mardi, 22 février 2022
La noologie de l’ancienne tradition chinoise
La noologie de l’ancienne tradition chinoise
Alexandre Douguine
L’ontologie des souffles : le Dionysos jaune
La formule Yin-Yang, sa dimension donnée dans le Tao, et sa distribution dans le calendrier et la carte des cinq éléments, pris ensemble, décrivent la structure de l’ontologie spécifiquement chinoise qui diffère fondamentalement de toutes les autres ontologies. L’ontologie chinoise est basée sur des éléments et des approches qui correspondent à un modèle noologique spécial. L’essence de ce modèle est qu’il n’est pas simplement dominé par le Logos de Dionysos, mais que le Logos de Dionysos est le seul élément connu et accepté dans ce modèle, alors que toutes les autres zones noologiques « subissent » ce « dionysisme » chinois sans même acquérir de fixation autonome. Ici, dans l’ancienne tradition chinoise, le Logos de Dionysos est complet, et l’équilibre qui constitue son essence ne penche dans la direction d’aucun autre Logos – ni vers Apollon, comme c’est le cas dans la majorité des formes indo-européennes de dionysisme [1], ni dans la direction de Cybèle, comme dans de nombreuses cultures d’orientation chtonienne et titanique [2]. Le Yin-Yang et le Tao ne peuvent pas être corrélés avec le modèle platonicien du Logos apollinien, où le centre est le ciel éternel et où le niveau médian est le royaume des phénomènes temporels vivants, ni avec les doctrines matérialistes de la Grande Mère et du Titanisme, qui attachent les phénomènes et les choses à la dure section de l’espace et du temps ou à la figure du démiurge matériel, c’est-à-dire le Logos Noir de Cybèle.
Le Logos chinois se déploie exclusivement et absolument dans la sphère médiane, dans le monde intermédiaire qui est conçu comme le principal et unique. Ni le Ciel et le Yang ni l’Eau et le Yin, c’est-à-dire ni les hauteurs apolliniennes ni les profondeurs cybéliennes n’acquièrent une ontologie autonome ou un Logos particulier. Il n’y a pas d’extrêmes, il y a seulement le centre entre eux, qui les constitue au cours d’un subtil jeu dialectique. Les dieux, les humains, les éléments, les empires, les rites, les animaux, les luminaires, les cycles et les terres représentent tous le déploiement du Logos médian et ne sont que des traces de la pulsation rythmique et dynamique du Centre toujours situé également au milieu entre deux pôles qui sont dépourvus d’être autonome et qui se recoupent l’un l’autre en vertu de la grande harmonie. Ce monde médian se déployant autour du centre absolu peut être imaginé comme un navire qui a levé les ancres l’attachant au Ciel et au Monde Souterrain. Le monde phénoménal de l’ontologie du Yin-Yang n’a pas d’idées et de paradigmes archétypaux, et il ne tient pas non plus la présence matérielle comme une condition nécessaire de la manifestation. L’ontologie chinoise est principalement et fondamentalement légère, comme indiqué par Marcel Granet dans son expression « la magie du souffle ». Nous pouvons ainsi parler d’une « ontologie des souffles » évoluant avec un rythme complexe entre le Ciel et la Base terrestre, en vol libre. Le Ciel et le Monde Souterrain sont contenus dans le Centre et représentent ses projections, jamais complètement détachées de sa matrice vivipare.
Dans son essence, cette structure rappelle remarquablement l’ontologie fondamentale de Heidegger, et comme cela a été remarqué par de nombreux spécialistes, cela indique soit une similarité des approches soit la possibilité que Heidegger lui-même ait emprunté un certain nombre de motifs centraux à la philosophie chinoise (peut-être par l’intermédiaire de la culture japonaise dans sa version bouddhiste zen) [3]. Le Centre chinois, n’étant ni au-dessus du monde ni au-dessous du monde, correspond aussi précisément que possible au Dasein heideggérien et à sa phénoménologie spécifique que nous avons précédemment identifiée sans équivoque au Logos de Dionysos. De plus, la tradition chinoise présente cela sous une forme pure et extrêmement structurée qui nous pousse à rechercher cet Autre Commencement de la philosophie dont parlait Heidegger, et à nous tourner vers l’« ontologie du souffle » de la culture chinoise [4]. Quelque chose de similaire concernant l’importance fondamentale de la philosophie chinoise pour la reconstruction de la Tradition Primordiale fut exprimé par René Guénon [5].
Si nous corrélons la particularité de la zone ontologique de Dionysos dans la tradition chinoise avec les trois états de conscience de la philosophie indienne, nous pouvons noter que le monde médian, intermédiaire, correspond au royaume des rêves. Au-dessus de ce monde l’hindouisme place le monde de l’esprit pur (Svarga, le Ciel, et kāraṇa-śarira, le « corps causal ») et au-dessous de lui les images des formes corporelles (Bhur, la Terre, et shthūla-śarira, le « corps grossier ») [6]. Sur la base de ce modèle, concernant la particularité existentielle qui est dominante dans la culture chinoise, on peut faire la proposition que la culture chinoise est la culture des rêves, le domaine du monde médian où réside le Dasein dans un état d’intense incertitude rythmique ou de « suspension subtile », dont la structure est organisée en accord avec le rythme du Yin-Yang. Le « Dasein jaune » n’est pas seulement dormant, mais exclut la possibilité même d’un éveil. L’éveil est conçu non comme une alternative au sommeil, mais comme une transition vers un autre rêve, juste comme la transition entre l’hiver et le printemps.
