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lundi, 09 novembre 2015

Palmyre 2015 – Saint-Denis 1793: même folie

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Palmyre 2015 – Saint-Denis 1793: même folie

Stéphane Sieber
Journaliste, ancien rédacteur en chef presse écrite
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Comparer la destruction de Palmyre par l’Etat islamique et celle des Bouddhas de Bâmiyân par les Talibans vient tout naturellement à l’esprit. Mais prenons un peu de recul. Les extrémistes d’aujourd’hui n’ont pas trop à se casser la tête pour trouver, dans l’histoire, des destructions massives de richesses culturelles. Exemple : la France révolutionnaire. Dès le début de cette période de liberté, d’égalité et de fraternité, le « comportement citoyen » n’a pas été franchement …citoyen. Et ce n’étaient pas que des incivilités.

Rien n’est plus humiliant pour un Européen qui visite un monument historique, château ou cathédrale de France, que d’entendre le guide faire le bilan des destructions de richesses qui ont eu lieu pendant la Révolution, pendant laquelle des sauvageries et des pillages ont fait disparaître à jamais des objets d’art de la plus grande valeur.

La Bastille : une rigolade

Commençons sur un air léger. On veut bien admettre que la Bastille n’a pas laissé de souvenir impérissable. Elle était, on s’accordera là-dessus, hideuse. Sa destruction, dès juillet 1789, a même ceci en commun avec celle du Mur de Berlin : les petits morceaux récupérés ont été vendus comme souvenirs amusants par des brocanteurs à quatre sous.

On relèvera cependant deux choses. Pour l’ancedote, elle n’avait plus pour locataires que quatre faussaires, deux fous et un pervers. Pas exactement des parangons des droits humains.

D’Henri IV à l’hystérie

profanation-des-tombes-royales-a-saint-denis-g.jpgMais beaucoup plus sérieux, la prise de la Bastille a inauguré le déchaînement d’une populace assoifée de sang, annonciatrice des horreurs à venir, avec ses têtes au bout d’une pique. Côté rage jacobine contre la pierre, on allait bientôt mettre la vitesse supérieure. Et mettre en scène le renversement de la statue d’Henri IV – oui, le roi populaire, le Vert galant, l’homme du « Paris vaut bien une messe ». Puis ce fut le tour de Louis XIV, Louis le Grand, le Roi-Soleil dont Stéphane Bern vient de nous offrir un portrait brillantissime dans son émission « Secrets d’Histoire » sur F2. Evidemment, Louis XV n’allait pas échapper au même sort. Dans la foulée commençaient les grandes dépradations infligées à Notre-Dame, aux Invalides et au Louvre.

L’hystérie – sur fond d’anticléricalisme forcené, voire d’athéisme - atteint désormais tout le pays. Mettons le doigt sur l’abbaye de Cluny, le symbole du renouveau monastique en Occident, la plus grande église jusqu’à la construction de Saint-Pierre. « Nationalisée » en novembre 1789 déjà, ses biens (terres agricoles, granges, châteaux, églises, tapisseries, objets du culte) ont servi de caution aux assignats, la monnaie de singe d’ailleurs bien vite dévalorisée. Pillage, incendie des archives, explosion et utilisation des pierres pour la construction en ont achevé la destruction, si bien qu’il ne reste aujourd’hui que moins du dixième de l’édifice de l’Ancien Régime.

Ces morts qu’il faut abattre

Reste le pire. Là où se mêlèrent haine, bêtise, barbarie et obscénité : la profanation de la basilique de Saint-Denis, en 1793. Cette église, devenue cathédrale et monument historique, est bâtie sur le lieu de sépulture de saint Denis, premier évêque de Paris[1] (mort vers 250). Elle est devenue la nécropole de rois mérovingiens et Carolingiens, puis de tous les rois de France depuis les Capétiens. De quoi couper le souffle.

