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vendredi, 16 juin 2023

Alexandre Douguine: Une sociologie de la transition vers le postmoderne

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Une sociologie de la transition vers le postmoderne

Alexander Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/sociologiya-fazovogo-perehoda-k-postmodernu

La deuxième phase de transition

Le postmoderne est le paradigme vers lequel la transition du paradigme précédent - le moderne - s'effectue actuellement. La transition se déroule sous nos yeux, de sorte que la société actuelle (au moins la société occidentale, mais aussi la société planétaire dans la mesure où elle est influencée par la société occidentale) est une société en transition. Non seulement la société russe est en transition au sens large, mais la matrice sociale qui définit la vie de l'humanité à tel ou tel degré est également en train de changer de nature qualitative aujourd'hui.

Cette transition (ce transit) s'opère stricto sensu du moderne au postmoderne. En même temps, certains principes de la modernité ont déjà été écartés, démystifiés, démantelés, et d'autres restent encore en place. Parallèlement, certains éléments du paradigme postmoderne ont déjà été activement et universellement mis en œuvre, tandis que d'autres restent à l'état de projet, "en route". Cette transitivité complique une analyse sociologique correcte du postmoderne, puisque l'image sociale globale observée aujourd'hui est, en règle générale, une combinaison de parties du moderne en phase de sortie et du postmoderne en phase entrante. En outre, ce processus ne se déroule pas de manière frontale et uniforme, mais varie d'une société à l'autre.

La nécessité de bien comprendre la structure des trois paradigmes

En tout état de cause, pour analyser, d'un point de vue sociologique, le contenu de la société postmoderne, c'est-à-dire pour être un sociologue compétent du 21ème siècle, il est absolument nécessaire de disposer d'un ensemble de connaissances sociologiques sur les trois paradigmes - prémoderne, moderne et postmoderne, de connaître leurs points clés, de comprendre la structure générale des sociétés correspondantes, d'être capable de reconstruire les principaux pôles, strates, statuts et rôles de chaque type de société. Cela est nécessaire pour les raisons suivantes.

1. La phase de transition vers le postmoderne touche aux fondements les plus profonds de la société, y compris ceux qui semblaient avoir été mis en exergue et même dépassés depuis longtemps dans le moderne. Le but de la philosophie postmoderne est de prouver l'insuffisance et la réversibilité de ce "dépassement". Le postmodernisme affirme que "la société moderne n'a pas réussi à faire face à son programme et n'a pas été en mesure d'éliminer complètement le prémoderne". Pour comprendre cette thèse, qui est au cœur du programme sociologique et philosophique du postmodernisme, il est nécessaire de réfléchir à nouveau et sérieusement: qu'est-ce que le prémoderne ?

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2. Les structures sociales à transformer radicalement dans le postmoderne n'ont pas été établies à un stade historique antérieur: elles représentent des constantes sociologiques, anthropologiques, psychanalytiques et philosophiques profondes, qui sont restées inchangées tout au long de l'histoire et qui se manifestent de la manière la plus vivante dans les sociétés archaïques, qui ont été explorées sous un nouvel angle par le structuralisme du 20ème siècle. Cela signifie que le postmodernisme n'opère pas seulement avec le passé et l'histoire, mais avec l'éternel et l'intemporel. Ainsi, le thème du "mythos", longtemps oublié, s'avère non seulement pertinent, mais central, et l'étude des sociétés archaïques, d'une initiative périphérique, presque muséale, devient un domaine scientifique dominant.

3. La transition vers le postmoderne implique des changements tout aussi fondamentaux dans la structure globale de la société, comparables à ceux qui ont eu lieu lors de la transition du prémoderne au moderne. De plus, la phase de transition précédente est cruciale dans son contenu et son modèle pour l'étude de la transition actuelle. La symétrie et le contenu de cette symétrie entre les deux est au cœur de tout le paradigme postmoderne.

Ces arguments, auxquels s'ajoutent de nombreuses autres considérations techniques et appliquées, nous permettent de réaliser la loi la plus importante de la sociologie du 21ème siècle : nous ne sommes capables, du point de vue sociologique, de comprendre de manière adéquate la société dans laquelle nous nous trouvons, que si nous possédons non seulement un ensemble d'outils sociologiques de base, mais aussi une compréhension de toutes les différences sociales entre les paradigmes prémoderne-moderne-postmoderne.

Transformation de l'objet de la sociologie dans le postmoderne

Nous ne devons pas oublier que la sociologie a émergé à l'époque de la modernité et que, bien qu'elle soit largement responsable de la critique de la modernité et de la préparation de la transition vers la postmodernité, elle porte de nombreuses traces conceptuelles, philosophiques, méthodologiques et sémantiques de la modernité, qui perdent leur sens et leur adéquation sous nos yeux aujourd'hui. Le passage de la sociologie à la post-sociologie est inévitable, ce qui signifie que le niveau de réflexion sociologique sur la sociologie elle-même, ses principes, ses fondements, son axiomatique, est plus que jamais d'actualité.

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Cela découle du phénomène fondamental suivant. Dans la transition vers le postmoderne, l'objet même de la sociologie change. Bien sûr, la société change toujours, à tous les stades. Et à chaque fois, son étude correcte nécessite l'amélioration des outils pertinents. Mais pendant la phase de transition, quelque chose de plus profond change - le registre des disciplines change. Ainsi, toutes les transformations sociales du paradigme prémoderne étaient liées aux changements au sein des religions - leur changement, leur évolution, leur division ou leur fusion, leur corrélation. Lors de la transition vers la modernité, l'ensemble des processus sociaux, des institutions, des doctrines et des structures associés à la religion (et il ne s'agissait pas seulement d'un vaste ensemble, mais de la quasi-totalité) s'est avéré moins pertinent et a été relégué à la périphérie de l'attention. Comme nous l'avons vu, aux yeux d'Auguste Comte, c'est la sociologie en tant que post-religion qui devait prendre la place laissée vacante par la religion.

Au cours de la période prémoderne, l'étude de la société était presque identique à l'étude de sa religion, qui définissait dans un contexte social les propriétés dominantes des institutions, des processus, de la distribution des status, etc. Dans la Modernité, cependant, les études religieuses et la sociologie de la religion sont devenues des orientations d'impact très modeste, et seuls le structuralisme et la psychanalyse, ainsi que certains des pères fondateurs de la sociologie (Durkheim, Mauss, Weber, Sombart) nous ont rappelé leur importance fondamentale - principalement à travers l'étude des conditions sociales à l'origine de la Modernité (Weber, Sombart) ou à travers l'étude des sociétés archaïques (Durkheim tardif, Mauss, Halbwachs, Eliade, Levi-Strauss). Quoi qu'il en soit, de part et d'autre de la frontière du Moderne (la phase de transition précédente) se trouvent deux types de société très différents: la "société traditionnelle" (Prémoderne) et la "société moderne" (Moderne).

Les différences entre elles sont si fondamentales, et les valeurs et principes de base sont si opposés, que l'on peut parler d'antithétisme total. Si le prémoderne est la thèse, le moderne est l'antithèse. Et les sociétés correspondantes, sous de nombreux aspects, sont non seulement qualitativement différentes, mais aussi des objets de recherche opposés. - Ce n'est pas un hasard si F. Tönnies ne place la "société" (Gesellschaft) comme objet de sociologie qu'à l'époque moderne, alors que, selon sa doctrine, mettant l'accent sur la "communauté" (Gemeinschaft) correspond à l'époque prémoderne. Si nous acceptons la théorie de Tönnies, considérée comme un classique incontesté de la sociologie, nous aurions dû diviser la sociologie en une science de la société (Gesellschaft) et du moderne, et une science de la communauté (Gemeinschaft) et du prémoderne ("communologie"). Bien qu'une telle division n'ait pas eu lieu et que la sociologie étudie de la même manière les sociétés traditionnelles et modernes, la transformation de l'objet d'étude lors de la première phase de transition du prémoderne au moderne est si importante que l'idée de les diviser en deux disciplines a été sérieusement discutée lors de la phase de formation de la science. À notre époque, le thème de la "communologie" a été revisité par le célèbre sociologue français Michel Maffesoli.

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Post-société et post-sociologie

Il se passe quelque chose de similaire lors de la deuxième phase de transition - de la modernité à la postmodernité. L'objet de recherche - la "société" - change à nouveau de manière irréversible. La société postmoderne est aussi différente de la société moderne que la "société moderne" l'est de la "société traditionnelle" (Gemeinschaft). Par conséquent, on peut provisoirement parler de "post-société" comme d'un nouvel objet d'étude pour la sociologie. Dans le même temps, la sociologie elle-même doit changer afin d'adapter ses méthodes et ses approches à ce nouvel objet. Ainsi, la perspective d'une "postsociologie", d'une nouvelle discipline (post-)scientifique qui étudierait le nouvel objet, se profile à l'horizon.

Quoi qu'il en soit, l'adéquation sociologique minimale dans l'étude des processus qui se déroulent dans la transition vers le postmoderne est directement liée à la compréhension de la logique sous-jacente des trois changements de paradigme. Ceci, entre autres, fait de l'étude du prémoderne avec toutes ses composantes sociologiques - mythe, archaïque, initiation, magie, polythéisme, monothéisme, ethnos, dualité des phratries, structures de parenté, stratégies de genre, hiérarchie, etc. - une condition nécessaire à l'adéquation professionnelle du sociologue, appelé à compléter la taxinomie des objets de cette science par un nouveau maillon - la "post-société".

La correction archéomoderne

La situation est d'autant plus complexe que la chaîne prémoderne-moderne-postmoderne n'est valable que pour les sociétés occidentales - l'Europe, les États-Unis, le Canada, l'Australie, etc. Dans la zone de développement durable et dominant de la civilisation occidentale, nous pouvons clairement enregistrer la transition de la société selon les trois paradigmes, avec le fait que l'affirmation de chaque nouveau paradigme tend à être fondamentale, irréversible et nettoyée des vestiges du précédent. Pour la civilisation occidentale, le processus de changement de paradigme est endogène, c'est-à-dire qu'il est induit par des facteurs internes.

Pour toutes les autres sociétés, le mouvement successif le long de la chaîne des changements de paradigme (y compris les divers sous-cycles que nous avons décrits précédemment) a un caractère externe, exogène (il a lieu soit par la colonisation, soit par la modernisation défensive), ou n'a lieu qu'en partie (le monothéisme islamique est plus "moderne" que le polythéisme), et plus encore que les cultes archaïques, n'a jamais franchi la ligne de la Modernité, s'arrêtant avant elle), soit est totalement absente (de nombreuses ethnies de la planète vivent encore sous des systèmes stables de "retour perpétuel"). Mais comme l'influence de l'Occident est aujourd'hui mondiale, le premier cas - la modernisation exogène (ou acculturation) - s'étend à presque toutes les sociétés, apportant des éléments de modernité même aux tribus les plus archaïques. Cela donne lieu au phénomène de l'archéomoderne.

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L'archéomoderne complique le tableau sociologique

Le problème de l'archéomoderne en sociologie complique considérablement l'analyse des sociétés selon le syntagme historique prémoderne-moderne-postmoderne, car il ajoute à ces trois paradigmes un certain nombre de variantes hybrides, dans lesquelles les façades sociales du moderne sont placées artificiellement et inorganiquement sur la base de structures sociologiques liées au prémoderne. L'archéo-moderne est également spécifique parce que cette combinaison de l'archaïque et du moderne n'est pas du tout en corrélation au niveau de la conscience, n'est pas comprise, n'est pas arrangée, aucun modèle interprétatif généralisant n'apparaît, ce qui crée le phénomène de la "société-décharge" (P. Sorokin). Le moderne bloque le rythme de l'archaïque, et l'archaïque sabote la structuration cohérente du moderne.

