vendredi, 18 août 2023
Métapolitique, Silvano Panunzio et critique organique de la modernité
Métapolitique, Silvano Panunzio et critique organique de la modernité
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/110645-la-metapolitica-silvano-panunzio-e-una-critica-organica-della-modernita/
Nous publions un extrait de la préface de Giovanni Sessa, Metapolitica. Escatologia religiosa e civile in Silvano Panunzio, au volume de Silvano Panunzio, Che cos'è la Metapolitica, édité par Aldo la Fata, Solfanelli, Chieti 2023, pp. 208, euro 15.
Fondamentalement, la métapolitique est une discipline qui précède et dépasse la politique. Depuis l'Allemagne et l'Europe centrale, un écho de ces positions est parvenu à De Maistre, qui les a interprétées comme une "métaphysique de la politique". Selon Panunzio, le sens du terme a circulé dans les œuvres de nombreux auteurs au cours des siècles: d'Augustin à Gioberti, de Berdiaev à Sturzo. Ceux qui ont compris correctement le contenu de la métapolitique étaient toutefois conscients qu'elle n'avait pas, sic et simpliciter, un caractère religieux, mais aussi une valeur civile.
Fondamentalement, la métapolitique est une discipline qui précède et dépasse la politique. Depuis l'Allemagne et l'Europe centrale, un écho de ces positions est parvenu à De Maistre, qui les a interprétées comme la "métaphysique de la politique". Selon Panunzio, le sens du terme a circulé dans les œuvres de nombreux auteurs au cours des siècles : d'Augustin à Gioberti, de Berdiaev à Sturzo. Ceux qui comprenaient correctement le contenu de la métapolitique étaient toutefois conscients qu'elle n'avait pas, sic et simpliciter, un caractère religieux, mais aussi une valeur civile.
C'est ce qu'avait compris Platon, véritable initiateur de cette discipline. L'Athénien, animé d'une vision métaphysique, pensait la réalité humaine comme articulée de bas en haut. C'est pourquoi il considérait que la dimension politique elle-même était anagogiquement transcendée. Comme l'a reconnu Werner Jaeger, il manquait à Platon "le ferment prophétique du christianisme". La Cité platonicienne d'Augustin est donc devenue le miroir de la Cité de Dieu : "Métaphysique et métapolitique sont [...] des jumelles".
Silvano Panunzio
La métapolitique vise l'archétype de la transcendance reflétée dans l'histoire, c'est la métaphysique en action. Panunzio la définit de manière lapidaire: "c'est le projet architectural que, avec la conception et la collaboration du Ciel, les hommes s'efforcent d'accomplir sur Terre en surmontant les résistances inférieures". L'idéal augustinien a été ravivé par l'eschatologie chrétienne, qui a trouvé un écho chez Campanella et, plus tard, chez Bossuet et Soloviev.
Panunzio, dans Qu'est-ce que la métapolitique, aborde le thème du bìos theoretikòs, qui, dans le monde antique, a été remis en question par Dicéarque avec la revalorisation de la phrònesis. Dans le monde romain, entre autres, Cicéron était proche de cette position, qui comprenait le philosopher comme un service : "pour une organisation active de la vie", tentant de rapprocher Platon de Lycurgue, au nom de la primauté du bìos politikòs. Pour Panunzio, l'authentique Metapolitica, au contraire, ne peut être saisie que dans la dimension prophétique capable, selon lui, de réaliser le "bìos sìnthetos qui n'est pas [...] un maigre compromis, mais une fusion originale [...] de sophia et de phrònesis [...] dans le nouveau génie de l'Homme universel". Cette affirmation précise que la vision du monde de Panunzio est éminemment une théologie de l'histoire.
À ce stade, il convient de se demander quelle est la véritable fonction de la métapolitique selon Panunzio.
Il attribue deux tâches essentielles à la métapolitique. 1) Développer la critique de la modernité en termes organiques et analytiques ; 2) Reconstruire le plan divin sur la terre. Les hommes doivent d'abord reconnaître la nécessité de faire tabula rasa du présent, en vue d'une renaissance. En effet, Panunzio est fermement convaincu que ce sont les agents "de la main gauche de Dieu", les forces qui ont produit la lacération moderne, qui la feront imploser. (...) La vision de l'histoire de Panunzio vise une fin, elle est centrée sur un "optimisme final, mais transcendant".
