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samedi, 28 mai 2022

Le Royaume-Uni utilise les tactiques de propagande noire de la Guerre froide contre la Russie

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Le Royaume-Uni utilise les tactiques de propagande noire de la Guerre froide contre la Russie

Lucas Leiroz

Source: https://novaresistencia.org/2022/05/20/reino-unido-usa-taticas-de-propaganda-negra-da-guerra-fria-contra-a-russia/

Une fois de plus, l'Occident semble fonctionner selon une vieille mentalité, celle de la guerre froide jadis menée contre la Russie. Des documents émanant du gouvernement britannique, récemment déclassifiés, révèlent à l'évidence une série de pratiques de sabotage utilisées par le Royaume-Uni pendant l'ère bipolaire et similaires à celles qui sont aujourd'hui appliquées aux relations actuelles entretenues avec la Russie contemporaine. En effet, le sabotage, l'art de fomenter de la haine, la diffusion de mensonges et d'autres tactiques courantes semblent faire partie intégrante de la politique étrangère britannique et l'actuelle opération spéciale russe en Ukraine n'est qu'un prétexte de plus.

Récemment, il a été révélé que le gouvernement britannique a mené une série de campagnes secrètes de "propagande noire" contre les pays ennemis pendant les décennies de la guerre froide. Non seulement l'Union soviétique et la Chine communiste ont été ciblées par les services de renseignements britanniques, mais également des pays d'Afrique, du Moyen-Orient et de certaines régions d'Asie. Les tactiques comprenaient diverses méthodes de sabotage, les arts de mener la guerre de l'information, la promotion des tensions raciales et terroristes, toujours dans le but de favoriser la déstabilisation des nations rivales.

9781838955618.jpgCommentant l'affaire, l'expert en renseignement Rory Cormac a déclaré au Guardian lors d'une interview : "Ces révélations sont parmi les plus importantes des deux dernières décennies ... Il est maintenant très clair que le Royaume-Uni s'est engagé dans bien plus de campagnes de propagande noire que les historiens ne l'ont supposé jusqu'ici et que ces efforts ont été plus systémiques, ambitieux et offensifs qu'on ne l'imaginait. Malgré les démentis officiels, [ces campagnes] allaient bien au-delà de la simple dénonciation de la désinformation soviétique (...) Le Royaume-Uni ne s'est pas contenté d'inventer du matériel (...), mais il avait certainement l'intention de tromper le public pour faire passer son message."

Un exemple de la manière dont la praxis britannique a fonctionné est l'action vaste et complexe menée pour favoriser les tensions entre l'Union soviétique et la communauté islamique. Dans la seconde moitié des années 1960, le Département de recherche et d'information (IRD) a falsifié au moins onze documents des médias d'État soviétiques exposant la prétendue "colère" du gouvernement face au "gaspillage" d'armes soviétiques par l'Égypte pendant la guerre des Six Jours de 1967. Plus tard, le même département a falsifié des documents censés provenir des Frères musulmans, accusant Moscou de saboter la campagne égyptienne, consistant à critiquer la qualité du matériel militaire soviétique et qualifiant les Russes d'"athées mal embouchés" qui considéraient les Égyptiens comme "des paysans qui ont vécu toute leur vie en nourrissant des superstitions islamiques réactionnaires".

L'année dernière, The Observer avait déjà révélé que l'IRD était directement responsable du massacre de centaines de personnes en Indonésie suite à la diffusion de mensonges dans une campagne de propagande noire en 1965. À l'époque, le ministère a financé la préparation de tracts censés appartenir au PKI, alors le plus grand parti communiste dans le monde non communiste, qui n'étaient en fait que des "faux drapeaux" forgés par les services britanniques. Cela a encouragé les milices anticommunistes à promouvoir un massacre sans précédent dans le pays, qui a entraîné la mort de centaines de militants communistes et de civils. Aujourd'hui, grâce aux documents récemment déclassifiés, il est possible de voir qu'il ne s'agissait pas d'un épisode isolé, mais d'une pratique régulière au sein des services de renseignement britanniques.

En effet, il semble impossible d'analyser cette affaire et de ne pas la mettre en rapport, d'une manière ou d'une autre, avec la campagne occidentale actuelle contre la Russie, dans laquelle le Royaume-Uni semble être très impliqué. D'une certaine manière, il semble que, malgré la fin de la guerre froide, la mentalité bipolaire n'a jamais cessé de fonctionner en Occident. En termes simples, ce qui était autrefois orienté vers l'Union soviétique est maintenant orienté vers la Russie.

C'est exactement ce que pense l'analyste politique Joe Quinn : "Le moment choisi pour cette déclassification des documents est intéressant dans la mesure où il peut servir, pour certains, à confirmer que la guerre géopolitique de l'Occident contre l'Union soviétique n'a jamais vraiment pris fin, elle s'est simplement poursuivie pour devenir une guerre contre la Fédération de Russie, mais sans la justification de la lutte contre le communisme."

Les médias britanniques ont été l'un des plus actifs dans la diffusion de récits anti-russes, de fake news et de propagande pro-Kiev. Bien que la plupart des travaux soient exploités par le secteur privé, il serait naïf de penser qu'il n'existe aucune incitation étatique à la propagande pro-OTAN. L'État britannique - tout comme les États-Unis et les nations alliées - a un intérêt très profond à créer un scénario de guerre psychologique. Il existe donc une sorte de coopération publique-privée clandestine entre les départements d'État et ces agences médiatiques afin que leur objectif commun soit atteint.

L'opération militaire spéciale en Ukraine est la principale raison pour laquelle la Russie est attaquée par la propagande occidentale aujourd'hui. Qu'il s'agisse d'accusations de crimes de guerre, de faux drapeaux (comme la tragédie de Bucha) ou d'"analyses" absolument irréalistes prétendant que l'Ukraine est en train de "gagner" le conflit, nous avons dans tous ces cas des exemples de la façon dont les médias britanniques agissent en collusion avec les intérêts de l'OTAN, en utilisant les vieilles tactiques de désinformation et de propagande noire contre les ennemis géopolitiques de Londres.

adkas.jpgÀ cet égard, Adriel Kasonta (photo), analyste des affaires étrangères basé à Londres et ancien président du comité des affaires internationales du groupe de réflexion Bow Group, estime qu'à l'heure actuelle, le principal intérêt des services de renseignement britanniques est de faire en sorte que l'opinion publique approuve l'envoi d'armes à l'Ukraine et croie que c'est stratégique, en falsifiant les données pour faire croire que Kiev est sur le point de "gagner".

