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mercredi, 18 décembre 2019

Avec Bruno Favrit

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Avec Bruno Favrit

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Biographe de Nietzsche et grand lecteur de Giono, Ramuz et Tesson, Bruno Favrit est l’auteur d’une œuvre secrète, qu’il dissimule non sans une hautaine jubilation. Il livre aujourd’hui la suite de Midi à la source (voir ma notule du 26 mai 2013, sur le présent site), ses carnets intimes, et qui couvrent cette fois les années 2012 à 2018.

J’y retrouve bien des leitmotive d’une œuvre que je suis depuis plus de quinze ans : une vision spartiate du monde, le recours aux montagnes et aux forêts, vécues comme des organismes vivants et vues comme des refuges contre un monde de plus en plus massifié, l’appel des sommets tant physiques (l’escalade et la randonnée à fortes doses) que psychiques (l’introspection quotidienne et la fortification de l’âme), la fréquentation des écrivains singuliers et des philosophes libertaires, le mépris pour les tricheurs et les perroquets, le dégoût des villes (où Favrit déjeune et dîne pourtant en excellente compagnie), le refus passionné de toute médiocrité, fût-elle cachée au plus profond de soi.

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Comme je l’ai déjà écrit, il y a du Cathare chez Favrit, avec, d’une part, des exigences et des tourments qui sont ceux d’une âme noble, et de l’autre des vitupérations qui, si elles sont rarement infondées, montrent son peu de détachement pour une époque il est vrai peu séduisante.

Mais l’amour du vin d’un fier disciple de Dionysos, celui des fromages chez ce passionné, comme Gabriel Matzneff, de diététique. La volonté de réenchanter le monde, la méfiance pour les mirages.

Bref, le portrait d’un « humaniste misanthrope » comme il se définit lui-même, d’un hors-la-loi fasciné par le mythe du surhomme.

Christopher Gérard

Bruno Favrit, Dans les vapeurs du labyrinthe. Carnets 2012-2018, Ed. Auda Isarn, 320 pages, 23€

lundi, 01 janvier 2018

« Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien »

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« Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien »

Entretien avec Bruno Favrit

Europe Maxima : Pourquoi avoir décidé de rééditer Le Voyage du Graal ?

Bruno Favrit : Ce livre m’est cher. D’une part parce qu’il est le résultat d’un long cheminement, d’un travail de terrain et d’écriture. D’autre part et surtout parce que j’ai voulu y inscrire ou y retranscrire les éléments d’un héritage sacré. Il est important de se pencher sur cet aspect de notre spiritualité. Notre civilisation se trouve à un moment charnière de son histoire. Il convient donc plus que jamais de faire un rappel à ce qui la caractérise, c’est-à-dire sa mémoire, et à ce que cette mémoire a de plus rémanent. Elle remonte à loin, au temps de la mythologie et des dieux. Mais cela vit toujours parmi nous et en nous. Le Graal existait bien avant qu’il ne soit dénommé. Dans une société où se côtoyaient la tragédie, la philosophie, la démocratie, le paganisme… Il y a beaucoup à démêler, car le dogme et la révélation ont voulu depuis expliquer le monde et ont brouillé les cartes. C’est aussi pourquoi le concept de graal ne se laisse pas facilement appréhender. J’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice. Je pense que l’importance du sujet traité nécessitait de rendre ce livre à nouveau disponible.

Europe Maxima : Comment êtes-vous arrivé à vous intéresser au paganisme ? Quelle est votre définition de ce dernier et comment le vivez-vous ?

BF : Le paganisme, j’y suis assez naturellement venu par la fréquentation de la nature… Mais peut-être devrais-je plutôt parler, en fait, de panthéisme. La nature s’est d’elle-même substituée, si l’on peut dire, à mon éducation catholique. Il y a eu aussi des lectures qui m’ont ouvert les yeux. Elles disaient en substance, pour reprendre une formule d’Héraclite, « ici aussi il y a des dieux ». Ce pourrait être ma conception du paganisme. Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien. Je crois que nous participons, par l’âme ou par l’esprit, à un équilibre, à une volonté, et que nous pouvons avoir conscience qu’il y a de l’harmonie et de la beauté dans ce monde. Et qu’il ne faut pas laisser les idéologies délétères éteindre les foyers qui favorisent la vie.

