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mardi, 23 février 2021

Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

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Le Hohenstaufen de génie: incompris, calomnié, combattu (1194-1250)

Par Bernard Plouvier

Ex: https://metainfos.com

Fils de l’empereur Henri VI et de l’héritière de Sicile, Frédéric de l’illustre dynastie souabe des Hohenstaufen semble béni, sinon des dieux, du moins de la fortune… pour les amateurs de symbole, il est même baptisé, au début de 1195, dans la même cathédrale Saint Rufin d’Assise où Jean Bernardone l’avait été en 1182. Les deux hommes se rencontreront plus tard, en une époque où le second sera devenu François d’Assise.

Papa Imperator meurt en 1197 et l’orphelin est dépouillé, vivant en pauvre humilié, à Naples. Il y gagne une formation d’autodidacte polyglotte, étant curieux de tout. Pour des raisons politiques, son tuteur, le pape Innocent III, se souvient brusquement de lui en une époque où les candidats au trône de Germanie se bousculent et en 1211, Frédéric passe du statut d’orphelin quasi-miséreux à celui de roi désigné de Germanie.

Quatre ans de conciliabules se passent avant qu’il soit enfin sacré en 1215 en la ville de Charlemagne : Aix-la-Chapelle. À 19 ans, c’est un athlète de taille moyenne (disent les chroniqueurs, ce qui signifie qu’il ne doit sûrement pas dépasser 1,75 mètre).

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Ces quatre dernières années, il est devenu lettré, féru de poésie, mais aussi d’arithmétique, d’astronomie (indissociable jusqu’au XVIIe siècle de l’astrologie : l’illustre Kepler et le triste sire Galilée seront engagés comme astrologues). Il devient un expert en fauconnerie. Il est surtout rompu à la pratique des armes et a très vite compris que, si un mauvais arrangement vaut toujours mieux qu’un long procès même gagné, il en est de même en politique : on guerroie quand il est impossible de faire autrement, le mieux étant de négocier. C’est une découverte de génie… qui restera inexploitée, en Europe, pendant près d’un millénaire.

En 1215, il a promis de partir en croisade. Mais le cinquième épisode, débuté en 1218, lui paraît tellement mal engagé qu’il décide de n’y pas prendre part.  Certes en 1220, il renouvelle son vœu, alors que les croisés vont d’échec en échec.

En 1219, est arrivé en Terre Sainte, François d’Assise qui rêve, sinon de se faire martyriser, du moins de convertir du mahométan. En cet été de 1219, François discute avec le sultan kurde d’Égypte, neveu de saladin, le très intelligent Malik al-Kâmil, beaucoup moins fanatique que son oncle qui était un fervent adepte du Djihâd, dans sa variété sanglante.     

La rencontre de Bari entre François et l’empereur Frédéric date de l’année 1222, durant laquelle François est venu prêcher dans le royaume de Naples. Ces conversations de 1222, singulièrement celles qui ont trait à l’émir d’Égypte, ont alimenté les réflexions de Frédéric, au point de lui faire organiser sa très particulière sixième Croisade, la seule qui ait réussi depuis le triomphe de 1099.

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Frédéric II est peut-être cet humaniste tant vanté par les historiens, mais c’est un humaniste étonnamment moderne, très éloigné de ceux de la Grande Renaissance des XVe et XVIe siècles : il consomme énormément d’alcool et de femmes. Outre ses trois épouses, qui lui offriront sept enfants légitimes (dont trois meurent en bas âge, ce qui est la moyenne normale de l’époque), on lui connaît une douzaine de bâtards parvenus à l’âge adulte (et l’on doit supposer l’existence d’une douzaine d’enfants illégitimes morts prématurément).

C’est avant tout un homme très intelligent, pragmatique en matière de politique, de religion et d’administration. Il a compris qu’il valait mieux éblouir qu’effrayer. Il ramène la paix dans ses états par le faste des cérémonies et de ses constructions plutôt que par l’étalage de cruauté comme le font ses confrères rois, papes et empereurs… presque jusqu’à nos jours.

Lorsque les 20 000 mahométans de Sicile s’insurgent, au lieu de les faire exécuter, il les déporte dans les Pouilles où ils font souche. Ce germano-scandinave, qui ne croit pas plus au Christ qu’à Mahomet, est strictement dépourvu d’orgueil racial. On n’a jamais pu déterminer s’il était athée ou vaguement déiste. En tous cas, il réfute les interdits religieux et introduit l’enseignement de l’anatomie à l’Université de Salerne, y autorisant la pratique des dissections de cadavres, interdite aussi bien par le fanatisme mahométan que par le chrétien. Il s’entoure d’une garde berbère (« sarrasine ») et ne sera jamais trahi.   