La pensée chinoise rejette toute exclusivité : le sommeil n’est pas aboli par la réalité, mais la réalité est incluse dans le sommeil sur un pied d’égalité. La métaphore du papillon de Tchouang-Tseu rêvé par Tchou acquiert ainsi une signification supplémentaire. Si nous utilisions auparavant la métaphore du sommeil pour décrire la transformation, alors maintenant cette métaphore de la transformation peut être employée pour décrire l’ontologie du rêve. La transformation est un synonyme du rêve, et le rêve est le dénominateur commun de la conscience dormante et de la conscience en éveil. Les structures de nombreuses autres cultures, particulièrement celles des religions monothéistes et la civilisation de la Modernité européenne, sont basées sur la conviction que la conscience en éveil est le dénominateur commun, ce qui existe toujours et « objectivement » et dont les conditions sont simplement pensées différemment selon qu’une personne est endormie ou éveillée ; si elle est éveillée, elle perçoit cette « réalité objective » en termes de contraste ; si elle est endormie, elle cesse simplement de la percevoir, mais cela ne change pas la « réalité objective » elle-même. Selon cette vision, nous sommes convaincus que le jugement juste est toujours porté par une personne éveillée sur une personne endormie, et jamais par une personne endormie sur une personne éveillée. C’est pourquoi l’éveil est considéré comme le dénominateur commun de la « réalité ». Mais c’est simplement une propriété de la philosophie de la Grande Mère et une forme de sa domination culturelle qui impose sa perception des choses depuis cet angle précisément. Le Logos apollinien (comme dans le platonisme, l’Avesta, et les Upanishads) voit le dénominateur commun comme la contemplation intérieure des idées par la conscience, qui peut être claire dans le sommeil mais vague dans l’éveil et vice-versa. La dernière est d’importance secondaire, dans la mesure où la plus importante de toutes est le sommeil transcendant et la pleine conscience du lieu où réside l’être et de ce qui ressemble le plus à la « réalité » (correspondant au monde des idées ou aux ennéades dans le néo-platonisme). La tradition chinoise, en tant que culture du Dionysos jaune, prend comme pivot non pas la pleine conscience et les mondes des paradigmes éternels, mais le rêve, qui est « changement » ou « altération », en chinois « i », 易. Cette « altération » est l’essence de l’existence chinoise. Cependant, ce « changement » n’est pas le « devenir » dans la mesure où il n’y a pas de but, pas d’accumulation ou de perte qui serait asymétrique. D’où l’idée que dans chaque dynastie seule une des cinq vertus pouvait dominer – associée, comme toujours, aux cinq éléments. Les quatre restantes étaient toujours envoyées en exil à la périphérie de la Chine, où elles restaient jusqu’à ce que la dynastie ait épuisé ses vertus et ait commencé à dégénérer. Après cela, une nouvelle vertu pouvait s’affirmer au Centre avec une nouvelle dynastie, la précédente étant envoyée en exil. Les vertus, les peuples, et les éléments – rien de tout cela ne disparaît jamais ; ils sont en fait transformés, mis en sommeil, et tous réveillés dans la structure de l’équation à multiple niveaux, non-intégrable, du sommeil et du rêve.
D’où la légèreté du style chinois dans la musique, la peinture, le langage, et l’architecture. C’est la légèreté de la transformation et des rêves portant leur propre ordre précis tout en restant fondamentalement ouverts aux séries infinies de variations saturées et inattendues. Ce n’est pas l’éternel retour du même (à la Nietzsche [7]), mais l’éternel retour de quelque chose de différent à chaque fois et éternellement.
L’expérience du Dragon
Dans la tradition chinoise, la figure du Dragon (Lun 龍) joue un rôle métaphysique majeur. La théorie chinoise des cinq éléments professe de strictes correspondances avec deux types d’animaux : ordinaires (le cochon, le chien, le mouton, le poulet, et la vache) et sacrés-mythologiques (la Tortue Noire ou le Serpent, le Dragon Jaune, le Phénix Rouge, la Licorne Jaune, et le Tigre Blanc). Si les animaux ordinaires sont situés sur la bordure externe du cercle ou du carré de la carte du calendrier, les animaux sacrés appartiennent au royaume au-delà de cette bordure. Dans la mesure où la métaphysique chinoise ne reconnaît aucune forme de transcendance, ce caractère d’« au-delà » des animaux sacrés est cependant inclus dans le système de la vision-du-monde chinoise pour la raison que, tout en étant à l’extérieur du monde, les dragons et les phénix sont maximalement éloignés du Centre, mais néanmoins à l’intérieur de la bordure. En règle générale, la structure du sacré combine en elle l’extrêmement éloigné et l’extrêmement proche, l’extrêmement grand et l’extrêmement petit [8]. Par conséquent, ce qui est le plus éloigné du Centre fait tout de même sentir sa présence dans le Centre lui-même, bien que dans sa dimension cachée. C’est ce qui rend le Centre sacré.
Le cercle des animaux sacrés est distribué selon la logique des cinq éléments : la Tortue Noire ou Serpent est associée à l’Eau et au Monde Souterrain (le pays des Sources Jaunes) ; le Dragon Jaune est associé au Bois, à l’Est, et à l’équinoxe de printemps ; le Phénix Rouge au Sud et au solstice d’été ; le Tigre Blanc au Métal, à l’Occident, et à l’équinoxe d’automne ; et la Licorne Jaune (chilin) à la Terre et au Centre. Tous ces êtres sacrés, cependant, sont décrits comme ayant tout un ensemble complexe de propriétés, par exemple des cornes, la queue des serpents ou des poissons, des ailes, des pattes, des écailles, etc. En d’autres mots, tous sont des pantheria, ou des « pan-bêtes » présentant des éléments d’autres animaux. Ce sont des proto-animaux, des esprits, et des symboles sacrés contenant les pouvoirs du rythme quintuple de la distribution du Yin-Yang. Dans un certain sens, ils pourraient être appelés des « dieux » ou des « onto-logoï » dans la mesure où ils exhibent les pouvoirs synthétiques les plus généraux conjugués à chacun des éléments ; mais en tant qu’êtres vivants et personnifiés, ils incarnent ces pouvoirs sous une forme concentrée attirée par un pôle unique. Faire appel aux pantheria est une sorte de magie visant à maîtriser les éléments qui, pour pouvoir être évoqués, doivent avoir des traits personnels.
Dans un sens étroit et dans ses racines les plus archaïques, le Dragon représente le pantherion associé à l’élément de l’Eau, c’est-à-dire qu’il est une entité portant les traits du serpent, du poisson, et de la tortue. Compris de cette façon, le Dragon était l’un des pantheria ou dieux/esprits de l’Eau, le Monde Souterrain, et l’élément du Yin symétriquement opposé à celui du Phénix Rouge, c’est-à-dire le pantherion ou dieu/esprit du Feu, du Ciel et du Yang. Cependant, cette stricte opposition, reflétée dans le mythe de la bataille entre l’esprit du Feu, Tchourong, et l’esprit de l’Eau, Gong-Gong, était résolue dans la dimension profonde de la tradition chinoise dans un esprit dionysiaque, puisque la circulation rythmique des éléments – Yin, Yang, et Tao – présuppose des transformations constantes. Ainsi, le serpent sacré obtint des ailes et gagna la possibilité de s’élever dans les Cieux, et l’oiseau sacré acquit des pattes bestiales et une queue de poisson ainsi que la capacité de plonger dans les rivières et les mers. Ainsi naquit la figure du Lun, le Dragon au sens large si fondamental en Chine, qui pouvait être noir (dans l’élément de l’Eau), vert (dans l’élément du Bois et au Printemps), rouge (dans l’élément du Feu), blanc (dans l’élément du Métal et en Automne) et finalement, jaune (dans l’élément de la Terre). Le Dragon Jaune est situé au Centre : il fait du Centre le Centre. De ce fait son image primitive devient la Licorne Jaune, qui porte toutes les caractéristiques du Dragon. Il s’ensuit que le Dragon Lun peut être interprété comme le pantherion chinois universel, le pan-animal combinant les caractéristiques du Yin-Yang, les cinq éléments, ainsi que la périphérie extrême et le Centre le plus sacré.