"L'objectif est de tromper l'opinion publique nationale, en la convainquant que l''opération spéciale' ne se déroule pas comme prévu et en la persuadant que l'envoi d'armes létales par les alliés de l'OTAN contribue aux prétendues victoires et à la résistance réussie du côté ukrainien. Il s'agit d'un jeu psychologique, et rien ne convainc la population naturellement pacifique de soutenir une guerre dans un pays lointain [plus] que le supposé moral bas et les pertes militaires de l'adversaire", explique l'analyste.

Avec ceci, il semble clair qu'il y a effectivement une campagne anti-russe flagrante en cours dont le but est de nuire à Moscou en utilisant les tactiques anciennes et bien connues de la propagande noire et de la guerre de l'information. Il est essentiel que les documents récemment déclassifiés soient publiés afin que l'opinion publique occidentale soit consciente des armes utilisées par leurs gouvernements et leurs agences de presse contre les nations qui ne sont pas alignées sur les plans géopolitiques de l'OTAN.

Source : InfoBrics

samedi, 26 mars 2022

Rompre une lance pour la vérité

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Rompre une lance pour la vérité

par Helmut Müller    

Source : https://helmutmueller.wordpress.com/

Au début de la Première Guerre mondiale, Lord Arthur Ponsonby s'est exprimé à la Chambre des Communes sur ce qu'il considérait comme un désir impossible d'équilibrer les forces en Europe. Cela conduirait, selon Ponsonby, à deux camps armés "se regardant en face avec suspicion, hostilité et haine... et faisant saigner les hommes pour payer les armements". C'est là une bonne mise en scène qui correspond àce qui nous arrive aujourd'hui, et le pacifiste avéré qu'est Ponsonby s'étonnerait sans doute que cette folie soit encore possible, même à l'ère des armes de destruction massive. "Mais", ai-je lu quelque part, "la représentation armée des entreprises d'armement, l'OTAN, a fait tout ce qui était possible pour mettre le feu à l'Ukraine jusqu'à ce qu'il y ait un incendie assimilable à une guerre". Le journaliste belge Michel Collon a même qualifié l'OTAN d'"organisation criminelle".

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Et rien n'est plus utile que la propagande pour mettre le feu, pendant et après la guerre, quand on sait en plus que la majorité des médias "indépendants" sont derrière soi. Dans son livre Falsehood in Wartime, l'homme politique et écrivain Ponsonby a décrit les méthodes de propagande de guerre des belligérants de la Première Guerre mondiale, toujours en vigueur aujourd'hui, dans lequel on trouve la fameuse remarque : "When war is declared, truth is he first casuality" ("Quand la guerre est déclarée, la vérité est la première victime").

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L'historienne belge Anne Morelli a présenté son exposé dans ses Principes élémentaires de propagande de guerre sous une forme claire et moderne qui, d'un point de vue occidental, ressemblerait à ceci, complété par mes propres notes :

1. nous ne voulons pas la guerre (nous voulons seulement dominer) .                                  

2. l'adversaire porte seul la responsabilité (la Russie aujourd'hui)

3. le leader de l'adversaire est un diable (Poutine)

4. nous nous battons pour une bonne cause (démocratie des entreprises).

5. l'adversaire se bat avec des armes non autorisées (armes chimiques, selon Bush et maintenant Biden)

6. l'adversaire commet des atrocités intentionnellement, nous seulement par inadvertance (voir Hiroshima, Vietnam, Irak et autres).

7. nos pertes sont faibles, celles de l'adversaire sont énormes.

8. les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause (veulent être encouragés).

9. notre mission est "sacrée" (contre l'empire du mal)

10. quiconque met en doute notre couverture médiatique est un traître. (Ceux qui comprennent Poutine, par exemple).

Pour mieux comprendre, voici une liste, évidemment incomplète, de guerres présentées il y a des années par Ticinolive et menées selon cette méthode par les Etats-Unis :

Dix guerres et dix mensonges des États-Unis

1. le Vietnam (1964-1975)

Le mensonge : les 2 et 3 août 1964, le Nord-Vietnam a attaqué deux navires de guerre américains dans le Golfe du Tonkin.

La vérité : L'attaque n'a jamais eu lieu. Il s'agissait d'une invention du gouvernement américain.

L'objectif : empêcher l'indépendance du Vietnam et maintenir la domination des États-Unis dans la région.

Les conséquences : Des millions de victimes, des malformations génétiques, d'énormes problèmes sociaux.

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2. Grenade (1983)

Le mensonge : La petite île des Caraïbes est accusée de construire une base militaire soviétique et de mettre en danger la vie des citoyens américains.

La vérité : Tout est faux. La nouvelle a été diffusée sur ordre du président américain Ronald Reagan.

L'objectif : empêcher les réformes sociales et démocratiques du Premier ministre Maurice Bishop (qui a été abattu en octobre 1983).

Les conséquences : Répression brutale et consolidation du contrôle de Washington.

3. Panama (1989)

Le mensonge : l'invasion est menée pour arrêter le président Manuel Noriega pour trafic de drogue.

La vérité : Bien qu'il soit un protégé de la CIA, Noriega a revendiqué la souveraineté sur les droits du Canal de Panama. Cette revendication était inacceptable pour les États-Unis.

L'objectif : maintenir le contrôle des États-Unis sur le canal, une voie de communication stratégique.

Les conséquences : Les bombardements américains ont tué des milliers de civils dans l'indifférence des médias et de l'opinion publique.

4. Irak (1991)

Le mensonge : les soldats irakiens ont tué des prématurés koweïtiens en les arrachant de leurs couveuses.

La vérité : Une invention de l'agence de publicité Hill & Knowlton, payée par l'émir du Koweït.

L'objectif : Empêcher le Moyen-Orient de se rebeller contre Israël et de se soustraire au contrôle américain.

Les conséquences : De nombreuses victimes de la guerre (un million, ndlr) et un long embargo, qui concernait également les médicaments.

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5. la Somalie (1993)

Le mensonge : l'homme politique et médecin français Bernard Kouchner se met en scène comme le héros d'une intervention humanitaire.

La vérité : Quatre sociétés américaines avaient acheté une partie du sous-sol somalien riche en pétrole.

L'objectif : le contrôle du pétrole et d'une région militairement stratégique.