L'étude des sociétés archéo-modernes représente une catégorie distincte de tâches sociales, qui peuvent être reléguées à une branche spéciale de la sociologie. L'archéo-moderne ne génère aucun contenu nouveau, puisque chacun de ses éléments peut être assez facilement ramené soit au contexte de la société traditionnelle (au Prémoderne), soit au contexte de la société moderne (au Moderne). Seuls sont originaux les ensembles de dissonances, de non-sens et d'ambiguïtés générés par telle ou telle manifestation de l'archéo-moderne, soit les réserves, les échecs, les erreurs et les coïncidences accidentelles, qui acquièrent parfois le statut de caractéristiques sociales et deviennent dans certains cas constitutifs. Par exemple, une institution sociale incomprise ou un objet technique emprunté au moderne, comme un parlement ou un téléphone portable, peut fonctionner en dehors de tout contexte (en l'absence de démocratie dans la société ou de réseau de téléphonie mobile), comme étant en partie réinterprété en fonction des réalités locales, et en partie comme un simple élément incompris, agissant comme un "objet sacré" dont l'utilité est peu connue - comme une météorite.

L'archéomoderne et le postmoderne : l'apparence trompeuse des similitudes

L'archéomoderne devient un problème sociologique particulièrement difficile lorsqu'on étudie la deuxième phase de transition - du moderne au postmoderne. En effet, certaines propriétés phénoménologiques du postmoderne - en particulier l'appel ironique du postmoderne à l'archaïque afin de montrer au moderne ce dont il n'a pas pu se libérer complètement - ressemblent extérieurement à l'archéomoderne. Mais à la différence que le Postmoderne construit sa stratégie de combinaison de l'incongru (le Prémoderne et le Moderne) de manière artificielle, réfléchie, dans un but subtilement ironique et critique, provocateur (de la part d'un grand esprit), alors que le Moderne réalise des opérations similaires de son propre chef (de la part de la stupidité).

L'archéomoderne est un moderne qui n'a pas abouti et qui n'aboutira probablement plus. Le postmoderne est un moderne qui s'est révélé, mais qui se dépasse pour se révéler encore plus. D'où la distinction sociologique très subtile: le postmoderne imite certains aspects de l'archéo-moderne dans le cadre de son programme poststructuraliste visant à "éclairer les Lumières"; l'archéo-moderne le prend pour argent comptant et ne comprend sincèrement pas en quoi un Occident postmoderne qui reprend de manière ludique des thèmes et cherche à assimiler des ethnies entières (par l'immigration) encore inclues dans la société traditionnelle sera bientôt différent des sociétés archéo-modernes du reste du monde.

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La sociologie de la mondialisation (postmoderne et archéomoderne)

Ici se dessine un modèle de mondialisation à deux vitesses. Cette mondialisation repose sur la juxtaposition du postmoderne et de l'archéomoderne. Le postmoderne s'incarne dans la société occidentale, intégrant l'humanité le long de ses lignes de force - selon le principe de la prolifération des logems. C'est une société de l'information, qui décode et recode les flux d'informations ("océan d'infems"). Dans le monde entier, il existe des segments de l'élite qui sont plus intégrés dans la modernité que le reste de la société, et qui sont au moins partiellement capables d'embrasser certaines tendances postmodernes. Ils deviennent les nœuds de la mondialisation dans son aspect logique, rationnel et stratégique.

L'humanité se transforme en un champ homogène avec des centres-portails symétriquement situés, où se concentrent les routeurs d'infems. C'est là que les lois de la postmodernité opèrent et que restent ceux qui sont conscients de ces lois (soit des Occidentaux travaillant par roulement, soit des représentants des élites locales, qui ont maîtrisé les canons et les normes de la post-société).

Tout le reste de l'espace social est laissé à l'archéomoderne, qui perçoit l'affaiblissement de l'impulsion modernisatrice (qui tourmentait l'archaïque à l'époque de la modernité) comme un relâchement, et qui prend volontiers la mondialisation comme une "fenêtre d'opportunité" pour la localisation, c'est-à-dire pour se tourner vers des préoccupations quotidiennes concrètes familières et non généralisées, où l'archaïque et le moderne coexistent dans une forme de conflit atténué, comme un réceptacle de dépôt, creusé et fabriqué. Pour décrire ce double phénomène, le sociologue contemporain Roland Robertson (4) a proposé d'utiliser le terme de l'argot des entreprises japonaises, "glocalisation", pour décrire l'imbrication de deux processus dans la mondialisation - le renforcement des réseaux mondiaux fonctionnant selon l'agenda postmoderne (mondialisation proprement dite), et l'archaïsation des communautés régionales gravitant vers un retour à la culture locale (localisation). Ainsi, le postmoderne est mélangé à l'archéomoderne en une masse difficile à décomposer, dont le déchiffrage sociologique correct exige un grand professionnalisme et une compréhension profonde des mécanismes de fonctionnement de chaque paradigme, pris séparément ainsi que sous des formes hybrides et transitoires.

dimanche, 04 février 2018

« La guerre civile froide », une dissection de la post-modernité

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« La guerre civile froide », une dissection de la post-modernité

Recension de Laurent James

Ex: https://www.leretourauxsources.com

« Le monde moderne est une Atlantide submergée dans un dépotoir », écrivait Léon Bloy.

Jean-Michel Vernochet s'est donné ici comme mission de participer à l'impérieux nettoyage des écuries d'Augias qu'est devenu l'Occident, en commençant par mettre au propre les notions politiques, sociales et ontologiques de droite et de gauche, ainsi que les idées qui les soutiennent. Car aujourd'hui, les seules divinités communément acceptées et pratiquées sont - fort malheureusement - les idées, idées-idoles sur l'autel desquelles la réalité est chaque jour sacrifiée de manière encore plus sanglante. Le concept de « théogonie républicaine » est ainsi parfaitement justifié pour décrire l'origine de ces idées résolument meurtrières.

GCF-couv.jpgL'idée contemporaine prend toujours l'apparence d'une utopie bienveillante, fraternelle et égalisatrice, pour redresser les torts d'une société jugée encore trop paternelle ou hiérarchique. L'égalité des genres, le hashtag balance-ton-porc ou la discrimination positive sont avant tout des parodies de parodies, c'est-à-dire à la fois des parodies du principe platonicien ET de l'éthique quichottesque. Car c'est ici qu'il faut être précis : notre civilisation s'est d'abord bâtie sur l'affirmation de mythes spirituels et religieux, la cathédrale littéraire du Graal en constituant la dernière occurrence historique. Puis la modernité s'érigea sur la parodie desdits mythes, parfois somptueuses et emplies d'une belle énergie à l'instar du Quichotte.

Mais la post-modernité, cette guerre civile froide que nous décrit Vernochet avec toute l'attention clinique du chirurgien de haute précision, c'est la guerre menée par les idéaux républicains désincarnés contre l'harmonie primordiale (lutte contre « la droite ») ET contre l'idéal de justice universelle (lutte contre « la gauche ») : car elles visent à établir à la fois la discorde ET l'injustice. La distance entre l'androgyne primordial évoqué par Platon et le LGBTQ contemporain est tout aussi grande que la distance entre la communauté originelle de l'être et la « termitière humaine » du métissage totalitaire, ainsi que la distance entre l'ingénieux Hidalgo de la Manche et les Enfants de Don Quichotte d'Augustin Legrand. Parodie des parodies, tout est parodie.

La post-modernité n'a pas d'autre ambition que la destruction au service du mal. Elle se débarrasse progressivement de ses oripeaux idéologiques pour laisser apparaître son véritable visage, directement modelé par la stratégie des ténèbres. Ainsi, par exemple, si la post-modernité s'emploie d'une part à nomadiser les peuples coutumièrement sédentaires (migrations, délocalisations, etc.), il ne faut pas oublier qu'elle s'attache d'autre part à la sédentarisation des peuples nomades de tous les continents (inuits, nénètses, gitans, hadzas, etc.). Le but de cette guerre civile froide, c'est bien d'instaurer le désordre injuste par tous les moyens, et notamment par le plus puissant d'entre eux : l'inversion systématique des valeurs et de leurs significations, le remplacement de la main gauche par la droite et vice versa. « Les mots cul par-dessus tête ». Renommé « Monsieur Nini » par J.-M. Vernochet, Macron est un nouvel avatar du Monsieur Ouine de Bernanos : une incarnation supplémentaire du promoteur de « l'universalité incantatoire » et du relativisme absolu.

En réalité, le nom de Macron est Légion, car ils sont nombreux.

« Réduit à son universalisme abstrait, que reste-t-il de l'humain dans sa vérité essentielle ? » demande J.-M. Vernochet. La réponse est sombre et froide, implacable comme la mort : il ne reste plus que le mensonge et le froid.

Laurent James
31 janvier 2018
Parousia.

mercredi, 03 janvier 2018

L’entropisation de l’entropie postmoderne

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L’entropisation de l’entropie postmoderne

Ex: http://www.dedefensa.org

30 décembre 2017 – D’une façon générale, la situation est devenue telle qu’il ne s’agit plus de la commenter, de rechercher les perspectives, d’annoncer telle victoire ou telle défaite, ou telle évolution ; qu’il ne s’agit même plus de tenter de la comprendre puis de l’expliquer, de la décrire après l’avoir embrassée ; qu’il ne s’agit de plus rien dont la raison, même débarrassée quand elle le peut des rets de l'inversion, puisse à elle seule faire son affaire. D’une façon générale, la situation est devenue telle qu’il s’agit tout simplement de parvenir à la percevoir, simplement comme il s’agit de respirer pour continuer à vivre.

La catastrophe du monde en est effectivement à ce stade d’ignorance, de confusion, de désordre, d’irritation et d’hystérie de l’esprit, à partir d’une psychologie qui est tout cela à mesure. Les analyses géopolitiques et les théories complotistes sont comme autant de vieilles lunes usées, ossifiées, complètement à la dérive à force d’avoir été ressorties mille fois sans avoir fait progresser d’un centimètre la compréhension et l’explication de la situation du monde, au contraire brouillant tout espoir de seulement s’ouvrir intellectuellement à une simple perception sortant de leurs sentiers battus et rebattus. Il faut utiliser d’autres voies, d’autres logiques, en espérant l’éclairage de l’intuition qui est la seule compagne acceptable pour traverser les Derniers Temps.

Là-dessus et assez logiquement, nous passons à un article de James Howard Kunstler, qui est de ces chroniqueurs indépendants comme il y en a aux USA, dégagés des dogmatismes et de l’idéologisation, et qui est évidemment puisque l’on se réfère à ses qualités du parti de la collapsologie, – selon le terme de la spécialité proposée par Andrei Orlov, poursuivant l’observation de l’effondrement des USA/du Système. On a déjà cité Kunstler à diverses occasions sur ce site, le 23 juillet 2017 pour le dernier cas ; il écrit cette fois un article d’abord commandé par The American Conservative et publié le 21 décembre 2017, sous le titre “Beyond Cynicism: America Fumbles Towards Kafka’s Castle” ; et nous adapterions cela en français, de cette façon : « Au-delà du cynisme : l’errance de l’Amérique dans le château de Kafka ». Kunstler n’attaque personne en particulier, ne soulève pas un problème spécifique, ne s’exerce pas à l’habituel style d’ironie cynique auquel notre époque incite irrésistiblement nombre d’observateurs indépendants ; nous sommes “au-delà du cynisme”, n’est-ce pas ? Nous sommes en pleine collapsologie et voici les paragraphes de début...

« Un peuple peut-il se remettre d'une excursion dans l'irréalité ? Le séjour des Etats-Unis dans un univers alternatif de l'esprit s'est fortement accéléré après que Wall Street a presque fait exploser le système financier mondial en 2008. Cette débâcle n'était qu'une manifestation d'une série de menaces accumulées à l'ordre postmoderne, incluant les fardeaux de l'empire, l'explosion démographique, la globalisation de la fracture sociale, les inquiétudes au sujet de l'énergie, les technologies perturbatrices, les ravages écologiques et le spectre du changement climatique.

