samedi, 21 juin 2025
L'Iran est certes une théocratie mais jusqu’à un certain point seulement... - Sur l’architecture institutionnelle de Téhéran
L'Iran est certes une théocratie mais jusqu’à un certain point seulement...
Sur l’architecture institutionnelle de Téhéran
par Giorgio Cataldo (*)
Source: https://www.barbadillo.it/122220-iran-teocrazia-ma-fino-a...
Les agences de presse ont diffusé la nouvelle selon laquelle le Guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, aurait transféré les pouvoirs exécutifs aux Pasdaran, c’est-à-dire au Corps des Gardes de la Révolution, le groupe militaire qui a joué un rôle décisif lors de la Révolution khomeyniste de 1979 et qui continue d’exercer des missions et fonctions pour la protection des principes de la Révolution (art. 150).
Si cela est confirmé, il s’agirait d’une décision d’urgence qui n’est pas formellement prévue par la Constitution iranienne, qui prévoit en réalité, dans ses procédures, des modalités différentes, tout aussi adaptées à la phase délicate que traverse la République.
Une première procédure consiste à confier la responsabilité des devoirs du Guide, en cas d’incapacité temporaire, à un Conseil provisoire composé du Président de la République, du Président de l’Organe Judiciaire et d’un des juristes du Conseil des Gardiens élu par le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État (art. 111). Il faut préciser que le Conseil des Gardiens (à ne pas confondre avec le Corps des Gardiens mentionné ci-dessus) joue un rôle similaire à celui d’un juge constitutionnel, en vérifiant la compatibilité des normes adoptées par l’Assemblée parlementaire avec la Constitution et les préceptes de l’Islam (art. 94) ; en revanche, le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État est une sorte de « super » juge constitutionnel, qui tranche, entre autres, les conflits d’interprétation entre le Conseil des Gardiens et l’Assemblée (art. 112).
Une seconde procédure concerne l’implication du Conseil suprême de sécurité nationale, créé pour garantir l’intérêt national et protéger la Révolution islamique, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale (art. 176). Cet organe a été central lors de l’urgence du coronavirus, et sa particularité réside dans le fait que ses décisions ne nécessitent pas obligatoirement d’être publiées dans les sources officielles, la ratification par le Guide étant suffisante (et, peut-être, une communication informelle par moyens de télécommunication).
Une troisième procédure consiste en la proclamation de l’état de siège et la formation d’un gouvernement militaire, dont les décisions ont une validité provisoire, devant être converties par l’Assemblée (un peu comme notre décret-loi) (art. 79).
La situation concrète actuelle a semblé si atypique qu’elle aurait incité le Guide suprême à confier les pouvoirs exécutifs aux Pasdaran, en dérogation à la Constitution elle-même, si les informations dont nous disposons sont exactes.
Une occasion de comprendre la particularité de la « théocratie » islamique
L’ensemble du cadre esquissé, tant ce qui concerne les procédures prévues de façon abstraite que ce qui concerne la décision concrète, laquelle semble avoir été adoptée, est intéressant, entre autres, parce qu’il permet d’observer l’ordre iranien au-delà de la simple définition de « théocratie ».
Il est vrai que l’élément religieux constitue une constante dans le fonctionnement des organes cités, mais:
– les Pasdaran sont des militaires révolutionnaires, pas du tout des membres du clergé.
– le Conseil des Gardiens est composé de 6 juristes islamiques (Fuqaha) nommés par le Guide suprême et de 6 juristes laïcs nommés par l’Organe judiciaire sur proposition de l’Assemblée (qui elle-même est composée de laïcs et de clercs).
– le Conseil pour le Discernement de l’Intérêt Supérieur de l’État est composé de membres issus de divers horizons (juristes, militaires, clercs, politiciens, etc.), nommés par le Guide.
– le Conseil suprême de sécurité nationale est composé des hauts responsables des trois Pouvoirs de l’État, du commandant du quartier général des forces armées, du responsable de la planification économique et financière, de deux représentants choisis par le Guide, des ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Services de renseignement, du Commandant général des forces armées et des Gardiens de la Révolution.
– le même Guide suprême, qui est un clerc de très grande influence, est élu par un Conseil d’experts, dont les membres sont eux aussi élus par le peuple parmi des représentants de diverses origines (juristes, militaires, clercs, politiciens, etc.) (art. 107) !
Le Guide suprême – l’unique à avoir été élu à cette fonction est actuellement Ali Khamenei, successeur de Ruhollah Khomeini, dont le mandat était à durée indéfinie – est reconnu comme un juriste-clerc expérimenté capable d’interpréter les préceptes de l’Islam.
Un ordre en attente d’une véritable théocratie
L’ensemble du système constitutionnel iranien pourrait même être qualifié de provisoire en l’absence d’une véritable théocratie. L’Iran est une nation chiite. Le chiisme est la seconde plus grande branche de l’Islam. La première est le sunnisme, qui est la plus répandue. Comme il est de notoriété, ces deux grandes traditions se divisent principalement sur la succession du Prophète Mahomet. Les chiites en tirent leur origine de la fille Fatima et du cousin et époux, Alī ibn ʾAbī Ṭālib, considéré comme le premier Imam (guide). Les sunnites, en revanche, rejettent cette interprétation et évoquent la femme de Mahomet, en considérant, pour simplifier, que toute personne pouvant proclamer être Imam mérite de l’être.
Cela a des répercussions sur le plan juridique-institutionnel du gouvernement de la communauté islamique. Le sunnisme confond la guidance religieuse avec la guidance séculière. Dans ce cas, le terme « théocratie » paraît tout à fait approprié. Le chiisme, en revanche, considère qu’une figure directement issue de la lignée d’Alī est nécessaire. Cependant, là réside le problème, d’une portée eschatologique extrême: le douzième Imam aurait disparu au 9ème siècle pour échapper aux persécutions du califat sunnite. Cela a privé toute légitimité aux gouvernances politiques ultérieures. Depuis des siècles, les chiites acceptent à contrecœur les autorités politiques en place. Pour l’Iran, cependant, Ruhollah Khomeini a élaboré la théorie du « jurisconsulte expérimenté »: il faut qu’une personne autorisée gouverne, capable d’interpréter les préceptes de l’Islam de la manière la plus cohérente possible (toutefois elle ne sera jamais parfaite), en attendant le retour de l’Imam. Sur cette base, la Révolution de ’79 (renversant le Shah de l’époque en Perse) a été menée, et c’est sur elle que repose le régime actuel.
Lectures recommandées :
- Cantaro – F. Losurdo, “Secolarizzazione” e “desecolarizzazione” negli ordinamenti giuridici islamici, in Dir. pubbl. comp. eur., 2/2014;
- De Grazia, Fonti del diritto e fattore religioso. Aspetti di diritto costituzionale comparato. Israele, Iran, Città del Vaticano, Napoli, 2013;
- Khomeini (1995-2000), Il governo islamico o l’autorità spirituale del giuriconsulto, trad. it. a cura di A. Cancian, Rimini, 2006;
- P.L. Petrillo, Iran, Bologna, 2008;
- A.R. Jalali, Alcune particolarità sulla forma di governo della Repubblica Islamica dell’Iran da Khomeini a Rouhani, in DPCE Online, 1/2015;
- (se si vuole), G. Cataldo e A.R. Jalali, La stabilità istituzionale come principio supremo dell’ordinamento iraniano nelle misure di contrasto al Coronavirus, in DPCE Online, 2/2020.
(*) Enseignant contractuel auprès des Institutions de droit public à l'Université de Salento.
13:17 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, iran, islam, chiisme | |
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