Mais en tout cas pas celui de Barère. Le 1er août 1793, au nom du Comité de Salut Public, celui qui avait naguère appelé à détruire Lyon expliquait à la Convention qu’il fallait sans tarder « détruire les mausolées fastueux qui sont à Saint-Denis ». On ne traînait pas à l’époque. Dix jours plus tard (premier anniversaire de la chute de la Monarchie), les vandales étaient à l’œuvre. En trois jours, des dizaines de tombeaux furent saccagés. Dans les fosses creusées dans les cimetières voisins, rois, reines, princes et grands serviteurs de l’Etat furent précipités, souvent après avoir été profanés, lorsque par exemple un soldat coupa la moustache de la dépouille d’Henri IV pour s’en affubler. Les monuments de pierre furent pulvérises, les pièces en métal réquisitionnées pour servir à la fabrication de canons et de balles. Sainte Geneviève, si chère au cœur des Parisiens[2], n’échappa pas à l’abomination : ses ossements furent brûlés et jetés dans la Seine.

On n’en dira pas plus, sinon que ce vent d’anéantissement culturel souffla dans tout le pays, au gré des autorités locales et des chargés de mission.

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La cathédrale de Liège détruite par les révolutionnaires fanatiques

Fatigués de détruire ?

Il faut relever que les notables chargés de faire le tri réussirent à conserver bien des oeuvres d’art. Des travailleurs horrifiés par la besogne qu’on leur imposait parvinrent à subtiliser quelques reliques qu’ils rendirent à l’Eglise une fois la tempête passée[3].

Rapidement aussi, il se trouva quelques Conventionnels pour s’élever contre ce vandalisme criminel. Un signe important fut donné par Charles-Gilbert Romme. Romme n’était pas un modéré ; il avait voté la mort du Roi. Il n’était pas un conservateur : ce fut lui qui conçut le calendrier révolutionnaire. Cependant, le 20 octobre 1793, il fit adopter un décret pour la protection de toutes les œuvres d’art (même celles « marquées d’insignes féodaux ». En même temps, un autre décret condamnait sévèrement les iconoclastes. Hélas, ces mesures venaient trop tard et furent mal appliquées.

Aujourd’hui encore, des blessures ne guériront pas. Dans les âmes et dans les arts. A l’heure où l’actualité immédiate et le massacre de l’enseignement de l’histoire détruisent la mémoire, le rappeler n’est pas une option, mais une exigence.

Stéphane Sieber, 5 novembre 2015

mardi, 08 septembre 2015

Cultural Vandalism - From Henry VIII to Isis

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By Dynamite or Design

Cultural Vandalism -

From Henry VIII to Isis

Ex: http://takimag.com & http://www.lewrockwell.com

The trouble with vandalism is that it is fun, especially for people of modest accomplishment. The urge to destroy, said Bakunin, Marx’s anarchist contemporary, is also a constructive urge, thus demonstrating remarkable obtuseness about the human heart. Destruction brings a sense of relief, albeit temporary, to the frustrated, to whose ears the sound of smashing objects and tinkling glass is sweet music. When aspiration comes, can resentment, and therefore vandalism, be far behind?

Where vandalism is allied to a deep sense of purpose, however stupid or evil that purpose may be, and also a desire for publicity, it is only natural that it should be directed at the most valuable objects within reach. The destruction of Palmyra against the wishes of the rest of the world must have given the barbarians who did it (some of whom probably came from Britain and France) an intoxicating sense of power. When finally ISIS is defeated, as one day it will be, its militants will look back with pride on its greatest achievement: the destruction of mankind’s heritage.

I noticed that Richard Dawkins, the biologist–turned–Savonarola of atheism, tweeted that the destruction of Palmyra demonstrated the power of religion: the doleful power, of course. It seemed to have escaped his notice that temples are generally built in the first place from a religious impulse, and that Palmyra had survived for two millennia in a region to which religion was by no means entirely unknown.

“To contemplate the stupidity or barbarism of others is always gratifying, of course—so gratifying that it should warn us to turn our gaze inward and consider ourselves.”