Mon « paganisme », je le vis donc avec la conscience de ce qui est enfoui en moi profondément afin d’être, autant que possible, en conformité avec ce que je suis. Mes livres expriment la vision d’un monde où l’atmosphère est moins viciée, où l’esprit et le corps ne s’ignorent pas, et qui tient à distance toute morale incapacitante. C’est ainsi qu’il est possible de traverser ce monde en homme libre et de se reconnaître comme tel. En Européen ou, mieux, en Boréen.

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Europe Maxima : Dans Le Voyage du Graal, on sent une certaine sympathie pour les hérésies chrétiennes. Est-ce par provocation ?

BF : Le combat des religions contre leurs hérésies est ce qui me les a rendues suspectes. N’oublions pas qu’au début le christianisme était une hérésie. Jusqu’à ce qu’il remonte des catacombes et s’installe dans la Rome de ses tourmenteurs… Je ne sais pas si j’ai voulu jouer les provocateurs. Il y a une part de christianisme très acceptable. Cela remonte au temps où il ne craignait pas de s’assumer. C’est alors qu’il s’est approprié le mythe du Graal, qu’il l’a en quelque sorte intégré à son histoire. Sans que l’Église, toutefois, ne le valide vraiment. Et on comprend très bien pourquoi…

Europe Maxima : Lorsque l’on étudie comparativement le christianisme et le polythéisme européen, il apparaît évident que le premier a énormément emprunté au second. L’exemple du mithraïsme est frappant, et vous ne manquez pas de le rappeler…

BF : On voit clairement en effet la somme d’efforts déployés par le christianisme pour prendre la place de cultes au demeurant bien plus tolérants qu’il ne l’a été pour ce qui est de la définition de la divinité ou des divinités. À Rome, il y avait toujours de la place pour dresser des autels aux nouveaux dieux… On peut imaginer que le mithraïsme aurait pu triompher du christianisme. Il s’en est fallu sans doute de peu. En tout cas, je montre dans mon livre que celui-ci a beaucoup emprunté à celui-là. C’en est même troublant. Mithra était un dieu unique. Seulement, en intégrant le panthéon des dieux romains il s’inscrivait dans le concert polythéiste. Maintenant, si l’on veut bien s’y arrêter, il s’avère que le catholicisme avec son culte marial, ses multiples saintes et saints, revêt une forme de polythéisme évident.

Europe Maxima : Votre récit prend la forme d’une quête. Ainsi vous vous êtes mis en route. Quel fut l’appel à ce voyage et que cherchez-vous ?

BF : J’ai cherché le contact. Le point de conjonction entre le lieu et le mythe. C’est important, le mythe, en tant que proposition d’expliquer la complexité du monde mais sans l’arrogance des religions révélées. Il est parfois bien préférable à un long discours scientifique. Ensuite, il faut s’arranger avec les mots, retranscrire sur le papier : l’étape la plus difficile. L’appel de ce voyage c’est aussi celui des Anciens, plus proches de l’immanence du monde que nous ne le serons jamais aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’ai cherché à me détacher des injonctions ambiantes. Je n’aime pas cette posture du moderne qui prétend que le passé est chargé d’obscurantisme. Au fond, la société des troubadours et des cours d’amour était peut-être plus raffinée et moins anémiée que la nôtre…

BF-fàf.jpgEurope Maxima : Fort heureusement, le livre est aux antipodes d’un simple compte-rendu de randonnée. En effet, le lecteur apprendra énormément de choses dans votre ouvrage. Quel est le message que vous voulez transmettre ?

