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vendredi, 20 juin 2025

Waterloo: tout sauf une victoire britannique…

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Waterloo: tout sauf une victoire britannique…

Jan Huijbrechts

Source: https://www.facebook.com/jan.huijbrechts.9

"Ça a été sacrément beau – le plus beau que vous ayez jamais vu de votre vie", aurait dit le commandant en chef britannique Wellington après la bataille de Waterloo, le 18 juin, il y a donc exactement 210 ans. "Par Dieu !", ajouta-t-il, – incarnant ainsi la modestie même – "je ne pense pas que cela aurait été le cas si je n’avais pas été là." Ce que lui-même et beaucoup d’historiens britanniques oublient, c’est que la victoire à Waterloo n’était pas une victoire britannique, mais surtout une victoire alliée...

L’histoire de Waterloo est en effet imprégnée depuis 200 ans d’ambivalence et de distorsions historiques. Souvent, on oublie par exemple que la butte escarpée surmontée du lion de bronze menaçant, pointant vers la France et dominant le champ de bataille, n’a pas été édifiée en l’honneur de Wellington ou même du maréchal prussien Blücher, qui lui vint en aide à un moment critique à Waterloo, mais en souvenir du fait que le prince d’Orange fut blessé en cet endroit, alors qu’il menait les troupes néerlandaises au combat…

La bataille de Waterloo mit fin définitivement aux ambitions sans limite de l’empereur français Napoléon Bonaparte. Après sa désastreuse campagne de Russie en hiver 1812-1813 et les défaites françaises qui suivirent sur tous les fronts, il fut contraint de démissionner le 11 avril 1814 et fut exilé sur l’île d’Elbe. Le Premier Empire français fut dissous et la monarchie des Bourbons rétablie, mais en février 1815, Napoléon s’échappa de son exil et retourna en France pour reprendre le pouvoir. Pour consolider ce pouvoir, il était cependant nécessaire de vaincre la force alliée commandée par Wellington, qui se trouvait à sa frontière nord.

Au début, les dieux semblaient favorables à Bonaparte. Le 16 juin, il infligea aux Prussiens une lourde défaite à Ligny, tandis que le même jour, un peu plus loin, à Quatre-Bras, la confrontation avec les Britanniques et les Néerlandais resta indécise. Le 18 juin, il décida de jouer sa dernière carte. Avec son armée, il prit un pari audacieux : battre les forces de Wellington et de Blücher séparément avant que la coalition ne puisse lancer une contre-offensive à pleine puissance. Pendant plus de dix heures, 180.000 hommes se battirent férocement sur ce terrain ondulé au sud de Bruxelles pour le sort de l’Europe...

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Le Prince Guillaume d'Orange à la Bataille des Quatre-Bras, où meurt au combat le Duc Friedrich-Wilhelm de Brunswick.

L’armée de Wellington, comme dit, était une armée composées essentiellement d’alliés. Seuls 36% des troupes engagées pouvaient être qualifiées de britanniques (anglaises, irlandaises, galloises et écossaises). Le reste comprenait des hommes originaires de Prusse, du Hanovre, du Brunswick, de Saxe, des Pays-Bas et, non moins important, de Flandre et de Wallonie, qui faisaient alors partie intégrante du Royaume uni des Pays-Bas. Sur les 26 brigades d’infanterie dans l’armée de Wellington, forte de 70.000 hommes, seulement neuf étaient britanniques; sur les 12 brigades de cavalerie, seulement 7 étaient britanniques… La moitié des 29 batteries d’artillerie était hanovrienne ou néerlandaise. Et je ne parle même pas des 53.000 Prussiens qui finirent par faire basculer la bataille en faveur de Wellington, lorsqu’ils arrivèrent en dernier recours, après une marche forcée, sur le champ de bataille de Plancenoit.

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L'infanterie de Nassau au combat à Waterloo.

Des décennies durant, les historiens ont fermé les yeux sur le fait que tous les trois points stratégiques de Wellington à Waterloo — le hameau de Papelotte, et les fermes de La Haye Sainte et de Hougoumont — étaient défendus par des troupes allemandes. Papelotte, à l’extrême gauche de Wellington, fut défendu par la brigade de Bernhard de Saxe-Weimar, composée d’Allemands du régiment d’Orange-Nassau et du 2e régiment de Nassau. La ferme centrale de La Haye Sainte fut défendue par un bataillon de la King's German Legion (ill. ci-dessous), un groupe d’environ 400 hommes venus du Hanovre et placés sous commandement britannique.

