique, permettant de justifier le terrorisme (au nom d’un bien supérieur), que cette justification soit laïque, religieuse ou autre encore ;
  • l’existence de grands intérêts (Etats, groupes à visée de domination politique ou idéologique),  prêts à financer et/ou à armer des groupes et des actions terroristes en vue de se servir d’eux ;
  • l’existence de franges de population idéologiquement prêtes à soutenir ces groupes ou actions, voire à s’y engager.

Nos dirigeants ont-ils agi sur – contre – ces trois facteurs ? Rarement. L’action de la police et de la justice est entravée. Aucun commanditaire du terrorisme n’est en prison, ni n’a été privé de ses avoirs financiers (au contraire de certains Syriens et Russes qui, eux, combattent le terrorisme), et, historiquement, on a souvent vu que ceux que nos médias et dirigeants ont accusés d’être de ces commanditaires n’en étaient en fait pas (Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi). On n’en a pas moins mis en oeuvre les moyens pour les liquider sans états d’âme. Les vrais commanditaires, eux, sont reçus dans nos capitales avec tous les honneurs, quand ils n’organisent pas en Europe même leurs meetings politico-religieux sans être inquiétés.

Face à la « radicalisation », des puérilités ?

Quant à « l’islam radical » comme on dit maintenant, il se porte bien, merci. Sa propagande circule librement, rien n’est fait pour s’opposer à ses idées. Le comble en la matière a-t-il été atteint ? A la suite d’autres entités (comme l’Etat jordanien), la région de Bruxelles s’était mise en tête de produire des vidéos (30 fois 3 mn) pour « lutter contre la radicalisation » et avait offert 275 000 € à Ismaël Saidi, aidé par un belgo-marocain et un Belge islamisé, pour réaliser ce projet ; ceux-ci, découragés, ou pour d’autres raisons, avaient finalement renoncé

[...] La propagande radicale des islamistes exige une réponse radicale, à son niveau. Elle manipule des espérances qui touchent aux ressorts les plus profonds de l’âme humaine. Pensons-nous vraiment que l’on puisse répondre à tel imam britannique radical, qui expliquait publiquement et très posément que les musulmans sont, par nature, des victimes innocentes et les non-musulmans des coupables qui ne méritent pas vraiment de vivre, par une vidéo sur les dangers de la réalité virtuelle pour les adolescents ? Les déclarations de cet imam, et de tant d’autres établis en Europe même, s’inscrivent dans un schéma de pensée cohérent et très séducteur. Elles sont très logiques si l’on croit vraiment, conformément à l’islam, que le salut du monde est en jeu. Nos gouvernants n’ont rien à répondre et opposer sur le fond : « [face au jihadisme] il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » tonitruait Manuel Valls début janvier 2016. Cette parfaite incarnation de la défaite de la pensée est gravissime. Car la violence justifiée ne se résume pas au seul jihadisme. [...]

Ainsi, s’il existe une doctrine et un « projet jihadiste », appuyés par de grands intérêts et des franges de population prêtes à les soutenir, il nous faut être tout aussi lucides sur la doctrine et le « projet de l’Occident », eux aussi appuyés par de grands intérêts (d’autres ou les mêmes ?) et soutenus idéologiquement par certaines populations : ces attentats et leur contexte révèlent une troublante gémellité des sociétés musulmanes et occidentales. Le dogme de la « bienpensance européenne » obligatoire nous fait en effet rêver lui aussi d’un monde délivré du mal, sous l’aspect d’un monde de paix, fait de convivialité, de consommation heureuse et de dialogue des cultures. À ce dogme de foi laïciste, tout doit être sacrifié. Certains parlent de « boboïsme » pour qualifier ce qui ressemble bien à un « Royaume de Dieu » sans Dieu.

Objectivement, il ne s’agit de rien de moins que de sauver le monde de son mal, tout comme le veulent les jihadistes. Dans ce projet tout aussi séducteur que le leur, seule diffère la voie empruntée. Pour les uns comme pour les autres, il n’y a plus de morale qui tienne : la fin justifie tous les moyens. Espérant atteindre celle-ci, les dirigeants européens (et leurs électeurs ?) laissent les populations délibérément exposées aux atrocités du jihadisme que l’islam contient en germe. Traiter efficacement ce problème à la racine exigerait de renoncer au dogmatique projet de « dialogue des cultures », auquel on sacrifie tout à Bruxelles comme à Paris. On préférera s’enfoncer dans la voie de l’Etat policier pour forcer les franges réticentes à accepter la mise en oeuvre de ce « boboïsme », en déployant d’un autre côté des trésors de propagande subventionnée pour leur en faire accepter les contradictions : pour vivre « en paix » dans un « monde convivial », il faudrait y accepter l’autre tel quel, y compris lorsqu’il défend les pires sectarismes – qui portent tous les ferments de la violence, notamment contre les femmes et les chrétiens.