» Un sentiment de crise, que j'appelle la longue urgence, persiste. C'est systémique et existentiel. Cela remet en question notre capacité à mener une vie “normale” beaucoup plus loin dans ce siècle, et l’angoisse qui accompagne cet état de fait est quelque chose de difficilement supportable pour le public. Il s'est manifesté d'abord dans la finance parce que c’est la plus abstraite et la plus fragile de toutes les grandes activités dont nous dépendons pour la vie quotidienne, et donc la plus facilement altérée et mise en situation critique par un groupe d'opportunistes irresponsables à Wall Street. En effet, beaucoup de ménages ont été définitivement détruits après la soi-disant Grande Crise Financière de 2008, malgré les enthousiastes et bruyantes affirmations officielles de “reprise” et l’injection de sommes énormes fabriquées pour la circonstance dans le marchés de capitaux depuis lors.

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» Avec l'élection de 2016, les symptômes de la longue urgence ont envahi le système politique. Une désinformation extraordinaire règne sans partage. Il n'y a pas de consensus cohérent sur ce qui se passe et aucune proposition cohérente pour faire quoi que ce soit à ce sujet. Les deux partis sont embourbés dans la paralysie et le dysfonctionnement et la confiance du public à leur égard est à des niveaux abyssaux. Donald Trump est perçu comme une sorte de président pirate, un fripon élu par hasard, un “perturbateur” du statu quo au mieux et, au pire, un dangereux incompétent jouant avec le feu nucléaire. Un état de guerre existe entre la Maison Blanche, la bureaucratie permanente à D.C. et les médias traditionnels. Le leadership authentique est aux abonnés absents, totalement introuvable. Les institutions chancellent. Le FBI et la CIA se comportent comme des ennemis du peuple.

» Des idées inconséquentes et baroques s'épanouissent dans ce milieu de crise sans fin qui les nourrit abondamment. Elles dominent exclusivement la spéculation intellectuelle. Ressemblant à une espèce de vœu pieux renvoyant à une sorte de culte primitif, cette spéculation a saisi la classe technocratique qui attend des remèdes relevant de la magie, pour promettre la poursuite et l’extension du Bonheur Motorisé, du consumérisme et de la vie florissante de banlieue qui constituent l'armature de la vie “normale” aux USA. L’on parle de flottes de véhicules électriques sans conducteur, de services de drones pour la livraison à domicile et de modes de production d'énergie encore peu développés pour remplacer les combustibles fossiles de plus en plus incertains et destructeurs, tout en ignorant les contraintes évidentes de ressources et de capital, et même les lois de la physique fondamentale, – principalement l’entropie, la deuxième loi de la thermodynamique. Leur assise mentale fondamentale est leur croyance en la croissance industrielle infinie sur une planète finie, une idée si puissamment idiote qu’elle met en danger leur statut de technocrate. »

La suite concerne les diverses situations qui justifient une telle description pour l’entame du texte. Kunstler n’a aucune peine à nous convaincre de la justesse de son argument : « Une désinformation extraordinaire règne sans partage » certes, mais aussi le désordre, l’errance, l’hystérie jusqu’à la folie, une sorte de marche hallucinée vers des buts et des objectifs qui sont comme des ombres molles et des mirages s’éloignant de vous à mesure que vous vous en rapprochez, sans avoir pu d’ailleurs comprendre de quoi le mirage était le simulacre...

Comme on le lit, Kunstler n’évite certes pas de longuement commenter les évènements depuis l’arrivée de Trump, celle-ci qui marque selon lui une nouvelle étape et sans doute une étape décisive de la sorte d’“irréalité” qu’il identifie. (Pour cela, nous avons l’emploi nous-mêmes de diverses expressions, de “virtualisme” à “simulacre” en passant par narrative et par déterminisme-narrativiste.) Il nomme cela “la longue urgence”, ce qui correspond à nos divers phénomène crisique (structure crisique, chaîne crisique, “tourbillon crisique“) impliquant la permanence du paroxysme et l’impossibilité de terminer une crise malgré l’apparent illogisme de la chose puisqu’une crise est un paroxysme qui, par définition, ne dure qu’un instant avant de s’éteindre au bénéfice de l’un ou de l’autre, ou au bénéfice de personne ou bien au bénéfice (!) de la destruction du monde, de l’entropie, de la fameuse Deuxième Loi de la Thermodynamique que cite également Kunstler.

Notre auteur analyse la situation actuelle (USS America perdue dans Le Château de Kafka) essentiellement selon le partage en deux étapes fondamentales dans l’époque, la crise financière partie des USA de 2008 et la crise politique US de 2016 (ou devrait-on dire plutôt “commencée en 2008 [2007]) et “... commencée en 2016 [2015]”). Il justifie la chronologie par la fragilité inhérente au secteur financier mais il écarte désormais, à la différence de ce qui est fait d’habitude, la primauté sinon l’exclusivité de la crise financière (ou la Grande Crise Générale réduite à la crise financière). Il prend en compte ce que nous pourrions nommer en citant Houellebecq l’extension du domaine de la crise, c’est-à-dire ce que nous-même, nous estimons être la désincarnation de la crise et sa transmutation en un évènement cosmique, indéfini et absolu, dont l’enjeu pour l’acteur crisique-diabolique est sans aucun doute l’entropisation du monde.

D’autre part, et en cela avec une certaine contradiction ou bien encore un certain flou, et peut-être bien une sollicitation des étiquettes, Kunstler maintient la dichotomie droite-gauche en attribuant successivement la “réalisation de l’irréalité” successivement à la droite puis à la gauche. La question qui se pose et à laquelle il n’est pas répondu précisément est de savoir si la “réalisation de l’irréalité” à droite, effectuée en 2001-2002, subsiste malgré la “réalisation de l’irréalité” par la gauche.

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Pour l’instant, contentons-nous de marquer ces deux “réalisations de l’irréalité”...

• La première est archi-connue : c’est cette affirmation fameuse par le gouvernement GW Bush, (mais aussi par les neocons, mais aussi par une quasi-unanimité des élites-Système où “la gauche” [les démocrates] a sa place), – en la personne de Karl Rove, chef de la communication du président GW Bush, parlant à l’auteur Ron Suskind à l’été 2002, « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »

• La seconde est ainsi synthétisée par Kunstler, à propos des différentes facettes du progressisme-sociétal tel qu’il s’est développé à une vitesse extraordinaire depuis 2014-2015 et essentiellement à l’occasion de la campagne puis de l’élection de Donald Trump :

« L’idée nouvelle et fausse que quelque chose étiqueté “discours de haine” – étiqueté par qui ? –équivaut à la violence qu’il décrit flottait autour des établissements d’enseignement des cycles supérieurs en un nuage toxique d'hystérie intellectuelle concocté dans le laboratoire de la philosophie dite “post-structuraliste”, où gisaient des parties des corps de Michel Foucault, Jacques Derrida, Judith Butler et Gilles Deleuze, qui seraient surmonté d’un cerveau fait d’un tiers de Thomas Hobbes, d'un tiers de Saul Alinsky et d'un tiers de Tupac Shakur, le tout donnant un parfait Frankenstein accouchant d’une monstrueuse pensée. Tout se résume à la proposition que la volonté de puissance annule tous les autres pulsions et valeurs humaines, en particulier la recherche de la vérité. Dans ce schéma, toutes les relations humaines sont réduites à une dramatis personae comprenant en général les opprimés et leurs oppresseurs, les premiers étant généralement “gens de couleur” et femmes, tous soumis à l’oppression exercée par les Blancs, en majorité hommes. Les tactiques de cette politique déployée par les “opprimés” et les “marginalisés” autoproclamés sont basés sur le credo que la fin justifie les moyens (au standard Alinsky). »

Ce passage est d’une extrême importance pour nous, dans la mesure essentiellement où Kunstler mentionne quelques noms de “déconstructivistes” dont la pensée pèse sur notre époque, – non pour l’aider à reconstruire quelque chose sur ce qui aurait été détruit mais pour la pousser, pour l’entraîner, pour l’emprisonner dans une irrésistible pulsion de destruction, quel que soit l’objet à détruire. (“Destruction” plutôt que “mort” parce que ces déconstructivistes pensent finalement que la destruction n’est pas la mort, – et c’est en cela que cette pensée est singulièrement diabolique.) Dans ce cas, selon cette démarche intégrationniste, nous répondons à cette “question [...] de savoir si la ‘réalisation de l’irréalité’ à droite, effectuée en 2001-2002, subsiste malgré la ‘réalisation de l’irréalité’ par la gauche.” Pour nous, au contraire, le “malgré” est superflu ; comme on le verra, c’est en toute logique que les deux “irréalités” se complètent et s’intègrent l’une dans l’autre.

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De l’hégémonisme-chaotique au progressisme-sociétal

En fait, on décrit deux phases : la phase de l’hégémonisme-chaotique et la phase du progressisme-sociétal, qui sont deux étapes successives du déconstructivisme... L’hégémonisme-chaotique est une version hallucinée et complètement invertie d’“un pont trop loin” selon la terminologie militaire (*) ; il “conquiert” brutalement ce qui est déjà conquis en y installant le chaos, par conséquent il détruit la victoire installée et construite en développant ce qu’il croit être l’assurance de la victoire finale ... Il détruit une hégémonie déjà existante, essentiellement sur la région stratégique centrale du Moyen-Orient, en la surchargeant, en l’inondant de sang et de ruines, en pulvérisant le simulacre de légitimité que les USA (le Système) avaient édifié durant la Guerre froide.

(Pour comprendre cela, il faut bien entendu admettre l’évidence que les USA dominaient l’ensemble du Moyen-Orient depuis le milieu des années 1970, sauf l’Iran à partir de 1979. L’URSS en avait été chassée et commençait à la fin des années 1970 sa plongée dans ce qui révélerait être l’effondrement de 1979-1991. L’hégémonisme-chaotique à partir de septembre 2001, avec l’avant-goût de la première Guerre du Golfe [1990-1991], a pulvérisé ce rangement extrêmement avantageux pour les USA/le Système.)

Le progressisme-sociétal qu’on sait en germe depuis les années 1960 et les diverses révoltes “sociétale” avant l’heure, suivies de l’instauration du système de pensée pavlovienne du “politiquement correct” fermement installé dans les années 1980, arrive avec une brutalité inouïe à la maturité de la déconstruction intérieure des USA dans le chef de leur société et de leur culture, et s’emboîte parfaitement sur l’hégémonisme-chaotique qu’il n’a jamais vraiment combattu. La “gauche” ne s’est opposée aux aventures afghane et irakienne que dans la mesure où celles-ci ont tourné mal et ont pu être exploitées politiquement, et nullement sur leur principe comme le montrent les votes staliniens et quasiment unanimes du Congrès en 2001-2002, et l’absence d’un véritable “parti antiguerre” comme au temps du Vietnam. Bien au contraire, le démocrate soi-disant “de gauche” Obama a poursuivi sinon accentué ces aventures extérieures en faisant du Bush-turbo avec une politiqueSystème multipliée dans sa brutalité. BHO est bien l’homme de la transition décisive, du déconstructivisme réalisé, celui qui poursuit l’hégémonisme-conquérant et institue le progressisme-sociétal comme complément.