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Le roi George III d’Angleterre était en effet, par ascendance, le prince-évêque électeur de Hanovre, avant que cette cité-État nord-allemande ne soit envahie par Napoléon en 1803. Ce bataillon, habilement commandé par le major Baring, réussit à ralentir l’avance française dans cette zone cruciale pendant plusieurs heures, se battant jusqu’à la dernière balle.

Le gouvernement britannique dépensa il y a quelques années plus d’un million d’euros pour restaurer et conserver Hougoumont, le troisième point stratégique de Wellington. C’était tout à fait justifié, car il était farouchement défendu par 600 hommes de la division des Foot Guards britanniques, mais on oublie trop souvent qu’en plus de ces Britanniques, une multitude de soldats allemands participèrent aux lourds combats défensifs autour de cette ferme, notamment un bataillon du 2e Nassau sous le commandement du major Busgen, plusieurs compagnies de chasseurs hanovriens, quelques compagnies légères du corps de Brunswick, et une partie de la brigade de la Landwehr hanovrienne sous le commandement du général britannique Halkett.

Malgré ces faits indiscutables, Wellington — en véritable chercheur de gloire —, suivi de près par de nombreux historiens, passa des années à induire délibérément le grand public en erreur sur divers aspects de la campagne, minimisant consciemment le rôle de ses alliés, ce qui fit que leurs efforts furent relégués au second plan. Même des mensonges flagrants furent longtemps tolérés.

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Par exemple, les Britanniques avancèrent que les troupes néerlandaises s’étaient plusieurs fois comportées de manière lâche durant la bataille. La brigade du général Van Bijlandt aurait abandonné le combat, et les trois régiments de cavalerie lourde sous le général Trip auraient refusé de charger à un moment donné. La brigade Bijlandt se trouvait en première ligne face à plus de 50 canons de la Grande Batterie de Napoléon, qui bombardait sans relâche les lignes alliées en face. Wellington limita les pertes britanniques dans cette zone en déployant ses troupes derrière une longue crête, hors de vue, et en grande partie hors de portée des canons français. De plus, il ordonna à ses hommes — infanterie comme cavalerie — de se coucher à plat ventre pour se protéger du tir de l’ennemi. La brigade Bijlandt, majoritairement composée de recrues inexpérimentées, ne put suivre cet ordre ; elle subit de lourdes pertes. Il n’était donc pas surprenant que plusieurs recrues succombèrent, mais les hommes plus expérimentés du 7e bataillon de ligne, majoritairement flamands, parvinrent à maintenir la ligne malgré les attaques françaises très violentes…

L’incident avec la cavalerie de Trip était quant à lui dû à un manque de communication. Au plus fort de la bataille, Lord Uxbridge — l’un des favoris de Wellington — reçut soudain le commandement de la cavalerie, mais Trip n’en fut jamais informé. Quand l’enthousiaste Uxbridge arriva en criant et donna l’ordre de charger en anglais, cela aurait pu tout aussi bien se passer en chinois, car Trip ne parlait pas un traître mot d’anglais, et ses cavaliers restèrent immobiles, hésitants. Personne n’avait envie de suivre cet officier anglais, inconnu pour eux… Plus tard, ils se rattrapèrent en effectuant quelques charges remarquables, ce qui transforma immédiatement leur prétendue lâcheté en un simple bobard. 

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La rigueur d'une politique de retenue : pourquoi la Chine n’interviendra pas

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La rigueur d'une politique de retenue : pourquoi la Chine n’interviendra pas

Source: https://dissident.one/de-brutaliteit-van-terughoudendheid...

Une question qui m’est posée à plusieurs reprises – récemment en lien avec Gaza ou l’Iran – est la suivante : pourquoi la Chine n’intervient-elle pas ? Ou, si elle ne participe pas directement sur le plan militaire, pourquoi ne cesse-t-elle pas au moins le commerce avec Israël ou ne soutient-elle pas l’Iran avec en fournissant des armes pour son autodéfense ?

Honnêtement, je n’ai pas de réponses simples, écrit Arnaud Bertrand. Et je mentirais si je prétendais en avoir. La règle de base est: quiconque affirme avoir une compréhension de la pensée stratégique des dirigeants chinois est un hâbleur. Ces stratégistes chinois ne lâchent rien – littéralement personne en dehors de leur cercle intérieur ne sait ce qu’ils pensent. Donc, toute personne dans les médias occidentaux citant des sources anonymes prétendument proches des délibérations secrètes qui se tiennent à Pékin diffuse probablement des absurdités. Même des employés de haut rang de Xinhua, l’agence de presse officielle de la Chine et porte-voix du Parti communiste, n’ont pas un accès privilégié aux délibérations de la direction du parti. Il est totalement exclu que des journalistes occidentaux en aient.

