mardi, 16 mars 2021
Les trois erreurs de Charles Maurras
Les trois erreurs de Charles Maurras
par Georges FELTIN-TRACOL
Pour ce Titanic qu’est l’Université française, Charles Maurras ne peut être qu’un sinistre personnage aux idées nauséabondes qui se délecta des « Années-les-plus-sombres-de-notre-histoire » (comprendre l’Occupation allemande entre 1940 et 1944). Cette interprétation fallacieuse témoigne de l’immense sottise de ses auteurs.
Pendant plus de cinquante ans, Charles Maurras exerça une réelle emprise sur la République des Lettres. Ce poète – romancier – journaliste - doctrinaire et pamphlétaire œuvra toute sa vie pour le triomphe de ses idées. Or trois erreurs magistrales empêchèrent leur réalisation.
N’évoquons pas son royalisme orléaniste, une banalité à la fin d’un XIXe siècle dominé par le fait national et la rationalité. Depuis la révolution parisienne des « Trois Glorieuses » (27, 28 et 29 juillet 1830) qui chassa le roi de France Charles X au profit de son cousin, le duc Louis-Philippe d’Orléans, devenu entre 1830 et 1848 le roi des Français Louis-Philippe, le mouvement royaliste se divise entre les légitimistes (les partisans de la branche aînée des Bourbons, en particulier Charles X et son petit-fils, le comte de Chambord ou Henri V, favorables à une monarchie traditionnelle et corporative de droit divin) et les orléanistes (les partisans de la Maison d’Orléans, favorables à une monarchie constitutionnelle plus ou moins parlementaire). Quand décède en 1883 le comte de Chambord qui n’a aucun enfant, la réconciliation entre les royalistes français s’opère globalement. Hormis une faction de légitimistes qui se tourne vers les Bourbons d’Espagne, à savoir les prétendants carlistes, au nom des lois fondamentales du royaume de France et de l’indisposition juridique du traité d’Utrecht de 1713 envers la Couronne des Lys, les anciens légitimistes se rallient au prétendant orléaniste, le propre petit-fils de Louis-Philippe, Philippe (1838 - 1894) comte de Paris. Dans son ouvrage fondateur, Aux origines de l'Action française. Intelligence et politique à l'aube du XXe siècle (1991), Victor Nguyen rappelle que le jeune Maurras écrivait dans ses cahiers de vibrants « Vive Henri V ! ». Le jeune Provençal avait-il été marqué par les histoires autour de la « Montagne blanche » en Bas-Languedoc ? Hostile à l’orléanisme et à la bourgeoisie républicaine, des légitimistes radicaux n’hésitèrent pas à s’allier avec les républicains socialistes sous la Monarchie de Juillet (1830 – 1848) afin de battre aux élections les candidats du Régime. Favorable au suffrage universel, voire au vote des femmes mariées ou veuves, la « Montagne Blanche » constituait un incroyable mouvement populaire de petits agriculteurs, d’artisans et de petits commerçants du Midi de la France.
Ne reprochons pas qu’au soir de sa vie, Charles Maurras préfère soutenir l’État français du Maréchal Philippe Pétain plutôt que de suivre à Londres un fringant général de brigade à titre temporaire appelé Charles De Gaulle, même si L’Action française avait naguère défendu les thèses militaires avancées dans ses premiers écrits comme le très nietzschéen Le Fil de l’épée (1932) ou Vers l’armée de métier (1934).De Gaulle fréquentait alors un stratège non-conformiste, le colonel Émile Mayer (1851 – 1938), dont les analyses étaient souvent reprises par la « Jeune Droite » de Jean de Fabrègues et de Thierry Maulnier.
En 1945, après un verdict sévère et partial qui le condamne lourdement, Charles Maurras s’exclame : « C’est la revanche de Dreyfus ! ». Il n’hésite pas à défendre l’honneur de l’armée française parce que l’époque croyait dans la fable du « complot judéo-boche ». Officier juive d’origine alsacienne, Dreyfus ne pouvait espionner que pour l’Allemagne... Anti-dreyfusard véhément, Maurras ne voit pas l’immense manipulation encouragée par les milieux dirigeants francs-maçonniques de la IIIe République.
