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samedi, 02 juillet 2016

Le Brexit et les quatre de Visegrád

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Le Brexit et les quatre de Visegrád

Ferenc Almássy

Ex: http://metamag.fr

Brexit, groupe de Visegrád, Union européenne – l’Europe change. L’Histoire s’écrit en ce moment même

Le Brexit a été un choc pour certains, surtout dans un Occident ramolli et capricieux. Mais en Europe centrale, vivre des événements historiques de l’intérieur est presque devenu quelque chose de courant. Tous les actuels dirigeants d’Europe centrale se souviennent, voire ont même pris part au changement de régime qui a eu lieu il y a un peu plus d’un quart de siècle. Ces hommes et ces femmes ont vécu sous le communisme et ont participé à sa mise à mort. Et cette expérience est mise à profit en ce moment même où l’Europe vit un tournant majeur.

S’il est bel et bien appliqué – ce ne serait pas la première fois dans l’Histoire de l’Union européenne qu’un référendum qui déplaît à ses élites ne serait pas appliqué -, le Brexit aura des conséquences aussi en et pour l’Europe centrale.

Une fracture amorcée non par le Brexit, mais par Berlin et Paris.

Les 6 membres fondateurs de l’Union – le Benelux et les petits géants européens : Italie, France et Allemagne – se sont réunis en urgence à Berlin lundi 27 juin, pour parler de l’avenir de l’Union européenne… selon eux ; excluant les « états secondaires », et donc, le groupe de Visegrád.

Selon le média polonais TVP, les Allemands et les Français travailleraient sur un projet de « super-État », autrement dit une augmentation considérable de l’intégration européenne. Le média polonais a publié une copie du document de 9 pages : il s’agit d’en finir avec les derniers éléments de souveraineté nationale.

Le groupe des quatre de Visegrád (V4) a saisi l’importance de l’événement et n’est pas resté les bras croisés. Le ministre des affaires étrangères polonais a convié ses homologues du V4 ainsi que d’autres pays exclus de la réunion de crise berlinoise. La dissidence étatique est née et est officialisée au sein d’une Union que d’aucuns estiment déjà moribonde.

Il est trop courant à l’Ouest de penser que l’Europe centrale a bénéficié de l’aide financière bienveillante, désintéressée, offerte par pur humanisme, de la part d’une Union européenne ouest-continentale. Mais évidemment, si l’Europe centrale a bénéficié de subsides européennes, elle n’a pas signé pour en être une colonie – en fait, si, diront certains ; les pays baltes, le V4 et les autres nouveaux pays de l’Union Européenne sont des membres à part entière, participant eux aussi financièrement à l’effort commun, ayant troqué une part de leur souveraineté pour jouer le jeu, et enfin, ayant ouvert des marchés énormes, faciles d’accès – tant géographiquement que légalement ou financièrement – et devenant des viviers de main-d’oeuvre bon marché, qualifiée et jeune.

Le V4 ne voulait pas le départ du Royaume-Uni de l’UE : élément important de l’Union, il était un allié important pour les souverainistes, n’ayant pas la monnaie commune, étant plus que réservé sur l’abandon de souveraineté, étant opposé aux quotas berlinois, et étant un partenaire économique majeur pour chacun des pays du V4. Enfin, c’est aussi le principal lieu d’implantation des jeunes émigrés du V4. Un million de Polonais, 350.000 Hongrois, 45.000 Tchèques, 9.000 Slovaques, tels sont les chiffres de la diaspora du Visegrád au Royaume-Uni. Pour toutes ces raisons, le V4 était opposé au Brexit, Orbán allant même jusqu’à publier une annonce anti-Brexit dans la presse britannique.

Mais voilà, le Brexit est voté. Démocrates sincères, les quatre de Visegrád sont passés sans attendre au plan B. Il faut renouveler l’Europe, mais certainement pas en allant vers plus d’intégration. L’intégration européenne (autrement dit, la fédéralisation) est justement selon le V4 ce qui mène l’UE vers l’effondrement.