Le progressisme-sociétal est donc la face intérieure qui complète l’hégémonisme-chaotique pour achever la mise en place du dispositif déconstructiviste. Les deux dynamiques s’ajoutent l’une à l’autre pour former une dynamique commune de déconstruction par effondrement (domaine de la collapsologie) ... Le progressisme-sociétal triomphe d’autant plus aisément aux USA qu’il est évidemment favorisé par la gravité de la spécificité du problème racial qui l’exacerbe en renforçant ses diverses tendances, – lesquelles sont à terme antagonistes entre elles après avoir détruit toutes les structures traditionnelles. C’est là aussi pour une belle part l’œuvre d’Obama. Volens nolens, le premier président noir des USA que les belles âmes voyaient comme un achèvement de l’intégration multiculturelle et multiraciale a suscité une fermentation décisive de la situation raciale. Kunstler observe justement que cette situation, devenue explosive, est pire que lors de la crise des années 1960 et s’inscrit ainsi complètement dans la mouvance déconstructionniste dans sa composante progressiste-sociétale.

Kunstler : « La sous-classe noire est plus grande, plus dysfonctionnelle et plus aliénée qu’elle ne l’était dans les années 1960. Ma théorie [...] est que la législation sur les droits civils de 1964 et 1965, qui éliminait les barrières légales à la pleine participation à la vie nationale, suscita chez les citoyens noirs une anxiété considérable dans la nouvelle situation créée, pour diverses raisons. C’est précisément pour cette cause déjà qu’un mouvement de séparatisme noir était apparu comme une alternative à l'époque, menée initialement par des personnages aussi charismatiques que Malcolm X et Stokely Carmichael. [...] Le legs du mouvement “Black Power” [...] a été exacerbé par la croisade pour le multiculturalisme et la diversité qui [...] détruit le concept de culture commune nationale. »)

L’hégémonisme-chaotique a fonctionné littéralement comme un ferment de paralysie et d’impuissance des divers points de support de l’hégémonie US active du temps de la Guerre froide, jusqu’à l’invertir complètement et en faire un événement qui transmue en boulet la puissance des USA et l’entraîne vers les abysses. Le progressisme-sociétal, quant à lui, introduit une dynamique irrésistible qui ne peut conduire qu’à l’effondrement par parcellisation, par dissolution, par désintégration, de la société US telle qu’elle a existé du temps de la toute-puissance, de l’American Century ... Ceux qui luttent contre le progressisme-sociétal, les paléoconservateurs et les traditionnalistes de l’américanisme, ne peuvent le faire qu’en proposant leur propre version déconstructiviste, c’est-à-dire en s’opposant et donc en se séparant d’une partie de la population.

(Le paradoxe déjà très-souvent vu ici, – mais la répétition, comme celle du concept de l’effondrement, ne fait que renforcer la puissance du concept, – c’est bien que le déconstructivisme s’attaque au Système comme si le Système était son ennemi à détruire absolument, avec une rage et une haine féroces, alors qu’il [le déconstructivisme] est directement l’enfant du Système. Comme le scorpion, le Système retourne contre lui son venin dans une courbe élégante et même gracieuse de surpuissance-autodestruction.)

Tout cela va très, très vite, à cause de la puissance de la communication qui active une véritable compression du temps et une accélération de l’Histoire selon la forme désormais bien définie pour nous de “tourbillon crisique” enchaînant et intégrant toutes les crises qui naissent et se rajoutent au tourbillon, exactement comme se creuse un typhon qui se renforce d’une énergie extérieure en se creusant, en accélérant, en se chargeant d’une extrême puissance. Désormais, parmi les avis de personnes dignes d’attention du fait de leur attitude antiSystème, l’“optimisme” se mesure à l’espoir qu’on manifeste que l’effondrement ne fasse pas trop de dégâts. Ron Paul dit au Washington Examiner le 26 décembre 2017 : « Nous sommes tout proche de quelque chose qui ressemble à ce qui est arrivé en 1989 lorsque le système soviétique s’est effondré. J’espère seulement que notre système se désintégrera avec aussi peu de dégâts que le système soviétique. » Kunstler, lui, pense que le réveil des diverses “irréalités” sera d’une extrême brutalité : « Ce sera le moment où personne n’aura plus d’argent, ou beaucoup d’argent qui n’aura plus aucune valeur. De toutes les façons, la faillite fonctionnelle de la nation sera complète et rien ne fonctionnera plus, y compris la possibilité de trouver de quoi se nourrir... »

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Qu’importe, la psychologie considérée ici comme un phénomène d’ordre collectif est prête, ou plutôt, plus encore, elle est demanderesse de l’effondrement du Système, de cela qui n’est rien de moins que la manœuvre invertie décisive de l’entropisation postmoderne se réduisant elle-même à l’entropisation (le coup du scorpion). Notre psychologie collective souhaite cet effondrement, elle le désire, elle le veut, pour que cesse cette intolérable attente dans un cadre de communication totamment mensonger, cette tension insupportable sous le poids du simulacre, consciente chez certains, inconsciente et latente chez d’autres qui sont le plus grand nombre. L’article de Kunstler, comme la déclaration de Ron Paul qui est venue à notre connaissance sans recherche particulière, constituent de ces signes manifestant la partie émergée de l’iceberg figurant l’attente de ces psychologies que nous décrivons ici.

Nous sommes dans une époque terrible, une époque de Fin des Temps. Il s’agit de cette époque terrible, encore bien plus terrible que celle que Vautrin décrivait au jeune Rastignac : « Il n’y a pas de principes, il n’y a que des évènements ; il n’y a pas de lois, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les évènements et les circonstances pour les conduire... » ... Une époque “encore bien plus terrible” où il nous faut “épouser” des évènements qui nous dominent, pour notre compte pour mieux les éclairer bien plus que pour “les conduire”, pour qu’enfin l’on puisse distinguer vers où se trouve la sortie de la grotte, et quand apparaîtra cette sortie.

Note

(*) D'après le titre du livre de Cornelius Ryan décrivant l'opération Market Garden lancée par Montgomery en septembre 1944 sur la Hollande et qui s'est terminée par un désastre qui décima une division aéroportée britannique pour l'objectif le plus éloigné, le pont d'Arnheim sur le Rhin.

dimanche, 26 mars 2017

Die Entstehung des Postmodernismus: Waffe der CIA im Kampf gegen US-kritische Intellektuelle

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Die Entstehung des Postmodernismus: Waffe der CIA im Kampf gegen US-kritische Intellektuelle

 
 
Ein mittlerweile öffentlich zugänglicher Bericht der CIA aus dem Jahr 1985 belegt das große Interesse der CIA an so genannten poststrukturalistischen Denkern wie Michel Foucault, Jacque Lacan und Rolandes Barthes. Das Missionsziel: die Spaltung der Linken.

Wir schreiben das Jahr 1971. Am 7. Januar startet zum letzten Mal ein Flugzeug mit dem Entlaubungsmittel Agent Orange an Bord, um seine todbringende Fracht über Vietnam zu versprühen. Im Juni desselben Jahres beginnt die New York Times damit, geheime Pentagon-Papiere über den Vietnam-Krieg zu veröffentlichen. US-Präsident Richard Nixon versucht über die Justiz, weitere Veröffentlichungen zu verhindern - scheitert aber später vor dem Obersten Gerichtshof der USA.

Im selben Jahr wird es zu einem bemerkenswerten Zusammentreffen kommen. Der französische Philosoph, Psychologe und Soziologe Michel Foucault trifft in einem niederländischen Fernsehstudio auf den US-amerikanischen Linguisten Noam Chomsky. Das Thema der Diskussion lautet "The Human Nature: Justice versus Power" ("Die Menschliche Natur - Gerechtigkeit gegen Macht"). Es entwickelt sich eine tiefgreifende Diskussion darüber, ob der Mensch überhaupt so etwas wie die vielzitierte menschliche Natur hat, und darüber, inwieweit der Mensch ein Produkt gesellschaftlicher Bedingungen ist. Doch vor allem geht es um ein Thema: Wer wird den intellektuellen und politischen Diskurs der Zukunft dominieren?

Am Ende der Diskussion wird Chomsky ernüchtert feststellen, noch nie einen solchen Amoralisten getroffen zu haben wie Foucault. Die 1960er, 1970er und auch noch die 1980er Jahre markieren nicht nur die Spaltung der Welt in NATO und Warschauer Block, zwischen Kapitalismus und Kommunismus. Auch in der westlichen Intelligenzija kommt es zu einem folgenschweren Bruch. Dieser sollte sich Jahrzehnte später in einer Aufspaltung des linken Spektrums in eine so genannte kulturelle Linke und eine soziale Linke manifestieren.

Vereinfacht zusammengefasst lassen sich die beiden Richtungen so beschreiben: Unter der kulturellen Linken versteht man allgemeinhin soziale Bewegungen, die sich verstärkt für feministische, LGBT, kulturelle und antirassistische Themen engagieren. Zwar ist auch die kulturelle Linke klassischen sozialen Themen gegenüber, wie zum Beispiel der Arbeiterbewegung, in der Regel nicht feindselig eingestellt. Ihre Betonung liegt jedoch verstärkt auf die Herstellung von Gerechtigkeit durch Anerkennung von Differenzen.

Die soziale Linke hingegen definiert sich nach wie vor über die Eigentumsfrage. Klassische linke Themen wie Arbeiterbewegung, Gewerkschaften und Umverteilung von Reichtum stehen im Zentrum der Debatten. Das Augenmerk liegt vor allem auf der materiellen Ordnung und weniger auf der symbolischen. Diese Unterscheidung präsentiert sich in der Theorie und auch in der Praxis zwar selten so eindeutig, spiegelt aber dennoch die Tendenzen der letzten Jahrzehnte wieder. Die Politikwissenschaftlerin Nancy Fraser hat die Trennung unter anderem in ihrem Buch aus dem Jahre 2001 beschrieben. Dieses trägt den Titel: Die halbierte Gesellschaft. Schlüsselbegriffe des postindustriellen Sozialstaats.

Als Chomsky und Foucault sich 1971 in den Niederlanden darüber stritten, was Foucault einmal das "linke und linkische Gerede von Menschen" nannte, haben vermutlich auch einige Männer und Frauen im Publikum gesessen, die eine andere Agenda verfolgten. Ihnen ging es weniger darum, welcher intellektuelle Diskurs in der Zukunft den Menschen konstituieren würde. Sie hatten eher pragmatische und machtpolitische Ziele: Ihnen ging es um die Schwächung aller Intellektuellen, die sich kritisch zu der US-amerikanischen Politik äußerten.

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Dazu brauchte es einen Paradigmenwechsel - von Jean-Paul Sartre zu Michel Foucault. Während Sartre, genauso wie übrigens seine Frau Simone de Beauvoir, auch heute noch als quasi Fleisch gewordenes Klischee des engagierten, sich einmischenden Intellektuellen gilt, ließ sich Foucault nie wirklich zuordnen. Foucault ist vermutlich das größte politische Missverständnis der jüngeren Geschichte. Er war kein Rechter, er war kein Linker - er war noch nicht einmal ein Liberaler. Doch er war der richtige Mann zur richtigen Zeit. Eine Studie der CIA, die seit kurzer Zeit öffentlich zugänglich ist, zeigt auch, warum.

In mühevoller Kleinarbeit wird auf über 20 Seiten minutiös dargelegt, warum die Förderung dieses neuen Typus von französischem Intellektuellem im Interesse der USA lag. Zu Beginn der Studie wird erläutert, wie es überhaupt zu der wichtigen politischen Rolle des Intellektuellen in der französischen Gesellschaft gekommen ist. Angefangen hatte dies mit der so genannten Dreyfus-Affäre. Der französische Artillerie-Hauptmann Alfred Dreyfus wurde 1894 durch ein Kriegsgericht wegen angeblichen Landesverrats verurteilt. Man warf ihm vor, Militärgeheimnisse weitergereicht zu haben. Ausgerechnet an den Erzfeind: das Deutsche Kaiserreich.

