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samedi, 16 septembre 2023

La variable arménienne : le gaz et le pétrole au centre des tensions (mondiales) sur le Haut-Karabakh

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La variable arménienne: le gaz et le pétrole au centre des tensions (mondiales) sur le Haut-Karabakh

par Fabrizio Poggi

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/26322-fabrizio-poggi-la-variabile-armena-gas-e-petrolio-al-centro-delle-tensioni-mondiali-sul-nagorno-karabakh.html

Alors que débutent les manœuvres militaires arméno-américaines, qui dureront jusqu'au 20 septembre, les relations entre l'Arménie et la Russie se détériorent davantage. Le Premier ministre Nikol Pašinjan oriente de plus en plus ses choix vers l'ouest, à la recherche de soutiens, alors que l'Azerbaïdjan concentre depuis plusieurs jours des troupes à la frontière arménienne et le long de la ligne de partage du Haut-Karabakh, aggravant le blocus de la République et rendant la situation alimentaire des Arméniens de l'Artsakh désespérée. En effet, Erevan, au mépris des accords tripartites de cessez-le-feu Moscou-Erevan-Bakou de novembre 2020, avait continué à envoyer vers l'Artsakh des marchandises non couvertes par les accords, via le "corridor humanitaire de Lacine", si bien que Bakou avait fermé l'artère, sauf à autoriser désormais (mais ce n'est pas clair) le transit de certains produits de première nécessité.

Ainsi, en quête de soutien, ces derniers jours, et ce en l'espace de 24 heures, Pašinjan, pour annoncer son intention d'entamer des pourparlers urgents avec le président azerbaïdjanais Il'kham Aliev, avait fait sonner les téléphones d'Antony Blinken, d'Emmanuel Macron, d'Olaf Scholz, du président iranien Ebrahim Raisi et du premier ministre géorgien Irakli Garibašvili ; mais pas celui de Vladimir Poutine.

En revanche, note l'agence de presse REX, aux cinq premiers dirigeants, le premier ministre arménien a réitéré son respect des accords d'octobre 2022 à Prague et de mai 2023 à Bruxelles, tout en taisant soigneusement l'accord de paix de novembre 2020 qui, avec la médiation de Moscou, avait mis fin au second conflit du Karabagh.

Bref, très récemment, les relations entre Erevan et Moscou ont bel et bien fait des pas de géant : mais dans le mauvais sens.

Deux jours après l'interview sordide de Pašinjan dans La Repubblica, le 3 septembre, Erevan a retiré son représentant de l'ODKB ; en réponse à la proposition russe de déployer une mission de l'ODKB en Arménie, Pašinjan a opté pour une mission de l'UE, après avoir déclaré à La Repubblica que le contingent russe de maintien de la paix ne garantirait pas la sécurité des Arméniens et que Moscou s'apprêtait même à se retirer du Caucase du Sud. Puis, le 6 septembre, Erevan a confirmé les manœuvres conjointes "Eagle Partner 2023" avec les Yankees sur le territoire arménien, après avoir refusé d'accueillir les exercices ODKB. Le même jour, la compagne du Premier ministre apporte une "aide humanitaire" à Kiev sous la forme d'équipements électroniques "neutres" - pas vraiment : des téléphones portables et des tablettes !

En fait, Moscou n'a pas l'intention d'abandonner une région aussi vitale que le Caucase du Sud ; c'est plutôt l'Occident qui, par le biais de manœuvres "diplomatiques" arméniennes, cherche à déloger la Russie du Caucase. Aujourd'hui, sentant de nouveaux nuages s'accumuler entre Erevan et Bakou, et accusant Moscou d'"inaction", Pashinjan entend se décharger sur la Russie d'une probable débâcle arménienne et, dans le même temps, se débarrasser de la garnison russe en Arménie et du contingent russe de maintien de la paix en Artsakh, où, entre autres, après la démission d'Arajk Arutjunjan, Samvel Šakhramanjan, pas vraiment un fidèle d'Erevan, a été proclamé président le 9 septembre dernier.

