Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 04 octobre 2020

Nederland, roman posthume de Guillaume Faye

NEDERLAND.jpg

Nederland, roman posthume de Guillaume Faye

25,00

Bartholomé est obsédé par cette nana. Tous les jours, il la regarde dans l’immeuble d’en face avec des jumelles. Qu’est-ce qu’elle est bonne… Elle ne sait pas qu’il la regarde, mais il la regarde. Il la désire. Il l’aime.


Mais cette nana se fait baiser par un autre mec. Putain, c’est insupportable ! Les Dieux sont en colère mais ne font rien pour l’aider. Ils attendent que Bartholomé se comporte comme un homme. Il DOIT buter ce sale fils de pute, il n’a pas le choix.


Cette ordure qui lui vole sa vie, c’est Nederland. Alors Nederland doit mourir. NEDERLAND – DOIT – MOU – RIR !


Le truc, c’est que Nederland… c’est le président des Etats-Unis.
Et ça, Bartholomé ne le sait pas encore.

Vous connaissiez le Guillaume Faye essayiste et pamphlétaire, mais connaissez-vous le romancier ? À travers cette oeuvre posthume, découvrez l’univers ténébreux et satyrique de feu Faye, le plus rock’n roll des idéologues de la droite européenne.


Suspens, humour noir, sexe, méli-mélo politique, futurisme pop, décadence sublimée, tout y est.


Le talent de Faye survit à sa mort. Nederland est là pour le prouver.

Pour toute commande: https://danielconversano.com/product/nederland-guillaume-faye/

548714864.jpg

11:41 Publié dans Livre, Livre, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume faye, nouvelle droite | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

291635.jpg

Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

par Pepe Escobar

Ex: https://reseauinternational.net

 

Ramener la Russie dans le marasme du Haut-Karabakh signifie une plus grande liberté d’action pour la Turquie sur d’autres théâtres de guerre.

Peu de points chauds géopolitiques sur la planète peuvent rivaliser avec le Caucase : cette intraitable Tour de Babel tribale, depuis toujours carrefour controversé d’empires du Levant et de nomades des steppes eurasiennes. Et il devient encore plus désordonné quand on y ajoute le brouillard de la guerre.

Pour tenter de faire la lumière sur l’actuel affrontement Arménie-Azerbaïdjan, nous allons parcourir les faits de base avec quelques éléments de fond essentiels.

À la fin du mois dernier, Ilham Aliyev, « l’homme fort » de l’Azerbaïdjan, au pouvoir depuis 2003, a lancé une guerre de facto sur le territoire du Haut-Karabakh détenu par l’Arménie.

1c27e63a-d86e-4685-859e-0b0224e76726.jpg

Lors de l’effondrement de l’URSS, le Haut-Karabagh avait une population mixte composée de Chiites azéris et de Chrétiens arméniens. Pourtant, même avant l’effondrement, l’armée azerbaïdjanaise et les indépendantistes arméniens étaient déjà en guerre (1988-1994), entraînant un triste bilan de 30 000 morts et environ un million de blessés.

La République du Haut-Karabakh a déclaré son indépendance en 1991 : mais cela n’a pas été reconnu par la « communauté internationale ». Finalement, un cessez-le-feu a été décrété en 1994 – le Haut-Karabakh est entré dans la zone grise/no man’s land de « conflit gelé ».

e628ce2242c0d8475e70b2421d002c38.jpg

Le problème est qu’en 1993, les Nations Unies avaient approuvé pas moins de quatre résolutions – 822, 853, 874 et 884 – établissant que l’Arménie devait se retirer de ce qui était considéré comme environ 20% du territoire azerbaïdjanais. Ceci est au cœur du raisonnement de Bakou pour lutter contre ce qu’elle qualifie d’armée d’occupation étrangère.

L’interprétation d’Erevan, cependant, est que ces quatre résolutions sont nulles et non avenues parce que le Haut-Karabakh abrite une population à majorité arménienne qui veut faire sécession de l’Azerbaïdjan.

Historiquement, l’Artsakh est l’une des trois anciennes provinces d’Arménie – enracinée au moins au 5ème siècle avant J.-C. et finalement établie en 189 avant J.-C. Les Arméniens, sur la base d’échantillons d’ADN provenant d’os excavés, affirment qu’ils sont installés dans l’Artsakh depuis au moins 4 000 ans.

L’Artsakh – ou Nagorno-Karabakh – a été annexé à l’Azerbaïdjan par Staline en 1923. Cela a préparé le terrain pour qu’une future poudrière explose inévitablement.

Il est important de se rappeler qu’il n’y avait pas d’État-nation « Azerbaïdjan » avant le début des années 1920. Historiquement, l’Azerbaïdjan est un territoire situé au nord de l’Iran. Les Azerbaïdjanais sont très bien intégrés au sein de la République Islamique. La République d’Azerbaïdjan a donc en fait emprunté son nom à ses voisins iraniens. Dans l’histoire ancienne, le territoire de la nouvelle république du 20ème siècle était connu sous le nom d’Atropatene, et Aturpakatan avant l’avènement de l’Islam.

_114680228_nk_english_28-09-2020-nc.png

Comment l’équation a changé

Le principal argument de Bakou est que l’Arménie bloque une nation azerbaïdjanaise contiguë, car un coup d’œil sur la carte nous montre que le sud-ouest de l’Azerbaïdjan est de facto séparé jusqu’à la frontière iranienne.

Et cela nous plonge nécessairement dans un contexte profond. Pour clarifier les choses, il ne pourrait y avoir de guide plus fiable qu’un expert de haut niveau d’un groupe de réflexion caucasien qui m’a fait part de son analyse par e-mail, mais qui insiste sur la mention « sans attribution ». Appelons-le M. C.

M. C note que « pendant des décennies, l’équation est restée la même et les variables de l’équation sont restées les mêmes, plus ou moins. C’était le cas malgré le fait que l’Arménie est une démocratie instable en transition et que l’Azerbaïdjan avait beaucoup plus de continuité au sommet de l’État ».

Nous devrions tous être conscients que « l’Azerbaïdjan a perdu du territoire dès le début de la restauration de son statut d’État, alors qu’il était essentiellement un État en faillite dirigé par des amateurs nationalistes de salon [avant l’arrivée au pouvoir de Heydar Aliyev, le père d’Ilham]. Et l’Arménie était aussi un désastre, mais dans une moindre mesure si l’on tient compte du fait qu’elle bénéficiait d’un fort soutien de la Russie et que l’Azerbaïdjan n’avait personne. À l’époque, la Turquie était encore un État laïque avec une armée qui regardait vers l’Ouest et prenait son adhésion à l’OTAN au sérieux. Depuis lors, l’Azerbaïdjan a développé son économie et augmenté sa population. Il n’a donc cessé de se renforcer. Mais son armée était encore peu performante ».

Cela a lentement commencé à changer en 2020 : « Fondamentalement, au cours des derniers mois, vous avez constaté une augmentation progressive de l’intensité des violations quasi quotidiennes du cessez-le-feu (les violations quasi quotidiennes ne sont pas nouvelles : elles durent depuis des années). Cela a donc explosé en juillet et il y a eu une guerre de tirs pendant quelques jours. Puis tout le monde s’est calmé à nouveau ».

Pendant tout ce temps, quelque chose d’important se développait en arrière-plan : Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan, qui est arrivé au pouvoir en mai 2018, et Aliyev ont commencé à parler : « La partie azerbaïdjanaise pensait que cela indiquait que l’Arménie était prête à un compromis (tout a commencé lorsque l’Arménie a connu une sorte de révolution, avec l’arrivée du nouveau Premier Ministre qui a reçu le mandat populaire de faire le ménage sur le plan intérieur). Pour une raison quelconque, cela a fini par ne pas se produire ».

Ce qui s’est passé en fait, c’est la guerre de tirs de juillet.

arton26970.jpg

Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan
N’oubliez pas le Pipelineistan

Le Premier Ministre arménien Pashinyan pourrait être décrit comme un mondialiste libéral. La majorité de son équipe politique est pro-NATO. Pashinyan a fait feu de tout bois contre l’ancien Président arménien (1998- 2008) Robert Kocharian, qui avant cela était, fait crucial, le Président de facto du Haut-Karabakh.

Kocharian, qui a passé des années en Russie et est proche du Président Poutine, a été accusé d’une tentative obscure de « renversement de l’ordre constitutionnel ». Pashinyan a tenté de le faire emprisonner. Mais plus crucial encore est le fait que Pashinyan a refusé de suivre un plan élaboré par le Ministre russe des Affaires Étrangères Sergeï Lavrov pour régler définitivement le problème de l’Artsakh/Nagorno-Karabakh.

arton1765.jpg

Dans le brouillard de guerre actuel, les choses sont encore plus désastreuses. M. C souligne deux points : « Premièrement, l’Arménie a demandé la protection de l’OTSC et s’est fait gifler, durement et en public ; deuxièmement, l’Arménie a menacé de bombarder les oléoducs et gazoducs en Azerbaïdjan (il y en a plusieurs, ils sont tous parallèles et ils alimentent non seulement la Géorgie et la Turquie mais maintenant les Balkans et l’Italie). En ce qui concerne ce dernier point, l’Azerbaïdjan a dit en gros : si vous faites cela, nous bombarderons votre réacteur nucléaire ».