Doch es stellte sich heraus, dass Dreyfus unschuldig war. Der Skandal zog weite Kreise. Dreyfus war Jude. Deshalb versuchten antisemitische, katholische und monarchistische Gruppen, die Bevölkerung aufzuwiegeln und die Verurteilung des wahren Schuldigen, Major Ferdinand Walsin-Esterházy, zu verhindern. Auch der berühmte französische Schriftsteller Émile Zola mischte sich ein. Sein Artikel "J´accuse!" ("Ich klage an!") trug maßgeblich dazu bei, Dreyfus zu rehabilitieren, und gilt als Geburtsstunde des sich einmischenden Intellektuellen.

All dies wird im Dossier der CIA aufgeführt. Doch es ging den Verfassern der Studie nicht um die Vergangenheit, sondern um die Zukunft. Die Aufmerksamkeit sollte weg von den USA und hin zur UdSSR gelenkt werden. Was man heute als Cyberwar und Asymmetrische Kriegsführung bezeichnen würde, nannte man früher den globalen Kulturkrieg. Und die CIA wusste, welche Hebel sie bedienen musste.
 

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Organisationen wie zum Beispiel der Congress für Cultural Freedom (CCF), der Kongress für kulturelle Freiheit, eine von 1950 bis 1969 in Paris ansässige Kulturorganisation, die von der CIA finanziert wurde, spielte dabei eine bedeutsame Rolle. Über sie nahm man aktiv Einfluss auf sogenannte linksliberale Intellektuelle, um diese für den Kampf gegen den Totalitarismus zu gewinnen. Bekämpft wurden US-Kritiker wie zum Beispiel Thomas Mann, Jean-Paul Sartre und Pablo Neruda.

Der Kongress für kulturelle Freiheit hatte Büros in über 35 Ländern der Welt. Darunter natürlich auch in West-Berlin. Er publizierte mehrere Zeitungen und Zeitschriften, war an Buchverlagen beteiligt, organisierte hochwertige nationale wie auch internationale Konferenzen und Ausstellungen. Darüber hinaus beteiligte er sich an der Finanzierung von Kunstpreisen und Stipendien.

Im Fall der Studie über die französischen Intellektuellen ging es konkret darum, über die Manipulation bestimmter prominenter Köpfe die Meinungs- und Deutungshoheit in politischen Fragen zu gewinnen. Die Linke in Frankreich genoss durch ihr starkes Engagement in der Resistance während der deutschen Besatzung einen untadeligen Ruf. Damit stand sie im Gegensatz zu vielen Konservativen und Rechten, die sich zum Teil im Vichy-Regime kompromittierten.

Nirgends war aber auch der Anti-US-Amerikanismus in Frankreich stärker ausgeprägt als bei den Linken. Diese Hegemonie galt es zu brechen. Und dazu musste der Blick weg von dem Vietnam-Krieg (1955 bis 1975), weg von den Interventionen in Guatemala (1954), Dominikanische Republik (1965), Chile (1973) sowie El Salvador und Nicaragua in den 1980er Jahren. Stattdessen sollte der Blick auf die totalitäre UdSSR gerichtet werden.

Die Zeit war dafür auch günstig. Die Erfahrungen des Zweiten Weltkriegs und der gescheiterten faschistischen Utopien saßen tief. Auf der Gegenseite gab es aber auch die Erfahrungen in der Sowjetunion mit Stalin und dem Gulag. Sie galten als Belastung für westliche Linke. Vor diesem Hintergrund wendeten sich mehr und mehr so genannte "progressive Intellektuelle" von den "großen Narrativen" ab.

Ein Mann wie Jean-Paul Sartre war da ein Hindernis. Sartre war zwar kein Stalinist, hielt sich mit Kritik jedoch auch zurück. Er schrieb später selbstkritisch dazu, dass die politischen Ereignisse ihn dazu verführt hätten, das Klassenkampf-Schema "wie ein Gitternetz zu verwenden, was mehr der Bequemlichkeit als der Wahrheit diente".

Es brauchte neue Köpfe. Also förderte man anti-marxistische Intellektuelle wie zum Beispiel Bernard-Henri Lévy, André Glucksman oder Jean-François Revel, die sich in mehreren Publikationen angriffslustig gegen die "letzten Retter des Kommunismus" wandten. Zudem waren die neuen Köpfe umso glaubhafter, da sie selber eine linke Vergangenheit vorzuweisen hatten.

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Doch die CIA war noch raffinierter. Nicht nur Intellektuelle, die sich offen gegen den Marxismus aussprachen, waren wertvoll. Vor allem solche, die vorgaben, so genannte reformierte Marxisten zu sein, waren Goldes wert, wie die Studie erläutert:
Noch effektiver im Untergraben des Marxismus waren solche Intellektuelle, die als "wahre Marxisten" starteten, um dann die ganze marxistische Tradition abzulehnen und zu überdenken.
In der Studie wird Michel Foucault als einer jener Intellektuellen zitiert, die einen Anteil daran hatten, "den Marxismus in den Sozialwissenschaften entscheidend zu demolieren". Er wird als der "einflussreichste und tiefste Denker Frankreichs" beschrieben. Man hob dabei seine Kritik an der rationalen Aufklärung des 18. Jahrhunderts und des revolutionären Zeitalters hervor, die zu "blutigen Konsequenzen" geführt habe.

Es würde zu weit führen, hier die Philosophie von Foucault erklären zu wollen. Grob formuliert prägt er vor allem den Diskurs darüber, wie Wissen entsteht und Geltung erlangt. Und wie Macht ausgeübt wird und dabei Subjekte konstituiert und diszipliniert werden. Foucault wurde für seine Gedanken aus ganz verschiedenen Richtungen des akademischen und politischen Spektrums kritisiert: als Anarchist, Linksradikaler, Marxist, Kryptomarxist, Nihilist, Antiwissenschaftler und Irrationalist, Antimarxist, Neoliberaler, gaullistischer Technokrat oder Rechter.

Rechte warfen ihm vor, er stelle jede Macht in Frage und sei eine Gefahr für die geistige Gesundheit der Studenten. Linke hingegen, unter anderem Jean-Paul Sartre, hielten ihm hingegen vor, letztes Bollwerk der Bourgeoisie zu sein oder in der Nähe von Hitlers "Mein Kampf" zu stehen.

Die Maskerade gehörte bei Foucault zum Spiel dazu. Er war ein Vorreiter dessen, was man heute gemeinhin und diffus als die Postmoderne betitelt. Eine neue Unübersichtlichkeit, in der es Wahrheit und Entscheidungen nicht geben kann. Und in der bestehende Machtverhältnisse dekonstruiert, aber nicht mehr revolutionär verändert werden können.

Eine weitere Strategie der CIA bestand darin, das Ansehen der Sozialwissenschaften selbst zu unterminieren. Statt Soziologie oder Philosophie zu studieren, sollten die Studenten lieber Wirtschafts- und Ingenieurskurse belegen. Alles, was von der Herausbildung eines so genannten kritischen Bewusstseins, vor allem für soziale Belange, wegführte, war willkommen.

Ein guter Lesetipp, um dieses Thema weiter zu vertiefen, ist das Buch Wer die Zeche zahlt... Der CIA und die Kultur im Kalten Krieg von Frances Stonor Saunders. Es belegt neben den vielfältigen Aktivitäten der CIA im Kalten Krieg vor allem eines: die große Angst der CIA vor der Kraft der Gedanken und Worte.

Kommentar: Viele der hier angesprochenen Punkte werden auch in Lobaczewskis Buch Politische Ponerologie behandelt. Darunter fällt die Korrumpierung von Disziplinen (v.a. Geistes-, Sozial- und Neurowissenschaften), die psychopathischen Individuen an der Macht gefährlich werden könnten sowie die Neutralisierung von (potentiell) kritischen Intellektuellen. Denn das unkorrumpierte Wissen in Verbindung mit Mut und Umsicht kann dazu ermächtigen, den Finger auf die Wunde zu legen und jene Machthaber zu entmachten. Die CIA ist als psychopathisches Machtkonglomerat und wesentlicher Bestandteil unserer Pathokratie natürlich ein Gegner wahrhaft kritischen Intellektualismus, der die Existenz der CIA bedrohen könnte.

© SOTT
Politische Ponerologie: Eine Wissenschaft über das Wesen des Bösen und ihre Anwendung für politische Zwecke

vendredi, 01 août 2008

Défis postmodernes: entre Faust et Narcisse

Robert STEUCKERS:

Défis postmodernes : entre Faust et Narcisse

 

Notre culture européenne est le produit d'une pseudomorphose, disait Spengler. D'une pseudomorphose, c-à-d. d'un télescopage entre un mental autochtone, initial, inné, et un mental greffé, chronologiquement postérieur, acquis. L'inné, pour Spengler, c'est le mental "faustien".

 

L'affrontement de l'inné et de l'acquis

L'acquis, c'est le mental "magique", théocentrique, né au Proche-Orient. Pour la pensée magique, le moi s'incline respectueusement devant la substance divine, comme l'esclave se courbe devant son maître. Dans le cadre de cette religiosité, l'individu se laisse guider par la force divine, incluse en lui par le baptême ou l'initiation. Rien de tel pour l'esprit faustien vieil-européen, selon Spengler. L'homo europeanus, lui, malgré le vernis magique/chrétien qui recouvre sa pensée, déploie une religiosité volontariste et anthropocentrique. Le bien pour lui, ce n'est pas de se laisser guider passivement par Dieu, c'est bien plutôt affirmer et réaliser sa volonté. "Pouvoir vouloir", tel est le fondement ultime de la religiosité autochtone européenne. Dans le christianisme médiéval, cette religiosité volontariste transparaît, perce la croûte du "magisme" importé du Proche-Orient.

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Dès l'an mille, dans l'art et les épopées littéraires, ce volontarisme dynamique apparaît progressivement, couplé à un sens de l'espace infini, vers lequel peut et veut se déployer le moi faustien. À la notion d'un espace clos, où le moi se trouve enfermé, s'oppose donc une notion d'espace infini, vers lequel se projette un moi aventureux.

Du monde "clos" à l'univers infini

Pour le philosophe américain Benjamin Nelson (1), le sens vieil-hellénique de la physis, avec tout le dynamisme qu'il implique, triomphe dès la fin du XIIIe siècle, grâce à l’averroïsme, détenteur de la sagesse empirique des Grecs (et d'Aristote en particulier). Progressivement, l'Europe passera du "monde clos" à l'univers infini. L'empirisme et le nominalisme prennent le relais d'une scolastique strictement discursive, répétitive et enfermante. La renaissance, avec Copernic et Bruno (le martyr tragique du Campo dei Fiori), renonce au géocentrisme sécurisant pour proclamer que l'univers est infini, intuition essentiellement faustienne selon les critères énoncés par Spengler.

Dans le 2nd volume de son Histoire de la Pensée Occidentale, J-F. Revel (2), qui officiait naguère au Point et y illustrait malheureusement l'idéologie occidentaliste américanocentrée, écrit avec beaucoup de pertinence : "On conçoit sans peine que l'éternité et l'infinité de l'univers énoncées par Bruno aient pu faire aux hommes cultivés d'alors l'effet traumatisant d'un passage de la vie intra-utérine au vaste et cruel courant d'air d'un tourbillon glacial et sans limite".

La peur "magique", l'angoisse suscitée par l'effondrement d'une certitude dorlotante, celle du géocentrisme, provoquera la mort cruelle de Bruno, mais sera, en somme, une épouvantable apothéose... Rien ne réfutera plus l’héliocentrisme, ni la théorie de l'infinitude des espaces sidéraux. Pascal dira, résigné, avec l'accent du regret : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie".

