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mercredi, 04 mai 2011

Clio et les dessous de la justice internationale

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Clio et les dessous de la justice internationale

par Jure G. VUJIC

Ex: http://www.polemia.com/ 

Jure Vujic, contributeur de Polémia et auteur de nombreux articles dans des revues philosophiques et de politique internationale telles que Krisis, nous propose, à l'occasion de la récente condamnation du général croate Ante Gotovina, une tribune sur les mécanismes du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et ses véritables motivations à l'égard des intérêts géostratégiques anglo-américains.
Polémia

La condamnation par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ( TPY) à 24 ans de prison  de l'ancien général croate Ante Gotovina pour «crimes de guerre» lors de l'offensive en 1995 dans l'enclave serbe de la Krajina, confirme une fois de plus que la justice internationale n'existe pas et qu'elle n'a jamais existé. Comme l'affirmait Hobbes: «Auctoritas non veritas facit legem» (C’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi/la norme). Nous pourrions, au seuil de ce XXIe siècle, qui s’annonce comme un siècle de catastrophes, tout comme le XXe, étendre cette réflexion de Hobbes et dire : «Auctoritas non lex facit imperium», soit «C’est l’autorité et non la loi/la norme qui fait l’empire». En effet la justice internationale et le TPY de surcroit constituent les instruments de légitimisation de l'autorité globale anglo-américaine dans le monde ce qui explique bien que la loi et la justice sont absentes des considérations purement politiques de juges hollandais ou scandinaves qui ne savent même pas situer sur une carte géographique les pays des bélligerants qu' ils entendent pacifier ou purifier de prétendus crimes barbares. Dans le cas de la guerre ex-yougoslave et plus particulièrement dans le cas croate, il s'agit non seulement d'un déni de justice flagrant ( le TPY a volontairement dénié de juger l'agression de la Croatie en 1991 par l'armée yougoslave grande-serbe ainsi que les crimes contre l'humanité commis á Vukovar), mais aussi d'une parodie de justice qui enterrine bien les intérêts géopolitiques anglo-amércains dans la région du sud-est européen.

Le Tribunal de La Haye, porte-parole des intérêts géostratégiques anglo-américains

En effet, le Tribunal de La Haye s'est fait le porte parole de ces mêmes intérêts lorsque «il a, contre et envers toutes les dispositions en vigueur du droit international classique, motivé sa condamnation du général Gotovina par une incrimination montée ad hoc et de toute pièce » á savoir : avoir contribué á une entreprise criminelle dont le but était de nettoyer la Krajina de sa population serbe. En outrepassant ses compétences juridiques, le TPY s'est constitué ainsi en véritable tribunal de l'Inquisition et démonisant l'ensemble de l'élite politique, étatique et militaire croate de l'époque du premier président croate Franjo Tudjman en 1991. En un mot, le TPY s'arroge unilatéralement le droit de criminaliser la Croatie, un Etat souverain reconnue internationalement. Ne prenant pas en compte qu'il s'agissait en l'occurence et indiscutablement d'une guerre internationale classique et que la Croatie en 1991 a tout bonnement été agressée par l'armée yougoslave communiste et ses auxiliaires paramilitaires grands-serbes, le Tribunal a décidé de mettre sur un même pied d'égalité les parties bélligerantes : Serbes, Croates et Bosniaques. Le procédé est rôdé et classique, car il permet de diviser pour régner, faire table rase da la volonté des peuples et de la souveraineté étatique qu'elle soit croate, serbe ou bosniaque afin de consolider les intérêts géopolitiques anglo-américains dans ce que Buxelles appelle «les Balkans occidentaux».

