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vendredi, 04 septembre 2009

Vers l'infantilisation et l'américanisation de la société française

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Vers l'infantilisation et l'américanisation de la société française.

Ex: http://www.polemia.com/

Labourage et pâturage ne sont plus depuis longtemps les deux mamelles de la France. Elles sont aujourd’hui devenues Psychologie et Judiciaire. A chaque semaine sa nouvelle loi ou son nouveau règlement en réponse à chaque dernier fait divers. A chaque nouvel incident, sa horde de psychologues s’abattant tel un vol de criquets pèlerins sur les « victimes » aux frais de l’Etat et des collectivités locales. Autour de nous, ce n’est que procès, plainte, récrimination et victimisation. Tout devient judiciaire, on ne sait plus se parler et répondre par le bon sens ou le courage aux petits inconvénients de la vie. La plainte est l’avenir de l’homme aurait dit Aragon en rimant sur notre triste époque. Et ce qui n’est pas judiciarisé est psychiatrisé dans le mauvais sens du terme.

Il n’est pas un jour où l’on lise dans la presse ou sur Internet, où l’on voit à la télévision ou que l’on entende à la radio que la désormais célèbre « cellule psychologique d’urgence » a sévi. Passager du car qui s’est renversé, familles et voisins du petit loubard heurté par un voiture de police, enfants, parents et personnel de la crèche où l’enseignante s’est pendue, de la piscine où le gérant a pris un coup de couteau, tous y on droit sans discrimination.

Jadis, ceux qui supportaient mal les vicissitudes de l’existence, les mauvais coups et les traumatismes soit faisaient avec tant bien que mal, soit s’engageaient dans la voie volontaire et payante de la psychanalyse ou de la psychothérapie.

Maintenant, il n’est même plus nécessaire de demander, le psychologue et sa cellule de crise arrivent quasiment avant les flics et les pompiers sur les lieux du drame. Etre pris en charge psychologiquement devrait être une démarche individuelle et réfléchie. Or que voyons nous le plus souvent, des individus à qui certes il est arrivé quelque chose de fâcheux, mais le plus souvent de simples témoins qui s’en remettraient d’eux même la plupart du temps. Ils vont subir les poncifs et les lieux communs de soit disant professionnels du malheur pour les aider à supporter le choc. Et puis, comme les pouvoirs publics du plus haut de l’Etat au maire de la plus petite commune ne veulent pas passer pour des irresponsables et se montrer compatissants et ne pas être impliqués, on envoie l’équipe de psychologues qui le plus souvent ne fera qu’un séance collective tout près de la carcasse du bus, de la chapelle ardente ou de la cage d’escalier du HLM qui a pris feu. Résultat nul au niveau du soutien, car seul une écoute prolongée et structurée peut être efficace pour des personnes psychologiquement fragiles. Et puis, quand un autocar rempli de Slovènes se rendant Portugal s’écrase dans un fossé à trois heures du matin du côté de Sauveterre en Guyenne, on peut se demander où le maire va trouver à cette heure une équipe de soutien psychologique maîtrisant la langue des occupants du véhicule accidenté.

De plus, ce soutien est gratuit, même s’il coûte à l’Etat. Les « victimes » ne faisant pas de démarche volontaire et ne déboursant pas le moindre euro, l’impact psychologique est différent de celui créé par la relation avec un thérapeute que l’on a choisi et que l’on rémunère, quelque soit sa formation. Il y a fort à craindre que l’assistance tous azimuts, dispensée larga manu, peut avoir plus d’effets secondaires que prévu. D’abord la fixation de la scène traumatisante à force d’en avoir parlé. L’oubli est aussi utile à la reconstruction se soi après un traumatisme. Ensuite peut se greffer l’idée que « si l’on s’intéresse à moi, c’est qu’il y a eu faute ». Cela débouche rapidement sur la revendication et dans certains cas sur une pathologie revendicative appelée sinistrose, avec des effets encore pire que quelques possibles mauvais rêves post traumatiques.