BF : J’expose plutôt que je transmets. Je commente, donne mes impressions, et surtout je questionne. Qu’est-ce donc que le Graal ? Il convient de rester humble devant la dimension d’un tel concept. Fournir quelques pistes est déjà beaucoup. Bien entendu, et vous avez raison, dans ce domaine, on ne peut ignorer les philosophies, les témoignages, les textes sacrés; ils parlent de lieux où souffle l’esprit, et d’une légende ou d’un concept qui n’est sans doute pas à considérer comme pure abstraction. Même s’il m’a fallu faire le tri, tant charlatans et imposteurs se sont eux aussi emparés du sujet pour le dévoyer.

Europe Maxima : Dans un monde si laid, comment pourrait-on réenchanter notre imaginaire et nos vies ?

BF : Ce monde est laid quand il encourage la quantité et l’égalité à prendre le pas sur la qualité et la liberté, quand il laisse la pensée calculante dominer l’aristocratie de l’esprit… On assiste essentiellement à ces procédés entre les hauts murs des conurbations, en arpentant le bitume gris, en percevant l’écho des brouhahas, des doléances, du ressentiment, en voyant se débattre les esprits sans esprit, les Lotophages citoyens du monde et du village global, qui ne savent ni d’où ils viennent ni où ils vont…Réenchanter le monde c’est déjà refuser de le laisser sombrer dans l’épuisement ou s’installer dans le non sens. Ce qui relève du domaine de la révélation ou d’une pensée unique, à l’exclusive de toute autre forme de vérité, éloigne du savoir. Donc, interroger le mythe. Le mythe aide à comprendre. Tout se tient dans le mythe et dans le for intérieur. Le mélange des deux fournit le carburant, si je puis dire, pour avancer sur les chemins de la connaissance.

Europe Maxima : Vous êtes un écrivain maintenant bien connu des militants de la Grande Europe, notamment grâce à vos écrits traitant du paganisme. Néanmoins vous collaborez à une collection sur les polars aux éditions Auda Isarn. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

BF : Quand Francis Bergeron et Pierre Gillieth ont lancé l’idée d’un héros dont les aventures seraient écrites à tour de rôle par des auteurs pas très respectueux du consensus ambiant, je me suis enthousiasmé. D’autant plus que j’ai toujours été un fervent consommateur de littérature populaire, genre bien plus exigeant qu’on ne croit. Ceci peut expliquer pourquoi j’ai été le premier à rendre ma copie. D’autres auteurs vont suivre. Pierre Gillieth le disait récemment : on doit investir tous les aspects de la culture, ne pas laisser le terrain aux partisans d’un monde unipolaire où les spécificités culturelles sont niées ou laminées. Il peut y avoir dans le polar des analyses sociologiques très pertinentes, déjà de par leurs connexions possibles avec le réel. Ce qu’ignorent, hélas, trop souvent les porte-crayons du Système.

Propos recueillis par Thierry Durolle

• Bruno Favrit, Le Voyage du Graal, préface de Philippe Randa, Dualpha, coll. « Insolite », 2017, 144 p., 21 €.

dimanche, 30 octobre 2016

Bruno Favrit, Vitalisme et vitalité

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Bruno Favrit, Vitalisme et vitalité

(Editions du Lore, 2006)

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

brunofavrit.jpgIl est parfois bon de parcourir les bibliothèques d’autrui. Ainsi, c’est en explorant une bibliothèque où le paganisme et les traditions d’Europe ont bonne place que je tombai par « hasard » sur une brochure du nom de Présence Païenne. Son auteur, Bruno Favrit, sans jouir (hélas) de la renommé d’un Jean Mabire ou d’un Christopher Gérard, n’est pas un inconnu et encore moins un débutant.