Du logos théocratique à la raison figée

Pour remplacer le "logos théocratique" de la pensée magique, la pensée bourgeoise naissante et triomphante va élaborer une pensée centrée sur la raison, une raison abstraite devant laquelle il faudra s'incliner comme le Proche-Oriental s'inclinait devant son dieu. L'adepte "bourgeois" de cette "petite raison étriquée", vertueux et calculateur, soucieux de juguler les élans de son âme ou de son esprit, retrouve ainsi un: finitude confortable, un espace clos et sécurisant. Le rationalisme de ce type humain vertueux n'est pas le rationalisme aventureux, audacieux, ascétique et créateur décrit par Max Weber (3) qui éduque l'intériorité à affronter précisément cette infinitude affirmée par Giordano Bruno (4).

Dès la fin de la Renaissance, 2 modernités se juxtaposent

Le rationalisme étriqué dénoncé par Sombart (5) va régenter les cités en rigidifiant les pensées politiques, en corsetant les pulsions activistes constructives. Le rationalisme proprement faustien et conquérant, décrit par Max Weber, va propulser l'humanité européenne hors de ses limites territoriales initiales, va donner l'impulsion majeure à toutes les sciences du concret.

Dès la fin de la Renaissance, nous découvrons donc, d'une part, une modernité rigide et moraliste, sans élan, et, d'autre part, une modernité aventureuse, conquérante, créatrice, tout comme nous aujourd'hui, au seuil d'une post-modernité molle ou d'une post-modernité fulgurante, impavide et potentiellement innovante. En posant ce constat de l’ambiguïté des termes "rationalisme", "rationalité", "modernité" et "post-modernité", nous entrons de plain-pied dans le domaine des idéologies politiques voire des Weltanschauungen militantes.

La rationalisation pleine de morgue vertueuse, celle décrite par Sombart dans son célèbre portrait du "bourgeois", engendre les messianismes mous et mièvres, les grands récits tranquillisants des idéologies contemporaines La rationalisation conquérante décrite par Max Weber, elle, suscite les grandes découvertes scientifiques et l'esprit méthodique, raffinement ingénieux de la conduite de la vie et maîtrise croissante du monde extérieur.

Cette option conquérante possède également son revers : elle désenchante le monde, l’assèche, le schématise à outrance. En se spécialisant dans l'un ou l'autre domaine de la technique, de la science ou de l'esprit, en s'y investissant totalement, les "faustiens" d'Europe et d'Amérique du Nord aboutissent souvent à un nivellement des valeurs, à un relativisme qui tend à la médiocrité parce qu'il nous fait perdre le sens du sublime, de la mystique tellurique et qu'il isole de plus en plus les individus. En notre siècle, la rationalité mise en exergue par Weber, si positive au départ, a culbuté dans l'américanisme quantitativiste et machiniste qui, instinctivement, cherchera, en compensation, un supplément d'âme dans le charlatanisme religieux alliant le prosélytisme le plus délirant et les bondieuseries les plus larmoyantes.

Tel est le sort du "faustisme" quand il est coupé de ses mythes fondateurs, de sa mémoire la plus ancienne, de son humus le plus profond et le plus fécond. Cette césure, c'est indéniablement le résultat de la pseudomorphose, de la greffe "magique" sur le corps faustien/européen, greffe qui a échoué. Le "magisme" n'a pu immobiliser le perpétuel élan faustien ; il l'a - et c'est plus dangereux - amputé de ses mythes et de sa mémoire, le condamnant à la stérilité par assèchement, comme l'ont constaté Valéry, Rilke, Duhamel, Céline, Drieu, Morand, Maurois, Heidegger ou encore Abellio.

Rationalité conquérante, rationalité moralisante, dialectique des Lumières, "grands récits" de Lyotard

La rationalité conquérante, si elle est arrachée à ses mythes fondateurs, à son humus ethno-identitaire, à son indo-européanité matricielle, retombe, même après les assauts les plus impétueux, inerte, vidée de sa substance, dans les rets du petit rationalisme calculateur et dans l'idéologie terne des "Grands Récits". Pour Jean-François Lyotard (6), la "modernité", en Europe, c'est essentiellement le "Grand Récit" des Lumières, dans lequel le héros du savoir travaille paisiblement et moralement à une bonne fin éthico-politique : la paix universelle, où plus aucun antagonisme ne subsistera. La "modernité" de Lyotard correspond à la fameuse "Dialectique de l'Aufklärung" ou "Dialectique des Lumières" de Horkheimer et Adorno (7), figures de proue de la célèbre "École de Francfort". Dans leur optique, le travail de l'homme de science ou l'action de l'homme politique, doivent se soumettre à une raison raisonnable, à un corpus éthique, à une instance morale fixe et immuable, à un catéchisme qui freine leurs élans, qui limite leur fougue faustienne. Pour Lyotard, la fin de la modernité, donc l’avènement de la "post-modernité", c'est l'incrédulité progressive, sournoise, fataliste, ironique, persiflante à l'égard de ce métarécit. Incrédulité qui signifie soit un possible retour du Dionysiaque, de l'irrationnel, du charnel, des zones troubles et troublantes de l'âme humaine révélées par Bataille ou Caillois, comme l'envisagent et l’espèrent le professeur Maffesoli (8), de l'Université de Strasbourg, et l'Allemand Bergfleth (9), jeune philosophe non-conformiste ; soit un retour tout aussi possible du Faustien, d’un esprit comparable à celui qui nous a légué le gothique flamboyant, d’une rationalité conquérante qui aurait récupéré sa mythologie dynamique vieille-européenne, comme nous l’explique G. Faye dans Europe et Modernité (10).

Le métarécit s'enkyste...

Avec l'installation, l'enkystement, dans nos mentalités du "métarécit" des Lumières, apparaissent progressivement les grandes idéologies laïques occidentales, le libéralisme idolâtrant la "main invisible" (11) ou le marxisme avec son déterminisme pesant et sa métaphysique de l’histoire, contestés dès l'aube de ce siècle par les figures les plus sublimes du socialisme militant européen, dont Georges Sorel (12). Avec Giorgio Locchi (13), qui appelle le "métarécit" tantôt "idéologue" tantôt "science", nous pensons que ce complexe "métarécit/idéologie/science" ne suscite plus de consensus que par contrainte, puisqu'il y a des résistances sourdes (not. en art, en musique par ex. [14]) ou une désuétude générale du dispositif métanarratif de légitimation dans son ensemble.

Le métarécit libéral-lliuministe résiste encore et toujours aujourd'hui par la contrainte ou par le matraquage médiatique. Mais dans la sphère de la pensée immédiate, des poésies, de la musique, de l'art ou des lettres, ce métarécit ne dit plus rien, ne suscite plus rien, ne mobilise plus aucun grand esprit depuis 100 ou 150 ans. Déjà le modernisme littéraire de la fin du XIXe s. exprime une diversité de langages, une hétérogénéité d’éléments, une sorte de chaos désordonné qu'analyse le "physiologue" Nietzsche (15) et que Hugo von Hoffmannstahl appelle die Welt der Bezuge (le monde des relations). Ces interrelations omniprésentes et surdéterminantes nous signalent que le monde ne s'explique pas par un simple récit tout propret ni ne se laisse régenter par une instance morale désincarnée. Mieux : elles nous signalent que nos Cités, nos peuples, ne peuvent exprimer toutes leurs potentialités vitales dans le cadre d'une idéologie déterminée et instituée une fois pour toutes pour toute ni conserver indéfiniment les institutions issues (les corpus doctrinaux dérives du "métarécit des Lumières". La présence anachronique du métarécit constitue un frein au développement de notre continent dans tous les domaines : scientifique (informatique et biotechnologie [16]), économique (maintien des dogmes libéraux au sein de la CEE), militaire (fétichisme d’un monde bipolaire et servilité à l'égard des USA, paradoxalement ennemis économiques), culturel (matraquage médiatique en faveur d'un cosmopolitisme qui élimine la spécificité faustienne et vise à l’avènement d'un grand village convivial à l'échelle du globe, régenté par les principes des "sociétés froides" à la manière des Bororos chers à Lévi-Strauss [17]).

Refuser le néo-ruralisme, le néo-pastoralisme…

Le désordre confus du modernisme littéraire de la fin du XIXe s. a eu son aspect positif, son rôle : celui de constituer ce magma qui, petit à petit, deviendra producteur d'un nouvel assaut faustien (18). C'est Weimar, le Weimar-arène où se déroulait l'affrontement créateur et fécond de l'expressionnisme (19), du néo-marxisme et de la "révolution conservatrice" (20), qui nous léguera, avec Ernst Jünger, une idée de la modernité post-métanarrative (ou post-modernité, si l'on appelle "modernité" la Dialectique des Lumières, théorisée postérieurement par l'École de Francfort). Le modernisme, avec la confusion qu'il inaugure, due à l'abandon progressif de la pseudo-scientificité des Lumières, correspond quelque peu au nihilisme constaté par Nietzsche. Nihilisme qui doit être surmonté, dépassé, mais non par un retour sentimental, voire niais, au passé révolu. Le nihilisme ne se dépasse pas par le wagnérisme théâtral, fulminait Nietzsche, comme aujourd'hui, l'effondrement du "grand récit" marxiste ne se dépasse pas par un néo-primitivisme pseudo-rustique (21).

Chez Jünger, le Jünger des Orages d'Acier, du Travailleur et d'Eumeswil, on ne trouve nulle référence au mysticisme du terroir : rien qu'une admiration sobre pour la pérennité paysanne, indifférente aux bouleversements historiques. Jünger nous signale la nécessité d'un équilibre : s'il y a refus total du rural, du terroir, de la dimension stabilisante de la Heimat, le futurisme constructiviste faustien n'aura plus de socle, de base de départ, de zone de repli. En revanche, si l'accent est trop placé sur le socle initial, le socle-tremplin, sur la niche écologique originaire du peuple faustien, celui-ci, en s’encroûtant dans sphère-cocon, se prive d'un rayonnement universel, se rend aveugle à l'appel du monde, refuse de s’élancer vers le réel dans toute sa plénitude, "exotique" compris. Le repli frileux sur le territoire premier confisque au faustisme sa force de diffusion et relègue son "peuple porteur" au niveau de celui du "paysan éternel anhistorique" décrit par Spengler et par Eliade (22). L'équilibre consiste à puiser (dans le fond du terroir premier) et à diffuser (vers le monde extérieur).

En dépit de toutes les nostalgies "organiques", ruralistes ou pastoralistes, en dépit de leur beauté esthétique, sereine, idyllique, qui nous rappelle Horace ou Virgile, la Technique et le Travail sont désormais les essences de notre monde post-nihiliste. Rien n'échappe plus à la technique, à la technicité, à la mécanique ou à la machine : ni le paysan qui ouvre avec son tracteur ni le prêtre qui branche un micro pour donner plus d'impact à son homélie.

L’ère de la "Technique"

La Technique mobilise totalement (Totale Mobilmachung) et projette les individus dans une infinitude inquiétante, où ils ne sont plus que petits rouages interchangeables (les mitrailleuses, constate le guerrier Ernst Jünger, fauchent les vaillants et les peureux dans la plus pure égalité). Comme dans la guerre totale de matériel, annoncée dès les batailles de char de 1917, sur le front de France. Le "Moi" faustien perd son intraversion pour se noyer dans un tourbillon d’agir incessant. Ce moi, après avoir façonné les flèches en dentelles de pierre du gothique flamboyant, a soit basculé dans le quantitativisme américain soit hésité, désorienté, pris dans le magma informatif, dans l’avalanche de faits concrets du XXe s. Ce fut son nihilisme, son blocage, son indécision due à un subjectivisme exacerbé, un patinage dans la boue désordonnée des faits. En franchissant la "ligne", disent Heidegger et Jünger (23), la monade faustienne (celle dont nous parlait Leibniz [24]) annule son subjectivisme et retrouve la puissance pure, le dynamisme pur, dans l’univers de la Technique. Avec l’approche jüngérienne, la boucle se referme : à l’univers clos du "magisme" se substitue le petit monde inauthentique du bourgeois, sécuritaire, frileux, confit dans sa sphère d’utilitarisme et à l’univers dynamique du "faustisme" se substitue un stade Technique, dépouillé cette fois de tout subjectivisme.