Dans sa perspective, Dieu tolère les "démons", seulement en vue de leur action inconsciente, en vue de la catharsis finale. La structuration du parcours historique est centrée sur l'intersection de trois plans différents: terrestre, céleste et infernal. Les esprits qui agissent dans le monde sont à la fois catagogiques et anagogiques. Les premiers visent à dégrader la nature humaine jusqu'à la rendre sauvage (en cela, les "signes des temps" évidents semblent confirmer la thèse de Panunzio), tandis que les seconds poussent l'homme vers le haut, vers l'atteinte de la nature angélique. Ce duel entre les forces célestes et infernales est vieux de plusieurs milliers d'années. L'époque actuelle, cependant, est le dernier âge, nous sommes au moment "décisif et final" de la crise. Dans ce contexte, le seul but à atteindre est le salut des âmes, rien d'autre ne peut être fait. [...] La métapolitique est donc acquise à l'eschatologie, et cette dernière est une métapolitique inspirée par les prophètes qui l'ont révélée dans le symbole. [...] La métapolitique comprend la métaphysique, l'eschatologie et la politique en une seule: elle est quadridimensionnelle. [...) C'est pourquoi les thèmes centraux de la métapolitique sont les deux soleils, l'Empire et l'Église. La Romanitas, avec son héritage impérial, représente la perfection humaine, la christianitas vise à réaliser la perfection qui descend de Dieu. Le Christ, véritable homme et véritable Dieu, est authentiquement "romain".
(...) Pour bien comprendre la leçon panunzienne, il convient de garder à l'esprit la distinction entre métapolitique et cryptopolitique. En ce sens, la politique doit être interprétée comme une première ligne que l'on peut atteindre d'en bas ou d'en haut, au service du monde souterrain ou du monde célecte. Dans l'Antiquité, l'initiation royale permettait d'accéder au plan proprement métapolitique. La sécularisation des organisations qui présidaient à l'initiation a donné lieu à l'essor des partis et des syndicats. C'est sur cette voie qu'est née la cryptopolitique. La véritable cryptopolitique se heurte "aux manœuvres de la guerre occulte et aux complots mondiaux de la subversion". Il y a ensuite la cryptopolitique élémentaire (appendice de la politique militante), qui est dirigée par la cryptopolitique officielle. La seule réponse sérieuse à cette condition est la référence à la métapolitique, dont le délai est long, bien que l'intervention du ciel, compte tenu de la situation générale, ne tardera pas à se manifester. Ceux qui, en entrant en politique, se tournent vers les forces du Ciel et se laissent guider par elles, feront preuve d'une conscience inhabituelle et seront même prêts à faire le sacrifice ultime. Dans la phase actuelle, ces hommes doivent nécessairement agir dans la dimension intellectuelle et s'enraciner dans la "Tradition universelle" : "Une véritable résurgence initiatique ne peut procéder d'en bas, de l'humain, même rectifié et réintégré.
(...) Alors que les prophètes de l'Ancien Testament désignaient le Messie, le nouveau prophétisme panunzien a un caractère michaélique. Michel l'Archange est le prophète du "Christ qui vient" et du "Christ qui revient". Au début des temps, c'était Melchizédek, à la fin, Mikaël. [...] Pour "se renouveler" dans la Tradition, il faut devenir Mikaël, participer à sa nature angélique, se transfigurer.
(...) Dans un autre ouvrage, Panunzio a parlé de la nécessité de réformer le "traditionalisme intégral" guénonien. Nous partageons pleinement son intention. Cependant, son idée de réformer le "traditionalisme intégral" dans un sens eschatologique et chrétien n'est pas la nôtre. [...] L'auteur croit certainement que l'"esprit géométrique" et l'esprit systémique de Guénon doivent être vivifiés par l'"esprit de finesse". Cette qualité était vivante et présente dans la tradition mystique grecque, en particulier dans le dionysisme, qui n'a jamais, dans l'acte aristotélicien, pensé à normaliser et à faire taire la dynamis, la puissance-liberté du principe. Par conséquent, s'il devait y avoir un ésotérisme chrétien, centré sur l'idée d'un dieu qui meurt et renaît, "puissant" et "souffrant", il serait redevable et successeur des anciens Mystères, auxquels il est nécessaire de revenir et de regarder au-delà de la scolastique traditionaliste. De plus, penser le Principe en termes de non, de négation, nous éloigne des perspectives de la philosophie de l'histoire et de la théologie de l'histoire, comme celle de Panunzio. Pour les tenants d'une vision tragico-dionysienne, le monde est suspendu au Principe de liberté-puissance. Dans l'histoire et dans le temps, l'origine est toujours possible (le pouvoir est possibilité) à condition que l'action humaine s'y adapte. Si tel n'est pas le cas, l'origine peut, selon nous, rencontrer son oubli définitif, sans que l'histoire ne s'achève pour autant. Il n'y a pas, selon nous, de fin prédéterminée à l'histoire. Nous sommes proches de la conception ouverte et non-nécessaire du temps. Une conception sphérique et non cyclique : elle a été réaffirmée dans les années 80 par Giorgio Locchi, compte tenu des leçons de Nietzsche et de Heidegger sur le sujet.