Collaborateur à la décapante revue non-conforme Réfléchir & Agir, Bruno Favrit compte une quinzaine d’ouvrages à son actif, principalement des essais sur le paganisme et des romans. En fin connaisseur de la Grèce antique – particulièrement de l’œuvre de Platon – et de la philosophie de Friedrich Nietzsche, l’auteur synthétisait dans la brochure susnommée une vision solaire du paganisme traversée par un vitalisme bienvenu en ces temps moroses d’apathie existentielle et de nihilisme. Quelle ne fut pas ma surprise et ma joie lorsque je découvris que Bruno Favrit avait précisément consacré un ouvrage à la question du vitalisme, et pas n’importe lequel: celui de la Grèce antique. Vitalisme et Vitalité, c’est donc son nom, est un essai dont la lecture devenait par conséquent indispensable…

« La Grèce comme creuset de la civilisation occidentale est un fait avéré […] Son vitalisme se tient là, dans le champs de tous les possible. C’est ce que nous proposons de méditer à une époque où la sclérose, la limitation, la législation n’ont jamais été aussi pesantes ». Redécouvrir des racines enfouies au plus profond de nous-mêmes à une heure où, justement, plus rien ne doit avoir de racines, ni de sens, où l’existence de chacun se résume à un parcours linéaire allant d’un point A à un point B. Nous autres Européens avons la chance de pouvoir puiser le vitalisme nécessaire quant à notre sauvegarde dans nos nombreuses traditions et cultures : c’est pourquoi nous incarnons la diversité dans l’unité. Néanmoins, la racine prépondérante de notre civilisation Européenne est incontestablement la Grèce antique (« Tout est parti de la Grèce ») qui fut un point de départ pour des domaines tels que l’Art, la Philosophie (qu'elle soit tournée vers la métaphysique ou le politique), la Religiosité et le Sacré, la Science, etc. C’est ce que propose d’étudier la première partie de cet essai.

Il y aurait énormément de chose à dire sur ce berceau civilisationnel que fut la Grèce antique. Nous l’avons dit plus haut : son influence est prépondérante. Or, il s’agit ici d’un essai et non d’une étude universitaire, l’excellente connaissance du sujet conjugué à un esprit de synthèse s’imposent donc. Heureusement, Bruno Favrit manie les deux parfaitement et la lecture de Vitalisme et Vitalité n'en est que plus agréable. Dans la sous-partie « La tradition et les idées » l’auteur développe les thèmes des dieux, des mythes et des différentes écoles de philosophie présocratique avec des figures telles Pythagore, Anaxagore, Parménide, Héraclite et post-Socratique en la figure de Platon. Bien que cité de nombreuses fois, on regrettera cependant l’absence d’une partie consacrée à Aristote, philosophe, au coté de son maître Platon, d’une importance et d’une influence pourtant capitale…

La mythologie et la religiosité des anciens grecs sont bien entendu à l’honneur. En bon nietzschéen, Bruno Favrit nous gratifie même d’une partie dédiée à Dionysos, expression d’une autre facette du vitalisme européen, celui là-même que le christianisme, poison de l’âme européenne, n’a cessé de diaboliser. D’autres grands thèmes sont pareillement étudiés lors de cette première partie (à savoir les mœurs et l’éducation à Sparte, l’expérience de la guerre et l’expérience métaphysique) dont nous pourrions en résumer la quintessence via la citation suivante : « L’union et la volonté comme moteur de l’action, c’est donc la leçon que nous donne la Grèce. Elle n’appelle pas seulement à ce que l’homme tende à s’identifier aux dieux, mais à ce que la société toute entière s’organise autour de cette idée, davantage du reste qu’une idée : une interprétation du monde. »

La deuxième partie de l’ouvrage, « De l’homme empêché à l’homme vitalisé », se veut être « le constat d’une déréliction, ses causes et ses effets, et une relecture du monde à travers le prisme vitaliste ». Sont désignés par l’essayiste comme ennemis de l’être et, en ce qui nous intéresse, de l’être européen: l’idéologie du progrès, les monothéismes, l’eudémonisme, le règne de l’Opinion, l’irénisme et l’égalitarisme. L'auteur revient également sur la notion capitale à ses yeux (et nous souscrivons entièrement à son point de vue): le Mythe. Mythos qu’il oppose au Logos. Les mythes, les légendes, et les contes font partie intégrale de notre identité d’Européens, un auteur comme Robert Dun s’attachait particulièrement à ces derniers. Nous avons ici matière à inspirer nos vies et la jeunesse. Plutôt Siegfried et Héraclès qu’Iron Man et Captain America !