 

No one could possibly deny that religious fervor and intolerance have often been destructive, though it may be doubted how far such episodes as Henry VIII’s dissolution of the monasteries, with all its associated physical destruction, was motivated by genuine religiosity. You would not have to be Marxist to suspect other motives.

Moreover, such destructiveness is not confined to the fanatically religious, at least not unless you redefine religion to include fervent secular political beliefs held with absolute assurance of their transcendent truth. The greatest outburst of cultural vandalism in recent history was probably Mao’s Cultural Revolution, which, as the late and great Belgian sinologist Simon Leys pointed out, had nothing cultural or revolutionary about it—nor anything religious, either.

The Islamic destroyers of Palmyra apparently believe, or affect to believe, that all that belongs to the pre-Islamic era is a manifestation of jahiliyya, or ignorance, and therefore worthless—indeed harmful, insofar as respect for it implies a deviation from the path of religious purity. This point of view is hardly worth arguing with; you might as well argue with a madman who believes that he is Napoleon.

To contemplate the stupidity or barbarism of others is always gratifying, of course—so gratifying that it should warn us to turn our gaze inward and consider ourselves. And what we discover when we do is less than reassuring. It is not necessary to dynamite to destroy.

A few months ago, I was walking toward the Tate Modern Gallery in London. I got a little lost, and walked down a street not directly on my path. There I happened upon a little building of the first half of the 18th century, not an architectural masterpiece by any means (as it was never meant to be), but charming and graceful, of human scale but not entirely without grandeur, well-mannered, one might almost say.

 

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Immediately behind it, however, had been built a huge modern office block obviously inspired in style by the Centre Pompidou in Paris, though with bright yellow rather than red as the deliberately garish color. It completely overwhelmed its neighbor, as if setting out deliberately to humiliate it, to demonstrate to every passerby how much progress we have made in our power and structural engineering—to demonstrate that builders in the 18th century lived in the architectural equivalent of jahiliyya. Thought had obviously been given to the question of compatibility of the two buildings, and the decision taken to make the new building as incompatible as possible, to make a virtue of such incompatibility, in fact.

Though this was a fine example of the reverse of Bakunin’s dictum—the constructive urge is also a destructive urge—it is by no means unique. Not long before, I had been to the Regency town of Cheltenham, where is to be seen one of the finest examples of destructive construction anywhere known to me.

Imperial Square is a large, green open space with a fine terrace of elegant early-19th-century houses on one side of it. But towering behind and above it is a single monstrous gray concrete office block, which destroys once and for all the visual harmony of what was once a most graceful townscape. This destruction could only have been deliberate.

Nor is the phenomenon British only. For example, in the Hague, criminal Dutch bureaucrats and architects have ruined the Binnenhof by the construction of two vast glass towers in the near background. Again, it is inconceivable that they did not know what they were doing: They wanted to demonstrate their power and their prowess, and no doubt the powerlessness of the population to prevent it. Of course, the refashioning of cities has always taken place, and has always involved the destruction of what, in retrospect, should not have been lost. But it has fallen to us to make what we build incompatible with anything else, and to pride ourselves on that very incompatibility.

And pride ourselves we now do. Nothing has shaken me more (and, be it remembered, I was professionally involved in talking to burglars, muggers, blackmailers, kidnappers, rapists, and murderers) than the utter indifference or even hostility to the achievements of the past and the need to preserve and pay them honor of many educated young people in Britain and France. Nor is this indifference or hostility spontaneous; rather, it has been programmed into them by indoctrination that the past is nothing but the slave trade and the oppression of women. Moreover, their visual education has been crude, as a visit to any modern toy shop or modern municipal playground will confirm. Aesthetically illiterate and ideologically convinced that the past was nothing but a moral mistake that they will correct, it is little wonder they do not care for the fabric of the past or worry much about its disappearance.

Hence I would not be surprised to discover that there were young British and French citizens among the destroyers of Palmyra.