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Les réactions du V4 : Front commun pour une autre Europe

En Pologne, le ministre des affaires étrangères Waszczykowski s’inquiète de la domination de la zone euro désormais, impliquant une UE plus que jamais à deux vitesses. « La zone euro pourrait créer des institutions séparées, un budget séparé et ensuite l’Union européenne dans son ensemble ne serait plus qu’une façade et la zone euro dominerait ». « Nous devons créer une Union européenne d’Etats souverains, » a dit le porte-parole du gouvernement polonais, ajoutant que l’exemple du Royaume-Uni montre que c’est exactement ce que veut l’Europe, et que tous les États membres devraient être traités comme des partenaires car aucun pays ne peut décider du destin des autres.

Si le président du PiS souhaite un deuxième référendum, l’influent homme politique a également déclaré que « nous avons une crise dans l’Union européenne et la bonne réponse n’est pas de continuer à faire ce que nous faisions, parce que ça conduirait à une catastrophe. » Le ministre des affaires étrangères a rajouté que les officiels à Bruxelles sont déconnectés des gens ordinaires et qu’ils devraient « se battre la poitrine » de remord. « Les Européens sont mécontents de la voie choisie pour gérer la crise migratoire, ils sont mécontents du fait des problèmes de sécurité, mais aussi du fait de la faible croissance économique due à l’euro, car en réalité l’eurozone stagne et n’a pas de croissance, » a-t-il ajouté.

Beata Szydło, premier ministre de Pologne, a déclaré que « pour le gouvernement polonais, le problème prioritaire est la situation des citoyens polonais vivant au Royaume-Uni. Nous allons essayer de négocier pour qu’ils préservent les avantages qu’ils ont eu à leur arrivée.»

Enfin, les nouvelles élites polonaises profitent de l’occasion pour tirer à boulet rouge sur l’ancien premier ministre libéral Donald Tusk, actuellement président du Conseil européen. « En tant que négociateur, Donald Tusk porte une responsabilité directe pour le Brexit et devrait disparaître de la politique européenne, mais cela vaut aussi pour toute la Commission telle que composée aujourd’hui. » a conclu Kaczynski.

En Tchéquie, on s’attaque à d’autres élites. Juncker est désigné comme responsable par le ministre des affaires étrangères tchèque Zaoralek, dont il demande la démission. « L’Union européenne doit changer rapidement, » a dit le premier ministre tchèque Sobotka sur sa page Facebook. « Pas parce que le Royaume-Uni est parti, mais parce que le projet européen a besoin d’un bien plus grand soutien de la part de ses citoyens. L’Europe doit être mieux à même d’agir, elle doit être plus flexible, moins bureaucratique et beaucoup plus sensible à la diversité que représente ses 27 Etats membres. »

La Slovaquie, qui va prendre la tête du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet, a également insisté sur la nécessité de changements à apporter. « Ce n’est pas une tragédie, c’est une réalité et les 27 Etats membres restants doivent agir vite, » a dit le premier ministre Robert Fico. « Ce serait une grande erreur que la réaction des 27 pays soit de continuer la même politique au niveau de l’UE que celle menée jusqu’à maintenant. » Le premier ministre slovaque désire également organiser une rencontre informelle en septembre à Bratislava, incluant les dirigeants français et allemand, ainsi que le président du Conseil européen. Mais il veut également que le V4 soit le leader de cette discussion.

Enfin, en Hongrie, alors qu’Orbán plaidait pour le Remain, il semble sortir grand gagnant du Brexit : si le Brexit a eu lieu, c’est principalement à cause de la politique migratoire de l’UE, a-t-il fait savoir. « Une situation où nous avons une élite européenne sociale-libérale qui est pour l’immigration alors que la majorité des Européens est contre ne peut simplement pas fonctionner, » a déclaré le chef du groupe Fidesz au parlement national. « Malheureusement nous devons admettre que l’assertion selon laquelle l’Europe a perdu 64 millions d’Européens et sa deuxième économie au profit de quelques millions de migrants est vraie, » a-t-il ajouté.

