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lundi, 14 juin 2021

Un sabir nomade contre les langues nationale et vernaculaires

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Un sabir nomade contre les langues nationale et vernaculaires

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Saisi à l’instigation du cabinet du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, par une soixantaine de députés de la majorité présidentielle parmi lesquels Aurore Bergé et le très manuel Benjamin Griveaux dont ce fut l’ultime râle politicien avant de démissionner du Palais-Bourbon, le Conseil constitutionnel a annulé divers points de la loi portant sur la protection patrimoniale des langues régionales et leur promotion, le 21 mai dernier.

Le Parlement avait auparavant approuvé la proposition de loi du député du Morbihan Paul Molac, affilié au groupe transpartisan « Libertés et Territoires ». Les neuf « vigies » du Régime proscrivent les signes diacritiques dont le tilde, et déclarent inconstitutionnelle une pratique pédagogique innovante : l’enseignement immersif. Les écoles primaires en alsacien, en basque, en breton, en catalan, en corse, en néerlandais, en occitan et en créoles deviennent de fait hors-la-loi.

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Le samedi 29 mai, des milliers de manifestants ont défilé de Guingamp à Bastia, de Pau à Perpignan, de Bayonne à Strasbourg, pour défendre l’existence de ces écoles privés sous contrat. Ces établissements scolaires connaissent un indéniable succès auprès de parents souvent bo-bo qui, en bonne conscience, y inscrivent leurs enfants afin de ne pas les envoyer à l’école publique de secteur multiculturalisée déclinante…

Le choix du Conseil constitutionnel relance le sujet de la ratification française de la Convention européenne des langues régionales et minoritaires déjà envisagée sous la cohabitation Chirac – Jospin. Par « langues minoritaires », il faut entendre les langues de l’immigration extra-européenne. Si les panneaux de signalisation routière peuvent être rédigés en breton ou en occitan, pourquoi pas en wolof ou en hindi ? Ainsi faut-il bien différencier les langues régionales (ou parlers vernaculaires) des langues minoritaires. Autant les premières sont légitimes, autant les secondes, issues de l’immigration de peuplement, ne doivent bénéficier d’aucun avantage. Certes, certains voient dans le soutien aux langues régionales une manœuvre subtile de briser le cadre politique national. Ce n’est pas faux. Maints mouvements régionalistes, autonomistes et indépendantistes témoignent de leurs opinions progressistes et cosmopolites. On retrouve néanmoins cette perception commune chez les souverainistes républicains et chez les tenants de l’euro-mondialisme.

Le Conseil constitutionnel motive sa position en spécifiant que « les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ». Dont acte ! Mais comment réagir alors à la propagande en faveur de l’écriture inclusive ? Cette fumisterie est-elle constitutionnelle ? Et puis, pourquoi la nouvelle carte nationale d’identité supposée infalsifiable est-elle co-écrite en français et en anglais ?

Par la grâce du Brexit, depuis le 1er janvier dernier, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord n’appartient plus à l’Union dite européenne. Cette plaisante nouvelle aurait dû s’accompagner de la fin de l’hégémonie de la langue anglaise dans les institutions communautaires puisque aucun des Vingt-Sept États membres ne l’utilisent de manière officielle. L’Irlande, Malte et Chypre la pratiquent comme simple langue d’usage. Or, non seulement la Commission de Bruxelles continue à travailler dans la langue de Shakespeare et le Parlement européen adopte des documents uniquement rédigés dans cette langue, mais le récent Parquet européen anti-corruption l’emploie aussi.

Cette préférence linguistique inouïe favorise la conception anglo-saxonne du droit aux dépens du corpus juridique continental d’origine romaine. La nouvelle carte d’identité plastifiée porte par ailleurs dans un coin en haut le F de France au centre du drapeau de l’Union non-européenne comme s’il s’agissait d’une simple province de l’Eurocratie atlantiste. Faut-il en comprendre l’inefficacité flagrante de la loi Toubon de 1994 qui insiste sur la traduction systématique des termes, titres et noms étrangers en français, et la généralisation d’un déplorable franglais ? Le ministère de l’Intérieur n’hésite plus à violer l’article 2 de la Constitution de 1958 qui fait de la langue de Baudelaire la langue officielle.

