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mercredi, 21 janvier 2015

Houellebecq: interview pour "La Nacion"

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MICHEL HOUELLEBECQ : «L’ISLAMOPHOBIE N’EST PAS UNE FORME DE RACISME»
 
Interview pour La Nación, Buenos Aires

Sylvain Bourmeau
Ex: http://metamag.fr

L’auteur des “particules élémentaires” a, de nouveau, mis le doigt dans la plaie, avec un livre de fiction qui aborde le futur de la France et le rôle de l’Islam. Soumission, son sixième roman, se déroule en 2022. La France vit dans la peur. Le pays est agité à cause de mystérieux problèmes. Les médias, volontairement, occultent la violence urbaine quotidienne. Tout est étouffé, le public est laissé dans l’obscurité et, en quelques mois, le chef d’un parti musulman récemment crée est élu président. La nuit du 5 juin, lors d’une segonde élection, la première ayant été annulée pour fraude caractérisée, Mohammed Ben Abbes sort vainqueur face à Marine Le Pen grâce à l’appui tant de la gauche que de la droiteLe lendemain, les femmes abandonnent les vêtements occidentaux. La majorité commence par utiliser de grandes tuniques de coton au-dessus de leurs pantalons ; réagissant positivement aux indications du gouvernement, elles quittent massivement leurs emplois. Le chômage masculin baisse rapidement du jour au lendemain. Dans les quartiers autrefois dangereux les crimes deviennent rares. Les universités adoptent la référence islamique. Les professeurs qui ne se convertissent pas en signe de soumission au nouveau régime n’ont d’autre possibilité que la retraite anticipée. 

La Naciòn : Pourquoi l’avez vous écrit ?

Michel Houellebecq :Pour diverses raisons. En premier lieu, c’est tout simplement mon travail, quoique le mot ne me plaise pas. J’ai observé de grands changements lorsque je suis revenu m’installer en France, quoique ces changements ne soient pas spécifiquement français mais occidentaux en général. La seconde raison est que mon athéisme n’a pas survécu à la quantité de morts auxquels j’ai été confronté. De fait, cela a commencé à me paraître insoutenable. 

La mort de votre chien, de vos parents ?

Oui, ce furent beaucoup de choses en peu de temps. Un élément est peut-être que, contrairement à ce que je pensais, jamais je ne fus totalement athée. J’étais agnostique. Normalement, ce qualificatif sert de paravent à l’athéisme, mais cela ne me paraît pas être exact dans mon cas. Au vu de tout ce que je sais aujourd’hui, lorsque je réexamine la question de l’existence ou non d’un créateur, d’un ordre cosmique, ce genre de choses, je me rends compte que ma seule certitude est de ne pas avoir de réponse.

Comment définiriez-vous ce roman ? 

L’expression de politique fiction n’est pas mal. Je ne pense pas avoir lu beaucoup de romans du même type, parfois j’en ai lu, mais plus dans la littérature anglaise que française.

A quelles œuvres pensez-vous ?

A certains livres de Conrad ou de John Buchan. A des ouvrages plus récents aussi, des thrillers, mais pas aussi bons. Un thriller peut se dérouler dans un cadre politique, pas seulement dans le monde des affaires. Mais il existe une troisième raison à la rédaction de ce roman : j’aimais la manière dont il débutait. J’écrivis la première partie, jusqu’à la page 26, d’un trait. Je la trouvais très convaincante, car il m’est très facile d’imaginer un étudiant rencontrant un ami dans le personnage de Huysmans auquel il dédie alors sa vie. Cela ne m’est pas arrivé. J’ai lu Huysmans beaucoup plus tard, lorsque j’avais quasiment 35 ans je crois, mais vraiment il m’aurait beaucoup plu de le lire. Je crois qu’il aurait été pour moi un véritable ami. De sorte qu’après avoir rédigé ces 26 pages, je n’ai plus rien fait de quelques temps. C’était en janvier 2013 et j’ai repris le texte cet été. Mais à l’origine le projet était différent. Il n’allait pas s’appeler Soumission ; le premier titre était La Conversion. Dans le projet originel, le narrateur se convertissait aussi mais au Catholicisme. Ce qui signifie qu’un siècle après Huysmans, il suivait la même voie, puisque Huysmans abandonne le naturalisme pour devenir catholique. Mais j’ai été incapable de réaliser le projet. 

Pourquoi ?

Ça ne collait pas. Selon moi, la scène essentielle du livre se trouve au moment où le narrateur jette un œil à la Vierge Noire de Rocamadour, ressent un pouvoir spirituel, un peu comme des vagues, et soudain elle disparaît dans le passé et lui retourne au parking, seul et désespéré.


Le livre est-il un roman satirique ?

Non. Sincèrement, il est possible qu’une petite partie du livre se moque des journalistes politiques et des hommes politiques aussi. Mais les personnages principaux ne sont pas ridiculisés. 

D’où tenez-vous l’idée d’une élection présidentielle en 2022 dont les protagonistes seraient Marine Le Pen et le chef d’un parti musulman ?

Marine Le Pen me paraît une candidate plausible pour 2022 et peut-être même pour 2017. Le parti musulman c’est différent. Là se trouve le noyau dur du problème, là se trouve la vérité. J’ai essayé de me placer du point de vue d’un musulman et me suis rendu compte qu’ils étaient dans une situation totalement schizophrénique. En général, les musulmans ne s’intéressent pas aux thèmes économiques. Leurs préoccupations sont plutôt sociétales. Sur ces questions ils se situent très loin de la gauche et des verts. Il suffit de penser au mariage homosexuel pour comprendre ce que je veux dire. Mais cela s’applique à une grande quantité d’autres thèmes. On ne voit pas non plus de raisons pour qu’ils votent en faveur de la droite, ou de l’extrême droite qui n’en veut pas. Aussi, lorsqu’un musulman veut voter, qu’est-il censé devoir faire ? La vérité est qu’il se trouve dans une situation impossible. Il n’a aucune représentation. Ce serait une erreur de dire que sa religion n’a aucune conséquence politique. En réalité il y en a. Il y en a aussi pour les catholiques même si ces derniers ont été plus ou moins marginalisés. Pour toutes ces raisons il me paraît que l’idée d’un parti musulman est très réaliste. 


Mais de là à imaginer qu’un parti de ce type puisse être en mesure de gagner des élections présidentielles dans 7 ans…

Je suis d’accord, ce n’est pas très réaliste. Pour deux raisons, en réalité. D’abord, et cela est le plus difficile à imaginer, les musulmans devraient apprendre à s’entendre entre eux. Pour cela, il faudrait quelqu’un d’extrêmement intelligent et doté d’un immense talent politique, qualités que je prête à mon personnage Ben Abbes. Mais un talent extraordinaire, par définition, est rare. Et même en supposant que ce personnage existât et que le parti montât en puissance, cela demanderait plus de 7 ans. Si on observe l’action des frères musulmans, on constate des réseaux régionaux, des œuvres sociales, des centres culturels, des lieux de prière, des centres de vacances, des services de soins, quelque chose qui ressemble à ce qu’avait fait le parti communiste. Je dirais que dans un pays où la pauvreté se répand, ce parti pourrait attirer des gens au-delà du musulman “moyen” si je peux l’appeler ainsi, puisqu’en réalité il n’existe pas aujourd’hui de musulman moyen depuis qu’on observe la conversion à l’Islam de personnes qui ne sont pas d’origine nord-africaine. Mais un processus de ce type demanderait plusieurs décennies. Le sensationalisme des médias joue en réalité un rôle négatif. Par exemple, ils ont aimé l’histoire du "type" qui vivait dans un village de Normandie, qui était “de souche”, qui ne venait pas d’une famille décomposée et qui s’est converti puis est parti en Syrie pour participer à la guerre sainte. Il est raisonnable de penser que pour chaque "type" qui se comporte ainsi il s’en trouve des douzaines d’autres qui ne font rien de semblable. Après tout, on ne fait pas la guerre sainte pour s’amuser, cela ne concerne que les individus qui sont suffisamment motivés pour exercer la violence, ce qui signifie qu’il s’agit simplement d’une minorité.

 
On pourrait aussi prétendre que ce qui les intéresse n’est pas la conversion mais le fait d’aller en Syrie. 

Je ne suis pas d’accord. Je crois qu’un Dieu est nécessaire et que le retour de la religion n’est pas un slogan mais une réalité qui progresse clairement.

 
Cette hypothèse est fondamentale pour le livre, mais on sait que de nombreux “chercheurs” la dédaignent depuis des années, affirmant avoir démontré que nous assistons en réalité a une sécularisation progressive de l’Islam et que la violence et la radicalisation doivent s’analyser comme les derniers instants de l’islamisme. C’est le type d’affirmation que l’on trouve chez Olivier Roy et chez d’autres individus qui s’intéressent à cette question depuis plus de 20 ans. 

Ce n’est pas ce que j’ai observé, quoi qu’en Amérique du Nord et du Sud l’islam ait moins prospéré que les sectes évangélistes. Ce n’est pas un phénomène français, c’est global. Je ne connais pas le cas de l’Asie, mais celui de l’Afrique est intéressant car il y a là deux puissantes religions en progrés : le christianisme évangélique et l’islam. Sur beaucoup de points je reste un disciple d’Auguste Comte et ne crois pas qu’une société puisse survivre sans religion. 