La réforme du traditionalisme de Panunzio a une finalité eschatologique, sotériologique, théologico-historique. Notre proposition, au contraire, se tourne vers le premier Evola (et le dernier, celui de Chevaucher le Tigre), pour suggérer la sortie possible de la pensée de la Tradition du nécessitarisme historico-temporel.
Quoi qu'il en soit, nous recommandons vivement les pages de Panunzio, élégantes dans leur style et stimulantes dans leur contenu. On sort toujours enrichi d'une confrontation avec un tel érudit, quelle que soit sa vision du monde.
Giovanni Sessa
18:35 Publié dans Livre, Livre, Philosophie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, silvano panunzio, métaphysique, métapolitique, philosophie, tradition, traditionalisme | |
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L'Inde et la Russie s'activent pour réaliser le grand chemin de fer Nord-Sud
L'Inde et la Russie s'activent pour réaliser le grand chemin de fer Nord-Sud
Pour l'Italie, même la Tav demeure un mirage
Augusto Grandi
Source: https://electomagazine.it/india-e-russia-per-la-grande-ferrovia-nord-sud-per-litalia-e-un-miraggio-anche-la-tav/
La guerre en Ukraine ralentit l'économie mondiale et pénalise le tourisme italien en provoquant une hausse intolérable des prix. Telle est la version des médias italiens, perpétuellement occupés à se regarder le nombril. Mais surtout engagés à cacher les retards et les erreurs de la classe dirigeante de ce pays. Tant dans le domaine politique et que dans le domaine entrepreneurial. C'est ainsi que le reste du monde avance, en pensant qu'il y aura un avenir même après la fin du conflit et malgré les guerres que Washington prépare en Afrique et en Asie.
L'Inde et la Russie, par exemple, ont décidé de relancer des projets de liaisons ferroviaires Nord-Sud. Comme alternative à la Route de la Soie chinoise, mais aussi avec l'opportunité évidente de faire fonctionner les deux projets ensemble. En modernisant les infrastructures de toute l'Asie et en créant les conditions pour s'affranchir du trafic maritime via le canal de Suez.
Le projet indo-russe implique évidemment d'autres pays qui, en théorie, sont des adversaires toujours prêts à recourir aux armes. Pensez à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie. Mais le réseau ferroviaire Nord-Sud concerne aussi l'Iran. Car, à côté de la liaison principale entre Saint-Pétersbourg et Bombay (plus de 7000 km), il y aura deux autres itinéraires qui toucheront le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan ainsi que l'Azerbaïdjan et l'Arménie.
Et si d'un côté ils atteindront les ports indiens, de l'autre il y aura des débouchés sur les ports iraniens. Un engagement colossal. Mais dont la réalisation pourrait prendre moins de temps qu'il n'en a fallu à l'Italie pour NE PAS achever la ligne ferroviaire à grande vitesse (TAV) ou pour moderniser le réseau portuaire.
En fonction de l'évolution de la politique de l'OTAN, on verra si l'Europe bénéficiera également à l'avenir de ce grand réseau d'infrastructures asiatiques. Et si les retards italiens pénaliseront l'économie de la péninsule. D'autre part, l'Italie, pour plaire à la famille Agnelli, avait démantelé une partie de son réseau ferroviaire après la guerre. Et aujourd'hui, les coûts pour le restaurer sont élevés et certainement pas payés par les héritiers Elkann.
17:56 Publié dans Actualité, Eurasisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chemin de fer, inde, russie, asie, affaires asiatiques, eurasie, eurasisme, communications | |
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Le Glossarium de Carl Schmitt: idées, mémoire et amitié avec Jünger et Mohler
Le Glossarium de Carl Schmitt: idées, mémoire et amitié avec Jünger et Mohler
par Antonio Chimisso
Source: https://www.barbadillo.it/110688-glossario-di-carl-schmitt-idee-memorie-e-amicizia-con-junger-e-mohler/
26 septembre 1945 : Carl Schmitt est arrêté par les Américains et reste en prison jusqu'au 10 octobre 1946. Le 19 mars 1947, il est à nouveau appréhendé et emprisonné par les troupes d'occupation, en tant que témoin potentiel, et avec la possibilité imminente de devenir un accusé devant le Tribunal allié de Nuremberg, créé par les vainqueurs pour juger les prétendus crimes commis par leur Ennemi.