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Pour quelles raisons le ministère de l’Intérieur a-t-il choisi l’anglais et non pas l’allemand, l’espagnol, l’italien ou le coréen de Pyongyang ? Il est même inacceptable qu’à l’instar du passeport, un papier officiel utilisé par l’ensemble de la population française en France soit rédigé dans une langue étrangère. Ce détail guère anecdotique confirme l’extrême servilité de l’exécutif et de la haute-administration envers les intérêts anglo-saxons de la City, de Wall Street, du Capitole et de Hollywood. La place Beauvau abolit l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts de 1539 prise par François Premier.

Outre que l’actuel gouvernement hexagonal se met à dos tous les défenseurs des langues vernaculaires, il provoque en même temps les partisans de la langue française et n’hésite même plus à cracher au visage des peuples de la Francité d’Amérique. Hors du Québec, bureaucrates obtus et politicards anglophones aigris, souvent chantres zélés du multiculturalisme, bafouent, contestent et nient les droits culturels fondamentaux des Acadiens et des autres minorités francophones de l’Ouest canadien.

L’avenir d’une langue française, nettoyée des métastases de l’inclusivité scripturale, dépend aussi du sort des gosiers vernaculaires de l’ethnie française outre-Atlantique, et de l’engouement pour les langues régionales, fussent-elles codifiées et normalisées. Les institutions de l’Hexagone se doivent de reconnaître officiellement la pluralité linguistique autochtone. Et exigeons du ministère de l’Intérieur que la prochaine carte nationale d’identité soit entièrement en français !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 218, mise en ligne sur TVLibertés, le 8 juin 2021.

lundi, 07 juin 2021

Censure de la loi Molac, victoire des « anywhere » !

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Censure de la loi Molac, victoire des «anywhere»!

par Llorenç PERRIÉ ALBANELL

Le vendredi 21 mai 2021 le Conseil constitutionnel, saisi par une soixantaine de parlementaires suite à l’adoption le 8 avril 2021 de la la loi Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, à rendu sa décision (n°2021-818 DC 21 mai 2021).

Le Conseil constitutionnel a décidé de rendre non conforme à la Constitution les articles 4 et 9 de la loi Molac, portant respectivement sur le caractère immersif de l’enseignement dans les établissements du service public ou associés, et l’utilisation des signes diacritiques des langues régionales pour les actes administratifs.

L’article principalement utilisé par les Sages est le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution « La langue de la République est le français ». Par une pirouette juridico-jacobine le Conseil constitutionnel a su utiliser à bon escient pour sa démonstration l’article 75-1 de la Constitution « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Ce dernier en effet ne revêt aucun caractère contraignant, ce qui a l’avantage de muséifier les dites langues tout en donnant l’illusion de faire quelque chose. L’observateur sagace notera que si la langue de la République est le français, les langues régionales, en revanche, ne sont que des langues du patrimoine de la France. Existe t-il une hiérarchie entre la République et la France ? Ou alors une dichotomie entre le pays légal et le pays réel ? Les deux à la fois certainement. En tout cas il est certain que les langues régionales n’appartiennent pas au patrimoine de la République.

Nous pouvons voir qu’un réel problème politique se pose devant nous. Une loi votée par le Parlement est ainsi censurée par le Conseil Constitutionnel, la procédure est évidemment autorisée par la Constitution (art. 61). Nous sommes loin de la célèbre phrase du général de Gaulle « En France, la cours suprême, c’est le peuple ». Que reste t-il donc du vox populi dont la souveraineté (existe-elle encore?) est déléguée à la représentation nationale, le Parlement ?