Mais pourquoi avoir pris la décision de raconter ces choses d’une manière dramatique tant exagérée tout en reconnaissant que la thèse d’un président musulman en 2022 est peu réaliste  ? 

Cela doit être mon côté production pour un marché de masses, ma dimension Thriller.


Vous ne l’appelleriez-pas votre côté Eric Zemmour ?

Je ne sais pas, je n’ai pas lu son livre


Lui et quelques autres écrivains se recoupent, malgré leurs différences, et décrivent une France contemporaine qui me paraît fantaisiste, dans laquelle la menace de l’Islam se resserre sur la société française. Cela constitue aussi un de vos principaux éléments. La trame de votre roman, me semble-t-il, l’accepte comme hypothèse et promeut une description de la France contemporaine semblable à celle qui ressort du travail de ces intellectuels.

 Je ne sais pas, je connais seulement le titre du livre de Zemmour [ Le Suicide français ] et cela ne correspond pas du tout à ma manière de voir. Je ne crois pas que l’on assiste au suicide de la France. Je crois que ce à quoi l’on assiste est pratiquement le contraire. L’Europe se suicide mais, au milieu de l’Europe, la France tente désespérément de survivre. C’est quasi l’unique pays qui lutte pour survivre, le seul dont la démographie lui permette de survivre. Le suicide a une cause démographique. C’est la meilleure manière de se suicider et la plus efficace. Justement, la France ne se suicide absolument pas. Je dirai même que la conversion est un signal d’espérance, et non une menace. Cela dit, il ne me semble pas que les personnes se convertissent pour des raisons sociales ; les raisons de se convertir sont plus profondes, y compris le fait que mon livre me contredise légèrement, puisque Huysmans reste le paradigme de l’homme qui se convertit pour des raisons purement esthétiques. En réalité, les questions qui préoccupent Pascal laissent Huysmans de marbre. Il ne les mentionne jamais. Cela me coûte même d’imaginer un esthète de ce type. Pour lui, la beauté était la preuve. La beauté d’une rime, d’un tableau, de la musique prouvait l’existence de Dieu. 

Cela nous ramène à la question du suicide, étant donné que Baudelaire a déclaré à propos de Hysmans que le seul choix à sa portée était le suicide ou la conversion.

Non, celui qui a émis ce commentaire est Barbey d’Aurevilly, et cela avait du sens, surtout après avoir lu À rebours. Je l’ai relu avec attention et, finalement, si, il est chrétien. C’est troublant. 

Pour reprendre le problème de vos exagérations peu réalistes, vous décrivez dans le roman, sous une forme vague et floue, divers phénomènes mondiaux, cependant le lecteur ne sait jamais exactement ce qu’ils sont. Cela nous entraîne dans le monde de la fantaisie, n’est-ce-pas ? vers la politique de la terreur. 

Oui, peut-être. Oui, le livre possède un côté terrible. J’utilise les tactiques de l’angoisse. 

Comme celle qui consiste à imaginer une situation où l’Islam s’empare du pays ?

En réalité, on ne sait pas avec clarté de quoi on devrait avoir peur, si ce sont des autochtones ou des musulmans. J’ai laissé la question ouverte.


Est-ce que vous vous êtes demandé quel pourrait être l’effet d’un roman construit sur cette hypothèse ? 

Néant. Absolument aucun effet.


Vous ne croyez pas qu’il va conforter l’image d’une France que je viens de décrire, celle où l’islam est suspendu sur notre tête comme une épée de Damoclés, comme la possibilité la plus horrible?

De toutes manières les médias ne parlent pas d’autres choses, ils ne pourraient pas en parler plus. Il est impossible de parler de cela plus qu’ils ne le font, de telle sorte que mon livre n’aura aucun effet. 

Vous n’avez pas envie d’écrire sur un autre thème afin de ne pas vous joindre à la meute ?

Non, une partie de mon travail consiste à parler de ce dont tout le monde parle, objectivement. J’appartiens à mon époque. 

Vous prétendez dans votre roman que les intellectuels français cherchent à éviter de se sentir responsables, mais vous êtes-vous demandé quelle était votre responsabilité comme écrivain ? 

Mais je ne suis pas un intellectuel. Je ne prends pas parti et ne défends aucun régime. Je renonce à quelque responsabilité que ce soit, je réclame l’irresponsabilité totale, sauf lorsque je donne mon opinion sur la littérature, alors oui je m’engage comme critique littéraire. Mais ce sont les essais qui changent le monde.


Les romans non ?

Bien sûr que non. Quoique je soupçonne le livre de Zemmour d’être réellement trop long. Je crois que le Capital de Marx est bien trop long. En réalité, ce qui s’est lu et a changé le monde, c’est le Manifeste Communiste. Rousseau a changé le monde, parfois il sait comment toucher directement les points clefs. C’est simple. Si vous voulez changer le monde, il faut dire comment il est réellement et ce qu’il convient de faire pour le changer. On ne peut se perdre en considérations romanesques. C’est inefficace.


Mais il ne manquerait plus que je dise comment utiliser un roman en tant qu’instrument épistémologique. Ce fut le thème de “La carte et le territoire”. Dans ce livre vous avez adopté des catégories pour décrire, des oppositions, qui sont plus que douteuses. C’est le type de catégories employées par les éditeurs de Causeur, par Alain Finkielkraut, Eric Zemmour ou Renaud Camus. Par exemple, l’opposition entre l’antiracisme et le sécularisme.

On ne peut nier qu’il y ait là une contradiction.


Je ne la vois pas. Au contraire, les mêmes personnes sont souvent à la fois antiracistes militantes et ferventes défenseurs du sécularisme, les deux plongeant leurs racines dans les lumières.

Voyez, les lumières sont mortes, qu’elles reposent en paix. Un exemple parlant ? La candidate de gauche du parti de Besancenot portait le voile. Voilà une contradiction. Mais seuls les musulmans sont en réalité dans une situation schizophrénique. Au niveau des valeurs, les musulmans ont plus de point commun avec la droite qu’avec la gauche. L’opposition est bien plus fondamentale entre un musulman et un athée qu’entre un musulman et un catholique. Cela me paraît évident. 

Mais je ne comprends pas le lien avec le racisme.

Tout simplement parce qu’il n’y en a pas. Si on parle objectivement, il n’y en a pas. Quand je suis passé en jugement pour racisme et que finalement j’ai été acquitté, il y a maintenant une dizaine d’années, le juge a correctement conclus que la religion musulmane n’est pas un attribut racial. Cela, aujourd’hui, est devenu plus évident. De telle sorte que la portée du mot racisme a été étendue pour inventer le délit d’islamophobie. 

Peut-être le mot était-il mal choisi, mais il existe des manières de stigmatiser des groupes ou des catégories de personnes, qui sont des formes de racisme.

Non, l’islamophobie n’est pas une forme de racisme. Si quelque chose est devenu évident aujourd’hui, c’est bien cela.


L’islamophobie sert d’écran à un type de racisme qui ne peut plus s’exprimer aujourd’hui à cause de la loi.

 Je crois que c’est faux. Tout simplement. Je ne suis pas d’accord. 

Vous utilisez une autre dichotomie douteuse, l’opposition entre l’antisémitisme et le racisme, quand en réalité nous pouvons déceler diverses époques durant lesquelles les deux choses étaient liées. 

Je crois que l’antisémitisme n’a rien à voir avec le racisme. Il se trouve que je cherche à comprendre l’antisémitisme depuis longtemps. A première vue, on est tenté de le relier au racisme. Mais de quel racisme parlons-nous lorsqu’une personne ne peut pas deviner si quelqu’un est juif ou ne l’est pas parce que la différence est invisible ? Le racisme est plus élémentaire que tout cela, il s’agit d’une différence de couleur de peau. 

Non, parce que le racisme culturel existe depuis longtemps chez nous.

Mais alors vous demandez aux mots de signifier des choses qu’ils ne veulent pas dire. Le racisme est simplement le fait qu’une personne ne nous plaise pas parce qu’elle appartient à une autre race, parce qu’elle n’a pas la même couleur de peau, ou les mêmes traits, etc. On ne peut élargir le mot pour lui donner une autre signification. 

Mais puisque du point de vue biologique les races n’existent pas, le racisme est nécessairement culturel. 

Mais le racisme existe, apparemment, de partout. Il est évident qu’il a existé depuis le moment où les races ont commencé à se mélanger. Soyez honnête! Vous savez très bien qu’un raciste est quelqu’un qui n’apprécie pas une autre personne parce qu’elle a la peau noire ou une tête d’arabe. Le racisme c’est cela.


Ou à cause de ses valeurs ou de sa culture.

Non, c’est un problème différent. Désolé.


Parce qu’il est polygame par exemple.

Ah mais quelqu’un peut-être scandalisé par la polygamie sans être raciste du tout. Cela doit être le cas de beaucoup de gens qui ne sont pas du tout racistes. Mais revenons à l’antisémitisme car nous avons dévié. Puisque personne n’a jamais pu deviner si quelqu’un est juif à partir de son aspect ou de son mode de vie, étant donné que lorsque l’antisémitisme s’est développé, peu de juifs menaient une vie réellement juive, que pourrait signifier l’antisémitisme? Ce n’est pas une forme de racisme. Tout ce qu’il faut faire, c’est lire les textes pour se rendre compte que l’antisémitisme n’est rien de plus qu’une théorie de la conspiration : des gens dans la coulisse sont responsables de toutes les difficultés du monde, ils conspirent contre nous, il y a un intrus parmi nous. Si le monde va mal c’est à cause des juifs, à cause des banques juives. C’est une théorie de la conspiration. 