En Croatie la guerre avec la Serbie d'il y a plus de dix ans laisse encore des cicatrices et l'opinion publique désapprouve á l'unanimité la condamnation d'Ante Gotovina, considéré comme un héros de guerre. Les 24 ans de prison pour Ante Gotovina ont suscité une levée de boucliers et des manifestations dans la capitale croate, Zagreb, où des milliers de personnes sont rassemblées, ainsi que dans beaucoup de villes de Croatie. Beaucoup de Croates espéraient, en effet, un acquittement du général Gotovina - ou une condamnation à une peine légère qui aurait permis sa remise en liberté. Le fossée se creuse entre une opinion publique de plus en plus eurosceptique et les élites politiques croates qui s'acharnent de rejoindre le plus vite possible l'UE et sans égard aux aspirations souverainistes de son peuple. En effet cette condamnation est vécu par le peuple comme un véritable coup de poignard dans le dos, et comme une trahison de la politique croate aux ordres de Londres et de Bruxelles. Le cas croate illustre très bien l'histoire des victoires militaires trahis par les politiciens, ou mieux encore la criminalisation des guerres justes de libération nationale. Le verdict injuste et inéquitable du TPY démontre une fois de plus que l’ordre international actuel sert les intérêts des «Plus forts» et en particulier les intérêts géostratégiques anglo-américains dans le monde. Loin d'en finir avec l’anarchie des traités de Westphalie (1648) qui reconnaissaient aux États souverains le droit de se faire la guerre, tout en l'«humanisant», la justice internationalle, en passant par la Société des Nations et l’Organisation des Nations Unies qui soit disant mettaient la la guerre hors la loi, reste aujourd'hui un moyen privilégié pour les États ploutocrates et les oligarchies financières apatrides de dominer le monde et un moyen insidieux d’arriver à leurs fins, au mieux, a une justification a posteriori de leurs actes d'agression et d'occupation.

Les aberrations juridiques

Au palmarés des aberrations juridiques de la justice internationale, il faut rappeler que le droit international ne reconnaît traditionnellement que les États comme sujets, et que pourtant il a justifié l’arrestation, la condamnation et l’exécution de Saddam Hussein et, avant lui, de tous ceux qui ont été jugés et condamnés par les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Ainsi La guerre, crime contre la paix, est ainsi alignée sur le même plan que le crime contre l’humanité. Dans le cas croate, on renvoie dos á dos l'agresseur et l'agressé, la guerre défensive légitime et la guerre d'agression illégale, tout en inculpant les bélligerants d'organisation criminelle, comme si les Etats souverains constituaient des mafias du crime organisé. D'autre part il convient de rappeler une autre aberration juridique constitutive et fondatrice, c'est celle de la primauté du droit anglo-saxon dans la justice internationale, qui est inapplicable et non conforme á la tradition juridique continentale européenne et qui fait une confusion manifeste entre la souveraineté des États, reconnue et la subjectivité internationale attribuée aux individus, entre l’universalisme et le particularisme, deux notions juridiques antagoniques mais réunies ici au sein du même système anglo-saxon.

Cela explique le fait que l’agression ne soit pas jugée selon la même norme que les autres crimes. Le tribunal ad hoc, financé par les États-Unis, a refusé de mettre en cause les agissements de l'armee yougoslave populaire à Vukovar en 1991 et l'appui logistique et politique de Belgrade á la guerre d'agression contre la Serbie. D'autre par le TPY a refusé de prendre en compte les agissements out of area et illégaux de l’O.T.A.N., comme s’il y avait une hiérarchie entre les victimes dues aux violations des droits de l’homme et les victimes dues à la guerre d’agression. Pour éviter la menace que constitue la possibilité de tels jugements, les États-Unis n’ont toujours pas ratifié les statuts de la Cour pénale internationale, en exercice depuis 2003. La guerre humanitaire, qui résulte du droit d'ingérence, concept juridique et hybride flou créé ad hoc en dehors du droit international classique, en contradiction avec le principe même de notre droit international, a permis les pires bavures de ce droit international. Parce que les droits de l’homme sont placés au-dessus de la paix, leur violation peut légitimer une guerre d’agression, y compris sans l’autorisation des institutions internationales, comme nous l’avons vu au Kosovo en 1999, et aujourd'hui en Lybie. Force est de constater que le plan moral, éthique est distingué ici du plan juridique. Le travail du TPY dans l'épisode ex-yougoslave s'inscrit tout droit dans le cadre d'un conflit néo-colonialiste opposant l’Occident anglo-américain aux pays qui résistent à son ambition d’hégémonie planétaire. Les peuples européens aujourd'hui déshonorés et humiliés tout comme le sont les peuples croates, serbes et bosniaques vivent dans cet état de menace permanente, qui rend possible une «industrie de la mort collective», illustrée par des condamnations judiciaires infâmantes et des bombardements lâches et ignobles de population civiles. Cette réalité conflictuelle permet de réintroduire un antagonisme ami/ennemi inspiré de Carl Schmitt, dans un monde officiellement gouverné par une visée pacifiste universelle, dont Clio, la muse de l'histoire universelle, se moque et n'a que faire. 