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Entre gens intelligents, il arrive que l’on s’entende. C’est ce qui va se passer entre Frédéric et Malik al Kâmil, dont François a longuement parlé à l’empereur. Roi de Germanie, de Sicile, Calabre, Naples et Pouilles, titulaire de la dignité impériale, Frédéric aimerait faire la paix avec les papes qui, après l’avoir excommunié en 1220, menacent de placer ses royaumes en interdit, ce qui reviendrait à déclencher une multitude d’insurrections chez ses sujets les plus fanatiquement superstitieux. Rien de tel, pour calmer l’ire des pontifes que de leur rendre l’accès à Jérusalem.

Quelques mois après la rencontre de François et de l’empereur, le roi dépossédé de Jérusalem Jean de Brienne propose à Frédéric, jeune veuf, la main d’isabelle, sa fille et unique héritière. Le mariage est célébré, à Brindisi, en novembre 1225, Frédéric exigeant d’être nommé «  administrateur du royaume » fantôme. En 1228, isabelle meurt à peine âgée de 17 ans ; Frédéric exerce ses prérogatives au nom de leur fils Conrad.

Au début de 1227, par ambassadeurs interposés, l’empereur et Malik al-Kâmil ont conclu une alliance, d’autant plus utile à l’émir du Caire qu’il lorgne le territoire de son frère l’émir de Damas. Ni l’un ni l’autre ne sont naïfs au point de croire aux billevesées sur l’œcuménisme religieux (le nom et l’adjectif sont d’ailleurs parfaitement incompatibles, tandis que foi et fanatisme sont des notions admirablement corrélées, quoiqu’en disent nos modernes hypocrites) ni en la notion d’un dieu unique, étant donnée la multiplicité des candidats au titre. Ils concluent un arrangement pour avoir la paix l’un et l’autre, de façon à mener à bien leurs projets.   

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Les premiers détachements de Normands de Sicile et de chevaliers de Germanie débarquent en Acre en avril 1227, reprenant en ce printemps quelques places fortes de la côte libanaise (« syrienne », à l’époque). Le pape Honorius III avait menacé Frédéric d’une deuxième excommunication s’il ne partait pas diriger lui-même cette sixième Croisade avant la fin de l’année 1227. Or, en cette année, le pape meurt, remplacé par le neveu d’innocent III, ennemi de l’empereur. Les camps de croisés, en Italie, sont ravagés par une épidémie de choléra. Frédéric déclare vouloir remettre sa participation à la croisade pour l’année suivante. Grégoire IX attise l’agitation guelfe (germanophobe et bigote) en Lombardie et il excommunie l’empereur le 17 novembre.

Le 21 juillet 1228, Frédéric débarque chez son vassal infidèle, le roi de Chypre Hugues de Lusignan, et mâte les barons locaux, en août, par une démonstration de force, sans effusion de sang : c’est la méthode favorite de l’empereur.

Le 7 septembre, son armée débarque à Saint-Jean-d’Acre. Le bon Grégoire IX lance une offensive des troupes pontificales en Campanie et dans les Pouilles… de façon parfaitement ignoble, puisque depuis Urbain II, le pontife de la 1ère Croisade, la doctrine constante de l’Église est de considérer comme sacré le domaine d’un croisé. En outre, le pape interdit aux Templiers, aux Hospitaliers et aux Génois d’aider l’empereur dans sa Croisade. Frédéric s’en moque : il compte sur ses fidèles Chevaliers Teutoniques. Il dirige en novembre 1228 la prise de Jaffa, qui n’est pas suivie du massacre rituel de mahométans : il n’y a pas de légat pontifical pour l’exiger. C’est en cette ville qu’est signé, le 18 février 1229, le traité entre l’empereur et le sultan qui règne désormais sur la Syrie et sur l’Égypte.

51iQrOGCJaL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgL’empereur reçoit pour dix ans la souveraineté sur Jérusalem, Bethléem et la Haute-Galilée, où se niche, à flanc de colline, la ville de Nazareth, tandis que les mahométans gardent, dans la ville sainte, le contrôle de la mosquée al-Aqsa et le Mont Moriah (soit le quartier du Temple). Cet accord jette le pape dans une fureur prodigieuse : les dévots de Mahomet n’ont pas été étrillés en bataille rangée et une partie de Jérusalem leur est laissée, notamment celle qui intéresse au plus haut point les Chevaliers du Temple, respectueusement soumis au pontife. Le 14 mars 1229, Frédéric fait son entrée solennelle à Jérusalem, où il est sacré roi le 16, en l’église du Saint-Sépulcre, boudé, sur ordre du pape, par le patriarche latin et les chevaliers des Ordres militaires.

En juin, il rembarque pour reconquérir son domaine du sud de l’Italie, ce qui est fait dès le mois d’octobre, les troupes pontificales, mal commandées par le cardinal Pélage et le beau-père Jean de Brienne, furieux d’avoir été dépossédé de son titre de roi de Jérusalem, se débandant au moindre combat. En cette fin d’année 1229, les Templiers sont chassés du royaume de Naples-Sicile et leurs biens confisqués en faveur de l’empereur-roi. En août 1230, vaincu militairement, Grégoire IX lève l’excommunication de Frédéric… car même un homme inspiré par un dieu unique ressent parfois quelques frayeurs pour sa personne.

