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dimanche, 01 juin 2025

Tristan et Iseut et la naissance de l’Occident

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Tristan et Iseut et la naissance de l’Occident

Claude Bourrinet 

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528

L’Occident celtique a porté à un point d’incandescence une mystique de l’existence, mêlant dans des récits lumineux la source païenne à la source chrétienne.

Disons tout de suite qu’il est vain de se demander si les œuvres qui sont nées de cette fusion brûlante furent païennes, ou chrétiennes. Cette dichotomie appartient à l’homme moderne. Les hommes du moyen âge, surtout au XIIe siècle, acceptaient sans trop de trouble les deux canaux de l’imagination. Ils avaient souvent le sentiment d’évoluer dans un univers où se produisaient volontiers des miracles, des « merveilles », et le surnaturel investissait le naturel. Du reste, dans la Bible, les « monstres », les phénomènes étranges ne sont pas rares, surtout si des légendes populaires se sont greffées au corpus judéo-chrétien. Les apparitions de fées, de fantômes, de bêtes bizarres, n’étaient pas considérées comme des phénomènes anormaux. On adhérait avec foi et enthousiasme à des images mentales qui donnaient à l’existence une saveur et une densité que nous avons perdues.

De même ne faut-il pas traduire en langage moderne les conceptions que l’on avait de la mort, de l’amour-passion, des règles sociales. Il est vain de chercher dans les récits de cette époque une matière sociologique pour comprendre les créations qui en auraient résulté. Qu’importe de savoir que les Celtes vivaient et dormaient en commun, dans de grandes salles ! Quelle importance, pour le « sen » (le sens) ?

La vie d’un homme, alors, affleurait au monde de l’au-delà, et l’on ignorait à quel moment il pouvait passer de l’une à l’autre.

Tristan et Iseut est sans aucun doute la légende (« ce qui se lit ») qui cristallise toutes ces tendances.

CVT_Le-roman-de-Tristan_7844-486747020.jpegOn a du roman de « Béroul » (dont on ne sait pas grand-chose, seulement deux occurrences d’un nom : « Berox », aux vers 1268 et 1790) qu’un unique manuscrit amputé du début et de la fin. On suppose même qu’il y eut deux auteurs. On distingue une partie, probablement écrite vers 1165-1170, et une autre, vers 1190.

On notera que c’est la période où écrivit Chrétien de Troyes, qui aurait même commencé ses chefs d’œuvre par un roman del roi Marc et d'Ysalt la blonde, roman perdu.

Pourtant, Chrétien est présumé avoir rejeté l’amour courtois, fondé sur le principe de l’adultère. Serait-ce la raison de la disparition du roman ?

Il est nécessaire de s’interroger sur la nature romanesque de l’œuvre de Béroul.

D’abord, n’oublions pas que tout livre, en ce temps, est lu à haute voix, sa réalité est perçue comme une « performance » orale, peut-être en partie gestuelle (comme des parties de la messe). La voix devait être articulée, le texte, scandé, comme dans une cérémonie, un rituel. De même le souffle devait-il être pris en considération, et accentué. Dans la vision théologique que l’’on a alors, il est d’une importance capitale : le pneuma, le souffle de Dieu, est aussi Verbe, Énergie. Celle-ci insuffle toute la création, qui octroie à la nature, aux êtres, à tout ce qui est, un support. Elle est l'acte (energeia, Ἐνέργεια ), couplée à la puissance (dynamis), et, au-delà du physis, de la natura, permet de fonder sa pensée.

Le cercle des lecteurs (famille, clan, visiteurs) a un rôle primordial dans la mise en scène de la lecture. Il est le réceptacle qui provoque tension, concentration, dramatisation, communion, émotions. L’homme médiéval éprouve une grande sensibilité, parfois hyperbolique. Il devait se passer, lors de lectures telles que celle de Tristan et Iseut, quelque chose d’analogue avec les grand-messes wagnérienne, mais en plus intime, cela va de soi.