Mais dans le roman Soumission, n’y-a-t-il pas une théorie de la conspiration, l’idée qu’une “grande substitution” est à l’œuvre, que les musulmans sont en voie de s’emparer du pouvoir ? 

Je ne connais pas bien cette théorie de “la grande substitution”, mais j’accepte qu’elle ait une relation avec la race. Alors que mon livre ne parle pas d’immigration. Ce n’est pas le thème.

Ce n’est pas nécessairement racial, cela peut être religieux. Dans ce cas, votre livre décrit le remplacement du catholicisme par l’Islam.

Non. Mon livre décrit la destruction de la philosophie héritée des lumières, qui n’a plus de sens pour personne, ou seulement pour une poignée. Le catholicisme cependant, ne va pas mal du tout. Je maintiens qu’une alliance entre les catholiques et les musulmans est possible. On l’a déjà vu dans le passé. Cela pourrait se répéter. 

Vous êtes devenu agnostique. Pouvez-vous observer ce qui se passe avec plaisir et voir comment est détruite la philosophie des Lumières?

Oui. Cela doit arriver un jour ou l’autre et il se pourrait bien que ce soit maintenant. En ce sens aussi je suis Comtien. Nous nous trouvons dans ce qu’il appelait l’étape métaphysique, laquelle a commencé au Moyen Âge, et son émergence a détruit la phase précédente. En elle même, la philosophie des Lumières ne peut rien produire, uniquement du vide et du malheur. De telle sorte que oui, je suis hostile à la philosophie des lumières, cela doit être bien clair. 

Pourquoi avez-vous choisi le monde universitaire comme cadre de votre roman? Parce qu’il incarne les Lumières ?

Je ne sais pas vraiment. La vérité est que je voulais qu’il existât une seconde histoire dans l’histoire, assez importante, et qui se pencherait sur Huysmans. Ainsi m’est venue l’idée de mettre en scène un universitaire.


Vous saviez, depuis le début, que vous écririez ce roman à la première personne ?

Oui, parce que c’était un jeu avec Huysmans. Il en fut ainsi depuis le début.


Une nouvelle fois, vous avez mis en scène un personnage qui est en partie un autoportrait. Pas totalement, bien sûr, mais on trouve par exemple la mort de vos parents. 

Oui, j’ai utilisé certains éléments, quoique les détails soient très différents. Mes personnages principaux ne sont jamais des autoportraits, mais toujours des projections. Par exemple : Si j’avais lu Huysmans jeune, et que j’eusse étudié la littérature et choisi la carrière de professeur? J’imagine des vies que je n’ai pas vécu. 

Tout en permettant que des faits réels s’insèrent dans les vies fictives.

.J’utilise des faits qui m’ont affecté dans la vie réelle, oui. Mais chaque fois je les transpose. Dans ce livre, ce qui reste de la réalité est l’élément théorique (la mort du père) mais tous les détails sont différents. Mon père était très différent du personnage du roman, sa mort n’est pas du tout survenue ainsi. La vie me donne seulement les idées de base.


En écrivant ce roman avez-vous eu la sensation d’être une Cassandre, un prophète de la catastrophe?

Réellement, ce livre ne peut être décrit comme étant une prédiction pessimiste. A la fin, les choses ne se terminent réellement pas si mal. 


Elles ne se terminent pas si mal pour les hommes, mais pas pour les femmes.

Oui, c’est un problème très différent. Cependant, je considère que le projet de reconstruire l’Empire romain n’est pas si stupide ; si cela réoriente l’Europe vers le Sud alors tout commence à acquérir un certain sens, même si en ce moment il n’y en a aucun. Politiquement, on peut même se réjouir de ce changement ; en réalité il n’y a aucune catastrophe. 

Cependant le roman apparaît particulièrement triste.

Oui, il y a une profonde tristesse sous-jacente. Mon opinion est que l’ambiguïté culmine dans la dernière phrase “il n’y aurait aucune raison pour garder le deuil”. En réalité, on pourrait terminer le livre en ressentant exactement le contraire. Le personnage a deux bonnes raisons pour garder le deuil : Myriam et la Vierge Noire. Mais finalement il ne les regrette pas. Le roman baigne dans la tristesse sous la forme d’une ambiance de résignation.


Comment situez-vous ce roman par rapport à vos autres livres ? 

On pourrait dire que j’ai réalisé des choses que je voulais faire depuis longtemps, des choses que je n’avais jamais réalisées avant. Par exemple, mettre en scène un personnage très important que jamais personne ne voit, comme Ben Abbes. Aussi, il me paraît que la fin de l’histoire d’amour est la plus triste que j’aie jamais écrite, quoique ce soit la plus banale : les yeux ne voient plus, le cœur ne sent plus rien. Ils avaient des sentiments. De manière générale, la sensation d’entropie est beaucoup plus forte que dans mes autres livres. On y trouve un côté sombre, crépusculaire qui explique la tristesse du ton. Par exemple, si le catholicisme ne fonctionne plus c’est parce qu’il a porté tous ses fruits, et paraît désormais lié au passé ; il s’est vaincu lui même. L’islam est une image du futur. Pourquoi l’idée de Nation s’est-elle épuisée? Parce qu’on a abusé d’elle durant trop de temps. 

On ne trouve là aucun trait de romantisme, et encore moins de lyrisme. Nous sommes entrés en décadence.

C’est exact. Le fait d’avoir commencé avec Huysmans doit avoir une relation avec cela. Huysmans ne pouvait pas revenir au romantisme, mais il lui restait la possibilité de se convertir au catholicisme. Le point de contact le plus clair avec mes autres livres est que la religion, quelle qu’elle soit, est nécessaire. Cette idée apparaît dans beaucoup de mes livres. Dans celui-ci aussi sauf que cette fois il s’agit d’une religion existante.


Quelle est la place de l’humour dans ce livre ? 

On trouve des personnages comiques par-ci par-là. Je dirais qu’en réalité c’est comme d’habitude, on y trouve le même nombre de personnages ridicules. 

Nous n’avons pas beaucoup parlé des femmes. Une de fois de plus, vous serez critiqué sur ce point. 

Evidemment, le livre ne plaira pas à une féministe. Mais je ne peux rien y faire.


Cependant, vous fûtes surpris que les lecteurs eussent qualifié de misogyne “Extension du domaine de la lutte”. Votre nouveau roman ne va pas améliorer les choses. 

Je continue de penser que je ne suis pas misogyne. De toutes manières, je dirais que cela n’a aucune importance. Il se peut cependant que les gens ne soient pas content de ma démonstration, puisque je montre que le féminisme est condamné par la démographie. De sorte que l’idée sous-jacente, qui pourrait vraiment déplaire, est que l’idéologie importe peu face à la démographie. 

Ce livre ne prétend donc pas être une provocation ?

 Il accélère l’histoire; mais non, on ne peut pas dire qu’il soit une provocation, si ce terme signifie que l’on dit des choses considérées comme incertaines seulement pour énerver les gens. Je condense une évolution qui me paraît réaliste.


Pendant que vous écriviez ou relisiez le livre, avez-vous anticipé quelques réactions possibles lors de sa publication ?

 Je suis totalement incapable de prévoir ces choses là.


Certains pourraient être surpris de votre nouvelle orientation puisque le livre précédent fut accueilli triomphalement ce qui réduisit au silence vos critiques. 

La réponse correcte est que, franchement, je ne l’ai pas choisie. Le livre commença avec une conversion au catholicisme qui eut dû se faire mais ne se fit pas. 


N’y-a-t-il pas quelque chose de désespéré dans ce processus, que vous n’avez pas réellement choisi?

 Le désespoir provient du fait que l’on abandonne une civilisation très ancienne. Mais finalement le Coran me semble meilleur que ce que je pensais, maintenant que je l’ai relu - ou plutôt lu - La conclusion évidente est que les djihadistes sont de mauvais musulmans. Obligatoirement, comme dans tout livre religieux, une certaine latitude est laissée à l’interprétation. Mais une lecture honnête devrait conclure qu’en général l’agression par la guerre sainte n’est pas approuvée, seule la prière est valide. On peut donc dire que j’ai changé d’opinion. Pour cela je ne sens pas que j’écris à partir d’une peur. Je sens plutôt que l’on peut se préparer peu à peu. Les féministes ne pourront pas le faire, s’il faut absolument être honnête. Mais moi et beaucoup d’autres si, nous pourrons. 

On pourrait remplacer le mot féministes pour celui de femmes, non ? 

Non, on ne peut pas remplacer le mot féministes par celui de femmes. Vraiment pas. Je montre clairement que les femmes aussi peuvent se convertir.


Texte traduit par notre collaborateur Auran Derien

mardi, 20 janvier 2015

« Soumission » de Michel Houellebecq

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«Soumission» de Michel Houellebecq

 
par Francis Richard
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Le mot d'islam veut dire soumission. Le titre du dernier roman de Michel Houellebecq n'est donc pas choisi par hasard. Car il est effectivement question d'islam dans Soumission et de... soumission.

