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mercredi, 21 décembre 2022

Guerre cognitive: l'OTAN prépare une guerre pour s'emparer de l'esprit des gens

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Guerre cognitive: l'OTAN prépare une guerre pour s'emparer de l'esprit des gens

par Jonas Tögel

Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/guerra-cognitiva-la-nato-sta-pianificando-una-guerra-per-le-menti-delle-persone

Depuis 2020, l'OTAN poursuit ses plans pour une guerre psychologique qui doit être placée sur un pied d'égalité avec les cinq précédents domaines d'opération de l'alliance militaire (terre, eau, air, espace, cyberespace). C'est le champ de bataille visant à se rendre maître de l'opinion publique. Les documents de l'OTAN parlent de "guerre cognitive" - de guerre mentale. Dans quelle mesure le projet est-il concret, quelles mesures ont été prises jusqu'à présent et à qui s'adresse-t-il ?

Pour être victorieux à la guerre, il faut aussi gagner la bataille de l'opinion publique. Cela se fait depuis plus de 100 ans avec des outils de plus en plus modernes, les techniques dites de soft power. Ceux-ci décrivent tous les outils psychologiques d'influence avec lesquels les gens peuvent être guidés de telle manière qu'ils ne sont pas eux-mêmes conscients de ce contrôle. Le politologue américain Joseph Nye définit ainsi le soft power comme "la capacité de persuader les autres de faire ce que vous voulez sans utiliser la violence ou la coercition" (1).

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La méfiance à l'égard des gouvernements et de l'armée augmente, tandis que l'OTAN intensifie ses efforts pour utiliser une guerre psychologique de plus en plus sophistiquée dans la bataille pour les esprits et les cœurs des gens. Le programme principal est "Cognitive Warfare". Avec les armes psychologiques de ce programme, l'homme lui-même doit être déclaré comme étant le nouveau théâtre de la guerre, le soi-disant "domaine humain" (la sphère humaine).

L'un des premiers documents de l'OTAN sur ces plans est le document de septembre 2020 intitulé "Le sixième domaine d'opérations de l'OTAN". rédigé au nom du Hub d'innovation de l'OTAN (en abrégé: IHub). Les auteurs sont l'Américain August Cole , ancien journaliste du Wall Street Journal spécialisé dans l'industrie de la défense, qui travaille depuis plusieurs années pour le think tank transatlantique Atlantic Council, et le Français Hervé le Guyader.

Fondé en 2012, IHub prétend être un groupe de réflexion où "des experts et des inventeurs de partout travaillent ensemble pour résoudre les défis de l'OTAN" et est basé à Norfolk, en Virginie, aux États-Unis. Ne faisant officiellement pas partie de l'OTAN, il est financé par le Commandement allié pour la transformation de l'OTAN, l'un des deux quartiers généraux stratégiques de l'OTAN.

L'essai raconte plusieurs histoires fictives et se termine par un discours fictif du président américain, qui explique à ses auditeurs comment fonctionne la guerre cognitive et pourquoi tout le monde peut y participer :

"Les progrès réalisés aujourd'hui dans les domaines de la nanotechnologie, de la biotechnologie, des technologies de l'information et des sciences cognitives, sous l'impulsion de l'avancée apparemment imparable de la troïka de l'intelligence artificielle, du big data et de la "dépendance numérique" de notre civilisation, ont créé une perspective bien plus inquiétante : un cinquième pilier intégré, où chacun, à son insu, agit selon les plans de l'un de nos adversaires".

Les pensées et les sentiments de chaque individu sont de plus en plus au centre de cette nouvelle guerre :

"Vous êtes le territoire contesté, où que vous soyez, qui que vous soyez."

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En outre, il y a une "érosion constante du moral de la population" à déplorer. Cole et Guyader affirment donc que le domaine humain constitue la plus grande vulnérabilité. Cette zone d'opération ("domaine") serait par conséquent la base du contrôle de tous les autres champs de bataille (terre, eau, air, espace, cyberespace). Les deux auteurs appellent donc l'OTAN à agir rapidement et à considérer l'esprit humain comme le "sixième domaine d'opérations" de l'OTAN.

Propagande participative

Presque au même moment, l'ancien fonctionnaire français et responsable de l'innovation à l'IHub, François du Cluzel, travaillait sur le document stratégique complet "Cognitive Warfare" qui a été publié par l'IHub en janvier 2021. Au lieu d'utiliser des scénarios imaginaires, du Cluzel a écrit une analyse détaillée de la guerre des esprits. Comme les auteurs du "Sixième domaine d'opérations de l'OTAN", il souligne que "la confiance (...) est l'objectif". Celle-ci peut être gagnée ou détruite par la guerre de l'information ou par les PsyOps, c'est-à-dire la guerre psychologique. Cependant, les techniques conventionnelles de soft power ne suffisent plus, il faut une guerre cognitive, c'est-à-dire liée à l'esprit, une "propagande participative" à laquelle "tout le monde participe".

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On ne sait pas exactement qui est la cible de cette propagande, mais du Cluzel souligne que tout le monde est impliqué dans cette nouvelle forme de manipulation et que l'objectif est de protéger le "capital humain" de l'OTAN. Le domaine d'application fait référence à "l'ensemble de l'environnement humain, qu'il soit ami ou ennemi". Bien que les capacités de l'ennemi et la menace dans le domaine de la guerre cognitive soient "encore faibles", du Cluzel appelle l'OTAN à agir rapidement et à promouvoir la guerre cognitive :

"La guerre cognitive est peut-être l'élément manquant qui permet de passer de la victoire militaire sur le champ de bataille à un succès politique durable. Le "domaine humain" pourrait bien être le facteur décisif (...). Les cinq premiers théâtres d'opérations [terre, mer, air, espace, cyberespace] peuvent conduire à des victoires tactiques et opérationnelles, mais seul le théâtre d'opérations humain peut conduire à une victoire ultime et complète" (p. 36).

La neuroscience comme arme

Quelques mois plus tard, l'OTAN reprend les demandes des stratèges. En juin 2021, elle a organisé sa première réunion scientifique sur la guerre cognitive à Bordeaux, en France. Dans une anthologie qui accompagnait le symposium, les stratèges du Hub d'innovation ont eu l'occasion de s'entretenir avec de hauts responsables de l'OTAN. Dans sa préface, le général français André Lanata a remercié "notre pôle d'innovation" et a souligné l'importance "d'exploiter les faiblesses de la nature humaine" et de mener cette "bataille" dans "tous les domaines de la société". Il s'agit également d'impliquer les neurosciences dans la course aux armements ("Weaponisation of Neurosciences"). Il a été souligné que la guerre cognitive de l'OTAN est une défense contre des guerres similaires menées par la Chine et la Russie. Leurs "activités de désinformation" ont suscité une "inquiétude croissante" parmi les alliés de l'OTAN.

Lors du symposium, une discussion intense a eu lieu sur la manière d'utiliser les neurosciences pour mener des attaques numériques sur la pensée, les sentiments et l'action de l'homme :

"Du point de vue de l'attaquant, l'action la plus efficace, bien que plus difficile à mener, consiste à encourager l'utilisation de dispositifs numériques capables de perturber ou d'influencer tous les niveaux des processus cognitifs d'un adversaire" (p. 29).

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L'OTAN souhaite embrouiller le plus possible ses adversaires potentiels afin de "dicter" leur comportement (p. 29). Dans le cadre du symposium, du Cluzel a rédigé, avec le chercheur français en sciences cognitives Bernard Claverie, un essai expliquant que - contrairement à l'affirmation selon laquelle on ne fait que réagir aux menaces de la Russie ou de la Chine - il est également "bon d'exécuter des processus d'attaque bien réfléchis ainsi que des contre-mesures et des mesures préventives" (p. 26) :

"L'objectif déclaré est d'attaquer et d'exploiter, de dévaloriser ou même de détruire la façon dont on construit sa réalité, sa confiance en soi sur le plan spirituel, sa foi dans le fonctionnement des groupes, des sociétés ou même des nations" (p. 27).

Les stratèges admettent rarement ouvertement que ces techniques peuvent être utilisées non seulement sur les populations ennemies mais aussi au sein des pays de l'OTAN. Les déclarations à ce sujet sont souvent vagues. Toutefois, certains éléments indiquent que l'OTAN vise également sa propre population. Le général français Eric Autellet écrit dans un article de l'anthologie citée (p. 24) :

"Depuis le Vietnam, nos guerres ont été perdues en dépit des succès militaires, en grande partie à cause de la faiblesse de notre narration (c'est-à-dire 'gagner le cœur et l'esprit des gens'), à la fois par rapport aux populations locales sur les théâtres d'opérations et par rapport à nos propres populations. Il y a deux enjeux dans nos relations avec l'ennemi et l'ami, et nous pouvons choisir des modes d'action passifs ou actifs - ou les deux - lorsque nous considérons les limites et les contraintes de notre modèle de liberté et de démocratie. Quant à notre ennemi, nous devons être capables de "lire" dans l'esprit de nos adversaires pour anticiper leurs réactions. Si nécessaire, nous devons être en mesure de "pénétrer" l'esprit de nos adversaires pour les influencer à agir en notre faveur. Quant à notre ami (et aussi à nous-mêmes), nous devons être en mesure de protéger notre cerveau et d'améliorer notre compréhension cognitive et nos capacités de décision".

Le concours d'innovation de l'OTAN de l'automne 2021

L'étape suivante a été franchie par l'IHub, qui a officiellement annoncé le défi d'innovation "Countering Cognitive Warfare" de l'OTAN en octobre 2021. Le défi de l'innovation existe depuis 2017 et depuis, le concours a lieu deux fois par an. Afin de recueillir le plus grand nombre d'idées possible, l'OTAN insiste toujours sur le caractère ouvert du concours : "Le défi est ouvert à tous (particuliers, entrepreneurs, start-ups, industrie, science, etc.) situés dans un pays membre de l'OTAN." Ceux qui gagnent peuvent espérer un prix en espèces de 8.500 $.

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Les sujets sont sélectionnés en coopération avec l'Université Johns Hopkins. Les sujets abordés sont toujours "particulièrement influents pour le développement des futures capacités militaires", selon la devise "la meilleure façon d'anticiper l'avenir est de l'inventer". Ces domaines sont l'intelligence artificielle, les systèmes autonomes, l'espace, l'hypersonique, la technologie quantique et la biotechnologie.

Les questions clés des concours précédents sont donc contrastées et fixent des priorités très différentes. À l'automne 2018, par exemple, il s'agissait de systèmes pouvant être utilisés pour intercepter les drones. Ici, c'est le fabricant de drones néerlandais Delft qui a gagné. À l'automne 2019, il s'agissait d'aider les soldats souffrant de stress ou de fatigue psychologique afin d'améliorer leurs performances au combat. Le printemps 2021 portait sur la surveillance de l'espace. Ici, c'est la start-up française Share My Space qui a gagné.

Malgré les différents points de convergence, un sujet continue d'émerger : la gestion des informations et des données sur Internet. Au printemps 2018, le concours d'innovation a été consacré à ce sujet sous la devise "Complexité et gestion de l'information", au printemps 2020 le thème était "Fake News dans les pandémies" et à l'automne 2021 enfin "La menace invisible - Neutraliser la guerre cognitive".

La forme la plus avancée de manipulation

En octobre 2021, peu avant que ce concours ne soit annoncé sur le site web de l'IHub, l'OTAN a diffusé un flux en direct discutant de la guerre cognitive et appelant à la participation au concours d'innovation. Cette tâche est "l'un des sujets les plus brûlants pour l'OTAN en ce moment", a souligné M. du Cluzel dans son discours d'ouverture. L'expert français en matière de défense, Marie-Pierre Raymond, a profité de l'occasion pour expliquer ce qu'est la guerre cognitive, à savoir "la forme de manipulation la plus avancée qui existe aujourd'hui".

Il y avait dix participants à la finale du concours, diffusée près de deux mois plus tard. Huit d'entre eux avaient développé des programmes informatiques qui utilisent l'intelligence artificielle pour scanner et analyser de grandes quantités de données sur Internet afin de mieux surveiller et, soi-disant, prédire les opinions, les pensées et les échanges d'informations des gens. La cible la plus populaire des programmes informatiques sont les médias sociaux : Facebook, Twitter, Tik-Tok, Telegram.

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Changer les croyances et les comportements

Le gagnant est la société américaine Veriphix (devise: "Nous mesurons les croyances afin de prédire et de modifier le comportement"), qui a développé une plate-forme permettant d'identifier les "coups de pouce" psychologiques inconscients sur Internet. La plate-forme Veriphix est utilisée depuis des années et travaille avec plusieurs gouvernements et grandes entreprises, selon son responsable, John Fuisz, qui a des liens familiaux étroits avec l'appareil de sécurité américain. Pour lui, la guerre cognitive consiste à changer les croyances. Son logiciel peut analyser ces changements "au sein de votre armée, de votre population et d'une population étrangère", comme il l'a expliqué au jury du concours.

Considérant que la guerre cognitive est déjà en cours et que les dernières techniques de manipulation sont actuellement utilisées dans la guerre en Ukraine pour diriger les pensées et les sentiments des populations de toutes les nations impliquées dans la guerre, une clarification sur les techniques de soft power de la guerre cognitive serait appréciée et devrait être plus urgente que jamais.

A propos de l'auteur : Dr Jonas Tögel, né en 1985, est un américaniste et un chercheur en propagande. Il est titulaire d'un doctorat en soft power et motivation et travaille actuellement comme assistant de recherche à l'Institut de psychologie de l'Université de Ratisbonne. Ses recherches portent sur la propagande, la motivation et l'utilisation des techniques de soft power.

Note:

(1) Joseph Nye, Soft Power. Les moyens de réussir en politique mondiale, 2004, p.11.

 

20:03 Publié dans Actualité, Défense | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guerre cognitive, actualité, défense, otan | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 12 décembre 2022

Des "zones grises de matière grise" : les effets mentaux de la guerre cognitive

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Des "zones grises de matière grise": les effets mentaux de la guerre cognitive

Eugène Makarov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/serye-zony-serogo-vesh...

Notre cerveau ou, comme le disait Poirot, les "petites cellules grises", c'est-à-dire la matière grise du cerveau, se trouve maintenant dans un état d'incertitude et de confusion, ce qui est typique de l'état de dissonance cognitive, c'est-à-dire le lieu des conflits psychologiques internes. Si l'on se réfère à la terminologie militaire contemporaine des conflits, cet état de confusion est également caractéristique des "zones grises", des zones de combat actif avec des techniques de guerre hybrides / mentales / cognitives dans lesquelles nous sommes engagés.

Que faites-vous lorsque, en tant que pays, vous avez une envie irrésistible de faire du mal à quelque autre pays en raison d'un ressentiment historique important, mais que vous avez peur de le faire ouvertement ? Surtout si vous êtes un petit pays sans souveraineté. Pour ce faire, il faut chercher des moyens d'influencer explicitement et implicitement la cause de ses complexes intérieurs en dessous ou au-dessus du seuil dit de l'utilisation de moyens armés. Auparavant, ces moyens comprenaient la diplomatie, un exemple d'influence manifeste sur la politique de l'adversaire, et l'espionnage, un moyen conventionnel d'influence secrète. L'ère moderne offre un certain nombre d'innovations qui n'avaient pas été envisagées auparavant en raison de leur développement immanent dans l'univers des technologies de l'information. Même le terme populaire de guerre hybride, largement utilisé pour s'appliquer à tous les types de conflits qui combinent les principes de la guerre conventionnelle et irrégulière, avec un nombre implicite de participants qui ne peuvent être identifiés de manière unique, a perdu sa pertinence d'antan. Nous sommes maintenant passés à des termes plus spécialisés : guerre de l'information, guerre psychologique et cybernétique, guerre cognitive et guerre mentale :

Guerre de l'information - pour contrôler ce que le public choisi voit ;

Guerre psychologique - pour contrôler ce que ressent le public choisi ;

Cyber-guerre - la capacité de perturber les capacités technologiques de certains pays ;

Guerre cognitive - pour contrôler la façon dont le public sélectionné pense et réagit [1].

Il ne manque manifestement qu'une seule étape dans cette hiérarchie qui résume l'effet cumulatif ou les conséquences de ces influences. Aujourd'hui, nous la définissons comme la guerre mentale - le contrôle des valeurs et des significations au sein des nations, des ethnies et de groupes entiers.

Il est également naturel qu'une telle technologie, comme la technologie nucléaire, ne puisse être développée et utilisée par n'importe qui. Les questions de souveraineté jouent ici un rôle important. Les pays privés d'indépendance politique et économique en sont également privés dans tous les autres domaines, y compris le social-culturel et l'information, de sorte que leurs actions secrètes sont dirigées par ceux qui projettent leur pouvoir et leur influence au-delà et aux dépens de ces pays. Par exemple, si nous parlons de l'Ukraine, de la Pologne, de la République tchèque ou des pays baltes, nous savons que les États-Unis et le Royaume-Uni sont derrière eux [2]. Ainsi, on assiste à la formation de "zones grises", où tout l'arsenal de méthodes de combat susmentionné est utilisé, y compris l'utilisation de formations armées, mais le même territoire peut combiner à la fois des actions militaires et une vie paisible avec des centres commerciaux, des restaurants et des discothèques, comme aujourd'hui en Ukraine. Cependant, il ne faut pas se faire d'illusions sur la réalité d'une telle "vie paisible". Afin de vivre dans de telles conditions et d'éviter la dissonance qui provoque de graves troubles mentaux, les gens, c'est-à-dire la population locale, ont effectué de manière indépendante et systématique un travail d'auto-justification et d'auto-tromperie concernant la réalité environnante. Et ils continuent à le faire heure par heure et quotidiennement : le flot de mensonges qui est diffusé à la télévision et sur Internet est nécessaire pour que la "colonie virale qu'est l'ukrainisme", introduite et installée dans la mentalité de ces personnes ne se désintègre pas, mais continue à se développer dans les générations suivantes. C'est là qu'interviennent les résultats de la guerre mentale gagnée par nos adversaires sur une partie du territoire de l'Ukraine. Arestovich l'a formulé ainsi : l'une des idées nationales centrales de l'Ukraine est de se mentir à soi-même et aux autres autant que possible, sinon tout s'effondre [3].

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Nous devons donc étudier et comprendre ce à quoi nous avons affaire. Un conseiller du ministre de la Défense A. Ilnitsky donne la définition suivante de la guerre mentale (Mental Warfare - MW) : la MW est un ensemble coordonné d'actions et d'opérations à différentes échelles visant à "occuper" la conscience de l'ennemi afin de paralyser sa volonté et de modifier la conscience individuelle et de masse de la population [4]. A son tour, A. Shkolnikov, expliquant la stratégie d'attaque de la MW, parle d'introduire des significations, des idées et des mythes comprimés et concis dans le système ethnique étranger: "Lorsqu'elles sont envahies, ces significations sont mises sous la forme la plus compréhensible, attrayante, tentante et empoisonnée qui n'attire pas une attention particulière de la "victime" mais affaiblit sa composante morale et volitive" [5]. A. Losev ajoute qu'il s'agit d'une guerre de civilisation [6] car l'avenir de quelqu'un en tant que sujet de l'histoire est en jeu. Beaucoup d'entre nous ont été victimes de cette guerre pendant l'effondrement de l'URSS et le début du nouveau cycle économique libéral-démocratique de la Russie. Lorsque la jeune génération, qui, auparavant, rêvait de devenir pilotes d'essai, éclaireurs et scientifiques, a décidé, pas toute seule bien sûr, que pour réussir, il fallait gagner de l'argent, et que tous les moyens étaient bons pour cela. Aujourd'hui, nous sommes confrontés aux conséquences de la MW en Ukraine et dans d'autres pays de l'ancienne CEI, surtout en Géorgie, au Kazakhstan, en Arménie et au Belarus. Ainsi, nous constatons que l'une des caractéristiques centrales de la MW est le temps, car les changements à grande échelle des visions du monde d'une grande partie de la communauté prennent des décennies.

Quelle est donc la différence entre la guerre cognitive (CW) et la MW ? En bref, la guerre cognitive est une forme de guerre non conventionnelle qui utilise des outils cybernétiques (technologies de l'information) pour modifier les processus cognitifs de l'ennemi. Ce faisant, l'agression cognitive est sans limite [7] et son objectif est d'armer tout le monde en sapant leur confiance [8]. Par-dessus tout, avoir confiance en soi en tant qu'être humain adéquatement pensant et intelligent, puisque l'idée principale de la MW est, à l'aide des technologies modernes de l'information, de manipuler les vulnérabilités du cerveau humain [9]. Par exemple, le cerveau :

- Est incapable de déterminer si une information particulière est correcte ou incorrecte ;

- en cas de surcharge d'informations, raccourcit le temps nécessaire pour déterminer la validité des messages ;

 - a tendance à croire comme vrais des affirmations ou des messages qu'il a déjà entendus, même s'ils peuvent être faux (par exemple, un faux et sa rétractation)

 - accepte les affirmations comme vraies si elles sont étayées par des preuves, indépendamment de l'authenticité de ces preuves et d'autres astuces.

Ces distorsions et biais cognitifs, ainsi que d'autres, forment des aberrations systématiques dans le jugement rationnel d'une personne qui vit sur la "vague" du flux d'informations et se consacre à de nombreux arguments et rabâchages sur les médias sociaux. Cette caractéristique de notre comportement quotidien contemporain, à savoir l'énorme quantité de temps utile passé en ligne, est également exploitée à dessein par les experts et les professionnels de la guerre cognitive : "Les réseaux sociaux sont particulièrement bien adaptés pour renforcer la polarisation politique et sociale en raison de leur capacité à diffuser des images de violence et des rumeurs de manière très rapide et intensive" [10]. Ce type de travail fait partie d'un circuit distinct de la MW - les opérations psychologiques, et leur cible est nos émotions :

- Les émotions nous permettent de distinguer les personnes dans une foule, d'améliorer la personnalisation et l'analyse comportementale ;

- Tout en limitant les capacités cognitives, les émotions jouent également un rôle dans la prise de décision, les performances professionnelles et le bien-être mental général.

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En exploitant les distorsions cognitives, les émotions et les canaux modernes de diffusion des informations, les abuseurs modifient habilement nos croyances et nos processus cognitifs. En conséquence, comme indiqué ci-dessus, chacun devient une "arme", c'est-à-dire un opposant convaincu de l'organisation sociale dans laquelle il vit. Les conséquences des guerres cognitives ont été : le "printemps arabe 2010-2012", les "manifestations de Bolotnaya en Russie en 2012", tout le Maidan ukrainien, une tentative de coup d'État en Biélorussie 2020. Et la conséquence de cette guerre mentale a été le dernier épisode de la guerre froide - l'effondrement de l'URSS.