Les malheurs du capitaine Dreyfus permettent en effet au camp laïcard, républicain et conservateur (les futurs radicaux et radicaux-socialistes, vrais « chancres mous de la République ») d’éloigner les masses ouvrières de leurs justes revendications sociales au profit d’une République égoïste soi-disant menacée par la « droite », les catholiques, l’Église… Les ouvriers ne comprennent pas tout de suite que l’idéal laïque et les incantations contre un « péril réac » imminent empêcheront la moindre avancée sociale. Dans les années 1880, le chancelier Otto von Bismarck institue dans l’Empire allemand des lois sociales favorables aux salariés afin de contrer la poussée de la sociale-démocratie. Il désire « forger une mentalité conservatrice dans la masse des plus démunis, laquelle légitimera les retraites ». Les républicains français n’imiteront l’Allemagne bismarckienne qu’au début des années 1930 ! Avec une fibre plus populaire, Maurras aurait pu prévenir le monde du travail de ce funeste détournement au profit de l’oligarchie en place. Dreyfusard acharné, Charles Péguy comprit, lui, la manœuvre, mais bien trop tard…
Le manque d’intérêt pour la question sociale, des fréquentations surtout conservatrices et guindées et une méfiance instinctive envers les « classes laborieuses » urbaines expliquent la défiance de Maurras à l’égard des tentatives de Georges Valois pour concilier l’activisme des Camelots du Roi (le mouvement de jeunesse de l’Action Française) et l’agitation syndicaliste en 1908. Les grévistes pendent au balcon d’une bourse du travail le buste de Marianne ! Le Cercle Proudhon qui rassembla de 1911 à 1914 des royalistes, des corporatistes, des socialistes et des anarcho-syndicalistes, fut une belle occasion manquée de convergence des questions sociale et nationale. L’historien Zeev Sternhell vit dans cet intense bouillonnement de culture politique et sociale la genèse d’une « Droite révolutionnaire », préfiguration matricielle du fascisme compris comme phénomène européen de la première moitié du XXe siècle.
Maurras aurait pu franchement encourager l’initiative révolutionnaire-conservatrice de Georges Valois (1878 - 1945) et concevoir, sur le précédent royal de la victoire de Bouvines, le 27 juillet 1214 une entente entre les couches populaires et l’aristocratie contre la bourgeoisie républicaine. Ce jour-là, un dimanche, l’armée du roi de France Philippe II Auguste, allié du prince des Romains et futur empereur romain germanique Frédéric II de Hohenstaufen et du pape Innocent III, bénéficie de l’aide des milices communales. Les Français remportent une éclatante victoire sur la coalition du roi d’Angleterre Jean sans Terre, de l’usurpateur impérial Otton IV et du comte Ferrand de Flandre. Bouvines scella la nature profonde de la royauté capétienne : une monarchie guerrière, aristocratique et populaire. Ne comprenant pas que le XXe siècle serait le siècle des masses en action et craignant au contraire que ce « populisme » irrite ses soutiens financiers rétrogrades, le natif de Martigues rata une magnifique occasion de cristalliser sous sa direction intellectuelle un faisceau d’oppositions radicales au régime. Ce désintérêt pour la question sociale reste vive chez les héritiers des révolutionnaires de droite, si l’on excepte quelques formations « royalistes de gauche » tels en 1944 - 1945 le Mouvement socialiste monarchiste ou la Nouvelle Action royaliste (NAR) dont les militants furent un temps surnommés les « maorrassiens »…
Charles Maurras se trompe gravement en août 1914 quand, lui, l’anti-républicain, rejoint l’Union sacrée. Cette adhésion patriotique et germanophobe témoigne d’un manque évident de détermination machiavélique de la part du rédacteur de L’Avenir de l’Intelligence (1905). Au nom du nationalisme intégral, il délaisse provisoirement son hostilité foncière à la République pour la soutenir. Le résultat en est en 1919 une Europe totalement éclatée, affaiblie, déséquilibrée avec une Allemagne meurtrie, humiliée et néanmoins encore puissante. L’économiste libéral et chroniqueur diplomatique de L’Action Française, Jacques Bainville (1879 - 1936), tirera des calamiteux traités de paix de 1919 – 1920 le prophétique réquisitoire sur Les conséquences politiques de la paix (1920).