Il ne sera libéré qu'à l'été 1947, et se retirera dans sa maison de Plettenberg dans des conditions de solitude absolue, après avoir été exclu de la Chambre allemande des juristes, privé de son poste de professeur à l'université de Berlin et même de sa bibliothèque personnelle, confisquée et mise au rencart dans des caisses abandonnées ensuite dans une usine désaffectée.
Ex captivitate salus et le Glossarium de Carl Schmitt, le Traité du rebelle d'Ernst Jünger en allemand.
Ayant retrouvé sa liberté, il reprend la rédaction de son journal. Mais il ne le fait pas comme à son habitude, en relatant la chronique de son quotidien en une écriture sténographique difficilement compréhensible. Il utilise désormais une écriture courante, en alphabet gothique, et couche sur le papier des réflexions, des questions, des conversations avec les auteurs qui lui sont les plus proches, Konrad Weiss, Ernst Jünger, Theodor Däubler, citant des textes de lettres envoyées à des personnes qui lui sont encore proches. Un journal qui remonte à 1951, délibérément écrit de manière compréhensible avec l'intention claire de le publier à l'avenir.
Il explique lui-même le sens de ce journal: "Mémoires... Mémoires d'outre tombe ; ou Mémoires de l'au-delà du dèluge (phonétique futuriste....) ; après nous le demontage... Ces mémoires ne sont que de la matière première, des esquisses de livre, des photocopies de palimpsestes... (1)".
C'est ainsi qu'est né le Glossarium. Aufzeichnungen der Jahre 1947/1951. Publié en Allemagne à titre posthume en 1991, il sera édité en Italie en 2011 par Giuffrè editore sous la houlette de Petra del Santo.
Il s'agit d'une œuvre grandiose, d'où émergent sa culture illimitée et la dynamique de sa recherche, orientée bien au-delà de la sphère étroite du droit, dans l'entrelacement continu avec la philosophie, la théologie et l'histoire. Il se confronte à Alberico Gentili, Bodin, Hobbes, de Tocqueville, Donoso Cortès, Kelsen, nous offrant ainsi une lecture parfois difficile en raison de l'ampleur et de la profondeur des références, mais éclairante de l'ensemble de son œuvre, révélant les raisons intimes de sa pensée, de ses convictions, de son être dans le monde de son temps. Et à partir de ces esquisses, notes et réflexions, les thèmes fondamentaux de sa recherche et de son œuvre se dessinent clairement.
Edition espagnole du Glossarium. Il n'existe pas encore de traduction française.
Ce journal confirme bel et bien la distance qu'il a toujours prises par rapport au positivisme juridique qui, avec Kelsen, prônait le rejet du "concept de souveraineté", c'est-à-dire d'une autorité placée en dehors de la norme et capable de légitimer la norme elle-même, l'activité de l'État étant réglée par des normes individuelles qui ne trouvent leur validité que dans l'horizon défini par la constitution. Comme l'explique très clairement Petra Del Santo, éditrice de l'édition italienne, dans l'introduction du livre, Schmitt rejette ces positions qui réduisent l'ordre juridique de l'État à un complexe de formules abstraites et formelles et affirme au contraire qu'une nouvelle norme trouve sa validité non pas dans une autre norme, mais dans une décision prise dans un état d'exception à partir duquel une nouvelle situation de normalité est produite de temps à autre par la décision elle-même.
Sur la guerre
Pour Schmitt, la décision politique et juridique est donc un acte de légitimité qui seul donne sens à la légalité de la simple norme dans un horizon territorial et épocal concret, afin que la communauté puisse l'accepter en y manifestant un consentement libre et spontané.
Schmitt se présente comme le dernier représentant du Jus Publicum Europaeum qui, depuis Albericus Gentili, en passant par Hobbes et Bodin jusqu'à son époque, voyait la guerre comme une activité légitime, une pure expression de la souveraineté de l'État, mais menée selon des règles précises reconnaissant l'ennemi comme égal en dignité. Et avec un ennemi d'égale dignité, on peut s'entendre et passer des accords.
Mais, de 1848 à 1918, le droit international démocratique anglo-saxon s'est immiscé dans les relations entre les États. Il considère la guerre dans une perspective pacifiste et la rejette donc, n'admettant que la guerre juste, menée contre un ennemi injuste. L'ennemi n'est donc plus représenté à travers les catégories de la politique, mais de la morale, devenant inévitablement un fou, un détraqué, un criminel avec lequel on ne peut s'accommoder, mais dont on ne peut que rechercher l'élimination radicale.