L’angle du Pipelineistan est en effet crucial : pendant des années, j’ai suivi sur Asia Times ces myriades de feuilletons sur le pétrole et le gaz, en particulier le BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), conçu par Zbigniew Brzezinski pour contourner l’Iran. J’ai même été « arrêté » par un 4X4 de British Petroleum (BP) alors que je suivais l’oléoduc sur une route latérale parallèle partant de l’énorme terminal de Sangachal : cela a prouvé que British Petroleum était en pratique le véritable patron, et non le gouvernement azerbaïdjanais.

imagegazcauc.jpg

1200px-Nabucco_Gas_Pipeline-sr.svg.png

Des gazoducs qui évitent le territoire arménien.

En résumé, nous avons maintenant atteint le point où, selon M. C :

« Le bruit du sabre de l’Arménie est devenu plus agressif ». Les raisons, du côté arménien, semblent être essentiellement internes : la mauvaise gestion du Covid-19 (contrairement à l’Azerbaïdjan), et l’état désastreux de l’économie. Ainsi, dit M. C, nous sommes arrivés à un concours de circonstances toxique : L’Arménie a détourné ses problèmes en se montrant dure avec l’Azerbaïdjan, alors que ce dernier en avait tout simplement assez.

Cela concerne toujours la Turquie

Quoi qu’il en soit, si l’on considère le drame Arménie-Azerbaïdjan, le principal facteur de déstabilisation est désormais la Turquie.

M. C note comment, « tout au long de l’été, la qualité des exercices militaires turco-azerbaïdjanais a augmenté (tant avant les événements de juillet que par la suite). L’armée azerbaïdjanaise s’est beaucoup améliorée. De plus, depuis le quatrième trimestre 2019, le Président de l’Azerbaïdjan s’est débarrassé des éléments (perçus comme) pro-russes en position de pouvoir ». Voir, par exemple, ici.

Il n’y a aucun moyen de le confirmer ni avec Moscou ni avec Ankara, mais M. C avance ce que le Président Erdogan a pu dire aux Russes : « Nous entrerons directement en Arménie si a) l’Azerbaïdjan commence à perdre, b) la Russie intervient ou accepte que l’OTSC soit invoquée ou quelque chose de ce genre, ou c) l’Arménie s’en prend aux pipelines. Ce sont toutes des lignes rouges raisonnables pour les Turcs, surtout si l’on tient compte du fait qu’ils n’aiment pas beaucoup les Arméniens et qu’ils considèrent les frères azerbaïdjanais ».

azeri-turkey.jpg

photo_384068.jpg

Il est crucial de se rappeler qu’en août, Bakou et Ankara ont organisé deux semaines d’exercices militaires aériens et terrestres communs. Bakou a acheté des drones avancés à la fois de la Turquie et d’Israël. Il n’y a pas de preuve, du moins pas encore, mais Ankara a peut-être engagé jusqu’à 4 000 djihadistes salafistes en Syrie pour se battre – attendez – en faveur de l’Azerbaïdjan à majorité chiite, prouvant une fois de plus que le « djihadisme » consiste à se faire de l’argent rapidement.

Le Centre d’Information Arménien Unifié, ainsi que le média kurde Afrin Post, ont déclaré qu’Ankara a ouvert deux centres de recrutement – dans des écoles africaines – pour les mercenaires. Apparemment, cette mesure a été très populaire car Ankara a réduit les salaires des mercenaires syriens envoyés en Libye.

Il y a un autre aspect qui est très inquiétant, non seulement pour la Russie mais aussi pour l’Asie Centrale. Selon l’ancien Ministre des Affaires Étrangères du Haut-Karabakh, l’Ambassadeur Extraordinaire Arman Melikyan, des mercenaires utilisant des cartes d’identité azéries délivrées à Bakou pourraient être en mesure de s’infiltrer au Daghestan et en Tchétchénie et, via la Mer Caspienne, d’atteindre Atyrau au Kazakhstan, d’où ils peuvent facilement rejoindre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan.

C’est le cauchemar ultime de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) – partagée par la Russie, la Chine et les « stans » d’Asie Centrale : une terre – et une mer (Caspienne) – djihadiste, pont du Caucase jusqu’en Asie Centrale, et même jusqu’au Xinjiang.

Quel est l’intérêt de cette guerre ?

Que se passe-t-il ensuite ? Une impasse presque insurmontable, comme l’explique M. C :

  1. « Les pourparlers de paix ne vont nulle part parce que l’Arménie refuse de bouger (de se retirer de l’occupation du Haut-Karabakh plus 7 régions environnantes par phases ou d’un seul coup, avec les garanties habituelles pour les civils, et même les colons – à noter que lorsqu’ils sont entrés au début des années 1990, ils ont nettoyé ces terres de littéralement tous les Azerbaïdjanais, soit entre 700 000 et 1 million de personnes) ».
  2. Aliyev avait l’impression que Pashinyan « était prêt à faire des compromis et a commencé à préparer son peuple, puis il a eu l’air stupide de n’avoir rien fait ».
  3. « La Turquie a clairement fait savoir qu’elle soutiendrait l’Azerbaïdjan sans condition, et a traduit ces paroles en actes ».
  4. « Dans de telles circonstances, la Russie a été surpassée – en ce sens qu’elle a pu arbitrer la confrontation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en aidant à la médiation de pourparlers qui n’ont abouti à rien préservant le statu quo qui en réalité favorisait l’Arménie ».

l_nagorno_karabakh_04252016_1.jpg

Et cela nous amène à la question cruciale. Quel est l’intérêt de cette guerre ?

M. C : « Il s’agit soit de conquérir le plus possible avant que la « communauté internationale » [dans ce cas, le Conseil de Sécurité des Nations Unies] n’appelle/exige un cessez-le-feu, soit de le faire pour relancer des pourparlers qui mènent réellement à des progrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’Azerbaïdjan finira par gagner et l’Arménie par perdre. On ignore dans quelle mesure et dans quelles circonstances (le statut et la question du Haut-Karabakh sont distincts de ceux des territoires occupés par l’Arménie autour du Haut-Karabakh) : c’est-à-dire sur le champ de bataille ou à la table des négociations ou une combinaison des deux. Quoi qu’il en soit, l’Azerbaïdjan pourra au moins conserver le territoire qu’il a libéré au cours de la bataille. Ce sera le nouveau point de départ. Et je pense que l’Azerbaïdjan ne fera aucun mal aux civils arméniens qui resteront. Ils seront des libérateurs modèles. Et ils prendront le temps de ramener les civils azerbaïdjanais (réfugiés/IDP) dans leurs foyers, en particulier dans les zones qui deviendraient mixtes à la suite du retour ».

Que peut donc faire Moscou dans ces circonstances ? Pas grand-chose, « sauf intervenir en Azerbaïdjan proprement dit, ce qu’ils ne feront pas (il n’y a pas de frontière terrestre entre la Russie et l’Arménie ; ainsi, bien que la Russie ait une base militaire en Arménie avec un ou plusieurs milliers de soldats, elle ne peut pas simplement fournir à l’Arménie des armes et des troupes à volonté, compte tenu de la géographie) ».

Il est essentiel que Moscou privilégie le partenariat stratégique avec l’Arménie – qui est membre de l’Union Économique Eurasiatique (EAEU) – tout en surveillant méticuleusement tous les mouvements de la Turquie, membre de l’OTAN : après tout, ils sont déjà dans des camps opposés en Libye et en Syrie.

Ainsi, pour le moins, Moscou marche sur le fil du rasoir géopolitique. La Russie doit faire preuve de retenue et investir dans un équilibrage soigneusement calibré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ; elle doit préserver le partenariat stratégique entre la Russie et la Turquie ; et elle doit être attentive à toutes les tactiques américaines possibles de division et de domination.

Au cœur de la guerre d’Erdogan

Donc, au final, ce serait encore une autre guerre d’Erdogan ?

L’incontournable analyse « Suivez l’argent » nous dirait, oui. L’économie turque est un véritable désastre, avec une forte inflation et une monnaie qui se déprécie. Bakou dispose d’une abondance de fonds pétroliers et gaziers qui pourraient devenir facilement disponibles – ce qui s’ajoute au rêve d’Ankara de faire de la Turquie un fournisseur d’énergie.

imagessoldarm.jpg

M. C ajoute que l’ancrage de la Turquie en Azerbaïdjan entraînerait « la création de bases militaires turques à part entière et l’inclusion de l’Azerbaïdjan dans l’orbite d’influence turque (la thèse « deux pays – une nation », dans laquelle la Turquie assume la suprématie) dans le cadre du néo-ottomanisme et du leadership de la Turquie dans le monde turcophone ».