Il ne faut surtout pas plaquer sur cette ritualisation du texte les représentations modernes de l’acte de lecture (silencieuse depuis la fin du moyen âge) et de réception modernes. La création de ce second monde qu’engendre le livre n’est pas encore littérature. La littérature naît quand l’acte de lire devient individuel, et orienté vers la conscience du lecteur, qui produit dans sa conscience singulière, par un acte qui mêle la graphie et l’imagination, un univers de substitution à sa propre vie. Les représentations qui naissaient de la lecture, au XIIe siècle, avaient de grande chances d’être communes. La question touche à la fonction de cette « construction », qui ressemble à celle de Dieu faisant surgir du néant, par le Verbe, la Création. La vision de cette dernière n’a fait, au fil du temps, que se réduire, comme peau de chagrin, à la mesure de cet atome qu'est l’individu.

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Les « romans » (récits en langue romane, faut-il le rappeler ?), à l’origine, ne sont pas des objets triviaux. Il est même permis de penser qu’ils se situent à la frontière entre le profane et le sacré. C’est le cas de ceux de Chrétien de Troyes. Sa dernier œuvre, Le Conte du Graal, est un récit initiatique. Le Graal fait office d’idéal, de finalité d’un pèlerinage aux sources de la vie, qui est esprit, mais aussi d’emblème de tout un courant mystique qui, au fond, ne s’est pas encore éteint, puisque le thème de la Queste guide encore d’innombrables récits, même aujourd’hui.

Le Roman de Tristan et Iseut, à ce titre, est d’une perfection jamais égalée. Beaucoup le considèrent comme le symbole et le début de la civilisation occidentale, par son élan vital puissant allié à la pulsion de mort la plus radicale, ainsi que par sa fascination océanique de l’infini et de l’amour. Par lui, on atteint les sommets de l’âme enlacée au corps, au seuil de l’éblouissement divin, qui les emportent en effaçant, par l’extase, toutes les oppositions qui meurtrissent l’existence terrestre. Comme l’écrit Marcel Schneider, auteur d’un splendide « Wagner », aux éditions du Seuil, « d’une main qui n’a pas tremblé, [Tristan et Iseut] ont tracé la courbe de la passion la plus aventureuse, la plus destructrice et la plus pure. Amour et mort, corps et âme, destin et volonté, Dieu et ses créatures, tous les contrastes ont été réunis à jamais, une fois pour toutes – et jamais plus. »

Il est fascinant de suivre les traces de cette merveille dans la littérature. De la Princesse de Clèves à Manon Lescaut, du Rouge et le Noir à Carmen, d’Atala aux romans de Gracq, en passant par Nadja et les surréalistes, si l’on s’en tient au domaine français, on trouve l’amour et la mort, la vacuité tragique de la vie et l’aspiration à l’infini, la confrontation au monde mesquin de ce que les adeptes de la Fin’amor appelaient les Losengiers, les jaloux, les mesquins, les « vieux ».

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Et, bien évidemment, le Mage de Bayreuth est sans doute celui qui en a retrouvé, à la perfection, l’âme.

Cependant – et nous laisserons de côté les versions qui suivirent celle de Béroul, au XIIIe siècle, et qui sont en quelque sorte des dégradations trop humaines du mythe, Wagner a changé ce qui constitue probablement l’épisode capital de la légende. Dans la version princeps de Béroul, la servante Brangien  se trompe, et verse dans la coupe le philtre d’amour, destiné au roi Marc et à la fiancée que lui mène Tristan, au lieu d’un breuvage inoffensif, infusant ainsi aux héros l’amour-passion et la mort. En revanche, pour Wagner, l’amour est né dès le premier regard. Il humanise, psychologise le mythe. Or, nous savons, nous, comme les Indiens, que le hasard est toujours l’instrument préféré des dieux. Le coup de dés est aussi le coup de la grâce. Un André Breton le savait bien, qui en fit le fil aventureux de la Quête surréaliste, et un leitmotive de son beau roman, Nadja.