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vendredi, 29 mai 2015

Trois des raisons du succes de Dae'ch

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TROIS DES RAISONS DU SUCCES DE DAE’CH

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Stupeur chez les archéologues : Dae’ch s’empare de Palmyre. Si la chute de Ramadi en Irak est stratégiquement plus préoccupante, ces derniers succès de l’organisation « Etat islamique » pose toutefois question. Les raisons de ces gains territoriaux, sinon idéologiques, sont multiples, mais on peut situer, en les analysant, trois processus majeurs expliquant partiellement cette évolution qui n’a pas l’air de beaucoup inquiéter la « communauté internationale »…

La première raison des succès de Dae’ch est la plus immédiate, sinon la plus aveuglante. Elle concerne la gestion militaire du « problème ». En effet, on sait, depuis les bombardements massifs effectués par les Alliés sur l’Allemagne du printemps 1945, qu’on ne gagne jamais définitivement une guerre par la seule voie aérienne. Malgré l’évolution technologique des chasseurs-bombardiers, des drones et des moyens radars, les systèmes d’armes aériens ne suffisent pas à emporter la décision sans intervention au sol, menée soit par des forces spéciales, soit par des unités conventionnelles. Les différentes opérations effectuées en Afghanistan (depuis les attentats du 11 septembre 2001), en Irak (printemps 2003), en Libye (printemps 2011), au Pakistan et au Yémen, ont largement validée cette loi incompressible de la guerre…

Faut-il encore s’entendre sur la nature, le sens et la finalité de la dénomination « guerre » ! Malgré les « frappes » de la Coalition internationale - qui ont débuté en août 2014 -, les positions tenues par Dae’ch ne pourront être réduites et éradiquées sans de substantiels engagements terrestres. Selon les experts avisés, de telles opérations nécessiteraient un format d’une dizaine de milliers d’hommes, un état-major centralisé et différents appuis interarmes nécessaires à une « offensive courte, coordonnée et décisive », explique un officier général de l’une des forces spéciales européennes qui ajoute : « née en Somalie au début des années 90, l’option ‘zéro mort’ a vécu et nous devons faire face aujourd’hui au retour de la guerre dans sa réalité la plus crue : décider de faire la guerre implique le don de soi le plus extrême, à savoir le prix du sang, du sacrifice de sa propre vie. Sans l’acceptation de cette imparable équation, on ne peut être vainqueur… »

A ce rappel de l’une des lois incompressibles de la guerre s’ajoutent les effets collatéraux des opérations militaires que l’Arabie saoudite a lancées unilatéralement et hors de tout encadrement des Nations Unies au Yémen. Le déclenchement de cette nouvelle guerre au Moyen-Orient a conforté, non seulement Dae’ch et Nosra, mais bien d’autres factions terroristes engagées en Syrie, au Liban, en Irak et dans la bande sahélo-saharienne, dans la mesure où l’exacerbation du conflit yéménite s’est traduite par de nouvelles livraisons d’armes tous azimuts, grâce à des financements saoudiens et à ceux d’autres pays du Golfe. Cette consolidation d’un axe militaire « sunnite », élaboré avec la bienveillance du Pentagone et du Département d’Etat américain a masqué les financements et les aides les plus contestables à destination d’organisations ouvertement « terroristes ».

Au quotidien Le Monde du 12 mai dernier, le ministre qatari des affaires étrangères - Khaled Al-Attiyah - déclare le plus tranquillement du monde : « nous sommes clairement contre tout extrémisme. Mais, à part Dae’ch, tous ces groupes combattent pour la chute du régime [syrien]. Les modérés ne peuvent pas dire au Front al-Nosra : ‘restez à la maison, on ne travaille pas avec vous’. Il faut regarder la situation sur le terrain et être réaliste ». C’est au nom de ce même réalisme que Laurent Fabius disait, il y a quelques mois, que les « p’tits gars de Nosra font du bon boulot ! » et que des représentants de cette organisation terroriste étaient reçus à l’Assemblée nationale française… Il faut être réaliste !