Le ministre de l’économie, Mihály Varga, estime que la Hongrie ne peut que bénéficier du Brexit. Le gouvernement hongrois est en train de travailler à rendre le pays plus attractif pour les compagnies cherchant à quitter le Royaume-Uni. Quant au ministre des affaires étrangères hongrois Szijjártó, il a estimé qu’il était totalement incorrect que l’on tente d’imposer plus longtemps des mesures politiques ayant mené aux échecs actuels. « Des têtes doivent tomber ».

« Peut-être que l’heure des pays de l’Est est arrivée. »

C’est en ces mots que Die Welt, grand journal allemand, commente les réactions des dirigeants européens. Le Brexit marque d’une pierre blanche l’Histoire européenne contemporaine à laquelle l’Europe centrale en plein essor compte bien apporter de nouveau, enfin, sa participation. Fini le temps des « pays de l’Est » méprisables et méprisés, fini le XXe siècle, fini la soumission.

Le V4 a d’ores et déjà annoncé vouloir traiter avec le Royaume-Uni en tant que bloc, et face à l’axe libéral-libertaire et fédéralisateur Berlin-Paris, les quatre de Visegrád n’ont pas perdu de temps pour fédérer autour d’eux les laissés pour compte de l’UE tenant encore à leur souveraineté.

Par leur fermeture d’esprit et leurs rêves aveugles, les dirigeants occidentaux sont en train de tuer l’Union européenne. Une Union voulue par les anciens pays du bloc de l’Est. Mais, jouant le jeu démocratique, écoutant leurs peuples et rejetant les absurdités babeliennes de Bruxelles, on a fait passer le V4 pour des « eurosceptiques », voire des opposants à l’Union européenne. C’est une grave erreur, hélas volontaire de la part de certains : le V4 est pour l’Europe, mais une autre Europe. Pas une Union fédérale libérale-libertaire, mais une grande entente de pays libres et souverains.

Quoiqu’il en soit, l’onde de choc du Brexit a rapidement frappé le continent, et Berlin a catalysé la création d’une faille qui suit presque l’ancien tracé du rideau de fer.

L’avenir nous dira ce que va devenir l’Union, l’Europe et de quel côté de cette fracture naissante se trouvera la liberté, la prospérité et l’espoir.

Source

Presseschau Juli 2016

Brexit – The Only Certainty is Uncertainty

While many are celebrating the victory of the Leave campaign, the consequences remain to be seen. Scottish politicians are already calling for a new independence referendum, the leadership of the Conservative Party is undergoing a shakeup, and the economic implications are far-reaching. Regardless of what happens, however, shock-waves are being transmitted around the world.

At 7.20 UK time, the Electoral Commission declared the result of the referendum on UK membership of the European Union. There were cheers as our nation and the world was told that the Leave campaign had won with 17,410,742 votes (51.9%) and the Remain campaign had lost with 16,141,241 votes (48.1%). Within hours David Cameron announced his intention to resign as Prime Minister.

In this article I want to concentrate on the effect on my country, Britain, although the vote will send shockwaves around the world.

Britain was already a divided nation before the referendum. The campaign stoked coal on the fires of that division. The campaign was a dirty one. The Conservatives were bitterly divided on the issue and blue on blue attacks (some very personal) were commonplace.  The resignation of David Cameron will not be the only fall-out. The position of the Chancellor, George Osborne, now also looks untenable. Tories on the Leave side were very angry when he said he would introduce an emergency budget with £30 billion of tax rises and spending cuts that he insisted would be needed if Britain left the European Union. It was soon dubbed the “punishment” budget. There will also be a new leader of the Conservative Party before the October Tory conference. Conservative MPs will vote first to decide two candidates to put before the wider membership. Although Boris Johnson is disliked and distrusted by many Conservative MPs, it is difficult to see how they can avoid putting him on the ballot paper given his popularity among the membership and his prominence in the Leave campaign. The two names most likely to be on the ballot are Boris Johnson and Theresa May. An outside possibility is Michael Gove, though he has previously said he would not stand (but then politicians don’t always keep their word!).