Les conséquences : Les États-Unis n'ayant pas réussi à contrôler le pays, un chaos persistant s'est installé dans la région.

6. Bosnie (1992-1995)

Le mensonge : la société américaine Ruder Finn et le ministre français de la Santé de l'époque, Bernard Kouchner, ont mis en scène une série de camps d'extermination serbes.

La vérité : Ruder Finn et Kouchner avaient menti. Il s'agissait de camps dans lesquels des prisonniers attendaient d'être échangés contre d'autres prisonniers. Alija Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine de 1990 à 1996, l'a reconnu.

L'objectif : démanteler la Yougoslavie, trop à gauche, supprimer son système social, soumettre la région aux multinationales, contrôler le Danube et les voies de communication stratégiques dans les Balkans.

Les conséquences : Une guerre atroce de quatre ans entre les musulmans, les Serbes et les Croates.

7. Yougoslavie (1999)

Le mensonge : les Serbes commettent un génocide contre les Albanais du Kosovo.

La vérité : C'était une invention de l'OTAN, comme l'a reconnu plus tard le porte-parole officiel Jamie Shea.

L'objectif : imposer la domination de l'OTAN dans les Balkans et établir une base militaire américaine au Kosovo.

Les conséquences : Des milliers de victimes des bombardements de l'OTAN. Nettoyage ethnique au Kosovo par l'organisation paramilitaire albanaise UÇK - l'"Armée de libération du Kosovo" - qui était sous la protection de l'OTAN.

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8. Afghanistan (2001)

Le mensonge : le président américain George Bush voulait venger les attentats du 11 septembre 2001 et capturer Oussama Ben Laden, un ancien ami des États-Unis et chef sanguinaire d'Al-Qaida.

La vérité : Il n'y avait aucune preuve de l'implication d'Al-Qaïda et de Ben Laden dans les attentats du 11 septembre. Selon les "théoriciens du complot", les attentats auraient même été organisés par les services secrets américains.

L'objectif : le contrôle militaire du centre stratégique de l'Asie, la construction d'un gazoduc pour contrôler l'approvisionnement énergétique de l'Asie du Sud.

Les conséquences : Occupation à long terme et forte augmentation de la production et du commerce d'opium.

9. Irak (2003)

Le mensonge : le président irakien Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive, comme l'a déclaré le général Colin Powell devant les Nations unies, avec une éprouvette censée contenir une substance dangereuse saisie dans des laboratoires irakiens à l'appui.

La vérité : Le gouvernement de Washington avait ordonné de falsifier (affaire Libby) ou de créer les documents correspondants.

Le but : contrôler le pétrole irakien et donc les acheteurs : Chine, Europe, Japon...

Les conséquences : Une longue guerre civile a commencé en Irak ; les armes expérimentales et les munitions à l'uranium ont causé plus de dommages génétiques que la bombe d'Hiroshima.

10. la Libye (2011)

Le mensonge : le colonel libyen Mouammar Kadhafi veut massacrer la population de Benghazi. Une intervention militaire occidentale est nécessaire pour éviter un bain de sang. Le président américain Barack Obama et le président français Nicolas Sarkozy ont lancé la guerre contre la Libye en violation de la résolution 1973 des Nations unies.

La vérité et l'objectif : le contrôle du pétrole et des compagnies pétrolières du pays, la fin du premier satellite africain RASCOM 1, la fin du Fonds monétaire africain, l'installation d'une base militaire Africom en Libye et la mise à mort de Mouammar Kadhafi.

Les conséquences : Près de 50 000 Libyens ont été tués dans les frappes aériennes de l'OTAN.

Source : Ticinolive : Le 10 guerre e le 10 menzogne degli Stati Uniti - 4 décembre 201

Note sur la guerre en Ukraine :

Oui, Poutine est en guerre, cela ne fait aucun doute. Mais est-ce sa guerre ? Et oui, des crimes de guerre sont malheureusement possibles, de part et d'autre, ceux des Ukrainiens (et le rôle de M. Zelensky) seront certainement à discuter. Mais aucun pays n'a commis autant de crimes de guerre après la Seconde Guerre mondiale que les États-Unis, selon Noam Chomsky : "World's biggest terrorist". Le fait que ce soient eux qui se présentent aujourd'hui comme accusateurs, avec une kyrielle de vassaux à leur suite, est une parodie de vérité et de justice. Si Poutine devait être traduit en justice, alors, s'il vous plaît, que Biden et tous les anciens présidents américains encore en vie le soient également.

Sur le même sujet:

Confessions de Victoria Nuland : https://youtu.be/skHJ251ogfA

Le général de division Schulze-Rhonhoff : https://youtu.be/mHzDonjwYZg

Pris en flagrant délit de mensonge : https://bachheimer.com/images/2022/aktuell/ukraine_tag14/VID-20220309-WA0003_3.mp4

dimanche, 23 juin 2019

LA PROPHETIE DE HROSVITHA Prophéties et propagande de guerre

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LA PROPHETIE DE HROSVITHA

Prophéties et propagande de guerre

Par Théodulf

Hrosvitha (ou Hroswitha, ou Rosvitha, ou Hroswitte) de Gandersheim, née vers l’an 935 et morte après 975, était abbesse du monastère de Gandersheim en Saxe, fondé en 852 par Liudolf (un descendant de Widukind). Hrosvitha (qui veut à peu près dire : « A la forte voix ») est aujourd’hui considérée comme la première poétesse et dramaturge allemande. Elle était lettrée et écrivait en latin. Il faut noter qu’à son époque l’Allemagne était pour la première fois proche de son unité, sous la férule du duché de Saxe et de la dynastie des Othon.

Le codex contenant les œuvres de la prolifique poétesse (des légendes métriques, six pièces de théâtre, et des poèmes épiques) fut découvert en 1492 ou 1493 par l’érudit allemand Conrad Celtes dans un couvent bénédictin. Celtes le publia à Nuremberg en 1501. L’œuvre de Hrosvitha devint célèbre à partir du XVIe siècle. L’authenticité du codex fut contestée en 1868 par un universitaire allemand, avec des arguments assez faibles. Aujourd’hui les spécialistes modernes ne contestent plus son authenticité, et de nombreux travaux lui ont été consacrés. Certains y décèlent même les traces d’un « féminisme » précoce !