Offensive écowokiste au quotidien

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Offensive écowokiste au quotidien

par Georges Feltin-Tracol

Aux temps bénis de la « gauche plurielle » sous la troisième cohabitation (1997 – 2002), la députée apparentée socialiste de Guyane, la pétulante Christiane Taubira, fit adopter ce 21 mai 2001 par un Parlement une fois encore à plat ventre sa fameuse loi sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Cette loi ignore pourtant les ravages de l’esclavage arabo-musulman en Afrique et en Méditerranée. Elle a aussi incité à des poursuites judiciaires contre des chercheurs universitaires. Un quart de siècle plus tard, la politicienne guyanaise doit être fière de son œuvre puisque l’esclavage prend maintenant une élasticité sémantique surprenante.

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À la mi-avril, les réseaux sociaux relaient une pétition qui concerne la commune de Questembert dans le Morbihan en Bretagne. Ce texte polémique dénonce l’usage par la mairie de chevaux de trait (photo). En effet, deux juments, Havane, sept ans, et Gladez, huit ans, réalisent des tâches d’utilité publique. Quatre heures par jour, elles tirent le chariot de ramassage des déchets ménagers, participent au débardage des espaces publics communaux et transportent les enfants pour leurs activités péri-scolaires.

Cela fait une quinzaine d’années que la municipalité bretonne, conduite aujourd’hui par l’édile divers-gauche Boris Lemaire, emploie dans la vie courante la traction équestre. Cette pratique n’a pas attiré l’attention de la SPA ou de la Fondation Brigitte-Bardot. C’est désormais terminé avec la pétition controversée qui a déjà recueilli 25.000 signatures.

Son auteur, Serge Buchet, sapeur-pompier à la retraite, n’est pas à son coup d’essai. En décembre 2023, à travers une autre pétition, il exigeait l’interdiction de la pêche et de la vente de poissons pour le loisir dans les établissements Décathlon en Loire-Atlantique voisine. 16.000 individus l’avaient approuvé ! Le délégué municipal à la condition animale, au développement durable et à l’environnement de la commune de Rochefort-en-Terre (Morbihan) trouve « insupportable que l’on puisse encore faire travailler des animaux en 2025. […] Bien sûr que c’est une forme d’esclavage. Est-ce que l’animal est consentant pour faire ce travail ? Nul ne peut le dire en fait ». Dans un reportage filmé, il affirme qu’« on utilise des méthodes ancestrales au nom d’une écologie pour faire des travaux pour les humains ». En réponse à cette réclamation ubuesque, une contre-pétition n’a pour l’heure rassemblé que 12.000 signatures…

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Outre ses fonctions d’élu local, Serge Buchet se présente aussi en co-référent départemental du parti REV. Fondée en 2018, REV ou Révolution écologique pour le vivant fréquente les activistes français de Sea Shepherd de Paul Watson avant son éviction de sa propre organisation, d’où une orientation anti-spéciste très marquée. Nouvelle déclinaison wokiste du féminisme hystérique, l’anti-spécisme prône l’égalité entre toutes les formes de vie (humaine, animale, végétale, voire minérale) sur Terre. Cet égalitarisme contraste avec la conception païenne de co-appartenance des organismes vivants symbiotiques dans un environnement holiste et pluriversel. Émanation laïcisée du monothéisme, l’anti-spécisme contredit par conséquent la diversité naturelle bien qu’il s’affiche « diversitaire ».

Favorable à l’abolition progressive des frontières, aux migrations, à un revenu d’existence mensuel de 2000 euros et à vingt heures de travail hebdomadaire, REV milite pour l’interdiction de la chasse, de la pêche et de l’élevage animal destiné à la viande. N’oublions pas que ces dernières années, des sympathisants écowokistes ont manifesté de façon plus ou moins agressive devant les boucheries traditionnelles gauloises. Ils épargnent en revanche les boucheries cachère et hallal. Pourquoi cette distinction qui frise le fait discriminatoire? Il est toujours étrange que ces individus qui ne cessent de revendiquer de nouveaux droits individualistes, veuillent proscrire d’antiques habitudes alimentaires. Leur défense du vivant s’arrête cependant à leur soutien frénétique à l’avortement. Non aux abattoirs, oui aux avortoirs ! Quel paradoxe ! La défense du vivant serait-elle ainsi limitée ? La vie d’un insecte vaudrait-elle plus que celle d’un fœtus ? Hostiles avec raison aux OGM, les écolowokistes encouragent toutefois les HCM (humains chimiquement modifiés). Les individus en transition sexuelle prennent une lourde thérapie hormonale afin de changer leur organisme. Curieux, non ? Si encore ils se réclamaient de l’excellente pensée du docteur Alexis Carrel, ils seraient cohérents. Or ils vomissent l’œuvre et la personne de ce bienfaiteur du pluralisme humain.