Jérusalem est reprise par les mahométans au début de 1241, puis restituée à l’empereur à la fin de l’année et définitivement perdue en août 1244, où les Turcs massacrent allègrement la quasi-totalité des chrétiens de la ville sainte… c’est une façon comme une autre de se défouler après leur très humiliante défaite enregistrée, en 1243, face aux Mongols. Le 17 octobre 1244, les Turcs écrasent (à sept contre un) les minces forces chrétiennes à La Forbie. Gaza est perdu en 1245. La Terre Sainte échappe aux Roumis jusqu’en 1918.

Frédéric, chef d’État surdoué, ménager du sang de ses sujets et même de celui de ses ennemis, eut le tort d’être trop peu présent dans les Allemagnes et détesté des papes-politiciens. Il fut considéré de son vivant comme un danger public par les grands feudataires de ses États et bien sûr par le clergé catholique. Vingt ans après sa mort, ses héritiers légitimes avaient tous été dépossédés en Sicile, en Germanie et dans les États de la botte italienne. 

Pour durer, une dynastie doit être composée surtout de tâcherons dociles aux vraies puissances : les maîtres de la finance ou les pontifes du dogme à la mode. La dynastie souabe disparut immédiatement après avoir atteint son apogée… comme c’est presque toujours le cas dans la triste histoire de l’humanité.

Sic transit gloria mundi.

samedi, 02 janvier 2021

Frédéric II de Souabe : une perspective méta-historique sur l'Europe

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Frédéric II de Souabe : une perspective méta-historique sur l'Europe

Andrea Virga

Ex : https://www.geopolitica.ru/es

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

L'anniversaire du 26 décembre (ou 826ème anniversaire de la naissance de Frédéric II de Hohenstaufen, Empereur romain et roi de Sicile) est l'occasion idéale pour nous de réfléchir à certains aspects strictement méta-historiques et méta-politiques de notre discours, à partir du symbole que nous avons choisi pour représenter le GRECE italien.

En effet, contrairement au symbole originel du centre d'études historiques en France, représenté par le nœud breton, récupéré par la suite par certaines expériences politiques italiennes, l'homologue italien du GRECE a décidé d'opter pour un plan stylisé du château de Frédéric II lui-même, soulignant ainsi, en toute cohérence, la défense par le GRECE des différences ethno-culturelles en fonction de nos spécificités nationales. Alors que le premier fait référence au substrat celtique profond qui imprègne une grande partie de l'Europe centrale et occidentale, de l'Atlantique au Danube et des Orcades au Pô, un héritage d'une époque antérieure aux processus de romanisation et de christianisation, le second, qui conserve également une forme radiale d'origine solaire, est la projection d'un contexte spatio-temporel différent, même s'il appartient entièrement à la civilisation européenne.

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Castel del Monte, comme des centaines d'autres châteaux construits ou rénovés, a été construit par Frédéric II dans l'intention de renforcer son autorité dans le royaume de Sicile sur une colline près d'Andria, au cœur des terres des Pouilles. La raison politique de sa création correspond donc à la recomposition de l'autorité centrale face à la fragmentation féodale. Le projet de monarchie universelle réalisé par les Staufen préfigurait - il est vrai - l'avènement de l'État moderne (bien que dans une perspective qui transcendait les frontières nationales), mais, d'autre part, il constituait une restauration de l'ordre impérial romain qui s'était désintégré en Occident huit siècles auparavant et qui, à cette époque, s'effondrait également à l'Est sous les coups des Croisés et des Turcs. Ainsi, un réseau de châteaux fidèles au souverain empêchait toute action centrifuge des barons et des municipalités. Les grands espaces du Nord, les forêts sombres, les mers orageuses, les friches gelées, les forêts brumeuses, sont pour nous les porteurs de la menace d'un chaos informe, s'il n'y a pas la pierre d'un vallum, d'un castrum, d'une via, d'un templum, qui impose au cosmos la civitas.

De plus, son architecture complexe révèle, pour citer un document de l'UNESCO, "une fusion harmonieuse d'éléments culturels de l'Europe du Nord, du monde islamique et de l'Antiquité classique", affirmant ainsi une véritable synthèse non seulement des cultures présentes à l'époque du Royaume de Sicile (cultures grecque, latine, arabe et juive, normande et souabe), mais aussi des racines qui ont contribué à donner vie à la Kultur européenne (comme l'explique Spengler), dénotant ainsi une réelle rupture avec le monde méditerranéen classique : c'est l'union entre les vestiges de la civilisation gréco-romaine classique avec les populations "barbares" d'origine indo-européenne et la religion chrétienne qui a une origine au Moyen-Orient. Si, dans la pensée des intellectuels français, la Méditerranée est souvent apparue comme une barrière - et les cultures grecque et romaine ont parfois été réinterprétées de façon anachronique comme l'œuvre des élites "aryennes" - pour nous, Italiens, les descendants ainés de Rome, le rapport avec les rives orientale et méridionale de la Mare Nostrum ne peut être que totalement différent.