Le politologue Jurij Svetov rappelle qu'en 2020, c'est l'Arménie elle-même qui a reconnu les frontières de 1991 et que depuis, à plusieurs reprises, Pašinjan (qui est arrivé au pouvoir, rappelons-le, sur la vague d'une nouvelle "révolution colorée") a déclaré que le Haut-Karabakh était un territoire azerbaïdjanais. En janvier et novembre 2021, Poutine, Pašinjan et Aliev ont à nouveau convenu de créer une commission chargée de démilitariser la frontière azerbaïdjanaise et de rétablir les liens commerciaux. En octobre 2022, les trois dirigeants, évaluant l'état des déclarations adoptées en novembre 2020 et en janvier et novembre 2021, ont réaffirmé leur engagement en faveur d'une ligne pacifique dans les relations Erevan-Bakou. Une nouvelle réunion tripartite a eu lieu en mai de cette année, et Poutine et Pašinjan se sont rencontrés à nouveau en juin.

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C'est dans ce contexte que Paris s'intéresse à la région depuis quelques mois: tout en se proposant, sans trop de fanfare, comme intermédiaire entre Erevan et Bakou - le ministre arménien de la Défense Suren Papikjan s'est rendu à Paris en juin dernier - elle continue de faire ses affaires principalement avec la France: TotalEnergie et SOCAR extraient du gaz sur le site d'"Apšeron", dans le secteur azerbaïdjanais de la mer Caspienne.

Mais il n'y a pas que du gaz dans la région. L'Arménie n'est pas riche en pétrole, contrairement au Haut-Karabakh. Par conséquent, on peut se demander si l'orientation pro-occidentale de Pašinjan, qui blâme Moscou pour une "inaction" fictive du contingent russe de maintien de la paix dans la défense des Arméniens de l'Artsakh, et ses "appels" à l'Occident, ne sont pas le prix à payer pour céder le Karabakh et son pétrole aux capitaux occidentaux. Ainsi, parallèlement à la ratification du protocole de Rome (le mandat d'arrêt émis par la soi-disant "Cour pénale internationale" contre Vladimir Poutine) par le parlement d'Erevan, les médias officiels arméniens ont commencé à répandre des rumeurs sur la présence fantôme de 12.000 "Wagnériens" qui, sur ordre de Moscou, tenteraient de renverser Pašinjan. Il est difficile de deviner l'origine de telles rumeurs mais, note Aleksandr Chausov dans Novorosinform, à bien y réfléchir, elles constitueraient un alibi valable pour exiger qu'à l'issue des manoeuvres de septembre, quelques dizaines de milliers de soldats de l'OTAN soient stationnés en Arménie.

Car, à y regarder de plus près, si Moscou n'a aucun intérêt à détériorer ses relations avec Tbilissi ou Bakou (et, par voie de conséquence, avec Ankara, dont la doctrine à l'égard de l'Azerbaïdjan est très explicite : "Deux pays, une nation"), en s'engageant dans un conflit dans la région, qui rendrait complexes des relations même amicales avec Téhéran, alors, à l'Ouest, il ne serait pas mauvais d'ouvrir un second front au sud de la Russie.

Paris, par exemple, affecté par la série de bouleversements dans les pays africains riches en ressources essentielles à l'industrie française, pourrait convoiter le pétrole de l'Artsakh, visé de plusieurs côtés depuis au moins 1987 : c'est-à-dire la période où l'Azeri "AzGeologija" avait réalisé sa première exploration réussie et qui, par coïncidence, coïncidait avec les premiers éclats de la crise militaire au Nagorno-Karabakh. Aujourd'hui, ce pétrole tente Bakou, qui pourrait le transférer à l'Ouest via la Turquie, mais surtout à l'Ouest lui-même, via l'Arménie. Or, rappelle M. Chausov, c'est précisément la France qui a bloqué l'entrée de la Turquie dans l'UE il y a une vingtaine d'années, en reconnaissant le génocide arménien et en proclamant officiellement qu'Ankara n'était pas digne d'adhérer pour, ça va sans dire, "régression en matière de démocratie et de droits fondamentaux". En d'autres termes, dans toute cette affaire, ce ne sont pas seulement des intérêts français "anti-russes" mais surtout "anti-turcs" qui transparaissent: ou plutôt "pro-pétrole".