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Le président de la REV n’est autre que le médiacrate Aymeric Caron (photo). Il siège au Palais-Bourbon en tant que député apparenté à La France Insoumise. Élu au second tour en 2022, il est réélu dès le premier tour en 2024 dans la 18e circonscription de Paris à cheval entre les IXe et XVIIIe arrondissements, une contrée hautement rurale, agreste et forestière comme tous les Parisiens le savent…

Partie prenante de la NUPES (Nouvelle union populaire, écologique et sociale), puis du NFP (nouveau front populaire), REV voudrait transformer le Sénat en chambre des espèces et des espaces naturels. Ses membres seraient des élus tirés au sort, des responsables d’ONG et des hauts-fonctionnaires et nullement des chats, des chenilles et des chênes. Bien que repeinte en vert, l’idée fait penser à la Chambre des corporations…

Ces divers exemples démontrent l’inconséquence de l’écowokisme. Des pseudo-écolos contestent la place de la voiture, s’élèvent contre les machines automatisées, rêvent de décroissance économique, mais ils dénigrent aussi l’action des chevaux. Si des humains faisaient le même travail, ils hurleraient à la résurgence de l’esclavage et du fascisme. Ces pitres pervertissent et détournent l’écologie politique fondamentalement païenne, identitaire et traditionnelle. Leur objectif immédiat demeure une recherche avide de la lumière médiatique. N’est-ce pas un trouble à l’ordre public immatériel ?

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REV organise chaque année une université d’été nommée « UniREVcités ». Fin août 2024, elle se tenait à Ouches non loin de la sous-préfecture septentrionale du département de la Loire, Roanne. Aymeric Caron et ses acolytes y invitèrent l’ineffable Philippe Poutou. Le trotskysme déviant et fluide se diluerait-il dans l’anti-spécisme ? Des agriculteurs et des chasseurs remontés contre les élucubrations de ce groupuscule n’hésitèrent pas à bloquer le rassemblement. Aymeric Caron protesta contre cette supposée atteinte à sa liberté de réunion. On ne l’entend guère quand ses compères, les nervis gauchistes, empêchent la tenue de conférences de l’Opposition nationale, populaire, sociale, identitaire et européenne. Dans la chaleur estivale, les manifestants anti-REV brandissaient des pancartes sur lesquelles on lisait: « Sauvez un paysan, mangez un végan ! » Si un jour, REV accède au pouvoir, cette saillie deviendra certainement une réalité. On en salive déjà.   

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 158, mise en ligne le 27 mai 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Primauté de la politique étrangère ou de la politique intérieure?

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Primauté de la politique étrangère ou de la politique intérieure?

Choisis ton primat(e) préféré !

Dimitrios Kisoudis

La primauté de la politique étrangère est le primat préféré de la droite. Il dit qu'il faut agir en politique étrangère pour changer l'état de son pays. La 'primauté de la politique intérieure' (Eckart Kehr), le primat préféré de la gauche, dit que la politique étrangère n'est que l'échappatoire de la politique intérieure. Ceux qui se préparent à la guerre veulent rassembler les classes contre la classe ouvrière et étouffer la révolution en l'attaquant de l'extérieur.