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Notre petit sous-continent, qui est une péninsule dans une péninsule d'Eurasie, entourée par les Alpes, a vu l'afflux et la fusion du Nord (Latins, Gaulois, Achéens, Goths, Lombards) et du Sud (Phéniciens, Pélasgiens, Tyrrhéniens, Byzantins, Arabes). Nous ne sommes pas un corps étranger à l'Europe, comme on l'a dit à tort, trompé par la controverse économique actuelle, mais le cœur de l'Empire, où Charlemagne et Charles Quint, Otton et Barberousse, empereurs romains et germaniques, ont été couronnés ; où Saint Benoît a commencé à répandre la Croix du Christ et les manuscrits de Virgile dans toute l'Europe ; où les pas des pèlerins et les caravanes de marchands se sont succédé lors de la traversée des Alpes. Mais nous sommes en même temps un quai qui se projette vers la mer du milieu, vers l'Afrique et le Levant, où depuis des millénaires nous négocions et dialoguons au moyen de l'or et du fer. Il n'y avait pas de ports sans emporium dans nos républiques, et les flottes de nos villes rivalisaient pour les mers avec celles des royaumes et des empires.

Enfin, sur le plan symbolique, Castel del Monte est la véritable couronne impériale en pierre, toujours baignée par le soleil, et qui est sous le signe du huit (8). C'est le nombre naturel qui suit le sept et représente donc ce qui est au-delà de la perfection terrestre : le ciel d'étoiles fixes et incorruptibles que l'on trouve après les sept planètes en mouvement, mais surtout, selon la symbolique chrétienne, c'est le huitième jour, le jour de la résurrection, le dimanche où il n'y a pas de coucher de soleil. Bien sûr, ce n'est pas par hasard que les Baptistères, depuis le début de l'ère chrétienne, avaient huit côtés. Toutefois, les principales références, pour le cas présent, sont au nombre de deux : la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, érigée par Charlemagne et devenue plus tard le lieu de sépulture, ainsi que le siège du couronnement des rois d'Allemagne ; et le Dôme du Rocher à Jérusalem, construit sur la première pierre de laquelle le monde a été créé, où Adam a été formé, où Abraham a lié Isaac pour le sacrifier, où Salomon a placé l'Arche d'Alliance, où Muhammad a commencé son voyage vers l'autre monde, où la trompette du Jugement dernier sera sonnée et les Templiers ont consacré, pour une brève période, une église latine. Castel del Monte, géographiquement, se trouve à peu près à mi-chemin entre ces deux villes (bien que plus proche de la première), non loin du sanctuaire de Saint-Michel Archange sur le Monte Sant'Angelo et du port de Bari, sur les chemins des pèlerins. Frédéric lui-même était un empereur croisé - et les Croisades n'étaient-elles rien d'autre que des pèlerinages armés, comme le rappelle Cardini ? - couronné à Aix-la-Chapelle ainsi qu'à Rome et à Jérusalem.

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Cela dit, la figure de ce grand souverain italo-germanique n'est pas seulement une inspiration pour l'Italie, mais pour toute l'Europe. Son règne correspond à la période de plus grande puissance du Saint Empire romain au plus fort de la période classique du Moyen Âge, entre la Renaissance de l'an 1000 et la crise du XIVe siècle. Outre le royaume de Sicile, qui comprenait toute l'Italie du Sud, les frontières impériales s'étendaient de l'Ems au Tibre, de la Vistule au Rhône, en passant par la Provence et la Silésie, la Toscane et la Frise. Les États croisés de Jérusalem et l'Ordre Teutonique ont juré allégeance à l'Empereur, étendant leurs domaines à l'Orient. Les autres rois ont également reconnu, au moins d'un point de vue formel, la supériorité de leur rang. Frédéric, appelé Constantin par sa mère à sa naissance, a extrait des ruines de Constantinople l'idée que l'Empereur était le Vicaire du Christ, et donc que l'Empereur était à égalité avec le Pape, ce qui a conduit à la création des thèses et revendications de la faction gibeline qui seront exposées au cours des siècles suivants. Ce Premier (et le plus authentique) Reich était l'embryon d'une véritable unité européenne supranationale.

Grâce à tout cela, nous pouvons mener une réflexion plus approfondie sur les relations entre l'Europe et l'Occident et, surtout, sur le rôle que le premier devrait jouer dans ce monde globalisé, dans le contexte de l'unipolarité occidentale dirigée par les États-Unis et qui cède la place à l'émergence d'un monde de plus en plus multipolaire, déterminé par la montée de puissances émergentes comme la Chine. Les réactions apocalyptiques, qui parlent d'une "révolution mondiale des peuples de couleur" ou de la "fin de l'homme blanc", tout en constituant une forme de ressentiment au sens nietzschéen, sont fondamentalement anachroniques. D'un point de vue radicalement anti-libéral, comme le nôtre, la Belle Époque durant laquelle l'homme blanc chrétien occidental dominait le monde n'était pas un âge d'or digne de susciter un deuil aujourd’hui : c'était plutôt une époque où, derrière le voile de la suprématie et du progrès technique, se préparait une double guerre fratricide qui, en trente ans (1914-1945), a réduit notre continent à un satellite et à une frontière entre deux superpuissances. Pendant ce temps, l'exploitation impérialiste qui a lieu en Afrique et en Asie a jeté les bases des grandes inégalités entre le Nord et le Sud du monde, qui sont la cause des flux migratoires actuels devenus non durables. Pendant ce temps, la société bourgeoise et industrielle européenne a commencé à uniformiser et à dévorer toutes les traditions locales, à commencer par les langues considérées comme "minoritaires".