La Technique jüngérienne balaye la modernité factice du métarécit des Lumières, l’hésitation des littératures modernistes de la fin du XIXe siècle et le trompe-l’œil du wagnérisme et du néo-pastoralisme. Mais cette modernité jüngérienne, toujours incomprise depuis la parution de Der Arbeiter en 1932, est demeurée lettre morte.

De Babbit au paradoxe sartrien

En 1945, le débat idéologique est remis au diapason des idéologies victorieuses : le libéralisme à l’américaine (l'idéologie de M. Babitt [25]) ou le marxisme sous la forme d’un métarécit soi-disant désembourgeoisé. Les grands récits reviennent à la charge, traquent toute philosophie ou démarche "irrationaliste" (26), instaurent une police des pensées et provoquent, finalement, en agitant l’épouvantail d’une barbarie rampante, une ère du vide. Sartre, avec sa vogue existentialiste parisienne, doit être analysé à la lumière de cette restauration. Sartre, fidèle à son "athéisme", à son refus de privilégier une valeur, ne croit pas aux fondements du libéralisme ou du marxisme, il n’institue pas, au fond, le métarécit (dans sa variante la plus récente : le marxisme vulgaire des partis communistes [27]) comme une vérité mais comme un impératif catégorique "indépassable" pour lequel il convient de militer, si l’on ne veut pas être un "salaud", c-à-d. un de ces êtres abjects qui vénèrent des "ordres pétrifiés" (28). C'est là tout le paradoxe du sartrisme : d'un côte, il nous exhorte à ne pas adorer d' "ordres pétrifiés", ce qui est proprement faustien, et, d'un autre côté, il nous ordonne d'adorer "magiquement" un "ordre pétrifié", celui du marxisme vulgaire, déjà démonté par Sombart ou De Man. Le consensus, dans les années 50, âge d'or du sartrisme, est donc bel et bien une contrainte morale, une obligation dictée par une pensée de plus en plus médiatisée. Mais un consensus par contrainte, par obligation de croire sans discuter, n'est pas un consensus éternel : d’où l l'oubli contemporain du message sartrien, avec ses outrances et ses exagérations.

L'anti-humanisme révolutionnaire de mai 68

Avec Mai 68, phénomène de génération, l'humanisme, label du métarécit, est battu en brèche par les interprétations françaises de Nietzsche, Marx et Heidegger (29). L'humanisme est une illusion "petite-bourgeoise", proclament universitaires et vulgarisateurs agissant dans le sillage de la révolte étudiante. Contre l'Occident, réceptacle géopolitique du métarécit des Lumières, le 68tard joue à monter sur les barricades, prend parti, parfois avec un romantisme naïf, pour toutes les luttes des années 70 : celle du Vietnam spartiate en lutte contre l'impérialisme américain, celle des combattants latino-américain ("Che"), du Basque, de l'Irlandais patriote ou encore du Palestinien.

Le faustisme combatif, ne pouvant plus s'exprimer à travers des modèles autochtones se transpose dans l'exotisme : il s'asiatise, s'arabise, s'africanise ou s'indianise. Mai 68, en soi, par son ancrage résolu dans la grande politique, par son éthos du guérillero, par son option combattante, revêt malgré tout une dimension autrement plus importante que le blocage crispé du sartrisme ou que la grande régression néo-libérale actuelle. À droite, Jean Cau, en écrivant son beau livre sur Che Guevara (30) a parfaitement saisi cette problématique, que la droite, tout aussi crispée sur ses dogmes et ses souvenirs que la gauche, n'avait pas voulu apercevoir.

Avec ce soixante-huitardisme-là, combattant et politisé, conscient des grands enjeux économiques et géopolitiques de la planète, ont brûlé, dans l'esprit public français, les derniers feux de l'histoire, avant la grande assomption dans la posthistoire et le postpolitique que représente le narcissisme néo-libéral contemporain.

La traduction des écrits de l’ "École de Francfort" annonce l’avènement du narcissisme néo-libéral

La 1ère phase de l'assaut néo-libéral contre l'anti-humanisme politique de Mai 68, ce fut la redécouverte des écrits de l’École de Francfort, née en en Allemagne avant l’avènement du national-socialisme, arrivée à maturité pendant l'exil californien d'Adorno, d'Horkheimer et de Marcuse et érigée en objet de vénération dans l’après-guerre ouest-allemand (31). Dans un petit ouvrage, concis et fondamental pour comprendre la dynamique de notre de notre temps, Dialektik der Aufklärung, Horkheimer et Adorno nous signalent l'existence, dans la pensée occidentale, de 2 "raisons", que, dans le sillage de Spengler et de Sombart, nous serions tenté de nommer "raison faustienne" et "raison magique". La 1ère est, pour les 2 anciens exilés en Californie, le pôle négatif du "complexe raison" dans la civilisation occidentale : cette raison-là est purement "instrumentale", elle sert à accroître la puissance personnelle de celui qui s'en sert. Elle est la raison scientifique, la raison qui dompte les forces de l’univers et les met au service d’un chef ou d’un peuple, d’un parti ou d’un État. Elle est prométhéenne et non point narcissique / orphique, disait, dans cette optique, Herbert Marcuse (32). Pour Horkheimer, Adorno et Marcuse, c’est ce type des rationalité qu'avait théorisé Max Weber...

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La "raison magique", selon notre terminologie généalogique spenglérienne, en revanche, c’est, pour en brosser vite l’aspect général, celle du métarécit découvert par Lyotard. Elle est une instance morale qui dicte une conduite éthique, allergique à toute expression de puissance. Donc, à toute manifestation de l’essence du politique (33). En France, la redécouverte de cette théorie horkheimerienne et adornorienne de la raison, vers la fin des années 70, a inauguré l’ère de dépolitisation, ce qui, par déconnexion généralisée à l'endroit de l'histoire concrète et tangible, aboutira à l’ "ère du vide" si bien décrite par le professeur grenoblois Gilles Lipovetsky (34). À la suite de l'effervescence militante de mai 68, G. Lipovetsky perçoit, avec beaucoup de pertinence, les nouvelles attitudes mentales du post-68tardisme : apathie, indifférence (également au métarécit dans sa forme brute), désertion (des partis politiques, surtout des PC), désyndicalisation, narcissisme, etc. Pour Lipovetsky, cette démission et cette résignation généralisées constituent une aubaine. C'est la garantie, explique-t-il, que la violence reculera, donc qu'aucun "total "totalitarisme", rouge, noir ou brun, ne prendra le pouvoir. Cette convivialité psy, doublée d'une indifférence narcissique aux autres, constitue le propre de l'âge "post-moderne".

Il y a plusieurs définitions possibles de la "post-modenité"

En revanche, si nous percevons - convention de vocabulaire inverse à celle de Lipovetsky - la "modernité" ou le "modernisme" comme expressions du métarécit, donc comme freins à l'élan faustien, la post-modernité sera nécessairement un retour au politique, un rejet du fixisme para-magique et du soupçon anti-politique, surgis après mai 68, dans le sillage des spéculations sur la "raison instrumentale" et la "raison objective" décrites par Horkheimer et Adorno.

La complexité de la problématique "post-moderne" ne permet pas de donner une et une seule définition de la "post-modernité". Il n’existe pas UNE post-modernité, qui, toute seule, pourrait revendiquer l'exclusivité. Au seuil du XXIe siècle, se juxtaposent, en jachère, DIVERSES post-modernités, divers modèles sociaux post-modernes potentiels, chacun basé sur des valeurs foncièrement antagonistes, prêtes à s’affronter. Les post-modernités diffèrent, dans leur langage ou dans leur "look", des idéologies qui les ont précédées ; elles renouent néanmoins avec les valeurs éternelles, immémoriales, qui leur sont sous-jacentes. Comme le politique entre dans la sphère historique par des affrontements binaires, opposant des clans adverses avec exclusion des tiers minoritaires, osons évoquer la possible dichotomie de l’avenir : une post-modernité néo-libérale, occidentale et américaine et américanomorphe contre une post-modernité fulgurante, faustienne et nietzschéenne.

"Génération morale" et "ère du vide"

La post-modernité néo-libérale, c'est celle qu’annonce, triomphant et follement messianique, un Laurent Joffrin dans son bilan de la révolte étudiante de décembre 1986 (cf. Un coup de jeune, Arlea, 1987). Pour Joffrin, qui avait pronostiqué il y a 2 ou 3 ans (35) la mort de la gauche hard, du prolétarisme militant, décembre 86 est le signe avant-coureur d'une "génération morale", alliant, dans ses cerveaux, le gauchisme mou, un peu collectiviste par paresse intellectuelle, et l’égoïsme néo-libéral, narcissique et postpolitique. Le modèle social de cette société hédoniste, axée sur la praxis marchande, que Lipovetsky a décrit dans L'ére du vide. Vide politique, vide intellectuel, et désert posthistorique : telles sont les caractéristiques de l'espace bloqué, de l'horizon bouché, bouche, propre au néo-libéralisme contemporain. Cette post-modernité-là constitue, pour le grand espace européen, qui doit advenir pour que nous ayons un avenir viable, un blocage inquiétant, où le lent pourrissement annoncé par le chômage de masse et la démographie déclinante exerceront leurs ravages, sous les lumignons blafards des illusions consuméristes, du gigantesque fictionnisme publicitaire, sous les néons des enseignes vantant les mérites d'un photographe d’un photocopieur japonais ou d'une compagnie aérienne américaine.

En revanche, la post-modernité qui refusera le vieux métarécit anti-politique des Lumières, avec ses avatars et ses métastases, renouera avec l'insolence nietzschéenne ou l'idéal métallique d’un Jünger, qui franchira la "ligne" comme nous l'exhorte Heidegger qui sortira du dandysme stériles des périodes de nihilisme, la post-modernité qui recourrera à l'aventureux, en déployant concrètement un programme politique audacieux impliquant le rejet des blocs, la construction d’une économie auto-centrée en Europe, en luttant farouchement et sans concessions contre toutes les vieilleries religieuses et idéologiques, en développant les grands axes d'une diplomatie indépendante de l’avis de Washington, la post-modernité, qui réalisera ce programme volontaire et négateur des négations de la posthistoire, celle-ci aura notre pleine adhésion.

Par cette allocution, j'ai voulu prouver qu'il y avait une continuité dans l’affrontement entre "faustisme" et que cette continuité antagonistique se répercute dans le débat actuel sur les post-modernités. L'Occident américano-centré centre est le havre des "magismes", avec son cosmopolitisme et ses sectes moonistes ou autres qui exigent l'obéissance aveugle (36). L’Europe, héritière d’un faustisme maintes fois tarabusté par la pensée "magique", se réaffirmera par une post-modernité qui récapitulera les thèmes indicibles, récurrents mais toujours neufs, de la fausticité intrinsèque de la psyché européenne.