Le Dragon est un « dieu » dans le contexte chinois : il exprime le pur élément de la sacralité. La sacralité du Dragon Jaune Lun se trouve au cœur du culte de l’Empereur Sacré, le culte de la Chine comme territoire spécial et sacralisé, comme pôle du pouvoir de tous les cultes locaux des montagnes, des fleuves et des bois sacrés au cours desquels les Chinois accomplissaient des rites et des cérémonies de toutes sortes. C’est pourquoi l’Empereur était considéré comme l’incarnation du Dragon ou comme le Fils du Dragon, et c’est pourquoi les légendes disent fréquemment que les Empereurs étaient nés du Dragon, étaient ses traces, le voyaient dans leurs rêves, le contemplaient à distance, etc. La Chine était considérée comme la Terre du Dragon, et les Chinois eux-mêmes comme des incarnations du Dragon, le peuple du Dragon Jaune. Bien que le lien entre le Dragon et l’eau, la pluie, les inondations, et le lit des rivières était l’un de ses traits les plus stables, on prêtait aussi une grande attention à la fuite, aux danses, aux batailles et aux invasions du Dragon dans la vie humaine et politique. Certains des Empereurs sacrés de l’ancienne Chine engendraient des Dragons, d’autres mangeaient de la chair de dragon, et d’autres encore les domestiquaient. En tous cas, le Dragon Lun était le facteur fondamental dans la structure de l’ontologie des souffles.
Si nous nous tournons vers l’ontologie des rêves discutée plus haut, nous pouvons déterminer le statut du Dragon dans l’image chinoise de l’être. Ce statut est suprême dans tous les sens. Le Dragon Lun est suprêmement « réel » : c’est un être et une existence fiable, nécessaire, et prouvé précisément en vertu de son incarnation de la quintessence des rêves : parce qu’il est un rêve, et dans la mesure où il est le rêve le plus pur et le plus complet, entre tous il se tient le plus près du Tao, du code secret du rythme ontologique du Yin-Yang. Comprendre la Chine signifie connaître le Dragon et prendre connaissance en pratique des structures de sa présence onirique.
Il faut noter que dans ce contexte la Gestalt du Dragon est fondamentalement différente de ses interprétations dans les structures du Logos d’Apollon et du Logos de Cybèle. Pour la culture apollinienne, le Dragon est toujours l’ennemi, le titan, la force chtonienne de la Grande Mère contre laquelle le dieu ou le héros solaire mène un combat irréconciliable. Ici le Dragon est sujet à une exclusion radicale et dans cette capacité est doté de traits exclusivement chtoniens incarnant la féminité émancipée agressive et le Monde Souterrain se dressant contre le Ciel. Pour la civilisation de Cybèle, le Dragon est accepté comme une figure matriarcale, un époux de la Grande Mère, sa descendance et son partenaire. Dans ce dernier aspect, le Dragon est associé à la fonction générative de la Terre, de l’eau et des forces chtoniennes. D’où la légende de la princesse Nagi qui devient l’épouse du héros et du premier roi.
Dans l’horizon chinois, ce lien entre le Dragon et les couches chtoniennes de l’ontologie changent radicalement. Le Dragon chinois est tout aussi Yin que Yang, tout aussi chtonien que céleste ; il est Serpent tout autant qu’Oiseau, et ces deux aspects ne sont pas simplement réunis, mais précèdent plutôt toute division. Le Dragon est primordial pour le serpent, l’aigle, l’homme, et l’esprit. Le Dragon incarne la pensée, l’être vivant par excellence, à la fois phénoménal et idéal. En cela réside l’essence du fait que le Dragon Jaune est pleinement identifié à la Licorne Jaune ou à l’Empereur Jaune, c’est-à-dire la figure du Centre Absolu.
***
Notes
[1] C’est pourquoi, en parlant des cultures, religions et philosophies indo-européennes, nous avons fréquemment utilisé l’expression « structure Apollon-Dionysienne ».
[2] Quand il se produit une dérive du centre vers Cybèle, nous parlons du « double obscur de Dionysos », d’Adionysos et de la Gestalt du Titan.
[3] Ma Lin, Heidegger on East-West Dialogue: Anticipating the Event (London/New York: Routledge, 1996); May R., Heidegger’s Hidden Sources: East Asian Influences on His Work (London/New York: Routledge, 1996). Que Heidegger ait été influencé par les idées japonaises fut souligné par le philosophe et sinologue japonais Tomonubu Imamichi (1922-2012), qui argua que Heidegger emprunta la notion d’« être-dans-le-monde », In-der Welt-Sein, au Livre du Thé d’Okakura Kakudzō, où ce dernier interprétait les idées du sage taoïste Tchouang-Tseu. Voir Tomonubu Imamichi, In Search of Wisdom: One Philosopher’s Journey (Tokyo: International House of Japan, 2004).
[4] Voir Alexander Dugin, Noomakhia – The Three Logoi: Apollo, Dionysus, and Cybele (Moscow: Academic Project, 2014).
[5] Un autre exemple de l’Autre Commencement de la philosophie en-dehors du contexte de la tradition européenne occidentale pourrait être la pensée de Nagarjuna, qui se consacra au pivot (Kehre) radical de la tradition bouddhiste qui, originellement nihiliste, fut élevée dans le Mahayana au niveau d’une synthèse non-dualiste (Advaita). Voir Alexander Dugin, Noomakhia – Great India: Civilization of the Absolute (Moscow: Academic Project, 2017).
[6] Voir R. Guénon, La Grande Triade.
[7] En allemand : Die Ewige Wiederkunft des Gleichen.
[8] Voir Alexander Dugin, Sociology of the Imagination: An Introduction to Structural Sociology (Moscow: Academic Project, 2010).
19:09 Publié dans Nouvelle Droite, Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, noologie, chine, tradition, tradition chinoise, traditionalisme, nouvelle droite, nouvelle droite russe, philosophie | |
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Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)
Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)
par Nicolas Bonnal
L’Amérique « phare protecteur du monde et de l’union européenne » est à la dérive sur tous les plans. Après Rachel Levine, le gâteux Biden a nommé un activiste queer, SM et maître-chien adjoint à l’énergie. Le bougre vient du MIT et on comprend l’effondrement de la science et de la technologie américaines, sauf quand s’il s’agit de nous coller un code QR ou une saleté dans l’ADN. L’effondrement américain (ou français) est physique, moral, culturel, spirituel, anthropologique. A-t-il gagné la majeure partie de la population ou simplement les minorités (y compris la minorité catho Bergoglio) qui soutiennent cette sanie globalisée, c’est un autre problème. On le saura cette année car si la masse apeurée et abrutie avalise tous ces monstres (réélire Macron ou les démocrates) et la guerre contre la population ou la Russie, nous sommes cuits à titre personnel.