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Cependant, si l'on considère les cycles historiques dans leur intégralité, on s'aperçoit que l'exceptionnalité de l'Occident n'a occupé que l'espace de quelques siècles dans l'ensemble de l'histoire universelle. Avec sa fin, la Grande Divergence qu'elle représentait se referme sur les grandes civilisations orientales prêtes à retrouver la place qu'elles avaient sur la scène mondiale bien avant le XIXe siècle. L'Europe que nous devons construire et viser est donc politiquement celle de Federico et non l'Europe victorienne des chauvinismes nationalistes conflictuels qui contrastent avec la tendance à l'unité dans la diversité appliquée au niveau continental ; au lieu d'une hégémonie mondiale et d'une concurrence inter-impérialiste, nous voulons un équilibre et une coopération multipolaire entre les grands espaces. En outre, il convient de rappeler aujourd'hui que le règne de Frédéric II a coïncidé avec l'émergence de la Pax Mongolica, une époque où l'Orient était unifié sous le sceptre de fer de Gengis Khan et de ses disciples, ce qui a permis de maintenir ouvertes de nouvelles routes commerciales de l'Adriatique à la mer Jaune : une époque qui anticipait le rêve chinois actuel de créer un réseau de routes commerciales terrestres et maritimes destinées à relier plus étroitement les deux côtes de l'Eurasie.

Nous tournons alors notre regard pour dépasser l'image de cette Europe qui, consciente des limites imposées par la sagesse païenne et la doctrine chrétienne, et qui dialogue en position de force avec les forts et traite les faibles avec justice, sans sujétion ni arrogance, qui sait répondre avec une sérénité apollinienne aux défis de l'Extrême-Orient et de l'Extrême-Orient, qui oppose les sirènes faustiennes à la sagesse épicurienne du Stupor Mundi : "Idiots comme nous sommes, nous voulons tout conquérir, comme si nous avions le temps de tout posséder."

samedi, 11 mars 2017

Ernst Kantorowicz: man of two bodies

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Ernst Kantorowicz: man of two bodies

by Robert E. Norton

Ex: http://www.the-tls.co.uk

In the summer of 1943, at the height of the Allied invasion of Sicily, Hermann Goering made frantic efforts to have the remains of the Holy Roman Emperor Frederick II of Hohenstaufen and his family transferred from the cathedral in Palermo to Germany. The symbolic power of Frederick was obvious: at his death in 1250, his empire, the first German Reich, had achieved its greatest extent, stretching across the middle of Europe from the Baltic to the Mediterranean and as far east as Lebanon, only to fragment and shrink in subsequent centuries, finally coming to an ignominious end at the hands of Napoleon in 1806. The Nazis, always keen to seek legitimacy through forcible appropriations of the past, regarded their own Third Reich, and hence themselves, as Frederick’s rightful heirs. It is nonetheless extraordinary that in the midst of a military emergency so much thought and energy would have been expended on salvaging a pile of dust. Perhaps Reichsmarschall Goering thought the Emperor’s body might act as a potent talisman in the flagging fatherland. In any case, it is even more remarkable that Goering’s distracting enthusiasm for the medieval monarch had originally been ignited by a Jew.

That man was Ernst Kantorowicz. In 1927, entirely unknown and at the absurdly young age of thirty-one, he had stunned the academic world when he published the first biography ever written of a man loved and feared in equal measure, to some a tyrant and to others the Messiah. Frederick II towered over his era, leaving an enormous and complex legacy, which makes both the person and his creation difficult to grasp and even harder to explain. Kantorowicz – who a few years before had completed a dissertation in economics and had never formally studied the Middle Ages – did something no professional historian had previously dared or been able to do, and he did it with sensational flair. Over 600 pages long, densely packed with recondite information drawn from scattered sources in ancient and modern languages, and written in flamboyant German prose, Kaiser Friedrich der Zweite immediately became an improbable bestseller, with a fourth edition issued in 1936. Frederick II, with its enthralling glorification of absolute power and ruthless ambition, predictably appealed to the new overlords of Germany as well. Indeed, Goering – who made sure to send a copy of the book with an inscription to Mussolini – was far from the only Nazi leader to fall under its spell: Heinrich Himmler was a fan, as was Hitler himself. When he surprised one of his generals reading the book during the war, the officer feared the Führer would object. Hitler reassured him by saying he had read it twice.