Pendant plus d'un demi-siècle, les nationalistes et les libéraux se sont creusé la tête pour savoir sur base de quelle constitution il fallait fonder la nation allemande. C'est alors que Bismarck fonda la nation par l'extérieur avec les guerres d'unification. C'est cette solution gordienne que Heinrich von Treitschke et d'autres nationaux-libéraux, corrigeant l'erreur du mouvement libéral, ont transformée pour promouvoir la primauté de la politique étrangère. L'impérialisme qui s'ensuivit rassembla les citoyens et les ouvriers derrière les objectifs de la création d'une flotte de guerre capable de défier l'Angleterre. Question: pour empêcher la révolution prolétarienne ou pour faire de l'Allemagne une puissance mondiale ?

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En 1895, le planificateur de cette flotte, Alfred Tirpitz, donna la priorité à la politique étrangère : « La situation mondiale montre le danger qu'il y a de voir notre empire s'éloigner de sa position de grande puissance au cours du siècle à venir, si l'ensemble de nos intérêts maritimes ne sont pas énergiquement, sans perte de temps et systématiquement, poussés en avant ». Il lia cette primauté, dans un deuxième temps, à la politique intérieure : « De cette façon, on crée en même temps le meilleur moyen pour contrer la social-démocratie, tant celle qui est instruite que celle qui demeure inculte; et, ainsi, la seule richesse excédentaire que l'Allemagne possède dans sa production humaine est mise à profit, alors qu'elle menace maintenant tantôt de nous étouffer, tantôt d'être perdue par l'émigration ou de renforcer nos concurrents ».

La mentalité de droite n'aurait jamais compris que l'on puisse se préparer à la guerre pour réduire les classes inférieures. L'accroissement de la gloire et du pouvoir passait naturellement avant le calme et l'ordre. La gauche socialiste pensait certes différemment, à partir du concept de la lutte des classes. Soit selon la vision anti-impérialiste que le capital ne poursuivait pas un intérêt unique à l'échelle mondiale, tout en le tournant vers l'impérialisme, qu'adopterait plus tard l'Union soviétique, elle aussi, était déjà inscrite dans les astres. Primauté de la politique intérieure ou extérieure ? La question est la suivante : les conditions d'un éventuel changement se trouvent-elles plutôt à l'intérieur ou à l'extérieur ? La question ultérieure et évidente est alors la suivante : où se trouvent donc les conditions de la situation actuelle ?

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L'idéologie d'État de la République fédérale d'Allemagne est un produit des conférences organisées par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, un produit de ce que l'on souhaitait donner comme mentalité aux Allemands après deux guerres mondiales. En tant que consensus capitaliste-communiste, cette mentalité a déterminé l'ordre d'après-guerre régi selon l'ONU. Lorsque la soi-disant réunification a été réalisée sous la forme d'une adhésion de la RDA à la RFA et à l'OTAN, la variante occidentale de la religion pan-humanitaire a pris le dessus sur les promesses de la lutte des classes. La migration de masse et la dissolution des différences entre les sexes ne peuvent pas en être dissociées. C'est pourquoi elles ont pris leur essor après la chute du mur de Berlin, et sont devenues l'expression quasi majeure des "valeurs occidentales".

Pouvons-nous donc changer l'ordre intérieur en interpellant les citoyens sur les problèmes de politique intérieure: criminalité des immigrés, paupérisation, etc. Ou devons-nous passer par la politique étrangère, car les conditions de cet ordre sont indissolublement liées à la position du pays dans les relations entre les puissances mondiales ? Mon primat(e) préféré est la primauté accordée à la politique étrangère. C'est pourquoi je dis que la voie du changement ne peut passer que par la politique étrangère. Même si l'Occident devait baisser d'un cran dans le wokisme, les présupposés de celui-ci restent trop profondément inscrits dans son ordre.

L'anti-discriminationnisme (affirmative action/diversity) était pour ainsi dire une idéologie d'État aux États-Unis dans la seconde moitié du 20ème siècle. Elle est inscrite tant dans la législation que dans la jurisprudence. L'exceptionnalisme américain n'est pas lié au principe de différence, mais à celui de l'égalité. Une suprématie de nature conservatrice qu'exerceraient Etats-Unis sur l'Europe est une chose impossible. C'est ce que postule de facto l'antagonisme entre puissance terrestre et puissance maritime. La base du 19ème siècle conservateur était l'alliance entre l'Europe centrale et la Russie. Et même sous les auspices du communisme, la Russie a imposé plus tard un ordre qui a certes conduit au déclin de l'économie, mais qui a laissé les peuples intacts dans leur existencialité.