La question se pose doublement. Faisons un peu d’anticipation électorale en cas d’un bouleversement de grande ampleur lors des prochaines présidentielles, même si cet hypothétique futur Gouvernement dispose des outils du parlementarisme rationalisé (en cas de tentative de déstabilisation ou d’obstruction parlementaire, faute de majorité), il devrait faire face à la fois au Conseil constitutionnel et au droit communautaire.

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Revenons à la question des langues régionales. Une solution s’esquisse, mais difficilement réalisable, non pas techniquement, mais politiquement. Une révision des articles 2 et 75-1 de la Constitution. Tout d’abord donner un caractère contraignant à l’article 75-1, et ensuite insérer la réalité plurielle des langues régionales autochtones dans l’article 2. En effet, la République a parfaitement réalisé la francisation généralisée des régions, un retour en arrière est impossible, s’acharner de la sorte se résume à tirer sur un cadavre refroidi depuis bien longtemps, les langues régionales, elles, ne représentent aucun danger pour l’unité de la France. Invoquer les cas de sécession en Europe relève de l’épouvantail et du fanatisme jacobin. La France doit donc assumer, juridiquement, non seulement l’enseignement mais aussi la promotion des langues régionales sous peine de perdre le peu de vitalité identitaire qui lui reste encore. C’est un chemin ardu, car pour en arriver à une telle procédure, il faut un Gouvernement d’enracinés, ce qui pour l’heure n’est pas le cas. En effet, aucune proposition de loi constitutionnelle n’a abouti jusqu’à présent, seuls les projets de lois constitutionnelles aboutissent, car ils émanent de l’exécutif.

Nous pouvons dire que pour l’heure ce sont les anywhere (ceux de partout) qui ont remporté la partie contre les somewhere (ceux de quelque part). En effet, la soixantaine de parlementaires nomades qui a saisi le Conseil constitutionnel restera dans l’histoire comme celle qui aura porté atteinte à plus de quarante années de lutte, de construction, d’expérimentation, de résultats et de travail sérieux pour maintenir et transmettre les langues vernaculaires d’un pays laminé par la mondialisation, après avoir été son laboratoire idéologique. Sœur

Llorenç Perrié Albanell

• D’abord mis en ligne sur Terre et Peuple, le 1er juin 2021.

lundi, 24 février 2014

LA CHARTE DES LANGUES REGIONALES

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LA CHARTE DES LANGUES REGIONALES
 
La question embarrassante des nouveaux droits donnés aux langues régionales

Michel Lhomme
http://metamag.fr

L’Assemblée Nationale a débattu le 22 janvier 2014 d’une proposition de loi constitutionnelle du groupe socialiste portant modification de la Constitution afin de permettre la ratification de la Charte Européenne des langues régionales ou minoritaires. De nouvelles questions se posent. 

La reconnaissance officielle de langues régionales ou minoritaires ne participe-t-elle pas de la déconstruction de l'Europe et ne vise-t-elle pas à accroître les fractures hexagonales déjà si nombreuses ? Le régionalisme européen n'est-il pas le serpent de mer de l'américanisation de l'Europe, de son « l'Otanisation » , de sa fédéralisation souhaitée par les Atlantistes ? La question est plus qu'embarrassante pour les partisans d’une Europe des régions, du particularisme régional contre l'Europe des nations ou des patries. Et si nous n'avions pas pressenti l'instrumentalisation des régions au sein de la construction européenne ?   L’Assemblée nationale a voté le principe de la ratification de la Charte européenne des langues régionales qui a vu le jour en 1992 sur les bancs du Conseil de l’Europe. Elle vise à protéger et à promouvoir l’usage des langues dites régionales et minoritaires en Europe en leur conférant un statut officiel, et des moyens financiers pour renforcer leur usage notamment dans la sphère publique. La ratification avait buté sur l’article deux de notre Constitution selon lequel « la langue de la République est le français ». Si le Sénat suit demain l’Assemblée, ce qui devrait être le cas, eu égard aux postures politiciennes des différentes formations qui le composent, la voie à un changement de la Constitution sera ouvert. Et rapidement quelque 78 langues régionales auront un statut officiel en France.