Kantorowicz’s first book on the Staufer Emperor alone may have sufficed to secure his place in the scholarly pantheon. But he managed to outdo himself with the even more influential The King’s Two Bodies, which appeared in 1957, shortly before he died in 1963, and has never been out of print. Yet most striking is that these two monumental books exist at opposite ends of the ideological and historiographic spectrums: the first, written in the overwrought, mystagogic style cultivated within the “circle” around the poet Stefan George, celebrates an almighty, autocratic ruler who held sway over a vast realm. Kantorowicz deliberately – and compellingly – cast his book as a political allegory meant to inspire his fellow Germans to seek and submit to such a leader should he appear. The latter book, written in English in American exile in Berkeley and Princeton, is a sober, meticulous, but no less scintillating study of an esoteric historical problem in what Kantorowicz called “political theology”. It is an immensely learned work bolstered by thousands of footnotes (the first book had none) and spiked with rebarbative terms only a pedant could embrace: “catoptromancy”, “geminate”, “caducity” and “equiparation”. When it was published, one reviewer hailed it as “a great book, perhaps the most important work in the history of medieval political thought, surely the most spectacular, of the past several generations”. Its appeal for subsequent readers was enhanced when Michel Foucault approvingly cited The King’s Two Bodies in Discipline and Punish, while Giorgio Agamben called it “one of the great texts of our age on the techniques of power”.

Kantorowicz’s life, then, is a study of two extremes, exemplified by these two books, and reflective of two radically different political and cultural universes. The central question of this extraordinary scholar’s life, which Robert Lerner raises but never satisfactorily answers – perhaps because it is unanswerable – is how to make sense of this apparent disparity. If Lerner does not offer a definitive solution to this puzzle, we do learn enough from his finely grained portrait to be able to imagine where one might lie.

Few academics merit a full biography, and those who do rarely lead lives that would warrant one. The contemplative life, the necessary condition for writing serious works that endure, usually precludes a vita activa, and there are surely few things less captivating than looking over the shoulder of a scholar. But the author of these two remarkable books was anything but a typical scholar, and he lived through far from typical times. In many ways, however, Ernst Hartwig Kantorowicz was representative of the assimilated Jewish haute bourgeoisie in Wilhelminian Germany. Born in 1895 into a family of considerable wealth (his father owned a thriving liqueur firm) in Posen in West Prussia (now Poznań in Poland), Kantorowicz instinctively, even proudly, saw himself as an unhyphenated German. Later in life he would say he was of “Jewish descent, not Jewish belief”. His family celebrated Christmas and Easter, and only scattered Yiddish words were ever spoken at home. As a youth he attended the exclusive Royal Auguste-Viktoria Gymnasium, where he learned Greek, Latin and French. Along with the values of the Prussian Bildungsbürgertum, he also imbibed a kind of reflexive patriotism and nationalist pride that was frequently stronger among Jews than among their gentile compatriots.

Thus it was entirely natural that, six days after the First World War broke out, the nineteen-year-old Kantorowicz should volunteer for Posen’s first field artillery regiment. He was soon dispatched to the Western Front, where his exceptional bravery and skill earned him the Iron Cross. Wounded at Verdun, he was later transferred to Constantinople in 1917, where he learned some Turkish, returned to battle and promptly won the Iron Crescent, the Ottoman equivalent to the German distinction. At the conclusion of the war, the collapse of the monarchy did not mean that his allegiances followed suit: in the ensuing chaos Kantorowicz lent his military experience and elan to various counterrevolutionary efforts: first in Posen, where he clashed with Polish separatists who wanted to break away from Germany and merge with the Polish state; then in Berlin, where in January 1919 he joined the notorious Freikorps, the loose paramilitary groups of veterans hostile to republican, let alone communist, ideas, that crushed the Spartacist uprising; and finally in Munich three months later, where he helped put down the short-lived “Soviet Republic of Bavaria”. This time he was not only wounded again, but by his own testimony he also shot and killed a number of insurgents.

kanto070758586FS.gifDespite experiencing – and somehow surviving – four and a half years of unimaginable violence and upheaval, Kantorowicz made a notably smooth transition back into civilian life. In the autumn of 1919 he enrolled at Heidelberg University to study economics in preparation for taking over the family business. A year later, however, he met the man who would change his plans and life forever. Among initiates, Heidelberg was then known as the capital of the “Secret Germany”, that select group of young (and some older) men united in their commitment to the vision and person of Stefan George, who at the time often spent long sojourns there. It is difficult now to understand the intense devotion, even veneration, George inspired in – and demanded from – his intimates. After beginning as a rarefied poet in the French symbolist mode in the 1890s, he gradually became one of the most powerful figures in German culture, attracting ever larger numbers of brilliant and energetic followers who placed themselves and their talents in the service of furthering the goals of the man they called der Meister. Elitist, anti-democratic, hostile to the Enlightenment values of rationality, equality and personal freedom, George and his circle promulgated a vision of a hierarchically ordered society in a future Germany, no longer “secret” but in every sense real, in which individuals would occupy the place assigned to them by nature and would be ruled by a supreme and omnipotent Führer – a word George and his followers did much to popularize.