Nous sommes en 2022. En 2017, François Hollande a été réélu et son deuxième quinquennat a été aussi médiocre que le premier. L'histoire débute au moment du premier tour des élections présidentielles qui lui donneront un successeur.

Le narrateur, François, aura bientôt 44 ans. Pendant sept ans il a fait une thèse sur Karl-Joris Huysmans, qu'il a soutenue en juin 2007 et qui lui a valu les félicitations du jury à l'unanimité. C'est une thèse de poids - sept cent quatre-vingt huit pages -, devenue depuis lors un ouvrage de référence.

Sa voie était toute tracée: "Les études universitaires dans le domaine des lettres ne conduisent comme on le sait à peu près à rien, sinon pour les étudiants les plus doués à une carrière d'enseignement universitaire dans le domaine des lettres - on a en somme la situation plutôt cocasse d'un système n'ayant d'autre objectif que sa propre reproduction, assorti d'un déchet supérieur à 95%."

Il est parmi les plus doués. Il deviendra donc professeur de lettres à l'Université Paris III, qui est juste un cran en-dessous de Paris IV...

Jeune, François n'a pas eu d'ambition matrimoniale, et considère qu'à son âge il est maintenant trop tard pour y songer. A ses relations amoureuses annuelles et épisodiques d'étudiant avec une de ses petites camarades d'études ont succédé des relations amoureuses annuelles tout aussi épisodiques de professeur avec une de ses étudiantes. Il fait la jonction estivale avec des escort girls...

Pendant la soirée électorale du premier tour des élections présidentielles, la candidate du Front national, Marine Le Pen, étant arrivée largement en tête avec 34,1 % des voix et celui de la droite traditionnelle étant éliminé avec 12,1% des voix, il faut attendre minuit pour départager le candidat qui lui sera opposé au second tour: celui du PS ou celui de la Fraternité musulmane, parti créé cinq ans plus tôt. C'est ce dernier candidat, Mohammed Ben Abbes, qui finit par l'emporter, dans un mouchoir, avec 22,3% des voix contre 21,9%.

La relation de François avec Myriam, 22 ans, qui ne semble pas l'avoir remplacé, serait-elle plus sérieuse que les autres? Voire. En tout cas il lui est reconnaissant pour tout le plaisir qu'elle lui a donné... Myriam vit chez papa maman. Or, ces derniers sont inquiets de la tournure que prennent les événements en France et décident de partir en famille pour Israël, Myriam comprise, laquelle est bien triste de quitter François, mais lui donne, en guise de cadeaux d'adieu, des plaisirs que de bons musulmans pourraient considérer comme des dépravations... François, pas rassuré non plus - les Universités ont été fermées sine die -, quitte Paris par la route et rejoint Martel dans le Lot...

Dans l'entre-deux tours des troubles éclatent. Il est bien difficile de savoir s'il faut les attribuer à des groupes djihadistes ou à des groupes identitaires. Le jour même du second tour, des bureaux de vote sont saccagés, ce qui va conduire à son invalidation et en reporter la tenue à une date ultérieure. Entretemps l'UMP, l'UDI, le PS se rallient à Mohammed Ben Abbes, musulman modéré, pour faire échec au Front national et obtenir des ministères dans le futur gouvernement, qui sera présidé par François Bayrou... Avec ces ralliements les jeux sont faits et l'élection ne se sera finalement pas faite sur l'économie mais sur les valeurs...

Avec l'élection de Mohammed Ben Abbes, qui s'avère être un président fort habile et qui ambitionne de reconstruire l'Empire romain en négociant l'entrée dans l'Union européenne du Maroc et de la Turquie, les choses évoluent, mais en douceur, grâce à la participation au pouvoir de tous les partis à l'exception du Front national, c'est-à-dire grâce à leur soumission: la délinquance baisse, le chômage itou ("C'était dû à la sortie massive des femmes du marché du travail - elle-même liée à la revalorisation considérable des allocations familiales"), de même que les dépenses sociales, dont la réduction de 85% est prévue sur trois ans.

D'autres changements majeurs interviennent, dans les domaines de l'éducation et de l'économie. La scolarité obligatoire s'arrête à la fin de l'école primaire. Le financement de l'enseignement secondaire et supérieur devient entièrement privé. La Sorbonne, par exemple, Paris III et Paris IV, est désormais financée par les Saoudiens et ne pourront y enseigner que des musulmans. Mohammed Ben Abbes a choisi en matière économique le distributivisme, troisième voie entre le capitalisme et le communisme. Il se traduit, dans la pratique, par la suppression des aides de l'Etat aux grands groupes industriels, par l'adoption de mesures fiscales en faveur des artisans et des auto-entrepreneurs.

Absent de Paris pendant plus d'un mois, François a été démis d'office de ses fonctions de professeur d'université. Il touchera en compensation la retraite qu'il aurait touchée à soixante-cinq ans. Cette démission est regrettée par le nouveau président de Paris III, Robert Rediger, qui va employer les grands moyens pour qu'il revienne enseigner dans son université.

A cette fin, dans un premier temps, il lui fait proposer par Gallimard de s'occuper de l'édition des oeuvres de Huysmans dans la Pléiade, en qualité de spécialiste reconnu; dans un deuxième temps, il le reçoit chez lui dans son hôtel particulier de la rue des Arènes à Paris où ils ont tous deux une longue discussion sur la religion et la philosophie - Robert s'est converti à l'islam et François fait chez lui la connaissance de ses deux épouses -, et il lui offre un ouvrage de vulgarisation de son cru, Dix questions sur l'islam.

Lors d'une réception, Robert explique à François pourquoi il convient de rejeter aussi bien l'athéisme que l'humanisme (là il n'a pas de mal à le convaincre parce que ce mot seul fait vomir François) et lui vante la nécessaire soumission de la femme - les marieuses existent pour trouver aux hommes les épouses qui leur conviennent -, et le retour au patriarcat. Il ne reste plus à François qu'à se convertir, c'est-à-dire à faire soumission aux lois du Créateur, s'il veut meilleur traitement, ne pas avoir à se préoccuper de trouver celles qui partageront sa couche et trouver le bonheur.

Ce livre est une fiction qui pourrait pourtant bien se produire un jour en France, pour des raisons purement démographiques (2022 est peut-être une échéance un peu trop proche toutefois pour être plausible). Dans cette hypothèse, Michel Houellebecq construit un scénario on ne peut plus probable, compte tenu de ce qu'on peut savoir des pays dirigés par des musulmans, qui ne sont de loin pas des islamistes radicaux.

A lire ce livre superbement écrit, qui a la vertu de le faire rire par moments ("le confit de canard ne paraissait pas compatible avec la guerre civile"), le lecteur ressent cependant un malaise, parce qu'il ne sait pas très bien où l'auteur veut en venir avec ce récit. Mais le sait-il lui-même? Il semble que cette histoire, à partir du moment où il en avait posé les prémices, lui ait échappé et acquis son autonomie de créature littéraire. Quoi qu'il en soit, elle donne matière à réflexion.

Son  narrateur de personnage, incapable de vivre pour lui-même, se sent, dit-il au début, "aussi politisé qu'une serviette de toilette". Il semble surtout, ce qui n'est pas incompatible, au contraire, vouloir saisir sa chance quand elle se présente et il n'est pas mécontent, après tout, avec ce changement paisible de régime, d'appartenir à la gent masculine, ce qui est bien confortable et lui permettra d'oublier Myriam...

Francis Richard, 8 janvier 2015

Soumission, Michel Houellebecq, 304 pages, Flammarion

Publication commune lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

lundi, 19 janvier 2015

Le roman de Houellebecq: le roman de l’homme indifférent

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Javier Portella

 

Le roman de Houellebecq:

 

le roman de l’homme indifférent

 

Quelle est la faute ? La soumission à l’islam, parbleu !

Ex: http://www.bvoltaire.fr

« Je n’aurais rien à regretter. » C’est par de tels mots – mis comme en exergue, seuls, perdus au début d’une page toute blanche – que prend fin le roman dont la sortie a éveillé la plus grande expectation, sans doute, de tous les temps.

Pas de remords, rien à regretter. Une faute, sans doute, a été commise. Mais elle doit être bien légère – tout est léger, sans poids, dans le monde de Houellebecq – si les regrets ne sont pas de mise. Quelle est la faute ? La soumission à l’islam, parbleu !

La soumission de tous et du protagoniste en particulier, lorsque la Fraternité musulmane prend le pouvoir en 2022. Chassé de la nouvelle université islamique Paris-Sorbonne, le « héros » du roman finit par regagner son poste et se convertir à la soumission (telle est, on le sait, la traduction du mot arabe « islam »). Tous s’y soumettent… à l’exception, faut-il supposer, des identitaires et du Front national : acteurs secondaires d’un roman qui traite avec indifférence le dernier, déverse son hostilité sur les premiers… et ignore jusqu’à la signification même de mots tels que révolte ou rébellion. Elles n’ont pas de place dans un monde où tout se passe en douceur, dans l’indifférence, avec un léger haussement d’épaules, comme si de rien n’était.