Maurras n’est pas un factieux ! Sincère et dénué d’arrières-pensées, c’est avant tout un littéraire en politique, pas un disciple de Lénine ! Doté d’un autre tempérament, peut-être eût-il agi comme les républicains au 4 septembre 1870 ? Ce jour-là, à l’annonce de la prise de Sedan par les Prussiens qui font prisonnier l’empereur des Français Napoléon III, les républicains n’hésitent pas à renverser le Second Empire qui, quatre mois plus tôt, obtenait 70 % des suffrages lors d’un plébiscite. Une fois la République installée, les nouveaux maîtres du pays peuvent enfin proclamer que « la patrie en danger ». L’essentiel est posé ! Jamais ensuite, les gouvernements d’Ordre moral du président monarchiste de la République, le Maréchal de Mac-Mahon, n’envisageront d’abolir le nouveau régime…
Si l’Empire allemand l’avait emporté sur le front de l’Ouest à l’automne 1914, il est probable que la IIIe République se fût effondrée comme elle s’effondra en juin - juillet 1940. Y aurait-il eu une restauration monarchique ? Non, les Allemands n’auraient pas favorisé des institutions fortes à Paris. Certes, la France aurait cédé Belfort, le Maroc et d’autres colonies, et alors ? En 1713 et en 1763, Paris abandonna bien aux Anglais l’Acadie et le Québec sans que la postérité ne s’en offusque. Une Europe sous la férule du Kaiser aurait peut-être permis la conciliation des principes traditionnels avec la modernité technique du temps. Qui sait ? Dans cette Europe-là, la France de 1915 aurait pu sécréter un fascisme à partir des idées maurrassiennes, puis se répandre par l’entremise d’un jeune capitaine natif de Lille, longtemps prisonnier à Ingolstadt… Ces considérations particulières font d’ailleurs l’objet de fortes spéculations uchroniques dans l’ouvrage coordonné par Niall Ferguson en 1999, Virtual History. Alternatives and Counterfactuals, ainsi que dans un ouvrage collectif d’historiens français sous la direction de Xavier Delacroix, L’autre siècle. Et si les Allemands avaient gagné la bataille de la Marne ? (2018).
Le manque de discernement tactique à propos de l’« Union sacrée » a coûté très cher à Maurras. Dès 1926, sa condamnation par l’Église catholique brise une vitalité déjà bien freinée par l’assassinat de Marius Plateau (1886 - 1923) et une absence d’approches sociales réalistes que défendait pour sa part l’activiste Henri Lagrange (1893 – 1915).
À son corps défendant, Charles Maurras a finalement travaillé pour les valeurs modernes démocratiques, nationales et libérales. Son nationalisme intégral n’est qu’un aménagement conservateur des Lumières. Vers 1915, clairvoyant sur le destin de la civilisation européenne à cet instant décisif, l’auteur des Réflexions sur la violence (1908), Georges Sorel (1847 - 1922) penchait vers les Empires centraux. Voilà pourquoi il garde une fraîcheur que n’a plus Charles Maurras.
Georges Feltin-Tracol
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samedi, 09 octobre 2010
Maurras e gli intellettuali
di Francesco Perfetti
Fonte: il giornale [scheda fonte]
In occasione del conferimento della laurea honoris causa rilasciatagli dall’Università di Aix-en-Provence, il grande poeta inglese Thomas Stearns Eliot pronunciò una commossa allocuzione dedicata a Charles Maurras, il fondatore dell’Action Française, ricordando l’impressione che gli aveva fatto la lettura del saggio su L’avenir de l’Intelligence, che egli aveva intrapreso nel 1911, allorché si trovava, studente poco più che ventenne, a Parigi.
Il rapporto del maurrassismo con il mondo degli intellettuali è stato analizzato nel corso di un convegno internazionale tenutosi a Parigi, al Centre d’Histoire de Science po., i cui atti sono stati oggi pubblicati col titolo Le maurrasisme et la culture (Presses Universitaires du Septentrion, pagg. 370, euro 26) a cura di Olivier Dard, Michel Leymarie e Neil McWilliam. Ne emerge un quadro mosso, articolato, pieno di sfumature che fa comprendere il fascino che, nel bene o nel male, lo scrittore francese ha esercitato sugli intellettuali del suo tempo.