One of the most effective ways George found for promoting his programme was by recruiting his disciples to write what he called Geistbücher, “Spirit Books”, in essence stylized and tendentious hagiographies in which his intellectual and political heroes were fashioned into the embodiments and mouthpieces of his ideals. Plato, Caesar, Napoleon were all submitted to this treatment, as were Goethe, Hölderlin and Nietzsche, resulting in books that often received tumultuous acclaim. George had long had a particular fascination with Frederick II, the mightiest and most mysterious emperor of the Middle Ages, and had written a poem in 1902 that extolled him as the “Greatest Frederick” by comparing him with the eighteenth-century Hohenzollern king who was merely Frederick “the Great”. George had previously urged several of his acolytes to bring the Staufer sovereign back to life in a Geistbuch, but to no avail. George, who undeniably had an eye for talent, recognized the promise in the young Kantorowicz and asked him to take on his orphan project. After completing his dissertation in economics in 1921, Kantorowicz sat down to his appointed task.

Frederick II would more than fulfil George’s most fervent hopes. But George had an eye for more than just intellectual abilities. It was an open secret that George loved boys and men – a fact necessarily cloaked in euphemism and innuendo since homosexuality remained outlawed in Germany by the in­famous paragraph 175 of the penal code enacted in 1872 – and he cultivated a male Eros that drew heavily on ancient Greece for both inspiration and cover. Kantorowicz was irresistibly dashing, favoured finely cut clothes, was fond of good food and drink – and, as Lerner documents, had numerous male and female lovers before and after his encounter with George. When they met, Kantorowicz was in fact living together with another student, Woldemar Uxkull. Soon after making his acquaintance, George revealed to a friend that he thought Kantorowicz was “what the French call a chevalier, and he was entirely a chevalier of a kind one no longer sees. Lithe, yet of masculine firmness, sophisticated, elegant in dress, gesture and speech”, with something of “a foil fencer about him”. By 1923, George preferred to stay in Kantorowicz’s apartment when he visited Heidelberg, often living with him for two or three months at a time, especially during the composition and proofreading of Frederick II. Strangely – and with no evidence to back up such a categorical claim – Lerner insists that their relationship was strictly platonic and that George harboured no “sexual designs on the awestruck twenty-five-year-old”, which may or may not have been true. But Lerner also states that, with regard to “George’s practice with his disciples . . . he adhered to the principle of high-minded relationships between educator and protégés”. This, as all of George’s recent biographers have amply demonstrated, is patently false. In a sense, of course, it is irrelevant whether George and Kantorowicz were physically intimate: what really mattered was the work. But even after he turned his back on Germany for good, Kantorowicz, whom George had affectionately rechristened as “EKa” and who thereafter insisted all his friends and closest students call him by that nickname as well, never forsook his master.

kantoroD73IL._UY250_.jpgAlthough Frederick II stirred fierce controversy within medievalist circles in Germany, owing mainly to its unapologetic mythologizing and overtly nationalist agenda, it was still recognized as a pathbreaking scholarly achievement. Such was its reputation that, astoundingly, it was on the strength of this single book alone that in the autumn of 1932 Kantorowicz was appointed as Professor Ordinarius, the highest rank in the German university system, to teach medieval history at the University of Frankfurt – despite the fact that he held a PhD in an unrelated field and, even more significantly, had not completed the otherwise requisite Habilitation (usually involving a second monograph on a different topic from the dissertation) and, perhaps most surprising of all, despite his being a Jew. In private, EKa made wry jokes about his implausibly rapid rise and almost unbelievable good luck. But he was also conspicuously quick to order new stationery displaying the coveted double prefix “Prof. Dr.” before his name.

The new semester had not even begun in early 1933 before the cataclysm struck. In short order, the Nazis took control of the universities and on April 7 issued the so-called Law for the Restoration of Professional Civil Service – then, as now, professors in Germany were Beamte, or public officials employed by the state – which stipulated that, among other things, “civil servants who are not of Aryan descent are to be placed in retirement”. At a stroke, the prospects for Prof. Dr. Ernst Kantorowicz had gone from enviable to bleak (he did, however, maintain his sense of humour and archly told a friend that he must have been the youngest “emeritus” professor in German history). But the staunch German nationalist and devoted George disciple was ambivalent about whether the new situation, however disastrous it undoubtedly was for him personally, might not be a welcome development overall. That is, like many others, Kantorowicz initially imagined that Nazi Germany might be the realization of George’s dream of the “Secret Germany”. But with resigned stoicism he appeared to accept that, no matter how things turned out, he would not be a part of it. Citing his hero Frederick in a letter to George on his birthday in July 1933, Kantorowicz humbly acknowledged that the “empire transcended the man”. His message to the Meister managed to be simultaneously a note of congratulation and a kind of farewell:

May Germany become what the Master has dreamt of!” And if current events are not merely the grimace of that desired ideal, but really are the true path to its fulfilment, then I wish that everything may turn out for the best – and then it is of no consequence whether the individual – rather: may – march along – or steps to one side instead of cheering. “Imperium transcendat hominem”, Frederick II said, and I would be the last person to contradict him. If the fates block one’s entrance to the Reich – and as a “Jew or Colored Person,” as the new coupling puts it, one is necessarily excluded from the state founded on race alone – then one will have to summon amor fati and make one’s decisions accordingly.