Jure Georges Vujic
19/04/2011

L'auteur : Jure Vuji, est avocat, diplomé de droit à la Faculté de droit d'Assas Paris II. Géopoliticien et écrivain franco-croate, il est diplomé de la Haute Ecole de Guerre Ban Josip Jela_i_ des Forces Armées Croates et de l'Académie diplomatique croate où il donne des conférences regulières en géopolitique et géostratégie.

Les intertitres sont de la rédaction

Voir les articles de Polémia :

 « Bloody Sunday »ou le modèle global de la contre-insurrection
Krisis, « La Guerre ? » 
L'Occident : une Yougoslavie planétaire 

Correspondance Polémia 19/04/2011

vendredi, 09 janvier 2009

La Suisse renvoie Carla del Ponte en Argentine

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LA SUISSE RENVOIE CARLA DEL PONTE EN ARGENTINE

Par Andreï FEDIACHINE

RIA Novosti, 10 avril 2008 (Un article ancien, que nous avions omis de publier, mais qui mérite lecture et esbaudissement)

L'ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) Carla del Ponte a tout de même été réprimandée. Elle a été tellement habituée à faire tout ce qu'elle voulait qu'elle a même réussi à mettre en colère le toujours pondéré département fédéral des Affaires étrangères (diplomatie suisse), pour lequel elle travaille à présent. Un télégramme spécial adressé à Carla del Ponte lui prescrit de retourner immédiatement à Buenos Aires, où elle assume le poste d'ambassadrice de la Confédération helvétique en Argentine, et lui interdit de participer à la présentation de son nouveau livre “La Caccia. Io e i criminali di guerra” (La Chasse. Moi et les criminels de guerre), qui devait avoir lieu début avril à Milan. Le porte-parole du DFAE Jean-Philippe Jeannerat a fait savoir le 8 avril dans une déclaration spéciale à la presse que la présentation publique de cet ouvrage était incompatible avec le poste d'ambassadrice, car “il comporte des déclarations inadmissibles pour un représentant de la Suisse”.

Cette réprimande publique aurait mis pour longtemps sur la touche n'importe quel autre diplomate. Mais, puisque la “Suissesse de fer” en a vu d'autres, elle a tranquillement quitté l'Italie pour regagner son lieu de travail. En effet, cette petite piqûre du DFAE n'est rien par rapport à la fierté étrange qu'elle tire de l'énumération des nombreux sobriquets, pas toujours flatteurs, que lui ont attribués ceux qui ont eu affaire à l'ancienne procureure générale de Suisse et ancienne procureure du TPIY (entre 1999 et 2007). Ce dernier poste lui a valu le surnom de “nouvelle Gestapo”. La Cosa Nostra italienne, quant à elle, l'appelle “La Puttana” (un mot qu'il est superflu de traduire), alors que les banquiers helvètes ont affublé cette femme originaire de la Suisse italienne du doux sobriquet de “missile non guidé”.

Carla affirme que ces étiquettes ne la troublent nullement, car elles ne font que témoigner du bon travail qu'elle a accompli. Même le fait que feu son ancien collègue, le juge Falcone, l'ait qualifiée “d'obstination incarnée” la laisse impassible. Cette approche des appréciations qui sont portées sur elle est certainement étrange, mais il suffit de voir Carla del Ponte, ne serait-ce qu'une seule fois en chair et en os, pour que ces nombreuses interrogations tombent d'elles-mêmes.