The Labour Party Leader, Jeremy Corbyn, who campaigned for a Remain vote, has said he is ‘absolutely’ staying in position and has rejected suggestions from the Right of his party that he should go. He has pointed out that although some big Labour strongholds such as the North East and North West voted Leave, others, like London and Bristol, voted Remain.  As the majority of trade unions (who have bloc votes within Labour and give it large sums) favoured Remain, he is likely to get his way.

The Scottish National Party is calling for a second referendum on independence. They have a strong argument. Scotland voted 62 per cent to 38 per cent in favour of remaining in the EU. All 32 local council areas in Scotland voted to Remain in the EU. Scotland was the only nation in the UK to have a clean sweep of all local authorities.

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Scottish First Minister Nicola Sturgeon said the results in Scotland make clear ‘that the people of Scotland see their future as part of the European Union’.

Her predecessor, Alex Salmond, suggested that the vote to leave in England and Wales (Northern Ireland also voted Remain) should trigger a second referendum on Scottish independence. Speaking of the British exit, he told ITV news: “So whatever that period is – two years, two-and-a-half years, that would have to be the timescale of the next referendum because what you would want to do is remain in the European Union while the rest of the UK moved out.”

Mr Salmond also pointed out that the SNP’s manifesto said if Scotland was ‘dragged out’ of Europe against the will of the Scottish people, then the Scottish parliament should have the right to hold another independence referendum.

The result of the first Scottish referendum was 55.3 per cent to stay in the UK to 44.7 to leave. A big question will be how many who voted to stay in the UK would now switch to vote for a Scotland in the EU.

The constitutional implications for the UK are not likely to become clear for some time. The two-year period Mr Salmond mentions is specified under Article 50. It kicks in when the Prime Minister of the country leaving formally asks to do so. David Cameron has already said that this should be a decision for his successor. Leave campaigners have already indicated that they want nine months to a year for planning.

Added to this is the uncertainty that a new Tory leader introduces. It is not impossible that they will want to call a General Election to secure a mandate. A majority in Parliament is needed for them to do this and that is by no means certain. In addition, a new General Election could see Labour saying they would over-ride the referendum result if given a new mandate to do so by the electorate. If the economy was looking bad, they might get it.

What of the long-term future for Nigel Farage and UKIP? Whatever UKIP say, they are seen as a single-issue party. What happens to them when their raison d’etre is gone? Not to mention the generous funding they receive from the European Parliament!

The two big issues of the campaign have been identity and the economy. The Leave campaigners generally concentrated on identity issues like migration and border security (dubbed ‘Project Hate’ by Remain) and Remain stressed the negative effects on the economy of leaving (dubbed ‘Project Fear’ Leave). It seems like the identity issue had more resonance with the British people. Many of my own friends told me that whatever the economic consequences, they would vote for an independent Britain able to effectively control who came into our country. They were steadfast in that whatever the Bank of England, the IMF, and the Chancellor said.  The hope of ‘Project Fear’ was that enough of those undecided could be scared into a Remain vote. It didn’t work.

As Dr Paul Craig Roberts neatly summed up: ‘It is a propaganda choice to call these concerns racism rather than cultural defence, and the UK political establishment has made that propaganda choice.  Little wonder so many British citizens no longer believe that the British Establishment represents Britain.’

Jo-Cox-Labour-MP.jpgIn the last stages of the campaign we had the tragic assassination of Jo Cox MP. The Remain camp cynically seized on this to boost their campaign. Anyone who voted Leave was a ‘hater’ and the language they had used to criticise immigration and the political class had led to a ‘climate of fear’ which in turn led to her death. Her two children were taken to Parliament to hear MPs pay tributes, and also to a big rally in London’s Trafalgar Square. This attempt to manipulate our emotions also failed. In fact many I know were disgusted by the shameful attempts to use the tragedy to boost a Remain vote. They were also angry at the way that their views were being falsely categorised and denigrated. If anything it made them more likely to vote Leave. I even had some friends who had voted Remain by post earlier, saying that they would have switched to Leave because of the disrespect tht had been shown, had they been given the chance! The ‘love versus hate’ theme has caused a lot of bitterness, anger, and division within our nation. Many Remain supporters are dismayed because it seems as if ‘hate’ has won. That’s one consequence of making the argument seem like a battle between good and evil – something the smug, condescending Left likes to do.