NOTES :

  1. Benjamin Nelson, Der Ursprung der Moderne, Vergleichende Studien zum Zivilisationsprozess, Suhrkamp, Frankfurt am Main, 1986.
  2. Jean-François Revel, Histoire de la pensée occidentale, tomeII, La philosophie pendant la science (XVe, XVIe et XVIIe siècles), Stock, 1970. Cf. également le maître-ouvrage d'Alexandre Koyré : Du monde clos à l'univers infini, Gal., 1973.
  3. Cf. Julien Freund, Max Weber, PUF, 1969.
  4. Paul-Henri Michel, La cosmologie de Giordano Bruno, Hermann, 1962.
  5. Cf. essentiellement : Werner Sombart, Le Bourgeois. Contribution à l'histoire morale et intellectuelle de l'homme économique moderne, Payot, Paris, 1966.
  6. Jean-François Lyotard, La condition postmoderne. Rapport sur le savoir, Minuit, 1979.
  7. Max Horkheimer, Theodor Adomo, Diaektik der Aufklârung. Philosophische Fragmente, Fischer, Frankfurt a.M., 1969-1980. Cf. également : Pierre Zima, L'école de Francfort. Dialectique de la particularité, éd. Universitaires, 1974. Michel Crozon, Interroger Horkheimer et Arno Victor Nielsen, Adorno, le travail artistique de la raison in : Esprit, Mai 1978.
  8. Cf. principalement : Michel Maffesoli, L'ombre de Dionysos. Contribution à une sociologie de l'orgie, Méridiens, 1982, repris en Livre de Poche/biblio-essais. Pierre Brader, Michel Maffesoli : saluons le grand retour de Dionysos in Magazine-Hebdo n°54 (21 sept. 1984).
  9. Cf. Gerd Bergfleth et al., Zur Kritik der Palavernden Aujklärung, Matthes & Seitz, München, 1984. Bergfleth publie dans cette remarquable petite anthologie 4 textes assassins pour le ronron "moderno-francfortiste" : 1) Zehn Thesen zur Vernunftkritik ; 2) Der geschundene Marsyas ; 3) Über linke Ironie ; 4) Die zynische Aufklärung. Cf. également R. Steuckers, G. Bergfleth : enfant terrible de la scène philosophique allemande in Vouloir n°27, mars 1986. Dans ce même numéro, lire aussi : M. Kamp, Bergfleth : critique de la raison palabrante et Une apologie de la révolte contre les programmes insipides de la révolution conformiste. Voir encore : M. Froissard, Révolte, irrationnel, cosmicité et... pseudo-antisémitisme in Vouloir n°40-42, juil-août 1987.
  10. Guillaume Faye, Europe et Modernité, Eurograf, Méry/Liège, 1985.
  11. Sur le fondement théologique de la doctrine de la "main invisible" : cf. Hans Albert, Modell-Platonismus. Der neoklassische Stil des ökonomischen Denkens in kritischer Beleuchtung in Ernst Topitsch (Hrsg.), Logik der Sozialwissenschaften, Kiepenheuer & Witsch, Köln/Berlin, 1971.
  12. La bibliographie française sur Georges Sorel est abondante. Néanmoins, on déplorera qu'une biographie et une analyse aussi précieuse que celle de Michael Freund n'ait jamais été traduite : Michael Freund, G. Sorel, Der revolutionäre Konservatismus, Vittorio Klostermann, Frankfurt a.M., 1972.
  13. Cf. G. Locchi, Histoire et société : critique de Lévi-Strauss in Nouvelle Ecole n°17, mars 1972. G. Locchi, L'histoire in Nouvelle Ecole n°27-28, janv. 1976.
  14. Cf. G. Locchi, L' "idée de la musique" et le temps de l'histoire in Nouvelle École n°30, nov. 1978, Vincent Samson, Musique, métaphysique et destin in Orientations n°9, sept. 1987.
  15. Cf. Helmut Pfotenhauer, Die Kunst als Physiologie. Nietzsches äesthetische Theorie und literarische Produktion, J.B. Metzler, Stuttgart, 1985. Cf. à propos du livre de Pfotenhauer : Robert Steuckers, Regards nouveaux sur Nietzsche in Orientations n°9.
  16. Les bio-technologies et les innovations les plus récentes de la bio-cybernétique, appliquées au fonctionnement des sociétés humaines, remettent fondamentalement en question les assises théoriques mécanicistes du "Grand Récit" des Lumières. Des législations moins rigides, souples parce qu'adaptées aux ressorts profonds de la psychologie et de la physiologie humaines, redonneraient un dynamisme à nos sociétés et les mettraient au diapason des innovations technologiques. Le Grand Récit, toujours présent malgré son anachronisme, bloque l'évolution de nos sociétés ; la pensée de Habermas, qui refuse catégoriquement d'inclure dans sa démarche les découvertes épistémologiques d'un Konrad Lorenz par ex., illustre parfaitement la rigidité proprement réactionnaire du néo-Aufklärung francfortiste et de la dérivation néo-libérale actuelle. Pour se rendre compte du glissement qui s’opère malgré la réaction libérale-francfortiste, on lira les travaux du bio-cybernéticien allemand Frédéric Vester : 1) Unsere Welt - ein vernetztes System, dtv, n°l0118, München, 1983 (2e éd.) ; 2) Neuland des Denkens. Vom technokratischen zum kybernetischen Zeitalter, DVA, Stuttgart, 1980. La rénovation de la pensée sociale holiste (ganzheitlich) par la biologie moderne, nous la trouvons not. chez Gilbert Probst, Selbst-Organisation, Ordnungsprozesse in sozialen Systemen aus ganzheitlicher Sicht, Paul Parey, Berlin, 1987.
  17. G. Locchi, art. cit., voir note (13).
  18. Pour aborder la question du modernisme littéraire au XIXe s., se référer à : M. Bradbury, J. McFarlane (ed.), Modernism 1890-1930, Penguin, 1976.
  19. Cf. Paul Raabe, Expressionismus. Der Kampf um eine literarische Bewegung. Utile anthologie des principaux manifestes expressionnistes.
  20. Armin Mohler, La Révolution Conservatrice en Allemagne 1918-1932, Pardès. Se référer principalement au texte A3 intitulé Leitbilder (idées directrices).
  21. Cf. Gérard Raulet, Mantism and the Post-Modern Conditions et Claude Karnoouh, The Lost Paradise of Regionalism : The Crisis of Post-Modernity in France in Telos n°67, mars 1986.
  22. Cf. Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident. Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle, Gal., 1948 ; pour la définition du "paysan anhistorique", voir t. 2, p. 90. Cf. M. Eliade, Le sacré et le profane, Gal., 1965 ; voir surtout le chap. III, La sacralité de la nature et la religion cosmique, p. 98 sq. Pour l'agencement de cette vision du "paysan" dans la querelle contemporaine du néo-paganisme, voir : Richard Faber, Einleitung : "Pagan" und Neo-Paganismus. Versuch einer Begriffsklärung in : Richard Faber & Renate Schlesier, Die Restauration der Gôtter. Antike Religion und Neo-Paganismus, Königshausen & Neumann, Würzburg, 1986, pp. 10 à 25. Ce texte a été recensé en français par Robert Steuckers, Le paganisme vu de Berlin in Vouloir n°28/29, avr. 1986, pp. 5-7.
  23. Sur la question de la "ligne" chez Jünger et Heidegger, cf. W. Kaempfer, Ernst Jünger, Metzler, Sammlung Metzler, Band 20l, Stuttgart, 1981, p. 119 à 129. Cf. aussi J. Evola, Devant le "mur du temps" in Explorations. Hommes et problèmes, p. 183-194, Pardès. Profitons aussi de cette note pour rappeler que, contrairement à une idée reçue, Heidegger ne rejette pas la technique de manière réactionnaire, ne la considérant même pas comme dangereuse en elle-même. Le danger tient au mystère de son essence non pensée, empêchant l’homme de revenir à un dévoilement plus originel et d’entendre l’appel d’une vérité plus initiale. Si l’âge de la technique apparaît comme la figure achevée de l’Oubli de l’être, où la détresse propre à la pensée se manifeste comme absence de détresse dans la sécurisation et l’objectivation de l’étant, il est aussi cet extrême péril à partir duquel est pensable le relèvement comme possibilité d’un autre commencement une fois la métaphysique de la subjectivité achevée.
  24. Pour juger de l’importance de Leibniz dans le développement de la pensée organique allemande, cf. F.M. Barnard, Herder's Social and Political Thought. From Enlightenment to Nationalism, Clarendon Press, Oxford 1965, p. 10-12.
  25. Sinclair Lewis, Babbit, Livre de Poche/biblio, 1984.
  26. Le classique des classiques dans la condamnation de l’ "irrationalisme", c’est la somme de Georg Lukàcs, La Destruction de la Raison, éd. de l’Arche (2 vol.), 1958. Ce livre se veut une sorte de discours de la méthode de la dialectique Aufklärung-Gegenaufklärung, rationalisme-irrationalisme. La technique de l’amalgame, propre à ce qui apparaît avec le recul bel et bien comme un pamphlet stalinien, cherche à compromettre de larges secteurs de la culture allemande et européenne, de Schelling au néo-thomisme, accusés d‘avoir préparé et favorisé le phénomène nazi. Il s’agit là d’une vision paranoïaque de la culture.
  27. Pour saisir l’irrationalité foncière de l’adhésion de Sartre au communisme, on lira Thomas Molnar, Sartre, philosophie de la contestation, La Table Ronde, 1969.
  28. Cf. R.-M. Alberes, Jean-Paul Sartre, éd. Universitaires, 1964, p. 54 à 71.
  29. En France, la polémique visant un rejet définitif de l’anti-humanisme 68tard et de ses assises philosophiques nietzschéennes, marxiennes et heideggeriennes, se retrouve dans L. Ferry & A. Renaut, La pensée 68. Essai sur l'anti-humanisme contemporain (Gal., 1985), et son pendant 68-86. Itinéraires de l’individu (Gal., 1987). Contrairement aux thèses défendues dans le 1er de ces 2 ouvrages, l’essayiste Guy Hocquenghem dans Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary Club (Albin Michel, 1986) déplorait l'assimilation de l’hyperpolitisme 68tard dans la vague néo-libérale contemporaine. Dans une optique nettement moins polémique et dans le souci de restituer le débat tel qu'il est sur le plan de l'abstraction philosophique, on lira : Eddy Borms, Humanisme -kritiek in het hedendaagse Franse denken, SUN, Nijmegen, 1986.
  30. Jean Cau, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre, polémiste classé à "droite", polisson qui prend régulièrement à partie les manies et giries des conformistes bien-pensants, n'avait pas hésite à rendre hommage à Che Guevara et à lui consacrer un livre. Les "rigides" de la gauche bourgeoise avaient alors parlé d'un "détournement de cadavre" ! Les admirateurs rigido-droitistes de Cau, eux, n'ont pas davantage retenu la leçon : le Nicaragua sandiniste, qu'admiraient pourtant Abel Bonnard et le "fasciste" américain Lawrence Dennis, reste pour ces messieurs-dames une émanation du Malin.
  31. Cf. dans ce n° l'article de Hans-Christof Kraus, Habermas sur la défensive.
  32. Cf. A. Vergez, Marcuse, PUF, 1970.
  33. Julien Freund, Qu'est-ce que la politique ?, Seuil, 1967. Cf G. Faye, La problématique moderne de la raison ou la querelle de la rationalité in Nouvelle Ecole n°41, nov. 1984.
  34. G. Lipovetsky, L’ère du vide. Essais sur l'individualisme contemporain, Gal., 1983. Peu après le colloque de Bruxelles, au cours duquel le texte ci-dessus a servi d'allocution, G. Lipovetsky publiait un 2nd ouvrage qui renforçait son option : L'Empire de l’éphémère. La mode et son destin dans les sociétés modernes(Gal, 1987). Contre cette option "narcissique", protestaient presque simultanément François-Bernard Huyghe et Pierre Barbés dans La soft-idéologie, Laffont, 1987. Inutile de préciser que mes propos rejoignent, en gros, ceux de ces 2 derniers essayistes.
  35. Cf. Laurent Joffrin, La gauche en voie de disparition. Comment changer sans trahir ?, Seuil, 1984.
  36. Cf. Furio Colombo, Il dio d’America. Religione, ribellione e nuova destra, Arnoldo Mondadori ed., Milano, 1983.