Pour résumer, une guerre mentale est une guerre pour l'espace socioculturel dans lequel se forment les esprits et la pensée, d'où l'importance exceptionnelle de l'histoire et de l'éducation, dont nos experts ne cessent de parler. La guerre cognitive traite des aspects psycho-physiques de la perception humaine et de l'activité cognitive, en leur appliquant toute la puissance des équipements scientifiques et technologiques et d'information détenus par l'Occident. Et bien sûr, l'objectif principal de la MW n'est pas de changer les dirigeants de tel ou tel pays, comme on pourrait le croire à tort. L'échelle est bien plus que cela. L'objectif est : "...d'encourager le développement d'outils et d'adapter ou d'améliorer les personnes par une approche anthropotechnique pour développer un système humain hybride" (Il y a déjà de grandes réussites dans ce domaine. Les scientifiques, par exemple, ont appris à combiner le cerveau d'un rat avec un réseau neuronal, c'est-à-dire l'intelligence naturelle et artificielle [11]). Ainsi, d'une part, nous avons une invasion de l'évolution sociale naturelle, et d'autre part, nous avons le déploiement d'une révolution technique et biologique artificielle sous la forme d'un parasitage du substrat (gris) du cerveau humain [12].

Pour s'assurer que les plans de notre ennemi pour la destruction de notre subjectivité sont réels, surtout après le début de l'Opération militaire spéciale en Ukraine, et ont un caractère durable, jetons un coup d'œil, par exemple, aux experts nord-américains. Récemment, le journal Politico a publié un article de l'ancien directeur exécutif de la US Defence Intelligence Agency qui a proposé les étapes suivantes pour déployer une guerre psychologique (lire: cognitive) contre la Russie [13] :

1) Exploiter les sentiments nationalistes de la population - pour montrer que la Fédération de Russie est passée d'un pays internationalement respecté à un paria à cause de la guerre en Ukraine ;

2) Saper la crédibilité du dirigeant - en ciblant Poutine personnellement, le patriarche Kirill et d'autres personnalités de haut rang par des révélations de corruption ;

3) Susciter le mécontentement des minorités ethniques. A cette fin, il est proposé d'utiliser la désinformation sur les pertes élevées parmi les soldats de ces groupes et de les convaincre que le recrutement accru dans les régions "arriérées" est intentionnel. À cette fin, il est proposé de lancer une campagne d'information à grande échelle en utilisant les canaux et moyens disponibles. De même, les dissidents ("patriotes fugitifs") et les leaders d'opinion doivent être soutenus par les réseaux sociaux internes.

Si le premier point - "la Russie est un État voyou" - est considéré comme une guerre mentale, il pourrait devenir une stratégie à long terme pour l'ennemi visant à changer les significations et les valeurs concernant la Russie, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Ce faisant, on ne peut pas se fier aux alliances situationnelles. Oui, pour l'instant, nous sommes ensemble avec la RPC, l'Inde, l'Iran et de nombreux autres pays non occidentaux, mais les choses peuvent changer.

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Une autre zone d'ombre ou, pour le dire en termes psychologiques, un angle mort, se trouve directement dans la tête de nos "partenaires". Dans de nombreux rapports et stratégies d'experts occidentaux, nous pouvons constater que les auteurs utilisent souvent les termes hybride, information, guerre cognitive pour justifier leurs propres complexes, tissés d'arrogance, d'incompétence et de projection agressive -ce que la tradition anglo-saxonne appelle le "fardeau de l'homme blanc". Ces complexes les empêchent de voir l'ensemble du tableau, car le tableau réel n'est pas pertinent pour eux, puisqu'il ne correspond pas au discours et ne coïncide pas avec les récits adoptés au "plus haut niveau", de sorte que le mécontentement massif des populations occidentales à l'égard de leurs propres pays est perçu comme le résultat de tentatives orchestrées par des tiers dans le but d'influencer et de déstabiliser la situation. Pour les experts politiques, leurs propres citoyens sont l'objet d'une manipulation organisée à l'avance, qu'il s'agisse d'élections ou de mesures sanitaires. Des milliards sont investis dans la manipulation des médias tels que la télévision, les médias sociaux ou les institutions d'opinion publique, de sorte qu'il est difficile de croire qu'ils n'ont pas un effet approprié sur la communauté de confiance. D'autre part, toute action de la Russie, non seulement dans la défense et la promotion de ses propres intérêts, mais même dans leur formulation, amène l'Occident à être persuadé de qualifier ces actions d'hostiles au Royaume-Uni, aux États-Unis et à leurs alliés. C'est pourquoi on invente des concepts hybrides, cognitifs, de guerre de l'information pour "définir la menace russe" et l'intégrer dans un discours anti-russe, multipliant leurs propres tendances paranoïaques.

Notes:

[1] Cognition Workshop Innovative Solutions to Improve Cognition (June 1-3, 2021) https://www.innovationhub-act.org/sites/default/files/202... (проверено 12.11.2022)

[2] А причем тут Англия? https://russiancouncil.ru/blogs/e-makarov/a-prichem-tut-a... (проверено 12.11.2022)

[3] "Врать себе и другим" – украинская национальная идея от Арестовича https://www.vesti.ru/article/2712430 (проверено 10.11.2022)

[4] Ильницкий. А. «Стратегия ментальной безопасности России» https://amicable.ru/news/2022/04/15/19809/strategy-mental... (проверено 10.11.2022)

[5] Очерк о психоисторических / ментальных войнах https://shkolnikov.info/articles/11-analitika-i-prognozy/... (проверено 10.11.2022)

[6] Лосев А., Ильницкий А. «Почему русские не сдаются» https://www.pnp.ru/politics/pochemu-russkie-ne-sdayutsya.... (проверено 10.11.2022)

[7] Концепция когнитивной войны https://www.innovationhub-act.org/sites/default/files/202...  (проверено 10.11.2022)

[8] Cognitive Warfare https://www.innovationhub-act.org/sites/default/files/202...   (проверено 10.11.2022)

[9] Там же.

[10] Там же

[11] Преодоление разрыва между человеком и машиной — шаг назад или вперёд? https://habr.com/ru/post/517222/ (проверено 13.11.2022)

[12] Ментальная и когнитивная войны: вопросы определения, цели и средства https://dzen.ru/media/id/5f54f367fdbd8b69779a4b6d/mentaln... (проверено 10.11.2022)

[13] Opinion | Waging Psychological War Against Russia https://www.politico.com/news/magazine/2022/09/07/waging-... (проверено 27.09.2022)

jeudi, 14 juillet 2022

Le cerveau humain, une arme semi-secrète de l'Occident

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Le cerveau humain, une arme semi-secrète de l'Occident

par Roberto Pecchioli

Source : EreticaMente & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-cervello-umano-arma-semisegreta-dell-occidente

Ils nous ont d'abord décérébrés, dénaturés, transformés en animaux de salon, en humains inoffensifs et dociles, incapables de se défendre, de protéger leurs enfants et leurs familles, de réagir aux abus. Aujourd'hui, acculé par la géopolitique multipolaire, l'Occident qui a chaviré dans le chienaille, épuisé, devenu le Grand Hospice décrit par Eduard Limonov, conçoit une toute nouvelle arme technologique pour maintenir une hégémonie fatiguée, pour soumettre les peuples à son suprématisme, à sa risible démocratie dominée par l'argent, à sa litanie droits-de-l'hommarde. C'est le cerveau humain, oui, le contenu même de notre tête, stérilisé par des décennies de propagande, de programmation neurolinguistique, d'expériences psychosociales.

L'appareil militaro-industriel (les deux termes sont symbiotiques) a franchi une étape supplémentaire sur la voie de la manipulation humaine, celle de la transformation de l'homo sapiens archaïque en un cyberman surveillé à distance, voire utilisable comme arme. Hétérogénèse des fins pour le pauvre petit homme occidental, pacifiste, tremblant, craintif, patiemment programmé depuis des générations. L'OTAN, l'appareil militaire qui défend ce qui reste de la domination occidentale dans le monde, a en effet ajouté aux domaines traditionnels de la guerre - terre, mer, air - et aux plus modernes espace et cyberespace, un nouveau secteur, le domaine cognitif.

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Il ne s'agit pas seulement de transmettre certaines idées ou certains comportements, comme dans la propagande traditionnelle et les opérations psychologiques (psyop), mais de modifier la cognition, d'influencer le processus par lequel nous arrivons aux idées, aux intuitions, aux croyances, aux choix et aux comportements. La cible n'est pas l'armée ennemie, mais l'homme ordinaire, utilisé comme une arme dans les batailles.

"La guerre cognitive est l'un des sujets les plus discutés au sein de l'OTAN", a déclaré le chercheur François Du Cluzel. Le scientifique militaire français est l'auteur d'un article majeur intitulé "Cognitive Warfare" pour le think tank Innovation Hub de l'OTAN. La guerre cognitive chevauche la guerre de l'information, la propagande classique et les opérations psychologiques, en pénétrant profondément dans le cerveau des destinataires. Dans la guerre de l'information, on tente de contrôler le flux des nouvelles. Les opérations psychologiques consistent à influencer les perceptions, les croyances et le comportement. L'objectif de la guerre cognitive est d'"armer tout le monde" et "le but n'est pas d'attaquer ce que les individus pensent, mais comment ils pensent". C'est une guerre contre la cognitivité, la façon dont notre cerveau traite les informations et les transforme en connaissances. Elle vise directement le cerveau : elle consiste à pirater l'individu pour programmer son cerveau.

Il est évidemment troublant de lire - dans une revue d'études stratégiques de la première alliance militaire du monde - des concepts et des objectifs de ce type, qui nient les racines de la liberté individuelle et de la démocratie - totems et tabous idéologiques de l'Occident - et vont même jusqu'à saper la nature humaine, la structure anthropologique et l'essence de l'humain. Pour atteindre leur objectif qui est d'armer chacun d'entre nous, les évangélistes de l'OTAN se tournent vers tous les domaines de connaissance les plus innovants : psychologie, linguistique, neurobiologie, logique, sociologie, anthropologie, sciences du comportement, "et autres". Cet obscur "et plus" peut signifier toute expérience sur la chair vivante de l'être humain concret, un immense danger potentiel pour notre vie, notre liberté, peut-être pour la survie même de l'espèce homo sapiens.

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Une gigantesque opération d'architecture sociale qui "commence toujours par la compréhension de l'environnement et de la cible ; le but est de comprendre la psychologie de la population cible". Dans le langage commercial, la cible désigne les acheteurs potentiels d'un produit ou les destinataires d'un message publicitaire, mais elle signifie objectif, cible. Ils nous le disent clairement: la cible, c'est nous, juste vous et moi.

La base reste les techniques traditionnelles de propagande et de désinformation, améliorées par la technologie actuelle et les progrès de la connaissance. "Désormais, le comportement peut être prédit et calculé dans une telle mesure", poursuit Du Cluzel, "que l'économie comportementale pilotée par l'IA devrait être classée dans la catégorie des sciences dures plutôt que dans celle des sciences molles." La distinction n'est pas anodine, car elle concerne la rigueur méthodologique, l'exactitude et l'objectivité des connaissances et des techniques. En termes simples, les sciences naturelles sont considérées comme "dures", tandis que les sciences sociales (psychologie, sociologie, etc.) sont décrites comme "douces". Le saut est fait : les scientifiques au service de la techno-structure du pouvoir croient être arrivés à des certitudes, à la mise au point de méthodologies indiscutables avec des résultats certains, prévisibles, reproductibles à grande échelle. In corpore vili, le nôtre.

Le raisonnement ne prend pas une ride : puisque presque tout le monde est actif sur Internet et les réseaux sociaux, les individus ne sont plus des destinataires passifs de la propagande ; avec la technologie d'aujourd'hui, ils participent activement à sa création et à sa diffusion. Les connaissances sur la façon de manipuler ces processus "sont facilement utilisables comme armes". L'exemple est l'affaire Cambridge Analytica. Grâce aux données fournies volontairement à Facebook, des profils psychologiques individuels précis ont été établis concernant une large population d'électeurs. Normalement, ces informations sont utilisées pour transmettre des publicités personnalisées, mais elles peuvent être utilisées à d'autres fins, comme la manipulation d'élections et la détermination de leur résultat. La guerre cognitive "exploite les faiblesses du cerveau humain", en reconnaissant l'importance des émotions dans la cognition. La cyberpsychologie, qui étudie l'interaction entre les humains, les machines et l'intelligence artificielle, jouera un rôle de plus en plus important.

Les autres technologies sont les NeuroS/T (Neurosciences et technologies émergentes) ainsi que les NBIC (nanotechnologie, biotechnologie, technologie de l'information, science cognitive), y compris les développements en matière de génie génétique. Les NeuroS/T peuvent être des agents pharmacologiques, le couplage cerveau-machine, mais aussi des informations psychologiquement perturbantes. Influencer le système nerveux par la connaissance ou la technologie peut provoquer des changements dans la mémoire, la capacité d'apprentissage, les cycles de sommeil, la maîtrise de soi, l'humeur, la perception de soi, la prise de décision, la confiance et l'empathie, la forme physique et la vigueur. Du Cluzel écrit : "Le potentiel de la NeuroS/T de créer une perspicacité et la capacité d'influencer la cognition, les émotions et le comportement des individus est d'un intérêt particulier pour les services de sécurité et de renseignement, et les initiatives militaires et de guerre. "La perspicacité est la capacité de voir dans une situation, ou en soi-même : la perception claire, la perspicacité des faits externes ou internes".

La guerre centrée sur les processus cognitifs individuels représente une rupture radicale par rapport aux formes traditionnelles de guerre qui, au moins en principe, cherchaient à tenir les civils à l'écart. Dans la guerre cognitive, le citoyen est l'objectif (la cible) et son cerveau le champ de bataille. Elle change la nature de la guerre, les acteurs, la durée et la façon dont la guerre est menée.

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Selon Du Cluzel, "la guerre cognitive a une portée universelle, de l'individu aux États et aux multinationales. On ne la gagne plus en occupant un territoire ou en ajustant des frontières sur une carte, car "l'expérience nous enseigne que si la guerre dans le domaine physique peut affaiblir une armée ennemie, elle ne permet pas d'atteindre tous les objectifs". Avec la guerre cognitive, l'objectif final change : "Quels que soient la nature et le but de la guerre, elle se résume en fin de compte à un affrontement entre des groupes qui veulent quelque chose de différent, et la victoire signifie alors la capacité d'imposer le comportement souhaité à un public choisi". Il s'agit donc, en fait, d'opérer une conversion idéologique et comportementale dans la population cible.

L'ennemi n'est pas seulement constitué par les civils des territoires occupés, mais aussi par les citoyens eux-mêmes, qui, selon l'OTAN, sont des cibles faciles pour les opérations cognitives de l'ennemi. "L'être humain est le maillon faible. Il faut le reconnaître afin de protéger le "capital humain" de l'OTAN. Puis vient la confession franche : "le but de la guerre cognitive n'est pas seulement de nuire aux soldats, mais aussi aux sociétés. Ce mode de guerre ressemble à une guerre de l'ombre et nécessite l'implication de l'ensemble du gouvernement pour la combattre". La guerre peut donc être menée avec ou sans l'armée, et est potentiellement sans fin, "car pour ce type de conflit, vous ne pouvez pas conclure un traité de paix ou signer une capitulation".

Il est clair que derrière la guerre cognitive se cache une bataille pour le contrôle de notre cerveau, c'est-à-dire des idées, des émotions et des sentiments, de l'architrave des croyances et des choix concrets. Chacun de nous devient une arme, télécommandée ou manipulée par ceux qui exercent un contrôle sur la culture, la communication, l'éducation. Du Cluzel note que "le cerveau sera le champ de bataille du 21e siècle" et que l'être humain est le territoire à conquérir. "

Comme cela arrive dans les sociétés chargées d'hypocrisie, il tente une impossible justification éthique. "Les êtres humains sont très souvent la principale vulnérabilité et il faut le reconnaître afin de protéger le capital humain de l'OTAN, mais aussi de pouvoir exploiter les vulnérabilités de nos adversaires." Cependant, l'essentiel est l'admission explicite que "le but de la guerre cognitive est de nuire aux sociétés, pas seulement aux militaires". L'étude décrit ce phénomène comme la militarisation de la science du cerveau. Mais il semble évident que le développement de la guerre cognitive conduira à une militarisation de la société humaine, de la psychologie, des relations sociales intimes à l'esprit lui-même.

Cette militarisation tous azimuts se reflète dans le ton paranoïaque du rapport, qui met en garde contre "une cinquième colonne intégrée, où chacun, sans le savoir, se comporte selon les plans de l'un de nos concurrents". Voici les vrais comploteurs ! En d'autres termes, le document montre que l'OTAN considère sa propre population comme une menace, des cellules dormantes ennemies potentielles, des cinquièmes colonnes qui remettent en cause la stabilité des "démocraties libérales occidentales."

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Le développement de nouvelles formes de guerre hybride intervient à un moment où les campagnes militaires ciblent les populations nationales à un niveau sans précédent. Le Ottawa Times a rapporté que l'armée canadienne a profité de la pandémie pour mener une guerre de l'information contre la population, en testant des tactiques de propagande sur les civils. Des rapports internes suggèrent que cette nouvelle ne fait qu'effleurer la surface d'une vague de nouvelles techniques de guerre non conventionnelles employées par les forces armées occidentales dans le monde entier. "La guerre cognitive cherche à changer non seulement ce que les gens pensent, mais aussi leur façon d'agir", a écrit le gouvernement canadien dans une déclaration officielle.

"Les attaques sur le domaine cognitif impliquent l'intégration des capacités de cybernétique, d'information/désinformation, de psychologie et d'ingénierie sociale. La guerre cognitive positionne l'esprit comme un espace de combat et un domaine contesté. Son but est de semer la dissonance, de déclencher des récits contradictoires, de polariser l'opinion et de radicaliser les groupes. La guerre cognitive peut amener les gens à agir d'une manière qui peut perturber ou fragmenter une société autrement cohésive." Sur la cohésion des sociétés occidentales, nous tirons un voile pieux.

Pour Du Cluzel, la guerre cognitive est l'art d'utiliser la technologie pour modifier la cognition des objectifs humains. Ces technologies "intègrent les domaines des NBIC : nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l'information et sciences cognitives. L'ensemble forme une sorte de cocktail qui permet de poursuivre la manipulation du cerveau". La nouvelle méthode d'attaque "va bien au-delà" de la guerre de l'information ou des opérations psychologiques. "La guerre cognitive n'est pas seulement un combat contre ce que nous pensons, c'est un combat contre la façon dont nous pensons, et nous pouvons changer la façon dont les gens pensent".

Le contrôle de la manière dont notre cerveau traite les informations et les transforme en connaissances est en jeu. En d'autres termes, la guerre cognitive n'est pas seulement un autre nom pour la guerre de l'information. C'est une guerre contre notre processeur individuel, le cerveau. Le chercheur de l'OTAN souligne que "c'est extrêmement important pour nous, les militaires", car "en développant de nouvelles armes et de nouvelles façons d'endommager le cerveau, on a la possibilité d'impliquer les neurosciences et la technologie dans de nombreuses approches différentes pour influencer l'écologie humaine, car vous savez tous qu'il est très facile de transformer une technologie civile en technologie militaire".

Quant à savoir qui pourrait être la cible de la guerre cognitive, Du Cluzel confirme qu'elle concerne tout le monde. "La guerre cognitive a une portée universelle, de l'individu aux États et aux organisations multinationales. Sa portée est mondiale et vise à prendre le contrôle des êtres humains".

Si nous croyons encore au beau conte de fées de la liberté, des droits de l'homme, de la démocratie et de la supériorité éthique du modèle libéral occidental, alors la guerre cognitive nous a probablement déjà atteints, manipulés et changés en profondeur.

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samedi, 02 juillet 2022

Guerre cognitive: le cerveau du citoyen est le nouveau champ de bataille

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Guerre cognitive: le cerveau du citoyen est le nouveau champ de bataille

"Le but est de transformer tout le monde en une arme"

Elze van Hamelen

Source: https://deanderekrant.nl/nieuws/cognitieve-oorlogvoering-...

L'OTAN a ajouté un nouveau domaine aux domaines traditionnels de la guerre - terre, mer, air, espace et cyberespace - "le domaine cognitif". Il ne s'agit pas seulement de véhiculer certaines idées ou certains comportements, comme dans la propagande traditionnelle et les opérations psychologiques, mais de modifier la cognition - d'influencer le processus par lequel nous arrivons à des idées, des intuitions, des croyances, des choix et des comportements. La cible n'est pas de prime abord une armée ennemie, mais le citoyen. Y compris ses propres citoyens, qui sont utilisés comme armes dans les combats.

"La guerre cognitive est l'un des sujets les plus discutés au sein de l'OTAN", a déclaré le chercheur François du Cluzel lors d'une table ronde le 5 octobre 2021. Il a rédigé un article de premier plan intitulé "Cognitive Warfare" pour le groupe de réflexion Nato Innovation Hub en 2020. Bien que la guerre cognitive recoupe la guerre informationnelle, la propagande classique et les opérations psychologiques, Du Cluzel souligne que la guerre cognitive va beaucoup plus loin. Dans une guerre de l'information, on essaie "simplement" de contrôler le flux d'informations. Les opérations psychologiques consistent à influencer les perceptions, les croyances et les comportements. Le but de la guerre cognitive est de "transformer tout le monde en arme", et "le but n'est pas d'attaquer ce que les individus pensent, mais comment ils pensent". Du Cluzel : "C'est une guerre contre notre cognition - la façon dont notre cerveau traite les informations et les transforme en connaissances. Il cible directement le cerveau". La guerre cognitive consiste à "pirater l'individu", grâce auquel le cerveau peut être "programmé".

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Pour exercer cette influence, on fait appel à presque tous les domaines de connaissance imaginables : psychologie, linguistique, neurobiologie, logique, sociologie, anthropologie, sciences du comportement, "et plus encore". "L'ingénierie sociale commence toujours par une compréhension de l'environnement et de la cible ; le but est de comprendre la psychologie de la population cible", écrit Du Cluzel. La base reste les techniques traditionnelles de propagande et de désinformation, qui sont renforcées par la technologie actuelle et les progrès des connaissances. "Le comportement peut désormais être prédit et calculé dans une telle mesure", déclare Du Cluzel, "que l'économie comportementale pilotée par l'IA devrait être classée comme une matière scientifique (hard science) plutôt que comme une matière alpha (soft science).