Ce qui est beaucoup plus mystérieux, c’est que Hrosvitha aurait aussi écrit une prophétie assez troublante où l’abbesse allemande aurait « vu » une tentative d’hégémonie germanique, suivie d’une ruine complète, dans un futur éloigné (comme plusieurs autres voyants ultérieurs, elle aurait confondu les deux guerres mondiales dans une même vision). Cette prophétie (qui, et cela est déjà suspect, ne semble pas figurer dans le codex retrouvé par Celtes) est connue sous le nom de Tuba saeculorum (Le Clairon des siècles).

Dans son livre Prophéties et prophètes de tous les temps (Pygmalion 1991), Pierre Carnac écrit d’une manière assez sibylline que la prophétie était « méconnue » du public avant la Première Guerre mondiale et qu’elle « fut publiée par les soins des Alliés » car elle annonçait la défaite finale de l’Allemagne. Plus surprenant, le spécialiste de l’ésotérisme Pierre Riffard présente cette prophétie sous un jour plutôt favorable (et en donne le texte in extenso) mais reste prudent (voir Pierre Riffard, L’ésotérisme, Robert Laffont, 1990, pp. 676-678).

Le texte de la « prophétie » est précédé d’un inquiétant quatrain :

Clamor validus Allemanorum

Tuba influet saeculorum

Quos fuerunt et quos fuerant

Verba cruenta scriptorum.

Le cri puissant d’Alemanie

Souffle dans le clairon des siècles

Et clame en paroles sanglantes

Ce qui fut et ce qui sera.

Et ce sera un siècle écoulé après la chute de l’empereur de France, restaurateur du Saint Empire, né dans une île, mort dans une île.

hros.jpgCe sera un siècle terrible parmi les siècles. Les peuples tomberont sous toi, Allemagne, et ta puissance sera si grande que le monde entier s’alliera contre toi.

Neuf siècles auront apposé leur sceau au Livre de Dieu, depuis l’heure où les choses à venir furent révélées à la vierge de Gandersheim.

Et des peuples viendront des deux faces de la terre et alors commenceront les temps embrasés décrits au Livre de la Colère.

L’héritier du Grand Othon sentira tout le poids de la terre sur son épée. Le char flamboyant d’Elie volera dans les airs, et l’enfer vomira ses rocs et ses laves embrasées.

Et les montagnes seront renversées et leurs tours tomberont, et toute merveille s’écrasera par terre.

Et sur les troupes et sur les grands peuples qui se dresseront contre l’Empire, pleuvra une pluie de boue, des grêles de pierres, de feu et de soufre.

Le Saint Empire, relevé sous le 249e pape, sacré sous le 253e, entendra venir sa destinée quand mourra le 255e fils de Pierre.

Alors l’Allemagne, de son épée, frappera de si grands coups que le monde croira venue l’heure de sa perte.

L’air sera tout empli des sauterelles de fer prédites par l’apôtre Jean, car le temps des moissons sera venu.

Il y aura sur la terre des Gaules une grande bataille entre deux fleuves, et le puissant empire sentira trembler son épée.

Et les peuples creuseront des trous comme les taupes et dans l’air se répandra l’odeur de la mort.

Mais quand la terre de Germanie sera recouverte de neige, par les portes d’Orient et par les portes d’Occident, coulera comme un déluge de sang, sur l’Empire, l’innombrable invasion des peuples.

Il y aura trois grandes batailles entre les trois grands fleuves qui arrosent et limitent le Saint Empire.

Et ce sera la fin de l’Allemagne…

Une année entière sera révolue quand s’agenouilleront autour du cercueil du dernier empereur, quatre empereurs.

Il n’y aura plus de Saint Empire, et sur ses ruines naîtront l’empire du Christ et celui de l’Antéchrist.

Mais la guerre règnera entre les deux parties de l’Allemagne, et les ennemis se rejoindront.

Jusqu’au temps de la Guerre Rouge, prévue au Livre de la Colère, et du Grand Empire d’Orient, qui sera le dernier empereur de la Terre.

ANALYSE DU TEXTE

Tentons maintenant de décoder la prophétie. « L’empereur de France… né dans une île, mort dans une île » est bien sûr Napoléon 1er (il abdique en 1814, et la Grande Guerre commence en 1914). « La Vierge de Gandersheim » désigne la voyante elle-même. Le Livre de la Colère désigne probablement l’Apocalypse de Jean.

L’Allemagne du Kaiser (« l’héritier du Grand Othon », qualificatif qui peut aussi bien s’appliquer à Hitler, rétrospectivement) fit effectivement face à une coalition mondiale. La numérotation des papes peut donner lieu à diverses interprétations, selon qu’on compte les papes par individus ou par consécrations (par ex., l’un des papes historiques fut élu trois fois). Le Saint Empire (dissous en 1806 par Napoléon 1er) « relevé » peut s’appliquer à la création de la Confédération germanique en 1815, sous le pape Pie VII. Guillaume 1er fut proclamé empereur en 1871, sous le pape Pie X (mort précisément en 1914). Les « sauterelles de fer » (les obus), la « grande bataille entre deux fleuves » et la phrase suivante décrivent parfaitement la bataille de la Marne et la guerre de tranchées.

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Pour un lecteur moderne, et en supposant que la prophétie soit authentique (c’est-à-dire rédigée avant l’an mille !), l’invasion finale de l’Allemagne et les « trois grandes batailles entre les trois grands fleuves » semblent s’appliquer à l’invasion alliée du printemps 1945 et aux fleuves Rhin, Danube et Oder. Les « quatre empereurs » pourraient désigner Roosevelt, Churchill, Staline (réunis à Yalta) et De Gaulle (absent à Yalta, mais qui parvint in extremis à entrer dans le cercle des « Quatre Grands » et à obtenir une zone d’occupation), à moins qu’il ne s’agisse de Truman, Churchill, Attlee et Staline (réunis à Potsdam en juillet 1945).

Toujours en acceptant l’hypothèse de l’authenticité, la voyante se serait trompée en parlant d’« une année entière » révolue après la mort de l’empereur germanique, mais ce serait une défaillance excusable, puisqu’elle aurait « vu » des événements distants de plus de neuf siècles ; elle aurait peut-être pu « voir » l’image de l’attentat du 20 juillet 1944 où la mort passe si près du dictateur que la voyante aurait pu faire une confusion « émotionnelle ». Le « cercueil » du dernier empereur germanique peut faire penser au bunker de Berlin. La « fin de l’Allemagne » fut en tous cas, dans la réalité historique, la fin de l’hégémonie allemande sur le continent.