Pat Buchanan, qui incarne depuis Nixon le « paléo-conservatisme » pacifiste américain, remarque toutefois comme nous l’autre jour que la plaisanterie va avoir assez duré. Et de noter :
« Nous avions tout. Nous étions la « nation indispensable ». Nous avons vu plus loin dans le futur. Nous pourrions imposer notre « hégémonie mondiale bienveillante » à toute l'humanité. Et c'est ainsi que nous avons entrepris de créer un « nouvel ordre mondial », plongeant dans des guerres successives en Irak, dans les Balkans, en Afghanistan, à nouveau en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen. »
Le résultat ne s’est pas fait attendre :
« Ce faisant, nous nous sommes saignés, nous nous sommes distraits, nous nous sommes épuisés et nous nous sommes séparés, jusqu'à ce que la moitié du pays fasse écho au slogan de la campagne de George McGovern en 1972 : « Come home, America ». »
Buchanan ne se fait pas d’illusions : la Russie et la Chine sont plus fortes et aussi plus ambitieuses. Au lieu de jouer au pleurnichard russophobe (Poutine est nul, il se laisse marcher sur les pieds, etc.) comme certains dont le cacochyme Craig Roberts, Buchanan remarque (il est proche de Meyssan) :
« Et alors que nous partions en croisade pour un nouvel ordre mondial, la Russie de Vladimir Poutine s'est progressivement remise de sa défaite écrasante de la guerre froide, et la Chine a commencé à sortir de l'ombre de l'Amérique pour devenir le rival le plus puissant que l'Amérique moderne ait jamais affronté. »
Buchanan est lucide ; et cela donne sur le basculement géopolitique que nous observons tous :
« Aujourd'hui, l'hégémonie américaine est partout remise en question - en Europe de l'Est, au Proche-Orient, en Asie du Sud-Est, en Asie de l'Est. Et les défis émanent d'autocrates unis dans leur volonté de réduire le pouvoir et la présence des États-Unis dans leur partie du monde. »
Il poursuit :
« Tous les adversaires de l'Amérique ont quelque chose en commun : ils veulent que nous sortions de leur quartier. Après le retrait humiliant du président Joe Biden d'Afghanistan, l'Ukraine est le site du dernier défi, déclenché par le déploiement par la Russie de quelque 100 000 soldats aux frontières de l'Ukraine. »
La Russie parano et cernée ? C’est Poutine qui impose et c’est Poutine qui exige, nous rappelle Buchanan :
« Étant donné qu'il a provoqué cette crise, Poutine ne retirera probablement pas toutes ses forces sans l'assurance visible que l'Ukraine ne deviendra jamais membre de l'OTAN. Et, étant donné qu'aucun allié de l'OTAN ou voisin de l'Ukraine n'a montré une disposition à combattre la Russie pour l'Ukraine, Poutine finira probablement par l'emporter. »
D’où la rage anglo-saxonne : la mythologie McKinder et le Grand Jeu s’écroulent. Finalement la Chine et la Russie ont pris ce que le capitalisme avait de bon tout en gardant ce que le communisme avait de bon. Nous, nous avons pris ce que le communisme et le capitalisme avaient de pire. Et cela semble motiver la masse imbibée de télé. Mais n’anticipons pas.
On laisse Buchanan conclure pour le plaisir :
« Là où l'ancien président George W. Bush mettait en garde contre un « axe du mal » comprenant l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord, son successeur comprend aujourd'hui la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord, un axe bien plus redoutable. »
Nous sommes en état de Schadenfreude en ce moment. Sauf pour nos factures d’électricité dues aussi à leur rapacité comme à leur incompétence…
Sources :
https://reseauinternational.net/les-veritables-victimes-d...
https://www.fdesouche.com/2022/02/12/etats-unis-le-nouvel...
https://www.infowars.com/posts/buchanan-stress-test-for-a...
18:46 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pat buchanan, actualité, politique internationale, géopolitique, états-unis, occident | |
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Ukraine : l'hystérie guerrière du mainstream
Stefan Schubert
Ukraine : l'hystérie guerrière des médias mainstream
Source: https://kopp-report.de/ukraine-die-kriegshysterie-des-mainstreams/
Ces dernières semaines, les médias mainstream occidentaux ont fait preuve d'un bellicisme sans précédent. Pour ce faire, ils s'appuient sur des informations anonymes - et non étayées - fournies par les services de renseignement américains, sans procéder à une vérification indépendante des faits. Cette révélation journalistique illustre une fois de plus l'état alarmant des médias. Sur la base d'une campagne américaine anonyme, les médias de gauche et verts diffusent sans sourciller l'image de l'ennemi, le méchant Russe. Il est évident qu'outre la diffamation de ce concurrent géopolitique, les Américains cherchent avant tout à imposer leurs intérêts économiques.
L'auteur a déjà démontré ici que la Russie est le troisième plus grand fournisseur de pétrole des États-Unis.
Alors que "Sleepy Joe" a l'audace d'annoncer devant la presse mondiale rassemblée la fin du pipeline germano-russe Nord Stream 2, il refuse de répondre à toute question sur les immenses livraisons de pétrole aux Etats-Unis eux-mêmes, en provenance de l'État prétendument voyou qu'est la Russie. Ces livraisons massives de pétrole augmentent rapidement depuis des années et ne figurent pas sur la liste des sanctions de l'administration américaine. Or, les entreprises et les États européens dont les Américains veulent détruire les activités en Russie y figurent tout particulièrement. Comme l'industrie allemande l'a déjà appris à ses dépens ces dernières années, les sanctions imposées par les Américains visent particulièrement les relations d'affaires germano-russes étroites qui existent depuis des décennies.
Outre la diffamation de la Russie commanditée par les États-Unis, les Allemands se sont donc également faits les larbins du complexe militaro-industriel américain. Il ne s'agit pas ici d'une canonisation de Vladimir Poutine. Comme l'ont montré la Tchétchénie, la Géorgie et, il y a quelques semaines, le Kazakhstan, le seuil d'inhibition du Kremlin pour l'utilisation de la force militaire doit être considéré comme très bas - une appréciation qui s'applique également au gouvernement américain, comme le prouvent non seulement le nombre élevé de victimes en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Mais, si l'on considère les dernières semaines sans les cris de guerre hystériques des médias, que s'est-il réellement passé ?