Cette logique très sélective du réalisme induit organiquement une deuxième raison des succès de Dae’ch. Comme les Etats-Unis ne veulent pas associer directement la Russie et l’Iran à une contre-offensive militaire coordonnée contre Dae’ch, comme François et Laurent d’Arabie s’obstinent à vouloir dégommer le régime syrien, sinon Bachar al-Assad lui-même, en cherchant à nous faire admettre que c’est la seule et unique solution pour neutraliser les islamistes radicaux, on assiste à une inévitable « communautarisation » du conflit. Ainsi, les milices chi’ites, et pas seulement les forces spéciales du Hezbollah libanais, reprennent un rôle de premier plan. Cette dynamique de fragmentation militaire, territoriale et politique sert à la fois les intérêts de Washington et de Tel-Aviv réactivant l’antienne d’Oded Yinon - cet analyste du ministère israélien des Affaires étrangère - qui conseillait en 1982 de « re-tribaliser » les Etats-nations arabes en favorisant le nettoyage ethnique et l’instauration de micro-émirats chi’ites, alaouites, sunnites, druzes, etc. Divide et impera : cette vieille logique de domination est plus que jamais à l’ordre du jour et continue à faire beaucoup de victimes.

Tout aussi logiquement et nécessairement, cette anomie rampante nous amène à une troisième rationalité ascendante et porteuse des « valeurs » de Dae’ch : sa communication, sinon son soft et smart power. Celle-ci se déploie dans plusieurs dimensions : il y a d’abord ses « médias » électroniques et une démultiplication de sites Internet - autant de vecteurs de diffusion des idéologies radicales, d’influence et de recrutement -, qui se sont extrêmement professionnalisés, souvent grâce à l’appui d’officines spécialisées occidentales. Ce constat qui consiste régulièrement à reconnaître que les idéologies radicales mettent à profit toutes les faiblesses, sinon les démissions et lâchetés de nos systèmes démocratiques « ouverts », n’est pas nouveau. Ce qui l’est davantage concerne le redéploiement et le recyclage d’ex-terroristes à travers les vitrines d’ONGs, d’associations culturelles et « humanitaires » aux Etats-Unis et en Europe. Ce blanchiment d’anciens tueurs - qui ont décidé de poursuivre leur combat par d’autres moyens - s’effectue avec la complicité active de responsables économiques et politiques occidentaux.

Et ce n’est pas le moindre pied de nez de l’histoire, de voir s’effectuer ce grand retournement au nom des droits de l’homme, de la démocratie et du pluralisme de pensée et d’expression ! Il va sans dire que cette évolution discrédite passablement les vrais acteurs de la défense des droits humains et induit une confusion dommageable dans les termes mêmes servant à décrire et qualifier la menace terroriste, ses mutations et ses outils de communication.

Récemment, différents médias occidentaux relatant des crimes terroristes ont qualifié leurs auteurs de « militants ! » Militants de quoi ? On marche sur la tête ! Cette progression folle et morbide paraît inexorable. Dans son merveilleux roman 1984, George Orwell dépeignait une société devenue autiste et pratiquant une novlangue fonctionnant par équivalences simples comme : la liberté, c’est l’esclavage ou la pensée, c’est la force ! Nous y sommes…

Richard Labévière, 24 mai 2015

lundi, 25 mai 2015

Syrie – Palmyre va-t-elle mourir ?

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Syrie – Palmyre va-t-elle mourir ?

 
Michel Garroté
Politologue, blogueur
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

J’ai déjà eu l’occasion d’écrire, d’une part, que l’Administration Obama et l’Union Européenne ne sont pas désireuses de régler la crise syrienne ; et d’autre part, que l’Otan aurait dû mener une négociation secrète avec Poutine sur trois dossiers, et, non pas, sur un seul dossier, à savoir une négociation secrète conjointe sur l’Ukraine, la Syrie et l’Iran. L’Otan ne l’a pas fait - et ne le fera pas - pour deux raisons.