La naissance de l’empire du Christ et de celui de l’Antéchrist s’appliquerait parfaitement (du moins du point de vue de la fervente chrétienne qu’était la « voyante ») à la naissance des deux blocs, au partage de l’Allemagne et à la guerre froide, puis à la « jonction » des deux blocs ennemis (puisque le bloc communiste s’est désintégré en 1991 et que le système capitaliste s’est ensuite imposé à toute l’Europe).

Quant à la dernière phrase de la prophétie, elle est particulièrement inquiétante et s’accorderait tout à fait avec l’évolution géopolitique actuelle dans la zone Asie-Pacifique. Certains géopoliticiens comparent l’Asie actuelle à l’Europe d’avant 1914, avec des pays de plus en plus surarmés et des tensions multiples, des systèmes d’alliance, une puissance montante (la Chine, à la place de l’Allemagne) menaçant l’hégémonie politico-militaro-économique d’une thalassocratie (les Etats-Unis, à la place de l’Angleterre victorienne). Les Etats-Unis ont d’ailleurs sérieusement renforcé leur présence militaire dans le Pacifique (le fameux « pivot » et le « containment »).

La prophétie semble donc être d’une précision hallucinante. Mais tout cela n’est-il pas trop beau pour être vrai ? Pourrait-il s’agir d’une « forgerie » ?

Le texte de la prophétie figurerait dans Hrotsvithoe Opera, éd. Weidmann, Berlin, 1902, XXIV (en latin). Une traduction partielle de Josane (bien Josane) Charpentier figure dans Le Livre des prophéties, éd. R. Morel, non-datée, pp. 84-87 (ouvrages mentionnés par Riffard dans une note en bas de page). Mais tout ceci serait à vérifier plus précisément (seule la consultation d’un exemplaire de l’ouvrage allemand précité pourrait éclaircir ce point). Sur le web, l’expression de Tuba saeculorum n’apparaît sur aucun site sérieux (ou seulement par des citations rapportées) ; on la trouve seulement sur des sites occultistes, ultrareligieux (notamment hispanophones) ou farfelus. Voilà déjà une indication défavorable.

Ce qu’on sait, c’est que le texte de la prophétie apparut dans un ouvrage en français publié au début de la guerre : Gabriel Langlois, Les prophéties relatives à la guerre de 1914-15 (58 pages, publié en 1915) ; la notice en fin de fascicule indique : « Nancy-Paris. Librairie Militaire Berger-Levrault. Nov. 1915 ». La date et le pays de publication (en pleine guerre mondiale, dans un pays belligérant) éveillent déjà les soupçons. En temps de guerre, on fait flèche de tout bois… A noter que la bataille de Verdun n’avait pas encore eu lieu à ce moment, mais la guerre de tranchées avait déjà commencé, ce qui rend plausible le passage concerné de la « prophétie ». La brochure contient aussi une analyse de l’écriture du Kaiser Guillaume II, ainsi que son horoscope.

En faisant quelques recherches sur ce Gabriel Langlois, on découvre que c’était un ardent patriote, et qu’il fut l’auteur de plusieurs autres ouvrages « patriotiques » (dont un préfacé par un archevêque), notamment d’un livre hystériquement antiallemand : L’Allemagne barbare (341 pages, également publié en 1915, chez Walter et Cie). Voici les titres des chapitres :

- La race allemande, ses origines, ses destinées, selon M. de Quatrefages 

- Le premier barbare allemand : Attila 

- L’Allemagne tortionnaire 

- Le dieu allemand protecteur des crimes : Martin Luther 

- Le Kaiser, un empereur criminel et fou 

- François-Joseph, le vieillard sanguinaire 

- Abdul-Hamid, l’assassin couronné 

- Les Allemands méprisés par les Allemands 

- Appel des 93 et réponse de M. Emile Boutroux.

Bad_Gandersheim_-_Stiftskirche_-_Westwerk.JPGVoilà de la bonne propagande de guerre ! Or il semble bien que ce Gabriel Langlois fut le premier à livrer une version française du texte de la « prophétie » de Hrosvitha. Etait-il latiniste ? Agissait-il de sa propre initiative, ou lui avait-on « suggéré » de publier ces soi-disant prophéties (car celle de Hrosvitha n’est pas la seule citée) concernant la Première Guerre mondiale ?

En fouinant sur internet, on trouve d’autres informations sur Gabriel Langlois. Son nom figure dans un bulletin maçonnique (de la Grande Loge de France, en mars 1937). Curieusement, sous le régime de Vichy, il fut nommé (apparemment en se recommandant de Jean Ajalbert, écrivain et poète proche du PPF, incarcéré en 1945) responsable de l’AE (« Aryanisation Economique ») à Toulon, où il « se noie dans la réglementation antisémite (…). Il est licencié pour incompétence en mai 1943 » (Laurent Joly, L’antisémitisme de bureau, 2011). Anti-allemand mais pas anti-aryen ! Cela ne l’empêchera pas de publier un dernier brûlot anti-allemand en 1945 : L’Allemagne, bourreau du monde, qui reçut le Prix de l’Académie française !

Revenons à notre prophétie du Tuba Saeculorum. On peut remarquer que si c’est un faux, c’est un faux très bien fait. Seul un latiniste aurait pu réaliser ce genre de « forgerie ». Cela requérait une bonne connaissance non seulement du latin, mais aussi du style et de la mentalité de l’époque, de la manière dont aurait pu écrire une moniale lettrée attachée à un monastère, de l’histoire des papes, etc. Il fallait aussi attribuer la « prophétie » à un auteur médiéval suffisamment mal connu pour qu’aucune vérification (et réfutation) ne puisse être faite et diffusée rapidement. Le texte est apparu fin 1915, en langue française (à part le quatrain introductif, donné à la fois en français et en latin, probablement pour faire plus forte impression), il était donc destiné au public français. C’est tout à fait logique, car à la fin de 1915 la guerre ne marchait pas très fort pour les Alliés. La forgerie aurait donc été destinée à « remonter le moral » des lecteurs français, en attribuant à une ancienne « prophétesse » de la nation ennemie (colossale finesse !) la ruine finale de cette même nation.

Un détail intéressant est que le texte (latin) n’utilise pas le mot de « Germanie » (qui semblerait plus normal pour un texte très ancien), mais celui d’Alémanie qui raccroche plus facilement la prophétie à l’Allemagne de 1915, sans être totalement invraisemblable pour un lecteur profane  (après tout, comme chacun sait, les mots Allemands et Allemagne viennent de la confédération de tribus germaniques des Alamans).

