Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 18 septembre 2015

Viatcheslav Avioutskii - De la Géopolitique à la transition

Viatcheslav Avioutskii

De la Géopolitique à la transition

Intervention de Viatcheslav Avioutskii, Expert en Géopolitique, Spécialiste du monde russe

Nicolas Mazzucchi - De la géopolitique à la transition

Nicolas Mazzucchi

De la géopolitique à la transition

Intervention de Nicolas Mazzucchi, Chercheur associé à l'IRIS

L’ennemi dans le cyberespace

cybersecurite-2.jpg

L’ennemi dans le cyberespace

La révélation par Kaspersky il y a quelques jours des capacités d’un groupe de hackers russes nommé Epic Turla, apriori capable de pirater des satellites pour couvrir ses traces a relancé les débats sur la sécurité dans le cyberespace. Que tout, ou presque, était vulnérable dans le cyberespace lui-même, voilà qui n’a rien de nouveau. Toutefois la question d’interagir directement avec des satellites de télécommunication connecte un peu plus le cyber avec les autres sphères stratégiques, dont l’espace extra-atmosphérique fait partie. Les « exploits » des hackers se révèlent sans cesse plus impressionnants, tant par le niveau technique que l’on suppose dans ce cas, comme dans les dégâts occasionnés – à l’exemple de l’affaire Ashley Madison. Au-delà de cette question de qui est capable de quoi, à laquelle on ne peut par essence répondre puisque toute cyberarme ou cyberagression n’est qu’à usage unique – même si des socles communs existent – il revient surtout utile de se poser la question du traitement informationnel qui est fait de ces questions.

A l’occasion de la sortie de Gagner les cyberconflits où, avec F-B. Huyghe et O. Kempf, nous nous sommes interrogés – entre autres – sur la revendication, la dissimulation, les alliances et le poids des cultures stratégiques dans le cyberespace, une analyse s’impose. Tout d’abord les grands médias anglo-saxons comme le Financial Times ou le Washington Post désignent le groupe Epic Turla comme lié au gouvernement russe, ce que se garde bien de faire Kaspersky dans son analyse. En fait ces médias s’appuient sur une étude allemande de 2014 de G Data Software dont l’analyse repose sur des présuppositions uniquement techniques quant au niveau inféré du groupe de hackers. De facto tout groupe russe ayant un niveau de compétence un tant soit peu élevé apparait donc comme lié aux services de renseignement de Moscou. Si cela est fort possible sur le papier, l’analyse par Kaspersky des pays les plus touchés par les attaques d’Epic Turla semblent démontrer le contraire. Ainsi l’entreprise – russe – d’antivirus laisse apparaitre des attaques principalement concentrées sur la Russie, la France, la Biélorussie, les Etats-Unis et le Kazakhstan. Pour un groupe sensément lié au gouvernement russe, il est assez étonnant qu’Epic Turla s’attaque prioritairement à son propre pays ainsi qu’aux alliés économiques et militaires de ce dernier, surtout qu’Epic Turla vise principalement les cibles étatiques et les grandes entreprises…

Ce n’est pas sans rappeler les analyses – dont Fire Eye – qui avaient suivi l’attaque sur TV5 Monde et qui, trouvant des fragments de codes imputables à une origine russe, s’empressaient de pointer du doigt Moscou. Là encore la dissimulation derrière le paravent du « cybercalifat » ou l’utilisation de ce groupe se revendiquant de Daesh semble un peu étonnant géopolitiquement. Certes la culture stratégique russe, au travers de la pratique de la maskirovka, nous a habitués à des surprises foudroyantes et des inflexions byzantines. Toutefois encore il faut se demander si à vouloir chercher des signaux faibles partout on ne finit pas par en inventer ; célèbre biais de l’analyste bien connu depuis les travaux de Heuer.

Au fond cette volonté de voir des groupes de hackers russes au service du pouvoir poutinien agir partout sur la planète contre les intérêts des ennemis de Moscou, n’est pas sans rappeler la désignation systématique du gouvernement chinois comme commanditaire des cyberattaques lancées contre les Etats-Unis depuis le début des années 2000. La désignation de Pékin comme grand ordonnateur des actions, principalement d’espionnage, contre Lockheed-Martin, le Department of Defense ou d’autres cibles entrepreneuriales et étatiques (attaques Aurora, Titan rain, etc.), a culminé avec la publication du rapport Mandiant en 2013. Le gouvernement chinois, au travers d’une unité militaire nommée 61398, était désigné APT1 pour Advanced Persistent Threat 1, signe de la dangerosité universelle des actions chinoises. Les rapports entre la société Mandiant et le gouvernement américain – le fondateur K. Mandia était auparavant officier de l’US Air Force – ont donné lieu à de nombreux commentaires et interrogations sur la partialité éventuelle de certaines analyse, toujours est-il que la Chine était devenu le croquemitaine du cyberespace.

