mardi, 08 juillet 2008
Symbolisme et signification des poissons dans les mythologies indo-européennes
Symbolisme et signification des poissons dans les mythologies indo-européennes
C'est à partir d'une racine indo-européenne *piski-, selon Pokorny, que se seraient développés tous les termes communs pour désigner le poisson: l'irlandais “iasc” (“peiskos”), le vieil-allemand “fisc”, le gothique “fisks” et le latin “piscis”. C'est manifestement du latin que dérive le terme italien actuel “pesce”. Il est clair également que le phénomène linguistique de la mutation consonantique dans les langues germaniques, mis en exergue par Grimm, où le “p” devient “f”, comme “pater” devient “fadar” (father, Vater, Vader). Les formes propres au latin se retrouvent donc dans les domaines linguistiques celtique et germanique; la parenté entre ces langues est donc significative. Quoi qu'il en soit, de nombreuses langues européennes contemporaines utilisent des termes apparentés. Le poisson est un animal de grande signification symbolique. Lié à l'eau, il l'est également à tout ce qui crée la vie et les images. Son symbolisme l'attache plutôt à l'élément féminin, mais pas exclusivement.
Les pêcheurs symboliques sont nombreux dans les traditions: de Bouddha à Orphée et d'Artus aux apôtres chrétiens. A ce propos, rappelons que c'est sous le signe du poisson que s'est instaurée la tradition de l'actuel cycle cosmique selon l'hindouisme; de même, dans le christianisme, les multitudes de poissons rappellent l'image des fidèles. Le “Roi pêcheur”, selon une interprétation pertinente que nous devons à G. Acerbi, assumerait dès lors une fonction cosmogonique de restauration. En se référant au monde de la tradition scandinave, G. Chiesa Isnardi écrit: «Il domine le règne de l'eau, donc un “monde” qui a les caractéristiques du règne des enfers. Mais il est pourtant symbole de sagesse et de fécondité, deux qualités qui s'acquièrent après un contact fécond avec l'au-delà». Dans ce même monde scandinave, les dieux-mages et les êtres magiques s'incarnent dans la forme du poisson: Odin, Loki, le nain Andvari. En outre, pour diverses raisons, les poissons apparaissent liés à la magie, par exemple par le fait que le "souffle des poissons” est considéré comme un ingrédient utilisé pour créer Gleipnir, la corde magique qui permettra d'attacher le loup Fenrir.
Chez les Grecs, le poisson est étroitement lié à Aphrodite, en tant que symbole de fécondité et d'amour. Aphrodite, elle aussi, prend la forme du poisson (n'oublions pas qu'elle est née de l'écume de la mer). Les poissons sont ses attributs, comme pour Poséidon. A Rome, les poissons, liés à Venus, ajoutent aux caractéristiques de ceux d'Aphrodite, une dimension funéraire.
Sortons maintenant des horizons spirituels des peuples indo-européens et passons au christianisme. La religion qui a fini par s'imposer à l'Occident a un rapport particulier avec le poisson. Dans l'Eglise romaine, le poisson est devenu emblème du Christ, notamment dans l'acrostiche ICHTUS, signifiant "poisson" en grec, où les Chrétiens lisent: "Iesous Christos Teou Huis Soter" (= Jésus Christ, fils de dieu et sauveur). En outre, “les poissons dans les sacrements, avec le vin et un morceau de pain représentent l'eucharistie et la Dernière Cène… Les premiers pères de l'Eglise étaient appelés “les fidèles petits poissons”, et les Apôtres étaient définis comme des “pêcheurs d'hommes”…» (Cooper).
Toutes ces convergences du symbolisme ichthyique, dans le christianisme des origines, a été expliqué par l'ouverture de l'âge céleste dominé par les Poissons du Zodiaque, dont nous venons à peine de sortir pour entrer dans l'ère du Verseau. Dans une telle perspective, on peut s'attendre à ce que de nouveaux symboles prennent la place des anciens, avec l'avènement d'une ère nouvelle. De nouveaux mythes fondateurs (ou refondateurs?) entreront-ils en jeu?
Alberto LOMBARDO.
(article paru dans La Padania, 11 mars 2001, http://www.lapadania.com ; trad. franç.: Robert Steuckers).00:10 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : symbolisme, mythes, poissons, indo-européens | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 01 juillet 2008
Du symbolisme de la couleur blanche
Du symbolisme de la couleur blanche
Les premières traces en latin du terme "blanc" remontent au 9ième siècle après J.C. —c'est-à-dire dans un moyen âge déjà bien avancé— dans un document où “blancus” est utilisé comme adjectif. Dans le latin médiéval, ce terme dérive du germanique “blank” (“blanc étincellant/brillant”), qui a finit par supplanter le mot latin classique “albus”.
Ce terme latin classique était apparenté à d'autres termes, provenant tous d'une forme commune, *albho-, dont on retrouve les traces dans l'aire osque-ombrienne, en grec et dans le terme sabin “alpus”. Dans une de ces plus importantes études, l'indo-européanisant Krahé démontre que la majeure partie des fleuves nord-européens portent dans leur nom des racines phonétiques indo-européennes; il en déduit que cette forte concentration d'“hydronomie indo-germanique”, débouchant dans la Mer Baltique, constitue une preuve pour localiser dans cette région septentrionale la patrie originelle (Urheimat) des Indo-Européens. La racine dont dérive le latin “albus”, signifiant “blanc”, est largement présent dans l'hydronomie européenne. «Nous avons l'Aube, affluent de la Seine, l'“Albis”, nom antique de l'Elbe, “Albula”, premier nom du Tibre et d'un ruisseau proche de Tivoli, “Albanta” / “Lavant”, fleuve de Carinthie, “Alfunda” / “Ulvunda” en Norvège», a constaté de son côté Romualdi. Dans l'Europe au sens large, on peut parler d'une époque lointaine où les hommes parlaient une langue indo-européenne non divisée, que Krahé a définie comme l' “alteuropäisch”.