Schmitt esquisse et réaffirme ainsi le concept de guerre juste, de guerre humanitaire, cette guerre dans laquelle on retire à l'ennemi le concept d'humanité, pour le placer hors de l'humanité elle-même, se légitimant ainsi à le combattre avec des moyens absolument inhumains. La guerre cesse alors d'être une guerre entre États, pour revêtir sa forme la plus cruelle et la plus sanglante, celle de la guerre civile.
Dans la guerre juste, le vainqueur peut retirer tous les droits à l'ennemi vaincu et s'ériger en juge, transformant le vaincu en criminel, accusé de toutes les fautes et passible de tous les châtiments, comme l'ont montré les procès de Nuremberg et de Tokyo.
Schmitt décrit plastiquement l'horreur d'une telle guerre, fille du pacifisme anglo-saxon, dans la figure de Caton d'Utique, le stoïque défenseur acharné de la République et pour cette raison ennemi irréductible de César, qui préfère se donner la mort pour ne pas tomber entre les mains des hommes de César. Et ce dernier, après avoir vaincu Pompée, célèbre sa victoire en apportant la figure de Caton reproduite en effigie dans son triomphe à Rome: pas de pitié pour l'ennemi, pas de pitié pour l'ennemi qui s'est suicidé, mais, au contraire, l'horreur de ce suicide brandie et exhibée comme une manifestation et un signe de son propre triomphe et de sa propre gloire (2).
Les Dialogues
Le glossaire de Carl Schmitt
Dans sa solitude, Schmitt se sent rejeté et objet de haine : "Maintenant vous êtes nu, nu comme à la naissance, dans l'immensité désolée (3)". Et il se souvient, avec une affection souvent profonde, des personnes qu'il sent encore proches de lui. "Comme je suis seul, avec le pauvre Konrad Weiss" (4). Il dialogue avec les frères Jünger: il voit en Friedrich Georg un expert en mythes vivant "de restes et de rêves bien trop bon marché (5)", avec Ernst il se sent uni dans un même destin : "La colère qui se manifeste contre Le Travailleur d'Ernst Jünger, et peut-être plus encore contre mon Concept du politique, est la colère du directeur d'une station climatique contre le médecin qui diagnostique un cas de peste à cet endroit précis (6)". Il considère Ernst Jünger comme mûr pour le prix Nobel, mais réitère ses réserves à l'égard du Travailleur : "Le Travailleur de Jünger est une stylisation littéraire, non spéculative ; c'est une observation exacte, scientifique et entomologique, il n'y a aucune trace d'ontologie ; une morphologie entomologique des phénomènes historiques avec des résultats aphoristiques (7)".
Il souligne son affinité existentielle avec Vilfredo Pareto (8), il rappelle souvent Aldous Huxley, dont "dans chaque phrase [...] je me suis reconnu et j'ai reconnu ma façon de penser" (9).
Avec sérénité, il évoque la visite bienvenue que lui a rendue Armin Mohler, avec qui il dialogue pour déterminer la fin de la légitimité de la norme, expression de la souveraineté de l'État, désormais balayée par la seule légalité du système libéral. La légitimité ne survit que dans le système communiste à l'Est, mais ce n'est qu'une "légitimité révolutionnaire, capable de justifier toutes les cruautés, de conférer à tous les impérialismes le caractère d'une lutte de libération et à toutes les inhumanités celui d'une mesure au service d'une humanité supérieure, ainsi que de garantir à tout, aux guerres et aux guerres civiles, à la liquidation de classes entières et de populations entières, l'absolution par l'esprit du monde." (10)
"Quand les assassins du Christ vous poursuivront, ne vous imaginez pas que vous trouverez de l'aide auprès de ces intrigants au rictus subjugué" (11).
Parmi les persécuteurs, on trouve de nombreux "revenants" de l'après-guerre, comme Bernanos (un homme qui, ayant émigré à temps, n'ayant pas passé un seul jour en prison, n'ayant jamais connu de bombardement, revient maintenant nous fustiger, nous les Européens, avec ses principes (12)) et Thomas Mann (miracles du mark allemand : Thomas Mann fait à nouveau son apparition en Allemagne ! (13) - Le venin cadavérique de ce cadavre qui ne veut pas mourir me fait frémir, Thomas Mann ! (14)", puis du "vil Maritain" à Henry Miller, "qui a découvert et désigné un nouvel ennemi du genre humain : les amis de la culture classique, les amoureux du passé" (15).