The Remain side also seemed to express social superiority. One YouGov poll showed voters in the highest social class, ABC1, split 53 to 38 per cent for Remain, while those in the lower C2D2 class split 52 to 29 per cent for Leave. The working class supporters of Leave have a big wants list, and they don’t want to wait for delivery. As Times journalist Daniel Finkelstein said: ‘The expectation of these ­voters, certainly their hope, is that leaving the EU can restore to this country control over its own destiny. They are hoping for greater protection from the social and economic change brought by globalisation. They seek more work, better-funded public services, less power to corporations and the elite and, above all, less of the ­immigration that they believe puts pressure on their wages and ­communities.’

They are likely to be disappointed. Corporate Britain doesn’t want to leave the single market. It’s difficult to see how we can stay in and not have free movement of labour. Nor are migrant workers suddenly going to disappear, if at all. Many work in key services and sectors which certainly wouldn’t want to lose them.

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Leave voters are likely to end up feeling more and more alienated and betrayed as they find their expectations of change disappointed. Just this very morning, the spokesman for the Leave campaign was back-tracking and qualifying their poster pledge to spend money saved from the EU contributions on our National Health Service. It was always a very stupid tactic. UKIP Leader Nigel Farage said it was a ‘mistake’ to promise that in the first place. For a start, the figure was wrong. In 2015, the UK paid the EU an estimated £13 billion, or £250 million a week. Of course some of that money came back in EU payments funnelled through the government, so the government’s ‘net contribution’ was around £8.5 billion, or £160 million a week. A lot to be sure, but not what was stated. Nor is any government going to spend savings made from not contributing to the EU on one area. Leave never had a mandate to promise that – it’s up to the government of the day. So no surprise that the Leave spokesman was squirming and trying to avoid questions on our TVs this morning!

That’s on day one! I fear that’s just the start of the backtracking, qualification, and excuses.

The economic consequences are already kicking in with the pound and stocks crashing. The market will adjust somewhat as it was taken by surprise by the result (as were the pollsters and bookies), yet UK growth may well fall with effects on living standards, at least in the short-term. Negotiations with the 53 nations with whom we currently trade under EU rules are also unpredictable. Many EU politicians may give Britain a hard time because they fear the rise of opposition politicians in their own countries. Already Marine Le Pen has called for a French referendum. The Eurocrats will want to discourage that.

The British people have spoken, deciding to roll the dice in the hope that we can protect our identity and achieve independence and prosperity. Let’s hope we win our gamble!

Contributor

Pat Harrington is an Edinburgh based writer and activist. He is the Director of the Third Way think-tank and General Secretary of the Solidarity Trade Union.

Jaroslav et Djamila

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Jaroslav et Djamila

Ex: http://idiocratie2012.blogspot.com

Nous empruntons à l'excellent blog Mauvaise Nouvelle cette recension du non moins excellent roman de Sarah Vajda, Jaroslav et Djamila, publié récemment par les éditions Nouvelle Marge.

Je range Jaroslav et Djamila, le dernier roman de Sarah Vajda, juste à côté de Soumission de Houellebecq. Je sais, cela défie toutes les règles des bibliothécaires et relègue l’alphanumérique aux calendes grecques. Mais quand même, il y a une sorte de correspondance entre ces deux livres. Parfois une projection féminine, parfois un complément ou encore même une image inversée. Soumission fut le roman essentiel de l’année 2015, il reste comme le symbole de l’incarnation de l’animal occidental, animal triste post-coïtum, clone postmoderne incapable de désirer Dieu, mais capable de soumission, de compromission, d’abandon…

Comment une romance de banlieue peut-elle rentrer en résonance avec Soumission? Simplement parce qu’il y a l’Islam et ses misères en background ? Sans doute et pas seulement. Parce que la femme, figure absente du dernier roman de Houellebecq, lance son chant du cygne avec Djamila, avant la mort et la folie… Parce que les deux romans manifestent la nécessité pour la personne humaine de vivre une aventure (amoureuse), et l’impossibilité désormais dans notre âge glaciaire de la vivre.