La première raison, c’est qu’Obama fait semblant de combattre l’Etat Islamique (EI) sunnite et qu’il négocie un accord désastreux avec l’Iran chiite, accord qui permettra à ce pays de poursuivre son programme nucléaire clandestin à vocation militaire. Obama favorise les deux branches de l’islam en même temps, la branche sunnite (avec l’Etat Islamique) et la branche chiite (avec l’Iran théocratique), car il veut détruire l’Occident d’ici son départ de la Maison blanche.

La deuxième raison, c’est que l’Union Européenne (UE) a clairement choisi de coopérer avec les musulmans religieux, au détriment des musulmans laïcs. L’UE a signé des accords avec de hauts dignitaires islamiques, accords qui mettent fin à l’islam des dictateurs laïcs au profit des religieux musulmans intégristes. Ainsi, l’UE s’indigne face à Bachar al-Assad et elle s’aligne sur le Qatar.

Cela dit, la crise syrienne me pose un problème. Je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Je déteste le clan Assad. Notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1980. Cela dit, lorsque quelques années plus tard, dans les années 1990, je me suis rendu en Syrie (y compris à Palmyre actuellement menacée par l’Etat Islamique…), j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens souverainistes du Liban afin de pouvoir annexer ce pays.

Et le même clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé les minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité alaouite dans un pays majoritairement sunnite. Je sais très bien qu’actuellement le clan Assad fait à son propre peuple ce qu’il avait déjà fait pendant plus de quinze ans au peuple libanais. Du reste, à l’époque, j’étais très seul dans ma défense des chrétiens libanais qui semblaient laisser le monde entier indifférent. Et malgré tout, je ne peux pas, aujourd’hui, prendre parti contre le clan Assad que je déteste, car si un Califat islamique lui succède, les Chrétiens de Syrie n’auront plus qu’à faire leurs valises. Et qui les accueillera ? Personne…

Si le clan Assad devait tomber, la Syrie serait peut-être soumise à une partition en plusieurs mini Etats : un Etat sunnite ; un mini-Etat alaouite ; un mini-Etat kurde ; et un mini-Etat chrétien. Ce qui, soit dit en passant, entraînerait, à son tour, sous toute vraisemblance, une partition du Liban en un mini-Etat chiite, un mini-Etat sunnite, un mini-Etat druze et un mini-Etat chrétien (autant de principautés dans le style Andorre, Monaco ou le Lichtenstein…).

Aujourd’hui, en mai 2015, avec les influences de l'Iran, du Qatar, de la Turquie et de l'Arabie saoudite, je n’ai pas la moindre idée de ce qui va se passer en Syrie et au Liban. Cela dit, la chute éventuelle du clan Assad est actuellement considérée, une fois de plus, comme une option possible, parmi d’autres options, elles aussi possibles. Mais je ne verrais pas d’un bon œil -- pour les Chrétiens syriens et libanais, ainsi que pour les Israéliens -- la Syrie demeurer un seul et unique Etat, mais à dominante sunnite et sous la forme d’un Califat islamique…

Michel Garroté, 20 mai 2015

  

dimanche, 17 mai 2015

La communauté internationale face au génocide culturel

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PALMYRE VAUT BIEN UNE VRAIE GUERRE
 
La communauté internationale face au génocide culturel
 
Jean Bonnevey
Ex: http://metamag.fr

Les djihadistes du groupe État Islamique, qui se vantent d'avoir détruit des sites antiques en Irak, menacent la ville antique de Palmyre, un joyau du désert syrien inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. Ce sera le grand test pour une coalition qui prétend faire la guerre contre les obscurantistes de l'émirat auto proclamé.


Il faut sauver Palmyre, menacé par les fous d’Allah de Dæch. Il faut s’en donner les moyens et agir vite. Il faut vitrifier d’une manière ou d’une autre, avant qu'il ne soit trop tard, ceux qui menacent un trésor de la civilisation. Palmyre appartient à tous et tous doivent le défendre à jamais. Si Palmyre est rasé, la communauté internationale et les pays qui prétendent la représenter se seront discrédités à jamais.  Défendre les valeurs des civilisations ce n’est pas seulement dénoncer des crimes de l histoire, c’est montrer qu'on est capable d’empêcher ceux d'aujourd'hui, cette histoire au présent.