Eviter le piège et construire l’avenir

Des oppositions idéologiques existent certes entre le « boboïsme » et le jihadisme : le piège est de leur accorder plus d’importance qu’elles n’en méritent. Elles ne sont qu’accessoires dans la vaste pièce de théâtre médiatique qui nous est jouée. Les convergences de fond, elles, sont déterminantes : les « boboïstes » sont les premiers à aller manger dans la main des commanditaires du terrorisme, une main pleine de pétrodollars. Mais surtout : il existe un jeu de miroir entre le « boboïsme », qui recourt au terrorisme intellectuel et à l’Etat policier, et le jihadisme, qui recourt au terrorisme que l’on connaît – l’un ayant besoin de l’autre pour se justifier, en identifiant celui-ci à la figure du mal à éradiquer en vue du salut du monde. Voilà également ce qu’il faudrait dire aux jihadistes décervelés, qui n’imaginent pas qui ils servent, notamment lorsqu’ils partent en Syrie tuer des musulmans sunnites et s’y faire tuer : à qui cela profite-t-il ? Telle est l’autre question qui mériterait d’être posée…

Croire naïvement aux jeux d’opposition entre le « boboïsme » et le jihadisme, c’est tomber dans un piège qui ne conduira qu’à la répétition des épisodes de Bruxelles et Paris, à laquelle répondront l’affermissement de la « guerre contre le terrorisme » et la frénésie consumériste de la « génération Bataclan » (au « mode de vie hédoniste et urbain » revendiqué par Libération comme antidote au jihadisme…). Cet engrenage sans fin et maléfique entraîne le monde dans une montée aux extrêmes, vers une conflagration générale.

En sortir exigerait de considérer en vérité les présupposés idéologiques qui nous animent, de poser la question du mal et en particulier celle du salut du monde. Et d’écouter les chrétiens : ils s’échinent à clamer qu’on ne viendra pas à bout du mal qui accable ce monde avec des rêves idéologiques qui ne font qu’ajouter du mal au mal. Le sommet de tous les pièges, c’est précisément de rêver d’éradiquer le mal du monde. Car, si nous pouvons rendre celui-ci meilleur autour de nous (ce qui se passe là où les chrétiens ont de l’influence, en Orient comme en Occident), nous ne trierons jamais le bon grain de l’ivraie, comme Jésus l’a prévenu. Avons-nous retenu les leçons du 20e siècle ? Chaque tentative se solde immanquablement par l’arrachage du bon grain en même temps que l’ivraie, par le sacrifice de wagons entiers d’innocents aux idoles que représentent les perspectives de faux saluts. Encore faudrait-il que les chrétiens puissent porter cette parole : lorsqu’ils ne sont pas réduits au silence et persécutés à cause d’elles, ils sont si facilement séduits par ces fausses espérances."

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mercredi, 23 septembre 2015

Het “Mensisme” – een nieuwe en (opnieuw) wereldvreemde utopische ideologie

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Het “Mensisme” – een nieuwe en (opnieuw) wereldvreemde utopische ideologie
 
 
Peter Wim Logghe
Ex: Deltastichting - Nieuwsbrief - nr. 96 - September 2015
 
Utopisten hebben dat gemeen dat iedereen die ook maar één woordje twijfel durft uitspreken over de haalbaarheid, de wenselijkheid en het menselijke van betrokken utopie, ongenadig wordt neergesabeld als “onverdraagzaam, als “bekrompen”, ja, als “ongelovige”. Elke zin voor nuance verdwijnt, want de minste twijfel bij haalbaarheid en wenselijkheid kan het utopisch project trouwens onderuit halen.

Dit gevoel bekroop mij toen ik de commentaar las van de Oostenrijkse bondskanselier Werner Faymann, die over het Hongaarse terughoudend beleid ten opzichte van de asielinvasie zei: “Dit beleid doet denken aan de holocaust”.  Intussen roepen politici, kerkoverheden, schooloverheden, en andere leidende kringen (die meestal héél ver af wonen van asielcentra…) in West-Europa op om méér te doen voor de arme drommels die aan onze deuren kloppen.