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Il est donc difficile d'exclure un plan de Nikol Pašinjan visant à mettre les ressources naturelles de l'Artsakh entre les mains de Paris et de l'Occident. Ce n'est pas une coïncidence, dit Chausov, que déjà en 2020, feu Evgenij Prigožin avait mis en garde Erevan contre l'admission des États-Unis dans ses affaires et, ce qui est pour le moins intrigant, on se demande pourquoi, dans les mêmes heures où l'avion du "chef d'orchestre" s'est écrasé, un autre jet privé de "Wagner" s'est envolé de Moscou à Bakou, après quoi les fibrillations antirusses ont commencé à Erevan.

Le gaz azerbaïdjanais, disait-on. Selon les données d'Eurostat, le pourcentage de pétrole que l'UE reçoit de la Russie a chuté de 29 à 2 % et celui du gaz de 38 à 13 % en très peu de temps, tandis que les approvisionnements en provenance d'Algérie, de Grande-Bretagne et de Norvège et, par conséquent, d'Azerbaïdjan, le long du corridor gazier méridional, ont augmenté.

Sur Izvestija, Ksenija Loginova se demande donc si Bakou parviendra à prendre à Moscou des parts substantielles des marchés européens du gaz. Entre-temps, les livraisons azerbaïdjanaises à la Hongrie ont déjà augmenté et, d'ici le quatrième trimestre 2023, Budapest recevra 100 millions de mètres cubes de gaz, en plus des 50 millions qu'elle a l'intention d'acheter pour ses propres gisements. Depuis la Hongrie, le gaz azerbaïdjanais transite déjà vers la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et l'Italie. En avril dernier, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie ont signé ce que l'on appelle "l'anneau de solidarité" (auquel ont également adhéré la Serbie et la Bosnie-Herzégovine), afin d'utiliser les ramifications internes pour augmenter les volumes de gaz passant par le corridor sud. L'UE elle-même déclare officiellement, et pas pour l'instant, son intérêt pour l'expansion des approvisionnements azerbaïdjanais, et si elle a encore reçu 8 milliards de mètres cubes de gaz en 2021, la perspective est d'atteindre 20 milliards d'ici 2027.

Mais entre-temps, les rapports sur les concentrations de troupes azerbaïdjanaises, arméniennes et iraniennes aux frontières relatives entre les trois États se multiplient, et plusieurs observateurs craignent l'implication d'acteurs dangereux tels que l'UE et même Paris de manière directe. En effet, les manœuvres de Nikol Pašinjan contre les forces intermédiaires russes font de plus en plus le jeu des acteurs occidentaux.

Parution du numéro 67 de War Raok

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Parution du numéro 67 de War Raok

EDITORIAL 

Union dans l’action et dans les esprits   

La situation actuelle de la France nous autorise à esquisser quelques sourires moqueurs, et nous ne sommes pas, nous Bretons, les seuls à regarder notre plus proche voisin sombrer lentement, s’affaiblir et devenir de plus en plus effacé face aux nouveaux grands de ce monde ! Quand on est faible et que l’on veut se faire passer pour puissant on prend un air vaniteux, on se montre même prétentieux, on mène des opérations de prestige qui prennent malheureusement des proportions tout à fait pathologiques. L’État français en est coutumier depuis plusieurs années et, dépité, il souffre d’un besoin névrotique de grandeur. Conscient de l’artifice de son existence, il se croit dans la nécessité de provoquer un sentiment de supériorité autour de ses réalisations qu’il qualifie de grandioses… et, comme d’habitude, il sombre dans un ridicule assez douloureux !