Comme presque tout le monde est actif sur Internet et les médias sociaux, les individus ne sont plus des destinataires passifs de la propagande: avec la technologie d'aujourd'hui, ils participent activement à sa création et à sa diffusion. La connaissance de la façon de manipuler ces processus "est facilement transformée en arme". Du Cluzel cite en exemple le scandale de Cambridge Analytica. Grâce aux données personnelles fournies volontairement à Facebook, des profils psychologiques individuels détaillés ont été établis pour une large population. Normalement, ces informations sont utilisées pour des publicités personnalisées, mais dans le cas de Cambridge Analytica, ces informations ont été utilisées pour bombarder des électeurs douteux avec une propagande personnalisée. La guerre cognitive "exploite les faiblesses du cerveau humain", en reconnaissant l'importance du rôle des émotions dans la conduite de la cognition. La cyberpsychologie, qui cherche à comprendre l'interaction entre les humains, les machines et l'IA (intelligence artificielle), sera de plus en plus importante dans ce domaine.

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D'autres technologies prometteuses qui peuvent être déployées sont les neurosciences et les technologies : NeuroS/T et NBIC (nanotechnologie, biotechnologie, technologie de l'information, science cognitive), "y compris les développements en matière de génie génétique". Les NeuroS/T peuvent être des agents pharmacologiques, des couplages cerveau-machine, mais aussi des informations psychologiquement perturbantes. En influençant le système nerveux par la connaissance ou la technologie, on peut provoquer des changements dans la mémoire, la capacité d'apprentissage, les cycles de sommeil, la maîtrise de soi, l'humeur, la perception de soi, la capacité de prise de décision, la confiance et l'empathie, la forme physique et la vigueur. Du Cluzel écrit : "Le potentiel de la NeuroS/T pour créer une perspicacité et la capacité d'influencer la cognition, les émotions et le comportement des individus est d'un intérêt particulier pour les services de sécurité et de renseignement, et les initiatives militaires et de guerre".

La guerre sur les processus cognitifs des individus représente un changement radical par rapport aux formes traditionnelles de guerre, qui, au moins en principe, cherchent à garder les civils hors de danger. Dans la guerre cognitive, le citoyen est la cible et son cerveau le champ de bataille. Elle change la nature de la guerre, les acteurs, la durée et la façon dont la guerre est gagnée.

Selon Du Cluzel, "la guerre cognitive a une portée universelle, de l'individu aux États et aux sociétés multinationales". On ne gagne plus un conflit en occupant un territoire, ou en ajustant les frontières sur une carte, car "l'expérience de la guerre nous enseigne que si la guerre dans le domaine physique peut affaiblir une armée ennemie, elle ne permet pas d'atteindre tous les objectifs de la guerre". Avec la guerre cognitive, l'objectif final se déplace : "Quels que soient la nature et le but de la guerre elle-même, elle se résume en fin de compte à un affrontement entre des groupes qui veulent quelque chose de différent, et la victoire signifie donc la capacité d'imposer le comportement souhaité à un public choisi". Il s'agit donc, en fait, d'opérer une conversion idéologique dans la population cible.

L'ennemi n'est pas seulement les civils en territoire occupé ou ennemi - mais aussi leurs propres citoyens, qui, selon les estimations de l'OTAN, sont des cibles faciles pour les opérations cognitives des parties ennemies. "L'être humain est le maillon faible. Il faut le reconnaître afin de protéger le capital humain de l'OTAN".

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Cette "protection" va très loin : "L'objectif de la guerre cognitive n'est pas seulement de nuire aux soldats, mais aussi aux sociétés. Cette façon de mener la guerre ressemble à une "guerre de l'ombre" et nécessite l'implication de l'ensemble du gouvernement pour la combattre". La guerre peut donc être menée avec ou sans les militaires, et Du Cluzel poursuit : "La guerre cognitive est potentiellement sans fin, car pour ce type de conflit, vous ne pouvez pas conclure un traité de paix, ni signer une reddition".

Sources :

    https://www.innovationhub-act.org/sites/default/files/202...  (PDF)

    https://thegrayzone.com/2021/10/08/nato-cognitive-warfare...

    https://hcss.nl/wp-content/uploads/2021/03/Behavior-Orien...  (PDF)

 

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jeudi, 28 octobre 2021

L'OTAN développe des techniques de guerre cognitive

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L'OTAN développe des techniques de guerre cognitive

Leonid Savin

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/nato-razrabatyvaet-metody-vedeniya-kognitivnoy-voyny

L'Innovation pour l'excellence en matière de défense et de sécurité (IDEaS), également appelée "Innovation Hub", basée au Canada, joue un rôle de premier plan dans ce domaine. Toutefois, ce centre ne figure pas sur la liste des centres d'excellence de l'OTAN officiellement accrédités, comme le Centre de cyberdéfense en coopération de Tallinn ou le Centre de sécurité énergétique de Vilnius. L'OTAN ne souhaitant probablement pas attirer l'attention sur son travail, elle opère de manière "autonome".

Certes, cette approche de dissimulation a été couronnée de succès, puisque les fils d'actualité montrent que le centre a commencé à fonctionner dès 2017.

Les objectifs officiellement déclarés ne diffèrent pas beaucoup des travaux d'autres centres similaires de l'OTAN. Ils sont décrits dans des phrases générales et représentent:

- Accès à une large communauté d'experts, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'OTAN ;

- Une plateforme collaborative en ligne pour l'interaction avec la communauté ;

- Une base de connaissances sur tous les sujets abordés par le Centre d'innovation ;

- Documents sur les solutions innovantes pour relever les défis futurs de l'OTAN et des capacités nationales ;

- Des occasions d'expliquer les problèmes, de poser des questions ou de proposer des solutions.

Le site web énumère sept domaines dans lesquels le Centre travaille. Il s'agit de l'éducation et de la formation, des mécanismes de prise de décision, du cyberespace, des initiatives humanitaires, de l'information et de la désinformation, des systèmes autonomes et de la stratégie. Cependant, le thème le plus récurrent dans plusieurs domaines à la fois est la guerre cognitive. Fin 2020, le centre a publié une étude sur ce sujet, dont l'auteur est François de Cluzel.

La préface du document indique que "l'esprit humain est désormais considéré comme un nouveau champ de bataille. Avec le rôle croissant de la technologie et la surcharge d'informations, les capacités cognitives individuelles ne suffiront pas à assurer une prise de décision éclairée et opportune, ce qui a conduit à un nouveau concept de guerre cognitive, qui est devenu ces dernières années un terme récurrent dans la terminologie militaire... La guerre cognitive a une portée universelle, de l'individu aux États et aux organisations multinationales. Elle utilise des techniques de désinformation et de propagande visant à épuiser psychologiquement les récepteurs d'information. Chacun y contribue, à des degrés divers, consciemment ou inconsciemment, et cela permet d'acquérir des connaissances inestimables sur la société, en particulier les sociétés ouvertes comme celles de l'Occident. Cette connaissance peut alors facilement être utilisée comme une arme... Les outils de la guerre de l'information, auxquels s'ajoutent les "neuro-armes", élargissent les perspectives technologiques futures, suggérant que le domaine cognitif sera l'un des champs de bataille de demain. Cette perspective est encore renforcée par le développement rapide des nanotechnologies, des biotechnologies, des technologies de l'information, des sciences cognitives et de la compréhension du cerveau."

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Bien sûr, ces technologies et l'intérêt qu'elles suscitent d'un point de vue militaire ne sont pas nouveaux. Les agences américaines DARPA et IARPA sont engagées dans ces domaines depuis de nombreuses années. Mais dans ce cas, cette approche est reconnue comme une stratégie prometteuse pour les guerres futures par l'OTAN. Et les neuro-armes en tant que composante importante de l'armée

Le rapport fournit un certain nombre de définitions. "La guerre cognitive est une guerre d'idéologies qui cherche à saper la confiance qui sous-tend toute société... La désinformation exploite la vulnérabilité cognitive de ses cibles, en profitant de peurs ou de croyances préexistantes qui les prédisposent à accepter des informations fausses.

Pour cela, l'agresseur doit avoir une compréhension claire des dynamiques sociopolitiques en jeu et une connaissance précise du moment et de la manière de pénétrer afin d'exploiter au mieux ces vulnérabilités.

La guerre cognitive exploite les vulnérabilités innées de l'esprit humain en raison de la manière dont il est conçu pour traiter l'information, qui a bien sûr toujours été utilisée dans la guerre. Cependant, en raison de la rapidité et de l'omniprésence de la technologie et de l'information, l'esprit humain n'est plus capable de traiter le flux d'informations.

Ce qui différencie la guerre cognitive de la propagande, c'est que chacun participe, en grande partie involontairement, au traitement de l'information et à la formation des connaissances d'une manière sans précédent. Il s'agit d'un changement subtil mais significatif. Alors que les individus se soumettaient passivement à la propagande, ils y contribuent désormais activement.

L'exploitation des connaissances humaines est devenue une industrie de masse. Et les nouveaux outils d'intelligence artificielle devraient bientôt offrir aux propagandistes des possibilités radicalement élargies de manipuler l'esprit humain et de modifier le comportement humain."

Le rapport parle également de l'économie comportementale, qui se définit comme une méthode d'analyse économique qui applique une compréhension psychologique du comportement humain pour expliquer la prise de décision économique.

Comme le montre la recherche sur la prise de décision, le comportement devient de plus en plus computationnel.

Sur le plan opérationnel, cela signifie l'utilisation massive et méthodique des données comportementales et le développement de techniques d'approvisionnement actif en nouvelles données. Avec l'énorme quantité de données (comportementales) que chacun génère en grande partie sans notre consentement ou sans que nous en soyons conscients, de nouvelles manipulations sont facilement réalisables.

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Les grandes entreprises de l'économie numérique ont mis au point de nouvelles méthodes de collecte de données qui permettent de sortir des informations personnelles que les utilisateurs n'ont pas nécessairement l'intention de divulguer.

Et les données redondantes sont devenues la base de nouveaux marchés prédictifs appelés publicité ciblée.

"Voici les origines du capitalisme de surveillance dans une brassée sans précédent et lucrative : la redondance comportementale, la science des données, l'infrastructure physique, la puissance de calcul, les systèmes algorithmiques et les plateformes automatisées", indique le document.

Et tout cela a déjà été mis au point par des géants occidentaux comme Facebook, Google, Amazon, Microsoft et d'autres. Ce n'est pas une coïncidence s'ils ont été critiqués à plusieurs reprises à la fois pour avoir imposé un monopole et pour avoir utilisé une manipulation basée sur les données des utilisateurs. Et comme ils coopèrent tous activement avec les agences de sécurité américaines en tant que contractants, cela crée un risque de manipulation délibérée pour les utilisateurs du monde entier.

Il a également été suggéré que l'absence de réglementation de l'espace numérique profite non seulement aux régimes de l'ère numérique, qui peuvent exercer une influence importante non seulement sur les réseaux informatiques et les corps humains, mais aussi sur l'esprit de leurs citoyens, mais qu'elle peut également être utilisée à des fins malveillantes, comme l'a démontré le scandale Cambridge Analytica.

Le modèle numérique de Cambridge Analytica décrivait comment combiner les données personnelles avec l'apprentissage automatique à des fins politiques en profilant des électeurs individuels pour les cibler avec des publicités politiques personnalisées.

En utilisant les techniques de sondage et de psychométrie les plus avancées, Cambridge Analytica a en fait pu collecter une énorme quantité de données sur les gens qui lui ont permis de comprendre, grâce à des informations économiques, démographiques, sociales et comportementales, ce que chacun d'entre eux pensait. Cela a littéralement ouvert une fenêtre dans l'esprit des gens pour l'entreprise.

L'auteur écrit que "la gigantesque collecte de données organisée par la technologie numérique est désormais largement utilisée pour identifier et anticiper le comportement humain. Les connaissances comportementales sont un atout stratégique. L'économie comportementale adapte la recherche psychologique aux modèles économiques, créant ainsi une vision plus précise des interactions humaines".

Pendant ce temps, de nombreuses entreprises américaines de ce type continuent tranquillement à opérer en Russie et à collecter les données de nos citoyens.

Un autre aspect intéressant relevé dans l'étude sur la guerre cognitive est la cyberpsychologie, qui se situe à la jonction de deux grands domaines : la psychologie et la cybernétique. Comme il a été dit, " tout cela concerne la défense et la sécurité, et tous les domaines qui sont importants pour l'OTAN dans sa préparation à la transformation. La cyberpsychologie, axée sur l'élucidation des mécanismes de la pensée et des concepts, des usages et des limites des systèmes cybernétiques, est une question clé dans le vaste domaine des sciences cognitives. L'évolution de l'intelligence artificielle introduit de nouveaux mots, de nouveaux concepts, mais aussi de nouvelles théories qui englobent l'étude du fonctionnement naturel des humains et des machines qu'ils créent, et qui sont désormais totalement intégrées dans leur environnement naturel (anthropotechnique). Les hommes de demain devront inventer une psychologie de leur rapport aux machines. Mais le défi consiste à développer également une psychologie des machines, des logiciels dotés d'une intelligence artificielle ou des robots hybrides. La cyberpsychologie est un domaine scientifique complexe qui englobe tous les phénomènes psychologiques liés aux technologies évolutives correspondantes ou affectés par elles. La cyberpsychologie étudie la façon dont les humains et les machines s'influencent mutuellement, et explore comment la relation entre les humains et l'intelligence artificielle modifiera l'interaction humaine et la communication inter-machine."

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Le rapport met également en évidence les aspects problématiques de la pensée humaine. Elle indique que "les biais cognitifs peuvent conduire à des jugements inexacts et à une mauvaise prise de décision, ce qui peut provoquer une escalade involontaire ou empêcher l'identification rapide des menaces. Comprendre les sources et les types de biais cognitifs peut aider à réduire les malentendus et à développer des stratégies plus efficaces pour répondre aux tentatives des adversaires de tirer parti de ces biais.

En particulier, le cerveau :

- Ne peut pas déterminer si une information particulière est correcte ou incorrecte ;

- Est utilisé pour déterminer rapidement la validité des messages en cas de surcharge d'informations ;

- A tendance à croire que les déclarations ou les messages qu'il a déjà entendus sont vrais, même s'ils peuvent être faux ;

- Accepte les affirmations comme vraies si elles sont étayées par des preuves, sans tenir compte de l'authenticité de ces preuves".

Il y a également une section sur la Russie. Comme d'autres études de ce type, la référence au rôle de la Russie sert plutôt à justifier le besoin de fonds pour développer des neuro-armes et des techniques de guerre cognitive afin de garantir que l'OTAN ne soit pas dépassée par ses adversaires.

En juin 2021, le Centre a publié une autre étude sur la guerre cognitive.

Il fournit déjà une formulation claire de la terminologie, indiquant que le concept de guerre cognitive a été adopté par l'OTAN.

"La guerre cognitive est une approche globale des armes qui combine les capacités de guerre non cinétique de la cybernétique, de l'information, de l'ingénierie psychologique et sociale pour gagner sans combat physique. Il s'agit d'un nouveau type de guerre, défini comme l'utilisation de l'opinion publique par des acteurs extérieurs comme une arme. Ceci est fait pour influencer et/ou déstabiliser une nation. Ces attaques peuvent être considérées comme une matrice : elles englobent le petit nombre et le grand nombre, influencent les pensées et les actions, visent des cibles allant de la population entière à des mesures individuelles, entre des communautés et/ou des organisations. Les attaques visent à modifier ou à renforcer les pensées. La manière dont elle est menée diffère des domaines plus traditionnels de la guerre. La guerre de l'information tente de contrôler ce que le public cible voit, la guerre psychologique contrôle ce que le public cible ressent, la cyberguerre tente de perturber les capacités technologiques des pays cibles, tandis que la guerre cognitive se concentre sur le contrôle de la façon dont le public cible pense et réagit."

Ce document présente un certain nombre de technologies permettant d'améliorer les performances de l'OTAN. Le premier consiste en des outils de guerre électronique cognitive (GEE) du "monde réel". Il s'agit de l'utilisation de systèmes cognitifs, de l'intelligence artificielle ou de l'apprentissage automatique pour améliorer le développement et le fonctionnement des technologies de guerre électronique (GE) pour la communauté de la défense. Plus proche de la guerre automatisée, elle diffère d'un véritable système cognitif où les plans ont été élaborés en fonction des pensées et du comportement que l'on attendrait de ses adversaires. Il se compose de deux types d'outils CRB. La première est non cinétique et utilise les systèmes REB pour modifier les pensées/comportements de l'ennemi en ciblant ses systèmes d'information/influence. La guerre cinétique, quant à elle, utilise ces systèmes pour modifier les pensées et le comportement de l'ennemi en affectant directement son système nerveux.

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Une deuxième technologie est la bio-impression en 3D à partir de tissus neuronaux... Une autre technologie est le simulateur de performance cognitive en réalité virtuelle. Intégrant l'entraînement en réalité virtuelle et l'analyse des données neuronales, cette approche améliore les performances humaines dans les missions militaires. Il associe la réalité virtuelle à des capteurs d'électroencéphalographie (EEG) et à des systèmes de contrôle humain pour améliorer les performances en analysant les données neurales acquises pendant l'entraînement. Le travail dans un environnement stressant impose souvent des exigences supplémentaires aux individus, faisant de la cognition humaine le facteur le plus important. L'objectif est d'accroître la productivité opérationnelle. Le casque de l'utilisateur est équipé de capteurs qui collectent des données EEG pendant certains tours et tout au long du jeu. Dans le test de Stroop, on demande à l'utilisateur de tirer sur des cibles en trois séries distinctes, exposées à des distractions et à un temps croissant. Après chaque tour, l'utilisateur est placé dans une "salle de repos" où son niveau de stress peut revenir à la ligne de base avant d'être soumis à un autre tour du test. Un rapport de suivi détaillé permet de suivre les résultats techniques et tactiques tels que la précision, la prise de décision et l'excitation. Tout cela s'articule autour d'une évaluation unique des performances à la fin de la simulation. Chaque session est mesurée, stockée et analysée dans un système de contrôle manuel, où les données sont affichées à l'aide d'un tableau de bord virtuel.

Cette dernière technologie consiste en l'informatique et la technologie quantique. C'est le seul moyen de traiter des ensembles de données disparates gigantesques et d'obtenir rapidement des données analytiques. À l'avenir, il sera essentiel de pouvoir effectuer une stimulation neuronale à l'échelle nanométrique chez l'homme."

Nous pouvons donc constater que les experts scientifiques de l'OTAN prennent très au sérieux l'introduction de nouvelles méthodes de guerre fondées sur les dernières avancées dans diverses sciences. Incidemment, les premières victimes des innovations en matière de guerre cognitive, développées par l'OTAN, ont été les Canadiens. Les citoyens de ce pays ont été utilisés comme des cobayes, inconscients de la manipulation à laquelle ils étaient soumis.

En avril 2020, un plan de propagande a été élaboré et mis en œuvre, et l'épidémie de Covid-19 a servi de couverture à ce plan. Bien que les Forces armées canadiennes aient déjà reconnu que "les opérations d'information, les politiques et les doctrines de ciblage sont conçues pour les adversaires et ont une application limitée dans le concept national".

Le plan élaboré par le Commandement des opérations interarmées du Canada, également connu sous le nom de CJOC, reposait sur des méthodes de propagande similaires à celles utilisées pendant la guerre en Afghanistan. La campagne appelait à "façonner" et "utiliser" l'information. Le CJOC a fait valoir que le dispositif d'opérations d'information était nécessaire pour prévenir la désobéissance civile parmi les Canadiens pendant la pandémie de coronavirus et pour renforcer les messages du gouvernement sur le problème.

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Une initiative distincte, sans rapport avec le plan du CJOC mais supervisée par des officiers de renseignement des Forces armées canadiennes, consistait à recueillir des informations à partir de comptes de médias sociaux accessibles au public en Ontario. Des données ont également été collectées sur les réunions de Black Lives Matter et les leaders de BLM. Les officiers supérieurs de l'armée ont affirmé que ces informations étaient nécessaires pour assurer le succès de l'opération Laser, la mission des Forces armées canadiennes visant à aider les foyers de soins de longue durée touchés par le COVID-19, et à contribuer à la distribution de vaccins dans certaines communautés du Nord. Bien sûr, après que l'information ait été rendue publique dans les médias canadiens, peu de gens ont cru ces excuses, car elles n'étaient absolument pas convaincantes. Enfin, il convient de noter que la conférence du réseau d'innovation de l'OTAN a déjà été programmée pour le 9 novembre. Et le 30 novembre, la conférence du Défi Innovation de l'OTAN se tiendra en Ontario. Cela indique que les développements de la guerre cognitive de la part de l'Occident vont se poursuivre.

mercredi, 18 mars 2020

L’honneur d’être non-aligné ou la dissidence comme nécessité morale

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L’honneur d’être non-aligné ou la dissidence comme nécessité morale

Ex: https://flux.md
 

(Préface à l’édition roumaine du livre de Pierre-Antoine Plaquevent : SOROS et la société ouverte. Métapolitique du globalisme)

Je commencerai cette introduction en précisant que tous les efforts éditoriaux, médiatiques et académiques que nous déployons avec obstination depuis des années, contre un ennemi qui est de toute évidence infiniment plus puissant que nous, sont la conséquence de l’inquiétude douloureuse que nous inspire l’état de léthargie, voire d’imbécilité collective, dans lequel les maîtres du discours dominant ont réussi, au cours des trente dernières années, à pousser la société. Notre Université Populaire, qui concentrait initialement ses efforts sur la formation des jeunes, s’est, au cours des dernières années, réorientée principalement vers une activité éditoriale. Tous nos auteurs – sans exception aucune – viennent des rangs ô combien honorables de la nouvelle dissidence – de celle qui s’oppose à un impérialisme d’un type nouveau, sans précédent historique connu, exercé à l’échelle mondiale par une élite perverse, avide et démoniaque.