All’indomani della Prima guerra mondiale, nel momento di maggior successo del movimento dell’Action Française, si parlò del “Parti de l’Intelligence”. E non a torto perché, si potrebbe dire con una battuta, è con Charles Maurras che l’intelligenza e la cultura passarono a destra. E non è un caso che Julien Benda scrivesse il suo celebre pamphlet su La trahison des clercs proprio per denunciare il fatto che molti intellettuali erano finiti, come intellettuali militanti, nelle file dell’Action Française e sulle pagine del quotidiano omonimo. Furono molto vicini a Maurras, anche se in qualche caso poi se ne allontanarono, pensatori cattolici come Jacques Maritain e Georges Bernanos, polemisti come Léon Daudet e Henri Massis, scrittori come Thierry Maulnier, storici come Jacques Bainville e Pierre Gaxotte e via discorrendo. E subirono la suggestione delle sue idee altre personalità del mondo culturale della Francia del tempo, da Paul Bourget a Drieu La Rochelle, da Henri de Montherlant ad André Malraux fino ad Henri Daniel-Rops. Persino uno scrittore come Marcel Proust, così diverso, quanto meno sul piano stilistico, dal classicismo di Maurras non fu insensibile al suo fascino: in una lunga lettera fattagli pervenire nel 1921 l’autore dellaRecherche inviava al suo corrispondente l’omaggio della propria riconoscenza e ammirazione, gli confessava di nutrire l’illusione di esistere, almeno qualche volta, nel suo ricordo e precisava di non aver mai perduto una sola occasione per poter parlare pubblicamente di lui. Che Proust dovesse essere grato a Maurras era in fondo logico, perché era stato quest’ultimo a lanciarlo nel mondo letterario francese con un lungo saggio elogiativo del primo lavoro, Les Plaisirs et les jours (1896).
Maurras, prima di dedicarsi alla politica e di assumere il ruolo di capo riconosciuto della destra francese, si era affermato come giornalista, poeta e scrittore. Dal contatto con la sua ardente e adorata terra di Provenza – dove era nato nel 1868 a Martigues – impregnata di romanità, Maurras aveva sviluppato una sensibilità per tutto ciò che si riferiva al mondo classico. Avrebbe scritto, in seguito, belle pagine sul suo rapporto con Roma: «Sono romano nella misura in cui mi sento uomo: animale che costruisce città e Stati, non un vagante roditore di radici; animale sociale e non carnivoro solitario. Sono romano per tutto ciò che vi è di positivo nel mio essere, per tutto ciò che vi aggiunsero il piacere, il lavoro, il pensiero, la memoria, la ragione, la scienza, le arti, la politica e la poesia degli uomini che vissero insieme prima di me». Poi, il viaggio in Grecia, come inviato speciale della Gazette de France per i giochi olimpici, aveva fatto il resto. E aveva segnato il suo passaggio alla politica: l’amore per la classicità si era tradotto in desiderio di ordine.
Da poeta e scrittore classicheggiante Maurras si era trasformato in politico, anzi in teorico della politica elaborando un sistema, quello del nazionalismo integrale, culminante nel progetto di una monarchia «tradizionale, ereditaria, antiparlamentare e decentrata» che doveva recuperare il senso della storia francese. E che, di fatto, diventò popolare soprattutto fra gli intellettuali e gli studenti universitari, anche non monarchici ma nazionalisti, al punto che il padre del sindacalismo rivoluzionario, Georges Sorel, giunse a scrivere che Maurras rappresentava per la monarchia ciò che Marx aveva rappresentato per il socialismo.
L’avventura politica di Maurras e dell’Action Française, iniziata nella spumeggiante e pittoresca fin de siècle con i cabaret, il Moulin Rouge e le dame del Chez Maxim, era proseguita nei ruggenti anni Venti e Trenta, che vedevano, dopo il conflitto mondiale, affermarsi regimi autoritari e totalitari. L’antigermanesimo, frutto del suo classicismo e del suo antiromanticismo, avrebbe spinto Maurras a guardare con simpatia al fascismo italiano, dopo la vittoria del Fronte Popolare, proprio in funzione antitedesca per fronteggiare il pericolo hitleriano in Europa. Nel 1940, durante l’occupazione tedesca, paradossalmente, l’anziano scrittore e polemista sostenne il governo di Vichy come consigliere del maresciallo Pétain che gli sembrava incarnare il simbolo dell’unità dei francesi. Una scelta, questa, che provocò una profonda frattura fra i suoi seguaci, molti dei quali (a cominciare dallo stesso Charles de Gaulle) avrebbero scelto la strada della Resistenza. Una scelta che avrebbe avuto conseguenze sulla stessa vita di Maurras, arrestato nel 1944, processato per collaborazionismo e condannato a morte con una sentenza poi trasformata in ergastolo.
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