Oui, le bateau France prend l’eau ! Nous, Bretons, pourrions nous réjouir de ce déclin, de cette déliquescence, nous ravir de voir le pays des « Droits de l’Homme », pays qui nie l’existence de notre peuple, de notre nation, ce pays qui nous prive de nos libertés et de nos droits nationaux, qui embastille les peuples basque, corse, catalan, flamand, alsacien, occitan… se perdre et s’abîmer. Eh bien non. Laissons notre voisin gérer son naufrage et les problèmes qu’il s’est créés, pensons à notre Bretagne, épargnons à notre peuple les cruels événements qui font entrevoir l’abîme et arrêtons une gangrène qui se profile inéluctablement.

Faut-il quitter le bateau ? La réponse est évidente ! La société française est malade, touchée et faussée dans ses assises… Alors sauvons la Bretagne. Mais pour cela, un minimum d’unité, d’union politique devient une question de vie ou de mort. Les Bretons, dans leur grande majorité, s’en rendent compte par moments, pour retomber tout de suite après dans leur individualisme, faute d’une certitude qui devrait les engager et déterminer leur conduite. Pourquoi leur « mauvaise conscience » n’est-elle pas devenue conscience et conscience opérante ? Pourquoi les appels à l’union sont-ils restés sans prise sur les partis bretons ?  Pourquoi l’impératif de l’union des forces politiques bretonnes n’a-t-il trouvé, sur peu de plan, les instruments aptes à faire valoir son exigence et à entraîner la Bretagne sur la voie de l’émancipation ?

Les raisons sont multiples. Tout d’abord, l’union n’a pas trouvé son instrument « intellectuel ». Union ne signifie pas juxtaposition, ni alignement comme le souhaiteraient certains, mais synthèse, analyse permettant de découvrir, pour chaque élément de la réalité bretonne ainsi dénombrée, le coefficient permettant de le situer suivant son poids spécifique et de reconstituer cette réalité dans ses articulations concrètes. Attention toutefois à ne pas s’épargner l’effort d’identifier le meilleur point d’application en vue des buts à atteindre.

L’union n’a pas trouvé non plus son instrument « moral ». Dans cette carence, l’intelligence a sa part de responsabilité. On se satisfait bien souvent d’une fausse analyse et l’on finit par se contenter de programme approximatif aux dépens non seulement de l’efficacité mais aussi du caractère. On accepte toute abdication d’une véritable pensée nationaliste devant les raccourcis dialectiques de l’action… La cohérence entre la pensée et l’action se trouve ainsi compromise ce qui désarme les consciences et les livre au désarroi. Il faut, une fois pour toute, mettre à l’écart, se débarrasser et dénoncer les sectaires, idéologues, imposteurs et autres arrivistes qui s’opposent constamment à toute initiative d’union ainsi que leurs travers pernicieux. Ces gens ne travaillent malheureusement pas pour la Bretagne !

Enfin, l’union n’a pas trouvé son instrument « politique », c’est-à-dire avoir une vue d’ensemble de tous les éléments de la vie nationale bretonne permettant de les articuler suivant leur importance et leur conformité aux intérêts du peuple breton.

Pour conclure, une véritable union nationale bretonne se doit de faire la part du présent et de l’avenir, assurer, à travers les nécessités, la sauvegarde des intérêts permanents de la Bretagne, tels qu’ils sont déterminés par son histoire, sa géographie et par les valeurs mûries dans sa civilisation.

Padrig MONTAUZIER.