On en reste époustouflé. Malgré la dénonciation évidente de l’emprise de l’islam, Houellebecq se serait-il donc finalement rangé ? Oui et non à la fois. La plus grande ambiguïté plane sur tout le roman. Tout y est tellement subtil qu’on ne sait jamais ce qu’il faut prendre au premier, au second… ou au énième degré. C’est là toute la grandeur littéraire d’une œuvre (moi aussi, je deviens ambigu !) qui n’est pas un essai, encore moins un pamphlet. C’est un roman. Et il ne peut l’être, il ne peut être du grand art, qu’à la condition d’embrasser toute la multiplicité contradictoire du réel.

Une multiplicité dans laquelle l’islam n’est pas, cependant, la cible première. C’est nous qui sommes visés en tout premier lieu. C’est notre décadence qui est, à juste titre, pourfendue : celle d’un monde peuplé d’atomes isolés, où la famille s’estompe, les liens s’effritent, l’identité se perd, le sens disparaît, le sacré s’évanouit. L’idéologie des Lumières – l’homme pris pour seul centre du monde – a fait faillite. Son échec est manifeste, et on ne peut jusque-là qu’applaudir Houellebecq des deux mains. On ne peut que le suivre… pour nous en écarter, ébahis, lorsqu’il prétend que c’est justement l’islam qui pourrait venir charpenter de nouveau le monde, lui redonner le souffle sacré qu’il a perdu.

C’est écrit noir sur blanc. Mais le prétend-il plus ou moins sérieusement ? Ou est-ce là une provocation, une sorte de dérision extrême, pour mieux nous mettre face à notre déchéance ? Ce n’est pas clair. Une seule chose est manifeste : l’islam n’est envisagé, au pire, que comme une sorte de moindre mal face auquel il nous faudrait baisser la tête. Mais il n’y a là, évidemment, nulle adhésion à la religion qui était jadis considérée comme « la plus conne de toutes ». Rien n’est plus étranger que l’adhésion chez quelqu’un qui n’adhère à rien, qui ne prend parti pour rien, son protagoniste évoquant, par exemple, « l’uniforme laideur de l’art religieux contemporain » pour ajouter aussitôt que cette laideur… « me laissait à peu près indifférent ».

L’homme révolté, disait Camus (Albert, mais l’autre – Renaud – le dit aussi dans son combat contre le Grand Remplacement). L’homme indifférent, dit par contre Houellebecq. Voilà son « héros » : l’homme qui hausse les épaules, qui reste de marbre face à des malheurs dont il est pourtant d’une lucidité sans faille. Pire : il semble faire mine, pour en sortir, d’accepter un malheur bien plus effroyable encore. Mais il s’en contrefiche, au fond. Il n’est concerné par rien, il ne combat rien, l’homme indifférent : l’homme du cynisme accompli.

dimanche, 11 janvier 2015

Michel Houellebecq, le miroir de notre époque ?...

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Michel Houellebecq, le miroir de notre époque ?...

par Solange Bied-Charreton

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Solange Bied-Charreton, cueilli sur Figaro Vox et consacré au sens de l’œuvre de Michel Houellebecq. Ecrivain et chroniqueuse, Solange Bied-Charreton a publié en 2013, chez Stock, un excellent roman intitulé Nous sommes jeunes et fiers, dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture.

Michel Houellebecq, le miroir de notre époque

«C'est un esprit d'une sécheresse supérieure parmi les Secs, une intelligence toute en surface, n'ayant ni sentiment, ni passion, ni enthousiasme, ni idéal, ni aperçu, ni réflexion, ni profondeur, et d'un talent presque physique, comme celui, par exemple, du gaufreur ou du dessinateur à l'emporte-pièce, ou encore celui de l'enlumineur de cartes de géographie.» D'aucuns jugeraient que ces mots, écrits par Jules Barbey à propos de Flaubert, pourraient s'appliquer au romancier Houellebecq, dont la plus grande faute et la plus grande adresse sont d'avoir su endosser le rôle du «peintre de la vie moderne». L'expression baudelairienne s'étend jusqu'à la littérature romanesque, car c'est la visée même du romancier réaliste, qui entend rendre compte des mœurs de son temps, des tensions historiques, esthétiques et sociales de l'espace qu'il traverse.

Romancier «important» pour certains, «génie» pour d'autres, «faussaire» pour quelques-uns, Michel Houellebecq est au centre de ce qu'il reste du paysage littéraire français. Il y mérite sa place, plus que beaucoup de ses congénères. Cela ne nous renseigne pas directement sur le talent de l'écrivain, davantage sur l'état de cette littérature, dévastée depuis un demi-siècle par le Nouveau Roman, l'autofiction, l'émotion, la psychanalyse ou tout cela ensemble (l'idéal est toujours de s'illustrer dans ces champs respectifs par un seul ouvrage). Ainsi, il reste précisément trop peu de romanciers réalistes, trop peu de romanciers tout court, pour que nous ignorions le nom de Houellebecq, qui en est un.

Que fait Michel Houellebecq? Il peint ce qu'il voit, ce qu'il a sous les yeux. Souvent, il anticipe, alors il utilise le réel pour l'aggraver légèrement. Du libéralisme sexuel dans Extension du domaine de la lutte à l'effacement de l'identité française dans Soumission, des manipulations sur le vivant à la muséification des vieilles nations, en passant par l'échec de l'idéologie soixante-huitarde dans Les Particules élémentaires, il a simplement montré, depuis une vingtaine d'années, tout ce que notre regard capte chaque jour, quand ce n'est pas seulement la menace qui pèse sur notre société. C'est un reportage souvent cru et parfois trivial. Il y est question d'argent, de sexe, d'entreprises et de dépression, de résidences et de télévision. Si ce n'est pas du génie, c'est pourtant essentiel, tant il est essentiel qu'un écrivain s'échine à nous montrer ce que nous ne voyons plus, parce que nous le voyons trop.

Romancier sans compassion, car «descripteur» à la suite de Flaubert, toujours lui, dont Sainte-Beuve affirmait qu'il tenait «la plume comme d'autres un scalpel», ce digne héritier sans joie tend un miroir très froid à l'Occident. Il montre mais il ne dit pas. Beaucoup aimeraient le faire dire, mais ce n'est pas ce qu'il fait. Michel Houellebecq n'est pas un essayiste. Et même lorsque nous avons l'impression qu'il produit un discours, ce n'est pas lui qui le prononce, c'est son personnage. Et ce discours s'insère dans la forme romanesque. Davantage contemplateur que contempteur du nihilisme contemporain, Houellebecq ne donne pas son avis. On a toujours tort de prêter une opinion à un fabuliste.

Des controverses découlent de ce statut particulier, hors du monde. Notre romancier est-il pour ou contre les conversions à l'Islam en France? Pour ou contre le tourisme sexuel? Où le situer? La défiance du commun pour le statut de l'artiste n'est pas nouvelle. Plus largement, la métaphore permise par l'art est toujours regardée d'un mauvais œil. «Les femmes n'ont pas les cheveux mauves», déplorent les Verdurin devant la peinture d'Elstir, chez Proust. Dans le cas du réalisme, nous sommes sous le coup de la double contrainte: c'est l'art, mais l'art du réel. Nous devenons schizophrène: c'est vrai mais c'est faux. C'est dit mais c'est raconté. C'est Houellebecq comme personnage, dans La Carte et le territoire, mais c'est Houellebecq qui écrit.

Où est l'art? On a accusé Houellebecq d'avoir recopié des notices de Wikipedia et de les avoir insérées dans La Carte et le territoire. Ce «collage», ready-made scriptural, justifié comme procédé littéraire, pose néanmoins la question de la littérarité de l'œuvre de Houellebecq et vient en souligner la profonde carence prosodique, la tragique platitude. A trop vouloir rendre le réel il serait à craindre d'en être le fruit plus que le descripteur. Mais une écriture blanche, clinique et qui fait l'économie d'un raffinage stylistique est aussi un parti pris. Houellebecq est un produit du temps: écrivain de l'après-mort du roman, il arrive à la suite de sa déconstruction, il danse sur les ruines.

Michel Houellebecq est le nom de l'époque. Plus précisément, le nom de la littérature de l'époque. Mais cette époque n'aime pas la littérature, elle préfère ce qui est utile et rentable: que Michel Houellebecq soit son plus grand romancier en dit beaucoup sur elle et sur ses démissions. Sur sa capacité à mépriser le Beau, sur sa fascination pour la technique, son absence de transcendance, ses succès et ses vanités, son très grand désespoir.

Solange Bied-Charreton (Figaro Vox, 6 janvier 2015)

 

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mardi, 23 décembre 2014

Raspail, Zemmour, Houellebecq ou le « Grand Remplacement » en littérature

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Raspail, Zemmour, Houellebecq ou le «Grand Remplacement» en littérature
 
 
Témoins implacables de leur temps, ces contempteurs du réensauvagement s’élèvent par la plume contre le dogme totalitaire des lendemains métissés.
 
par Aristide Leucate
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

Houellebecq, prix Goncourt 2010 (pour La Carte et le Territoire), se prenant pour Destouches – jusqu’à cultiver la ressemblance physique avec le père de Bardamu – mais sans jamais parvenir à être génialement Céline, aime l’odeur de la poudre. Grâce à un plan « communication » subtilement étudié, l’auteur de L’Extension du domaine de la lutte annonce à ses lecteurs la parution, à l’orée 2015, d’un roman mêlant anticipation et politique-fiction. Intitulé d’un claquant Soumission, le livre promet de faire couler beaucoup d’encre.