Un pays a organisé des manœuvres militaires de grande envergure à l'intérieur de ses frontières. Rien de plus, rien de moins. Quand on voit ce que les Américains font sur tous les continents, souvent avec des dizaines de milliers de soldats de l'OTAN, la double morale de l'Occident saute aux yeux comme un missile Pershing II. Les grandes manœuvres occidentales sont en outre publiquement qualifiées de défense de leurs propres intérêts et de menaces non dissimulées contre la Chine et la Russie. Cette procédure récurrente démontre que le bellicisme actuel des médias et des politiques est particulièrement perfide. Les interventions politiques publiques des Verts et de la CDU/CSU ressemblent à des communiqués de presse du Pentagone. Le fait que cette campagne ait été préparée et orchestrée par des réseaux transatlantiques comme le Pont de l'Atlantique ne peut bien sûr être qu'une théorie du complot.
L'intérêt de l'Allemagne pour une relation stable avec la Russie
Alors que la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock trébuche à travers l'histoire mondiale et déclare que toutes les ambassades d'Allemagne sont des bases de l'hystérie climatique des Verts, le chancelier Olaf Scholz se fait traiter comme un écolier dans le bureau ovale.
Que les Américains veuillent importer leur gaz liquide sale et cher en Allemagne, que la Pologne et l'Ukraine gagnent beaucoup d'argent en faisant passer du gaz russe en Allemagne par le gazoduc existant et qu'elles essaient pour cette seule raison d'empêcher et de saboter Nord Stream 2 autant que possible, tout cela est compréhensible dans une certaine mesure entre pays "amis".
Mais le fait qu'aucun membre du gouvernement allemand ne se présente avec assurance devant les caméras pour articuler et défendre les intérêts allemands dans ce conflit aux multiples facettes est une situation honteuse.
De plus, lors des négociations sur la réunification, la Russie a reçu l'assurance qu'il n'y aurait pas d'élargissement de l'OTAN vers l'Est. Cet engagement a déjà été rompu à plusieurs reprises, comme dans les pays baltes et en Pologne. Malgré cela, la politique et les médias diffament la Russie en la qualifiant d'agresseur unilatéral, simplement parce que la grande puissance veut empêcher, pour des raisons compréhensibles, un déploiement de troupes de l'OTAN à la frontière russo-ukrainienne. En outre, il n'est pas dans l'intérêt de l'Europe et de l'Allemagne de séparer la Russie de l'Europe et de la pousser toujours plus loin dans les bras de la puissance impériale mondiale qu'est la Chine. La Russie peut également vendre son gaz à l'Est, tandis que l'Allemagne, en particulier, a un besoin urgent de son voisin oriental riche en matières premières en raison de sa transition énergétique autodestructrice.
Le président américain Joe Biden a obtenu des résultats plus mauvais dans les sondages américains que Donald Trump n'en a jamais eu. Alors que les médias mainstream allemands ont fait un scandale de chaque message de Trump sur Twitter, les journalistes de conviction ont complètement passé sous silence l'échec de l'administration Biden. Le bellicisme de Washington, outre les intérêts économiques et géopolitiques évoqués, sert en outre de diversion ciblée aux problèmes de politique intérieure.
Même une escalade et une guerre réelle entre la Russie et l'Ukraine pourraient être considérées comme un scénario souhaitable pour les faucons américains du Pentagone, pour les raisons décrites ci-dessus. Une escalade pourrait survenir à tout moment à la suite d'opérations sous faux drapeau ou de cyberattaques massives et intraçables. Si les premiers coups de feu étaient tirés, les médias et les politiciens allemands auraient également contribué dans une large mesure à la guerre au cœur de l'Europe par leur bellicisme.
18:35 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bellicisme, bellicisme américain, ukraine, russie, allemagne, europe, affaires européennes, actualité, politique internationale, géopolitique | |
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Sur la "cancel culture"
Sur la "cancel culture"
Un regard sud-américain
Alberto Buela
Source: https://www.geopolitica.ru/es/article/la-cultura-de-la-cancelacion
Dans les années 1970, Jorge Luis Borges se plaignait déjà que les éditeurs américains ne voulaient pas publier ses romans et ses nouvelles parce qu'il n'appelait pas l'homme noir "homme de couleur" et l'aveugle "malvoyant".
À cette époque, les intellectuels yankees ont commencé à utiliser ce que l'on appelle aujourd'hui le "langage inclusif" : l'utilisation de la rhétorique inappropriée et la répétition de locutions généralisantes telles "tout le monde", "garçons et filles" ; "travailleurs", etc. En Yanquilandia, ce langage n'est plus utilisé mais, comme d'habitude, il est arrivé vingt ans plus tard en Amérique du Sud où les progressistes l'ont adopté comme une nouveauté.
Le progressisme, cette maladie sénile des vieilles idéologies comme le marxisme et le libéralisme, a trouvé dans ce pseudo-langage son expression la plus réussie : il parle sans rien dire et prétend définir sans rien définir. Sa méthode consiste à être toujours à l'avant-garde de tout. Il ne peut donc pas avoir de pro-projet (étymologiquement : quelque chose de "jeté en avant"/ pro-iacere) car il est son propre projet.
Lorsque les analystes politiques s'interrogent sur tel ou tel projet de gouvernement progressiste, ils posent une fausse question ou une question sans fondement. C'est comme prétendre interroger le pendu sur le nœud coulant ou la corde à laquelle il est suspendu.
Cette maladie sénile, mélange de libéralisme et de marxisme, soutenue par la religion séculière des droits de l'homme, occupe peu à peu tous les gouvernements de l'Occident, instaurant ainsi un mode de pensée unique et politiquement correct.
Les lieux communs de cette pensée sont presque toujours : le souci de l'humanité et non des besoins réels des gens ; le bien-être individuel et non celui des familles ; la consommation et non l'épargne ; la terre (entière) et non la glèbe des communautés rurales ; le rituel et non le sacré ; l'économie et non la politique ; l'esprit d'entreprise et non le travail, et ainsi de suite dans tous les domaines d'action et de pensée.
Dès 1927, Martin Heidegger dans L'Être et le temps (paragraphe 35) parlait de la dictature de "l'anonyme" (du "on") à travers le "on dit, pense et agit comme on dit, pense et agit", qui régit l'existence impropre/inauthentique. En presque cent ans, la question s'est accrue et approfondie.