Notre bon ami Pierre-Antoine Plaquevent, auteur de cette enquête métapolitique si brillante et si actuelle, fait partie d’une pléiade française de chercheurs par vocation, qui, atteignant aujourd’hui la fleur de l’âge,consacrent toutes leurs forces au décryptage de l’essence du régime sous lequel gît leur patrie, la France, qui chancèle désormais au seuil d’une extinction rapide et irrévocable. Ces guerriers, qui partent armés de leur plume à la reconquête de l’Europe, sont devenus des oiseaux rares dans notre univers d’opacité généralisée. Dans un Occident démasculinisé, aplati, tombé dans la douce étreinte du capitalisme de la séduction, du désir et du confort, mortifiant toute capacité d’exercice intellectuel autonome et annihilant jusqu’à l’idée même de courir des risques aux service de valeurs plus hautes, ces hommes véritables représentent le seul espoir de renaissance spirituelle et politique de ce continent auquel ont échu en partage des fonctions hors du commun dans le concert des civilisations de notre monde.

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Pierre Antoine Plaquevent

Pierre-Antoine Plaquevent fait partie d’une famille idéologique souvent appelée « souverainisme européen ». Dans leur vision des choses, l’Etat-nation, devenu cible prioritaire des forces occultes mondialistes décidées à instaurer un gouvernement mondial, est le principal obstacle que rencontrent encore ces forces, la dernière redoute contre leur offensive. Je ne peux ici m’abstenir de mentionner au moins quelques-uns des auteurs de cette illustre génération à laquelle appartient Pierre-Antoine : Lucien Cerise, Pierre Hillard, Valerie Bugault, Youssef Hindi. Voilà pour ceux que j’ai déjà publiés aux presses de l’Université Populaire ; d’autres attendent encore leur tour, ou sont en cours de traduction. Et, puisque je viens de citer quelques-uns des intellectuels de première ligne du Paris universitaire non-aligné, ou du moins de la génération des cadets, je suis dans l’obligation de citer aussi quelques auteurs plus âgés, qu’on pourrait considérer comme précurseurs directs de cette génération : Jean Parvulesco (d’origine roumaine), Guillaume Faye, Alain de Benoist, Robert Steuckers, Michel Geoffroy, Jean-Claude Michéa, Ivan Blot,le père Jean Boboc (d’origine roumaine), Jean-Michel Vernochet, Philippe de Villiers, Hervé Juvin, Marion Sigaut, Philippe Beneton, Chantal Delsol et, bien entendu, l’infatigable dissident, sociologue et écrivain, affublé par la nomenclatura de la correction politique de toutes les étiquettes possibles et imaginables : Alain Soral.Cette liste,sans aucune prétention de classement, est celle d’auteurs de premier plan de la France actuelle ; elle n’est présentée ici que dans l’espoir de voir les lecteurs de la présente préface se mettre en quête de leurs livres.

Pour esquisser le profil de cette série d’auteurs extrêmement divers et originaux, et qui pourtant présentent des points de résistance communs dans leurs visions du monde respectives, il faudrait commencer par remarquer que le courant de pensée qu’ils incarnent trouve son origine dans une réaction contre la rupture introduite dans le monde occidental par ce qu’on appelle « les Lumières », et par la Révolution dite française. Ainsi donc, par allusion au titre du célèbre ouvrage de Julius Evola, on pourrait soutenir que ces auteurs représentent une« Révolte contre le monde moderne ». Traditionnaliste, conservatrice, antilibérale et anticapitaliste, leur école de pensée pourrait être brièvement caractérisée de la façon suivante :

Elle se prononce contre :

     la subordination du politique à l’économique – c’est-à-dire la réduction de l’acte de gouvernement à une simple gouvernance,réduite à merci par l’expertocratie, et celle des collectivités humaines organiques à une simpleagglutination d’atomes dans le cadre de la « démocratie de marché » ;

     la domination des Etats-Unis d’Amérique sur l’Europe (dont la partie occidentale leur a été vassalisée à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale) ;

     l’OTAN, comme structuredésuète qui a perdu sa raison d’être à la fin de la Guerre Froide, avec la disparition du Pacte de Varsovie, et qui fonctionne comme simple prête-nom de l’hégémonie américaine ;

     la suprématie des euro-bureaucrates de Bruxelles sur les Etats-nations ; l’UE est considérée comme un projet anti-européen, antinational et anti-chrétien, qui annihile la souveraineté de ses Etats-membres ;

     « le moment unipolaire » qui a commencé lors de la chute de l’URSS, et auquel ces auteurs souhaitent voir succéder un nouvel ordre des relations internationales : l’ordre multipolaire ;

     la monnaie unique EURO (qui provoque de graves dommages dans l’économie de tous les Etats-membres, au profit de la mafia financière mondialiste) ; ces auteurs se prononcent pour le retour aux monnaies nationales comme élément fondamental de l’indépendance économique ;

     la disparition de l’argent liquide et la généralisation des puces implantées dans le corps des citoyens, sous prétexte de confort du consommateur, mais en vertu d’un objectif réel qui est l’instauration d’un contrôle total sur la population de la planète ;

     l’usage de l’argent comme mesure de toute chose, contre le techno-capitalisme, aussi connu sous le nom de turbo-capitalismeou capitalisme des désastres – le mot-clé est ici : le capitalisme comme mal en soi ;

     le libre-échangisme, la nomadisation des peuples, des capitaux, des biens et des services dans le cadre d’un système mondialiste hyperlibéral ;

     la société de consommation, l’individualisme, le libéralisme philosophique, politique et économique, etc..

Ces intellectuels français de premier plan sont, pour la plupart, activement engagés dans la lutte pour ce qu’on appelle désormais le Frexit, sur le modèle du Brexit britannique, étant donné que, de leur point de vue, l’UE est une structure irréformable. Pour tout citoyen de l’ex-URSS, le parallèle s’impose tout naturellement : le ridicule dont se couvrait Gorbatchev à l’époque de la Perestroïka avec son slogan « Une Union réformée, un parti réformé ! » (alors même que l’empire soviétique rendait l’âme) n’a d’égal que le comique des eurofanatiques agrippés au drapeau de la pérennité de l’UE.

skanirovanie0001-768x1103.jpgSignalons au passage – car cela n’a rien d’un hasard – que des membres de ces deux générations de la dissidence française figurent aussi parmi les voix les plus écoutées parmi celles que rassemble à intervalles plus ou moins réguliers le Forum de Chișinău, une plateformeinternationale de discussion dont la visibilité augmente d’année en année dans divers pays du monde. C’est ainsi que l’exposé présenté par Pierre-Antoine Plaquevent, par exemple, dans le cadre de la session du 21 septembre 2019 était intitulé« Multipolarité et société ouverte : réalisme géopolitique versus utopie cosmopolite. Pluriversum vs universum » – un texte de référence, qu’on gagnera à étudier attentivement (https://flux.md/stiri/chisinau-forum-iii-pierre-antoine-plaquevent-discurs-video).

Ainsi donc, le livre de Pierre-Antoine Plaquevent présente unesynthèsedes origines intellectuelles du « phénomène Soros », des instruments qui lui ont permis d’accumuler des ressources financières astronomiques et d’étendre ses tentacules à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, le nom du sinistre George Soros est sur toutes les lèvres. C’est lui qu’affronte le président américain Donald Trump, c’est contre lui que se bat le premier-ministre hongrois Viktor Orbán, c’est lui que maudit le leader panafricain Kemi Seba (https://www.facebook.com/watch/?v=10155199656817082), lui que vise dans ses textes le philosophe russe Alexandre Douguine, lui que critique le formateur d’opinion géorgien Levan Vassadze, c’est à son propos qu’ironise le célèbre politicien et activiste arménien David Shahnazarian. Dans le monde entier, là où vibre encore l’esprit de résistance face au rouleau compresseur mondialiste, des hommes politiques et des journalistes honnêtes, des activistes de la société civile et des auteurs en sciences humaines et sociales considèrent George Soros comme l’ennemi public numéro un.

De la « doctrine Soros », comme d’ailleurs de l’impérialisme américain dans son ensemble, on peut dire, pour les caractériser, qu’ils ont la tromperie pour base. C’est-à-dire qu’ils avancent masqués, sous couvert de bonnes intentions, comme la défense des droits de l’homme, de la démocratie, de la justice et des autres mythes fondateurs de l’Occident, afin d’endormir la vigilance du public et d’obtenir son consentement à la réalisation de leurs plans véritables, perfides tout autant que pervers. De ce point de vue : rien de nouveau sous le soleil. Toute guerre – même une guerre sans déclaration de guerre et sans forces militaires, comme celle que mène Soros – obéit aux lois de la guerre. Or, le vénérable chinois Sun Tzu ne disait-il pas que « l’art de la guerre tout entier est fondé sur la tromperie » ? Il faut donc croire que, si les moyens évoluent, les buts de guerre restent bien les mêmes : conquérir un peuple, pour le soumettre à une domination exercée au profit des vainqueurs.

En Roumanie, on a déjà beaucoup écrit, et l’on continue à écrire souvent sur les réseaux d’influence et les serviteurs – qu’ils soient issus des « ONG » ou de la faune politique classique – de ce fer de lance de forces occultes qui apparaissent rarement dans le champ de vision du public. Le présent ouvrage contient d’ailleurs un chapitre entier consacré à la Roumanie. En République Moldave, en revanche, il semble que seul le politologue Bogdan Tîrdea se soit sérieusement occupé de décrypter toute l’intrication des radicules de l’expertocratie et de la médiocratie sorosiennes locales, de ce nuage de sauterelles boursophagesqui étouffe l’espace public de leur omniprésence paralysante. Autrement dit : l’ignorance du grand public moldave en matière de guerre cognitive, de mind control, d’ingénierie sociale et autres instruments de façonnage de la « pensée unique » est tout simplement alarmante. D’où, justement, notre effort de traduction et de publication de livres comme le présent ouvrage, visant au « désenchantement » du lecteur, à lui permettre d’échapper à la magie du discoursdominant, en lui rendant sa capacité d’interprétation profonde et complexe de la réalité.

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Dans tous les pays où elles sont présentes, les Fondations Soros, l’Open Society Institute, l’Institut pour les Politiques Publiques, ainsi que tout autre organisation financée par ce magnat et ses congénères (qu’il s’agisse de structures privées, publiques nationales ou publiques internationales) représentent en réalité des réseaux destinés au recrutement de mercenaires d’élite, grassement payés pour exercer une influence décisive sur le mental collectif. Ainsi, un pays indépendant ne peut que chercher à exclure de son territoire les agissements de cette pieuvre criminelle. En ce sens, même les Etats-Unis, patrie adoptive de Soros, ne sont en réalité qu’une semi-colonie, un Etat captif contrôlé par la cleptocratie nichée dans les tanières de « l’Etat profond » (deep state), avec une démocratie de vitrine à la merci des maîtres du grand capital.

A l’heure actuelle, par conséquent, l’émancipation de tout pays implique nécessairement l’éradication de ces troupes d’occupation non-militaire, productrices de dommages infiniment plus graves que ceux que pourrait entraîner une présence militaire étrangère de type classique. En la matière, c’est une fois de plus le leader hongrois Viktor Orbán qui montre l’exemple à suivre. Lui et son équipe ont en effet réussi à mettre en fuite le magnat d’origine hongroise, et font entendre depuis les tribunes internationales une plaidoirie à visage découvert contre ce nouveau type d’agression à l’encontre des peuples, de corruption des élites politiques et d’imposition d’un agenda réellement catastrophique en matière de politiques publiques.

En République Moldave, néanmoins, les réseaux Soros continuent à mener le bal de la vie publique. Et ce, en premier lieu, du fait de la plus grande réussite de cette cohorte de laquais du capital étranger : avoir réussi à garder son masque d’honorabilité, d’altitude intellectuelle, voire de supériorité indiscutable par rapport à tout membre ou participant non-affilié de la classe politique ou du débat public. Le grand public ne parvient pas même à voir en eux l’équipe soudée qu’ils constituent de facto, en raison de la subtilité avec laquelle ces derniers se partagent les rôles et se cachent derrière une multitude de titres grandiloquents, de noms d’ONG aux objectifs tous plus nobles les uns que les autres, charitables et d’une grande utilité sociale. Ce sont donc toujours eux qui distribuent des notes de conduite aux politiciens moldaves, eux qui vérifient la régularité des élections, et encore eux qui truquent les sondages de campagne électorale pour favoriser les entreprises politiques des marionnettes de l’Occident.

Soir après soir, année après année, avec méthode et méticulosité, ces putes de luxe du grand capital occidental remplissent les plateaux des chaînes de télévision moldaves, ensorcelant le téléspectateur au moyen de la même fable interminable, et finissant par réussir à leur inoculer une certaine perception de la réalité, qui devient purement et simplement axiomatique. Et l’état de fascination des téléspectateurs annule en eux jusqu’à la dernière ombre de raison autonome, créant ainsi le terreau fertile propice à l’exercice du néo-chamanisme européiste.

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Dans cette guerre cognitive totale, pour avoir la moindre chance de gagner, il est absolument nécessaire d’être d’abord conscient de vivre en état de guerre, en qualité de cible des ennemis situés de l’autre côté de l’écran des télévisions. Or, compte tenu de l’ignorance presque totale du grand public, l’agresseur domine sans partage le champ de bataille, étant donné qu’il est en mesure de transformer le gros de la population en « idiots utiles » à sa cause. Dans ces conditions, le processus d’uniformisation par lavage de cerveau et dressage systématique des acteurs politiques ayant affecté l’intégralité du spectre politique, notre vie publique ressemble à l’agitation d’une poignée de cafards dans un bocal. Qu’importe désormais qui gagne les élections, et qui les perd ? Ce qui compte véritablement, c’est que tous ces rouages insignifiants du Système continuent à se mouvoir à l’intérieur de l’enclos, sans franchir la ligne de démarcation qui assigne ses limites à la vie politique de notre pays.

Soros est le porte-parole d’une entité, d’un monde financier qui est en même temps un dispositif de combat, et auquel, depuis quelques années, s’attache le nom générique de corporatocratie. Le titre célèbre de l’ouvrage de l’américain David C. Korten, Quand les multinationales [en anglais : « corporations »] gouvernent le monde (1994), nous donne l’occasion de souligner que nous avons à faire à un sujet non-étatique, dont la force d’influence dépasse de loin celle de n’importe quel état, à un acteur international d’un poids incroyable, disposant d’une capacité de corruption colossale dans le cadre d’organisations comme l’ONU ou l’UE. C’est à juste titre que, depuis des tribunes officielles, le premier ministre hongrois Viktor Orbán a décrit ces deux structures internationales comme « les institutions les plus corrompues du monde ».

En l’espace de quelques décennies, cegangster ducapitalisme spéculatif a réussi à assener des coups étourdissants à l’économie de toute une série de pays – de la Grande-Bretagne à la Malaisie – au moyen d’opérations financières sophistiquées qui l’ont propulsé sur la liste des milliardaires les plus riches de la planète. Soros est donc l’une des figures emblématiques de cette classe de banksters qui a profité de la déréglementation néolibérale, et de l’annihilation par cette dernière de la souveraineté économique des Etats.

Passons juste en revue quelques-uns des éléments-clé de l’idéologie de Soros et des actions promues par ce dernier et ses acolytes partout dans le monde :

   La « Société ouverte », concept-clé repris à son mentor Karl Popper, implique pour Soros la mort des Etats-nations et leur dissolution dans un creuset (melting pot) mêlant tous les peuples, toutes les civilisations, toutes les cultures et toutes les religions sous l’égide d’un Gouvernement Mondial ;

   En relations internationales, la position de Soros est solidaire de celle du complexe militaro-industriel américain, qui, chapeauté par la CIA et les autres services secrets atlantistes, promeut une hégémonie américaine absolue dans un monde unipolaire, des interventions armées sous des prétexteshumanitaires et des guerres de changement de régime (”regime change wars”) ;

   La distribution des rôles en géopolitique mondiale se fait en noir et blanc : les rôles positifs sont réservés au bloc occidental (USA, OTAN, UE) et, accessoirement, à des pays vassalisés qui font vœu d’obéissance et voient dans leur vassalisation un cadeau du ciel ; les rôles négatifs, eux, reviennent à des pays qui refusent de sacrifier leur souveraineté sur l’autel du mondialisme (Russie, Chine, Iran, Syrie) ;

     Sur le plan économique, promotion – conjointement au FMI, à la Banque Mondiale, à l’OMC, à l’UE et aux autres instruments de la corporatocratie – des dogmes du néo-libéralisme (dits aussi Consensus de Washington ou école de Milton Friedman) : déréglementation, libre-échange, financiarisation de l’économie, limitation des compétences des gouvernements nationaux à un minimum (small government), refus du contrôle des banques centrales par les autorités nationales (adoption de dispositions constitutionnelles imposant la soi-disant « indépendance » desbanques dites nationales), accueil des prêts externes présentés comme des bienfaits dus à la magnanimité de « partenaires de développement » (nouveau nom de code des colonisateurs économiques) ;

     En politique, l’élément prioritaire est l’uniformisation des perceptions concernant le phénomène économique, autour des dogmes néo-libéraux décrits ci-dessus. De ce point de vue, le nom des chefs et des partis qui gouvernent un pays n’a plus d’importance : quels qu’il soient, ces derniers vont de toute façon promouvoir aveuglement les politiques du colonialisme économique et le jeu de la grande finance internationale. D’où aussi l’idée selon laquelle « tout ce qui est bénéfique pour l’Amérique est aussi bénéfique pour notre pays » ;

     Dans le domaine des guerres cognitives, la pieuvre Soros a entre autres pour objectif de vous inoculer l’idée selon laquelle la démocratie libérale, avec son suffrage universel, son individualisme, l’avidité et l’obsession de l’enrichissement comme principales vertus du capitalisme, et avec les droits de l’homme comme religion d’Etat,constitue un modèle sacro-saint, indiscutable et pérenne (« Il n’y a pas d’alternative », comme disait Margaret Thatcher :„There Is No Alternative”) ;

     Le caractère séculaire de l’Etat, aussi connu sous le nom de « laïcité » (et inspiré de la « mystique de la laïcité » dont parle Youssef Hindi) est exacerbé, la persécution des églises devenant le passe-temps favori des bandes de mercenaires de la « société civile » et de leurs complices des médias corrompus. La « Religion républicaine » issue de la Révolution dite française fait elle aussi partie des dogmes incontournables de ce type de société à prétentions universelles ;

     La volonté obsessive d’effacer toutes les caractéristiques de l’identité collective des peuples, en provoquant, au moyen de vagues d’invasions comme la récente « crise des migrants », un remplacement programmé des populations indigènes de l’Europe (un véritable ethnocide non-violent, donc), au profit de populations allogènes qui forment le précariat docileetmanœuvrable du grand capital (le « Grand Remplacement ») ;

     L’essence maléfique de ce tsunami civilisationnel transparaît aussi dans les autres objectifs prioritaires de son action néfaste :suicide assisté et euthanasie, encouragement à l’avortement, légalisation des drogues, flicage de l’enfance par des institutions prétendument sociales comme le Barnevernet norvégien (retirer les enfants à l’autorité des parents, conflictualiser les relations entre ces derniers en vue de transférer à la « société ouverte » le rôle de l’éducateur), promotion du féminisme comme idéologie créatrice d’hostilité entre hommes et femmes, théorie du genre niant le caractère de donné naturel du sexe, qui serait une question de choix individuel, homosexualité, « mariages gay », procréation artificielle et, en bout de course, transhumanisme.

Dans cette guerre spirituelle totale, chacun doit donc choisir en connaissance de cause. Or notre auteur est parfaitement conscient du fait que l’adoption d’une perspective interprétative strictement positiviste limiteraitou déformerait la compréhension de son objet de recherche. C’est précisément pour cela qu’il recourt à une lecture spiritualiste, métapolitique, proche du concept de théologie politique de Carl Schmitt. Ainsi, partir de la vision chrétienne permet de révéler le caractère inversé de la « société ouverte », et donc son essence pardéfinitionsatanique, antithétique à la création divine.

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Le moment vient tôt ou tard, pour chacun d’entre nous, de faire son choix :au milieu de cette gigantomachie apocalyptique, il faut passer soit à la droite, soit à la gauche de la Vérité. Telles étaient aussi les paroles du Sauveur : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre.Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Matthieu 6:24).

En d’autres termes : pour être capable de déchiffrer facilement l’essence maléfique des machinations d’un personnage comme Soros, on doit disposer d’un système de référence limpide, solide, et même immuable – la vision chrétienne, et, plus largement, la vision religieuse du monde. Seul un tel système nous permet d’interpréter la réalité à partir d’une grille de lecture fondée sur le respect de normes stables, qui font partie de notre identité profonde. Et ce, parce qu’un esprit déconnecté de la source supérieure de la lumière divine, de la véritable connaissance mystique, restera à tout jamais dans les limbes de l’approximatif et de l’erreur irrémédiable.

Et comme nous vivons une époque dont le transcendant a été banni, il s’avère que nous sommes pour la plupart totalement vulnérablesface aux offensives de la « société ouverte ». Dans un monde tombé dans l’immanence et inondé de relativisme, tout se liquéfie, se dissout, s’efface : traditions, hiérarchies, systèmes moraux, identités collectives, attachements durables, appartenance à des groupes comme la famille, la nation, la religion, le territoire (l’espace sacré des ancêtres). Dans de telles conditions, le virus mortel Soros trouve un terrain idéal pour se propager à l’échelle mondiale. Et les pays qui cherchent à lui résister sont relégués dans la catégorie des « sociétés fermées », des « Etats voyous », où le stratège Soros s’emploie à tendre les filets d’une nouvelle « révolte populaire pacifique contre la dictature et pour la démocratie ».

En ce sens, le « phénomène Soros » peut être considéré comme un aboutissement logique de la chute dans la Modernité comme révolution anthropologique radicale. Placé au centre de l’univers par les philosophies anthropocentristes, l’homme d’aujourd’hui prend le visage hideux de Soros, qui semble sorti tout droit des caprices de Goya ou desténèbres cauchemardesques de l’Hadès, peuplées de monstres épouvantables. Son masque funeste s’intègre au portrait de groupe de la gérontocratie bancaire internationale, qui se rêve Gouvernement Mondial, fourré dans ces clubs pour élites démoniaques que sont la Commission Trilatérale, le Club Bildelberg, le Forum de Davos etc..

L’effort entrepris par Pierre-Antoine Plaquevent mérite tout notre respect. Il témoigne d’un esprit de croisé, engagé en première ligne du combat contre «le mystère du mal» – l’esprit d’un homme pour qui l’aventurede ce combat représente le sens même de l’existence. Et dans les mains duquel le présent ouvrage constitue une arme, l’épée qui éventre les ténèbres, ouvrant la voie au jaillissement de la lumière.