A croire que les pouvoirs publics veulent venir en aide à la profession des psychologues qui pourtant est loin d’être sinistrée. Déjà les entreprises y ont recours tant au niveau du recrutement que de la gestion des ressources humaines. Mais là au moins, c’est le patronat qui paie, pas le contribuable. Et puis, le service rendu aux victimes, aux témoins de drames n’en est peut être pas véritablement un. Il y a aussi des risques de fixation du traumatisme subit indirectement quand on vient vous expliquez que vous venez d’en subir un et que vous risquez d’en souffrir toute votre vie si vous ne vous exprimez pas en vidant votre sac devant un professionnel.

Le recours au tout psychologique a pour corollaire l’inflation du tout judiciaire. En effet, lorsque l’on vous a fait comprendre que vous êtes quelqu’un digne d’intérêt parce que votre voisin a été tué à coups de hache, ou que votre car ne se serait pas retrouvé dans le fossé si la compagnie de transport avait suivi toutes les procédures de sécurité, que le maire du patelin aurait dû faire établir des ronds-points à grand frais dans sa commune et qu’à cause de ces irresponsables vous allez souffrir psychologiquement pendant des années parce que votre voisin de siège s’est cassé la clavicule dans l’accident, alors il vous vient rapidement le désir revendicatif et l’espoir de toucher quelque chose au titre du préjudice moral.

Souvent, après avoir été requinqué par le psychologue, le témoin, le rescapé, bref celui ou celle qui n’a pas souffert grand-chose est mûr pour devenir plaignant. Un plaignant qui va au tribunal stimulé par une démarche bipolaire. D’abord, le désir vindicatif et punitif le motive, mais le versant mercantile de la plainte n’est pas à négliger, même s’il se drape dans les oripeaux de la juste revendication.

La société française entière a été gangrenée par un recours au légal, au pénal pour un oui ou pour un non. La victime expiatoire a été remplacée par le coupable expiatoire qui permet à la fois de toucher des indemnités sonnantes et trébuchantes, mais aussi de considérer la justice comme l’émonctoire de la peur. Il y a aussi de nos jours, du Millénarisme dans le recours au juridique ainsi que du sacré. Le citoyen a une peur irraisonnée de Fin du Monde, d’Apocalypse et de Jugement dernier. L’environnement, de potentiellement dangereux, devient ressenti comme obligatoirement hostile. Manger un fruit, un bonbon, une salade ou un kebab, c’est s’exposer aux pesticides, aux cancérigènes et aux germes et de ce fait rechercher un bouc émissaire à dénoncer avant même le premier incident. Aller dans un parking toute seule, c’est prendre le risque d’un viol. Envoyer ses enfants en car scolaire, c’est la très forte probabilité de l’accident « qui aurait pu être évité » ou alors de tomber sur un chauffeur pédophile. Les exemples se ressemblent tous dans leur essence. La peur règne en maître, elle est érigée en dogme et débitée ad libitum durant les journaux télévisés. Le citoyen pense qu’il peut, qu’il doit se protéger de l’adversité en portant plainte, espérant ainsi une juste compensation. Cette forme d’exorcisme place l’action judiciaire au niveau du sacré, si ce n’est du magique et du sacrifice propriatoire. Le recours au psychologue le renforce dans cette dérive.

Les inconvénients de la vie ordinaire n’ont cependant pas tous le tragique d’un drame atridien. Les prud’hommes, le civil et le pénal sont utiles, mais pas à tout bout de champ. Il existe des licenciements abusifs évidents, certains inconscients peuvent laisser déambuler une meute de bergers allemands sans surveillance devant une école maternelle. Le viol, l’attaque à main armée et le meurtre, fût il petit et entre amis doivent avoir une réponse pénale avec sanction et réparation matérielle, c’est évident.