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SOMMAIRE WAR RAOK N° 67

Spécial été : 52 pages

Éditorial, page 3

Buan ha Buan, page 4

Géopolitique : Conflit en Serbie et au Kosovo ?, Page 13

Notre Europe :L’Europe, la mort ou la capitulation, page 15

Tribune libre : L’activisme écologiste et utopique..., page 17

Billet d’humeur : La “substitution ethnique" dans la société fluide, page 19

Société : Un enseignement enraciné, page 20

Religion : Christianisme orthodoxe et chrétienté celtique, page 22

Hent an Dazont

Votre cahier de 4 pages en breton, page 24

Histoire : Géopolitique de la Bretagne, page 29

Symbole sacré : La roue celtique, page 33

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Tradition : La tradition indo-européenne chez les Celtes, page 35

Plantes et santé : Ti al louzoù … aujourd’hui, page 37

Terre de Celtie : Cornouailles : une identité celtique qui perdure, page 39

Civilisation celtique : Littératures écrites et orales des civilisations celtiques, page 44

Nature : Les sauterelles, Grillons, criquets, courtilières, page 47

Lip-e-bav : L’artichaut breton farci, page 49

Keleier ar Vro : La Bretagne défigurée, page 50

Bretagne sacrée : Les rochers sculptés de Rothéneuf, page 51

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Parution du numéro 465 du Bulletin célinien

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Parution du numéro 465 du Bulletin célinien

Sommaire:

Jean Fontenoy et Céline

Bibliographie : les témoignages  - Les souvenirs du cuirassier Pavard

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Billevesées

Inénarrable Benoît-Jeannin ! Dans un article sur les manuscrits retrouvés, il revient sur son admiration passée pour Céline. Elle fut écornée, confie-t-il, par sa rencontre avec un normalien qui lui affirma, au mitan des années soixante, « témoignage de son oncle à l’appui, que Céline était loin d’être le “médecin des pauvres” qu’il prétendait ».  Durant sa carrière médicale, le docteur Destouches a essentiellement travaillé dans des dispensaires de la banlieue ouvrière (Clichy, Sartrouville, Bezons). Sa patientèle était donc composée de gens pauvres.  Pourquoi diable faut-il remettre ça en question? Mais Benoît-Jeannin ajoute : « J’avais depuis longtemps fait la part des choses et j’en étais arrivé à ne plus supporter le personnage qui avait affabulé toute sa vie. » Et de conclure gauchement : « Bref je n’étais plus célinien. » Admirable ! Reprocher à un romancier d’affabuler est d’une nigauderie patentée. D’autant que Céline n’a cessé de mythifier son personnage, ayant fait de sa vie la matière romanesque de son œuvre. Benoît-Jeannin affirme aussi qu’il était le « chouchou des autorités allemandes d’occupation ». Faux : les Allemands révéraient Claudel, Montherlant, Giraudoux, Chardonne. Pas Céline. Exception notable : Karl Epting. En 1942, Bernhard Payr, érudit littéraire nazi, publie un ouvrage sur l’état de la littérature en France. Il y juge sévèrement Céline qui « a remis en question à peu près tout ce que l’être humain a produit de valeurs positives et l’a traîné dans la boue. » Et lui reproche, cela va de soi, son « langage ordurier ». Ce docteur en philologie n’était pas n’importe qui : il dirigeait l’“Amt Schrifftum” (dépendant de l’Office Rosenberg), instance de surveillance de ce qui s’éditait en Allemagne et dans les pays occupés. Telle était la position officielle des nationaux-socialistes à l’égard de Céline.