Ce que nous pouvons toutefois savoir – et cela pourrait être découvert par quiconque fait un peu de recherche – c’est l’histoire de la Chine et ce que le pays a lui-même rendu public au sujet de sa politique étrangère. Quiconque s’y intéresse sérieusement trouvera des réponses étonnamment claires.

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Historiquement, la Chine a été impliquée dans précisément cinq conflits armés internationaux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: la guerre de Corée (1950-1953), dans laquelle elle a combattu aux côtés de la Corée du Nord contre les États-Unis ; la guerre du Vietnam, où 300.000 soldats chinois ont soutenu le Nord-Vietnam ; la guerre de la frontière avec l’Inde en 1962, provoquée par des incursions indiennes dans des zones contestées comme l'Aksai Chin ; des conflits militaires avec l’Union soviétique à la fin des années 1960, par exemple lors de l’incident de l'Oussouri ; et la courte mais sanglante guerre contre le Vietnam en 1979, suite à l’invasion vietnamienne du Cambodge.

D’autres événements, comme la crise à Taïwan, l’invasion du Tibet en 1950-1951 ou les récents incidents frontaliers dans la vallée de Galwan avec l’Inde, sont considérés selon le droit international comme des différends internes ou locaux, et non comme des interventions militaires.

Le modèle est clair: la Chine n’intervient militairement que lorsque sa propre intégrité territoriale ou sa sécurité est menacée. Dans son histoire millénaire, elle n’a jamais mené d’intervention militaire en dehors de son environnement immédiat – surtout pas dans des conflits qui ne touchent pas directement à sa sécurité. Il est extrêmement improbable qu’un dirigeant chinois rompe ce schéma profondément ancré dans l’histoire.

Il est également intéressant de noter que deux des cinq guerres menées par la Chine l'ont été contre les États-Unis – et qu’elle a gagné dans les deux cas, malgré le fait qu’à l’époque, elle était encore l’un des pays les plus pauvres du monde. Un souvenir qui pourrait ne pas déplaire aux faucons chinois à Washington.

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Cela nous amène aux principes. Au cœur de la politique étrangère chinoise se trouve un principe de stricte non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Même lorsqu’il y a un agresseur évident, la Chine refuse toute ingérence, car cela violerait la souveraineté – même si moralement, elle prend le parti de la victime. Ce qui est souvent perçu comme un cynisme pragmatique dans la politique occidentale, est, dans la vision de la Chine, l’expression d’un principe cohérent : les principes s’appliquent, même quand cela ne leur profite pas.

La question qui se pose est dès lors la suivante: respectez-vous la souveraineté d’un pays uniquement si vous êtes d’accord avec sa politique? Ou même si vous n’êtes pas d’accord? La Chine tente la dernière option. Elle maintient sa souveraineté, même si cela est difficile – par exemple dans le cas d’Israël ou de l’Iran.

Ce comportement crée une paradoxe: en n’intervenant pas, la Chine facilite la tâche aux autres États pour le faire à leur tour. Pourtant, la Chine croit que les principes prévalent par la crédibilité et l’exemplarité – pas par la force ou la contrainte. Une intervention sélective ferait de la Chine une nouvelle puissance hégémonique qui violerait à volonté les règles.

La Chine veut projeter une image d’un ordre mondial dans lequel un État peut exercer son influence sans recourir à la puissance militaire. Le modèle occidental – selon la contre-image chinoise – repose sur la violence, l’hypocrisie et les doubles standards. L’alternative chinoise: respecter les principes, faire preuve de patience et de retenue. L’objectif est la crédibilité à long terme, pas le gain à court terme.

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La Chine rejette également toute politique de blocs. Le président Xi Jinping a répété à plusieurs reprises la condamnation de la pensée qui régentait le monde pendant la Guerre froide, avec l'établissement de zones d’influence et de la confrontation. Une aide militaire à l’Iran ou à Gaza placerait immédiatement la Chine dans un bloc anti-américain – exactement selon la logique bipolaire qu’elle veut éviter. Cela minerait non seulement la quête chinoise d’un ordre mondial multipolaire, mais aussi sa crédibilité en tant que puissance non-hégémonique – surtout dans le Sud, où elle est vue comme une alternative à la domination occidentale.