Mais en plus de la démarche individuelle, il se développe une stratégie collective de la plainte. Les associations de consommateurs et de victimes se comportent de plus en plus en associations de malfaisants, si ce n’est de malfaiteurs. Ces groupes se portent partie civile, le plus souvent non pour faire éclater la vérité et faire châtier le coupable, mais pour faire condamner un responsable avant tout solvable. Il est remarquable de constater que les « lampistes » ne paient quasiment jamais, même quand ils sont véritablement impliqués dans une affaire pouvant déboucher sur des dommages et intérêts. Les associations savent que les subalternes ne sont pas solvables et sont souvent défendus bec et ongles par les syndicats. Il est nettement plus rentable de se retourner contre l’Etat, une compagnie aérienne, une grosse entreprise, un médecin, un maire ou un architecte si on espère une forte indemnisation. Ce comportement participe à l’inflation judiciaire et à la pénalisation, mais aussi à l’inflation tout court, car les coupables potentiels sont obligés de se couvrir en s’assurant et en créant des provisions pour frais de justice.

Par contre, le « Respect pour Farid ! » scandé aux alentours d’une cité après le décès d’un délinquant est beaucoup plus significatif d’un désir revendicatif incantatoire, d’une recherche de reconnaissance, voire d’une forme de victimisation. A l’inverse, il ne s’agit pas de l’influence de la télévision sur le citoyen, mais de l’imprégnation des médias et de la classe politique par un cri venu du peuple. Le mot respect étant ensuite récupéré avec démagogie à des fins électorales par les politiciens de tous bords.

De nos jours, le milieu judiciaire lui permet d’exprimer sa citoyenneté. Le Français rejoint le thème aphorique, « Je plaide donc je suis ! ». Plaider reviendrait à une démarche identitaire individuelle.

L’accent mis sur le lien ressenti par le plaideur entre la sanction et le dédommagement. Le « quelqu’un doit payer » est devenu le leitmotiv du plaignant. On a gloussé sur le fameux « responsable mais pas coupable ». Personnellement, je ne vois pas le mal dans cette réplique, peut-être du bon sens. En terme trivial, on pourrait dire : « Si je ne peux obtenir les cinq mois ferme minimum requis contre le coupable, je veux au moins un gros paquet de fric ! Les deux ensembles, ça ne serait pas plus mal ! » Cette dérive explique en parti pourquoi de nombreux maires de petites communes hésitent à se représenter, craignant de se retrouver au pilori et leur compte en banque vidé à la suite de la chute d’un arbre sur une poussette par jour de grand vent.

L’ « américanisation » des comportements de la société française est de plus en plus visible dans le domaine médical. Les plaintes sont de plus en plus fréquentes et le médecin n’est plus le notable respecté de jadis mais une volaille à plumer. Les vrais canailles médicales, cependant passent encore entre les gouttes car bien organisées. Mais les malchanceux, responsables de fautes professionnelles, condamnables mais compréhensibles sont de plus en plus attaqués. On n’a cependant pas atteint en France le niveau américain avec ses avocats véreux attendant les patients à la sortie de la clinique avec un formulaire pré rempli. La première conséquence de cette dérive procédurière se retrouve dans les tarifs des assurances des professionnels de santé et de ce fait dans le déficit de la sécurité sociale.

La solution passerait donc par une éducation juridique du citoyen. Beaucoup de français n’ont qu’une idée très vague de la différence entre une infraction, un délit et un crime. Peu savent ce qui relève du civil, du pénal ou des assises. Cet enseignement devrait être acquis à l’école, mais on lui préfère les activités d’éveil. On est mal parti quand on regarde la télévision ou bien quand on lit la presse populaire qui a érigé le fait divers en fait historique. La pire catégorie de ces nouveaux Fouquier-Tinville veut pénaliser tout ce qui est potentiellement agressif même au niveau subjectif. Tirer un colvert hors saison, stationner sur une place de handicapé, ne pas indiquer un colorant sur un emballage, ne sont que des infractions bénignes ne méritant qu’une simple amende quelquefois amnistiable. Mais, ces adulateurs dévoyés du droit voudraient les voir pénalisées et sanctionnées, regrettant le temps des galères et du bagne pour le vol d’un pain.

La France s’américanise au niveau de ses comportements : recours au religieux, au psychologique, au pénal, au règlement en permanence. De nombreuses plaintes qui finalement entravent l’application de la justice, la recherche de coupables et de responsables à tout prix paralyse les institutions. Les Français s’orientent vers cette dérive américaine qui les rend de plus en plus processifs et intolérants et de moins en moins résistants à l’adversité.