La catégorie fallacieuse de "guerre d'agression"
Quelques lignes, des pensées exprimées dans une synthèse extrême, et Schmitt met une pierre tombale sur toute la rhétorique hypocrite qui condamne la guerre d'agression, rhétorique si bruyante et redondante aujourd'hui: "La meilleure défense, c'est l'attaque". Mais avec l'interdiction actuelle posée derechef contre tout agresseur, c'est plutôt le contraire qui se produit: la meilleure attaque est la défense; l'attaque met en mouvement le système de sanctions proscriptives de la sécurité collective: tout le monde est co-attaqué, et la guerre mondiale juste, globale, peut commencer: il est touchant d'appeler cela une garantie de paix. Orwell en parle déjà dans 1984" (16).
En effet, on oublie trop souvent que "la criminalisation de l'agresseur coïncide avec la légitimation du statu quo. Les anti-agresseurs doivent être d'une stupidité sans nom si même les révolutionnaires peuvent se permettre de participer à cette criminalisation. Qui voit qui, aujourd'hui, signifie : qui, à travers l'objectif, voit qui ; c'est une pure question de choix d'angle. Qui voit qui, c'est moi qui le détermine". (17)
Notes:
(1) Glossaire p. 184 19.4.1948
(2) Cité p. 61 16.11.1947
(3) Schmitt Ex Captivitate Salus p., 81 Glossarium p., 222
(4) Cit. p. 222 5.6.1948
(5) Cité p. 223 9.6.1948
(6) Cité p. 225 10.6.1948
(7) Cité le 3.7.49 p. 351
(8) Cité 23.7.48 p. 255
(9) Cité 1.12.1947 p. 80
(10) Cité 30.7.1948 p. 259-259
(11) Cité 23.4.49 p. 327
(12) Cité le 5.10.48 p. 282/283
(13) Cité 20.5.29 p. 342
(14) Cité 13.8.49 pap. 366
(15) Cité 18.10.48 p. 286
(16) Cité 3.7.49 p. 350/351
(17) Cité 29.5.50 p. 423
17:32 Publié dans Révolution conservatrice, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carl schmitt, révolution conservatrice, livre, théorie politique, politologie, philosophie politique, sciences politiques | |
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Les lacs du Connemara contre Boum-boum, baby : le choc des Titans
Les lacs du Connemara contre Boum-boum, baby : le choc des Titans
Pierre-Emile Blairon
Une jeune et, peut-être, talentueuse chanteuse a récemment défrayé la chronique, comme on dit conventionnellement, en s’attaquant à une chanson du répertoire du chanteur Michel Sardou.
« Interrogée sur la chanson qui pourrait lui faire quitter une soirée, Juliette Armanet n’a pas mis longtemps à répondre. "Trois fois Les Lacs du Connemara, je pense". Avant de développer son avis sur ce célèbre titre intergénérationnel : "C’est vraiment une chanson qui me dégoûte profondément. Le côté scout, sectaire, la musique est immonde… C’est de droite, rien ne va", a étrillé l’interprète de "L’Amour en solitaire[1]".
Nous avons immédiatement pensé que Juliette Armanet, la chanteuse en question, devait avoir de sacrés arguments à opposer à ce monument de la chanson populaire, d’où le titre de notre article. Nous devons avouer que nous n’avions jamais entendu parler de ce probable génie en herbe qui n’hésitait pas à défier l’un des plus grands chanteurs de variétés français. Quelle bravitude ! comme dirait Ségolène.
Derechef, nous nous sommes mis en quête de sa production ; par exemple, une prestation en direct qui nous donnerait une idée de son talent ; nous l’avons découverte dans l’interprétation d’une chanson, une vidéo qui accompagnait un article des Inrocks, en fait, les Inrockcuptibles[2]. Veuillez nous pardonner cette apocope, nous sommes trop « branchés » ; nous avons découvert dans cette vidéo une petite bonne femme qui jouait du piano en s’accompagnant d’une voix haut perché ; malheureusement, nous n’avons pas pu retranscrire le texte auquel nous n’avons rien compris, la donzelle avalant la moitié de ses mots dans ses envolées.
Elle interprétait une chanson qui s’appelle “Solo sur mon île, sur ma plage”, qui est, selon la revue des jeunes macronistes (et autres déjantés conformistes – oui, en même temps) « son titre le plus connu et peut-être le plus emblématique de son style – ce doux mélange de romantisme pur jus, d’écriture ciselée et de jeux de mots dadaïstes. » Tiens, voilà qui nous fait penser à Julius Evola qui fut l’une des grandes figures de cette tendance artistique délibérément révolutionnaire.