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À la suite de Philippe Alméras et d’Odile Roynette, Benoît-Jeannin met en doute la validité de la réforme dont Louis Destouches bénéficia en décembre 1915. Or les archives médicales sont formelles : sa blessure au bras provoqua une paralysie qui prédominait sur l’extension des doigts de la main droite. On a même décelé une “dégénérescence” de son nerf radial au niveau de la main. Le Dr Loisel, qui a étudié la question, précise qu’il ne pouvait rigoureusement plus effectuer le geste fin d’actionner une gâchette. Le cuirassier était donc inutilisable au front. Roynette était au printemps dernier l’invitée d’une discussion télévisée sur Céline¹. Elle n’a pas craint d’affirmer que “l’esprit de la Résistance” s’est incarné dans le sauvetage des manuscrits. Elle ne dit pas s’il s’est incarné dans la disparition des œuvres de Degas et de Gen Paul qui se trouvaient aussi dans l’appartement… L’historienne fait également sienne l’affirmation de Taguieff selon laquelle Céline fut un agent des services de renseignements allemands. Émile Brami, qui participait également à ce débat, a rétorqué que, selon lui, on ne peut pas accuser quelqu’un d’un fait aussi grave sans apporter des preuves. Et d’affirmer, ce que nous savions déjà, que Taguieff sollicite les documents. Ce n’est pas défendre Céline que de rétablir les faits,  ce qui n’excuse en rien  les actes ou écrits dont il est réellement coupable.

• Maxime BENOÎT-JEANNIN, « Céline’s War » in Que faire ? [Bruxelles], n° 5, novembre 2022, pp. 83-96 (20 €)

  1. (1) Émission « Les Cinq livres » de Pierre Assouline : “Que faire de Céline ?”, avec Émile Brami, Odile Roynette et Philippe Roussin, Akadem, 25 mai 2023 [https://akadem.org/magazine/les-cinq-livres-librairie/que-faire-de-celine/46767.php]

Nick Land, pensée occulte

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Nick Land, pensée occulte

Par Alexander Markovics

La démocratie libérale doit être remplacée par une monarchie néocaméraliste dirigée par un PDG, l'homme fusionne avec la machine pour devenir un surhomme, la magie du temps des sorcières des mers du Sud fait partie de la réalité - autant de contenus d'un nouveau livre qui laissera probablement nombre de ses lecteurs perplexes. Il est écrit par un homme qui a souvent écrit sous l'influence de drogues et qui est enthousiaste quant aux possibilités offertes par la technologie et le capitalisme, allant même jusqu'à vouloir les pousser jusqu'à éliminer l'homme comme obstacle à leur développement.

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Dans les pays anglo-saxons, il est sans doute l'un des plus hostiles et des plus diabolisés de notre époque : il s'agit du philosophe, transhumaniste et écrivain britannique Nick Land (né le 17 janvier 1962), généralement considéré comme le père de l'accélérationnisme. Il s'agit d'un courant de philosophie politique qui, loin de vouloir démanteler ou abolir le capitalisme, souhaite au contraire l'exacerber et l'accélérer afin de libérer le progrès, qui semble s'être arrêté - voir la thèse de Francis Fukuyama sur la fin de l'histoire - du poids de l'universalisme (libéral de gauche) et de pouvoir le propulser vers de nouveaux sommets. Jusqu'à présent, les thèses de Land n'étaient pas disponibles en allemand (et ne le sont pas davantage en français), à l'exception d'articles isolés dans des recueils publiés par la maison d'édition post-marxiste Merve. Mais cela va changer avec le volume "Okkultes Denken" (Pensée occulte), publié par Matthes & Seitz à Berlin, qui rassemble des articles écrits par le Britannique controversé entre 1991 et 2019.

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Il retrace le parcours intéressant de Land: A l'origine disciple de Heidegger - il rédige sa thèse sur le traité de Heidegger intitulé Le langage dans le poème de 1953 - Land a évolué, sous l'influence du marxiste mystique George Bataille, d'un membre de l'establishment libéral de gauche à l'université de Warwick, où il a enseigné la philosophie continentale (c'est-à-dire tous les courants de la philosophie européenne qui échappent à la philosophie analytique anglo-saxonne) jusqu'en 1998, en association avec la féministe Sadie Plant et d'autres post-marxistes, il est d'abord devenu un prédicateur du cyborg/surhomme-machine dans le cadre de la CCRU - la Cybernetic Culture Research Unit.