Vitalisme et Vitalité de Bruno Favrit est un essai roboratif, loin de la lourdeur des écrits académiques et de celle du « dernier homme », emprunt de poésie parfois, chose normale pour ce lecteur de Nietzsche ! Ils sont d’ailleurs nombreux aujourd’hui à remettre au goût du jour cette philosophie vitaliste (voir Rémi Soulié et son Nietzsche ou la sagesse dionysiaque). Le renouveau vitaliste sera une étape majeure quant aux retrouvailles avec notre être européen, cette fameuse « âme européenne ». Notre imago mundi est certes politique mais elle est aussi métaphysique, et cette métaphysique se doit d'être vitaliste, c’est à dire « plus que vie ». L’essai de Bruno Favrit est un appel. Espérons qu’il sera entendu !

Donatien/C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

Pour commander l'ouvrage:

http://www.ladiffusiondulore.fr/documents-essais/24-vital...

dimanche, 16 octobre 2016

Bruno Favrit répond au questionnaire de la "Nietzsche Académie"

Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com

Bruno-Favrit.jpgRéponses de l'écrivain nietzschéen Bruno Favrit (link) au questionnaire de la Nietzsche académie. Bruno Favrit est l'auteur d'une biographie sur Nietzsche aux éditions Pardès (2002).

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Bruno Favrit - A quinze ans, j'ai découvert ''Ainsi parlait Zarathoustra'' et j'ai senti toute la puissance qui se tenait dans ces pages. Bien entendu, l'adolescent est plus prompt à s'enthousiasmer du moins je veux encore y croire, dans ce monde où la culture se traduit par une offre débridée et quasi illimitée dont la qualité n'est pas la partie émergente. Mais le signe que Nietzsche est une valeur sûre, c'est que trente ans après, je peux le retrouver avec le même étonnement, les mêmes battements de cœur. Je ne peux en dire autant d'auteurs qui ont illuminé ma jeunesse mais qui ont depuis nettement perdu leur pouvoir.

BF-1.jpgN.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

B.F. - ''Le Crépuscule des idoles'' me semble une bonne entrée en matière. D'ailleurs, dans ''Ecce homo'', à propos de ce livre, Nietzsche a cette confidence : « C'est une exception parmi mes livres. Il n'y en a pas de plus substantiel, de plus indépendant, de plus révolutionnaire, de plus méchant [...] qu'on commence par lire cet écrit.». Et, contrairement à ce que j'ai fait, il faudrait presque terminer par le ''Zarathoustra''. Car il est formidablement crypté et il convient d'avoir côtoyé Nietzsche pour en goûter toute la substance hauturière. Entre ces deux, il ne faudrait rien négliger. On doit savoir que ses livres ont été composés sans véritable espoir qu'ils passent avant longtemps à la postérité. Conscient qu'il ne s'adressait qu'à une minorité, Nietzsche, qui a fini par s'éditer à compte d'auteur, ne s'est pas découragé, même s'il a quelquefois songé à s'orienter vers la poésie ou la musique. Je pense qu'il était conscient de la puissance de ses écrits. Il croyait en lui. Tout l'avantage de sa pensée est dans ce qu'il n'eut pas à la diluer pour complaire à un éditeur, aux critiques ou à un cénacle.

N.A. - Être nietzschéen, qu'est-ce que cela veut dire ?