Un autre trait curieux est que les prophéties millénaristes (généralement modelées sur l’Apocalypse de Jean) annoncent toujours le triomphe final du Grand Roi ou du Grand Empereur (quel que soit son nom), pour mille ans ou carrément jusqu’à la fin des temps. C’est le cas de toutes les grandes prophéties millénaristes : le Gamaléon, le Livre aux Cent chapitres, les prophéties du Grand Monarque, etc. Or, dans le cas de la « prophétie » de Hrosvitha, que voyons-nous ? Tout le contraire : le grand Empereur suscite une énorme coalition contre lui et se fait battre à plates coutures ! Ce serait donc plutôt le Méchant Empereur vaincu par la glorieuse Démocratie. Curieuse prophétie, vraiment.

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D’autre part, le texte parle de quatre « empereurs » : de qui pourrait-il s’agir ? Manifestement, des chefs de quatre très grands Etats : évidemment la France (qui était une république, mais de facto un empire), la Grande-Bretagne, la Russie – mais qui pouvait être le quatrième, du point de vue d’un faussaire pro-Alliés en 1915 ? Certainement pas l’empereur d’Autriche ou le Sultan ottoman (qui appartenaient au camp ennemi). Il aurait pu s’agir du chef de l’Italie (entrée en guerre le 24 mai 1915 dans le camp allié), et c’était alors très flatteur pour l’Italie (élevée au rang d’un « empire »). Enfin, il aurait pu s’agir du président des Etats-Unis, ce qui est plus intéressant, car cela confirme qu’à l’époque de publication de la « prophétie », l’incident du Lusitania (paquebot américain coulé le 7 mai 1915 par un U-Boot) avait déjà eu lieu. Après cet incident une intervention américaine était ardemment espérée par les Alliés et les Français, en difficulté sur le front (le président Wilson menaça l’Allemagne et exigea réparation) ; en tous cas la probabilité d’une intervention augmenta fortement (les USA n’entreront en guerre qu’en avril 1917, mais en 1915 un faussaire aurait simplement pu vouloir redonner le moral aux lecteurs français, par une intox momentanée).

Revenons au monde réel d’aujourd’hui. La Patrologie latine (tome 137) et les sites web universitaires connaissent très bien l’œuvre poétique et théâtrale de Hrosvitha, mais ne disent pas un seul mot de la prophétie (ce qui tendrait à indiquer qu’ils la considèrent comme un faux). Cependant ils n’affirment pas non plus qu’il s’agit d’un faux : ils n’en disent rien. Une explication possible, c’est que s’il s’agit d’un faux, il aurait pu être fabriqué par les services français (ou par un expert qui fut contacté par eux, ou qui proposa spontanément ses services), et dans ce cas on peut comprendre que les publications officielles (catholiques ou universitaires) ne veuillent pas incriminer directement le ou les auteurs de la forgerie, même si la chose remonte à 1915. Dans un tel cas, le silence est l’attitude la plus prudente et la plus « diplomatique ». L’utilisation des prophéties de Nostradamus (tronquées et diffusées par les services allemands en 1940, par tracts et par émissions radio) par les Allemands a été dénoncée depuis longtemps, mais les manipulations des Alliés (également très nombreuses, aussi bien pendant la Première Guerre mondiale que pendant la Seconde ; la plus fameuse étant l’histoire des « bébés aux mains coupées » qui fut crue par des millions de gens !) sont parfois encore passées sous silence.

Remarquons au passage qu’Eric Muraise, l’un des spécialistes des prophéties liées au « Grand Monarque » (il est l’auteur, entre autres, d’une biographie de Nostradamus dans les années 60, et de Histoire et légende du Grand Monarque, 1975), fut l’un des divers pseudonymes de Maurice Suire, saint-cyrien, officier (colonel) affecté à la Sécurité Militaire, d’après Gérard de Sède (L’étrange univers des prophètes, 1977). Ce qui confirme que les « services » (dans tous les pays !) s’intéressent aux prophéties et à l’occultisme en général.

Il est certain que les milieux pangermanistes (sous le Kaiser) n’auraient eu aucun intérêt à « forger » une prophétie annonçant la ruine finale de l’Allemagne. S’il s’agit d’une forgerie, elle est extrêmement habile, avec de nombreux détails d’une très grande précision (notamment sur la numérotation des papes).

La mention de la naissance des deux empires « du Christ et de l’Antéchrist » après la défaite annoncée de l’Allemagne et la mention de la menace du « Grand Empire d’Orient » et de la « grande Guerre Rouge » cadrent avec l’Apocalypse de Jean, mais pourraient aussi indiquer que les auteurs de la forgerie s’inquiétaient déjà de la menace bolchevique (« rouge »), ce qui est très surprenant en 1915 (qui aurait pu prévoir que Ludendorff enverrait Lénine en Russie dans un « wagon plombé » ?). Il s’agirait donc plutôt d’une allusion à une menace asiatique, chinoise ou sino-japonaise. Etonnant, mais à cette époque le « Péril jaune » était à la mode ! Plusieurs auteurs avaient imaginé l’invasion de l’Europe par une énorme armée asiatique, principalement chinoise. En 1906, la fiction du capitaine Danrit, L’invasion jaune (en trois volumes !), avait eu un grand succès ; dans une autre fiction de la même époque, L’aviateur du Pacifique (1910), ce même auteur imaginait même l’attaque (réussie !) de la flotte américaine par les Japonais, dans la zone de Midway ! Derrière ce pseudonyme de « capitaine Danrit » se dissimulait en réalité Emile Driant, officier, puis député de Nancy de 1910 jusqu’à sa mort au combat à Verdun en 1916.

En tous cas, pour revenir à notre abbesse allemande médiévale, deux choses seraient parfaitement vérifiables :

Hrotswitha_of_Gandersheim.jpg(1) savoir si la soi-disant prophétie figure vraiment dans l’ouvrage allemand précité, paru en 1902. Mais même s’il y figurait, cela ne prouverait toujours pas l’authenticité de la prophétie ! Il pourrait alors s’agir d’un faux rédigé par un faussaire allemand, dès 1902 ou même avant (et ce texte aurait été remarqué plus tard par les services alliés, anglais ou français, et utilisé par eux – mais tout cela est vraiment trop invraisemblable).