Aujourd'hui, le pouvoir du progressisme en tant qu'hégémonie est inconditionnel. Cela explique pourquoi toute remise en question est considérée comme étant de droite, fasciste ou impérialiste. Si de multiples secteurs de la société disent "non" à des mesures erronées, la réponse est désormais "pas de réponse", soit le silence, l'ignorance, bref, l'annulation de l'objecteur.
L'annulation est devenue un mécanisme de déni de tout ce qui met le progressisme mal à l'aise ou le remet en question. Ce qui est grave, c'est qu'en même temps qu'il nie ou n'écoute pas les objections de ses opposants, il appelle au dialogue sur la base d'un consensus qui n'en est pas un, qui est un faux consensus.
Ce mécanisme pernicieux est à la base des actions de tout gouvernement libéral-progressiste. Massimo Cacciari a observé à juste titre que ces gouvernements ne résolvent pas les conflits mais se contentent de les gérer.
L'absence de définition idéologique ferme (le président argentin Fernández est à la fois péroniste et social-démocrate, comme il l'a déclaré) leur permet de prêter allégeance à Biden, Poutine et Xi Jinping en même temps.
Mais tout cela n'est rien d'autre qu'une panoplie de feintes, que des apparences utilisées par les gouvernements progressistes pour se joindre au processus de mondialisation qui semble se dérouler inéluctablement dans le monde.
Après deux ans de Covid, l'économie est devenue totalement indépendante de la politique. Les pouvoirs indirects, les lobbies, les méga-corporations et l'impérialisme international de l'argent, comme l'a si bien dit Pie XII, justifient leur travail dans et avec les gouvernements progressistes.
Bien entendu, les puissances économiques indirectes exigent que des gouvernements progressistes soient installés sur la base du mécanisme "un homme, une voix", car elles ont besoin de la légitimité offerte par le masque démocratique. La démocratie, se limitant à la seule légitimité d'origine (le vote), nie toute demande de légitimité d'exercice, qui est l'exigence de la bonne gouvernance, et ce sont les actions justes et correctes qui caractérisent la bonne gouvernance, c'est pourquoi il y a eu et il y aura de bons gouvernements sans qu'ils soient nécessairement démocratiques.
En Amérique du Sud, les dix gouvernements que nous avons sont progressistes dans leurs différentes variantes : en Argentine, un péroniste qui se définit comme un social-démocrate, au Chili, un marxiste qui se dit péroniste, en Bolivie, un marxiste qui se dit nationaliste, en Uruguay, un libéral qui se définit par l'Agenda 2030, au Paraguay, comme d'habitude, rien ; au Brésil, un nationaliste qui laisse les multinationales faire des affaires, au Pérou et en Équateur, des marxistes soumis au capitalisme le plus grossier, en Colombie, un partenaire libéral des États-Unis et au Venezuela, un marxiste qui a pour vocation de s'enrichir au détriment de son peuple.
Qui dirige l'Amérique du Sud ? En réalité, il s'agit de l'impérialisme monétaire international avec toutes ses ramifications, même si nominalement les dix gouvernements progressistes, dont le mépris de la légitimité de l'exercice du pouvoir facilite le travail de l'impérialisme.
À cet égard, la grande corruption de la classe dirigeante compte pour beaucoup. Pour donner un exemple indiscutable, mille kilos d'or et dix mille kilos d'argent quittent chaque année l'Argentine pour l'Europe et les États-Unis, pratiquement sans payer de taxes. Dans les ports du fleuve Paraná d'où part la substantielle production céréalière (blé, maïs, soja, tournesol), l'évasion fiscale annuelle s'élève à 10.000 millions de dollars, et la déprédation de la pêche dans l'Atlantique Sud par des centaines de navires chinois, espagnols, japonais, norvégiens et anglais demeure incontrôlée.
La culture de l'annulation a fait en sorte que ces questions et bien d'autres ne soient pas abordées. Le titre du film De eso no se habla de Marcello Mastroiani a été imposé.
Lorsque Perón revint d'exil en 1974, il déclara que l'homme argentin avait étébrisé et qu'il allait être très difficile de le récupérer. Depuis lors, aucune tentative n'a été faite pour récupérer systématiquement notre système de valeurs civiques telles que l'épargne, l'hygiène, la conduite, etc. ; il a été laissé, de plus en plus, à lui-même, sans être encadré. Ces institutions qui ont fait la grandeur de Buenos Aires (la piu grande cita italiana del mondo, selon les mots de Franco Cardini), comme les clubs de quartier, les bibliothèques et les piscines populaires, les écoles qui sortaient dans la rue, les paroisses avec leurs kermesses et leurs camps, tout cela a disparu. L'homme, qui animait tout cela et qui était tapi en chacun d'entre nous, a disparu. Ainsi, nous avons des enseignants qui ne lisent pas, des professeurs qui n'étudient pas, des prêtres qui ne se soucient pas de l'âme mais seulement de leur pitance, des bibliothécaires qui n'invitent pas les gens à lire, les clubs où la drogue et non le sport est la norme, la combinaison de tout cela a fini par promouvoir les médiocres. Et c'est cette médiocrité, aujourd'hui âgée de 40 à 60 ans, qui s'exerce dans les gouvernements progressistes d'Amérique du Sud.
Que faire d'un sous-continent comme l'Amérique du Sud, qui couvre près de 18 millions de kilomètres carrés, soit deux fois la taille de l'Europe ou deux fois celle des États-Unis. Il possède 50.000 km de voies navigables à l'intérieur qui nous mènent de Buenos Aires à Guaira au Venezuela. Ou de l'Atlantique à Belém do Pará au Brésil à Iquitos au Pérou (lorsque San Martín était gouverneur du Pérou en 1823, il a fait don de son salaire pour construire un navire destiné à contenir l'avancée bandeirante en naviguant sur l'Amazone d'un bout à l'autre). Ce continent possède des minéraux de toutes sortes, des forêts encore intactes. Du pétrole, du gaz, de l'énergie électrique, la plus grande réserve d'eau douce de la planète avec l'aquifère Guarani. Et surtout, il présente un type humain diversifié (environ 440 millions) mais qui a des usages, des manières et des coutumes similaires et qui parle la même langue, car l'homme hispanique, selon Gilberto Freyre, le plus grand sociologue brésilien, parle et comprend sans difficulté quatre langues : l'espagnol, le portugais, le galicien et le catalan. Cet avantage extraordinaire n'a jusqu'à présent jamais été promu comme politique d'État par aucun des dix pays qui le composent.
Toute personne qui nous étudie ne doit pas sous-estimer l'ordre de ces magnitudes. Hegel enseignait déjà que l'ordre des magnitudes, lorsqu'elles sont immenses, les transforme en qualités.
L'inconvénient de ce grand espace est que des puissances coloniales anti-hispaniques comme l'Angleterre (en Guyane, à Trinité-et-Tobago et aux Malouines), la Hollande à Aruba et au Surinam et la France en Guyane y sont toujours installées.