Au sein de ce groupe, Land ne se contentait pas de livrer des performances saturées de drogues dans le cadre de discours - il s'est par exemple roulé sur scène, possédé par "l'esprit d'un serpent" - mais il mêlait l'occultisme, la science-fiction, la cybernétique et la schizo-analyse féministe de Deleuze et Guattari en un amalgame singulier. Grâce à ce que l'on appelle l'hyperstition, ses textes sont censés faire apparaître et parler dans la réalité des entités fictives telles que les Anciens Dieux de l'univers horrifique de Lovecraft et la magie temporelle lémurienne.

Ceux qui sourient ou se prennent la tête à la lecture de ces lignes ne doivent pas oublier que cette folie fait partie de la critique de Land contre la philosophie et la raison occidentales, qu'il méprise profondément, tout comme toute forme de transcendance. Comme d'autres promoteurs du courant de "l'ontologie orientée objet" et du réalisme spéculatif qu'il a inspirés, il part de l'idée d'Emmanuel Kant de la chose-en-soi, des noumènes, des objets qui existent en dehors de notre perception, et rejette toute idée de Dieu, qu'il critique comme un mécanisme de contrôle de l'homme. Les monstres et les objets évoqués par Land ne sont explicitement pas au service de l'homme, mais le décomposent pour faire émerger un autre monde, le technocosme, dans lequel rien n'est donné mais tout est produit.

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Ainsi, la pensée occulte du philosophe britannique ne suit pas un courant de pensée totalement nouveau, mais prolonge plutôt les "Lumières obscures" définies par l'autoritarisme et l'inégalité, dont il considère Thomas Hobbes comme l'ancêtre. La liberté et la démocratie sont incompatibles - c'est la formule de base de la pensée que Nick Land a développée avec le philosophe et développeur de logiciels américain Curtis Yarvin (également connu sous le nom de Mencius Moldbug) et son courant de la "néoréaction" (NRx). La démocratie s'autodétruisant par la corruption qui lui est inhérente, Land propose l'instauration d'une monarchie néocaméraliste, dotée d'actionnaires et dirigée par un PDG, comme une entreprise.

En prenant exemple sur des cités-États autoritaires comme Singapour et Dubaï, la concurrence démocratique serait ainsi éliminée, tandis que l'efficacité de l'État et la sécurité seraient massivement améliorées. Cela devrait limiter la corruption et garantir une gouvernance aussi efficace que possible - car quelle entreprise n'agit pas pour satisfaire ses clients et augmenter ses profits ? Ceux qui n'aiment pas cela n'ont qu'à aller dans un autre pays, selon la vision des deux penseurs influencés par les cercles high-tech occidentaux de la Silicon Valley.

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Enfin, l'hyperracisme de Land consiste en une attaque frontale de l'idéologie libérale de gauche et de son obsession de l'égalité par ce Britannique excentrique résidant à Shanghai, qui appelle à une amélioration de l'être humain par manipulation de l'ADN et par techniques bioniques, à l'issue desquelles il n'y aura plus de Blancs, d'Allemands ou d'Européens, mais des hommes avec des tentacules faciaux. Le livre de Nick Land est donc un exemple intéressant de la manière dont on peut continuer à penser le postmodernisme en mettant l'accent sur le côté obscur des Lumières et en menant l'occultisme de l'Occident vers une fin abyssale. En tant que patriote, il faut toutefois être conscient qu'au bout de cette pensée, il n'y a pas de retour à la tradition comme chez Alexandre Douguine, mais un monde où les démons règnent en maîtres.

Forte augmentation de l'immigration légale de main-d'œuvre en Hongrie

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Forte augmentation de l'immigration légale de main-d'œuvre en Hongrie

Nick Krekelbergh

Source: Nieuwsbrief Knooppunt Delta, n°182, septembre 2023

Une politique stricte en matière de réfugiés ...