Iurie Roșca

samedi, 16 février 2019

Un manuel de combat pour la guerre cognitive totale

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Un manuel de combat pour la guerre cognitive totale

 

Par Iurie Roșca, Président de l’Université Populaire de Moldavie.

Préface à la traduction en roumain de « Neuro-Pirates – Réflexions sur l’ingénierie sociale », de Lucien Cerise

Ce livre de Lucien Cerise est le premier de cet auteur traduit en roumain. Il succède aux autres ouvrages édités par l’Université Populaire et signés par nos amis français, que j’ai le plaisir de rappeler ici : Jean Parvulesco « Vladimir Poutine et l’Eurasie », Hervé Juvin « Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé », Jean-Michel Vernochet « La guerre civile froide : La théogonie républicaine de Robespierre à Macron », Ivan Blot « L’Europe colonisée », Valérie Bugault & Jean Rémi « Du Nouvel Esprit des Lois et de la Monnaie », Youssef Hindi « La Mystique de la Laïcité. Généalogie de la religion républicaine de Junius Frey à Vincent Peillon », Hervé Juvin « Le gouvernement du désir ».

LC-livre.jpgCes livres ont été publiés en l’espace d’un an. Ils appartiennent au même courant d’opinion antimondialiste et manifestent des approches similaires face aux grands défis de notre époque. Tous ces auteurs français font partie de ce qu’on appelle depuis quelques années la nouvelle dissidence occidentale qui a émergé dans le monde de l’après-guerre froide.

L’émergence de ces travaux fondamentaux est d’une urgence extrême non seulement pour la France, mais aussi pour l’espace roumanophone car nous sommes également touchés par les effets néfastes d’un Occident globalisé, destructeur et même génocidaire. La capacité à pénétrer l’essence d’un système pervers, extrêmement complexe et multiforme, associé, non sans raison, avec l’empire mondial américain et son extension régionale, l’Union Européenne, est totalement censurée par l’oligarchie mondialiste, qui parvient à imposer un contrôle quasi total de la perception de la réalité.

Dans cette perspective, le livre de notre ami Lucien Cerise fait partie des outils de combat de la guerre cognitive, culturelle, idéologique, identitaire et psychologique en cours, qui englobe tous les peuples du monde sans exception. En ce sens, l’avertissement de Lucien Cerise – « La Patrie est en danger ! Toutes les Patries sont en danger ! » – est pleinement justifié et définit aussi clairement que possible l’abîme où toute l’humanité risque de s’effondrer si nous n’agissons pas.

Comme toute guerre, celle dans laquelle nous sommes engagés sans réserve nécessite une mobilisation totale. Et comme toujours dans l’histoire, les porteurs de vérité sont peu nombreux. Ils assument le rôle d’avant-garde sur le front intellectuel, portant la responsabilité morale d’une élite authentique de guider leur nation vers l’objectif consistant à se libérer du joug de ce nouveau type d’impérialisme extraterritorial. Lucien Cerise défie fermement toutes les limitations imposées par la dictature du politiquement correct. Il parvient à détruire jusque dans les moindres détails le fonctionnement du Système dans ses dimensions géopolitique, militaire, économique, culturelle, éducative et médiatique. L’enjeu de cette guerre totale est sans précédent dans l’histoire de l’humanité puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, de sauver l’espèce humaine de son extinction.

Les efforts de certains chercheurs comme Lucien Cerise méritent d’être appréciés non seulement pour leur érudition exceptionnelle, qui transcende toute approche sectorielle, partielle ou incomplète. Rassembler le puzzle d’une réalité aussi complexe et protéiforme, qui tente de masquer sa véritable essence sous une infinie variété de masques honorables, n’est possible que pour quelqu’un qui comprend que seul le dépassement des spécialités professionnelles et l’étude de tous les domaines de la vie humaine sont à même de leur offrir une image à peu près complète du monde. Son mérite est avant tout d’assumer la vocation de combattant qui connaît très bien son ennemi et sait à quel point il est puissant, perfide et dangereux.

Une des tâches de premier ordre assumée par l’auteur est donc de définir l’ennemi. Vous ne pouvez vaincre que si vous savez que le principe « Connais ton ennemi » est à la base de toute victoire. Qui sont les neuro-pirates, qui essayent de pirater notre capacité de réflexion, quels sont leurs enjeux, et comment les repousser ? Telle est la tâche de ce travail. Comment gérer les perceptions et le comportement, comment appliquer des techniques d’ingénierie sociale négative, quels sont les moyens de briser par effraction nos codes culturels, comment sont dissous nos traditions, l’identité, les frontières morales et les attachements naturels à la patrie et au prochain, tout cela est décodé de manière pertinente par Lucien Cerise. Mais pour renforcer, ou peut-être même retrouver, la capacité d’assimiler ces vérités bouleversantes, l’auteur nous invite à un premier acte de volonté minimum, consistant à sortir de la portée de l’arme de destruction massive qu’est la télévision.

« Comme nous sommes dans une guerre culturelle, il faut veiller à notre hygiène mentale. À ce niveau, la priorité absolue, qui ne coûte rien, au contraire, consiste à se séparer définitivement de la télévision, qui reste le principal outil de management de perceptions du Pouvoir. Pour ma part, je n’ai plus de télé depuis des années, ça change la vie, car vous n’êtes plus sous l’influence virtualisante des images qui vous dépossèdent de votre propre vie mentale. Sans télé, vous récupérez votre souveraineté cognitive, vous gagnez en ”réalisme”, en capacité à voir les choses comme elle sont, et pas comme on vous dit de les voir. »

Ayant pour ma part cessé de regarder la télévision, j’ai eu le plaisir de découvrir, parmi les amis de différents pays que j’ai acquis au cours des dernières années, des personnalités tout aussi hostiles que moi au téléviseur. C’est pourquoi mon ami français, Lucien Cerise, m’est cher notamment pour avoir rejeté la télévision qui détruit la capacité intellectuelle, anéantit l’esprit critique et liquéfie toute possibilité d’exercice intellectuel autonome et pertinent. J’insiste sur le besoin urgent de briser la fascination et la séduction exercées par les instruments de contrôle mental audiovisuel, car sans prendre nos distances face à ce tsunami cognitif, nous ne pouvons pas vraiment vaincre la condition « d’esclave heureux » (Ovidiu Hurduzeu). Heureux, car il ne réalise pas sa condition d’esclave. La suggestion de l’auteur est tout à fait valable pour les consommateurs de médias moldaves, en particulier pour ceux qui ont l’illusion que si vous regardez une chaîne de télévision opposée au gouvernement, vous obtenez des informations alternatives. Illusions ! Nous ne pouvons l’obtenir que par des sources « dissidentes », sur internet ou, peut-être tout d’abord, dans des livres qui vont au-delà des approches spécialisées.

LCL2.jpgTous les efforts des intellectuels de marque, que j’ai découverts au cours des dernières années et dont je recommande les ouvrages aux lecteurs de langue roumaine, visent à clarifier les conditions de la gouvernance par le chaos, pour utiliser une expression pertinente de Lucien Cerise. Dans l’espace ex-communiste, même si nous avons finalement échappé à la dictature cognitive du régime, nous sommes, d’une certaine manière, désavantagés par rapport aux Européens qui vivaient de l’autre côté du « rideau de fer ». Nous avons naïvement pensé que le nouveau régime capitaliste, qui s’est étendu à notre espace, nous apporterait liberté, justice et dignité, tant personnelles que nationales. Mais après trois décennies de capitalisme, nous sommes tombés dans un désastre économique, politique, culturel et avant tout axiologique, bien pire que celui que nous avons connu sous les soviets. L’inertie de la pensée, le confort intellectuel et le manque de perspective empêchent encore beaucoup d’entre nous de réaliser l’ampleur de la catastrophe qui nous frappe. Nous vivons encore avec l’illusion que, pour éliminer un gouvernement corrompu et incompétent, il suffira de voter ou d’organiser des manifestations de masse et que tout sera résolu. Et ce genre de naïveté est un piège extrêmement dangereux.

L’eurolâtrie est encore en pleine vogue dans notre pays. Le message promu par le « nouveau clergé » (experts, analystes, journalistes, politiciens et autres idiots utiles du Système) à propos d’un Occident prospère, d’une Union Européenne vue comme une station terminale de notre succès, d’une démocratie libérale et d’une économie de marché au fonctionnement impeccable à l’Ouest, a des effets dévastateurs. Nous errons dans un faux système de référence et attendons notre salut terrestre en nous référant aux paramètres qu’il impose.

Le livre « Neuro-pirates » présente également une autre vertu qui peut être d’une grande utilité pour les théoriciens du phénomène identitaire en République de Moldavie. L’auteur analyse soigneusement le concept et la pratique de ce qu’on appelle le conflit triangulé (ou triangulaire), c’est-à-dire la technique d’instrumentalisation d’animosités inconciliables entre divers groupes sociaux présentant des différences identitaires mineures, afin de prendre le contrôle des deux camps belligérants. Le principe du conflit triangulé consiste en la collision des deux angles à la base du triangle, mais avec la préservation obligatoire du caractère anonyme et furtif de l’angle supérieur, qui est à la fois l’instigateur véritable et le bénéficiaire de ce conflit. En d’autres termes, les deux camps sont utilisés à l’aveugle, dans un conflit épuisant et stérile, permettant au sommet supérieur du triangle d’appliquer l’ancien principe impérial « Diviser pour dominer ». L’auteur écrit : « Cette ”division du bas” s’appuie notamment sur ce que René Girard a repéré sous le terme de ”rivalité mimétique” ou ”capture imaginaire” dans le vocabulaire de Jacques Lacan. Il s’agit du processus de montée aux extrêmes et de crescendo de violence qui saisit deux acteurs engagés dans un rapport de forces, mécanisme de vengeance et de vendetta parfaitement résume dans la loi du Talion : ”Œil pour œil, dent pour dent”. »

Dans notre cas, cela évoque l’exacerbation maladive des obsessions et des traumatismes des communautés roumanophone et russophone en nourrissant des représentations catastrophiques sur certaines périodes historiques. L’une des parties du conflit occupe la place de la victime, et l’autre partie a le rôle de bourreau, chacune des parties ayant sur sa propre identité une perception narcissique en symétrie inversée dans une structure duelle où les rôles bourreau-victime sont interchangeables. Ainsi, le sentiment de frustration suscité par une injustice réelle ou imaginaire se transforme en une soif de vengeance par annihilation du groupe bourreau, associé au mal absolu. Ce procédé d’ingénierie sociale négative connaît un succès majeur en République de Moldavie en raison de la rivalité d’influence entre la Russie et la Roumanie sur notre territoire, historiquement explicable, mais contre-productive et exploitée avec perversité à l’heure actuelle. Par conséquence, les russophiles qui sont obligatoirement roumanophobes se confrontent avec les roumanophiles qui sont par définition russophobes, les moldovenistes sont en guerre avec les unionistes identitaires, et cela dure depuis des décennies. Et les efforts d’éclaircissements sur le caractère stérile de cette guerre d’identité sans fin sont rejetés avec agressivité et dans l’opacité totale. Qui profite de cette bataille absurde de deux camps également perdants ? Il existe deux niveaux d’acteurs gagnants qui restent plus ou moins dissimulés.

Le premier groupe d’acteurs gagnants de ce conflit triangulé est le plus facile à repérer. Ce sont les politiciens locaux qui partagent aisément l’une des deux niches électorales : la niche des soutiens de la Russie, qui sont automatiquement des adversaires de la Roumanie, et vice versa. Cet état de fait ouvre un champ de manœuvres très large aux manipulateurs. Avec ces tireurs de ficelles locaux, les choses sont claires.

LCL3.jpgMais identifier les tireurs des ficelles externes, qui sont les grands profiteurs de ce jeu sordide, est beaucoup plus difficile pour le moment. Ce sont précisément ceux-là qui se tiennent dans le coin supérieur du conflit triangulé, en restant loin des yeux du grand public. Ce sont les centres de pouvoir occidentaux, qui ont tracé le chemin à sens unique qui mène à notre ruine. Nous pouvons appeler cela oligarchie planétaire, corporatocratie, élite mondiale, la mafia des banquiers ou Grand Capital, mais tous ces noms peuvent paraître abstraits et, en outre, – horribile dictu ! – être associés avec la « théorie du complot ». Or, nous sommes des gens civilisés et ne croyons pas à l’existence de ce genre des choses. Nous allons donc mentionner les noms des outils institutionnels de cette entité apparemment nébuleuse : l’Union Européenne, les USA, l’OTAN, le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Conseil de l’Europe, la malsaine mafia internationale du « réseau Soros », etc. Ce sont précisément ces centres de pouvoir qui ont imposé le modèle suivi avec docilité par les sociétés post-communistes. Leurs dogmes sont gardés avec soin, car leur application aux nations captives leur permet une domination sans entrave. Résumons les dogmes du nouveau catéchisme idéologique : économie ultralibérale, soit libre circulation des capitaux, des biens, des services, des personnes et du travail, donc libre-échange sans frontières et sans limites, c’est-à-dire annihilation de la capacité de l’État à se protéger face aux géants économiques étrangers, maintien de la Banque nationale sous contrôle externe (sous prétexte d’être une entité indépendante des autorités politiques nationales), inoculation du féminisme dans les structures politiques et étatiques, « théorie du genre » qui affirme que le sexe n’est qu’une construction sociale artificielle, donc optionnelle, tolérance à l’égard des soi-disant « minorités sexuelles » et du LGBT, planification familiale et stimulation de l’avortement, en fait, un génocide planifié pour réduire la population, etc.

Conclusion : tant que les acteurs politiques nationaux resteront concentrés aveuglément sur les jeux de pouvoir et captifs d’un système de références imposé de l’extérieur comme une norme absolue et indiscutable, alors les prestidigitateurs invisibles au sommet du triangle peuvent être certains que le principe « Diviser pour régner » fonctionnera parfaitement et que la colonie moldave ne déviera pas du chemin qui mène à l’abattoir.

Or, notre émancipation nationale ne pourra commencer qu’avec l’abandon des anciens et stupides clivages politiques et idéologiques, quand les combattants de cette guerre fratricide se réconcilieront en levant les yeux vers le sommet de la pyramide, surmontant ainsi le conflit triangulé. Réorienter le conflit d’horizontal à vertical, de la base vers le haut, marquera le début de notre chemin vers la conquête de la vraie souveraineté. Gardons à l’esprit que notre souveraineté politique est conditionnée par la souveraineté économique, mais que l’une et l’autre doivent nécessairement être précédées par le rétablissement de la souveraineté cognitive, c’est-à-dire la capacité de raisonner de manière indépendante et en harmonie avec la réalité, et non avec ses simulacres. Les lecteurs qui souhaitent approfondir la compréhension de cette thématique se reporteront au chapitre V de la première partie du livre, intitulé « Ingénierie sociale du conflit identitaire », dont voici un extrait pour illustrer notre argumentation : « À l’opposé, l’ingénierie sociale négative consiste à produire de la violence, ou au moins du séparatisme, de l’envie de se séparer. Comment ? Dans un premier temps, en s’appuyant sur ce que Freud a appelé les ”petites différences narcissiques” pour les exacerber au maximum et les rendre insupportables. Aucune société n’étant parfaitement homogène, il suffira de repérer les éléments hétérogènes pour les stimuler, les cultiver, les amplifier, les grossir. Rompre la coexistence pacifique de gens qui se ressemblent, mais pas totalement, en soulignant leurs petites différences afin d’aboutir à la constitution de camps tranchés, opposés et irréconciliables. »

Schématiquement, lorsque deux acteurs sociaux se battent, il en existe un troisième, qui tire profit de cette confrontation qu’il a lui-même provoquée. Tel est le véritable enjeu du conflit identitaire qui a été induit artificiellement dans notre espace roumanophone.

Lorsque Lucien Cerise affirme fermement que son pays, la France, pour s’affranchir du statut de colonie, doit immédiatement sortir de l’Union Européenne, de la zone euro, de l’espace Schengen, de l’OTAN et de l’Organisation mondiale du commerce, afin de rétablir ses frontières en appliquant un protectionnisme économique sévère, un grand nombre de lecteurs pourraient subir un véritable choc. Et si oui, alors j’aimerais que ce livre soit considéré comme un traitement du type « thérapie de choc », si nécessaire à nos sociétés tellement déboussolées et intellectuellement colonisées. La fin des tabous sur ces sujets est le moyen le plus direct de retrouver notre santé mentale. Notre dé-provincialisation dépend de notre ouverture sur le monde, d’une capacité d’analyse supérieure, qui devrait dépasser celle des individus qui constitue la faune politique et leurs mercenaires des médias.

Il y a trois décennies, nous espérions nous débarrasser du communisme, perçu comme une malédiction historique. Il est temps aujourd’hui de s’engager activement dans la grande bataille contre le mondialisme. Dès que nous aurons assimilé la vérité soulignée par notre auteur selon laquelle le mondialisme, et non les gouvernements successifs, est la cause première de tous nos malheurs, nous ressentirons également le besoin urgent de faire partie de ce front planétaire de la nouvelle vague de décolonisation des peuples. La ruine économique que nous subissons, le chômage, l’exode massif de la population, le désastre démographique, la corruption, la dépravation morale et l’incapacité de l’État à résoudre les problèmes sociaux les plus élémentaires n’ont pas de causes majeures autres que celles décrites avec brio par Lucien Cerise.

L’auteur souligne que la principale cause de tous les maux est le capitalisme. Le lecteur pourrait se demander avec inquiétude : « Comment ? Allons-nous revenir au communisme ? » Non. Lucien Cerise explique à juste titre que les anciens systèmes politiques et idéologiques qui dominaient le XXème siècle n’ont aucun avenir. Ni le communisme, ni le nazisme ou le fascisme, ni même le capitalisme. C’est la clé ! Lucien Cerise propose une approche non idéologique, réaliste et de bon sens. Toute organisation sociale qui possède au moins une valeur supérieure à l’argent est meilleure que le capitalisme, dit-il. En effet, n’est-ce pas cet état de fait qui nous exaspère le plus ? N’est-il pas vrai que l’argent fait la loi dans tous les secteurs de la société ? Et quand nous nous révoltons contre les oligarques qui ont émergé après la chute du communisme, nous devons comprendre que les gangsters qui ont accumulé une richesse astronomique à Chisinau ou à Bucarest ne sont qu’une pâle émanation de l’oligarchie financière mondiale.

Penser globalement et agir localement, voici un autre principe précieux souligné par Lucien Cerise. La vraie reconquête de la souveraineté nationale, ou renationalisation de tous les pays ne peut advenir que par un nationalisme authentique, qu’il appelle « nationalisme permaculturel ». Je ne développerai pas ce concept inspiré de l’écologie, vous le trouverez dans le livre. Je tiens simplement à mentionner que j’ai eu l’agréable surprise de trouver des idées dans cet ouvrage que j’avais également soutenues ces dernières années pour la République de Moldavie. Ce genre de nationalisme n’a rien à voir avec l’exclusivisme ethnique. C’est un nationalisme qui ne sépare pas mais qui solidarise autour d’un projet concret consistant à « prendre soin » de la nation. Nous parlons essentiellement de nationalisme économique et de protection de notre peuple contre l’ouverture excessive, qui met toujours en péril les communautés à moyen et à long terme.

L’un des mérites incontestables de ce livre est que l’auteur ne s’arrête pas à la critique de la situation actuelle. Il offre des solutions pratiques pour engager le combat. Comme je l’ai dit, c’est une bataille d’idées, qui peut être pratiquée par tout le monde. Le terme utilisé par la nouvelle dissidence française est la réinformation. Autrement dit, chacun de nous peut contribuer à la désintoxication de son entourage et à l’amélioration intellectuelle de son environnement humain en démasquant les procédés de manipulation de masse. Comment ? En communiquant directement avec nos familles, amis et collègues, en utilisant les réseaux sociaux, en diffusant des informations concernant les sites, les textes et les vidéos qui rétablissent la vérité, en lisant et en popularisant des livres comme celui-ci.

Je termine par une citation de Lucien Cerise, qui honorerait tout combattant, tout patriote, quels que soient le lieu et le moment historique où ces paroles sont prononcées : « Notre ennemi doit le savoir : nous allons nous battre. Cela tombe bien car nous aimons nous battre, nous adorons ça, nous n’aimons que ça, c’est le sens de notre vie, nous n’arrêterons donc jamais car la paix nous ennuie. Le combat, le polemos, c’est la vie, comme disait Héraclite. C’est dans le combat que nous nous sentons vivre et que nous sommes heureux. La perspective de l’affrontement nous remplis de bonheur, nous commençons à sourire, et nos yeux brillent quand l’heure de la bataille approche. Et nous ne sommes jamais fatigués, jamais découragés, et nous revenons toujours à l’assaut car la victoire n’est même pas le but, car nous aimons le combat pour le combat et qu’il est en lui-même la récompense. C’est ainsi que ceux qui aiment la vie en tant qu’elle est combat deviennent invincibles et ne peuvent que gagner. Car la victoire, c’est de se battre. »

J’ai trouvé dans ces lignes le même optimisme, le même courage, le même enthousiasme vigoureux que chez Radu Gyr, cet exceptionnel poète roumain, ancien prisonnier politique sous le régime communiste pendant 21 ans. Les deux écrivains procèdent différemment, l’un avec les moyens de la science, l’autre avec ceux de la poésie, mais ils convergent dans le même esprit et la même manière de comprendre les significations supérieures de la vie.

lundi, 26 septembre 2011

L’Empire invisible : Soft-Power et domination culturelle

L’Empire invisible : Soft-Power et domination culturelle

par Pierre-Antoine PLAQUEVENT

http://www.egaliteetreconciliation.fr/

Guerre cognitive

A notre époque qui est celle de l’information globalisée (on parle d’âge de l’information, comme il y a eu un âge industriel, ou encore un âge de l’agriculture), ce qu’on appelle la guerre cognitive est au cœur des enjeux contemporains de la puissance.

La guerre cognitive – appelée aussi guerre de l’information – est un élément essentiel pour la compréhension des enjeux contemporains de la lutte planétaire qui oppose actuellement les puissances œuvrant à l’édification d’un ordre unipolaire du monde, à celles qui tendent de leur côté, à la mesure de leur capacité de résistance, à une multi-polarité du monde et à un nouveau non-alignement.

