jeudi, 27 novembre 2025
Friedrich Nietzsche, Gilles Deleuze et l'éternel retour

Friedrich Nietzsche, Gilles Deleuze et l'éternel retour
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/friedrich-nietzsche-...
Dans son ouvrage complexe publié en 1962, Nietzsche et la philosophie, le postmoderniste français Gilles Deleuze (1925-1995) cherche tellement à faire correspondre les idées de Nietzsche à sa propre vision matérialiste du monde que certains aspects de l'œuvre du penseur allemand sont complètement relégués au second plan. Lorsque Deleuze aborde la notion d'éternel retour, par exemple, à laquelle Nietzsche fait allusion dans Le Gai Savoir (1882) et Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1891), il affirme que ce concept contient « les parties les plus obscures de la philosophie de Nietzsche et constitue un élément presque ésotérique de sa doctrine » (p. 69).

Ailleurs, Deleuze suggère que La généalogie de la morale (1887) de Nietzsche est une tentative flagrante de réécrire la Critique de la raison pure (1781) d'Emmanuel Kant, même si Nietzsche s'abstient de discuter des questions relatives à l'épistémologie dans cet ouvrage particulier et ne mentionne à aucun moment Kant lui-même.
Deleuze, comme Emma Goldman (1869-1940) avant lui, admirait beaucoup l'attitude intransigeante de Nietzsche et tentait de rehausser ses propres références révolutionnaires en créant une forme de nietzschéisme de gauche.
On peut débattre de la question de savoir s'il y parvint réellement, mais pour revenir à sa discussion sur l'éternel retour, je suis d'accord avec Deleuze pour dire que certaines remarques de Nietzsche sur la nature des tendances réactives s'expliquent par la relation entre la volonté de néant et l'éternel retour lui-même.
La volonté de néant, rappelons-le, est le nom que Nietzsche donne à la philosophie pessimiste d'Arthur Schopenhauer (1788-1860), selon laquelle la vie se détourne d'elle-même parce qu'elle ne trouve aucune valeur réelle dans le monde. Elle est similaire, à bien des égards, au bouddhisme. Cette tendance est bien sûr présentée comme la voie du nihiliste, décrite à titre posthume par Nietzsche dans La Volonté de puissance (1901) comme « un homme qui juge le monde tel qu'il est comme il ne devrait pas être, et le monde tel qu'il devrait être comme s'il n'existe pas ».
La volonté de néant est donc d'une importance vitale dans le schéma philosophique des choses car, comme le note Deleuze, en entrant en contact avec l'éternel retour, « elle rompt son alliance avec les forces réactives » et donc « l'éternel retour peut compléter le nihilisme car il fait de la négation une négation des forces réactives elles-mêmes » (p. 70).

En d'autres termes, bien que le nihilisme soit généralement perçu comme l'apanage des faibles, il devient ici l'instrument de leur propre autodestruction.
Avant cette association ironique entre la volonté de néant et l'éternel retour, la première était toujours présentée comme quelque chose qui s'alliait aux forces réactives et qui, par conséquent, cherchait inévitablement à nier ou à étouffer la force active. Nietzsche, en 1901, avait déjà observé que « la loi de conservation de l'énergie exige l'éternel retour ». La volonté de néant, en revanche, n'est qu'une forme incomplète de nihilisme et, comme le note Deleuze: « La négation active ou la destruction active est l'état des esprits forts qui détruisent le réactif en eux-mêmes, le soumettant à l'épreuve de l'éternel retour et se soumettant eux-mêmes à cette épreuve, même si cela implique de vouloir leur propre déclin » (Ibid.).
La négation est donc radicalement transformée en un état d'affirmation dans ce qui peut finalement être interprété comme une métamorphose dionysiaque.
18:11 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, gilles deleuze, friedrich nietzsche |
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