On peut parier que la jouvencelle n’a jamais entendu parler du divin baron qui anima le mouvement dadaïste en 1920 et en 1921 et, d’ailleurs, elle aurait été horrifiée en apprenant qu’il demeure le chantre de la Tradition, qui constitue le concept sur lequel elle vomit en abondance.
Elle a encore confié aux Inrocks dans ce même article : « Ce qui m’importe dans une chanson, c’est l’émotion qu’elle procure ».
Diable ! Nous nous sommes donc mis en quête de paroles dont nous avions été privées et nous sommes tombés tout de suite sur ce qui pourrait être vu comme une prouesse absolue (« l’écriture ciselée » dont parlent les Inrocks ?) dont le titre est : Boum, Boum, Baby.
Oui, bon, n’ayons pas de préjugés dès l’abord. Voyons plutôt le texte :
J’veux pas d’chocolats
j’veux pas d’joujoux
Non, non, j’veux juste ce mec-là
Point, c’est tout
J’veux pas d’opéra
J’veux pas d’froufrous
juste ce mec-là
Point, basta
Car il m’fait
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou, hein, oh
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou
Ce love tempo, c'est mon poème, oh, oh, oh
Le plus cool des "je t'aime"
J'veux pas changer d'disque
J'm'enroule en boucle
Give me ce mec-là, ha-ah-ah-ah
Point, basta
Car où que je sois
J'entends dedans, en moi
Mon cœur qui clap
Un feeling qui tapе
Qui fait
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou, ouh-ouh, huh-oh
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou
Cе love tempo, c'est mon poème
Le plus cool des "je t'aime"
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou, ouh-ouh (j'en suis fou, ouh-ouh)
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
Boum boum baby, boum boum baby
J'en suis fou[3] »
Et voilà le travail. Nous en restons bouche bée. Comment avons-nous failli rater un tel chef-d’œuvre ?
Donc, passons au match : à ma gauche, la chanson Boum Boum Baby, représentée par Juliette Armanet et, à ma droite, Les lacs du Connemara[4], défendue par Michel Sardou, qui raconte un mariage en ancienne Irlande.
Voyons les paroles de cette dernière :
Terre brûlée au vent
Des landes de pierres
Autour des lacs, c'est pour les vivants
Un peu d'enfer, le Connemara
Des nuages noirs qui viennent du nord
Colorent la terre, les lacs, les rivières
C'est le décor du Connemara
Au printemps suivant, le ciel irlandais était en paix
Maureen a plongé nue dans un lac du Connemara
Sean Kelly s'est dit "je suis catholique", Maureen aussi
L'église en granit de Limerick, Maureen a dit "oui"
De Tipperary, Barry-Connelly et de Galway
Ils sont arrivés dans le comté du Connemara
Y avait les Connors, les O'Connolly, les Flaherty du Ring of Kerry
Et de quoi boire trois jours et deux nuits
Là-bas, au Connemara
On sait tout le prix du silence
Là-bas, au Connemara
On dit que la vie, c'est une folie
Et que la folie, ça se danse
Terre brûlée au vent
Des landes de pierres
Autour des lacs, c'est pour les vivants
Un peu d'enfer, le Connemara
Des nuages noirs qui viennent du nord
Colorent la terre, les lacs, les rivières
C'est le décor du Connemara
On y vit encore au temps des Gaëls et de Cromwell
Au rythme des pluies et du soleil
Aux pas des chevaux
On y croit encore aux monstres des lacs
Qu'on voit nager certains soirs d'été
Et replonger pour l'éternité
On y voit encore
Des hommes d'ailleurs venus chercher
Le repos de l'âme et pour le cœur, un goût de meilleur
L'on y croit encore
Que le jour viendra, il est tout près
Où les Irlandais feront la paix autour de la Croix
Là-bas, au Connemara
On sait tout le prix de la guerre
Là-bas, au Connemara
On n'accepte pas
La paix des Gallois
Ni celle des rois d'Angleterre
Bien, trêve de plaisanterie. Je laisse la parole à Jacques Revaux[5], qui est, lui, un compositeur de musique subtil et inventif tout autant que l’est le parolier Pierre Delanoë dans son domaine. Pour le grand public, qui ne se préoccupe que très peu de ce qui se passe dans les coulisses et qui ne connaît pas toujours ces hommes et ces femmes de l’ombre qui font la réputation d’un interprète, seul, le nom de Michel Sardou est connu et adoré comme une idole.