B.F. - D'abord apprendre à penser par soi-même. Se doter d'une certaine forme de misanthropie  en tout cas ne point trop s'illusionner sur l'homme. Ensuite, s'obliger à affronter l'adversité et la bêtise sans se laisser étouffer par trop de compassion. C'est déjà beaucoup. Quand j'ai publié ma biographie sur Nietzsche, on m'a reproché d'en avoir restitué une image païenne. Mais je ne vois pas comment j'aurais pu en faire une autre lecture. Il encourageait la danse, la divagation sur les sommets en compagnie des ménades. Quant au Galiléen... on sait bien ce qu'il en pensait.

BF-2.jpgN.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

B.F. - Je pourrais me défiler en disant qu'il n'appartient à aucune idéologie mais il faut tout de même noter que Nietzsche goûtait peu les ''socialistes'' qui montraient, selon lui, de profondes similitudes avec les chrétiens. Son attitude essentiellement aristocratique ne devrait pas nous faire penser que, s'il revenait en ce monde, il prendrait le parti de ceux qui ont renoncé à défendre les ouvriers pour se consacrer aux exclus, aux malades, brefs à ceux qu'ils ont tellement assistés et pommadés qu'ils ont tué en eux toute velléité de résistance. Si Nietzsche a pu être ''de gauche'', il y a bien longtemps.

N.A. - Quels auteurs sont nietzschéens ?

B.F. - Je vais certainement en oublier. Mais il me semble évident que des figures comme Montherlant ou Drieu lui doivent énormément. Cioran, est son fils spirituel. A l'étranger : Hamsun, Pessoa, Jünger, Henry Miller, Mishima... Quant à dénicher d'authentiques nietzschéens en ce début de siècle, c'est bien difficile. Peut-être Naipaul, Gòmez Dàvila et, par chez nous, le sociologue Michel Maffesoli qui prédit le retour de Dionysos. En revanche, si le nietzschéisme d'Onfray n'est pas une imposture, cela y ressemble fort.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ?

B.F. - Les spécialistes n'ont pas fini de soupeser et de se prononcer sur cette notion. Il suffit pourtant de lire le Zarathoustra, même si son aspect parabolique peut dérouter. Le Surhomme, c'est celui qui vient se mettre au contact des hommes ceux de la place du marché  et qui, effrayé par tant d'inanité, s'en retourne sur les hauteurs. Il peut s'agir aussi de Dionysos reconceptualisé et infiniment libre et libéré si l'on conserve la majuscule. Pour moi, plus ''trivialement'', le surhomme est déjà celui qui sait « conserver la joie d'être son propre maître » (pour reprendre une formule de ''Humain, trop humain''). Lorsque l'ermite de Sils Maria écrit « mes livres ne parlent que de victoires remportées sur moi-même », il participe de sa tentative de s'ériger en surhomme. A ce sujet, je me suis fait cette réflexion : Nietzsche a été malade la majeure partie de sa vie au point qu'il a dû s'arrêter d'enseigner. Ce qui ne l'a pas empêché de donner par la suite une tonifiante leçon de vie et de grande santé à ses semblables. Comme quoi la maladie a du bon lorsqu'elle frappe des ''surhommes''. Il est préférable pour nous que le père de ''Zarathoustra'' ait éduqué le monde plutôt que la centaine d'étudiants de l'université de Bâle.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

B.F. - « Qui n'est pas un oiseau ne doit pas se risquer au-dessus des abîmes. » (Zarathoustra II - Des sages célèbres.)

13:37 Publié dans Entretiens, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nietzsche, entretien, bruno favrit, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 30 mars 2016

Fort à faire...