"Palmyre est menacé". C'est ce qu'a affirmé à l'AFP Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH , une ONG qui travaille avec un réseau d'informateurs en Syrie). Après avoir détruit une partie du patrimoine historique de Mossoul ou Raqqa, l'organisation Etat islamique (EI) serait aux portes de Palmyre. "La bataille se déroule à 2 km à l'est de la ville après que l'EI se soit emparé de tous les postes de l'armée entre al-Soukhna et Palmyre", a-t-il précisé.  Cette oasis située à environ 240 km au nord-est de Damas abrite les ruines monumentales d'une grande cité qui fut l'un des plus importants foyers culturels du monde antique. Sa valeur est inestimable, de par son architecture et les techniques gréco-romaines aux traditions locales et aux influences de la Perse. 
La ville faisait partie d’un réseau marchand reliant la Syrie à la Mésopotamie et à la côte méditerranéenne. Le nom de Palmyre est mentionné pour la première fois dans les sources gréco-romaines en 41 av. J.-C., quand Marc Antoine lança ses troupes contre elle, pour leur procurer du butin. En 41 av. J.-C., en effet les Romains essayèrent de piller Palmyre mais ils échouèrent, les habitants de la ville s’étant réfugiés, avec leurs biens, de l’autre côté de l’Euphrate. On en déduit que les Palmyréniens de cette époque étaient encore, pour l’essentiel, des nomades, vivant de l’élevage et du commerce caravanier.


Intégrée à l’Empire romain sous Tibère, en l'an 19, dans le cadre de la province romaine de Syrie, Palmyre entretint d'étroites relations avec la principauté des Sampsigéramides qui s'étendait autour d’Aréthuse et d’Émèse, cette dernière constituant le débouché naturel vers la mer pour le commerce de Palmyre. Dans une inscription provenant du temple de Bel à Palmyre, Sampsigéramos, iI est d'ailleurs désigné comme « roi suprême ». Palmyre atteignit ensuite son apogée sous Hadrien, qui la visita en 129.


Au cours de la crise du IIIe siècle, Palmyre échappa aux invasions perses qui ravagèrent la Syrie en 252 et 260. Après 260, ce fut un notable de Palmyre, Odénat, qui fut chargé par l’empereur Gallien de coordonner la défense de l’Orient. Quand sa veuve Zénobie tenta de prendre le pouvoir comme impératrice avec son fils Wahballat, Palmyre se retrouva impliquée, un peu malgré elle, dans une guerre civile romaine. En 272, vaincue par Aurélien à Antioche puis à Émèse, Zénobie se replia avec ses troupes sur Palmyre, où Aurélien vint la poursuivre. Dans un premier temps les notables de Palmyre se rallièrent à Aurélien et chassèrent Zénobie, qui fut arrêtée. Aurélien laissa à Palmyre une petite garnison et rentra en Italie. À ce moment éclata dans la cité une révolte qui tenta de remettre le pouvoir à Antiochos, le père de Zénobie. Aurélien revint sur ses pas, mata la révolte et ne semble pas avoir exercé de représailles sur la ville.


Selon Jean Starcky, les Palmyréniens de l’époque hellénistique adoraient une divinité suprême nommée Bôl (« le Seigneur » dans le dialecte araméen de Palmyre). Très tôt, sous l’influence de Babylone, ce dieu suprême fut désigné comme Bel, forme babylonienne. D’autres dieux lui étaient associés comme Aglibôl (dont le nom conserve la forme ancienne) et Malakbêl, littéralement « l’Ange (malak) du Seigneur (Bel) ». Ce sont là, semble-t-il, les dieux historiques de Palmyre.