Or depuis le déclenchement des évènements de Crimée qui ont été la base du net refroidissement des relations entre la Russie et l’Occident, Moscou semble être devenu le nouveau voyou du cyberespace. La Chine est ainsi passée au second plan dans la désignation du « cyber-ennemi » au profit de la Russie. La géopolitique du cyberespace rejoindrait ainsi celle du monde réel ou la question de la désignation de l’ennemi suivrait-elle les velléités du moment ? La deuxième option semble plus probable eu égard à certaines caractéristiques du cyberespace. En effet le principe de non-attribution qui préside, pour le moment, à la cyberstratégie permet de grandes possibilités d’actions, entourant celles-ci d’un véritable brouillard de guerre. Or le principe de non-attribution s’il permet une grande latitude d’action à l’attaquant, lui permettant par exemple de dissimuler son identité réelle, offre aussi de grandes opportunités à l’agressé. Ce dernier peut ainsi, avant la revendication des attaques par l’agresseur, choisir de révéler publiquement les actions malignes dont il a fait l’objet, pointant ainsi ses ennemis. En termes stratégiques l’agressé peut ainsi conserver une certaine forme d’initiative stratégique et orienter les débats dans le sens qui lui est propre, privant son agresseur d’une opportunité de subversion.

Comme dans le domaine de l’économie, la désignation d’un ennemi dans le cyberspace amende les règles de C. Schmitt. Le caractère évasif et dissimulé des cyberagressions permet des jeux géopolitiques complexes avant, pendant mais aussi – et surtout – après l’attaque proprement dite. La désignation de l’ennemi est ainsi devenue une forme de riposte en soi qui permet, selon les opportunités du moment, de mettre en accusation tel ou tel avec, finalement, des répercussions assez limitée. Cela nous rappelle, une fois de plus, que le cyberespace, s’il est indéniablement un espace stratégique technique, est également celui où l’action sur les perceptions est le plus important.

00:05 Publié dans Actualité, Défense | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, défense, cyberspace | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Limonov : L’autodestruction de l’EUROPE est irréversible

PHO01f16324-de4a-11e2-93ba-bf5ab68f5fe8-805x453.jpg

Limonov : L’autodestruction de l’EUROPE est irréversible

Le processus d’auto-destruction de l’Occident est en route

L’Écrivain et homme politique Edouard Limonov explique en quoi la migration actuelle vers l’Europe et ses conséquences ressemblent au 11 septembre.

*

Après le 11 Septembre 2001, le monde a changé pour le pire.

Nous avons clairement constaté son changement dans les aéroports. Le contrôle des passagers, ressemblant comme deux gouttes aux fouilles pénitentiaires, est devenu routinier. Vous en avez sûrement tous fait l’expérience et je ne vais pas vous expliquer ce que vous savez déjà.

Le monde est devenu globalement moins démocratique. Depuis la tragédie du 11 septembre, La police est bien plus présente et les pratiques totalitaires augmentent. Partout : aux États-Unis, et dans la vieille, mais inconsciente Europe.

Les Etats-Unis, afin de punir quelqu’un pour le crime du 11 septembre, ont envahi l’Afghanistan, qui vivait tranquillement dans sa version plutôt pacifique du Moyen-Age, sous prétexte que l’Afghanistan abritait Ben Laden, et que ce trublion saoudien avait organisé les attaques terroristes de New York. Personnellement, je pense que Ben Laden, le suffisant leader d’Al-Qaida, s’est simplement contenté de s’attribuer le mérite du plus grand acte terroriste de l’histoire.

Nous avons tous vécu ces 14 dernières années dans une ambiance de libertés décroissantes avec des aspects de non-liberté très semblables aux pratiques décrites dans le livre de George Orwell « 1984 » de plus en plus enracinés dans nos vies. Pas encore le fascisme, mais un type particulier de totalitarisme – généré par la peur, bien sûr – mais cela ne rend pas la chose plus facile.

Pour compenser la limitation des libertés politiques des citoyens et la mise en place de pratiques carcérales, l’Europe et les États-Unis se sont mis, de manière suspecte, à insister sur les droits secondaires de l’individu.

Je veux dire que l’engouement général de nos gouvernements européens et étasuniens pour les amours de même sexe, les mariages de même sexe, de leur emballement dégoulinant d’humanité pour les droits des personnes handicapées et l’adoption des enfants malades et étrangers, etc. – la liste est longue – va de pair avec le durcissement de la vie politique dans l’Ouest et l’augmentation des pouvoirs de police.

C’est comme cela que ça s’est passé jusqu’à ces dernières années. 2013, 2014 et 2015 nous ont apporté de nouvelles surprises. Et il y en aura d’autres. L’Europe est confrontée à un choix : soit devenir activement nationaliste avec des aspects nazis et fascistes, soit changer du tout au tout. Le problème de l’invasion de migrants vers l’Europe est le pire défi de l’Europe de toute son histoire.

Quelle est la situation?