Tous les plans d'unité sous-continentale depuis l'époque de San Martin et Bolivar ont été avortés par la contre-intervention de ces trois pays.
Lors du Forum social de Porto Alegre en 2002, nous avons proposé la théorie du losange avec ses sommets à Buenos Aires, Lima, Caracas et Brasilia comme protection du cœur de l'Amérique du Sud, mais elle n'a pas abouti. Chávez s'est rendu à Cuba et Cuba, comme il le fait depuis 70 ans, stérilise tout projet nationaliste hispano-américain.
J'invite les chercheurs européens à étudier sine ira et studio le processus de cubanisation de Notre Amérique, source de toutes les tentatives ratées d'intégration régionale.
La question de Lénine se pose à nouveau : Que faire ? La dissidence, qui n'est rien d'autre que de soulever, de proposer "une autre version et vision" à ce qui est établi par la pensée unique. Pratiquer la dissidence sous toutes ses formes et de toutes les manières, c'est cesser d'être le chien muet de l'Évangile. La dissidence n'est pas une pensée négative qui dit non à tout. C'est une pensée propositionnelle et existentielle qui part de la préférence de nous-mêmes. Elle rejette l'imitation et s'appuie sur notre genius loci (climat, sol et paysage) et notre ethos (coutumes, expériences et traditions). Vous pouvez consulter mon livre Teoría del Disenso (publié à Buenos Aires, Barcelone, Porto Alegre et Santiago du Chili).
Enfin, vous pouvez noter que je n'ai jamais parlé d'Amérique latine car c'est un terme fallacieux, faux et trompeur, créé par les Français pour intervenir en Amérique. Vous, les Italiens, le savez très bien, car aucun d'entre vous ne se dit latin, sauf ceux du Latium. Le latin exclut les Basques qui ont tant fait pour l'Amérique depuis l'époque des conquistadors.
Le concept d'Amérique latine est clairement un concept politiquement correct car il est utilisé par tout le monde, l'Église, la franc-maçonnerie, les libéraux, les marxistes et, évidemment, les progressistes, même les nationalistes désemparés.
Ce qui est hispanique en Amérique n'est pas comme en Espagne, qui se limite à la monarchie et à la religion catholique. Ici, ce qui est hispanique nous ouvre à toute la culture méditerranéenne (Italie, France, Portugal, le monde arabe: Syrie, Liban, Maroc). Cela explique pourquoi l'immigration italienne et syro-libanaise, qui se chiffre en millions) en Amérique du Sud a été confortablement acceptée.
La première chose à perdre dans une lutte culturelle est la guerre sémantique, lorsqu'on adopte les dénominations de l'ennemi. Nous sommes hispano-créoles, ni vraiment européens ni vraiment indiens, comme le prétendait Bolívar.
Source: https://posmodernia.com/la-cultura-de-la-cancelacion/
18:16 Publié dans Actualité, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cancel culture, alberto buela, amérique ibérique, amérique du sud, dissidence, actualité, philosophie | |
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Alexandre Douguine: Valeurs traditionnelles (et non traditionnelles)
Valeurs traditionnelles (et non traditionnelles)
Alexandre Douguine
Source: https://katehon.com/ru/article/tradicionnye-i-netradicionnye-cennosti
Il ne peut tout simplement pas y avoir autre chose qu'un tournant conservateur dans la politique culturelle russe.
Il est compréhensible que toute l'attention soit maintenant rivée sur les événements autour de l'Ukraine et, en particulier, autour de la République Populaire du Donbass, mais pour le moment, je voudrais parler d'un autre sujet. Parler des valeurs traditionnelles.
Des événements très révélateurs ont eu lieu récemment dans ce domaine. Tout d'abord, un projet de décret présidentiel est apparu de manière inattendue sur le site Web du ministère de la Culture, qui était censé approuver une liste de valeurs traditionnelles et les prendre comme code de base dans la politique culturelle de la Russie. Cette liste était très bien pensée et précise (peut-être à l'exception de l'idée complètement non conventionnelle des droits de l'homme, qui sert de prétexte à l'Occident pour poursuivre sa politique unilatérale et hypocrite basée sur l'idéologie libérale, profondément étrangère à la Russie). Les points les plus importants étaient peut-être les suivants :
- La proclamation de la supériorité de l'esprit sur la matière,
- ...la reconnaissance de l'identité de la civilisation russe..,
- le rejet des influences occidentales utilisées de manière instrumentale pour détruire la culture russe,
- un appel aux fondements de l'orthodoxie et des confessions traditionnelles en Russie comme horizons exemplaires,
- l'affirmation des grands idéaux d'amour, d'honneur et de loyauté,
- un rejet net des clichés vulgaires et du langage obscène qui dégradent la dignité humaine.
Bien sûr, le document ne prétendait pas changer radicalement le niveau moral de la société. Mais elle a fixé des paramètres et des critères assez concrets quant aux orientations de la culture, de l'éducation et de l'art qui devraient être soutenues par l'État.
Il est difficile de surestimer l'importance de ce document. Dans les conditions de forte confrontation avec l'Occident, la sphère des valeurs acquiert une importance fondamentale. Il ne s'agit pas seulement d'un conflit d'intérêts, mais aussi d'une profonde confrontation de cultures : la culture transhumaniste postmoderne ultra-libérale de l'Occident mondialiste et les principaux vecteurs de la civilisation russe (eurasienne), où prévaut un code culturel - traditionnel, spirituel, communautaire - entièrement différent. Le document proposé formule ce code, en le faisant de manière équilibrée, raisonnable et justifiée. Tout se résumait aux valeurs traditionnelles, qui étaient opposées aux valeurs non traditionnelles, or l'Occident a juré de faire triompher ces dernières aujourd'hui, en essayant de les imposer comme la seule norme pour toute l'humanité.
Le projet de décret a symboliquement marqué la fin de l'hégémonie libérale dans le domaine de la culture. C'était une étape capitale, totalement symétrique à la renaissance géopolitique de la Russie en tant que centre de pouvoir indépendant et autonome à l'échelle mondiale. On ne peut pas résister à la pression de l'OTAN et en même temps partager le système de valeurs de ceux qui nous déclarent ouvertement leur "ennemi principal" et se comportent en conséquence.