Celui qui, peu après le 11 septembre, déclara que « la religion la plus con, c’est quand même l’islam» a imaginé un scénario dont on ne sait s’il doit faire sourire ou pleurer. D’après les premiers bruissements médiatiques, le livre raconte comment, en 2022, le mahométan Mohammed Ben Abbes est élu à l’Élysée avec le concours de son parti, Fraternité musulmane, associé à un front « républicain » UMP-UDI-PS opportunément constitué pour faire barrage à Marine Le Pen. Le nouveau président nommera même François Bayrou comme Premier ministre. Parallèlement, on suivra la conversion progressive d’un prof bobo obsédé sexuel qui finira par épouser la religion de son souverain.

Coïncidence ou conséquence d’une lecture déjà métabolisée, Bruno Roger-Petit, de L’Obs, augurait récemment l’extinction « démographique » des « adeptes du zemmourisme politiquement remplacés par des citoyens français plus ouverts, en prise avec la mondialisation et les formidables opportunités qu’elle offre, et qui n’auront pas peur […] avant la fin de ce siècle, [d’élire] un président de la République française dont le prénom sera Mohammed, ou Ahmed, ou Norredine. »

actualité,france,grand remplacement,littérature,lettres,lettres françaises,littérature française,eric zemmour,michel houellebecq,renaud camus,europe,affaires européennes,immigrationQuoi qu’il en soit, Houellebecq a le vent en poupe et l’on peut gager qu’il pulvérisera les ventes de début d’année. Il ne s’inscrit pas moins à la suite d’auteurs précurseurs comme Jean Raspail, lui-même empruntant, avec son prophétique et magistral Camp des saints, la dimension proprement visionnaire d’un Jules Verne au XIXe siècle ou d’un Anthony Burgess avec son Orange mécanique au XXe siècle.

Aux côtés des nombreux essayistes (Tribalat, Caldwell, Sarrazin, Marchand, Bat Ye’or, etc.), on ne compte plus, depuis quelques années, les écrivains talentueux qui se sont essayés au genre littéraire du futurisme politique et civilisationnel dans ses extrapolations les plus sombres. Avec Poitiers demain, Philippe Randa modernisait la version ibérique de la Reconquista quand son épique Apocalypse yankee décrivait la résistance d’une Europe vaincue par les États-Unis. Dans un genre plus discret mais tout aussi corrosif, le Petit Frère d’Éric Zemmour entreprenait la satire politique et sociale d’une époque dont les prodromes immigrationnistes et antiracistes des années 1980 annonceront les douloureuses déconvenues multiculturalistes du XXIe siècle. On pourrait également citer le gauchisant – tendance Michéa – Jérôme Leroy, auteur d’un Bloc particulièrement réaliste ou encore l’eschatologique Mosquée Notre-Dame de Paris, année 2048 de la sulfureuse Elena Tchoudinova.

Témoins implacables de leur temps, ces contempteurs du réensauvagement – « cette situation d’un peuple dans le peuple, des musulmans au milieu des Français [qui] amènera le chaos et la guerre civile » qu’Éric Zemmour, horresco referens, osa dénoncer, il y a peu, dans un journal transalpin – s’élèvent par la plume contre le dogme totalitaire des lendemains métissés. En cela, ils sont les dignes épigones d’Orwell, Huxley et Bradbury.

mardi, 17 juin 2014

Michel Houellebecq’s Sexual Anti-Utopia

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“I get my kicks above the waistline, Sunshine”
Michel Houellebecq’s Sexual Anti-Utopia

By James J. O'Meara 

Ex: http://www.counter-culture.com

particles.jpgMichel Houellebecq
The Elementary Particles [2]
Translated from the French by Frank Wynne
New York: Knopf, 2000

“I get my kicks above the waistline, Sunshine.”[1]

“The universe is nothing but a furtive arrangement of elementary particles. . . . And human actions are as free and as stripped of meaning as the unfettered movements of the elementary particles.” — Michel Houellebecq, H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life

“Frolicking has never been so depressing.”—MST3k Episode 609: Coleman Francis’ Skydivers.

It really does seem odd that I have until now managed to avoid reading the novels of Michel Houlelebecq. It’s especially odd I didn’t plunge right in after reading his excellent essay on Lovecraft, [2] and even quoting it my very own first essay on Lovecraft, published right here on Counter Currents.[3] Why, we even share the same year of birth![4]

The appeal of Houellebecq to elements of the Right should be obvious; his enemies seem to be our enemies, from American consumer culture to modernity itself, as well as not just the French versions of PC but French culture itself, at least in its postwar state.[5]

His basic notion is that, contrary to the foolish dreams of the ’68ers, and dogmatically enforced today by both academic and consumer establishments, “The ‘decentred self’ remains a selfish unit; the death of hierarchy merely nurtures the cult of the individual and an incoherent, deviant society.”[6]

These fiercely individualized entities are the elementary particles left to spin aimlessly by the smashing of the bonds of traditional society.

It is interesting to note that the “sexual revolution” was sometimes portrayed as a communal utopia, whereas in fact it was simply another stage in the historical rise of individualism. As the lovely word “household” suggests, the couple and the family would be the last bastion of primitive communism in liberal society. The sexual revolution was to destroy these intermediary communities, the last to separate the individual from the market. The destruction continues to this day.

This is pretty consistent with the model explored by Baron Evola in, for example, Ride the Tiger: A Survival Manual for the Aristocrats of the Soul.[7] Liberalism has atomized[8] society by a Nietzschean smashing of all our idols. All members are now “free” to “realize themselves” and “become what they are.” The problem being, Nietzsche intended this to apply to an elite, the potential Supermen — what Evola calls “differentiated [from the social herd] men” — not society at large. Left to his own devices, the Underman resorts to what he knows best: sensation, and thus to shopping and sex.

Houellebecq’s characters are notable for how completely they embrace the consumerist ethos: believing that youth is society’s primary index of value, that sex is the only pleasure and is eminently commodifiable, that disposability is natural, that quality is ultimately reducible to quantity [cf. Guénon], that the quest for novelty is our only genuine tradition, that secular materialism has triumphed once and for all over atavistic spirituality. [9]

So far, he seems to be on our team. Of course, someone who hates as much as Houellebecq is apt to be an uncomfortable ally.

I know that Islam — by far the most stupid, false and obfuscating of all religions – currently seems to be gaining ground, but it’s a transitory and superficial phenomenon . . . [All but Guénon & Co. shout Yah!]

. . . in the long term, Islam is even more doomed than Christianity. [Crickets][10]

And just to be clear on that: “I was talking about the stupidity of all monotheistic religions.”[11]

Alrighty then, moving along . . . Besides being a fountain of opinions either bold and scintillating or mean and stupid, depending on whose ox is being gored,[12] Houellebecq is a damned good, clear — lucid, the French would say, I suppose — writer; here, if anywhere, worthy of the comparisons made to Camus. [13]

But unlike Camus, he’s a funny guy[14] (though perhaps rather like Joe Pesci is “funny” in Goodfellas[15]):

As a teenager, Michel believed that suffering conferred dignity on a person. Now he had to admit that he had been wrong. What conferred dignity on people was television.

Rumor had it that he was homosexual; in reality, in recent years, he was simply a garden-variety alcoholic

The beach at Meschers was crawling with wankers in shorts and bimbos in thongs. It was reassuring.

Whatever, in the showers at the gym I realized I had a really small dick. I measured it when I got home—it was twelve centimeters, maybe thirteen or fourteen if you measured right to the base. I’d found something new to worry about, something I couldn’t do anything about; it was a basic and permanent handicap. It was around then that I started hating blacks.

Not that Old Grumpypuss will let you just have your fun:

Irony won’t save you from anything; humour doesn’t do anything at all. You can look at life ironically for years, maybe decades; there are people who seem to go through most of their lives seeing the funny side, but in the end, life always breaks your heart. Doesn’t matter how brave you are, or how reserved, or how much you’ve developed a sense of humour, you still end up with your heart broken. That’s when you stop laughing. In the end there’s just the cold, the silence and the loneliness. In the end, there’s only death.

And, as in liberal society, until then, when all else fails, there’s also the sex.[16] Perhaps I’ve consumed more than my share of pornography, but it did not seem as overwhelming or perverse as reviewers would have us believe. I suppose it serves the purpose of shocking the shockable, but if you find it off-putting, or just boring, go ahead and skip it, it really adds nothing to the message of the book.

Now, at this point, fifteen years later, there’s little to be gained in adding yet another review; so with the book taken as read, I’d like to take a look at that message and try to place it in relation to some other, rather grander works.

First off, the book has an odd structure that only becomes apparent with the Epilogue. “Despite the essentially elaborate scope of the plot revealed in the novel’s conclusion (i.e. the eventual emergence of cloning as a replacement for the sexual reproduction of the human race) . . .”[17] It’s not entirely mind-shattering, but if, like Ulysses, you’ve been told it’s just a book about sex, you might wonder what the point is. Even the New Yorker reviewer found himself frustrated by what he called “editorials” cropping up throughout the text, which he felt were Houellebecq putting in his two cents.[18]

 

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Actually, they are another feature of, and clue to, the structure and intent of the book. Certainly other odd features, such as the long poem that opens the book, become clearer at this point. What you have here is another one of those “future histories” that I’ve been reviewing here recently; [19] a biography, from the near future (apparently around 2030) of the main protagonist, the geneticist Michel, and the effects of his work in our near future (actually, now right about today).