Ajoutez à cela l’angle de l’OTAN, qui est très important. M. C voit essentiellement Erdogan, avec l’aide de Washington, sur le point de faire une poussée de l’OTAN vers l’est tout en établissant ce canal djihadiste immensément dangereux vers la Russie : « Ce n’est pas une aventure locale d’Erdogan. Je comprends que l’Azerbaïdjan est en grande partie un pays d’Islam chiite et cela va compliquer les choses mais ne rendra pas son aventure impossible ».

Ceci est totalement lié à un rapport notoire de RAND Corporation qui détaille explicitement comment « les États-Unis pourraient essayer d’inciter l’Arménie à rompre avec la Russie » et « encourager l’Arménie à entrer pleinement dans l’orbite de l’OTAN ».

Il est plus qu’évident que Moscou observe toutes ces variables avec un soin extrême. Cela se reflète, par exemple, dans la manière dont l’irrépressible porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères, Maria Zakharova, a présenté, en début de semaine, un avertissement diplomatique très sérieux : « La destruction d’un SU-25 arménien par un F-16 turc, comme le prétend le Ministère de la Défense en Arménie, semble compliquer la situation, puisque Moscou, sur la base du traité de Tachkent, est obligé d’offrir une assistance militaire à l’Arménie ».

Il n’est pas étonnant que Bakou et Erevan aient compris le message et nient fermement tout ce qui s’est passé.

19163359_101.jpg

Le fait essentiel reste que tant que l’Arménie proprement dite n’est pas attaquée par l’Azerbaïdjan, la Russie n’appliquera pas le traité de l’OTSC et n’interviendra pas. Erdogan sait que c’est sa ligne rouge. Moscou a tout ce qu’il faut pour le mettre dans le pétrin – comme en coupant l’approvisionnement en gaz de la Turquie. Pendant ce temps, Moscou continuera d’aider Erevan en lui fournissant des informations et du matériel – en provenance d’Iran. La diplomatie est la règle, et l’objectif ultime est un nouveau cessez-le-feu.

Attirer la Russie à nouveau

M. C avance la forte possibilité – et j’ai entendu des échos de Bruxelles – que « l’UE et la Russie trouvent une cause commune pour limiter les gains de l’Azerbaïdjan (en grande partie parce qu’Erdogan n’est le favori de personne, non seulement à cause de cela mais à cause de la Méditerranée Orientale, de la Syrie, de la Libye) ».

Cela met en évidence l’importance renouvelée du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans l’imposition d’un cessez-le-feu. Le rôle de Washington en ce moment est assez intriguant. Bien sûr, Trump a des choses plus importantes à faire en ce moment. En outre, la diaspora arménienne aux États-Unis est très favorable à la démocratie.

Et puis, pour résumer, il y a la relation Iran-Arménie, qui est très importante. Voici une tentative énergique pour la mettre en perspective.

Comme le souligne M. C, « l’Iran favorise l’Arménie, ce qui est contre-intuitif à première vue. Les Iraniens peuvent donc aider les Russes (en canalisant les approvisionnements), mais d’un autre côté, ils ont de bonnes relations avec la Turquie, notamment dans le domaine de la contrebande de pétrole et de gaz. Et s’ils se montrent trop ouverts dans leur soutien, Trump a un casus belli pour s’impliquer et les Européens n’aiment peut-être pas se retrouver du même côté que les Russes et les Iraniens. Ça se présente mal. Et les Européens détestent avoir l’air mauvais ».

Nous en revenons inévitablement au fait que tout ce drame peut être interprété dans la perspective d’un coup géopolitique de l’OTAN contre la Russie – selon un certain nombre d’analyses circulant à la Douma.

L’Ukraine est un trou noir absolu. La Biélorussie est dans l’impasse. Le Covid-19. Le cirque naval. La « menace » pour le projet Nord Stream-2.

Attirer à nouveau la Russie dans le drame Arménie-Azerbaïdjan, c’est tourner l’attention de Moscou vers le Caucase pour qu’il y ait plus de liberté d’action turque dans les autres théâtres – en Méditerranée Orientale contre la Grèce, en Syrie, en Libye. Ankara – bêtement – est engagée dans des guerres simultanées sur plusieurs fronts, et avec pratiquement aucun allié.

Cela signifie qu’encore plus que l’OTAN, monopoliser l’attention de la Russie dans le Caucase pourrait être profitable à Erdogan lui-même. Comme le souligne M. C, « dans cette situation, le levier/ »atout » du Haut-Karabakh aux mains de la Turquie serait utile pour les négociations avec la Russie ».

Pas de doute : le sultan néo-ottoman ne dort jamais.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International

Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit de Jacques Dewitte

9782841863709.jpg

Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit de Jacques Dewitte

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

Sur le même site: Études sur le langage vicié.

Jacques_Dewitte_(2).jpgFort peu de lecteurs auront la chance de tenir entre leurs mains la belle quadruple étude de Jacques Dewitte, Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit, sous-titré Essai sur la résistance au langage totalitaire, que l'éditeur, Michalon, n'a pas jugé utile de rééditer depuis 2007. Il n'est donc pas étonnant que cet ouvrage atteigne désormais des sommes coquettes sur les différents sites de librairies en ligne. Au moins, ce lecteur curieux n'aura pas le regard épouvanté par la première de couverture, très laide illustration imbriquant un labyrinthe et un goéland toutes ailes déployées qui, je le suppose, dans l'esprit du crétin responsable d'un tel saccage inesthétique, doit parfaitement convenir au mouvement de balancier que l'auteur imprime à sa problématique : d'un côté le langage à visée totalitaire, englobant tout, prétendant du moins tout englober, de l'autre la réalité qu'il tente à n'importe quel prix de gauchir, de grimer, jusqu'à ce qu'elle corresponde à ses mots et slogans pourris. Il ne s'agit cependant point, en analysant le langage vérolé, de s'exonérer du langage lui-même, car Jacques Dewitte a raison de nous rappeler que, sans la médiation complexe qu'imposent les mots, la réalité n'est rien. Dès lors, il faut parier qu'il n'y a «dépassement de l'emprise totalitaire que par un mouvement double où l'on retrouve une forme de circularité», à savoir «un mouvement vers les choses», mais aussi la «mise en œuvre des mots», et, à cette fin, la «remise en route de la parole lorsqu'elle s'est enlisée, mais encore, compte tenu de sa fréquente détérioration», la «remise en état de la langue» (1). Nous verrons qu'il n'est pas si facile que cela, en soignant le langage contaminé par le bacille du slogan, de la langue de bois, de la fausse langue à visées hégémoniques, de retrouver le monde : le langage totalitaire, le langage maléfique, même, que Jacques Dewitte évoque hélas trop peu, ont pour particularité, en contaminant celles et ceux qui l'emploient, de saper les fondements de notre confiance dans le monde.

Qu'est-ce que l'auteur appelle un langage totalitaire ? Ce sont des «langues idéologiques ou manipulées, mises en place par les régimes nazi et communiste comme instruments de pouvoir. Le totalitarisme désigne ainsi une manière de s'emparer par le langage de la réalité elle-même. C'est cela qui est proprement totalitaire : créer une situation dans laquelle le langage n'aurait précisément plus d'Autre» (p. 26). Nous constaterons plus avant que cette exclusion de l'Autre n'est pas seulement l'apanage des langages totalitaires, mais aussi de la langue de bois par laquelle le politiquement correct déforme non seulement notre société mais, bien évidemment, influence nos esprits : il n'est pas né, l'homme qui pourrait se prétendre totalement immunisé contre le pseudo-verbe. Ainsi, Jacques Dewitte n'hésite pas à écrire que nos sociétés «sont à la fois anti-totalitaires et néo-totalitaires» (p. 28) car elles sont à la fois «caractérisées par la reconnaissance institutionnelle du conflit, de la pluralité et donc de l'altérité» mais aussi parce qu'elles cherchent, par cette visée éminemment louable, à faire taire les mal-pensants, les récalcitrants et autres séditieux «sous une forme de plus en plus radicale». Cela signifie donc que «tout ce qui vient menacer le consensus démocratique et réintroduire la perception d'une altérité réelle, sous la forme de la reconnaissance d'un ennemi, par exemple, se voit brutalement neutralisé» ou, pour le dire plus précisément et avec les mots de l'auteur, la «démocratie culturelle radicale [...] menace de ruiner la démocratie politique» (p. 29), comme nous pouvons le constater jour après jour, sans qu'il nous faille pour ce faire convoquer les ombres tutélaires de ces quatre médecins légistes du langage pourri que sont Orwell, Klemperer, Sternberger et Wat.
 
9782707164469.jpgC'est dire qu'il ne faut pas seulement parler de «bouclage absolu» (2) à propos de la fable langagière génialement dépeinte par George Orwell dans 1984, mais, aussi et voilà qui ne laisse pas d'être inquiétant, pour notre si irénique et consensuelle société dont nous ne manquerions pas de choquer les commis si nous leur prouvions qu'ils ne tolèrent rien de ce qui serait susceptible de heurter leurs petites convictions normativement castrées. Et force est alors de constater que le langage totalitaire n'est pas celui, d'acier ou d'airain, mis en circulation par les seuls régimes autoritaires, puisque nous pourrions à bon droit prétendre que la novlangue (3) démocratique, comme n'importe lequel de ces langages cherchant à triompher de ses concurrents, l'archéolangue qu'évoque remarquablement Jaime Semprun (dont Dewitte ne dit pas un mot, alors qu'il sait qu'il est l'un des traducteurs des essais d'Orwell), se fait «passer pour le seul langage possible, tendant à rendre impossible toute autre dénomination, à décréter que cela n'est que chimère inconsistante. Le danger, poursuit Jacques Dewitte, tient à ce que les individus, afin de prévenir le risque d'incompréhension ou d'exclusion, se mettent bientôt à parler comme cette langue l'exige, tenant compte de ses limitations et interdictions, d'abord en un geste pragmatique puis, peu à peu, en une intériorisation dont ils n'ont plus conscience. Elle a alors imposé son point de vue sans violence ou presque, par un geste de servitude volontaire» (p. 24) maintes fois analysé par les contempteurs les moins féroces du régime démocratique.
 
Il y a donc, il doit y avoir, sauf à ce que nous basculions sans cris ni douleurs, comme si nous avions avalé des poignées de ces pilules Murti-Bing imaginées par Witkiewicz , dans la société parfaite que nous vendent les idéologues, une «échappée anti-totalitaire» (titre d'un des chapitres de la première partie, consacrée à George Orwell) qui développe amplement la dialectique entre le Même forclos d'une langue repliée sur elle-même, qui s'appauvrit chaque année et signe sa réussite dans ce rabougrissement sémantique, et l'Autre d'une réalité à laquelle les esprits, façonnés par la langue abrutissante, croient de moins en moins : la novlangue orwellienne, comme la langue monstrueuse évoquée par Dolf Sternberger ou la LIT disséquée par Victor Klemperer, «dénie autant que possible à l'altérité la moindre réalité ontologique, en la privant de toute reconnaissance linguistique» (p. 63). Car, en fin de compte, «la plus grave conséquence de [la] mutation linguistique» qu'opère la novlangue n'est pas «tant l'arme dont dispose le discours officiel que la mutilation de la représentation de soi et de la conscience de sa propre dignité qu'il inflige aux individus» (p. 65).
 
Une langue volontairement appauvrie appauvrit notre perception de la réalité, c'est une évidence («En réduisant la palette lexicale et la complexité grammaticale, on réduira le champ sémantique et on limitera donc la capacité à penser et à éprouver», p. 249), du moins pour Jacques Dewitte qui à raison estime qu'il y a autant d'univers que de langues, et qu'une langue blessée ou mutilée, rabougrie, ne permettra d'appréhender le monde qui nous entoure que dans sa déficience, dans des limites clairement assignées par une langue elle-même volontairement limitée. Ainsi, la novlangue «effectue un télescopage du monde et du discours, de sorte qu'apparaît un hybride des deux : le monde est devenu un quasi-discours bouclé sur lui-même qui fonctionne tout seul, et le discours est devenu un quasi-monde, une pseudo-réalité» (p. 66).
 
Plus d'une fois, Jacques Dewitte n'hésite pas à s'aventurer dans des domaines qui n'ont rien de parfaitement, scientifiquement, froidement linguistiques, sur les brisées de Dolf Sternberger (4), lorsqu'il évoque par exemple, au-delà même d'un «langage non pas totalement flottant et arbitraire, mais au contraire parfaitement fixé et clos, grâce à un bouclage total de ses significations» (p. 72), un contre-langage effrayant car, dit-il à propos de la novlangue telle qu'Orwell en a détaillé les principes, «nous reconnaissons dans cette entreprise de Néantisation l'équivalent inversé de l'entreprise de Création. Il y a là une sorte de double obscur du fiat lumineux», une sorte de nefiat, «si l'on peut risquer un tel néologisme en latin» (p. 73). Ailleurs, il écrit que le Mal radical pourrait être «logé dans la distorsion même du langage, dans le besoin d'infliger une souffrance gratuite et d'imposer une domination totale qui s'étend jusqu'aux mots» (p. 213). Ce n'est évidemment pas sans raison que Jacques Dewitte cite l'exemple de Hitler, réduit à une espèce de Kurtz monologuant dans l'épaisseur de la jungle brésilienne, tel que George Steiner le figure dans son Transport de A. H..
 
9782841864485r.jpgJacques Dewitte, hélas, ne poursuit pas plus avant son exploration de ces contrées interdites, ne se dirige pas, hardiment, vers le Kurtz de Conrad et son décalque steinerien comme j'ai pu tenter de le faire dans mon essai sur l'auteur de Réelles présences, préférant toutefois insister, à juste titre à notre sens, sur la responsabilité de chacun d'entre nous dans l'usage de la langue. Commentant l'ouvrage de Sternberger, il écrit ainsi que «l'Inhumain ne doit donc pas être compris comme une instance extérieure exerçant son emprise sur le sujet : il se révèle «réellement présent» lorsque l'on parle son langage, étant soi-même responsable des mots que l'on reprend. Cette conscience de la responsabilité va de pair avec l'intuition de sa propre liberté, qui consiste très concrètement dans la possibilité de choisir ses mots» (p. 116, l'auteur souligne) ou, pour le dire une fois de plus avec Sternberger : «Les laquais des tendances sociales dominantes sont aussi les perroquets de l'usage langagier dominant, et inversement. Toutefois, celui qui regimbe devant la langue universelle de la gestion et de l'organisation regimbe en même temps devant la tendance sociale qui y est exprimée» (p. 117). Autrement dit, qui tente de ne pas reprendre, comme un perroquet, le langage abêti circulant autour de lui est, de facto, un opposant et même, un résistant, aussi minuscule qu'on le voudra ou le moquera, aussi condamnée à l'échec que nous paraisse son action, sa révolte dans les cas les plus aboutis, qui sont aussi les plus désespérés. Nous aurions, dès lors, aimé retrouver sous la fine plume de Jacques Dewitte l'exemple du génial Karl Kraus, mais l'auteur lui-même nous donne l'explication de cette monumentale absence dans son ouvrage : «Il existe un auteur important, qui brille ici par son absence, et dont on aurait pu attendre des éléments d'analyse : Karl Kraus, qu'admirait d'ailleurs Dolf Sternberger. Pour des raisons que je ne m'explique pas, je n'ai jamais pu «entrer» dans son œuvre. Dans la mesure où chacune de ces études résulte d'une rencontre entre des destins et ma propre réflexion philosophique, et si, pour une raison insondable, ce jeu mutuel entre l'apport du commentateur et l'auteur étudié ne se fait pas, comme chez moi avec Kraus, il me paraît judicieux de le laisser de côté» (pp. 25-6). Étrange aveu mais, au moins, Jacques Dewitte n'a-t-il pas hésité à nous en faire la confidence, et cela de manière d'autant plus sincère qu'il avoue lui-même ne pas comprendre pourquoi il n'a jamais réussi à entrer dans les textes du furieux polémiste qui par avance a illustré, et de quelle inébranlable et remarquable façon !, l'idée que Jacques Dewitte ne cesse d'évoquer : nous sommes, tous, responsables de la liquéfaction du verbe et, tout autant, nous pouvons, tous, lui inoculer, à notre modeste échelle, les anticorps qui l'aideront à mieux résister contre la pandémie a-verbale.
 
Quoi qu'il en soit de cette étonnante absence, de celle encore d'un Armand Robin ayant pourtant, comme nul autre à ma connaissance, sondé le faux abîme de la propagande soviétique dans sa Fausse parole, il me faut souligner un point qui me paraît essentiel dans ce livre : jamais Jacques Dewitte ne se fait le juge intraitable de celles et ceux qui ont été contraints, parfois à leur insu, d'utiliser les langues de bois ou de fer. Mieux même, puisqu'il va jusqu'à écrire que «l'humanisme classique s'élargit ainsi de manière à prendre en compte la barbarie contemporaine comme ayant, elle aussi, un langage» (p. 136). Nous frôlons de nouveau le bord de l'abîme où, prudemment, Jacques Dewitte s'est arrêté, non sans avoir lancé un regard que l'on devine fasciné. C'est justement parce qu'il connaît la dimension obscure de la langue, qu'il a même pu, comme tout un chacun, en éprouver la séduction (5), que Jacques Dewitte, dans son livre, se fait humble pédagogue, et unit l'appréhension intellectuelle, surplombante par définition, à l'action, à ce que d'autres ont appelé la praxis. Ainsi, en guise de conclusion de la partie qu'il consacre au Dictionnaire de l'Inhumain (Aus dem Wörterbuch des Unmenschen) de Dolf Sternberger, écrit-il : «Il nous appartient, à ses yeux, de le ré-humaniser [le langage] pour rester sain d'esprit. Cette confiance n'implique en rien la croyance en son pouvoir illimité. Il importe au contraire d'être conscient de ses limites, de comprendre qu'il y a des choses à ne pas dire, que la pudeur et le tact sont de mise face à des crimes qui continuent à représenter un scandale indépassable. Il ne s'agit donc pas de proposer une sorte de reconquête des territoires investis par la barbarie via un langage à nouveau radieux et triomphant. Il s'agit, soulignons-le une fois de plus, de percevoir la barbarie comme un langage, d'entendre sa voix, sa tonalité, sa forme et ses tournures, moins pour la «comprendre», que pour éviter de se mettre soi-même à lui prêter sa voix. La confiance dans le langage est une confiance dans l'homme et dans la présence de l'homme dans le monde» (p. 143, l'auteur souligne).
 
71TGYJlQPPL.jpgCette confiance dans le langage sortira même renforcée de «l'expérience totalitaire» et de «la crise contemporaine» (p. 235) sur laquelle, hélas, Jacques Dewitte ne s'attarde guère (6), préférant insister, je l'ai dit, sur des remèdes qui sont à la portée de tout un chacun mais me paraissent pourtant absolument ridicules face au déferlement des langages viciés, dont la novlangue managériale, que Baptiste Rappin analyse comme le bras armé de la Machine, est le masque le plus grimaçant et redoutable. S'il est certes absolument évident à mes yeux que «l'existence d'un ordre stable du monde et de la langue (7) est une condition de la liberté (et pas seulement de la vérité), et qu'une liberté devenue un arbitraire institutionnalisé se révèle le pire ennemi de la vraie liberté individuelle» (p. 252), je suis bien davantage sceptique sur la belle confiance dont témoigne Jacques Dewitte évoquant «la fin du cauchemar engendré par les utopies», censé inaugurer «le retour à une vie humaine finie et imparfaite», ainsi qu'un «retour au champ où la parole rencontre la réalité, où une relation mutuelle peut s'établir entre elles», un «retour à une situation où la pensée qui se cherche doit aussi chercher et choisir ses mots, c'est-à-dire effectuer un va-et-vient entre la chose-à-dire et les ressources de la langue héritée, sans être d'emblée captivée par tel vocable devenu quasi compulsif».
 
Pour le dire plus brutalement, non seulement je doute que nous soyons sortis du cauchemar, car notre société, à bien des égards, est au moins aussi dure qu'un régime totalitaire, bien que ses moyens d'oppression soient infiniment plus subtils que ceux des dictatures, mais je ne suis pas franchement assuré que ladite hypothétique sortie «marque le retour à une parole dans laquelle le sujet est présent à son propre discours» (p. 262), tant les exemples, innombrables et quotidiens, du contraire, et pas seulement dans le cloaque du journalisme contemporain, le montrent et le démontrent amplement. La quatrième de couverture du livre de Jacques Dewitte évoque un «formidable exercice de désensorcellement» mais, pour lutter contre le pouvoir d'un sorcier, encore faut-il que nous prenions conscience qu'il nous a pétrifiés par son charme, et je ne vois guère, dans mon entourage plus ou moins direct, quelque intraitable maître du Haut Château qui me révélerait que la réalité qui est la mienne est truquée ! Pour conclure, je citerai les propos d'une de mes anciennes notes, indiquée plus haut, où j'analysais la position, beaucoup plus pessimiste que ne l'est celle de Jacques Dewitte et me semblant bien plus pertinente, de Czeslaw Milosz dans La pensée captive : «La question que Milosz pose dans ce texte est la suivante : «peut-on raisonner correctement, écrire de manière valable hors de l'unique courant du réel, dont la vigueur provient de son harmonie avec les lois historiques ?». La réponse à cette question est claire : seuls quelques esprits exceptionnellement doués et incroyablement forts peuvent résister à cette tentation si insidieuse et commune, d'autant plus insidieuse qu'elle ne se montre jamais de manière frontale, du moins pour un intellectuel qu'il s'agit, d'abord, de charmer, en achetant son calme et même, ce qui nous semble ne jamais pouvoir être monnayé, son adhésion, sa conscience, sa foi, tout simplement, en un programme qui se propose rien de moins que de modeler un nouvel homme, dont il sera le héraut tout à la fois que le modèle imparfait».

Notes
(1) Jacques Dewitte, Le pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit. Essai sur la résistance au langage totalitaire (Michalon, 2007), p. 19. Je signale, car ce fait mérite d'être rapporté, que ce livre a été relativement bien relu, vu qu'il ne comporte que quelques fautes vénielles (tout seuls et non «tous seuls», p. 85; «Fran[k]furter Zeitung», p. 108; 1881-1919 et non 1981-1919»; diagnostic et non diagnostique», p. 181. Un «de» manque devant «la chose», p. 218 et, enfin, le mot «tournant» n'a pas à être déterminé par «une» (p. 234). Notons encore l'usage d'un terme fleurant bon son jargon managérial, «l'oppositionnel» (p. 195).

(2) «La réflexion sur le langage totalitaire devra prendre en compte la possibilité effrayante d'un langage bouclé sur soi, empêchant certaines réalités d'émerger à la conscience» (p. 39). La suite de ce passage : «Mais aussi, en réaction à cette perspective, poser l'exigence d'une parole de vérité qui se destine à maintenir le contact avec cet invisible refoulé ou forclos» (pp. 39-40) nous fait irrésistiblement songer aux très grandes enquêtes de W. G. Sebald, qui n'a de cesse de déterrer, sous l'apparence anodine de lieux et d'existence eux-mêmes banals, la monstrueuse vérité du Mal cherchant qui dévorer.

(3) Jacques Dewitte emploie dans son ouvrage le terme novlangue au masculin, comme cela a du reste été le cas, par calque de l'anglais newspeak, jusqu'à la nouvelle traduction du livre d'Orwell par Josée Kamoun (chez Gallimard, coll. Du monde entier, 2018). Insensiblement et par paresse évidente, ce terme, sur le modèle de langue, a été considéré comme féminin, tandis que le terme anglais a été traduit par néoparler.

(4) L'auteur du Dictionnaire de l'Inhumain, totalement inconnu, cela va de soi, des éditeurs français, écrit ce propos que nous faisons nôtre (cité à la page 132 de notre ouvrage) : «Le critique du langage doit être à la fois un philologue et un moraliste. C'est pourquoi il opère ses distinctions non pas seulement selon les critères esthétiques du beau et du laid, du vigoureux et du desséché, du bon et du mauvais, et pas uniquement non plus selon les critères logiques du juste et du faux ou, plus subtilement, du cohérent et de l'incohérent, mais en même temps selon des critères moraux. Je n'ai pas honte de le dire : en dernière instance selon les critères du bien et du mal, en particulier de l'humain et de l'inhumain. Et mon affirmation, non : ma conviction est que ces critères ne sont pas étrangers et extérieurs au langage, mais lui sont tout à fait appropriés et inhérents». C'est là pointer une responsabilité morale absolue, non pas comme flottant au-dessus du monde ainsi qu'un impératif catégorique aussi inconsistant qu'un ectoplasme, mais que chacun d'entre nous doit tout faire pour intérioriser, ce qui lui permettra, à sa minuscule mais pas moins agissante échelle, de tenter d'utiliser une langue qui ne soit pas totalement autiste.

(5) Ainsi affirme-t-il : «on n'a que trop tendance à envisager le pouvoir de la langue totalitaire comme un acte de pure violence, perdant ainsi de vue l'attrait que la langue, tout comme le régime politique, a pu exercer sur les esprits et la sensibilité» (p. 191).

(6) Si ce n'est pour évoquer, à la toute fin de son ouvrage, l'exemple journalistique de l'utilisation d'euphémismes tels que jeunes pour voyous et même, racailles : «Un divorce entre la perception du monde et une langue plus ou moins imposée s'est instauré à nouveau, rendant problématique toute nomination directe et obligeant à recourir à diverses circonlocutions» (p. 259). Il affirme aussi, là encore fort justement que pour ceux, les «gens du commun, le peuple» qui sont «soumis à un double étau, livrés à la violence des banlieues et à une langue de bois qui lui impose une autre désignation, c'est un immense soulagement lorsque des voix se font entendre pour appeler un chat un chat et l'esclavage un esclavage, ou pour dire que les voyous ne peuvent être appelés que des voyous» (p. 260). Nous ne sommes pas très éloignés des constats plus ou moins ironiques d'un Renaud Camus, d'ailleurs plusieurs fois cité dans l'ouvrage de Jacques Dewitte, qui ne doit rien savoir je le crains de mes analyses montrant que le discours lui-même de l'auteur du Répertoire des délicatesses du français contemporain tourne à vide, a fini par constituer un langage inhumain, brutalement euphémistique et totalement décorrélé de la réalité innocente phantasmée par l'auteur.

(7) Notons à cet égard la différence intéressante que Jacques Dewitte perçoit et analyse entre les écrivains de l'Est, passés par l'expérience totalitaire, et les écrivains de l'Ouest, lesquels conçoivent «le plus souvent la littérature et la pensée comme un acte de rébellion contre l'ordre établi (notamment celui du langage), comme un effort incessant pour le «déconstruire», au fil d'une recherche radicale du Nouveau, du Différent» alors que «l'expérience des écrivains dits de l'Est, exposés à une subversion institutionnalisée du langage, est très différente» puisque, pour eux, la tautologie («la forêt était forêt la mer était mer le rocher était rocher», écrit Aleksander Wat) «qui, pour un écrivain de l'Ouest, semble le comble de la bêtise bourgeoise, apparaît souvent comme une délivrance et une promesse» (p. 251).

TERRE & PEUPLE Magazine n°84

TP_n84_couv.jpg

Communiqué de "Terre & Peuple-Wallonie"

TERRE & PEUPLE Magazine n°84

Le numéro 84 de TERRE & PEUPLE Magazine est centré sur le thème ‘Souveraineté et souverainisme’.

L’éditorial de Pierre Vial est titré ‘La haine contre les Blancs’. Elle s’affiche sans aucune retenue, y compris par les Blancs ethno-masochistes, empressés d’implorer pardon.  Le mécanisme du conditionnement est bien rodé, au besoin en trafiquant les faits, notamment les circonstances de la mort du célèbre et célébré George Floyd.  On évacue le fait que, sur les quatre policiers accusés, deux ne sont pas des Blancs.  60% des policiers US sont des Noirs, alors que ceux-ci ne sont que 12% de l’ensemble de la population, mais sont les auteurs de 43% des meurtres.  Ils ne seraient violents que parce qu’ils sont victimes d’injustices.  Ces énormités, qui justifieraient les vols, incendies, viols, expliquent probablement que 47% des Français déclarent que pour eux le racisme anti-Blancs est une réalité vécue.  C’est la guerre raciale ?  Il n’est pas trop tard pour la faire.

unnamedgddsie.jpgLes gens du vulgaire qui comme nous lisent et relisent avec humilité la contribution de Jean Haudry à cette livraison de TERRE & PEUPLE Magazine, ‘La souveraineté dans la tradition indo-européenne’, ne peuvent guère que pressentir, avec un religieux vertige, la masse presque surhumaine des connaissances en la matière que les initiés ont collectées et triées.  Et ils ne peuvent que prier, non seulement pour qu’elles puissent être précieusement conservées, mais pour que ses héritiers cultivent l’héritage et, comme le disent joliment les gens du rugby, que leurs champions transforment l’essai.  Et prier pour que les peuples indo-européens sachent à nouveau qu’ils sont depuis toujours propriétaires de ce précieux patrimoine.

Jean-Patrick Arteault livre trois notes substantifiques sur la nation, sur la souveraineté et sur l’Union européenne.  Etymologiquement, le terme nation évoque l’origine commune des nationaux.  Depuis le XIXe siècle, on oppose cette conception ethno-culturelle à la conception contractuelle du vouloir vivre ensemble, attribuant la première aux Allemands et la seconde aux Français libérateurs républicains universels.  Comme à l’ensemble indo-européen d’avant la Dispersion, on oppose souvent la nation moderne qui en serait une fragmentation.  Toutefois, l’unité d’origine était déjà fragmentée en Latins, Grecs, Celtes, Germains, Scandinaves, Baltes et Slaves. L’auteur se dit surpris par le fait que, pour résister au Remplacement, l’inconscient national ethnicise la République.  Mais le réel qu’on refuse a tôt fait de se venger : c’est le cadre national qui parle le plus aux contemporains.  Pour ce qui est de la souveraineté, une autorité n’en dispose sur un territoire que lorsqu’elle n’y est soumise à aucune autre, tant dans les domaines juridique que militaire, que financier et monétaire.  A la question de la souveraineté effective de la France, la réponse est négative, tant au plan juridique (UE, CEDH), que militaire (OTAN), que monétaire (Zone Euro) et que financier (FMI, BRI, les tribunaux US pour tout échange en dollar).  Il s’agit de récupérer cette triple souveraineté, en particulier pour pouvoir mener une politique de rémigration.  Les souverainistes français (Cercle Aristote, Union Populaire Républicaine) travaillent avec intelligence, mais ils réduisent l’identité à la nation citoyenne (c’est sur la race que de Gaulle fondait son idée de la France).  Ils sont souvent anti-allemands, alors que la RFA n’a plus rien de l’Allemagne éternelle.  Longtemps fidèle au modèle du capitalisme rhénan, le capitalisme allemand a réalisé sa mue occidentaliste.  Il utilise la monnaie unique pour réaliser son programme de premier de la classe occidentale.  L’UE a rendu l’Europe détestable pour nombre d’Européens. 

DBP_1977_926_Jean_Monnet.jpg

Dans sa préhistoire, on relève trois influences : le mondialisme anglo-saxon du Groupe de Milner, où Jean Monnet a fait ses premières armes ; le fédéralisme pan-européen de Coudenhove-Kalergi ; l’expérience internationaliste et pacifiste de la SDN, compromis entre l’idéologie de Milner et la république maçonnique française.  Des historiens communistes ont démontré le rôle joué par d’anciens Kolabos non-épurés dans la construction européenne, pour en faire une retranscription acceptable d’un projet des nazis.  Dans l’avant-guerre, la préoccupation européenne des nazis n’était que marginale.  Avec l’invasion de l’URSS et la participation de corps de volontaires, l’idée a germé d’une croisade européenne.  Après la guerre, les vaincus y ont retrouvé une certaine virginité.  Par contre, l’occidentalisme de l’UE est le pur produit de la victoire des USA dans la compétition pour la domination mondiale.  En fin de compte, la philosophie qui a présidé à la gestation de l’UE est libérale, libre-échangiste, occidentaliste, atlantiste, cosmopolite.

imagesathena.jpgRobert Dragan pose la question ‘Souverain sur quoi et pour quoi ?’, la souveraineté étant le pouvoir décisif, d’abord sur soi-même et ensuite sur le cadre de vie, celui-ci s’étendant du clan primaire à la Cité traitée par Aristote.  La guerre désigne les chefs parmi les acteurs de la deuxième fonction, laquelle fournira les décideurs politiques.  Première et deuxième fonction relèvent souvent de la même aristocratie, aux mains de laquelle le peuple abdique en échange de la sécurité et de l’équilibre.  Victime d’un capitalisme sauvage, une fraction du peuple a remis en cause l’ordre social et politique.  Aujourd’hui, des syndicats de travailleurs soutiennent les ennemis des Gilets Jaunes !  C’est pourtant des rangs des soldats de la Grande Guerre que sont sortis les militants de la révolution fasciste, contestataires des guerres intra-européennes.  Ceux qui doutaient de la légitimité des gens au pouvoir étaient de plus en plus nombreux.  C’est alors que la banque souveraine a offert la consommation à la troisième fonction.  Vrais souverains du monde moderne, les créateurs de monnaie, receleurs de capitaux, nous donnent à croire que les représentants politiques du peuple détiennent le pouvoir.  Grâce à l’Internet, les dénonciateurs de ce coup d’état parviennent à toucher un auditoire de plus en plus large.  Mais, quand on en appelle aujourd’hui à la nation, s’agit-il de la Nation contractuelle ou de l’héritage ancestral ?  Soucieux de faire prospérer un populisme tolérable, les dirigeants populistes ont intérêt à entretenir la confusion. 

En France, le RN incarne cette synthèse (avec ses gages antiracistes, ses positions pro-avortement, son conformisme historique) en recyclant l’idéologie libérale.  On court ainsi à un double échec.  Faire naître des idées neuves au sein de mouvements installés est un pari improbable (le RN éjecte depuis dix ans toute trace de radicalisme).  Par ailleurs, en Europe, un clivage se marque entre les pays peu endettés (RFA, Pays-Bas) et ceux du Club Méditerranée (Italie, Espagne, France).  L’avenir de nos enfants se trouve peut-être chez leurs futurs conjoints allemands, néo-zélandais, russes ou Blancs américains, alors qu’une quatrième guerre franco-boche opposerait des franco-maghrébins à des germano-turcs ?  Mais le premier problème est celui de la crise économique générée par le Covid-19.  Trois solutions sont envisageables : l’Etat mondial de Jacques Attali ; l’explosion de l’UE, chaque état reprenant ses billes ; les Albo-Européens édifient l’Empire sur une base raciale.  Le problème serait alors de détruire l’argent-dette surnuméraire sans affecter l’économie réelle ni l’épargne des particuliers : objectif réalisable par la création d’une monnaie unique fiduciaire, appuyée sur la richesse concrète des économies, et en ne dépouillant que les grands détenteurs (Soros, Gates…) de capitaux.

Banque-centrale-européenne-euro-1000x586.jpg

Jean-Patrick Arteault dresse le compte des Européens que l’euro ruine insidieusement.  Pour les européistes tels que Jean Monnet, une monnaie commune est un moyen d’unifier et d’affaiblir les Etats-nation, à qui on retire un attribut de leur souveraineté, et d’augmenter la fluidité du Marché Commun.  Avec la chute du Mur de Berlin, en 1989, la RFA absorbe la RDA.  Mitterrand, qui redoute que l’Allemagne s’émancipe des Communautés Européennes, pousse alors avec le Traité de Maastricht et l’absorption du Mark dans la Zone Euro à une solidarité européenne.  Mais les Allemands ne sacrifient leur Mark, symbole de leur renaissance, que sous condition : l’euro obéira à la même idéologie monétaire que le Mark.  Comme la BUBA (Bundes Bank), la BCE sera indépendante des Etats, qu’il lui est interdit de financer en concurrence des banques commerciales.  Elle veillera que l’inflation n’excède pas 2%. 

Les Etats s’engagent à maintenir leurs déficits budgétaires inférieurs à 3% de leur PIB.  L’euro n’est pas la monnaie unique des Européens, mais une simple monnaie commune, qui ne dispose pas de mécanismes pour compenser les déséquilibres entre les pays riches et les pays pauvres.  Disparates, les Etats membres acceptent de le rester, comme d’être liés à l’OTAN.  Huit d’entre eux n’ont pas l’euro comme monnaie.  Si l’UE venait à organiser des transferts des pays riches vers les pauvres, cela pourrait coûter à l’Allemagne jusqu’à 10% de son PIB, alors que 40% de ces riches Allemands ne détiennent aucun patrimoine et tiennent les habitants des pays pauvres de l’UE pour des incapables, voire des fainéants !  La circulation des travailleurs au sein de l’UE n’est fluide que pour les surqualifiés et serait quasi nulle pour la base (alors que celle-ci aurait été décisive en faveur du Brexit. 

L’euro a pour effet de figer les parités monétaires et de supprimer la dévaluation compétitive : lorsque les importations d’un pays étaient supérieures à ses exportations, sa monnaie se dévaluait, rendant les importations plus coûteuses et ses exportations plus attrayantes.  L’euro avantage une Allemagne exportatrice et appauvrit les autres Européens.  Les soldes TARGET 2 sont une autre menace liée aux excédents commerciaux de l’Allemagne.  L’euro n’est, en réalité, qu’une appellation commune à dix-sept monnaies supervisées chacune par sa banque centrale nationale. Le système TARGET 2 permet les échanges entre banques commerciales.  La banque centrale en est garante en échange du dépôt d’actifs ‘éligibles’ (or, actions, obligations). 

BCE_251132065_Keystone_RS_2.jpg

La BCE joue à l’égard des banques nationales le rôle de super banque centrale.  Toutefois, les banques centrales de la zone euro ne déposent pas d’actifs, mais de simples promesses !  Depuis la crise de 2008, les échanges monétaires sont en déséquilibre croissant (le solde créditeur de l’Allemagne atteint 1000 milliards d’euros !).  Si un pays débiteur venait à quitter la zone, son solde devenant alors exigible, il ferait probablement défaut, à charge du contribuable allemand.  Sauf à faire valser la planche à billets, avec un risque écrasant d’inflation.  L’accord Macron-Merkel sur un emprunt de 500 milliards d’euros repose l’adoption de la mutualisation des dettes, déjà rejetée par quatre pays.  Elle rendrait impossible tout nouveau départ de l’UE.  A l’Allemagne se pose la question « Comment continuer de profiter de l’euro pour ses exportations, tout en se dégageant du piège de l’euro ? »

8LBVSrHHAEHUCnLAg07Th-jFLE4.jpgJean-Patrick Arteault s’applique à situer la nébuleuse des souverainistes en France.  Ils sont d’origines et d’affinités variées, voire adverses.  Leur cœur nucléaire se trouve dans le dégagement des traités internationaux auxquels le pays a souscrit, soit l’UE, la CEDH et tous les traités onusiens.  Et dans le désengagement de la monnaie commune.  Dans les figures et les mouvements concernés, on épinglera Paul-Marie Coûteaux, l’Union Populaire Républicaine de François Asselineau, Florian Phillipot et son parti Les Patriotes, Djordje Kuzmanovic et son mouvement République Souveraine.  Sur le terrain métapolitique, on relève le Cercle Aristote avec Pierre Rougeyron et la revue Perspective Libre, carrefour de (presque) tous les souverainistes.  Il importe de signaler les réactions souverainistes à l’UE qu’on peut relever chez Les Identitaires, chez Nicolas Dupont-Aignant de Debout la France, chez les nationalistes du Parti de la France, chez les royalistes d’Action Française ou de Nouvelle Action Royaliste, chez Civitas d’Alain Escada, dans la Fondation Polemia de Jean-Yves Le Gallou et chez Egalité & Réconciliation d’Alain Soral.  Le Rassemblement National a choisi de ne pas attaquer frontalement l’UE et l’euro, ce qui risquait de ne pas être compris par une majorité. La logique voudrait qu’il y ait par la suite convergence.  Notre point de vue identitaire nous place en désaccord important avec nombre de souverainistes qui, sur le contenu ethnique et autochtone de la nation, sont trop accommodants.  Il est vrai qu’il n’existe pas à proprement parler de nation européenne, mais bien une Civilisation Européenne, faite d’anthropologies et de langues cousines.  Les alliances à privilégier sont en Europe, la Russie y comprise.  L’objectif primordial est la révolution identitaire pour faire des autochtones albo-européens les maîtres de la terre qui leur appartient de tradition immémoriale.

Alain Cagnat dresse une fiche signalétique détaillée de l’OTAN :

1945 : L’URSS occupe la moitié de l’Europe et menace l’autre

1947 : Plan Marshall d’aide américaine (intéressée) à la relance des pays sinistrés

1948 : Le Kominform fédère les états vassaux de l’URSS.  Le Blocus de Berlin contraint à mettre en place un Pont aérien gigantesque

1949 : Création de l’OTAN, solidarité de défense assujettie aux USA

Guerre_de_Corée_Offensive.jpg

1950 : Les armées de la Corée du Nord envahissent la Corée du Sud.  L’ONU donne mandat d’intervenir aux forces alliées occidentales (Saceur/Shape).  Pertes humaines : 600.000 Chinois et Nord-Coréens et 100.000 Sud-Coréens et alliés occidentaux

1955 : La RFA entre à l’OTAN ; création du pacte de Varsovie ; 4,4Mio hommes de l’OTAN en affrontent 5,7Mio ; parapluies nucléaires

1962 : Castro accorde à l’URSS une base de missiles nucléaires à Cuba.  L’ultimatum US fait reculer l’URSS ; Diên Biên Phu : Eisenhower refuse son aide ; la CIA pactise avec Ho Chi Minh après avoir fait de même avec le FLN

1965 : de Gaulle refuse de participer à toute agression décidée sans son assentiment ; l’OTAN est transférée de Paris à Bruxelles-Mons

1968 : Printemps de Prague : l’OTAN ne bronche pas

1974 : La Turquie envahit Chypres ; c’est la Grèce (des colonels) qui est condamnée

1989 : Chute du Mur ; la RFA absorbe la RDA ; le Pacte de Varsovie est dissous et ses membres se regroupent dans la CEI, simple étape à l’adhésion à l’OTAN

1991 : Guerre du Koweit : 39 états se coalisent sous commandement US pour bouter l’Irak hors du Koweit ; préfiguration de la Troisième Guerre Mondiale

1999 : L’OTAN n’ayant plus de raison d’être, Eltsine propose d’adhérer à l’UE, mais les USA ont besoin d’un ennemi contre qui protéger leurs vassaux ; la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie adhèrent à l’OTAN et bientôt après les Pays Baltes, la Bulgarie, la Macédoine, la Bosnie, le Kosovo et …la Serbie !

W3PAEDEFTKI55RC56PE6N7TI2A.jpg

1324400-10629016169jpg.jpg

1992-1995 : guerre contre les Serbes, punis pour être le relais de l’influence russe dans les Balkans ; 1995 : 400 avions de 15 nations exécutent 3.500 missions de bombardement ; pulvérisée, la Serbie signe les accords de Dayton, qui découpent la Bosnie en trois segments ingouvernables

1996 : Une pseudo Armée de Libération du Kosovo (UCK) mène des actions terroristes, contre lesquelles les Serbes réagissent de manière musclée ; l’OTAN adresse aux Serbes un ultimatum qui viole la Charte de l’ONU et ses propres statuts ; le « Massacre de Raçak », confrontation entre rebelles et policiers serbes passe dans la presse pour un génocide, ce qui déclenche 38.000 missions de bombardements, notamment sur Belgrade et Banja Luka, exécutées par des avions américains, mais aussi des anglais, des français, des allemands et des belges; pour éviter l’épuration ethnique dans un nouvel Auschwitz, l’OTAN exige que l’indépendance du Kosovo soit reconnue

2001 à 2020: En réplique aux attentats du 11 septembre, une Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF) se met en place en Afghanistan sous la férule de l’OTAN et, avec 5.000 hommes, anéantit les talibans ; les seigneurs de la guerre qui prennent leur place sont plus insaisissables que les fous de Dieu; les généraux américains réclament toujours plus de troupes (140.000 hommes en 2014); l’ardoise atteint 1.000 milliards de dollars ; l’OTAN passe le relais à l’armée afghane; Trump rend enfin le pouvoir aux talibans !

2003-2011 : seconde guerre d’Irak préventive d’armes de destruction massive; les adhérents à l’OTAN (les historiques -sauf la France- et les récents plus les futurs) avalent cette énormité ; 150.000 hommes pour s’emparer des réserves pétrolières ; la guerre, mais surtout un blocus alimentaire et sanitaire insensé, fait plus d’un million de morts civils ; l’ardoise que Bush avait estimée à 60 milliards de dollars dépasse les 3.000 milliards

unnamedbrarir.jpg

2010 : L’OTAN publie son Concept stratégique ; elle se proclame compétente pour intervenir dans tous les types de crise ; ses décisions sont l’expression de la volonté collective des trente membres

2011 : La guerre civile éclate en Libye et le tandem Sarkosy-Cameron, soutenu par Obama, obtient de l’ONU un embargo sur les armes et une circulation aérienne exclusive; Kadhafi est assassiné et son arsenal passe aux islamistes du Sahel; la Libye, coupée en deux, devient une base de migrants

2017 : En Syrie, Sarkosy, BHL et les autres tentent de refaire le coup Libyen, mais Poutine prend l’OTAN de vitesse;  les Américains sont déjà empêtrés en Afghanistan et en Irak et la Libye a défrisé nombre de membres de l’alliance; Bachar el Assad est le nouveau Satan; Après les avoir largement utilisés, Trump abandonne les Kurdes à Erdogan

51jgVETdXkL._SX325_BO1,204,203,200_.jpgPierre Vial poursuit sa démonstration convaincante du modèle identitaire juif en terre d’Israël.  En Palestine, les Britanniques favorisent clairement les intérêts sionistes.  Au printemps 1936, le mufti Hadj Amin el Husseini déclenche la révolte arabe.  Les arabes pratiquent la guérilla, avec des petits groupes très mobiles retirés à l’abri de repaires montagneux.  Le pays est paralysé par une grève générale qui va durer 175 jours.  Ben Gourion appelle alors à ne plus acheter qu’hébreux.  Le port de Jaffa étant bloqué, les Juifs installent rapidement celui de Tel-Aviv.  Comme les colonies isolées ont bien souvent été démantelées, les exploitations agricoles sont fortifiées et la garde veille jour et nuit.  Des colonnes mobiles sécurisent les routes.  Le commissaire britannique ayant été assassiné, une répression violente a lieu.  Le Haut Comité arabe est mis hors la loi et le mufti prend la fuite.  Le général Orde Wingate organise une police juive et des commandos contre les Arabes.  Des villages sont bombardés et des représailles sont menées contre les civils, avec des pendaisons publiques.  On compte au moins 5.000 morts palestiniens.  Tentant de calmer le jeu, les Britanniques réunissent une table ronde qui aboutit à un Livre Blanc, dans lequel la Grande-Bretagne cédait à nombre de revendications arabes et retirait son soutien aux sionistes.  Réfugié à Berlin, le mufti allait y déclarer : « Les Arabes sont les amis naturels de l’Allemagne.  Ils ont les mêmes ennemis, les Anglais, les juifs et les communistes. » 

La communauté juive avait tôt compris qu’il était vital pour elle d’être économiquement autonome.  L’industrie a été développée à partir d’investissements privés.  Surgissent une centrale électrique en 1928 à Naharahim, l’usine de potasse de la Mer Morte en 1930, celle de Sodome en 1934.  Par contre, la plupart des terres agricoles, vu l’importance symbolique du retour à la terre, ont été acquises par des fonds publics.  Les sionistes ont remarquablement développé la culture des agrumes qui, grâce à des techniques nouvelles de culture et d’empaquetage, vont atteindre bientôt 18%des exportations mondiales !  L’affirmation identitaire passe notamment par le combat linguistique : le Congrès sioniste de La Haye, en 1907, proclame l’hébreu langue nationale.  Cela posait l’énorme problème de moderniser la langue du rituel, impropre à exprimer les nécessités contemporaines.  On l’a néanmoins enseignée aux enfants dès la crèche et l’école primaire. En 1939, le système éducatif en hébreu est administré à 100.000 élèves.

l_82ce81fac221234323e0052e07f68a18.jpg

C’est en 1966 que Brigitte Cagnat présente à Jean Raspail son époux Alain Cagnat.  Ils n’ont depuis lors cessé de cultiver une grande amitié.  Celle-ci transpire dans ce long article qui, non seulement passe en revue toute l’œuvre de Jean Raspail, mais évoque d’émouvantes expériences communes ou reprend de longues citations du poète.  Le document, d’une densité élevée, est passablement hétéroclyte, mise à part l’évocation posthume du Consul général d’Araucanie.  Celle-ci ne se prête pas à un résumé synthétique.  Il faut la lire à l’aise en son entier.  Et la relire.

CHESTERTON, un catholique social anglais

chesterton.jpg

CHESTERTON, un catholique social anglais

Ex: https://anti-mythes.blogspot.com

Rencontre avec Philippe Maxence, auteur de L'Univers de G.K. Chesterton

M & V : A maints égards, la pensée de Gilbert Keith Chesterton semble être le pendant anglais de celle des catholiques sociaux français : la guilde anglaise, par exemple, partage plus d'un point commun avec la corporation. Comment cette parenté s'exprime-t-elle ?

Philippe Maxence : Comme les catholiques sociaux français, Chesterton a été profondément touché par l'encyclique de Léon XIII, Rerum novarum. Il y a toutefois deux différences entre les Français et Chesterton. La première est que les Français voient dans l’encyclique de Léon XIII une confirmation : de leurs propres vues. Pour Chesterton, Rerum novarum est véritablement un point de départ. La seconde différence tient aux situations particulières en Angleterre et en France. Les Français, et singulièrement les catholiques, vont vite se diviser sur la question du meilleur régime : monarchie ou république. Ce n’est pas le cas des Anglais.

D'autre part, la France reste majoritairement agricole et artisanale. La propriété privée y est plus abondamment répandue. En revanche, en Angleterre, les terres appartiennent principalement à des grandes familles aristocratiques ou aux grands capitaines d'industrie. Le paysan y est d'abord un ouvrier, de même que l’artisan. L'industrialisation y est plus développée que dans notre pays, et y produit des effets dramatiques. En fonction de ces différences, les catholiques sociaux français vont insister sur l’organisation sociale dans son ensemble, par le biais d'un système corporatiste, tandis que Chesterton et ses amis vont mettre l'accent sur la large distribution de la propriété privée.

M & V : En pourfendant la ploutocratie ou le grand magasin, c'est la famille que défend Chesterton. Il la définit à la fois comme la « base » et la « cellule mère » de la société, mais aussi comme « l'institution anarchiste par excellence ». Comment expliquer ce paradoxe ?

PM.: Chesterton place en effet la famille à la base et même au cœur de la société. Lorsqu'il utilise l'expression d'institution anarchiste, il entend affirmer que la liberté ne s'apprend et ne s éduque véritablement qu'au sein de la famille. C'est l'un des sens du paradoxe chestertonien. L'autre, c'est que la loi qui régit la famille est l’amour et que cette loi distingue radicalement l'institution familiale de toute autre institution humaine.

9782916727370_1_75.jpg

M & V : « Pour sauver la famille, il nous faut révolutionner la nation », écrit Chesterton. Par de nombreux côtés, cet écrivain catholique, qui reproche au socialisme, non pas « de vouloir révolutionner notre vie commerciale », mais « de vouloir la conserver si horriblement pareille », est en effet un révolutionnaire, par exemple lorsqu'il prône le « distributisme ». Qu'entend-il par là ?

PM. : Avant d'être une théorie économique, le distributisme est une vision du monde qui refuse de réduire l'homme à son aspect économique tel qu'il découle de la révolution anthropologique des Lumières. Il s'affirme en premier lieu, pour la liberté de l'homme et de sa famille, pour qu'il soit maître de son destin qu'il soit concrètement propriétaire de sa maison et des moyens de production deuxièmement, pour un monde fondé sur l'acceptation des limites et qui de ce fait respecte les petites nations et s'organise donc de façon décentralisée. Plus de société et moins d'État enfin pour des économies plus locales, s'appuyant sur l'artisanat et l’agriculture, sur des groupements professionnels autogérés et des mutuelles coopératives.

M & V : Plus généralement, la critique et les conceptions sociales de Chesterton vous paraissent-elles encore d'actualité ?

PM.: S'il manque peut-être à Chesterton une réflexion sur le cadre institutionnel, il n'en reste pas moins que ses conceptions rencontrent de plein fouet la réalité de notre monde contemporain, qui repose sur une mondialisation dépossédant les nations et les familles, et qui veut faire exploser toute notion de limites par la course en avant de la consommation et de la technologie. Le renouveau d'intérêt que connaissent ses idées dans le monde anglo-saxon témoigne de sa pertinence face aux problèmes actuels.

Monde&Vie 13 décembre 2008 n°804