Avec l’arrivée d’autres Syriens ou de nomades arabes de plus en plus nombreux, d’autres dieux vinrent ajouter leurs sanctuaires à celui de Bel, voire s’y assimilèrent. C’est ainsi qu’on éleva un temple au dieu solaire syrien Baalshamin (littéralement « le Seigneur (Baal) des Cieux (shamin) »), qui fut assimilé à Bel. D’autres Arabes édifièrent à l’ouest de la ville un sanctuaire à la déesse arabe Allat, assimilée par les Grecs à Athéna. Dans ce temple, fouillé par les archéologues polonais, ont été retrouvées deux statues d’Allat : la première, du Ier siècle, représente la déesse comme un lion protégeant une gazelle, la seconde, plus récente, est tout simplement une statue en marbre d’Athéna, dans le style de Phidias, importée de Grèce. Au sud du sanctuaire de Bel se trouvait le sanctuaire de Nébo, un dieu d’origine babylonienne (Nabû), assimilé par les Grecs à Apollon.


Le culte le plus important était rendu à Bel, le dieu protecteur de la cité. C’est à lui que fut dédié l’immense sanctuaire de Bel, entouré de portiques, orné de dizaines de statues de bienfaiteurs ayant contribué à le construire. Ce sanctuaire, à peu près contemporain du Temple de Jérusalem, bâti par Hérode Ier le Grand, lui était très comparable, tant pour les dimensions que pour la disposition générale et le style architectural. Sur l’immense parvis ouvert sur la ville par des propylées entourés de deux tours se trouvaient un bassin, un autel monumental pour les sacrifices, une salle des banquets où se réunissaient les prêtres de Bel, et surtout la cella monumentale, à laquelle sans doute seuls les prêtres pouvaient accéder. À l’intérieur, deux niches surélevées (l’équivalent du Saint des Saints) contenaient les statues divines. Concession à l’Empire romain, on y plaça au Ier siècle aussi la statue de Germanicus et de Tibère.


Palmyre est découverte par les marchands anglais d'Alep en 1691, et des descriptions de ses vestiges, enrichies de gravures saisissantes, sont publiées par Wood en 1753. Ainsi dès le XVIIe siècle, Palmyre devint célèbre en Europe. Ses magnifiques ruines, la qualité classique de son architecture remontant à l’époque romaine (IIe siècle), formèrent un contraste saisissant avec le désert alentour.

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Au XIXe siècle, les Ottomans y installèrent une petite garnison, tandis que les archéologues venus d’Europe et des États-Unis commencèrent l’étude systématique des ruines et des inscriptions.
Après la Première Guerre mondiale, la Syrie est occupée par les Français dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations. L’armée française implante à Palmyre une unité de méharistes et construit un terrain d’aviation pour le contrôle aérien de la steppe. Les fouilles archéologiques sont organisées sur une grande échelle : le village qui occupait le sanctuaire de Bel est détruit et la population relogée dans une ville moderne construite au nord du site archéologique, tandis que le temple antique est restauré.
Depuis l’indépendance de la Syrie, la ville moderne de Tadmor s’est considérablement développée. Le terrain d’aviation est devenu une base militaire, mais le projet d'en faire un aéroport civil pour développer le tourisme n’a jamais été mené à bien. Il y a aussi une prison. Comme dans l’Antiquité, la ville vit de l’agriculture dans l’oasis, de l’élevage bédouin dans la steppe, tandis que les profits autrefois tirés du grand commerce sont remplacés par les revenus non négligeables du tourisme.


Mais il n y a plus de touristes et l'héritage de l'antiquité est sous la menace de ceux qui veulent tout détruire de ce qui n’est pas eux. Le devoir de mémoire est,  cette fois, un devoir d’histoire et d’ingérence militaire, de guerre des civilisations contre le génocide culturel  de sauvages aussi fanatiques que barbus. Il faut avant qu'ils rasent Palmyre, les détruire…. Sinon arrêtez de parler au nom de la civilisation. On a le droit de parler de ce que l’on est capable de défendre et parfois il faut tuer et mourir pour des pierres qui portent témoignage du génie des hommes.


Palmyre ne doit pas être détruite.