(2) bien sûr, et c’est le plus simple, il faudrait savoir si la « prophétie » figure réellement dans les œuvres de l’abbesse médiévale Hrosvitha. Ces œuvres en latin sont bien connues des spécialistes, et si derniers ne veulent pas affirmer que la prophétie est une « forgerie » d’origine française datant de 1915, ils peuvent sûrement répondre à la question de savoir si le fameux Tuba saeculorum figure vraiment dans les Codex écrits par Hrosvitha…

A moins bien sûr que la prophétie ne soit vraiment un authentique écrit de la « Vierge de Gandersheim » ! Dans ce cas il s’agirait d’un cas de voyance vraiment extraordinaire ! Hélas c’est très peu probable… La vérité historique est souvent beaucoup moins mystérieuse. Les prophéties, authentiques ou pas, sont des armes comme les autres, surtout en temps de guerre… Bien diffusées et exploitées, elles peuvent servir à influencer le public et à le préparer à attendre et espérer certains événements (elles font partie de ce que les théoriciens modernes nomment la guerre psychologique, la « Psy War »). Les prophéties étaient déjà utilisées comme des armes politiques durant l’Antiquité ! Les diverses forces politiques ou religieuses, au pouvoir ou dans l’opposition, ont toujours été conscientes de l’utilité de l’occultisme pour influencer leur population (ou celle de leurs adversaires). Par exemple, plusieurs « prophéties » catholiques, apparues à l’époque de la Restauration ou un peu plus tard, étaient des montages ou des impostures (entre autres, la « Prophétie d’Orval » et celle de la « Vierge de La Salette »). On a aussi suggéré que le fameux Nostradamus aurait été en fait un agent de la Maison de Lorraine, et que ses « prophéties » étaient destinées à influencer l’« opinion » de l’époque (à moins qu’il n’ait été un vulgaire escroc, hypothèse tout aussi vraisemblable, puisqu’un spécialiste affirme que Nostradamus aurait en fait volé le manuscrit des Centuries en 1545 dans le monastère de Cambron dans l’actuelle Belgique, puis l’aurait recopié en changeant l’ordre des versets et en y ajoutant des versets de son crû, puis publié sous son nom, après avoir brûlé l’original).

A ce sujet, il faut méditer ce qu’écrivait un auteur contemporain :

« …un homme ou une femme qui dit annoncer l’avenir au nom de Dieu peut être, auprès des couches de la population les plus imprégnées d’esprit religieux, les plus éprises de merveilleux ou simplement les plus crédules, un irremplaçable agent de propagande pour un Etat ou une faction.

Pour prendre un exemple, et le plus célèbre, dans notre histoire nationale, c’est ce que comprit parfaitement, aux heures les plus sombres de la guerre de Cent Ans, le groupe de seigneurs et de religieux patriotes qui conçurent ce qu’on peut appeler l’opération Jeanne d’Arc. 

(…)

Annoncer d’avance un événement historique, c’est parfois l’aider à se produire, car il apparaît alors comme fatal, de sorte que ceux qui pourraient en contrarier le cours se résignent, impressionnés, à le subir. C’est pourquoi les prophéties, qu’elles soient sincères ou truquées, sont toujours un puissant moyen d’action psychologique. (…) en annonçant aux gens un événement qu’ils espèrent ou qu’ils redoutent, l’on peut influer sur leur comportement. »

(Gérard de Sède, L’étrange univers des prophètes, 1977)

Le plus étonnant, c’est que parfois les fausses-vraies prophéties remportent un tel succès qu’elles finissent par se réaliser du seul fait de leur existence ! Et qu’elles échappent parfois à leurs concepteurs… On parle alors de prophétie « auto-accomplissante » ou « auto-réalisatrice ». C’est ce que disaient deux auteurs contemporains : « …une prophétie, par le fait même de son existence, peut se réaliser. » (l’astronome Carl Sagan, 1980) ; « Une prophétie a-t-elle le pouvoir de s’accomplir elle-même ?... A un certain niveau, une prophétie se met-elle à engendrer ce qu’elle avait entrevu ? » (le philosophe George Steiner).

En ce qui concerne la prophétie qui est notre sujet dans cet article, il y a fort à parier que ce « Clairon des siècles » sortait tout droit du Deuxième Bureau, ou de l’esprit enfiévré d’un super-patriote franc-maçon, antiallemand et peut-être latiniste ! Comme le dit Pierre Carnac, « Bravo, sœur Hroswitte ! »

 

 

 

jeudi, 04 mai 2017

1917 : les Etats-Unis entrent en guerre

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Bernhard Löhri

1917 : les Etats-Unis entrent en guerre

Cette entrée en belligérance a révolutionné durablement la communication politique

Il y a cent ans, la politique américaine mettait un terme définitif à son isolationnisme, celui qu’avait préconisé la Doctrine de Monroe (« L’Amérique aux Américains »). Cette doctrine impliquait la neutralité américaine dans tous les conflits qui déchiraient l’Europe. En 1917, les Etats-Unis disent adieu à cette neutralité et entrent en guerre aux côtés des Alliés franco-britanniques. Le Président américain James Monroe avait souligné, dans les années 1820,  que les Etats d’Amérique entraient dans un processus irréversible d’indépendance et se détachaient ainsi des puissances européennes, du Vieux Monde. Monroe évoquait alors l’émergence de deux sphères politiques (le Vieux et le Nouveau Mondes) et l’avènement d’un principe de non immixtion des Etats-Unis d’Amérique dans les conflits européens. Suite à cette déclaration de leur Président, les Etats-Unis ont pu développer une stratégie hémisphérique brillante, ont consolidé leurs acquis territoriaux et les ont protégés. L’Europe, elle, ne s’occupait que d’elle-même en cette période post-napoléonienne : elle entendait conférer aux Etats qui la constituaient une épine dorsale constitutionnelle destinée à les stabiliser. Pendant ce temps, les Etats-Unis bâtissaient leur propre Etat aux dimensions continentales, avec la ferme intention de le rendre militairement invulnérable. Sur le plan de la sécurisation militaire, les Etats-Unis acquièrent, dans le dernier tiers du 19ème siècle, l’Alaska et annexent les Iles Hawai, parachevant de la sorte leur projet stratégique. En entrant en belligérance dans la première guerre mondiale, déclenchée en Europe par les puissances européennes, les Etats-Unis manifestent ipso facto la prétention d’agir activement sur la scène mondiale, en y imprimant leur volonté, comme l’histoire ultérieure le démontrera.