In particular, though, it reminded me of a far older, and much more substantial one than those. Then it finally hit me: Hermann Hesse’s The Glass Bead Game [4].[20]

Hesse’s novel takes place around 2500 and presents itself as a biography of a recently deceased and rather controversial Game Master, one Joseph Knecht. To orient the reader (both fictional and real) to both the Game and the history out of which it emerged (which is our own, of course) it opens with a long section presenting “A General Introduction” to the Game’s history “For the Layman.”[21] It ends with a supposed selection of poems from Knecht’s student days documenting his struggle to assimilate the game, and to allow himself to be assimilated by it.

The Game, we learn, arose out of the ruins of The Century of Wars, which was, not coincidentally, the “Age of the Feuilleton,” symbol of journalistic and scholarly frivolity.[22] At the last moment, Europe pulled back from the brink, and initiated a movement dedicated to Truth rather than Interest, to Platonically purify and uplift society by purifying the arts and sciences of fraud, triviality, and irrelevance; above all, by demonstrating their unity and interconnection.

Fortunately, the same Zeitgeist was expressing itself by the slow development of The Game; conveniently indescribable, it seems to be a system, akin to music or mathematics,[23] by which the content of any science can be stated, developed, and, most importantly, interwoven with any other, in a kind of scientific or cultural or spiritual counterpoint. The result is a spiritual exercise, akin to meditation but often performed publicly and ceremonially, “an act of mental synthesis through which the spiritual values of all ages are seen as simultaneously present and vitally alive.” The celibate scholars of the province of Castalia are the secular monks of this new quasi-religious order that orders society as Catholicism did mediaeval Europe.

While there is a certain intellectual thrill in contemplating this picture (perhaps a clue as to whether the reader would be a suitable candidate for the Order) the dramatic heart of the work is the Bildungsroman in the center, in which Joseph Knecht is initiated into the game and the Order, rises to the very highest position, only to abdicate and return to the world when he begins to sense that the Game itself has become arrogant, sterile, and alien to human society, which may someday decide they no longer need to support it; and as Marx would say, the same shit would start all over again.

What does this have to do with The Elementary Particles? Houellebecq has essentially inverted Hesse’s novel, both structurally and thematically.

Structurally, he has placed at the beginning an unattributed poem that strikes the same themes as Hesse’s work, resembling one of Knecht’s final poems of contentment with the Game, “Stages.”

We live today under a new world order
The web which weaves together all things envelops our bodies
Bathes our limbs,
In a halo of joy.
A state to which men of old sometimes acceded through music
Greets us each morning as a commonplace.
What men considered a dream, perfect but remote,
We take for granted as the simplest of things.
But we are not contemptuous of these men,
We know how much we owe to their dreaming,
We know that without the web of suffering and joy which was their history, we would be nothing.

Now, rather than Hesse’s long, clear, conveniently labeled Introduction to the Game and our history we have the unexpected and puzzling epilogue, which details Michel’s self-exile to Ireland (land of monks where “most of them around here are Catholics”) and his breakthrough in genetics that results in the replacement of sexual reproduction with perfect, immortal clones. The bulk of the novel shows us the modern, secular society that Michel comes to doubt and reject.

Genetics, of course, easily lends itself to metaphors of weaving, but Michel’s breakthrough, which somehow bases itself on quantum mechanics, seems especially Game-like: “Any genetic code, however complex, could be noted in a standard, structurally stable form, isolated form disturbances and mutation . . . every animal species could be transformed into a similar species . . .”

Moreover, the description of his thought processes and inspirations constantly recur to similar tropes; he takes inspiration from the Book of Kells and writes works like “Meditations on Interveaving” — “Separation is another word for evil; it is also another word for deceit. All that exists is a magnificent interweaving, vast and reciprocal.” — while a his protégé’s article “Michel Djerzinki and the Copenhagen Interpretation” is in fact a “long meditation on a quotation from Parmenides” while another attempts “a curious synthesis of the Vienna Circle and the religious positivism of Comte.”

Meanwhile, the popularizing of Michel’s ideas adds to the popular ferment. We live in “the age of materialism (defined as the centuries between the decline of medieval Christianity and the publication of Djerzinki’s work)” whose “confused and arbitrary” ideas have led to a 20th century “characterized by progressive decline and disintegration.” But now, “There had been an acceptance of the idea that a fundamental shift was indispensable if society was to survive – a shift which would credibly restore a sense of community, of permanence and of the sacred.”

The key to this is “the global ridicule in which the works of Foucault, Lacan, Derrida and Deleuze had suddenly foundered, after decades of inane reverence,” which “heaped contempt on all those intellectuals active in the ‘human sciences.’” Now “they believed only in science; science was to them the arbiter of unique, irrefutable truth.”

What we have, then, is in effect a re-write of Hesse’s novel, but now centered on the (in Hesse’s work, anonymous by choice[24]) inventor of the Game, rather than his later descendant; the celibate monks of Castalia, selected in childhood and separated forever from their mundane families, have now been generalized to the entire population of the Earth: “Having broken the filial chain that linked us to humanity, we live on. We have succeeded in overcoming the forces of egotism, cruelty and anger which they [us!] could not.”[25]

While it’s pretty cool and all, one can’t help but think, especially if one has already read Hesse’s novel, that Houellebecq has simply passed the buck. Remember that whole middle section about Joseph Knecht? Hesse had played around with the idea of a utopian society devoted to intellectual contemplation for years; who hasn’t, from Leibniz all the way back to Plato? And he, like Plato, had seen, living through the Century of Wars himself, that it was the only hope for mankind, or at least for culture.

The problem was, however, less one of how to do it — Step One, invent cloning — than Step Two, how would it work; or rather, how would it be maintained? Houellebecq’s narrator speaks with the same placid self-satisfaction as the narrator of Hesse’s introduction: “Science and art are still a part of our society; but without the stimulus of personal vanity, the pursuit of Truth and Beauty has taken on a less urgent aspect.” Indeed. What Joseph Knecht realizes is that dealing with the “less urgent aspect” (his scholars can, if they choose, while away whole careers freely pursuing research so inane that even our Federally-funded researchers would be embarrassed) may be the key to avoiding sterility (admitted, not a problem perhaps with cloning) and self-defeating social irrelevance.

Simultaneously and synchronistically, while Hesse was writing away in Switzerland Thomas Mann was comfortably ensconced in LA, writing his own very similar book, Doctor Faustus : The Life of the German Composer Adrian Leverkuhn As Told by a Friend [5].[26] Given its resemblances to Hesse’s novel, it’s not surprising to find similarities to Houellebecq’s. Mann’s narrator is contemporary with us, not a few decades in advance, but also writing about our own (then) recent times — Germany from Bismarck to Hitler. His subject, Adrian Leverkuhn is, like Houellebecq’s Bruno, an artist, though also, like Michel, a whiz at mathematics, at least of the cabalistic kind (thus relating him to Hesse’s Castalians). Like Bruno, he is sexually twisted, though in a Wilhemine German way — like Nietzsche, he has sexual contact once, with a prostitute, in order to deliberately infect himself, like Nietzsche, with syphilis. Like both Bruno and Michel, his one, last object of love, his nephew, is torn away from him through an agonizing, grotesque death.

But most significantly, after that last catastrophe, he conceived his ultimate work, before sinking, again like Nietzsche and Bruno, into madness — The Lamentations of Dr. Faustus, an blasphemous atonal work by which he intends “to take back the Ninth.” I think Houellebecq’s novel can be seen as performing a similar function — taking back The Glass Bead Game, or at least its dramatic sections, where the personal and historical conflicts are lived through and at least somewhat resolved; instead settling comfortably in with the rather pompous narrator of the Introduction, refusing to face the task of working out the problems of the interactions of the human particles and simply saying, “Oh, sure, the modern world sure sucks so let’s just let Science clone us and be done with it!”

Notes

[1] “One Night In Bangkok,” from Chess [6] by Tim Rice and Benny Andersson

[2] Michel Houellebecq, H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life [7] (McSweeney’s, Believer Books, 2005).

[3] Now republished in the collection The Eldritch Evola … & Others (Counter Currents, 2014).

[4] Although not, like Thomas Ligotti, the same city of birth, college and first job.

[5] His narrator from the future laconically notes that “Foucault, Lacan, Derrida, and Deleuze” have fallen into “global ridicule” and “suddenly foundered, after decades of inane reverence.”

[6] “Confused extremes: Platform, Michel Houellebecq’s follow-up to Atomised [aka The Elementary Particles]” by Anna Lynskey, here [8].

[7] 1961; first English translation (by Joscelyn Godwin and Constance Fontana) published by Inner Traditions in 2003. See especially “Part Two: In the World Where God is Dead.”

[8] The title of the UK edition of the book.

[9] “Death Dreams” by Rob Horning, here [9].

[10] Of course, some on the Right would be fine with that: “Ben Jeffery makes a comment on this, saying: ‘It is not that Houellebecq is a reactionary writer exactly. For example, it is never suggested that religious faith is the solution to his character’s dilemmas; the books are all resolutely atheist.’ But I guess Jeffery has never heard of the likes of Mencius Moldbug [10], neoreactionary atheist….” “Ben Jeffery’s Anti-Matter: Michel Houellebeq and Depressive Realism” by Craig Hickman; May 19, 2013, here [11].