L’islam et ses misères

« Je pars sans avoir rencontré l’Afrique, ses sorciers, ses contes et ses mystères. Seul l’islam et ses misères, d’une rive à l’autre de l’océan. Plus d’ailleurs. Le béton est le même dans les faubourgs de Casa et la périphérie de Paris. » Djamila est bien cette petite fille de harki, petite fille de France, de cœur, de culture, élevée dans le welfare de province d’une France fière de sa liberté guidant le peuple. Djamila est bien née Mila. Et il a suffit simplement que sa mère Cherifa meurt pour que tout un monde bascule, que l’identité de la petite fille se perde, que son avenir disparaisse. Le père veuf, pas méchant, ne sait rien faire d’autres, dans sa tristesse, que revenir au bled, que de retourner en islam. Et si on lui refuse les circonstances atténuantes de la tristesse, on note que la dissimulation du père du temps du vivant de Cherifa est le symbole de l’islam sachant ramper le temps qu’il faut avant d’ériger son califat comme on fait dresser le serpent au son du pipeau.

Dans Soumission, ce n’est pas Mila qui se réveille Djamila, c’est toute une société, une fois la patrie honteuse morte. Le gentil père du peuple devenu président, Mohamed ben Abbes, ramène toute la France au bled. Les boutiques de la place d’Italie sont modifiées, les fesses des filles ne s’exhibent plus sous les jeans, les sociétés publiques deviennent uniquement des sociétés fades faites d’hommes. Mila devenue Djamila consentit à un mariage forcé dans l’espoir de revenir chez elle, en France. Et elle ne retrouvera plus ce chez elle, il n’existe plus pour elle, comme il n’existe plus pour tous chez Houellebecq. « Résider dans "le plus beau pays du monde" comme s’ils résidaient ailleurs, Kirche, Kinder, Küche, traduit en langue française : Mosquée, Maternité, Ménage. » s’amuse Djamila.

Le héros de Houellebecq est spectateur de la disparition de la femme dans le monde public, jouisseur en devenir de la domestication des femmes, leur chosification voire fétichisation comme sex toys légaux, dans la sphère privée. Djamila le vit. Emmurée vive dès la première page du roman. Son mari honnête n’est pas méchant (lui non plus), mais la place de la femme dans cette nouvelle vie, sa place, est celle d’un objet et non d’une personne.

La culture et le fétichisme identitaire

La révolte de Djamila, dans sa folie, entre en résonance avec l’apathie du héros de Houellebecq. L’héroïne sacrifiée ose donner sa lecture des choses, alors que le héros de Soumission n’est que le narrateur-spectateur de sa vie et du monde. Il cherche dans les livres de Huysmans de quoi se comprendre. Djamila existe dans le livre de Sarah Vajda en feu de paille, en final, une fois pour toutes, sous la forme d’un monologue qui concentre toute son existence. Il faut dire qu’elle avait pu faire des réserves d’existence depuis l’âge de ses 15 ans qui l’en avait privée. Elle balance son ironie pour que d’autres sachent ce que c’est que d’exister. « Le malheur naît avec l’héritage refusé. Ce nouvel état des choses ne suffisant sans doute pas à notre malheur, il aura fallu y ajouter une sous-culture des banlieues américaines, l’islam à l’usage des classes dangereuses via l’aumônerie de la zonzon, un islam vert-de-mort, prince de la dynamite. À l’école de la haine, tous furent de gré ou de force menés, misérables conscrits dans la grande bataille de la Oumma, aux abattoirs de la Raison. »

Djamila est faite comme les autres, comme toutes les femmes qui l’ont précédée, aucune raison d’accepter plus facilement ses chaînes. Djamila est faite comme tous les êtres humains, elle est faite pour la liberté, elle est faite pour guider le peuple… Elle le dit avant de se taire définitivement. « Le crime capital de la modernité – pour cause de grand nombre, sept milliards de voix saturent le silence – aura été d’emmurer chaque tribu dans ses rites. Les Gaulois, les muslim, les Renois, les feujs, les gays, les… les… les… Je hais le pluriel dont on fait les charniers. Charniers d’âmes ou de corps. »

rocama667_o.jpgLe désir religieux, le désir d’aventure

Que ce soit dans Soumission ou Jaroslav et Djamila, on veut bien se soumettre, mais pas sans avoir vécu une aventure, ne serait-ce que l’amorce d’une aventure, quelque chose dont on peut se sentir propriétaire. On veut bien se soumettre car on sait que l’on va mourir. Mais on veut avoir vécu. Dans Soumission le héros organise sa fuite, croit vivre quelque chose, imagine se mettre en situation de se convertir sur les pas de Huysmans, sent son « individualité se dissoudre » face à la Vierge de Rocamadour, et… revient au bercail se soumettre (éventuellement).

Dans le roman de Sarah Vajda, Djamila entre en parenthèses avec Jaroslav. Le désir de conversion de Houellebecq correspond à ce désir de tomber amoureuse de Djamila. Quelques jours à thésauriser l’amour d’adolescent qu’elle n’a jamais eu. Se rendre propriétaire de ce prénom, Jaroslav, mâché et remâché par Djamila. Quelques jours seulement avant de redescendre dans son mariage, d’être à nouveau emmurée vive, et soumise (éventuellement). Cet instant d’aventure dans les deux romans semble suspendu, en marge du cours de choses inéluctables, ce cours des choses qui se passe des personnes humaines et de leur volonté. « Je n’existe pas et ne suis pas une autre. Personne. Un nom dans le dossier "acculturation" de Nico, lettre D. Djamila. »

Le trash et la chasteté

Sarah Vajda a souhaité cette histoire d’amour très chaste, afin de pouvoir se concentrer justement sur le sentiment amoureux et ce que ce sentiment dit de la personne humaine et de son infinie liberté. « le nom de Jaroslav, le nom de l’homme qui ne t’a jamais touchée comme les hommes d'ordinaire affectent les femmes, le nom de l’homme que tu ignorais aimer. »

Le héros de Houellebecq vit un sexe sans désir. Le sexe est triste comme toujours chez Houellebecq. A vrai dire, le sexe est encore un élément du décor de l’incarnation, mais il tente de disparaître. Soit volontairement du fait d’une recherche spirituelle, soit involontairement du fait d’une profonde lassitude d’un homme qui a tout vécu. Dans son aventure vers Rocamadour, le héros de Soumission est chaste, et c’est le retour à la société qui va le faire côtoyer à nouveau le trash. Mais la vraie vulgarité n’est pas dans le trash de la jouissance, mais dans la légalisation de ce trash, voire son rendu obligatoire.

Que ce soit le trash de Houellebecq ou la chasteté souhaitée par Vajda pour son héroïne, les deux ont la capacité à faire émerger la vulgarité d’une société fondée sur une anti-culture. La vulgarité véritable, celle qui transforme les femmes en objet de consommation sexuelle, Vajda l’exprime ainsi : « Des journées entières au hammam, apprendre à s’aimer, se laisser pousser les cheveux, parure naturelle de la femme, et manger afin de donner faim. » Et cette vulgarité qui fait de la femme un outil de purification des hommes, une déchetterie ! « Le sperme, selon mes tantes, était comme de l’urine, une souillure à expulser sous peine de devenir fou et notre devoir, à nous les femmes, de recueillir cette saleté et ensuite d’aller se laver. Et fissa les filles ! Bain rituel, hygiène publique, hygiène mentale, contrôle social. Fosses d’aisance, vases de nuit, putes et pourtant propres. Sorcière, sorcière, prends garde à ton derrière ! Islam, terre de mensonges et terre d’oxymores. » Face à ce trash sociétal, ce trash de coutume, ce trash de rite, la personne humaine ne peut exprimer sa liberté que dans la quête d’une forme de chasteté impossible. Rocamadour pour Houellebecq, Jaroslav pour Djamila : « Ce n’est pas "aime-moi" que j’aurais voulu crier à Jaroslav mais "décontamine-moi". Je n’ai pas osé. »