Fort à faire...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

694691717.jpgLes éditions Auda Isarn viennent de publier un récit de Bruno Favrit intitulé Fort à faire. Amateur de sommets, et pratiquant donc la course en montagne et la lecture de Nietzsche, Bruno Favrit est l'auteur de nouvelles comme Nouvelles des Dieux et des montagnes (Les Amis de la Culture Européenne, 2004) ou Ceux d'en haut (Auda Isarn, 2007), de deux romans, Criminel de guerre (Les Amis de la Culture Européenne, 2005) et Le soleil d'or (Alexipharmaque, 2015) et de divers essais comme Vitalisme et Vitalité (Editions du Lore, 2006) ou Esprit du Monde - œuvres en perspectives (Auda Isarn, 2011). Il a également publié Midi à la source (Auda Isarn, 2013), le journal qu'il a tenu entre 1990 et 2011, ainsi qu'un recueil d'aphorismes,Toxiques & Codex (Alexipharmaque, 2013).

" Il y aura eu fort à faire durant ces quatre saisons placées sous le signe du vin, de la volupté et de l'air pur, l'âme et l'esprit en permanence habités par le désir d'échapper aux pesanteurs et aux mots d'ordre. Ainsi, les contingences, la volonté, les dissonances vous happent, se télescopent, vous animent. Et alors, il n'y a plus qu'à suivre le chemin que la vie vous réserve et goûter aux plaisirs et aux enchantements dont elle a résolu de ne pas vous priver.
Roman ou récit ? Fort à faire est le laboratoire d'un panthéisme assumé.

Bruno Favrit vit dans le sud de la France, entre Vaucluse et Vivarais. Il a consacré des essais au paganisme et à l'héritage gréco-romain, ainsi qu'une biographie à Frédéric Nietzsche. Aux éditions Auda Isarn, il a publié cinq ouvrages (nouvelles, récit, essais, carnets). Dans chacun de ses livres transparaît sa vision d'un monde résolu à ignorer la prééminence des dieux et qu'il souhaite revisiter. "

mardi, 03 février 2015

Le soleil d'or...

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Le soleil d'or...

Les éditions Alexipharmaque viennent de publier un roman de Bruno Favrit intitulé Le soleil d'or. Alpiniste chevronné, lecteur passionné de Nietzsche et porteur d'une vision du monde païenne, Bruno Favrit est l'auteur de nouvelles comme Nouvelles des Dieux et des montagnes (Les Amis de la Culture Européenne, 2004) ou Ceux d'en haut (Auda Isarn, 2007), d'un roman, Criminel de guerre (Les Amis de la Culture Européenne, 2005) et de plusieurs essais comme Vitalisme et Vitalité (Editions du Lore, 2006) ou Esprit du Monde - œuvres en perspectives (Auda Isarn, 2011). Il a aussi publié Midi à la source (Auda Isarn, 2013), le journal qu'il a tenu entre 1990 et 2011, ainsi qu'un recueil d'aphorismes,Toxiques & Codex (Alexipharmaque, 2013).

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" Le so­leil d’or, c’est un ro­man d’aven­tures.
Des aven­tures au bout du monde — parce qu’il n’y a d’aven­tures vé­ri­tables qu’au bout du monde : au-de­là de la fron­tière, au-de­là de la carte, vers les ter­ri­toires… Ce se­ra alors pour l’es­sen­tiel la Pa­ta­go­nie, âpre et er­ra­tique, dont les in­fi­nis sont con­tem­p­la­tions au­tant que per­di­tions.
C’est aus­si une quête, celle d’un so­leil d’or dont les feux ma­lé­fi­cient peut-être, dont les rayons blessent les cons­ciences, brûlent les âm­es et les pas­sions.
Tan­dis qu’on re­t­rou­ve­ra les thèm­es chers à Bru­no Fa­v­rit, l’homme face à la na­ture, les som­mets et les pics — la ver­ti­ca­li­té qui, si elle est él­é­va­tion est aus­si, et da­van­tage que dans d’autres de ses livres, ver­tige, abîme, chute.
Dans des dé­cors im­menses où pour­raient mi­roi­ter Fran­cis­co Co­loane et Ni­co­las Roe­rich, Bru­no Fa­v­rit ép­rouve l’éva­sion, prouve le Grand De­hors. "

14:40 Publié dans Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, bruno favrit | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook