Le Londonien Troy Southgate est un infatigable militant des radicalités albo-européennes. Dans le cadre des éditions Black Front Press (clin d’œil plaisant au Front noir des frères Strasser), il offre au public anglophone les textes traduits des penseurs du renouveau européen (Nietzsche, Codreanu, Spengler, Jünger, etc.). Le fondateur, responsable et théoricien du « national-anarchisme » leur fait ainsi découvrir des thèses dissidentes variées. Avec Protector of the Sacred Flame. Essays on the life and Thought of Julius Evola (« Protecteur de la Flamme sacrée. Essais sur la vie et la pensée de Julius Evola »), c’est la vie et l’œuvre du Baron romain qui traverse la Manche, l’Atlantique et le Pacifique sous la forme d’un recueil rassemblant les contributions de neuf auteurs réparties en quatorze chapitres.
On y trouve cinq écrits de Troy Southgate, deux de Robert Steuckers sans oublier les analyses de João Franco, d’Alberto Lombardo, de K.R. Bolton, de Primo Siena, de Sean Jobst et de Von Sanngetall. On y relève la version anglaise de « La voie herculéenne de la Tradition. Spiritualité, puissance et identité chez Julius Evola » de Georges Feltin-Tracol déjà disponible en espagnol.
Dans l’un de ses articles, Troy Southgate confronte les analyses évoliennes avec celles de Georges Bataille. Il constate que « Evola se distingue clairement de Bataille en ce qu’il privilégie les principes masculin, solaire et apollinien au-delà de ceux du féminin, de la Lune et du dionysiaque, ce que Bataille aurait considéré comme une “ aveuglement utopique bon marché ” que l’on pourrait même trouver parmi les marxistes sous la forme d’une “ lumière de rédemption s’élevant au-dessus du monde, au-dessus des classes, le débordement de l’élévation spirituelle ” ».
Cette comparaison rappelle l’étude de Charles Champetier sur « Georges Bataille et le fascisme » dans le numéro 50 de Nouvelle École (1998). Malgré les dénégations véhémentes et vaines des universitaires en Cour, le sociologue de droite Jules Monnerot fréquenta avant-guerre Georges Bataille et le Collège de Sociologie. Von Sanngetall propose « Une méditation sur le Souverain » dans laquelle il n’hésite pas là encore à se référer à Georges Bataille.
Concluant son travail par une « transcendance post-évolienne dans l’anarque païen », Sean Tobst y examine les liens et autres réciprocités entre l’initiation traditionnelle et la transcendance à l’aune d’Evola, mais aussi d’une « anarchie » (« a-cratie » ?) à venir. Quant au Portugais João Franco, il évoque « Le Prophète de l’Empire endormi ». Il souligne qu’« à une époque de dévastation et de désertification, [Julius Evola] est resté fidèle à l’Idée à laquelle il a consacré sa vie et a contribué à entretenir une flamme ».
Les éclairages toujours pertinents de Robert Steuckers portent, d’une part, sur « L’influence de J.J. Bachofen sur Julius Evola » et, d’autre part, sur la « Lecture évolienne des thèmes de H.F.K. Günther ». L’Italien Alberto Lombardo aborde « L’anti-américanisme “ traditionnel ” de Julius Evola ». K.R. Bolton traite d’« Evola sur l’État organique et la caractère du “ travail ” ».
On ne peut que se féliciter de l’existence dans le monde anglo-saxon d’une si belle introduction à la vue du monde du penseur traditionaliste radical européen d’expression italienne. Il complète fort utilement Evola : Thougths & Perspectives (2011) (« Evola : Réflexions & Perspectives ») et The World Through a Monocled Eye. A Detailed Exposition of Julius Evola’s Men Among the Ruins (2017) (« Le monde à travers le monocle. Une exposition détaillée des hommes de Julius Evola parmi les ruines ») déjà édités aux Black Front Press.
Mentionnons afin la couverture, originale et superbe, dessinée par l’artiste sud-africain Sean Verster. Les anglophones ont bien de la chance d’avoir un tel ouvrage.
Bastien Valorgues
• Troy Southgate (edited by), Protector of the Sacred Flame. Essays on the life and Thought of Julius Evola, Black Front Press, 2021, 180 p., 22 €.
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