L’éloignement et les particularismes locaux bien réels de l'Outre-mer, que l'on songe par exemple au Tahitien ou au Mahorais, justifient que les langues et cultures locales d’outre-mer soient protégées, y compris constitutionnellement mais en métropole, la situation n'est-elle pas tout autre ? Donner des droits linguistiques nouveaux, n'est-ce pas conforter les séparatismes et les communautarismes comme en Espagne ou en Flandre ? La question sous-jacente est-elle d'ailleurs vraiment celle à proprement parler des langues régionales ou celle de la langue arabe dialectale pratiquée dans certaines régions de France ? 

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Personne n’empêche aujourd'hui les Français d’échanger dans une langue régionale s’ils le souhaitent. Pôle emploi recourt  régulièrement au créole pour faciliter la bonne compréhension des usagers aux Antilles mais faut-il aussi instaurer le multilinguisme pour tenir compte des langues de migrants (arabe dialectal, berbère, romani, wolof, swahili …), qui n’ont rien de régional mais sont parfois si importantes en certaines parties du territoire français qu'on n'entend plus que cela ? Est-ce là un moyen efficace pour renforcer l’intégration et permettre à chaque jeune Français de trouver sa place dans la société française ?

 

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Ces débats de fond ont été esquivés. Pourtant, il semblerait que loin de l'actualité immédiate, il y ait eu un volontarisme et un empressement du gouvernement socialiste à faire passer la loi au plus vite. Pourquoi ? Certes, la ratification de la Charte constituait le 56e des 60 engagements du candidat François Hollande. De fait, le texte sur les langues régionales paraît aussi un cadeau qui ne mange pas de pain pour la Bretagne révoltée des bonnets rouges. Mais est-ce si innocent que cela ? Comment ne pas voir aussi que la reconnaissance officielle des langues régionales ou minoritaires participe de la déconstruction nationale programmée par les élites?  Le texte ne va-t-il pas échapper à la logique régionaliste de 1992 pour servir d'autres intérêts, la dynamique d'une politique « remplaciste » ? 
Revenons, sur ce point, sur quelques détails du texte de loi voté. Il précise à l’article 7-e que la notion de « groupe pratiquant une langue régionale » renvoie à la notion d’un peuple minoritaire enclavé dans un autre peuple. La proposition du groupe socialiste a donné une interprétation de la notion de « groupe » quasiment balkanique qui est contraire à ce que voulait la Charte de 1992 elle-même. De plus, les articles 9 et 10 de la Charte stipulent que « les langues régionales peuvent être utilisées en justice comme langue de procédure, l’accusé pouvant s’exprimer dans sa langue régionale' » et que « les autorités administratives utilisent les langues régionales, mettent à disposition des formulaires dans les langues régionales, et répondent dans cette langue »'. Ces dispositions sont bien évidemment contraires au bien connu article 2 de la Constitution de 1958.


En réalité, les députés socialistes ont fait diversion. Ils ont flatté les tenants des langues régionales ou minoritaires, et, en même temps, ils ont essayé de couper les ailes d’un texte qu’ils savent dangereux pour l’unité linguistique de la République. Bref, ils ont servi leurs intérêts électoralistes futurs auprès de la population immigrée. Ils ont en quelque sorte préparé le terrain de la division civile. Rappelons aussi que le Ministre de l'Education nationale a souhaité récemment généraliser, dans une feuille de route adressée aux éducateurs, l'enseignement de l'arabe ou d'une langue africaine mère dans les collèges et lycées pour favoriser, dit-il, sa chimère laïque de l'intégration. On voit bien que la charte des langues régionales sert maintenant de tout autre intérêt que ceux du royaume de Bretagne, du Comté de Nice ou du pidgin de la petite île de Saint-Martin dans les Caraïbes.

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mardi, 14 janvier 2014

Maurras, inlassable avocat des langues régionales

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Maurras, inlassable avocat des langues régionales
 
Ex: http://anti-mythes.blogspot.com
 
 
De ses tout premiers engagements de jeunesse, Maurras a-t-il conservé l’idée que décentralisation et défense des langues régionales vont de pair ? C’est une hypothèse naturelle, tant la chose allait de soi dans la Déclaration des jeunes félibres fédéralistes de 1892. Mais ce n’est qu’une hypothèse, qu’il faudrait étayer par des études sérieuses qui, à notre connaissance, n’existent pas.

Lorsque Maurras construit son corpus doctrinal sur la République centralisatrice, les problématiques linguistiques n’y figurent pas en première ligne, ne serait-ce que parce tous les territoires ne sont pas concernés, ou pas également concernés. On pourrait dès lors formuler l’hypothèse inverse : le combat de Maurras pour la décentralisation, qui a donné lieu à un nombre considérable d’écrits, et son combat pour la langue et la culture provençales, accessoirement pour le breton ou l’alsacien, ont été menés quasi indépendamment l’un de l’autre, avec des rencontres qui ne sont que fortuites.
 
Pourquoi se poser cette question ? Simplement parce que l’ouvrage de synthèse que Maurras consacre aux langues régionales et à leur enseignement, Jarres de Biot, date de 1951, soit un an avant sa mort, alors que son équivalent L’Idée de la décentralisation a été composé en 1898.
 
Un élément de réponse se trouve peut-être dans l’observation du comportement du pays légal. Tout député, même le plus pénétré d’idéologie jacobine, sera un jour en butte au pouvoir d’un préfet et en tirera la conclusion que, s’il avait été libre de ses mouvements et de ses décisions, les choses seraient allé mieux et plus vite. Il y a donc chez chaque élu un décentralisateur qui sommeille et, lorsqu’il est dans l’opposition, il trouvera aisément matière à faire une proposition en ce sens. Dans L’Idée de la décentralisation, Maurras dresse l’impressionnante liste de ces joutes parlementaires, analysées avec minutie, et nul doute qu’il a continué à les suivre avec attention tout le restant à vivre de la IIIe République. Le scénario en a toujours été le même ; le parti au pouvoir enterre le projet, quelle que soit sa couleur, et c’est l’un des siens qui en représentera un autre semblable lorsque le gouvernement sera renversé, ce qui était fréquent à l’époque.
 
Les propositions en faveur des langues régionales, également récurrentes et également toujours retoquées, n’obéissaient pas à la même logique. Elles n’étaient présentées que par des élus des régions concernées, Bretons, Basques, Catalans… qui pouvaient également être décentralisateurs, mais qui souvent ne l’étaient pas. Maurras eut d’ailleurs très tôt affaire à certains dirigeants du Félibrige qui étaient de farouches jacobins. Ceci l’a sans doute amené à faire la part des choses.
 
Jarres de Biot, que nous publions aujourd’hui et qui n’a été tiré à l’époque qu’en édition de luxe à 500 exemplaires, est sans doute, avec Le Mont de Saturne qui est d’un tout autre genre, le plus achevé, le plus documenté, le mieux argumenté des textes écrits par le Maurras d’après guerre.
 
Sa publication fait suite à des polémiques qui se sont déroulées en 1950 pendant la discussion de la première loi républicaine sur l’enseignement des langues régionales, dite « loi Deixonne ». L’un des principaux adversaires de cette mesure fut l’académicien Georges Duhamel qui sonna le tocsin dans plusieurs articles du Figaro. Jarres de Biot est en fait la réponse de Maurras aux articles de Georges Duhamel ; il n’évoque pas la loi Deixonne en tant que telle.

Il n’est pas inutile de resituer ces événements dans leur contexte. Tout a commencé par l’initiative de deux députés communistes bretons, Pierre Hervé et l’aïeul Marcel Cachin. Ceux-ci exhument une proposition de loi déposée avant guerre par un député démocrate-chrétien nommé Trémintin, laquelle concernait l’enseignement de la langue bretonne à l’école primaire. Ils la rajeunissent quelque peu et la déposent, le 16 mai 1947. Mais juste avant, le 5 mai, le gouvernement Ramadier se sépare des ministres communistes ; c’est le début de la guerre froide en France. La bataille pour la langue bretonne commence donc dans un climat d’affrontement violent qui lui confère un enjeu inattendu ; rapidement, le MRP s’y associe, ce qui met les socialistes en minorité. Ceux-ci tiennent certes le gouvernement, mais sur ce point précis ils doivent composer et finissent par nommer un de leurs, Maurice Deixonne, rapporteur du projet de loi, avec mission occulte de le saboter autant que possible.
 
Deixonne est un gros bosseur, qui de son propre aveu ne connaît rien au sujet, et qui de plus a sans doute quelques fréquentations ultra-pacifistes d’avant guerre à se faire pardonner, la plupart de ses amis d’alors ayant fini dans la collaboration. C’est un orphelin qui s’est fait lui-même à coup de brillantes études ; mais dès la fin des années 1920 il interrompt sa carrière universitaire pour s’engager au parti socialiste. Sa puissance de travail impressionne ; d’ailleurs sa la loi sur les langues régionales, qui porte son nom, ne figure même pas dans sa biographie de l’Assemblée, tant il y a fait d’autres choses depuis jugées plus importantes…
 
Il s’attelle à la tâche et finalement, contre toute attente, réussit à finaliser un texte consensuel qui sera adopté par l’Assemblée le 30 décembre 1949.
 
Entre temps il sera parvenu à faire la jonction avec les députés catalans, puis à intégrer le basque et l’occitan, terme préféré après de longues escarmouches à ceux de provençal ou de langue d’oc. Il aura ainsi pratiquement reconstitué le contenu de la circulaire Carcopino de décembre 1941, qui par la force des choses ne concernait ni le flamand, ni l’alsacien, ni le lorrain, et qui a été abolie à la Libération.

Il reste alors, ainsi fonctionnait la quatrième République, à faire adopter le texte par le Conseil des ministres. Cela durera toute l’année 1950, jusqu’à promulgation de la loi le 11 janvier 1951. Cette année 1950 verra la polémique gagner la presse, l’Académie Française et tout le monde enseignant, avec d’un côté une alliance de fait entre communistes et MRP, auxquels on peut joindre l’Action française, et de l’autre les jacobins de tout bord, dénonçant les risques épouvantables qu’une heure facultative de langue bretonne à l’école fera immanquablement courir à l’unité française.

Le texte final de la loi est plus que modeste. Les mots « facultatif », « dans la mesure du possible », reviennent sans cesse. Le ton à l’égard des langues concernées est volontiers condescendant : il est question de « richesse du folklore et des arts populaires » ; rien de bien subversif, et cependant cela a conduit Georges Duhamel à pousser des cris d’orfraie au long de cinq éditoriaux d’avril et de mai 1950. Avec au moins une conséquence heureuse,celle d’avoir incité Maurras à écrire ce qu’il avait sur le cœur, sans doute depuis cinquante ans et plus.

Il y a eu deux éditions de Jarres de Biot, comportant en plus du texte lui-même des illustrations et des poèmes. Nous avons noté les variantes entre les deux éditions, et reproduit l’ensemble des illustrations. Nous publierons en revanche les poèmes à part, dans un autre cadre, car ils n’ont aucun rapport avec la loi Deixonne ni avec Georges Duhamel.