Pour réorienter l'Allemagne, il faut s'insérer dans la constellation changeante des puissances mondiales. L'Europe est actuellement séparée du continent eurasien par un coin enfoncé dans son flanc. Le conflit entre les Etats-Unis et la Chine est modéré par des deals, mais tend vers le piège de Thucydide (Graham T. Allison) en raison d'une logique hégémonique propre. Ce n'est qu'une fois ce conflit survenu que la possibilité d'un tournant pour l'Allemagne existe. L'Allemagne, comme la France, sera alors confrontée à la question suivante : allons-nous nous laisser entraîner dans le déclin ? Ou bien prononçons-nous le mot que Charles de Gaulle et Gerhard Schröder ont déjà dit : Non ! En attendant, il faut attendre et siroter son thé.

Les "primates" de droite, qui préconisent le primat de la politique intérieure, avancent d'abord l'argument de la communication : les gens ne réagissent pas aux discours de politique étrangère, car ces problématiques sont trop éloignées de leur vie quotidienne. Il faut donc se contenter de la politique intérieure pour mobiliser les gens. Mais pour exploiter les conditions réelles/potentielles du changement, peu importe ce que les gens veulent entendre ou non. La vérité est qu'il n'y aura jamais de rémigration pour des millions d'hères dans un bloc occidental, fût-il MAGA. En feignant la toute-puissance en politique intérieure, on peut tout au plus dissimuler l'impuissance en politique extérieure, mais non la surpasser. En réalité, ce n'est qu'une question de temps avant que nous verrons la rhétorique exaltée de la politique intérieure se mettre au service d'une politique étrangère erronée. Si elle ne s'y trouve pas déjà.

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Hans von Seeckt (photo), Karl Haushofer ou Carl Schmitt ont défini quelles devraient être conditions d'une politique étrangère allemande souveraine. Elles se situent dans l'union de l'Europe centrale, de l'Eurasie et de l'Asie. A première vue, ces conditions semblent difficiles à remplir. Comment pouvons-nous changer les rapports de force en Europe, dans le monde, si notre horizon s'arrête à notre propre circonscription électorale ? Ne semble-t-il pas plus simple, après une victoire électorale, de mettre de nombreux immigrés dans des avions et de les expulser ? Non. Il est toujours plus facile de changer l'ordre dans un monde qui se réorganise en le ré-agençant à nouveau que de réaliser son contraire au sein d'un ordre sans pouvoir modifier la répartition matérielle du pouvoir.

La droite politique menace aujourd'hui de se zombifier. Sur une scène plus large, elle se laisse parfois entraîner en politique étrangère par des aigreurs intérieures qui viennent de la rue et devraient y rester. On peste contre la Turquie, un acteur émergent à la charnière de l'Europe et de l'Asie, parce que l'on voit trop de kebabs dans la ville. On exige un durcissement vis-à-vis de l'Iran parce qu'on ne peut pas faire la différence entre chiites et sunnites ou entre Perses et Arabes. Chaque besoin de nature inférieure se voit attribuer une utilisation posée comme supérieure. Les conditions d'un éventuel changement deviennent ainsi irréalisables.

On pourrait maintenant dire : je divise ma mise et je mise ici sur l'extérieur, là sur l'intérieur. Je suis alors sûr de gagner. Premier problème : on joue ainsi avec des tricheurs, qui ont la partie plus facile parce que le casino est capable de brouiller ses cartes. Du point de vue de la politique étrangère, les fronts de la politique intérieure sont transversaux. Deuxième problème : les deux primautés entraînent des stratégies fondamentalement différentes. Le primat de la politique intérieure crie : les étrangers dehors ! Il évoque ainsi une confrontation entre Allemands et immigrés. Le prix du changement n'interviendra que lorsque la spirale de la répression aura été franchie et surmontée. Et si ce n'est pas le cas ?