L’entrée en guerre des Etats-Unis a surpris car, à l’automne 1916, le Président américain Woodrow Wilson avait fait campagne pour les Démocrates avec le slogan ‘He kept us out of war !’ (« Il nous a maintenu hors de la guerre »). Il a été réélu. Se maintenir hors de la guerre qui faisait rage en Europe fut le message principal du mouvement politique animé par Wilson. Mais cette promesse n’a duré que quelques mois, au bout desquels les Etats-Unis sont bel et bien entrés en guerre. Une victoire des puissances centrales, c’est-à-dire l’Empire allemand, l’Empire austro-hongrois, avec la Bulgarie et l’Empire ottoman comme partenaires mineurs, était parfaitement envisageable au printemps de 1917. L’entrée en guerre des Etats-Unis, d’abord contre l’Allemagne seule, peut donc être considérée comme décisive dans la défaite des puissances centrales. La supériorité des Alliés en troupes et en armes a fait la décision au détriment de l’Allemagne sur le front occidental.

doughboy.jpgSur les plans idéologique et moral, cette entrée en guerre a été décrite comme « une croisade nécessaire contre les monarchies militaristes et autoritaires de l’Empire allemand et de l’Autriche-Hongrie ». A cela s’ajoute la conscience d’une mission quasi religieuse et bien précise : « Rendre la monde sûr pour la démocratie ». Mais ce conglomérat de moralisme et d’idéologie à connotations puritaines était pur discours : derrière lui se profilaient des motivations essentiellement économiques. Les dettes de guerre inter-alliées, soit les dettes contractées entre Alliés et celles contractées entre les Alliés et les puissances associées, avaient pour créancier principal les Etats-Unis et comme débiteur principal la Grande-Bretagne : cette dernière avait contracté la grosse masse de ses endettements auprès du gouvernement fédéral américain. Au total, les crédits pris sur le système financier américain s’élevaient à un capital de 26,5 milliards de dollars (somme sur laquelle intérêt était dû). Une victoire des puissances centrales aurait eu des conséquences considérables sur le système financier américain. Il fallait l’éviter à tout prix. En entrant en guerre, Wilson rendait un immense service aux intérêts vitaux du secteur financier américain.

Dans l’espace-temps qui va de l’automne 1916 au printemps 1917, nous avons assisté à un renversement total de l’opinion publique aux Etats-Unis. Ce renversement inaugure dans l’histoire mondiale l’avènement du marketing politique moderne et du modelage médiatique des mentalités. Le plus important des experts en ce façonnage des mentalités nouvelles fut Edward Louis Bernays, né à Vienne en 1891. On le considère désormais comme le père des techniques de « relations publiques » et de l’art des « spin-doctors ». Ce fut lui qui transforma la notion de « propagande », la débaptisa en « relations publiques ». Il était fasciné par la capacité à « produire des opinions ». Bernays était l’un des neveux de Sigmund Freud. Il s’est efforcé de populariser les thèses psychanalytiques de Freud aux Etats-Unis. Bernays était fasciné par l’idée freudienne qu’il existait des forces cachées et irrationnelles qui poussaient les hommes à l’action. Il avait reconnu le fait que les sociétés humaines étaient dirigées sur les plans économique, politique et social par une poignée d’hommes puissants « qui tiraient les ficelles de l’opinion publique » après avoir donné les directives adéquates. Quand il a fallu, en 1916/1917, faire basculer l’opinion publique américaine et lui faire accepter l’entrée en guerre du pays-continent, le jeune Edward Bernays prit contact avec le « Committee on Public Information », chargé de préparer à la guerre et au sang à verser tous ceux qui doutaient du bien fondé d’une immixtion américaine dans la grande guerre européenne, et, finalement, l’opinion publique toute entière des Etats-Unis. Bernays a eu l’intelligence de faire miroiter aux opinions publiques américaine et européenne l’idée d’un nouvel ordre mondial sécurisé et pacifique, que les armées américaines allaient promouvoir par leur engagement dans les combats. « Rendre le monde sûr pour la démocratie » (« Make the world safe for democracy »), tel était son slogan-clef, celui qui devait présenter l’entrée en guerre comme le seul projet possible.

Après la fin des hostilités, Bernays accompagna la délégation américaine regroupée autour du Président Wilson lors des conférences de la paix de la banlieue parisienne. Il s’est rapidement aperçu que le champ d’application de sa praxis d’influence des sociétés pouvait s’étendre non seulement en temps de guerre mais aussi en périodes de paix. Il voyait la nécessité de créer « une ingénierie du consensus » (« engineering of consent »), c’est-à-dire, à ses yeux, une nouvelle science basée sur les techniques de la formation des opinions.

Bernhard Löhri.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°14/2017, http://www.zurzeit.at ).

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De la psychologie des masses selon Edward L. Bernays

En 1892, la famille de Bernays quitta Vienne pour émigrer aux Etats-Unis, où Bernays se consacra à l’étude des opinions publiques. Il façonna ses campagnes d’influence des opinions sur base de ses connaissances en psychologie des masses. Ses arguments :

  • Lorsque nous comprenons les mécanismes et les motivations de la pensée en groupe, il nous est simultanément possible de contrôler et de téléguider les masses sans qu’elles le sachent et selon notre propre volonté.

Lorsque Bernays, âgé de 25 ans, a constaté que l’opinion américaine basculait dans le sens des bellicistes et se mettait à vouloir la guerre contre l’Empire allemand, il s’est senti appelé et a voulu servir sa nouvelle patrie. Devenu expert, son influence fut également profonde dans l’élaboration des stratégies de marketing, dans la promotion des produits à vendre. Bernays est celui qui, le premier, a bien vu que les sociétés humaines ne sont pas des systèmes objectifs de besoins rationnels mais des systèmes animés par des désirs subjectifs. Par conséquent, la question qui ne cessait de se poser était la suivante : « Comment des stratégies d’influence peuvent-elles s’utiliser pour piloter le comportement des hommes ? ».

Dans les années 1920, Bernays conféra au Président Calvin Coolidge l’image d’un « society-tiger ». Il induisit l’idée du « Bacon & Eggs » comme nouvelle variante du petit déjeuner et travailla à faire accepter les femmes fumeuses, tout comme, plus tard, il oeuvra dans les lobbies anti-tabac.