Une parabole historique de 288 av. J.-C. illustre la pensée stratégique de la Chine: deux royaumes chinois rivaux, Qin et Qi, se sont tous deux proclamés détenteurs de l'impérialité chinoise. Cependant, l’État le plus bienveillant, Qi, a perdu son avantage moral à cause de cette démarche – et a finalement été détruit par Qin. La leçon à retenir: celui qui agit en tant que co-hégémon perd son statut spécial.

Le multilatéralisme est également un principe central de la politique étrangère chinoise. La Chine vise à une véritable organisation multilatérale soutenue par l’ONU. Elle n’interviendra pas unilatéralement, même si le système est bloqué. Quiconque ignore le système de l’ONU détruit toute autorité qu’il pourrait utiliser pour le défendre.

Stratégiquement, la Chine évite également l’expansion excessive, qui a jadis conduit l’Union soviétique à sa chute et affaibli les États-Unis aujourd’hui. Plutôt que de gaspiller des ressources dans des interventions lointaines, la Chine se concentre sur le développement national – un modèle réussi qu’elle souhaite préserver. Des aventures militaires au Moyen-Orient donneraient aussi aux États-Unis des munitions pour lutter contre la présence chinoise en Asie de l’Est et autour de Taïwan – ce qui nuirait à Pékin.

La réunification avec Taïwan, objectif stratégique supérieur de la Chine, exige une image de stabilité et de supériorité – pas celle d’un hégémon agressif. Quiconque s’engage militairement partout dans le monde perd cette image.

En résumé : que ce soit d’un point de vue historique, principiel ou stratégique, tout milite en faveur de la non-intervention de la Chine. Cela irait à l’encontre de son identité politique, compromettrait sa crédibilité et mettrait en danger ses objectifs stratégiques. Reste à voir si cette approche sera plus efficace à long terme que les démonstrations de puissance occidentales. Mais c’est une alternative réaliste à un système qui se termine trop souvent par la violence, l’intervention et l’hypocrisie.

Et aussi douloureux que cela soit de voir l’inaction face à des tragédies humaines comme celle de Gaza, la tentative de la Chine de modeler un rôle différent en tant que grande puissance mérite au moins du respect. Peut-être même de l’admiration – pour la cohérence radicale et le courage de résister à la spirale de la violence.

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La politique étrangère des États-Unis est-elle hors du contrôle de Trump ?

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La politique étrangère des États-Unis est-elle hors du contrôle de Trump ?

par Davide Malacaria

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/la-politica-estera-usa-e...

« Voici la réalité de ce qui est en jeu, de ce que nous affrontons aujourd’hui, car pendant que nous sommes ici, plus que jamais, nous sommes tout proches de l’annihilation nucléaire, tandis que les guerres de l’élite politique alimentent imprudemment la peur et la tension entre les puissances nucléaires. » C’est ainsi que Tulsi Gabbard s’est exprimée dans une vidéo inhabituelle, publiée sur YouTube après sa visite à Hiroshima, où elle appelle les peuples à faire entendre leur voix pour arrêter cette dérive.

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Gabbard sait de quoi elle parle, puisqu’elle dirige le renseignement national américain et a accès aux informations les plus confidentielles des agences fédérales. Ce n’est pas une plaisanterie de mauvais goût, mais la réalité dramatique, qui s’est encore accentuée après l’attaque contre les bombardiers stratégiques russes la semaine dernière.

Cette attaque cache des arrière-plans inquiétants, au-delà des motifs évoqués que j'ai évoqués dans une note précédente, à savoir faire échouer le processus de paix d’Istanbul prévu pour le lendemain, et déclencher une réaction russe pour amorcer un conflit direct avec l’Occident.

Alastair Crooke en parle dans un article publié sur le site du Ron Paul Institute, où il décrit ces arrière-plans. La première, qui découle du fait que les Ukrainiens ne pouvaient pas mener une opération aussi sophistiquée en solitaire, est que c’est l’Amérique qui a coordonné l’opération, évidemment en collaboration avec la Grande-Bretagne (Londres dirige également l’Union européenne, en tirant les ficelles des marionnettes placées au sommet de l’UE et de l’Allemagne).

Le Silence des Ours

Ce contrôle extérieur de l’attaque est évident, mais Crooke explique que peut-être Trump a donné son feu vert en croyant à ce que lui ont rapporté ses conseillers, selon lesquels la Russie était proche de l’effondrement, et qu’en augmentant la pression — par des attaques stratégiques visant à dégrader le moral russe — Moscou serait contrainte de céder.

