jeudi, 24 février 2011
Futurisme et dadaisme chez Evola
Futurisme et dadaïsme chez Evola
Salvatore FRANCIA
Nous devons également mentionner l'influence qu'exerça sur Evola adolescent le groupe qui s'était constitué autour des revues de Giovanni Papini et du mouvement futuriste. Le jeune Evola ne tarda pas à reconnaître toutefois que l'orientation générale du futurisme ne s'accordait que fort peu avec ses propres inclinaisons. Dans le futurisme, beaucoup de choses lui déplaisaient : le sensualisme, l'absence d'intériorité, les aspects tapageurs et exhibitionnistes, l'exaltation grossière de la vie et de l'instinct, curieusement mêlée avec celle du machinisme et d'une espèce d'américanisme, même si, par ailleurs, le futurisme se référait à des formes chauvines de nationalisme.
Justement, à propos du nationalisme, ses divergences de vue avec les futuristes apparaissent dès le déclenchement de la première guerre mondiale, à cause de la violente campagne interventionniste déclenchée par le groupe de Papini et le mouvement futuriste. Pour Evola, il était inconcevable que tous ces gens, avec à leur tête Papini, épousassent les lieux communs patriotards les plus éculés de la propagande anti-germanique, croyant ainsi sérieusement appuyer une guerre pour la défense de la civilisation et de la liberté contre la barbarie et l'agression.
Evola, à l'époque, n'avait encore jamais quitté l'Italie et n'avait qu'un sentiment confus des structures hiérarchiques, féodales et traditionnelles présentes en Europe centrale, alors qu'elles avaient quasiment disparu du reste de l'Europe à la suite de la révolution française. Malgré l'imprécision de ses vues, ses sympathies allaient vers l'Autriche et l'Allemagne et il ne souhaitait pas l'abstention et la neutralité italiennes, mais une intervention aux côtés des puissances impériales d'Europe centrale. Après avoir lu un article d'Evola dans ce sens, Marinetti lui aurait dit textuellement : « Tes idées sont aussi éloignées des miennes que celles d'un Esquimau ».
Après 1918, Evola est attiré par le mouvement dadaïste, surtout à cause de son radicalisme. Le dadaïsme défendait une vision générale de la vie sous-tendue par une impulsion vers une libération absolue se manifestant sous des formes paradoxales et déconcertantes, accompagnées d'un bouleversement de toutes les catégories logiques, éthiques et esthétiques. « Ce qui vit en nous est de l'ordre du divin, affirmait Tristan Tzara, c'est le réveil de l'action anti-humaine ». Ou encore : « Nous cherchons la force directe, pure, sobre, unique, nous ne cherchons rien d'autre ». Le dadaïsme ne pouvait conduire nulle part : il signalait bien plutôt l'auto-dissolution de l'art dans un état supérieur de liberté. Pour Evola, c'est en cela que résidait la signification essentielle du dadaïsme. C'est ce que nous constatons en effet à la lecture de son article « Sul significato dell'arte modernissima », reproduit en appendice de ses Saggi sull'idealismo magico, publiés en 1925. En réalité, le mouvement auquel Evola avait été associé n'a réalisé que bien peu de choses. Evola en avait espéré davantage. Si le dadaïsme représentait la limite extrême et indépassable de tous les courants d'avant-garde, tout ne s'auto-consommait pas dans l'expérience d'une rupture effective avec toutes les formes d'art.
Au dadaïsme succéda le surréalisme, dont le caractère, du point de vue d'Evola, était régressif, parce que, d'une part, il cultivait une espèce d'automatisme psychique se tournant vers les strates subconscientes et inconscientes de l'être (au point de se solidariser avec le psychanalyse elle-même) et, d'autre part, se bornait à transmettre des sensations confuses venues d'un « au-delà » inquiétant et insaisissable de la réalité, sans aucune ouverture véritable vers le haut.
Il est difficile de parler de la peinture d'Evola, vu l'abstraction des sujets. En contemplant les tableaux d'Evola et en lisant ses poèmes dadaïstes, on comprend que le monde moderne, tel que le percevaient les élites des premières années de notre siècle, apparaissait comme le symbole du dénuement et de la purification. Ces élites rejetaient les oripeaux de la culture bourgeoise du XIXème et voulaient créer rapidement une « nouvelle objectivité » que certains ont cru découvrir dans le bolchevisme et d'autres dans le nazisme.
À 23 ans, Evola cesse définitivement de peindre et d'écrire des poésies. Ses intérêts le portent vers une autre sphère.
(Extrait de Il pensiero tradizionale di Julius Evola, Società Editrice Barbarossa, Milano, 1994 ; ouvrage disponible auprès de notre service librairie. Prix: 240 FB ou 45 FF, port compris).
00:05 Publié dans art, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, dadaïsme, futurisme, italie, julius evola, avant-gardes, tradition, traditionalisme, art, arts plastiques, peinture | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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