La primauté de la politique étrangère tient compte du rôle que les migrants sont susceptibles de jouer dans le scénario de changement politique mondial. Ainsi, elle saisit dialectiquement la migration comme une possibilité. Ensemble, nous faisons de l'Allemagne ce qu'elle peut être dans un monde multipolaire. Car ce monde-là est mentalement proche pour de nombreux migrants. Si l'on divise la mise, on s'expose à une double répression et on risque de perdre, même si une partie du pari est gagnée. Si l'on n'ose miser qu'une seule fois, un autre jeu se met en place. Avec d'autres joueurs et d'autres règles. Le temps de la décision arrive. A chacun de choisir son primat préféré !

Merz s'en va-t-en guerre...

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Merz s'en va-t-en guerre...

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/merz-va-alla-guerra/

Le pâle et évanescent Chancelier allemand Merz fait la grosse voix.

Il veut le réarmement allemand. Pour affronter la Russie de Poutine. Et l’anéantir.

Ça ferait déjà rire, rien que pour ça. Merz est le chancelier le plus faible de toute l’histoire allemande.

Le seul, depuis la Seconde Guerre mondiale, qui a été élu de justesse et seulement lors du second tour.

Et dont la position repose sur une “majorité” qui fait déjà rire rien que parce qu'on la nomme ainsi.

Avec des “franc-tireurs” internes à sa propre CDU, prêts à l’abattre à la moindre occasion.

Naturellement, par un scrutin secret. Parce que ces choses-là se font, mais ne se disent pas.

Et, en plus, il n’a même pas le physique, la présence d’un hypothétique Führer. Il n’est certainement pas un nouveau Bismarck, qui, d’ailleurs, considérait comme pure folie toute idée de faire la guerre aux Russes.

Et il n’est même pas un Hitler nouveau, alors que le Hitler historique, qui a mené une telle guerre en y laissant sa peau.

Certes, il avait de très nombreux défauts, cet Hitler-là. Mais il avait aussi une stature politique bien autre que celle du pauvre Merz.

Et, puis, les Allemands de l’époque étaient très différents.

Il y a eu les Prussiens, les Junker, la SS… faites votre choix dans le catalogue des antiquités allemandes... Et comparez-les aux Allemands d’aujourd’hui. Surtout ceux qui ont été élevés dans la douceur de cette très confortable Allemagne de l’Ouest.

Imaginez-les devoir faire face à un conflit direct avec les Russes.

Avec les Tchétchènes, les Yakoutes, les Sibériens… et aussi avec les Nord-Coréens, et peut-être même avec les Chinois…

Allons, soyons sérieux… C'est inimaginable.

En fait, c'est tout bonnement impensable.

Peut-être qu’il reste encore un peu de la combativité germanique chez les Allemands de l’Est.

Curieusement, cependant, tout l’Est est contre Merz.

Il a voté à l’unisson pour l’AfD, et ne veut pas de guerre…

Et Merz tente de mettre hors jeu l’AfD en la qualifiant de “Nazie”.

Donc, est-ce le chancelier fade qui délire ?

Peut-être en partie… mais, surtout, c’est le reflet déformé, altéré, des véritables intentions, et donc des véritables intérêts, de Merz et de son entourage.

Qui ne peuvent être rattachés à un vieux nationalisme allemand, ni même à une résurgence du national-socialisme hitlérien.

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Ce sont plutôt les liens profonds et indissolubles du Chancelier avec les grandes “banques” financières internationales. Comme BlackRock, dont il provient.

Tenter d’interpréter cette Chancellerie et ses (apparentes) velléités guerrières est profondément erroné si l’on utilise les critères du passé.

Ce n’est pas la grande Allemagne qui est son rêve. Ni même le Quatrième Reich. Et, peut-être, n’est-il pas un homme capable de rêver.

Il sert simplement des intérêts financiers. Les mêmes qu’il a toujours servis.

Et il utilise les débris de l’ancien nationalisme allemand uniquement pour masquer la réalité.