Peut-être en arriverons nous un jour à un pays de geignards et de procéduriers, totalement incapables de réagir aux moindres vicissitudes et inconvénients de la vie quotidienne

Georges Yang
12/08/2009

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/vers-l-infantilisation-et-l-60107

« Citoyen français. Entre Nairobi et Paris, mais me tenant au courant de l’actualité ! Médecin vivant dans le monde arabe et en Afrique centrale et de l’est depuis 1976
Intéressé autant par mon métier que par les diversités culturelles quoique hostile au métissage culturel synonyme de Mc Donald en Afrique, de pizzeria à Athènes et d’appauvrissement de la langue en banlieue »
 

Correspondance Polémia
19/08/2009

 

Georges Yang

dimanche, 03 août 2008

Le père absent

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Le père absent
Enquête sur la place du père dans les familles occidentales
Claudio Risé, Carlo Damiano (Traduction)
Année : 2005
Editeur : Rémi Perrin
ISBN : 2913960227
Notre référence : 11271
Nombre de pages : 130

Présentation de l'éditeur

 La place du père dans les sociétés occidentales s’est dramatiquement fragilisée au cours des dernières décennies, constate Claudio Risé. Propos banal, dira-t-on. Pourtant non, mille fois non, dans le sens où l’objet de son petit livre n’est pas tant l’habituel reproche d’irresponsabilité fait aux hommes, mais bien la révélation d’une idéologie à l’oeuvre, immensément puissante et prodigieusement perverse, qui consiste à priver les pères, socialement et politiquement, totalement et tyranniquement, de la place qu’ils ont occupée dans la famille des millénaires durant. Cela, au risque de provoquer la chute de notre culture. Cela, au risque de déstabiliser des générations d’enfants. L’accusation vise ici une civilisation entière, la nôtre. Les faits sont accablants, les chiffres indéniables, les effets monstrueux : « selon les chiffres fournis par le ministère de la Justice américain, 72 % des adolescents homicides, 60 % des violeurs et 70 % des détenus aux peines longues ont grandi dans une maison sans père. » Et le reste à l’avenant. Risé, professeur de sociologie et psychanalyste de tendance jungienne de son état, éclaire et dénonce ici les rouages de l’énorme machine qu’est ce « biopouvoir » dont parlait Michel Foucault, qui a toute licence pour disposer de la forme de nos vies, qui se présente comme une « grande mère » païenne dont les caresses infantilisent, asservissent, et finalement broient. Le père est, le père était plutôt, celui qui inflige la blessure nécessaire à la vie haute. Partout on le poursuit, partout on le chasse, partout on le bannit. Les structures de différenciation s’effacent, le chaos grandit, la folie étend son pouvoir. La solution que propose Risé est simple : pour recouvrer le père, découvrir le Père. Et la vérité de ses oeuvres.

par Jacques de Guillebon, dans la revue La Nef, n°165 

En restant tard le soir au bureau, l'homme semble avoir oublié son métier de père. L'émancipation féminine, l'enfant-roi, le divorce, ont fini de saper son autorité. Certains s'en réjouissent. L'auteur, lui, s'inquiète du vide laissé par son absence. Il analyse le rôle du père pour son enfant : vertu d'exemple du père qui porte les épreuves de la vie, vertu d'apprentissage quand il guide l'enfant hors du cocon maternel, vertu transcendante lorsqu'il est le reflet dans son foyer du Père éternel. L'auteur enquête aussi sur les ravages sociaux engendrés par l'absence des pères. Sait-on que 85 % des jeunes gens incarcérés aux Etats-Unis ont grandi sans leur père ? Ou que 75 des suicidés sont nés sans père ? Que le divorce, dans la majorité des cas, éloigne l'enfant de son père ? L'auteur, enfin, donne des pistes pour que le père retrouve sa place et son autorité. L'enjeu de ce livre est essentiel, car il y va de nos enfants, des familles et de notre communauté.