Son ouvrage de 416 pages édité par la maison italienne Feltrinelli relate son travail au poste de procureure du Tribunal de la Haye. Pour l'instant, il a paru en italien, mais des versions anglaise et française sont déjà prêtes. Pour 20 euros, on peut plonger dans l'univers de la procureure. Le livre est ennuyeux et il l'aurait été encore plus si Carla n'avait pas recouru aux services de Chuck Sudetic, reporter du New York Times, coauteur de l'ouvrage, pour l'aider à s'écarter un tant soit peu du style procédurier.

En fait, Carla del Ponte n'a dévoilé aucun secret. Ce qu'elle écrit, y compris ses “confidences” à propos des prélèvements d'organes sur des Serbes prisonniers des Albanais du Kosovo, organes par la suite envoyés en Occident, était déjà plus ou moins connu. Des réfugiés serbes en avaient parlé. Seulement, dans les années 90, il ne “fallait” pas croire les Serbes, alors que cette révélation faite par une ex-procureure de la Confédération helvétique est bien plus crédible. Cependant, on ne peut s'empêcher de se poser la question suivante : pourquoi Carla del Ponte n'a-t-elle alors rien fait pour retrouver les coupables et les traduire en justice ?

Elle affirme qu'elle ne pouvait rien faire, car il était très difficile de recueillir des preuves au Kosovo, littéralement truffé “de bandits et de criminels”, où les témoins avaient été intimidés et parce que même les juges de La Haye avaient peur des Albanais kosovars. Elle écrit : “J'estime que certains juges du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie avaient peur que les Albanais viennent eux-mêmes s'occuper d'eux”. Cela semble aujourd'hui beaucoup affliger Carla del Ponte.

Elena Gouskova, experte spécialisée dans les Balkans, chef du Centre d'étude de la crise balkanique contemporaine de l'Institut d'études slaves de l'Académie russe des sciences, n'est pas la seule à estimer que le TPIY est un établissement très étrange. Elle y a travaillé en qualité d'expert scientifique en 2003, au cours du procès du général serbe Stanislav Galic. “Le tribunal a été spécialement créé pour justifier les actions de l'OTAN en Yougoslavie, estime Elena Gouskova. Les chefs du tribunal n'examinent pas l'essence du procès, ils ne font que manipuler les faits en les adaptant au schéma de la culpabilité d'une des parties. En général, j'avais l'impression que l'accusation avait une mauvaise connaissance des dossiers. Certains juges n'avaient aucune notion des Balkans avant d'arriver à La Haye. Au Tribunal de La Haye, le résultat est connu d'avance, du moins concernant les Serbes: ils seront tous reconnus coupables.”

Le fait que Carla del Ponte ait été choisie pour le dossier yougoslave en vue de compromettre définitivement la réputation des Serbes n'a rien d'étonnant. En Suisse, à la fin des années 90, le “missile non guidé” se sentait déjà à l'étroit. En fait, malgré sa petite taille, ses ambitions et son énergie sont comparables aux Alpes. Elle a toujours atteint ses objectifs en agissant implacablement, et a tellement porté jusqu'à l'absurde son application de la loi que même ses collègues, étonnés, se demandaient: comment peut-on parvenir à faire en sorte qu'il ne reste pas de place pour le bon sens et la justice entre la loi et la réalité ?

Sa carrière abonde en affaires retentissantes, entre autres, des affaires politiques à scandale. Les mauvaises langues disent que Carla del Ponte les acceptait avec un plaisir non dissimulé, car elle savait qu'elles lui donneraient un nom. D'autres n'hésitent pas même à affirmer que toutes ces affaires avaient été commandées (il fallait justifier la démonisation des Serbes), ou bien qu'elles étaient fondées sur des jugements préconçus (Carla del Ponte ne cache pas son hostilité pour la Serbie et la Russie), alors que les affaires vraiment importantes ont été véritablement jugées par d'autres, et non pas par Carla.

Carla del Ponte voulait également juger dans les années 90 l'affaire Mabetex, dans le cadre de laquelle ont été accusés Boris Eltsine et ses filles, dont les importantes dépenses auraient été couvertes par cette société. Elle avait aussi “gelé” les comptes en Suisse de l'ex-première ministre du Pakistan, feue Benazir Bhutto. Il serait intéressant de se pencher à nouveau sur ces deux histoires, mais personne ne veut s'en occuper.