Dans ce cas, Trump aurait été victime du manque de réalisme de ses conseillers, perdus dans leurs rêveries et incapables de comprendre la véritable force économique et militaire de la Russie. Crooke ne le précise pas explicitement, mais en citant un tweet de Trump — « Des choses terribles, si ce n’était pas moi, des choses VRAIMENT TERRIBLES arriveraient à la Russie » — il est clair que, si cette approbation existait, elle aurait été limitée.

La seconde hypothèse plus crédible, selon Crooke, est que « peut-être ses conseillers, involontairement ou délibérément, ont ‘trompé’ Trump et son programme de normalisation des relations avec la Russie ». L’initiative d’attaquer les bombardiers russes aurait été prise à l’insu du président, et justifiée par la suite sous le prétexte que « la CIA a simplement agi en fonction d’une vieille directive présidentielle autorisant des attaques en profondeur à l’intérieur du territoire russe. »

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Au-delà de nos considérations, selon Crooke, dans les deux cas, ce qui s’est passé signifie « une seule chose : que Trump n’a pas le contrôle. » Il l’éclaire davantage en expliquant qu’un objectif stratégique de l’attaque — qui a réussi et a prouvé qu’elle était « réalisable » — est que cela a « imposé à Trump la dure réalité de ne pas avoir le contrôle de la politique étrangère des États-Unis […]. Le Deep State collectif lui a fait comprendre cela. »

À ce propos, il cite le général Michael Flynn, qui explique : « L’État profond agit désormais en dehors du contrôle de la direction élue de notre nation… les hommes de l’État profond s’efforcent de provoquer la Russie pour ouvrir un affrontement à grande échelle avec l’Occident. »

L’alerte lancée par Gabbard, sous une forme si inhabituelle, semble confirmer les difficultés de Trump, qui aurait pu lui demander de prendre cette initiative surprenante.

Crooke explique aussi que l’attaque contre la Russie a exploité une vulnérabilité du Traité Salt-Start sur les armes nucléaires, en particulier l’article XII du traité START qui exige que les puissances signataires « exposent visiblement » tous les bombardiers lourds à l’intérieur de leur base aérienne. Ceci afin qu’ils puissent être surveillés par des satellites ennemis pour empêcher tout “premier coup” d’une des parties.

L’attaque contre les bombardiers russes fragilise donc un des piliers de l’accord sur la dissuasion nucléaire mutuelle, avec toutes les conséquences qui en découlent.

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Selon Crooke, la Russie préparerait une réaction différente de celles qu’elle a déjà menées, qui s’est traduite par une intensification des attaques conventionnelles en Ukraine, mais cela pourrait ne pas être le cas.

Il est évident que Trump, lors de l’appel apaisant avec Poutine, lui aurait demandé d’être patient, de répondre de manière mesurée pour ne pas le mettre entre les mains de ses ennemis (des ennemis extérieurs pour le tsar, des ennemis intérieurs pour le président américain).

Et, en même temps, il lui aurait assuré qu’il ferait tout pour éviter de telles initiatives. Il est probable que Poutine ait accepté, conscient des marges de manœuvre limitées de son interlocuteur et de la nécessité de ne pas le livrer aux ennemis communs.

Mais Trump doit agir rapidement pour changer les choses s’il veut prendre le contrôle d’un système géré par d’autres. Un petit, mais non négligeable, signal vient du nouveau programme de financement de la Défense élaboré par le Secrétaire de ce ministère, Pete Hegseth, l’un des rares hommes fidèles à Trump dans son administration (lui aussi a dû lutter pour être confirmé par le Congrès, tout comme Tulsi Gabbard).

Ce plan, développé par Hegseth, fait l’objet d’un article dans Responsible Statecraft, dont le titre est évocateur : « Le Secrétaire à la Défense déclare la guerre au complexe militaro-industriel. » En expliquant les coupes dans la défense, Hegseth a déclaré que certaines grandes industries de l’armement pourraient faire faillite en un ou deux ans. Le texte prévoit également une réduction de l’aide directe à Kiev…

Lobbying : la guerre contre le complexe militaro-industriel

En réalité, il ne s’agit pas d’un affrontement direct avec une des composantes du Deep State, et il ne semble pas, du moins pour le moment, que l’Ukraine reste totalement sans aide made in USA, mais cela signale une inversion de tendance qui inquiète beaucoup ces cercles, car ils ne supportent aucune limitation.

Il reste que le texte doit être approuvé par le Congrès, où de nombreux membres ont plus ou moins ouvertement des liens avec l’industrie militaire. L’approbation sera très difficile, et il est probable que le plan subisse des modifications pour le rendre moins désagréable, voire même plus acceptable pour ceux qui profitent des guerres faites par les États-Unis ( déclarées ou non).