En raison de la politique de prédation des Etats-Unis et de l’Europe, le système étatique de plusieurs pays importants s’est désagrégé. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye – et pour finir la Syrie – ont été attaqués par l’Occident. Les guerres soi-disant pour les «droits humains», les conflits armés menés par l’Occident, étaient et restent des agressions, seulement recouverts de l’habillage moderne des droits humains pour dissimuler leur essence cannibale. L’Afrique est déstabilisée, directement ou indirectement, les affrontements entre les «bons» et les «mauvais» qui font rage dans plusieurs pays africains – le Mali, en est l’exemple le plus flagrant – ont aussi détruit leurs systèmes étatiques.

L’Ukraine a détruit son Etat apparemment toute seule, mais n’y a-t-elle pas été encouragée par les Américains, les Polonais, les Néerlandais, les Allemands, les Finlandais, les Français, les Baltes, qui sont venus parler aux Ukrainiens sur  le Maïdan? Et donc il faut ajouter l’Ukraine aux nombreux états détruits. Les Européens et les Yankees ont monté systématiquement le Maidan contre la Russie. C’est intéressant de constater que  bien que la Russie ne soit plus un pays communiste, ni soviétique, ils continuent de nous haïr avec la même violence. Il est donc clair maintenant, du moins je l’espère, que l’anti-communisme et l’anti-soviétisme ne servaient qu’à camoufler leur russophobie.

Et maintenant les peuples et les tribus fuient leurs pays dévastés.

Pour aller où?

Les côtes américaines sont loin, les bateaux fragiles ne peuvent pas traverser l’océan.

Et l’île italienne de Lampedusa n’est qu’à quelques encablures de la côte ravagée de la Libye. Et la Grèce est proche.

ISIS a beau être riche, terrifiant et rusé, il n’a pas les moyens d’organiser l’exode d’un nombre incalculable de réfugiés. Je ne crois pas un seul instant que  ces démons de l’enfer aient envoyé des centaines de milliers de réfugiés vers l’Europe. Ce n’est pas ISIS.

La plupart de ceux qui déferlent sur l’Europe sont des hommes jeunes parce que les hommes ont plus de force que les femmes et les enfants, ils peuvent surmonter les difficultés et les souffrances d’un voyage par-delà trois mers vers le cœur de la riche Europe – la riche Allemagne.

Qui fuit la guerre, qui fuit la ruine et la pauvreté, qui fuit les conséquences de la guerre ? Il est difficile de faire le tri. Et même le plus grand professeur à la Sorbonne n’en est pas capable. Car les trois sont vrais.

C’est vous, Européens et Américains, qui avez donné un coup de pied dans la fourmilière, alors de quoi vous plaignez-vous ? Tout cela est votre faute! Pour que les migrants n’affluent pas chez vous, il faudrait rendre leurs conditions d’accueil insupportables. Mais vous ne le ferez pas. Pas parce que vous êtes bons, vous n’êtes pas bons, mais parce qu’il est important pour vous de donner une bonne image, une image humanitaire, après vous être lavés les mains dans le sang des citoyens des Etats qui vous avez mis en pièces.

Comme le 11 septembre 2001, les migrants (les images de la gare à Budapest sont frappantes et fortes, parce que c’est le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique qu’on voit sur les photos et les vidéos, pas l’Europe) vont tellement changer le monde qu’on ne le reconnaîtra plus. Ils le changent déjà.

De deux choses l’une, soit en fin de compte les gens auront, en Europe, une autre religion, des yeux noirs et la peau sombre. Cela n’a rien à voir avec le racisme, (au cas où on serait tenté de m’en accuser), mais les citoyens de l’Allemagne ressembleront aux citoyens du Moyen-Orient. Soit on aura des Etats fascistes et racistes, retranchés derrière des barbelés, des murs et des mitrailleuses. Il n’y a pas de troisième solution.

Je viens d’apprendre qu’en Russie il y a 2,5 millions de réfugiés venus d’Ukraine (ou plutôt, 2 503 680 personnes), mais on ne peut pas les  distinguer des Russes. Donc, l’assimilation ne nous menace pas. Nous aurons les mêmes yeux, la même peau, la même religion. Les Ukrainiens n’auront pas de problème pour s’intégrer. Nous sommes dans une meilleure situation que la malheureuse Europe, vouée à perdre la forme qui a été la sienne pendant un demi-millénaire.

Cela me fait de la peine. Je préfère garder la vieille Europe. Mais puisqu’il semble qu’on n’ait pas le choix et que de toute façon l’Europe est hostile à la Russie, eh bien qu’elle disparaisse !

Le processus d’auto-destruction de l’Occident est déjà irréversible. Comme disait Gorbatchev : « Le processus est en route ».

Nous avons assisté à l’auto-destruction de l’URSS. Maintenant, c’est le tour de l’Europe. Chacun à sa manière.

 Edouard Limonov | 12.09.2015

*Edouard Limonov, est un auteur et un homme politique. Il est le leader du parti « L’Autre Russie ».

Article original: http://fortruss.blogspot.fr/2015/09/eduard-limonov-europes-self-destruction.html

Traduit du russe par Kristina Rus et de l’anglais par Dominique Muselet

Source: http://arretsurinfo.ch/limonov-lautodestruction-de-leurope-est-irreversible/