Ainsi peut-être demain la France et l’Europe, redevenues maitresse de leur destin politique. Nous exposerons régulièrement sur ce site certains des concepts essentiels de cette guerre qui ne dit pas son nom mais qui ne cesse jamais. Concepts nécessaires à une meilleure compréhension de la réalité de notre époque et de ses enjeux stratégiques dissimulés sciemment ou simplement occultés par le « bruit » informationnel constant émis par les acteurs contemporains du « choc des puissances »(1).

Connaître afin d’anticiper. Anticiper pour résister.

Nous traiterons ici du concept de « soft-power » et de quelques pistes existantes pour une insurrection cognitive.

concept de Soft-Power

Le concept de « soft power » (ou « puissance douce ») est un concept utilisé en relations internationales et en géopolitique pour désigner la capacité qu’a un acteur politique (Etat, société multinationale, minorité agissante, ONG, réseau ou autre) d’influencer indirectement un autre acteur afin de l’amener à adopter son propre point de vue, voire à suivre ses buts, sans lui donner le sentiment de la coercition. Le soft-power regroupe ainsi l’ensemble des forces d’influence idéologiques douces mais offensives que peuvent être : la culture, le mode de vie ou juste l’image que l’autre (celui à influencer) perçoit de cet acteur.

Le soft power consiste en la capacité de mobiliser des ressources basées sur la séduction et l’attractivité que l’on exerce sur l’autre afin de l’influencer et de le contraindre en douceur.

Le soft power combiné au hard power, qui désigne la force coercitive classique (armée, diplomatie, pressions économiques), participe à la consolidation de la puissance politique et géopolitique d’une nation. Quand celle-ci arrive à se hisser au rang d’empire, la vassalité et la dépendance des autres nations ou groupes humains dépendent directement de sa capacité à user de sa « puissance douce ». Comprendre cette notion de soft power, c’est donc comprendre qu’aucun rayonnement culturel n’est réellement neutre si on l’analyse sous un angle géopolitique et qu’il accompagne et camoufle généralement une volonté et une capacité de puissance.

Puissance « douce » et Empire

« La capacité à être perçu comme modèle organisateur politico-social ou porteur de valeurs universelles, est aujourd’hui un facteur essentiel de toute politique de puissance » (Lorot-Thual « La Géopolitique »).

En géopolitique comme en histoire, les théories et concepts dépendent directement de la puissance, de la position et de la situation qu’occupe dans le monde celui qui les énonce. De nos jours si l’on pense à une capacité d’induction de comportement chez l’adversaire et à une influence culturelle modelante, on pense de fait aux Etats-Unis, première puissance mondiale actuelle, cœur et réceptacle de l’Empire. S’agissant de cette notion de puissance douce, le principal théoricien du soft power est justement un américain : Joseph Nye, professeur à Harvard puis secrétaire adjoint à la défense sous Clinton.

D’après Nye, si le leadership américain après la seconde guerre mondiale a dans un premier temps reposé essentiellement sur la puissance militaire et économique des Etats-Unis, c’est désormais autant sur le pouvoir d’attraction et la diffusion de son modèle que l’Amérique fonde sa puissance. Chez Joseph Nye transparaît l’appréhension de la situation précaire de l’Amérique comme puissance globale, fragile quant à la légitimité de son empire. S’ensuit donc la nécessité de bien communiquer en usant du pouvoir attractif de l’Amérique sur ceux qui sont ses vassaux de fait.

Ainsi explique-t-il : « Il convient de distinguer notre capacité offensive de notre capacité de défense. Celle-ci ne se limite pas à notre pouvoir coercitif (hard power), mais se fonde principalement sur notre pouvoir attractif (soft power). Aujourd’hui, le plus important ce n’est pas notre armée, mais le fait qu’un million et demi d’étrangers viennent chez nous suivre des études, que des millions d’autres souhaitent voir des films américains et adopter l’ « american way of life ».

Ceux sur qui nous exerçons une fascination ne nous feront jamais la guerre, au contraire ceux sur qui nous n’exerçons aucun pouvoir attractif (les islamistes, par exemple) peuvent constituer une menace. Dans l’histoire, c’est le pouvoir coercitif qui donne aux États la confiance en eux-mêmes qui les rend attractifs. Mais le pouvoir attractif peut persister au-delà du pouvoir coercitif. Ainsi, malgré la perte de son pouvoir temporel, le Vatican dispose encore d’un des plus puissants pouvoirs attractifs ».

Analyse qui rejoint celle du géopoliticien et homme d’influence Z.Brzezinski (2), qui est à la fois théoricien (« Le Grand Echiquier ») et acteur -il est l’un des fondateurs de la Commission Trilatérale- de l’hégémonie américaine contemporaine : « L’Amérique exporte aujourd’hui son mode de vie et sa culture comme Rome autrefois le droit ».

Suite [...]

L’« american way of life » n’est donc pas qu’un simple mode de vie qui aurait gagné l’Europe puis une grande partie du monde depuis l’après-guerre mais bien un outil de guerre idéologique pensé stratégiquement dans une perspective de soumission culturelle et politique des adversaires potentiels de l’Empire mais plus encore de ses alliés. Alliés qui furent généralement d’anciens adversaires vaincus d’abord par la guerre directe et le hard-power. Ainsi l’Europe occidentale après la défaite des fascismes puis l’Europe de l’Est après celle du communisme(3) ou encore le Moyen-Orient après l’échec du pan-arabisme (4).

Pour nous, européens, ce « soft-power » impérial est donc bien l’arme d’une guerre qui ne cesse pas et qui, partout et tout le temps, est l’un des foyers originaires de notre perte d’identité et de notre incapacité de résistance politique face à la destruction de notre civilisation. Cette « vieille Europe » comme la désignait avec mépris Donald Rumsfeld à l’époque de l’administration Bush.

L’Empire invisible : puissance « douce » mais conséquences dures

Ce n’est pas pester en vain contre l’Empire que de reconnaître son emprise sur nos vies ; c’est en fait reconnaître comme telle la force et les moyens d’une puissance qui travaille à maintenir son hégémonie, cela afin de savoir les utiliser dans le sens de la promotion de notre combat qui est celui de l’indépendance et de la souveraineté des peuples. Souveraineté qui passe nécessairement par une résistance spirituelle et culturelle face à l’hégémon américain et sa vision du monde matérialiste et utilitariste. Vision du monde pesante et sans grâce, faite de mauvais films et de sous-culture rap et pop qui avilit l’âme de l’homme et l’enchaîne à une réalité obscène créée de toutes pièces pour dévaster nos fonctions premières de résistances morales et politiques.

Car qu’est-ce que représente concrètement le soft-power atlantique pour le citoyen européen lambda ? Des illustrations de cette emprise « douce » sur nos vies peuvent être relevés dans notre quotidien le plus trivial -précisément le plus trivial, cible naturelle du soft-power américanomorphe- peut-être par exemple quand votre voisine vous raconte le dernier épisode de « Desperate Housewives », quand vos parents sifflotent une chanson des « Rolling-Stones » qui leur rappelle leur jeunesse ou quand des jeunes répètent machinalement des airs de rap sans réfléchir plus avant au sens des paroles en anglais.

Cette même jeunesse qu’on rabat comme bétail à l’abattoir de l’intelligence pour aller voir le dernier « block-buster » américain. Dans ses conséquences concrètes, le soft power de l’Empire s’exerce aussi quand par exemple des parents amènent leurs enfants fêter leur anniversaire au fast-food ou dans ces grands hypermarchés où l’on va s’enfermer même les jours de grand beau temps ! Et combien de braves gens l’ont fait autour de nous, preuve de la force d’imprégnation et de propagande culturelle modelante qu’a le soft power pour maintenir une hégémonie culturelle et politique.

L’Empire soumet ainsi les puissances concurrentes en s’attaquant d’abord à leur esprit par la conquête idéologique et par des représentations sous-culturelles corrosives, puis directement au « bios » du peuple et à sa santé physique par la malbouffe et la destruction des savoir-vivre ancestraux et des coutumes alimentaires.

Tranquillement et continuement, c’est ainsi que notre quotidien d’européens occidentalisés est devenu sans que l’on s’en rende bien compte, une gigantesque machine d’acculturation permanente qui a pour fonction première de nous faire vivre dans un plasma sous-culturel omniprésent et paralysant. Ainsi inhibés et acculturés, les Européens - et tous les peuples du monde touchés de prêt ou de loin par le démon de l’occidentalisation - se retrouvent sans anticorps face à ce processus de mort lente mais programmée de l’esprit puis de la chair.

C’est ainsi que les souvenirs et la vie des gens (de nos gens, des nôtres, et de nous-mêmes) sont parasités en permanence par une sous-culture avilissante et déstructurante utilisée par le vainqueur de la seconde-guerre mondiale et de la guerre-froide comme une arme de guerre contre nos peuples ; comme une arme de destruction massive, une bombe radiologique au rayonnement continu, diffus, permanent et mortel contre les peuples.

Cette influence géopolitique et culturelle a donc pour fonction de créer un cadre de vie totalement intégré, une soumission quotidienne que l’on ne remarque même plus tellement elle constitue l’arrière plan et le décor de nos vies. L’Empire sous une forme occultée mais omniprésente, presque immanente et consubstantielle au quotidien du citoyen de Cosmopolis, le « village » global.

Et même si partout dans le monde, des résistances à ce processus d’intégration monoculturel se font jour, le plus effrayant reste la passivité des populations face à l’intériorisation forcée des modes de vie promut par le libéralisme impérial anglo-saxon ; passivité d’autant plus inquiétante de la part de ceux des peuples qui ont à subir le plus directement son influence délétère.

Il s’agit donc pour nous d’ouvrir les yeux sur la réalité d’une colonisation culturelle et idéologique qui est bien proche d’avoir réussi à anéantir notre culture, non plus par les moyens classiques de la guerre d’agression –comme encore en Irak, en Serbie ou en Afghanistan- mais plus insidieusement par l’imprégnation quotidienne d’une sous-culture « pop » imposée de l’étranger (5) qui n’est pas une culture naturellement populaire, c’est-à-dire issue du peuple et donc émanation naturelle de ses joies et de ses peines, comme par exemple les chansons populaires de nos aïeux, mais bien l’un des vecteurs principaux de notre décadence actuelle promu à dessein pour permetrre notre sujetion.

Une autre illustration d’un « soft power » très puissant était hier celui de l’U.R.S.S. Cette « puissance douce » qui prônait chez nous par le biais de ses réseaux et relais (parti, associations, syndicats, lobbys, éducation nationale, personnalités etc.) tout l’inverse de ce qui était entrepris et promu chez elle pour le maintien de sa puissance, c’est-à-dire : désarmement, pacifisme exacerbé, rejet des valeurs patriotiques, etc. Aujourd’hui effondré, l’aile gauche du mondialisme militant imprègne encore l’Occident d’une idéologie qui faisait hier le jeu de l’influence soviétique sur l’Europe et qui continue encore par inertie historique d’exercer son influence délétère par endroit. Cela alors même que la source originelle de sa vitalité, l’Union Soviétique, a cessé d’être depuis longtemps.

De nos jours, d’autres acteurs émergent au niveau de l’utilisation d’un « soft-power » propre à leurs vues. Ainsi la « puissance douce » d’un islamisme militant sous influence mondialiste rayonne aussi quand par exemple un jeune accroche à son rétroviseur un chapelet de prière musulman ou quand un jeune français porte ostensiblement un t-shirt « 113 » ou « Médine » et jure sur une Mecque qu’il n’a jamais vu… Puissance « douce » se heurtant bien souvent avec celle des réseaux protestants évangéliques américains visant à concurrencer immédiatement l’Islam ou le Catholicisme sur ses propres terres. (6) Comme actuellement en France où l’enjeu pour les prochaines années est la prise en main des futures élites issues de l’immigration nord-africaine par l’Empire. (7)

On peut donc considérer que le « soft power » agit quand l’homme déraciné contemporain croit qu’il est libre de ses choix, opinions et actes alors qu’il est justement, plus que jamais, la proie des réseaux et des champs de force idéologiques des puissances qui s’entrechoquent et qui ont pour champ de bataille les consciences et les représentations des peuples et des individus.

L’individu contemporain est victime d’une guerre qui ne dit pas son nom aux civils mais qui est clairement théorisée et instrumentalisée par les états-majors : la guerre cognitive. Nul part où fuir, le champ de bataille est ubique et les azimuts proliférant : consumérisme, mondialisme, américanisation, droit-de-l’hommisme, fondamentalismes, sectarismes, New-Âge etc. Furtivement l’ennemi se dissimule partout où l’enjeu est le contrôle des populations par la propagande indirecte.

C’est, avec la mondialisation des échanges et la révolution technologique permanente, la globalisation des rayonnements idéologiques et culturels des acteurs de la puissance et l’anéantissement de fait des zones de neutralité, des zones de paix. C’est la fin de l’époque des trêves entre deux guerres car ici la guerre ne cesse pas. C’est aussi la fin de la sphère intime de l’homme et de son intériorité car cette mainmise idéologique par les différents « soft-powers » en présence s’infiltre sans discontinuer dans son esprit aux travers du foisonnement des moyens de communication contemporains.

Finalement, c’est l’habitant du village global qui est pris pour la cible permanente d’une guerre idéologique qui ne s’avoue pas comme telle et qui, s’appuyant sur l’individualisme et le narcissisme de masse, a fait débordé la guerre de ses limites classiques depuis bien longtemps. Le « viol des foules par la propagande » n’aura donc été que la répétition d’une méthode aujourd’hui bien plus perfectionnée : nous faire désirer ce qui nous tue et nous faire associer notre bien être à notre sujétion. (8)

NTIC et « soft-power proliférant » : une résistance en avant-garde

Conceptualisé et instrumentée au départ par la puissance hégémonique actuelle : l’Amérique-Monde ou l’« Occidentisme » comme l’appelle le dissident russe Zinoviev, le soft-power est devenu l’un des piliers de l’extension de l’Empire et de la tentative d’Etat universel auquel veulent aboutir les élites financières et politiques du G20. Pour autant, comme toujours en histoire, il n’est pas sûr que ce concept ne se retourne pas finalement contre ses créateurs car avec la révolution technologique en cours et le développement rapide des médias et circuits d’informations non-alignés, les résistants à l’Empire et au processus d’intégration mondialiste peuvent encore arriver à retourner les armes de l’oppression contre l’oppresseur.

Ce processus de résistance au rayonnement idéologique de l’Empire s’est bien vu en ce qui concerne le combat pour la vérité historique autour des attentats du onze septembre 2001. Ainsi, alors qu’une version officielle fut rebattu sans cesse par les principaux médias occidentaux, c’est par l’utilisation d’une contre-information citoyenne (ou plus politique) que des acteurs indépendants (certains parfois lié à des puissances non-alignés au bloc occidental) (9) ont pu amener une grande partie des opinions publiques à ne plus croire à la version officielle de ces attentats, ceci malgré toute l’artillerie classique de la propagande médiatique. Propagande qui allait de l’accusation de « complotisme » jusqu’au chantage à l’antisémitisme le plus hystérique (10). Arrivant même à influencer certaines personnalités publiques qui furent immédiatement lynchées par les mêmes médias qui les portaient aux nues peu avant.

La résistance cognitive qui a eu lieu face à la version officielle des attentats du onze septembre nous donne une illustration que, contrairement à ce que beaucoup trop de personnes pensent, l’Empire ne peut tout contrôler en même temps. Dans le chaos que génèrent l’avancée du Nouvel ordre mondial, se créent ainsi des interzones informationnel qui échappent par endroit à l’Empire et où il nous faut nous installer pour résister. Autant de « bandes de Gaza » idéologiques et cognitives où la tyrannie de l’Empire vient s’embourber malgré tout.

L’œil cyclopéen qui veut le contrôle de nos vies ne peut tout arraisonner parfaitement, c’est certes son vœux le plus cher et le but vers lequel tendent tous ces capacités mais il n’est pas encore réalisé ; et face à son phantasme de contrôle absolu nous pouvons encore lever des barricades dans la guerre de l’information. Le Nouvel ordre mondial se déconstruit à mesure qu’il progresse. Comme l’Empire Romain sur sa fin, l’Empire actuel trébuchera peut-être sur son gigantisme. A mesure que l’Empire avance et détruit, il ouvre aussi sous ses pas de nouvelles lignes de fractures qui peuvent devenir autant de lignes de front pour de possibles résistances et renaissances populaires.

Introduisons ici une notion qui pourrait servir de contrepoids à la toute puissance impériale en matière de domination informationnelle : la notion de soft-power proliférant. Les géopolitologues occidentaux appellent « puissances proliférantes », les puissances considérées utiliser des armes non-conventionnelles comme le terrorisme ou la guérilla pour pallier à leur faiblesse face aux puissances dominantes. Mais si cette accusation d’Etat terroriste ou « voyou » peut être aisément renversée et retournée à l’envoyeur dans la plupart des cas, la résistance anti-mondialiste peut prendre exemple sur la manière dont ces puissances proliférantes savent manier des thématiques mobilisatrices pour les opinions publiques ou utiliser les faiblesses des dogmes et versions officielles de l’adversaire.

Ainsi l’Iran avec l’arme du révisionnisme historique ou la Russie qui relaye massivement chez elle les travaux des chercheurs indépendants ou non-alignés sur la réalité des évènements du onze septembre 2001. (11) La résistance Palestinienne constitue aussi un bon exemple de « soft-power proliférant », elle qui a su utiliser à partir des années 80-90, l’intifada et le martyr des enfants palestiniens pour retourner une opinion internationale au départ plutôt encline à voir dans le palestinien en lutte, un Fedayin preneur d’otages de Septembre Noir.

Tout en gardant bien soin de rester ancrés sur nos réalités et problématiques nationales et civilisationnelles, les réseaux et mouvements anti-mondialistes et alter-nationalistes peuvent aisément faire leurs, les méthodes de guerre cognitive utilisés par ces acteurs géopolitiques qui savent utiliser la guerre médiatique indirecte pour contrer la propagande à vocation universelle de l’impérialisme mondialiste.

Face à un géant on ne peut utiliser la force directe, il nous faut donc adopter la stratégie de la mouche qui agace le lion jusqu’à le vaincre par épuisement. Face à la guerre cognitive de l’Empire : l’insurrection et la guérilla de l’information sont des armes stratégiques majeures. Chaque mensonge déboulonné, chaque vérité diffusée sont autant d’entailles dans la carapace idéologique du Léviathan qui pourront peut-être un jour se révéler mortelles à force d’acharnement. A nous donc de développer notre propre « puissance douce » de militants anti-mondialistes et alter-nationalistes face au moloch globalisé. Ceci par des actions de lobbying, par l’action sociale et culturelle, par des actions d’influence sur la société ou des campagnes de réinformation. (12)

Par le méta-politique en appui du politique, par le « soft power » et la « réinfosphère » (13) en appui de notre « hard power » qui constituerai lui en la création de réseaux de résistances et l’organisation concrète de l’autonomie populaire.

Par Pierre-Antoine PLAQUEVENT pour les-non-alignes.fr

(1) Nous reviendrons ultérieurement sur cette notion de « choc des puissances » qui nous parait plus pertinente et moins instrumentalisable que celle, plus ambigu, de « choc des civilisations ». Nous empruntons ce terme à un colloque tenu par l’Ecole de Guerre Economique au Sénat en 2007 et qui avait pour titre : « le Choc des puissances ». http://www.infoguerre.fr/evenements...

Nous pensons essentiel de concevoir le monde politique contemporain et les relations inter-Etats, non pas comme le lieu d’une guerre entre des civilisations nettement différenciés en lutte pour leur hégémonie : le « choc des civilisations » ; mais plutôt comme le lieu de l’affrontement entre des ensembles civilisationnels, politiques, culturels et identitaires contraints de s’agréger de force à un processus d’intégration économique mondialisé. Processus totalitaire conduit à marche forcée par les instances dirigeantes d’organismes économiques transnationaux tel le FMI ou l’OMC et sous tendu par une mystique et un projet cosmocratique à vocation planétaire : la création d’un gouvernement mondial. Projet d’une sortie de l’histoire définitive en gestation chez nos « élites » qui le désignent sous le nom de Nouvel ordre mondial et que ses opposants appellent souvent « Empire ». Terme générique désignant tous les aspects de ce projet : spirituel et philosophique, politique et économique.

Même si pour nous, patriotes européens, il y aurait beaucoup à dire sur ce double usage du terme d’Empire selon qu’il désigne le projet cosmocratique universel mondialiste ou bien son opposé : l’Empire comme unité de destin continentale des peuples européens. On évoquera ici qu ’à cet "empire invisible" expansioniste et démonique des mondialistes s’opposent un "Empire intérieur", tel que théorisé en son temps par Alain de Benoist par exemple. Empire intérieur du coeur et de l’orthodoxie, de la liberté et de la personalité face au néant du libéralisme et de l’individualisme.

Pour nous, ce qui se révèle juste dans le paradigme « Huntingtonien » - principalement les heurts inter-ethniques dans les cités ghettos du village global et de son mode de développement unique - relèverait peut-être plus exactement de frictions identitaires plus que d’un réel choc de civilisations. Frictions participant pour beaucoup de cette intégration forcée des civilisations – ou de leurs survivances – et de leurs populations à ce projet de Nouvel ordre mondial comme le désigne les élites qui le portent. Il en va de même pour les déplacements massifs de populations soumises aux logiques ultra-libérales de développement économique. Logiques ultra-libérales qui prennent la forme de vrais dictats économiques comme ceux du FMI ou de L’OMC qui imposent aux nations du Tiers-Monde, principalement en Afrique (mais aussi partout où l’Empire se montre plus direct comme en Afghanistan et en Irak), le pillage des ressources naturelles et la fuite des populations de leur pays d’origine. Empêchant ainsi toute forme de souveraineté nationale et populaire réelle d’émerger. Souveraineté nationale empêchée par l’Empire dans les pays du tiers-monde mais aussi dans ceux considérés comme développés. Il est ainsi significatif pour un pays comme la France d’accueillir des réfugiés politiques d’Afghanistan au moment même où nos soldats s’y font tuer pour les intérêts américains. Plus d’américanisation c’est donc bien plus d’immigration et au final plus d’Islamisation de l’Europe. N’en déplaise aux néo-conservateurs d’Europe et d’ailleurs.

(2) Z.Brzezinski fût aussi le conseiller du président Carter et aujourd’hui l’un de ceux d’Obama. Adepte d’une vision dite « réaliste » des rapports que doivent entretenir les USA avec le reste du monde, il s’est opposé à celle trop clairement agressive des néo-conservateurs américains, allant jusquà dévoiler leur intention d’organiser éventuellement de faux attentats sur le sol américain afin de provoquer une réponse contre l’Iran.

http://video.google.fr/videoplay?do...

Il est vrai qu’il est aussi un connaisseur en matière de manipulation, s’étant lui-même vanté d’avoir fait tomber l’URSS dans le piège afghan, lui offrant ainsi son Vietnam.

http://contreinfo.info/article.php3...)

Il est aussi l’un des théoriciens de la notion de « titytainment ». Notion centrale dans les stratégies de l’Empire pour la domination et l’arraisonnement des masses humaines hétérogènes qui peuplent « Cosmopolis », l’Urbs mondialisée de ce début de XXI ème siècle. http://fr.wikipedia.org/wiki/Tittyt...

(3) Dans le cas de la guerre froide, et surtout à partir des années 80, c’est pour beaucoup par le Soft-Power et le travail des opinions de l’Europe de l’Est que le communisme a pu être démantelé. L’image d’un occident opulent et « libre » -au sens où prend ce mot dans les démocraties de marché- a autant fait pour mettre à genoux la puissance soviétique que la guerre perdu en Afghanistan ou la nouvelle course au réarmement relancée par l’administration Reagan. Face aux files d’attente devant les magasins d’alimentation, rien ne fût plus désagrégateur du soutien de l’opinion au régime -soutien déjà légitimement au plus bas- que les images d’abondance en provenance de l’occident.

Là encore la sous-culture pop d’importation américaine joua son rôle dans les désordres qui précédèrent et suivirent la fin du bloc communiste. On peut penser notamment à ce concert géant des groupes américains « Metallica » et « AC/DC » qui réunirent dans une Russie à peine « désoviétisée » entre cinq cent mille et un million de personnes accourus de tout le pays pour assister à ce spectacle. On dénombra alors des dizaines de morts et une centaine de viols durant les festivités. La culture américaine venait de prendre pied sur le sol russe. Les membres de ces groupes jouant devant un océan humain déchainé ont ainsi surpassé tous les rassemblements totalitaires du XX ème siècle. Le néo-libéralisme est bien la forme finale du totalitarisme dont le national-socialisme et le communisme ne furent que des répétitions balbutiantes.

(4) Pan-arabisme dont on ne peut que souhaiter la renaissance réelle (même sous une forme islamique non expansionniste) au moment où nous écrivons ces lignes au cœur des bouleversements actuels dans le monde arabe.

(5) Le libéralisme anglo-saxon a effectué ici un détournement du sens sémantique originel du mot : « populaire ». Ainsi l’usage d’un terme tel que : « pop-music », répété machinalement par des générations de français, retrouve son vrai sens une fois énoncé dans notre langue natale : musique populaire. « Musique populaire » cela sonne un peu comme « démocratie populaire ». Déclaration programmatique d’un contrôle politique qui s’auto-justifie et s’auto-promeut en captant à son compte une volonté populaire que l’on n’a jamais consultée auparavant.

Comme dans tout système totalitaire, asseoir la légitimité de son emprise politique et de son contrôle passe par l’appropriation et l’usage abusif du mot peuple. Voir sur ce sujet de la « pop-music » comme instrument d’hégémonie et de contrôle des masses par l’Empire des multinationales : les travaux du groupe de musique Slovène Laibach, et le film visionnaire de Peter Watkins : "Privilège". Nous reviendrons ultérieurement sur la nécessité vitale d’une contre-culture de qualité comme terreau d’une résistance réelle au système.

(6) Cela alors même que le nombre de catholiques augmentent en permanence aux Etats-Unis par la démographie galopante et l’immigration des latinos du sud. Latinos dont les ancêtres furent eux-mêmes convertis il y a plusieurs siècles par le Soft-Power de l’Eglise et de ses missions…

(7) Phénomène qui est loin d’être du phantasme et qui m’a été confirmé par plusieurs musulmans français. Dans nos banlieues, la guerre des réseaux d’influence bat son plein : les sectes évangéliques, l’église de scientologie ou la franc-maçonnerie se disputent les personnalités émergeantes afin de capter ces nouvelles ressources humaines et de les orienter dans le sens de leurs intérêts. Sens qui n’est pas vraiment celui de la souveraineté française on s’en doute… Se superposant au mépris de la culture française enseignée dans les écoles et avec la perspective du chômage de masse, on imagine que la perspective d’une telle carrière doit en attirer plus d’un. On est pourtant surpris de rencontrer ça et là des français d’origine nord-africaine conscientisés et réfractaires à l’Empire des multinationales, comme ce camarade qui me racontait avoir voyagé tous frais payés aux Etats-Unis et qui expliquait à ses mécènes qui enrageaient, combien il était Gaulliste et combien la France était son pays qu’il ne trahirait pas !

Un paysage de ruine se dessine donc sous nos yeux : alors que les migrants se massent à nos frontières et pénètrent en France par tous les moyens imaginables, les américains cooptent et « dénationalisent » au même moment ceux des « afro-européens » qui sont eux nés en France. Notre pays n’est réellement plus que le fragment territorial sans pouvoir et en ruine d’un empire invisible. Invisible ou tout du moins occulté pour la plus grande partie de nos compatriotes.

Sur ce sujet : http://archives-fr.novopress.info/2...

(8) « le Viol des foules par la propagande politique » Serge Tchakhotine 1952

(9) On peut raisonnablement penser que Thierry Meyssan par exemple a été appuyé dans ses premiers travaux par des sources des services de renseignement français voulant « tacler » avec leurs moyens le rouleau compresseur de l’Empire qui allait bientôt s’abattre sur le monde arabe et annihiler au passage nombre d’intérêts de la France et de la « Chiraquie » au Moyen-Orient. Il a d’ailleurs affirmé lui-même qu’à l’époque de sa première tournée des pays arabes, il a été protégé personnellement du Mossad par le Président Chirac. Le même qui aurait d’ailleurs fait, toujours d’après Thierry Meyssan, décoller la chasse française comme un avertissement à l’armée israélienne lors de la dernière guerre d’Israël contre le Liban. Chirac contre l’Empire ! Voire …

(10) Ceci alors même que la théorie officielle relève bien d’une théorie du complot… islamiste !

(11) "Le 12 septembre 2008, la 1ère chaîne de TV russe ORT diffusa en prime time le film "Zéro - Enquête sur le 11 Septembre" de l’euro-député Giulietto Chiesa suivi d’un débat contradictoire sur les attentats du 11 septembre 2001 regardé par plus de 32 millions de téléspectateurs. Le débat réunissait notamment des architectes, ex-agents du KGB, experts, ainsi que Léonid Ivashov (chef d’état major des armées russes en poste en 2001) et Chiesa" :

http://www.dailymotion.com/video/x8...

Source : http://www.ReOpen911.info

(12) Un autre exemple de soft-power « proliférant » porté par des résistants au Nouvel ordre mondial peut être trouvé chez les militants nationalistes de Casapound. Au départ centre social pour des familles de travailleurs italiens en difficulté et structure de combat culturel avant-gardiste, cette maison du peuple est devenu un véritable réseau militant alternatif qui essaime dans toute l’Italie et se développe sans discontinuer par le croisement d’une action de terrain concrète quotidienne et d’une contre-culture, jeune, active et contemporaine.

Un bon exemple de l’influence du soft-power de casapound a été donné à l’Europe entière quand le réalisateur italien de gauche Michele Placido, venu retirer son prix au festival du film de Venise, a affirmé en direct à la télé qu’il espérait d’être invité dans « les cercles culturels de Casapound » car c’est seulement là, d’après lui, qu’existe une activité culturelle qui est morte à gauche. Une gauche alternative italienne qui a perdu le contrôle de la culture jeune à Rome et dans nombre de grandes villes italiennes faute de projet politique et de vision de la société réellement contemporaine et positive. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si récemment Casapound a subi les attaques d’une extrême gauche rétrograde et manipulée et, plus grave, si l’un des animateurs principaux de Casapound a essuyé des tirs de pistolets dans les jambes. Le système sait reconnaître ses ennemis réels. http://cafenero.ilcannocchiale.it/?...

(13) Nous désignons par réinfosphère toute la mouvance qui dénoncent les "médias-mensonges" des mass-médias comme les désigne Michel Colon, mouvance qui lutte pour la réinformation et la diffusion d’une vérité médiatique et historique objective. La réinfosphère se développe sur internet en grande partie depuis les attentats du onze septembre 2001 et la remise en cause de la version officielle qui a suivi.

Un grand nombre de militants anti-mondialistes actuels doivent leur prise de conscience à la remise en cause de ces évènements par des groupes citoyens comme l’association Reopen911 ou Egalité et Réconciliation. En moins d’une décennie c’est une partie non négligeable de l’opinion qui a ainsi été gagné par le doute sur ces évènements et d’autres eu égard aux moyens dérisoires de la réinfosphère comparés à ceux des « médias-menteurs » du système.

mardi, 02 novembre 2010

Soft Power: la guerre culturelle des Etats-Unis contre la Russie (1991-2010)

Soft power: la guerre culturelle des Etats-Unis contre la Russie (1991–2010)

La nouvelle stratégie et ses organismes

par Peter Bachmaier*

Au cours des deux dernières décennies, les Américains ont modifié leur stratégie: La guerre n’est plus définie purement sous l’angle militaire, elle a recours également à des méthodes informationnelles et psychologiques qu’on appelle «guerre psycholo­gique» ou «guerre culturelle». Ces méthodes ont une longue histoire. Le stratège militaire américain Liddell Hart avait développé avant la Seconde Guerre mondiale la stratégie de l’approche indirecte.1 Pendant cette guerre, les forces américaines et britanniques appliquèrent la guerre psychologique contre l’Allemagne, laquelle fut ensuite utilisée pour rééduquer le peuple allemand. A l’issue du conflit, la CIA et le ministère de la Dé­fense fondèrent, sur le modèle du Tavistock Institute of Human Relations, spécialisé dans la guerre psychologique en Angleterre, des think tanks (laboratoires d’idées) comme la Rand Corporation, l’Hudson Institute d’Herman Kahn, qui étaient dirigés avant tout contre l’Union soviétique.

Soft-power-Joseph-S-Nye.jpgLes méthodes de ces organismes ont été développées par des instituts de sciences soci­ales. Les sciences sociales empiriques améri­caines, c’est-à-dire notamment la sociologie, la psychologie, l’anthropologie, les sciences politiques et les sciences de la communication, sont nées sous leur forme actuelle à l’initia­tive et grâce au financement d’agences militaires et de renseignements dans les années 1940 et 1950.2 Une autre source sont les grandes fondations comme la Carnegie Corporation, la Ford Foundation et la Rockefeller Foundation. Les missions de recherches ont été confiées à des centres scientifiques réputés comme la New School for Social Research de New York, le Bureau of Applied Social Research de Princeton (dirigé par Paul Lazarsfeld), l’Institut für Sozialforschung (dirigé par Max Horkheimer et Theodor W. Adorno), qui était retourné à Francfort en 1949, le Center for International Studies (CENIS) du Massachusetts Institute of Technology, de même que l’Esalen Institute californien, centre de contre-culture qui participa à l’organisation du festival de Woodstock en 1968. Ce sont surtout les principaux instituts de sciences de la communication qui ont participé aux programmes de la guerre psychologique.
Ces instituts publiaient des revues comme le Public Opinion Quarterly (POQ), l’American Sociological Review, l’American Political Science Review et d’autres encore. Les gens qui y travaillaient étaient surtout des immigrants venus d’Allemagne et d’Au­triche qui, plus tard, se sont fait un nom dans leur science: Paul Lazarsfeld, Oskar Morgenstern, Leo Loewenthal, Herbert Marcuse, Walter Lippmann, Harold Lasswell, Gabriel Almond, Daniel Lerner, Daniel Bell, Robert Merton, etc. C’étaient les mêmes centres et les mêmes spécialistes qui étaient respon­sables de la rééducation du peuple allemand. Certains de ces projets concernaient également la préparation de la révolution culturelle des années 1960 avec ses effets secondaires: musique rock, culture de la drogue et révolution sexuelle.
Les «études soviétiques» dépendaient tout particulièrement du gouvernement. Le Russian Research Project de Harvard, dirigé par Raymond Bauer et Alex Inkeles, était une entreprise commune de la CIA, des Forces de l’air et de la Carnegie Corporation. L’Institut publia en 1956 une étude intitulée «How the Soviet System Works» qui devint un clas­sique des Soviet Studies.3 La guerre psychologique comprenait également des émissions de radio de la CIA à l’intention de l’Eu­rope de l’Est – selon Jean Kirkpatrick «un des instruments les meilleurs marché, les plus sûrs et les plus efficaces de la politique étran­gère des Etats-Unis» – c’est-à-dire la Voice of America, RIAS Berlin, Radio Free Europe et Radio Liberty, qui aujourd’hui encore émettent en russe et dans les autres langues de la CEI.4 Ces stations étaient placées sous l’autorité du Congress for Cultural Liberty qui fut fondé en 1950 à Paris par la CIA et qui employait 400 collaborateurs.5
La victoire sur l’Union soviétique a été réalisée avant tout à l’aide de ces méthodes non militaires. La stratégie dont l’objectif n’était pas la coexistence avec l’Union soviétique mais un «démantèlement» du système sovié­tique fut élaborée en 1982 par le gouvernement Reagan.6 Le projet comprenait 7 initiatives stratégiques dont le point 4 était: guerre psycholo-
­gique visant à pro­duire dans la nomenklatura et la population la peur, le sentiment d’insécurité et la perte de re­pères.7 Cette guerre n’était pas dirigée seulement contre le communisme mais contre la Russie, comme le prouvent les affirmations de Zbigniew Brzezinski: «Nous avons détruit l’URSS et nous détruirons la Russie.» «La Russie est un Etat superflu.» «L’orthodoxie est le principal ennemi de l’Amérique. La Russie est un Etat vaincu. On le divisera et le mettra sous tutelle.»8
En 1990, Joseph Nye, collaborateur du Council on Foreign Relations qui défend les mêmes idées que Brzezinski, a forgé pour ces méthodes la notion de «soft power» (pouvoir doux, pacifique) ou «smart power» (pouvoir intelligent) qui a la même origine que l’«ingénierie sociale».9 Il a publié en 2005 son livre intitulé «Soft Power: The Means to Success to World Politics» dans lequel il suggère que l’Amérique devienne attractive par sa culture et ses idéaux politiques. Le Center for Strategic and International Studies de Washington, think tank néoconservateur au conseil de surveillance duquel siègent Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski, a fondé en 2006 une Commission on Smart Power présidée par Joseph Nye et Richard Armitage, qui a déposé en 2009 un mémorandum intitulé «A Smarter, more Secure America» dont l’objectif est de renforcer l’influence des Etats-Unis dans le monde à l’aide de mé­thodes «douces».

Premier succès de la nouvelle stratégie: la perestroïka

Cette stratégie a été appliquée pour la pre­mière fois lors de la perestroïka, lorsque Mikhaïl Gorbatchev est arrivé au pouvoir. Elle a eu des aspects positifs: elle a rétabli la liberté d’opinion et de circulation mais elle a été l’effet d’une influence considérable de l’Occident.11 Au sein du Comité central du Parti communiste d’Union soviétique et de la nomenklatura, un groupe se forma qui adopta les positions occidentales et voulut introduire le système néolibéral occidental.
Le vrai architecte de la perestroïka fut Alexandre Iakovlev, secrétaire depuis 1985 du Comité central responsable de l’idéologie qui avait fait ses études à Washington dans les années 1950 et était depuis lors un partisan convaincu du néolibéralisme, d’après ce qu’il m’a dit lors d’un entretien à Vienne le 9 novembre 2004. Son réseau comprenait des gens comme Egor Gaïdar, Grigori Iavlinski, Boris Nemtsov, Victor Tchernomyrdin, German Gref et Anatoli Tchoubaïs.
Jakovlev créa avec eux une cinquième colonne de l’Occident qui, aujourd’hui encore, tire les ficelles en coulisses. Boris Eltsine fut aussi une créature des Américains. En septembre 1989, lors d’une visite à Washington à l’invitation de l’Esalen Institute, qui entretenait depuis 1979 un programme d’échanges américano-soviétiques, il fut quasiment recruté par le Congrès et put prendre le pouvoir avec l’aide des Américains en 1991.
Grâce à l’intervention de George Soros, Gorbatchev devint membre de la Commission trilatérale qui organisa à Moscou, en janvier 1989, une conférence à laquelle participèrent notamment Henry Kissinger et Valéry Giscard d’Estaing.

Organisations occidentales destinées à influencer culturellement la Russie

A l’époque de la perestroïka, les loges maçonniques et leurs organisations satellites furent à nouveau autorisées.13 A la demande de Kissinger, Gorbatchev autorisa en mai 1989 la fondation de la B’nai Brith Loge à Moscou. Depuis, 500 Loges ont été créées en Russie par les Grandes Loges de Grande-Bretagne, de France, d’Amérique, notamment. En même temps, à l’intention des politiques, des chefs d’entreprise et des membres des professions libérales qui ignoraient les rituels mais partageaient les principes de Loges, on créa des organisations, clubs, comités et fondations plus ouverts. Il y a actuellement plusieurs milliers de membres de Loges en Russie qui participent aux rituels mais dix fois plus de personnes qui appartiennent à la «maçonnerie blanche» et n’observent pas les rituels mais acceptent les principes et sont guidés par les Frères des Loges. Ces organisations sont le Club Magisterium, le Rotary Club, le Lions Club et la Fondation Soros. Leurs membres se consi­dèrent comme une élite qui a des droits particuliers pour gouverner.14
Pour contrôler les écrivains, on a fondé le Centre P.E.N. russe, autre organisation satellite. En ont fait partie des écrivains et des po­ètes connus comme Bella Achmadulina, Anatoli Pristavkin, Ievgueni Ievtouchenko, Vassili Aksionov et Victor Erofeev.
L’Institut pour la société ouverte de George Soros, fondé à Moscou en 1988 déjà, fut dans les années 1990 le principal instrument de déstabilisation et de destruction entre les mains des puissances instigatrices. Soros a orienté ses activités vers le changement d’idéologie des hommes dans l’esprit du néolibéralisme, l’imposition de l’american way of life et la formation de jeunes Russes aux Etats-Unis. La Fondation Soros a financé les plus importantes revues russes et attribué des prix spéciaux afin de soutenir la littérature.15
Dans le cadre de son programme, la Fondation a publié des manuels dans lesquels l’histoire russe est présentée sous l’angle néolibéral et cosmopolite. En septembre 1993, alors que le Parlement subissait des tirs, j’ai eu l’occasion de participe à une remise de prix au ministère russe de l’Education. George Soros a attribué des prix aux auteurs de manuels russes d’histoire et de littérature et le mi­nistre russe de l’Education Evgueni Tcatchenko a déclaré que l’objectif des nouveaux manuels était de «détruire la mentalité russe».
Les programmes de Soros dans le do­maine culturel étaient si variés que pratiquement tout le secteur privé dépendait du financement par la «Société ouverte». L’Institut für die Wissenschaften vom Menschen (IWM), fondé à Vienne en 1983 et également soutenu par Soros a promu la réforme du sys­tème scolaire et universitaire en Russie et dans les pays postsocialistes. Au cours des seules années 1997 à 2000, la Fondation a attribué 22 000 bourses pour un total de 125 millions de dollars.16
Un autre think tank américain est le National Endowment for Democracy (NED) fondé en 1982 par Reagan. Cette institution finance les instituts des partis républicain et démocrate et leurs bureaux de Moscou. Elle soutient avant tout les médias privés et les partis et mouvements politiques pro-occidentaux. Le budget du NED est voté par le Congrès américain au titre de soutien du Département d’Etat. Des politiques éminents font partie de son Comité directeur: John Negroponte, Otto Reich, Alliot Abrams. La NED est la continuation des opérations de la CIA par d’autres moyens. En 2005, elle finançait 45 organisations russes dont les suivantes: la société Memorial pour la formation historique et la protection des droits de l’homme, le Groupe d’Helsinki de Moscou, le Musée Sakharov, les Mères de Tchétchénie pour la paix, la Société pour l’amitié russo-tchétchène, le Comité tchétchène de salut national. 17
Le Centre Carnegie de Moscou a été fondé en 1993 en tant que section de la Fondation Carnegie pour la paix internationale fondée en 1910 par Andrew Carnegie en tant que centre indépendant de recherches pour les relations internationales. Les spécialistes du centre de Moscou étudient les questions les plus importantes de la politique intéri­eure et extérieure de la Russie. Il rassemble des informations sur les problèmes du développement du pays et publie des livres (recueil d’articles, monographies, ouvrages de référence), des périodiques, une revue trimestrielle, «Pro et contra», et la série «Working papers». Il organise régulièrement des conférences. La Fondation est financée par des firmes importantes comme BP, General Motors, Ford, Mott, de même que par Soros, Rockefeller, le Pentagone, le Département d’Etat et le ministère des Affaires étrangères britannique.
La directrice en était jusqu’ici Rose Goettemoeller, ancienne collaboratrice de la RAND Corporation et actuelle ministre américaine adjointe des Affaires étrangères.
Les représentants du monde russe des affaires au conseil de surveillance sont Piotr Aven, Sergueï Karaganov, Boris Nemtsov, Grigori Javlinski et Evgueni Jasine, président de l’Université économique de Moscou. Les collaborateurs de premier plan sont Dmitri Trenine, qui travaille également pour Radio Free Europe et Radio Liberty, et Lilia Chevtsova, tous les deux étant régulièrement invités à l’Ouest pour expliquer que la Russie restreint les libertés démocratiques. Les recherches du Centre de Moscou sont beaucoup utilisées par les classes politiques russe et occidentale. Le travail du Centre est soutenu par la centrale de Washington grâce à un «Programme Russie et Eurasie».18
La fondation Freedom House, créée en 1941 à l’initiative d’Eleanor Roosevelt, est née de la lutte contre l’isolationnisme aux Etats-Unis. Son objectif officiel était de lutter contre le national-socialisme et le communisme. Aujourd’hui, elle est financée par Soros et le gouvernement. Dans les années 1990, Freedom House a créé des bureaux dans presque tous les pays de la CEI et le Comité américain pour la paix en Tchétchénie (membres: Brzezinski, Alexander Haig, James Woolsey, ancien patron de la CIA). Son projet le plus connu est aujourd’hui «Liberté dans le monde» qui, depuis 1972, analyse chaque année tous les pays du monde et les classe en trois catégories: pays «libres», «partiellement libres» et «non-libres» selon le degré de libertés civiles et de droits politiques.19
En 1992, la filiale russe de la fondation Rockefeller Planned Parenthood Federation a été créée à Moscou et dans 52 autres villes russes. Elle a essayé de faire introduire dans toutes les écoles russes la matière «éducation sexuelle» qui a en réalité pour objectif de dissoudre la famille et de créer un homme nouveau, mais ce fut un échec car les fonctionnaires du ministère de l’Education, les enseignants, les parents et l’Eglise ortho­doxe s’y sont opposés, si bien que le projet a été refusé en 1997 lors d’une conférence de l’Académie russe pour l’école. 20
En Occident, les organisations non-gouvernementales (ONG) sont considérées comme des piliers de la société civile. En Russie, elles n’ont rien à voir avec l’édification d’une démocratie directe: ce sont des agences financées et dirigées par l’Occident.

Influence occidentale sur l’école et les médias

Un important objectif de l’influence occidentale est le système scolaire et universitaire. Tout d’abord, après le tournant de 1991, le centralisme et l’idéologie marxiste ont été liquidés avec l’aide de conseillers occidentaux. La loi sur l’école de 1992 et la Constitution de la Fédération de Russie de 1993 ont codifié une profonde réorientation de l’école sous le signe du paradigme démocratique et néolibéral occidental. Elle comprenait l’introduction d’éléments d’économie de marché dans le système scolaire et la création d’une société civile.21
L’octroi de crédits occidentaux à l’école était lié à l’application de certaines directives. C’est ainsi que le système scolaire a été transformé dans le sens du néolibéralisme. Un secteur d’écoles privées onéreuses a été créé. Les écoles secondaires et les universités se sont orientées vers le profit et ont exigé des frais de scolarité. Grâce aux enquêtes PISA de l’OCDE, le système scolaire a été orienté vers l’économie. De nombreuses écoles des zones rurales qui n’étaient plus «rentables» ont été fermées. Beaucoup d’enfants ne sont plus allés à l’école ou l’ont quittée sans diplôme. En 2000, selon un rapport de l’UNESCO, 1,5 million d’enfants russes n’allaient pas à l’école. On a vu se développer la toxicomanie chez les élèves, phénomène inconnu jusque-là.22
La plus importante réforme est celle des universités qui ont été évaluées tout de suite après le tournant de 1991 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qui ont ensuite élaboré un programme de restructuration sur le modèle anglo-saxon. En 2004 a été adoptée la Déclaration de Bologne qui prévoit le passage à un bachelor (licence) de quatre ans suivi d’un master de deux ans ainsi qu’une présidence avec des conseils d’université où siègent des représentants de l’économie. De nombreux spécialistes de l’éducation y voient une destruction de la tradition de l’université russe car l’enseignement se limite à la transmission d’informations. Aujourd’hui, parmi les quelque 1000 universités et autres établissements supérieur russes, 40% sont privés. Beaucoup d’entre eux ont été créés par l’Occident et l’on y forme une nouvelle élite.23
Un autre secteur suivi avec beaucoup d’attention par l’Occident sont les médias qui, après 1991, ont vécu leur plus grande transformation. Ils ont été privatisés par les réformes néolibérales d’après 1991 et repris par des oligarques ou l’étranger. De nombreuses stations de radio, des journaux et des magazines ont passé aux mains de propriétaires étrangers comme la News Corporation de Rupert Murdoch qui publie, en collaboration avec le Financial Times, le quotidien Vedomosti, le plus important journal financier de Russie et le News Outdoor Group, qui possède la plus grande agence de publicité, présente dans quelque 100 villes russes. Bertelsmann AG, qui possède la plus grande chaîne de télévision européenne, RTL, exploite en Russie la chaîne Ren TV qui diffuse dans tout le pays.24 La Fondation Bertelsmann, créée en 1977 par Reinhard Mohn, un des think tanks les plus puissants de l‘UE, travaille en collaboration avec la Fondation Gorbatchev dont le siège est à Moscou mais qui entretient également des succursales en Allemagne et aux Etats-Unis.
Sous Eltsine, les médias étaient presque tous entre les mains de la nouvelle oligarchie, qui était liée aux centres financiers occidentaux. Vladimir Gousinski possédait la plus grande chaîne de télévision, NTV, et Boris Berezovski contrôlait les journaux. Lorsque Poutine commença à stabiliser le pays, sa tâche la plus urgente fut de contrôler les médias, car sinon, le gouvernement aurait été renversé.
L’américanisation concerne, last but not least, la culture quotidienne qui, sous la forme de concerts rock, d’Internet, de chaînes de télévision privées, de cinémas géants, de discothèques, de CD musicaux, de bandes dessinées, de publicité et de mode, est presque la même qu’en Occident.
L’objectif de la stratégie américaine est d’introduire le système de valeurs occidental dans la société russe. Il s’agit de désidéologiser l’Etat. Dans la Constitution de 1993, l’idéologie étatique a été condamnée en tant que manifestation du totalitarisme et interdite à l’article 13.25
L’idéologie soviétique officielle reposait sur une philosophie matérialiste mais comportait des éléments de nationalisme qui constituaient le ciment maintenant l’Etat. Cette interdiction a privé l’Etat des valeurs nationalistes. Le vide spirituel est rempli aujourd’hui par la culture populaire occidentale.
L’offensive culturelle américaine a pour but de créer en Russie une société multiculturelle, c’est-à-dire cosmopolite, pluraliste et laïque qui dissout la culture nationale russe commune. Le peuple, qui a une histoire et une culture communes, doit être transformé en une population multinationale.

Résistance de l’Etat et de l’intelligentsia russes

Le concept d’Etat imposé depuis 2000 par le président Vladimir Poutine, en particulier le concept d’Etat fort, impliquait une recentralisation partielle, le passage de l’idée d’un Etat multinational à un Etat nationaliste russe et la tendance à réserver une place spéciale à l’Eglise et à la religion orthodoxes.
En avril 2001, le groupe énergétique public Gazprom a pris le contrôle de la chaîne NTV. Le quotidien Sevodnia (Aujourd’hui) a dû cesser de paraître et le rédacteur en chef du magazine a été mis à pied. La chaîne de télévision de Boris Berezovski TV-6 a été fermée en janvier 2002 et Berezovski a émigré en Angleterre.
En septembre 2003, le magnat du pé­trole Mikhaïl Khodorkovski voulait racheter l’hebdomadaire libéral Moscovskie Novosti afin de soutenir les partis de l’opposition libé­rale Union des forces de droite et Iabloco dans la prochaine campagne électorale. Son engagement politique a été une raison impor­tante de son arrestation en octobre 2003. Cette mesure était nécessaire car sinon l’oligarchie aurait réussi, avec l’aide des médias, à prendre le contrôle du gouvernement lui-même. Les trois plus importantes chaînes de télévision, ORT, Russia et NTV et une partie importante de la presse écrite sont contrôlées aujourd’hui par des grands groupes publics (Gazprom et Vnechtorbank) ou directement par l’Etat (RTR).
L’oligarque Vladimir Potanin continue de contrôler les quotidiens Izvestia et Komsomolskaïa Pravda. Actuellement, Novaïa Gazeta (sous le contrôle de l’oligarque Ale­xandre Lebedev et de Gorbatchev) et le quotidien Vedomosti, créé à l’initiative du Wall Street Journal et du Financial Times, sont considérés comme des organes de presse indépendants du gouvernement.26 Depuis 1993, selon une statistique, 214 journalistes ont été assassinés dont 201 sous l’ère Eltsine et 13 depuis l’accession au pouvoir de Poutine (10 pendant son premier mandat et 3 pendant le second).27
La Doctrine nationale pour l’éducation de 1999 et le Concept de 2001 ont réintroduit dans le domaine idéologique les idées patriotiques et nationalistes. Le retour aux valeurs de l’époque tsariste s’est ajouté à la volonté de conserver les avantages du système éducatif de l’Union soviétique. Les écoles privées et les académies soutenues par l’Eglise orthodoxe russe, reconnues par l’Etat depuis 2007, occupent une place particulière. De nou­velles matières ont été introduites dans les pro­grammes des écoles, comme la préparation obligatoire au service militaire, depuis 1999, et les «fondements de la culture orthodoxe», depuis 2007.28
Fait également partie de la guerre psychologique la campagne des médias contre la Russie, menée depuis 10 ans mais surtout depuis l’arrestation de Khodorkovski en 2003 sous la devise «La Russie est en passe de revenir au système soviétique». Un exemple en est la «persécution» des artistes progres­sistes qui consisterait dans le fait de retirer des expositions publiques les œuvres blasphématoires ou pornographiques. Il s’agirait en général de provocations d’ONG financées par l’Occident. Le Centre Sakharov, qui s’est fixé pour but d’imposer une société ou­verte, a organisé en 2003 une exposition intitulée «Attention religion!» où étaient exposées entre autres des œuvres antichrétiennes blasphématoires. La Douma a demandé au Minis­tère public d’engager des poursuites contre le Centre. Les organisateurs ont été condamnés à une amende en 2005.
En 2005, le gouvernement a introduit un nouveau jour de fête nationale: le 4 novembre, date proche de l’ancienne Fête de la Révolution d’Octobre le 7 novembre. Cette fois, il s’agissait de commémorer la victoire sur les troupes d’invasion polonaises en 1612. En 2006, une nouvelle Loi sur les organisations non gouvernementales a été adoptée en vertu de laquelle elles doivent toutes se faire réenregistrer. Leur financement par l’étranger devra être contrôlé plus strictement. Au début de 2008, tous les bureaux régionaux du British Council, à l’exception de celui de Moscou, ont été fermés parce qu’on leur reprochait des activités antirusses.29
Contrairement à l’époque de la perestro­ïka et à l’ère Eltsine, l’intelligentsia russe, depuis l’attaque de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999, n’est plus libérale mais nationa­liste. Les écrivains, artistes, réalisateurs et metteurs en scène sont aujourd’hui des patriotes nationalistes et sont soutenus par le Kremlin. Le gouvernement contrôle également les informations politiques des médias, avant tout celles de la télévision, un peu moins celles des journaux.
Auparavant, le représentant principal des traditionnalistes était Alexandre Soljenitsyne à qui on a cependant reproché de ne pas être assez critique à l’égard de l’Occident. Aujourd’hui, le groupe leader est constitué par les po venniki (enracinés dans le terroir). Ils sont chrétiens-orthodoxes, mais envi­sagent la période soviétique dans la tradition de l’histoire russe. Leurs idéologues sont des écrivains ruralistes: Valentin Raspoutine, Vassily Belov et Victor Astafiev. C’est dans les revues Nas Sovremennik, Moskva et Molodaïa gvardia que, dès les années 1970–80, l’idéologie patriotique a été élaborée.
La Fondation pour la perspective historique, dirigée par l’ancienne députée à la Douma Natalia Narotchniskaïa, défend un programme patriotique et chrétien, pos­sède la série éditoriale Svenia, la revue Internet Stoletie et organise des conférences et des congrès. L’intelligentsia patriote nationa­liste débat à propos d’une modification fondamentale du système prévoyant un renforcement de l’Etat et la fermeture des frontières. Les associations d’écrivains, d’artistes et de cinéastes possèdent des maisons de la culture, des galeries d’art, des cinémas et des revues et organisent de nombreuses manifestations. Il y a à Moscou 150 théâtres, opéras et salles de concerts qui jouent essentiellement des œuvres classiques. Le théâtre de metteur en scène, l’art abstrait et la musique atonale occupent une place secondaire.30
L’Autriche et l’Allemagne jouissent d’une image positive, mais c’est surtout la culture alle­mande et l’histoire du passé que l’on connaît. On ne sait pas vraiment ce qui se passe actuellement en Allemagne. Soljenitsyne a toujours espéré que l’Allemagne deviendrait une sorte de pont entre la Russie et le reste du monde parce que les deux pays se sentaient attirés mutuellement.31 Mais les médias allemands transmettent une image déformée de la Russie: selon eux, la Russie serait en passe de revenir au système soviétique et les intellectuels néolibéraux mèneraient un combat dés­espéré. On cite en exemple l’écrivain pornographique Victor Erofeïev qui a été invité en Allemagne par l’hebdomadaire hambourgeois Die Zeit.32 Aujourd’hui, en Russie, la question déterminante n’est pas de savoir si le pays est en train de redevenir une dictature communiste mais une «dictature du relativisme» sur le modèle occidental ou une société chrétienne.33

Le renouveau religieux

La véritable résistance contre l’occidentalisation vient aujourd’hui de l’Eglise ortho­doxe qui est traditionnaliste. Elle défend des valeurs traditionnelles comme le mariage, la famille, la maternité et s’oppose à l’homosexualité. Les églises sont pleines, surtout de jeunes gens. La majorité des jeunes se disent orthodoxes, c’est-à-dire chrétiens et se marient à l’église. Il y a de nouveau 100 millions de croyants, 30 000 prêtres et 600 couvents. L’Académie spirituelle de Serguiev Possad est pleine, elle reçoit 4 candidatures pour une place. Il existe une station de radio ortho­doxe, une maison d’édition, une série de revues, des aumôniers dans l’Armée, les hôpitaux et les prisons et on a réintroduit de facto la disci­pline religion dans les écoles, pour la premi­ère fois depuis 1917. Selon des sondages, 70% des Russes se disent croyants.34
En 2007, l’Eglise orthodoxe russe et le Vatican ont décidé d’engager des pourparlers pour aplanir leurs différends. L’archevêque Ilarion, directeur du département des Af­faires ecclésiastiques étrangères du Patriarcat, ancien évêque russe-orthodoxe de Vienne, a déclaré à ce sujet: «Nous sommes des alliés et nous nous trouvons face au même défi: un laïcisme agressif».35
En Russie, le christianisme ortho­doxe est qualifié de «religion majoritaire». Un 4 novembre, Jour de l’unité nationale en Russie, j’ai eu l’occasion d’assister à une procession extraordinaire sur la place Rouge: le Patriarche marchait au premier rang, puis venaient les dignitaires de l’islam, de la communauté juive et des bouddhistes. C’était un symbolisme intentionnel: «Le Patriarche est le chef de la religion majoritaire, il rassemble les croyants et encourage la collaboration des différentes communautés religieuses. Il est le chef spirituel du peuple tout entier, et pas seulement des croyants orthodoxes.»36

Conclusions

Aujourd’hui, la Russie traverse une crise qui se traduit tout d’abord dans les systèmes financier et monétaire, mais concerne égale­ment le domaine culturel. C’est d’ailleurs là qu’elle a son origine la plus profonde qui consiste en ce que la société laïque pluraliste n’apporte aux hommes ni véritable communauté, ni conception du monde ni sens.
La Russie n’a pas besoin de la «culture matérialiste et égoïste» de la société occidentale actuelle mais d’une idéologie nationale universelle qui comprenne tous les aspects de la vie, développe le pays et rejette tout ce qui menace l’existence du peuple.37
La reprise des relations russo-américaines depuis deux ans ne change cependant rien à l’orientation antirusse à long terme de la politique américaine et n’empêche pas la CIA de redoubler d’activités en Russie. Après la visite d’Obama à Moscou, Hillary Clinton elle-même a insisté sur l’attachement des Etats-Unis à leur concept de leadership mondial absolu. Tôt ou tard, la Russie va devoir choisir entre créer un Etat souverain qui ferme ses frontières et empêche la destruction de sa culture ou capituler et devenir une province de l’Occident.    •
(Traduction Horizons et débats)

1    Basil Liddell Hart, Strategy: The Indirect Approach, 1re éd. 1929, 2e éd. 1954
2    Christopher Simpson, Science of Coercion: Communication Research and Psychological Warfare, 1945–1960, New York, Oxford U.P,. 1994, p. 4
3    Simpson, Science of Coercion, p. 87
4    A. Ross Johnson, R. Eugene Parta, Cold War Broad­casting: Impact on the Soviet Union and Eastern Europe, Woodrow Wilson International Center, Washington, 2010
5    Frances Stonor Saunders, Who Paid the Piper? The CIA and the Cultural Cold War, London 1999
6    Peter Schweizer, Victory: The Reagan Administration’s Secret Strategy That Hastened the Collapse of the Soviet Union, New York, 1994
7    S.G. Kara-Murza, A.A. Aleksandrov, M.A. Muraškin, S.A. Telegin, Revolucii na eksport, Moskva, 2006
8    Cité d’après: V.I. Jakunin, V. Bagdasarjan, S.S. Sulakšin, Novye technologii bor’by s rossijskoj gosudarstvennost’ju, Moskva, 2009, str. 50
9    Joseph Nye, Bound to Lead: the Changing Nature of American Power, Basic Books, 1990 ; Joseph Nye, Transformational Leadership and U.S. Grand Strategy, Foreign Affairs, vol. 85, No 4, July/August 2006, pp. 139–148
10    Richard Armitage, Joseph S. Nye, A Smarter, More Secure America, CSIS Commission on Smart Power, 2009
11    Peter Schweizer, Victory: The Reagan Administrations’s Secret Strategy That Hastened the Collapse oft he Soviet Union, New York, 1994
12    Cela figure dans la biographie officielle d’Eltsine de Vladimir Solovyov et Elena Klepikova, Boris Yeltsin. A political Biography. Après l’audition d’Eltsine devant le Congrès, David Rockefeller a déclaré: «C’est notre homme!»
13    O. A. Platonov, Rossija pod vlast’ju masonov , Moskva 2000, p. 35
14    Platonov, Rossija, p. 3
15    Platonov, Rossija, p. 15
16    Jakunin, Novye techologii, p. 81
17    Jakunin, Novye technologii, p. 90
18    Jakunin, Novye technologii, p. 94 sqq.
19    Jakunin, Novye technologii, p. 92
20    www.pravda.ru 03/19/2008
21    Gerlind Schmidt, Russische Föderation, in: Hans Döbert, Wolfgang Hörner, Botho von Kopp, Lutz R. Reuter (Hrsg.), Die Bildungssysteme Europas, Hohengehren 2010 (= Grundlagen der Schulpädagogik, Bd. 46, 3. Aufl.), p. 619
22    Schmidt, Russische Föderation, p. 635
23    Schmidt, Russische Föderation, p. 632
24    Pierre Hillard, Bertelsmann – un empire des médias et une fondation au service du mondialisme, Paris, 2009, p. 27
25    «1. Le pluralisme idéologique est reconnu dans la Fédération de Russie. 2. Aucune idéologie ne peut s’instaurer en qualité d’idéologie d’Etat ou obligatoire.» Art. 13 de la Constitution de la Fédération de Russie de décembre 1993
26    A. Cernych, Mir sovremennych media, Moskva, 2007
27    Roland Haug, Die Kreml AG, Hohenheim, 2007
28    Schmidt, Russische Föderation, p. 639
29    Das Feindbild Westen im heutigen Russland, Stiftung Wissenschaft und Politik, Berlin, 2008
30    Vladimir Malachov, Sovremennyj russkij nacionalizm in: Vitalij Kurennoj, Mysljaškaja Rossija: Kartografija sovremennych intellektual’nych napravlenij, Moskva 2006, pp. 141 sqq.
31    Interview d’Alexandre Sojénitsyne, Der Spiegel
no 30, 23/07/07; Marc Stegherr, Alexander
Solschenizyn, Kirchliche Umschau, no 10,
Octobre 2008
32    Nikolaj Plotnikov, Russkie intellektualy v Germanii, in: Kurennoj, Mysljaškaja Rossija, p. 328
33    Westen ohne Werte? Interview de Natalia Narotchniskaïa, directrice de l’Institut russe pour la démocratie et la coopération de Paris, Frankfurter Allgemeine Zeitung, no 51, 29/02/08
34    Jakunin, Novye technologii, pp. 196 sqq.
35    Interview du Spiegel
36    Der Spiegel, no 51, 14/12/09
37    Pape Benoît XVI, Encyclique «Spe salvi», Rome, 2007, dans laquelle il parle d’une «dictature du relativisme».

*    Né en 1940 à Vienne, Peter Bachmaier a fait ses études à Graz, Belgrade et Moscou. De 1972 à 2005, il a été collaborateur de l’Österreichisches Ost- und Südeuropa-Institut. Depuis 2006, il est secrétaire du Bulgarisches Forschungsinstitut en Autriche. En 2009, il a effectué un séjour de recherches à Moscou. Le présent texte est l’exposé
qu’il a présenté au Congrès «Mut zur Ethik» à Feldkirch, le 3 septembre 2010.

«Ateliers du futur» en Russie

En juillet 2010 a eu lieu, à Ekaterinbourg, le 21e atelier du futur organisé dans le cadre du Dialogue de Pétersbourg entre l’Allemagne et la Russie et qui a réuni 40 participants. Ces séminaires, auxquels sont invités des jeunes managers russes, ont été fondés en 2004 par la Société allemande pour la politique étrangère qui a organisé, dans les locaux de l’éditeur Gruner & Jahr, qui fait partie du groupe Bertelsmann, le premier «atelier du futur» sur le thème «L’Allemagne et la Russie dans le monde globalisé». L’objectif des séminaires, qui sont soutenus aujourd’hui par la Fondation Körber, est d’analyser le passé communiste et de répandre l’idée d’une société civile démocratique. Les intervenants allemands expliquent aux jeunes Russes qu’un partenariat stratégique avec la Russie n’est possible que sur la base des valeurs occidentales. Ils leur conseillent de rejeter l’héritage impérial russe et de se soumettre aux règles du jeu de la globalisation.
Les Allemands disent aux Russes que depuis les années 1960, ils se sont confrontés à la guerre et au national-socialisme et qu’ils ont assumé leur passé. Ils reprochent aux Russes de rester at­tachés à l’identité soviétique dans le souvenir de la victoire de la Se­conde Guerre mondiale et de ne pas être prêts à surmonter entièrement le totalita­risme, ce qui les empêche de continuer à démocratiser la société. Les participants russes répondent que 1991 a repré­senté une rupture dans leur conscience historique qui a entraîné la dissolution des valeurs fondamentales de la société. Jusqu’ici, les Russes n’ont pas été disposés à «se détacher complètement du passé» et à accepter les «valeurs universelles».

Source: Newsletter, DGAP, 20/7/10

(Traduction Horizons et débats)