Cette chanson, Les lacs du Connemara, est incontestablement la plus aboutie du répertoire français populaire contemporain. La preuve en est qu’elle est plébiscitée par le public en permanence depuis l’année de sa création en 1981.
Mais pourquoi cette haine ?
Pourquoi s’attaquer à cette chanson précisément ? D’abord pour son succès populaire ; les gens de cette gauche mondaine détestent le peuple ; d’ailleurs, pourquoi faire perdurer cette dichotomie malsaine comme le fait Juliette Armanet en tordant la bouche quand elle prononce le mot « droite » ? Peut-être aussi parce que cette chanson porte en elle tous les ingrédients et toutes les valeurs qui ont fait le génie de notre peuple et qui sont à l’exact opposé de toutes les idées « progressistes » et décadentes que nos dirigeants veulent nous imposer.
Même si les paroles de cette chanson font explicitement référence à l’histoire catholique de l’Irlande, la chanson nous renvoie inconsciemment à un passé lointain (tout est relatif) antérieur à l’arrivée du christianisme en Gaule, il y a donc bien plus de 2000 ans. La Gaule ? Quel rapport avec l’Irlande ? Mais les Français d’aujourd’hui ne savent plus, ou ne l’ont jamais su, que nos ancêtres les Gaulois sont des Celtes, et même les plus nombreux de la grande nation celte, sur le territoire le plus étendu de cette ethnie ; nous portons tous en nous ses gènes et notre ADN en est constitué en majeure partie ; nous sommes là bien loin des apports exotiques que nos modernes historiens peinent à exhumer pour faire de la France une nation « métissée », sauf à lui adjoindre la branche italienne des Gaulois, les Insubres au nord de l’Italie qui ont fondé Milan, ou sa branche espagnole, les Celtibères, l’une et l’autre péninsule (italienne et ibérique) ayant constitué majoritairement l’apport soi-disant « étranger » à nos Gaulois français.
Voilà, peut-être, ce qui doit déplaire à notre « artiste », si tant est qu’elle ait une vague idée des origines du pays qu’elle habite.
Car sa réaction épidermique concernant cette chanson - qui consiste simplement à nier farouchement toute trace de passé, d’origine, d’histoire, de nature, vu comme quelque chose de dégoûtant, selon le terme employé par Juliette Armanet - nous amène à nous demander si ce comportement n’est pas annonciateur de l’une des premières phases d’un processus initié par le Système qui, s’inspirant du concept transhumaniste, viserait à la production d’être hybrides, plus tout à fait humains, pas encore complètement robotisés, un peu comme les industriels de l’agroalimentaire produisent des tomates hors-sol, artificielles, qui n’ont plus aucune attache avec le sol ou la nature, nourries d’éléments chimiques et formatées sur un mode uniforme susceptible de plaire au plus grand nombre, avec de jolies couleurs et de jolies formes, mais complètement insipides.
Ces êtres hybrides, uniquement préoccupés de leur petites personnes, attentifs à toutes les nouvelles tendances, emportés comme les feuilles mortes au moindre coup de vent, pullulent déjà dans les quartiers à la mode de Paris ou des grandes villes, et dans les professions et espaces sociaux choyés par nos gouvernants (presse, milieux artistiques, minorités de toutes sortes agressives et revendicatives) car ils servent de relais médiatiques à toutes les injonctions destinées à contraindre ce petit peuple français fait de chair et de sang, et ils servent également de paravent, ou de modèles, aux pires perversions promues et exercées par la caste mondialiste.
Nous ne savons pas quelle est la durée de vie de ces coques vides mais, nous référant aux lois de la nature, nous savons qu’un arbre privé de ses racines meurt dans des délais relativement courts.
Pierre-Emile Blairon
[1] https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/musique-immonde-juliette-armanet-etrille-les-lacs-du-connemara-12-08-2023-MSS7EUTGZFC3FOBH7YBWBGXREQ.php
[2] https://www.lesinrocks.com/musique/juliette-armanet-je-veux-continuer-surprendre-44455-11-07-2017/
[3] Source : Musixmatch. Paroliers : Victor Le Masne / Juliette Anne Solange Armanet. (Il s’y sont mis à deux pour les paroles, sans doute pour compter les boum boum baby)
[4] Source : LyricFin. Paroliers : Jacques Revaux / Michel Sardou / Pierre Delanoë
[5] https://www.facebook.com/BFMTVPeople/videos/307561991741172
16:45 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : michel sardou, juliette armanet, chanson, lacs du connemara, actualité | |
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