[11] Suzie Mackenzie, Interview with Michel Houellebecq, The Guardian. August 31, 2002.

[12] “I don’t begin by wanting to be provocative exactly, no. But when I realize that what I say is provoking, I don’t change it because of obstinacy. It’s up to me. Nobody asked me to say it again.” — The Guardian. August 31, 2002.

[13] No, really [12].

[14] “Yet Houellebecq possesses one quality in which the Left Bank existentialists of the ’40s and ’50s were notably lacking, namely, humor. Houellebecq’s fiction is horribly funny. Often the joke is achieved by a po-faced conjunction of the grandiloquent and the thumpingly mundane.” – “Futile Attraction: Michel Houellebecq’s Lovecraft” by John Banville, Bookforum (April/May 2005), here [13].

[15]  Henry: You’re just funny, y’know, the story. It’s funny. You’re a funny guy.

Tommy: Whattya mean? The way I talk? What?

Henry: It’s just, y’know, it’s just funny, you know the way you tell the story and everything . . .

Tommy: Funny how? I mean, what’s funny about it?

Anthony (Frank Adonis): (worried) Tommy, no, you got it all wrong . . .

Tommy: Whoa, whoa Anthony! He’s a big boy, he knows what he said. What’d you say? Funny how? What?

Henry: Just you know you’re funny.

Tommy: You mean, let me understand this . . .  cuz I . . . maybe it’s me, maybe I’m a little fucked up maybe. I’m funny how, I mean funny, like I’m a clown? I amuse you. I make you laugh? I’m here to fuckin’ amuse you? Whattya you mean funny? Funny how? How am I funny?

Henry: I don’t know just . . . you know how you tell the story. What?

Tommy: No, no I don’t know. You said it. How do I know? You said I’m funny. (yelling now) How the fuck am I funny? What the fuck is so funny about me? Tell me. Tell me what’s funny?

[16] “Now the wife and I are going to have the sex.” — MST3k, Experiment #0612 — The Starfighters.

[17] Wikipedia, here [14].

[18] “Paris Journal: Noel Contendere: A political impasse gives way to a literary scandal” by Adam Gopnick; Dec. 28, 1998 & Jan. 4, 1999, p61.

[20] Das Glasperlenspiel, 1943; English as Magister Ludi (1949) and The Glass Bead Game (1969).

[21] If you have a kindle, you can download the whole Introduction as a “sample” from Amazon.

[22] Imagine American Idol, although Hesse couldn’t think of anything more degrading than crossword puzzles and popularizing literary biographies.

[23] Music, of course, properly understood, is mathematics. For this, and the Traditional doctrine by which musical systems are methods of creation rather than arbitrary systems of pleasant noise, see the material presented in my essay “Our Wagner, Only Better: Harry Partch, The Wild Boy of American Music” in The Eldritch Evola . . . & Others.

[24] See Guénon’s The Reign of Quantity, Chapter 9, “The Twofold Significance of Anonymity.”

[25] “Our people have forgotten, they have been made to forget. For centuries. But I have learned how it once was. Families. Brothers and sisters. There was happiness . . . there was love.” — Teenagers from Outer Space (1959).

[26] Theodore Ziolkowski explores the remarkable parallels in his “Foreword” to the 1969 translation.

 


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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/ElementaryParticles.jpg

[2] The Elementary Particles: http://www.amazon.com/gp/product/0375727019/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0375727019&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[3] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/michel_houellebecq.jpg

[4] The Glass Bead Game: http://www.amazon.com/gp/product/0312278497/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0312278497&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[5] Doctor Faustus : The Life of the German Composer Adrian Leverkuhn As Told by a Friend: http://www.amazon.com/gp/product/0375701168/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0375701168&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[6] Chess: http://en.wikipedia.org/wiki/Chess_%28musical%29

[7] H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life: http://www.amazon.com/gp/product/1932416188?ie=UTF8&tag=countecurrenp-20&linkCode=as2&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1932416188

[8] here: http://www.oxonianreview.org/issues/1-2/1-2-5.htm

[9] here: http://thenewinquiry.com/essays/death-dreams/

[10] Mencius Moldbug: http://unqualified-reservations.blogspot.com/

[11] here: http://darkecologies.com/2013/05/19/ben-jefferys-anti-matter-michel-houellebeq-and-depressive-realism/

[12] really: https://www.google.com/search?q=houllebecq&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:en-US:official&client=firefox-a&channel=sb#channel=sb&q=houllebecq+camus&rls=org.mozilla:en-US:official&safe=off

[13] here: http://www.bookforum.com/archive/apr_05/banville.html

[14] here: http://en.wikipedia.org/wiki/Atomised#Plot_summary

[15] Jeff Frankas’s De-World: http://www.counter-currents.com/2014/05/jeff-frankas-de-world/

[16] Ann Sterzinger’s The Talkative Corpse: http://www.counter-currents.com/2014/04/the-talkative-corpse-a-love-letter/

mardi, 04 octobre 2011

Houellebecq and the narrow, very liberal culture of nationalism in America

Houellebecq and the narrow, very liberal culture of nationalism in America

by Graham Lister

Ex: http://majorityrights.com/

michel-houellebecq.jpgIt is my opinion that Michel Houellebecq should be on the reading list of any committed non-liberal - assuming, of course, this paragon of nationalist virtue is interested in culture. And I think people who are seriously interested in understanding the grotesque spectacle of post-modern, ultra-liberal, hyper-modernity should be so interested. Cultural values are at the core of self-conception and define the contours of the political imagination.

The malaise facing the West goes far deeper than PeeCee and multiculturalism, even if they can be regarded as the most egregious symptoms of our total embrace of liberalism (that is, liberalism as the foundational paradigm for politics, culture, economics et al, rather than a secondary “corrective” ideology which is how classical liberalism arose).

Unfortunately no-one has a positive agenda to rebalance the West upon a sustainable course. There are of course some excellent critiques of the problems but, as yet, no really credible, putative solution has coalesced into a substantive form.

A comments elsewhere on the blog mentioned the spurning of Houellebecq, and I want to return to that. It strikes me that American nationalists in particular have a very narrow range of “cultural resources” that they bring to their politics. This also is true of many ‘nationalists’ across the board. How many times have the virtues of institutional religion (typically in the ‘Jesusland’ style) been offered as the “solution”, or indeed some bizarre “new” version of fascism offered up? Pardon the paradox but both are deeply trivial non-answers (for rather obvious reasons). The exhaustion of the already exiguous political and cultural imagination of nationalists is palpable (neo-Nazi techno anyone??? - Jesus wept). There is, sadly, a lack of genuine radicalism or innovative thought – in the true sense of thinking about these issues both deeply and widely, and in being ruthless in the analysis of old assumptions and outdated or discredited shibboleths.

Returning to Houellebecq, he is deeply anti-American in outlook, and this animosity is not without very good reason. It seems that, in general, Americans - nationalists often included - completely fail to understand that their own nation is the most profoundly liberal nation in history. America was conceived as an inorganic “social experiment” in terms of Enlightenment-derived individual liberty. Individualistic liberalism is the true American ideology/religion. To be sure, it is not the only theme in American life but the others have been peripheral to the cardinal (liberal) impetus animating American culture and society. I have encountered very few American non-liberals (a Hayekian liberal who thinks he is a conservative is still a sub-species of the liberal genus). The axiomatic and defining role of liberal philosophy in American society is something that the overwhelming mass of American people, even self-described conservatives and nationalists, have a very hard time understanding. Collectively, America has drunk from that particular (liberal) well more deeply, and for longer, than any European society.

Of course, all of the West has caught the liberal disease which is deeply corrosive to the collective well-being of ordinary Europeans – truly, we are Voltaire’s bastards. To be sustainable, any society must balance the collective interests - those unifying forces that build cohesion and social capital - and the legitimate individual impulses that invariably tend to differentiation and fragmentation. Equally, a balance must exist between the interests and desires of the present generation and those to whom we will bequeath our collective life and national community. That is why post-liberal politics is actually the “radical centre”. It is a fulcrum conceptualised, for me, in more Aristotelian terms. It is not simply the centre as conceived in the conventional political spectrum, which presently represents only relative variations of liberal political philosophy.

A final thought on American nationalist thinking. I note that the ideal of white Zion has been floated on the blog. Nothing ... nothing illustrates the difference being the inorganic, propositional societies of the New World and the organic ones of “old” Europeans. The idea that whites should move to one place is the ultimate in white-flight fantasies, and is a council of despair. No European patriot could possibly think that abandoning our ancestral homelands represents anything other than the nadir of complete and humiliating defeat. 

Why should the British tribes (the Anglos and the Celts) give up our homelands? When I am in the beautiful Highlands of Scotland I reflect on all those generations that lived in this land before me and bequeathed it to us, and I feel deeply connected to the past. What right do we have to surrender our inheritance? Do we really want to run off like cowards scared into self-destruction when faced by some uppity Africans and Pakistanis? Our American friends must try to solve their own problems in a way they judge is appropriate to their situation. However as a European patriot, I for one, will never surrender – anything else is little short of traitorous.

P.S. So we have Houellebecq as a dissector of liberal cultural values, and I would also suggest Ballard and Coetzee in this regard also. But who else might be on the “contemporary literature” reading list for the by no means narrow-minded non-liberal?