After a six-month interlude at Oxford in 1934, where he met and fell in love with the classicist and fellow bon vivant Maurice Bowra, he was encouraged to travel to the United States. For a variety of reasons, however, Kantorowicz did not leave Germany for another five years. Some have suggested that he hoped that he might after all be able to stay; but the main thing that held him back is that he had nowhere else to go. Finally, he received an offer from the department of history at Berkeley, where he arrived in the winter of 1939.

kantoro2K-6168.gifKantorowicz was enchanted. The climate was “like paradise”, he wrote to a Swiss friend; “I praise almost every day I am allowed to live here . . . the view of the Bay reminds me of Naples . . . the food is excellent, the wine not too bad”. Over the course of the next decade, despite his idiosyncratic spoken English, he became a popular and sought-after teacher, holding captivating seminars for the intellec­tually ambitious. One student recalled: “Entering promptly, faultlessly dressed, Kantorowicz brought into the classroom an almost tangible aura of intellectual excitement and anticipation . . . . Nothing was alien to this agile mind, roaming freely over the centuries as it unfolded the drama of man”.

Kantorowicz might have happily lived out the rest of his days in California had politics not again intervened. In 1949, at the height of the anti-communist hysteria fanned by the House Un-American Activities Committee, the President of the University of California, Robert Sproul, made what Lerner calls the “tactical decision” to demand that all employees of the university sign an oath declaring: “I am not a member of the Communist Party”. Failure to do so would lead to termination of contracts. Outraged, Kantorowicz publicly denounced the measure, pointedly drawing comparisons to similar pledges people had been compelled to take in the country he had been forced to flee. “I have killed Communists”, he told one colleague, “but I shall never take the oath.” During a special session held by the Academic Senate on June 14, 1949, attended by some 400 faculty members, Kantorowicz stood up and read from a text he had prepared for the occasion:

It is a typical expedient of demagogues to bring the most loyal citizens, and only the loyal ones, into a conflict of conscience by branding nonconformists as un-Athenian, un-English, un-German. I am not talking about political expediency or academic freedom, nor even about the fact that an oath taken under duress is invalidated the moment it is taken, but wish to emphasize the true and fundamental issue at stake: professional and human dignity.

Thus it was that Kantorowicz achieved yet another rare distinction: that of having been fired by two major academic institutions, from one because of who he was and from the other because of who he refused to be.

The Institute for Advanced Study in Princeton, which had been founded in 1930 by another admirer of Kantorowicz, Abraham Flexner, was delighted to welcome the newly unemployed medievalist. The eminent art historian Erwin Panofsky, likewise a refugee from Nazi Germany, was at first wary about the author of Kaiser Friedrich der Zweite and even asked a colleague if Kantorowicz was “dangerous”. But after learning of the stand he had taken at Berkeley, Panofsky became his champion and later one of his closest friends. Other luminaries at the Institute also soon warmed to the vivacious newcomer, including Robert Oppenheimer, then its Director, as well as George Kennan, who described Kantorowicz in his memoirs as “a man of ineffable Old World charm” and “an essential feature of the Princeton of the 1950s”.

After The King’s Two Bodies appeared, several publishers, hoping to capitalize on its success, pleaded with Kantorowicz to allow another reprinting of his earlier volume. Without explaining why, he steadfastly refused, at one point saying only: “the man who wrote that book died many years ago”. It was probably another death that stiffened his resistance to resuscitating the portentous emperor. Kantorowicz had left most of his family behind in Germany when he made his escape in 1938, including his cousin Gertrud Kantorowicz and his mother, Clara. In 1942, aged sixty-five and eighty respectively, they had managed to reach the Swiss border, where they were caught, transported back to Germany and shuttled among a succession of camps. In February 1943, Kantorowicz’s mother died in Theres­ienstadt. There is no record of his ever commenting on his mother’s death, but a friend in Princeton reported him as having once said: “As far as Germany is concerned they can put a tent over the entire country and turn on the gas”.

Yet there continued to be two Germanys for Kantorowicz, the one that had murdered his mother and would have killed him as well given the opportunity, and the other one that had fostered his intellectual development. In 1953, Robert Boehringer, Stefan George’s biographer, wrote to Kantorowicz asking him to describe the poet’s influence on him. Kantorowicz, who after the war never spoke publicly about the Meister or referred to him in any of his writings, responded by making an astonishing confession: “There is not a day in which I am not aware that everything that I manage to accomplish is fed by a single source, and that this source continues to bubble even after twenty years”.