Le blanc est par excellence la couleur de la lumière. Il représente la perfection et l'équilibre. Sur les vêtements traditionnels, le blanc symbolise des éléments importants —tant la vie que la mort et tant la mort que la renaissance. Aujourd'hui encore, dans tous les sacrements chrétiens, les vêtements ou ornements sacerdotaux, que revêtent les officiants, sont de couleur blanche. Selon Cooper, «dans le mariage, le blanc symbolise la mort de l'ancienne vie et la naissance à une vie nouvelle, tandis que dans la mort, le blanc représente la naissance à la nouvelle vie de l'au-delà».
Le blanc a un symbolisme important également dans la tradition hermétique, où, avec le rouge et le noir, il est l'une des trois couleurs du Grand Œuvre: l'albèdo est la seconde phase, dans laquelle prévaut le mercure. Evola nous explique, dans La tradition hermétique que «le blanc —lumière, printemps, résurrection, vie, floraison, naissance, etc.— exprime énergiquement l'état d'extase active qui suspend la condition humaine, régénère, restitue le souvenir, réintègre la personnalité dans un état non corporel».
Dans le monde scandinave, les walkyries, qui représentent la principale épiphanie du divin, “sont les déesses blanches et lumineuses par excellence… comme d'ailleurs d'autres figures féminines surnaturelles, même si on ne les définit pas explicitement comme des walkyries, et sont liées au symbolisme du blanc» (Chiesa Isnardi). Dans la langue scandinave, les Elfes, dont le nom dérive aussi de la même racine que l'“albus” latin, sont, eux, “niés à la lumière” et donc privés de couleur. Le métaphysicien français René Guénon explique que le blanc “attribué à l'autorité spirituelle suprême, est la couleur du Mêru considéré en lui-même”. Enfin, référons-nous à une trace mythologique intéressante où apparaît un symbole apparenté: la tradition celtique parle d'une Ile Verte, mais au centre de cette île, se dresse la Montagne Blanche, qui, dit-on, ne sera jamais engloutie par aucun déluge et porte, sur son sommet, la couleur du pourpre».
Alberto LOMBARDO.
(article paru dans La Padania, le 24 septembre 2000; http://www.lapadania.com ; trad. franç.: Robert Steuckers).00:10 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blanc, symbolisme, mythes, racines | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 30 mai 2008
Ernst L. Krause et le mythe de la "Fille-Soleil"
Synergies Européennes – Bruxelles / Commission “Traditions” - Mars 2004
Ernst L. Krause : l’archéologue qui s’est penché sur les labyrinthes et le mythe de la “Fille-Soleil”
Le 22 novembre 1839, naissait à Zielenzig en Allemagne Ernst Ludwig Krause, qui sera le premier éditeur de la revue Kosmos, consacrée aux sciences naturelles et écologiques avant la lettre. Ernst L. Krause exprime sa pensée organiciste et écologiste dans un ouvrage en deux volumes, paru en 1876, réédité en 1906 : Werden und Vergehen (= Devenir et passer). Il se considérait comme un disciple du philosophe “tellurique” Carl Gustav Carus, qui avait développé au 19ième siècle, dans le sillage du romantisme, une “philosophie de la terre” et de la Vie, dont l’objectif était de faire table rase de toutes les abstractions philosophiques, désincarnées, déracinées, qui avait conduit la pensée européenne au nihilisme.
Mais, en dépit de son importance pour le développement de la pensée organique et pré-écologique, et pour les idées exprimées dans la revue Kosmos, Ernst L. Krause acquerra surtout la célébrité pour ses thèses audacieuses sur la préhistoire nord-européenne. Un Nord lointain, le “Tuisko-Land” était la patrie originelle des peuples européens, avançait-il, et, par voie de conséquence, le domaine initial des dieux tutélaires, lesquels ne sont rien d’autre que les aïeux divinisés de nos peuples. Pour étayer sa thèse, Krause s’est basé sur les Védas, l’Edda, l’Iliade et l’Odyssée, dont il était un fervent et attentif lecteur.
Sa thèse principale concerne cependant les labyrinthes, dont on a retrouvé un grand nombre en Europe du Nord, en Scandinavie. La construction de ces labyrinthes de pierres dressées repose sur un mythe très ancien, propre à ces régions : l’enlèvement et l’emprisonnement de la “Fille-Soleil” (Syrith, Brunhilde, Ariane, Hélène). Autour de ce mythe très ancien des peuples européens se sont développés toutes sortes de rites, rituels, danses (notamment des danses de l’épée), pour fêter, chaque année au printemps, la libération de la “Fille-Soleil”. Blanche-Neige n’est jamais qu’un conte enfantin qui reprend la même thématique. Blanche-Neige est effectivement une “Fille-Soleil”, qui sera libérée par le bon chasseur, pour rayonner et houspiller, par sa blanche beauté, la méchante reine, symbole de la lune hivernale, qui brille de ses plus beaux feux en janvier et en février, mais dont l’indéniable splendeur devra céder face à la Lumière, plus resplendissante encore, du Soleil, de la “Fille-Soleil”, qui revient, triomphante, libérée, chaque printemps. Ernst L. Krause meurt en 1903, en nous laissant une œuvre que redécouvrent aujourd’hui les spécialistes de la préhistoire et de la proto-histoire.
00:19 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mythologie, mythes, labyrinthes | | del.icio.us | | Digg | Facebook