Linkse stellingen krijgen opnieuw vrij baan in de media. Voorheen was het “de school voor iedereen”, “het huwelijk voor iedereen”, nu klinkt het luid “asiel voor iedereen”, “Roeselare is een stad voor iedereen”, “open grenzen voor iedereen”, “geen mens is illegaal”.  Uit dit alles kan men gemakkelijk de oud-linkse utopische wensvoorstellingen distilleren, zoals ze al altijd hebben bestaan. De Sehnsucht (aldus Peter Kuntze in Junge Freiheit) naar een “betere wereld”, naar een ordening zonder hiërarchie, zonder boven en onder, zonder grenzen,  een wereld dus die voor iedereen openstaat, en waar iedereen gelijk is. De volmaakt gelukkige wereld, want hoe zou je in een wereld waarin iedereen gelijk is, nog ongelukkig kunnen zijn? De communistische utopie inderdaad, in het nieuwe jasje van “Mensisme” gestoken.

Brengt de asielinvasie ongemakken met zich mee, overlast en zelfs open criminaliteit, dan staat het utopisch netwerk klaar om een en ander in het juist kader te zetten, zoals onlangs in een pamflet van “Refugees Welcome Saarland” duidelijk werd. Een Syrische, bedronken asielzoeker had een Duitser aangevallen. Deze "criminele daad" kan op geen enkele manier gelinkt worden aan een bepaalde mensenkring, die men vluchtelingen kan noemen”. Criminele daden worden niet gepleegd “door Duitsers, zwarten, gehandicapten of vluchtelingen, maar door mensen”.  En net als bij alle mensen zijn er bij asielzoekers “ook nette, propere mensen en mensen met minder goede bedoelingen”.

bobo191326.jpgUtopisch denken staat meestal zeer ver af van de realiteit. De utopische wensdroom die nu over Europa trekt – en die de kloof tussen het “conservatieve”  en dus “bekrompen” voetvolk, en de utopisch denkende kaste van beleidsvoerders steeds breder en dieper maakt – gaat in elk geval uit van een mensenbeeld dat losstaat van elke realiteit. Het gaat over “de mens”, waarbij abstractie gemaakt wordt van zijn genetische, etnische, geschiedkundige, en socioculturele achtergrond, en van zijn of haar relaties met heden en werkelijkheid. Het gaat om een omhulsel zonder inhoud, “de mens” geplaatst in “de wereld”.

In niets is het optimisme van de asielutopisten te stoppen. Ontstaat er wrevel in verschillende Beierse gemeenten en dorpen bij het zien van de grote groepen vluchtelingen, dan stelt de Duitse overheid  dat “steden en dorpen zich moeten openstellen voor het vreemde en het zien als verrijking”. Dezelfde praatjes werden 40 jaar geleden in België al verteld. Intussen blijft het wachten op concrete voorbeelden van verrijking.

Utopisme is een geloof, en elk geloof in een utopie is irrationeel. Enkele linkse militanten en kadermensen zijn in het verleden al tot de vaststelling gekomen dat dit utopisme zelf de oorspronkelijke kern van het linkse denken – de levensvoorwaarden van de eigen, autochtone arbeiders verbeteren – heeft doen verwateren, de vraag is alleen of hun bekering op tijd komt en nog iets kan uithalen.  Want de essentie van hetgeen momenteel over Europa rolt, en wat zich klaarmaakt om de komende maanden naar ons continent af te zakken, kan men moeilijk anders noemen dan een “omvolking”, of de “Grote Ruiloperatie”.  De omschrijving zelf is trouwens irrelevant, het resultaat is hetzelfde: autochtone Europese volkeren zullen op korte termijn in het eigen land tot minderheden worden.  En daarnaast wendt de kaste opperpriesters van de Nieuwe Utopie zich arrogant af van het eigen volk, en zeker van de intellectuelen van het eigen volk, die het met de neus op de feiten durven duwen.

Een licht ontvlambare toestand, zegt u?
 
Peter Logghe
 

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mardi, 12 mai 2015

Les bobos!

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Les bobos!

Tribune de Vincent Revel

Ex: http://fr.novopress.info

Pour clarifier ce que j’entends par bobo, je vais reprendre la définition qu’Alain Finkielkraut nous donne dans son ouvrage L’identité malheureuse. Le bobo, « nouveau type humain », est né avec Mai 68. « Comme son nom l’indique, celui-ci n’est pas né de rien, mais du croisement entre l’aspiration bourgeoise à une vie confortable et l’abandon bohème des exigences du devoir pour les élans du désir, de la durée pour l’intensité, des tenues et des postures rigides, enfin, pour une déconstruction ostentatoire. Le bobo veut jouer sur deux tableaux : être pleinement adulte et prolonger son adolescence à n’en plus finir. »

Ce qui veut dire que le bobo se croit être cool, attaché au camp des gentils puisque partisan sans condition du multiculturalisme et progressiste jusqu’au bout des ongles. De ce fait, il est plus que prévisible car il se veut non conformiste alors qu’en réalité son discours et son attitude correspondent à la pensée unique. Il est dans l’air du temps tout en se voulant rebelle. Il déteste plus que tout l’histoire de son peuple. Son péché mignon ultime est de se définir citoyen du monde. C’est un adepte du sans-frontiérisme, souvent proche du sans-papiérisme.

bobos-parisiens-L-2EjmgE.jpegComme le dit Régis Debray dans son Eloge des frontières, il adhère sans restriction à « une idée bête qui enchante l’Occident : l’humanité, qui va mal, ira mieux sans frontières. » Ces dernières sont devenues à sa vue un blocage insupportable au grand melting-pot et aux échanges de marchandises, de capitaux et de personnes soi-disant librement consentis. Paradoxalement, le bobo, malgré son militantisme pour le droit à la différence, vit pour une globalisation uniformisante. L’exotisme est pour lui un exutoire car c’est un grand sentimental dans une version télé-réalité pour les riches.

Le top du top pour le « bobo » est d’être capable d’afficher un air décontracté et faussement enthousiaste lorsqu’il explique à ses proches ses dernières vacances passées loin de France. Pour être un vrai bobo, il est primordial de proclamer haut et fort, avec un air béat, enjoué : « qu’est-ce que c’est mieux chez eux ! », « puis qu’est-ce qu’ils sont ouverts et accueillants ! » Sans prendre le risque de passer pour un touriste de base (« un beauf » dans leur jargon), il faut absolument que le bobo arrive à communiquer son émerveillement sur cet ailleurs idéalisé souvent à l’extrême.

En même temps, vous me direz avec justesse que c’est le but de toutes vacances, que de revenir émerveiller et reposer. Mais ce qui fait la vraie différence entre un bobo et un touriste lambda, c’est que le premier revendiquera, souvent avec conviction et virulence, le droit des peuples à demeurer eux-mêmes. Il n’hésitera pas à se faire l’ambassadeur de peuplades lointaines et sera prêt à défendre des coutumes parfois très éloignées de ses principes qui pourraient justement aussi choquer plus d’un « beauf ». Il se fera donc le champion de la lutte contre le capitalisme, qui impose une mondialisation sauvage, sans non-plus remettre en cause les effets dévastateurs que celui-ci peut avoir sur son propre pays tout en omettant, hypocritement, de préciser que ce même capitalisme lui permet d’être un membre privilégie d’une caste cosmopolite.

Pour être simple, quand les bobos partent en Turquie, en Tunisie, en Egypte, au Kenya, en Thaïlande, ils aiment y trouver l’esprit du pays et les traditions attachées à ces nations jusqu’à s’en extasier tellement il est bon pour l’esprit de voir des êtres enracinés dans une longue tradition. Jusque là, je ne leur fais aucun reproche car je pense presque comme eux sauf que je revendique le même droit pour tous les peuples et j’insiste que ce droit ne doit pas être réservé qu’aux seuls continents asiatique et africain. C’est ce que je nomme le vrai droit à la diversité.

Mais pour le bobo, l’essentiel est ailleurs. Sa mauvaise conscience, alimentée par 40 ans de culpabilisation, l’oblige à endosser la cape du défenseur des peuples opprimés, des minorités. Car comme le précise Régis Debray « le sans-frontiérisme excelle à blanchir ses crimes. Mieux : il a transformé un confusionnisme en messianisme. »

Dans son esprit narcissique et déraciné, digne enfant gâté d’une société qui a appris à se détester, le seul méchant ne peut être que l’Occident blanc, riche et opulent, responsable de tous les maux de la terre (croisades, esclavage, colonisations, pollution…).

De cette façon, il garde l’esprit tranquille, déconstruit égoïstement les sociétés qui lui ont permis de grandir et continue de profiter, sans gêne, d’un système profondément injuste qu’il fait mine de dénoncer pour pouvoir maintenir un niveau de vie répondant à son exigence de consommateur. Pour schématiser, comme le dit très bien Éric Zemmour dans son livre Le Suicide français, « les bobos sont des prédateurs aux paroles de miel. Ils exaltent la diversité à l’abri de leurs lofts cossus… Ils vantent l’école publique et le vivre-ensemble, mais profitent de leurs relations pour contourner la carte scolaire dès que l’école de leurs enfants est submergée d’enfants de l’immigration. » En politique, ils sont plus que reconnaissables tellement ils ressemblent à Madame Vesperini, personnage de fiction de l’excellent polar Territoires d’Olivier Norek. Avec eux, le cynisme, le mépris, les mensonges, le clientélisme et l’hypocrisie n’ont plus de borne.

Mais aujourd’hui, face à la violence islamique, leur monde se fissure comme le démontre la virulente opposition ayant eu lieu lors de l’émission de Ruquier entre Aymeric Caron et Caroline Fourest. Ceci est une petite nouveauté, suffisante pour être soulignée !

Vincent Revel