Le projet de décret a remué un nid de frelons. Il a fait l'objet de nombreuses critiques. Ils l'ont accusé de tout. Mais tous les arguments et surtout toute la motivation se résumaient à la protestation hystérique contre la suprématie accordée à l'esprit, à la négation de l'identité russe, à décréter comme systématiquement ridicule toute mission des Russes dans l'histoire, au rejet d'une voie russe spéciale. En d'autres termes, l'ensemble des agenes d'influence libérales en Russie s'est soulevé contre le Projet. Si le but de la publication du Projet sur le site du Ministère de la Culture était juste cela, - faire brailler la meute des agents occidentaux, - alors le succès de l'opération aurait été complet. Maintenant, résumons tout cela en quelques lignes. Et remarquons : seuls les partisans des valeurs non traditionnelles et, par conséquent, non traditionnelles pour l'écrasante majorité des orientations prisées par notre peuple peuvent s'opposer aux valeurs traditionnelles. Les critiques du Projet ont apposé leur signature sous le texte virtuel d'un manifeste anti-traditionnel.
Le tollé des libéraux déclarés et latents était prévisible. Mais ce qui en a surpris plus d'un, c'est la passivité et l'incertitude du gouvernement qui, après avoir écouté le courant de conscience des "activistes culturels" et des simples blogueurs et tic-tokeurs ordinaires, y compris les bots de la CIA, a battu en retraite et retiré le projet de décret de l'examen. Les libéraux se sont réjouis et ont commencé à se féliciter mutuellement de la victoire : une fois de plus, comme auparavant, l'argent de l'État affluera vers ceux qui détestent ouvertement l'État et son peuple et infusent cette haine et cette noire bile dans tout ce qu'ils touchent.
Le projet de décret était le signe le plus important de l'époque, exprimant la volonté des autorités de défendre le Logos russe, l'Idée russe et la résolution d'obliger la culture - au moins en la personne du ministère concerné - à prendre cette russéité métaphysique au sérieux. Après tout, tout commence par la culture, qui forme la personnalité de tout un chacun. L'apparition du projet de décret était donc opportune et logique. Mais son rejet rapide nécessite quelques explications.
Je connais deux raisons possibles pour son retrait et sa mise à l'écart. La première : une réticence à trop insister sur le conservatisme et le traditionalisme à la veille de graves bouleversements géopolitiques, auxquels tout le monde s'attend, intuitivement et même non intuitivement. Ils disent que s'ils mettent en colère le réseau des libéraux culturels, ils leur mettront des bâtons dans les roues en cas de confrontation difficile avec l'Occident. Ne le feraient-ils pas si le projet est retiré ? Est-ce de la naïveté ou simplement la lâcheté et la faiblesse d'esprit de quelques apparatchiks trop prudents ? Mais ce n'est même pas la peine d'en discuter, hélas, il y en a encore beaucoup en Russie. De grandes initiatives émergent puis sont noyées par des personnalités aléatoires qui se sont hissées au sommet, ou par des ennemis cachés (la 6e colonne). Si cette version est correcte, il n'y a rien à faire, nous devons simplement attendre un ou deux autres cycles de rotation de la bureaucratie.
Mais il existe une autre version. Elle est un peu plus optimiste (dans un sens). Selon elle, tout le problème ne réside pas dans le contenu du projet de décret lui-même, avec lequel tous les membres du gouvernement, et le ministère de la Culture lui-même, sont d'accord, mais dans les procédures et les personnes qui ont introduit le projet au ministère. S'il s'agissait de patriotes connus, fidèles aux valeurs traditionnelles et les défendant depuis des années et des décennies, ce serait une chose. Mais ici, il s'agissait de fonctionnaires ordinaires sans aucune caractéristique notoire. Le fait que l'ensemble des valeurs traditionnelles se soit avéré très décent et précis n'est plus surprenant - ces idées sont dans l'air, et c'est un crédit aux mêmes patriotes profonds qui ont gardé la tête haute, sans capituler, pendant les décennies les plus sombres de l'hégémonie libérale.
Il ne s'agit donc pas du contenu ou du fait que le ministère de la culture s'est empressé de défendre les valeurs non traditionnelles, mais du fait qu'il y a maintenant un combat d'un tout autre genre - qui prendra le virage conservateur et s'assurera ainsi une place confortable dans le nouveau système. Cette fois dans notre système post-libéral. Il est seulement dommage que des documents aussi remarquables soient sacrifiés pour les lauriers des patriotes, conservateurs et traditionalistes les plus avant-gardistes.
Et les libéraux peuvent se réjouir prématurément - car la prochaine édition pourrait ne pas inclure du tout les "droits de l'homme", et ce serait juste et raisonnable. S'ils acceptaient ce qui est proposé, ils auraient leur part - ils pourraient réaliser des films, des productions théâtrales, des opéras et des comédies musicales en vertu de ces "droits" et écrire "L'homme et ses droits"... Sinon, nous attendrons et confierons à tous les maîtres de la culture le soin de travailler sur le feuilleton "De l'empire aux étoiles"... Ou quelque chose de similaire.
Ainsi, l'histoire du projet de décret sur les valeurs traditionnelles est probablement un phénomène entièrement nouveau. Les différentes factions au pouvoir rivalisent entre elles pour mener le "tournant conservateur". L'idéologie, comme la géopolitique, a ses propres lois. Et à long terme, ce sont ces derniers qui fonctionnent.
L'escalade des relations avec l'Occident affecte à la fois les intérêts et les valeurs. "Moscou a défini nos 'lignes rouges' d'intérêts, et de manière très claire. Et à partir de maintenant, tout se passera comme prévu. Les lignes rouges de l'idéologie sont également sur le point d'être tracées. Et ici, il ne peut y avoir qu'un virage conservateur. Réfléchissez-y : dans un contexte de confrontation directe avec l'Occident dans les conditions d'un conflit militaire presque ouvert, peut-il y avoir un "tournant libéral" ? Exactement. Les libéraux ne respirent encore que parce que le gouvernement a pour priorité d'augmenter le nombre de missiles, de bombes, de navires et de chars. Mais il est sur le point de mettre la main sur l'idéologie aussi. Et alors, personne (parmi les libéraux) ne sera satisfait. Et il importe peu de savoir qui exactement prendra la tête du virage conservateur et proclamera la fin du libéralisme en Russie. Nous n'avons qu'un seul sujet. Et il n'a pas besoin d'espace. Il l'occupe déjà.
C'est pourquoi nous devons adopter non pas un, mais une centaine de décrets sur les valeurs traditionnelles - pour la culture, pour l'éducation, pour les écoles, pour les théâtres, pour les jeunes, pour les militaires, pour les jeunes mariés, pour les médecins, pour les physiciens, pour les poètes, pour les femmes au foyer, etc. Et le libéralisme doit être chassé de la société russe comme tout exorciste chasse les démons.
17:47 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, politique culturelle, alexandre douguine, nouvelle droite, nouvelle droite russe, europe, affaires européennes, politique internationale | |
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