Pendant près d'une décennie, la Hongrie a été considérée par de nombreux identitaires et nationalistes d'Europe occidentale comme le pays guide prééminent en Europe, qui prouverait que des politiques de droite, conservatrices et critiques à l'égard de l'immigration sont effectivement possibles. Pour eux, le gouvernement de Viktor Orbán est synonyme de souveraineté nationale, de valeurs conservatrices (chrétiennes) et, surtout, d'une approche ferme et proactive de l'immigration clandestine. Lorsque la grande crise des réfugiés a éclaté en 2015, la politique hongroise était plutôt considérée comme l'antithèse du "Wir schaffen das" d'Angela Merkel. En tant que pays frontalier de l'Union européenne et de l'espace Schengen, la Hongrie a donc été confrontée à un afflux très important de migrants illégaux qui voulaient transiter vers l'Allemagne par la route des Balkans. En réponse, une clôture de 175 km de long et de 4 m de haut a été construite à la frontière avec la Serbie.

Un peu plus tard, ce fut le tour de la Croatie, pays de l'UE mais situé en dehors de l'espace Schengen. Une nouvelle loi sur l'asile prévoit également un raccourcissement de la période d'examen de chaque demande d'asile. Si les demandeurs d'asile originaires de pays tels que la Syrie, l'Irak ou l'Afghanistan avaient traversé des pays considérés comme sûrs, les Hongrois pouvaient également rejeter ces demandes. Par la suite, le parlement hongrois s'est également opposé au plan européen de dispersion, en vertu duquel des centaines de milliers de réfugiés seraient dispersés dans les États membres en fonction de certains quotas de redistribution. Au cours des années suivantes, le gouvernement hongrois a continué à lutter bec et ongles contre l'accueil de demandeurs d'asile en provenance d'autres pays de l'UE. Des refoulements cordiaux ont également été mis en place à la frontière.

Cette politique migratoire stricte a été largement applaudie par les conservateurs européens et américains, parmi lesquels Viktor Orbán a même atteint le statut de personne-culte et qui n'étaient que trop heureux de fermer les yeux sur le fait que leur "héros anticommuniste" des années 1980 (Orbán a commencé sa carrière en tant que "militant de la démocratie" à la fin de la guerre froide) faisait entre-temps de bonnes affaires économiques avec leurs deux ennemis héréditaires traditionnels, la Chine et la Russie. Les autres pays d'Europe centrale, les pays dits de Visegrád, ont soutenu l'exemple hongrois, l'initiative le long de la frontière hongroise et ont fait front commun contre les quotas de redistribution européens. Mais cette politique a également gagné beaucoup de crédit auprès du peuple hongrois lui-même. Malgré l'union de la quasi-totalité de l'opposition sur une même liste, le parti Fidesz a obtenu une "super majorité" au parlement lors des élections de 2022, ce qui lui permet de faire passer n'importe quelle loi sans avoir à chercher des partenaires dans d'autres partis.

... mais : "C'est l'économie, idiot !"

La création par le parlement hongrois, le 13 juin dernier, d'un nouveau statut juridique pour les "travailleurs invités" originaires de pays extérieurs à l'Union européenne aurait donc été un coup de tonnerre pour beaucoup, si ce n'est que nos médias n'en ont guère fait état. Au total, 135 députés ont voté pour, 47 contre et 10 se sont abstenus. Les nouvelles règles permettent aux travailleurs originaires de pays extérieurs à l'Union européenne de séjourner en Hongrie pendant plus de 90 jours, à condition qu'ils puissent présenter des documents de voyage en bonne et due forme, qu'ils disposent d'un endroit où loger, qu'ils gagnent leur vie et qu'ils satisfassent aux exigences de sécurité. Les travailleurs invités sont autorisés à rester dans le pays pour une durée maximale de deux ans, avec la possibilité d'une prolongation d'un an, et ils peuvent soumettre à nouveau leur demande de séjour dans le pays à la fin de la période de trois ans.

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Ferenc Almássy (photo), rédacteur en chef du blog d'information conservateur franco-hongrois Visegrád Post, interprète cette évolution dans son article d'opinion intitulé "La chute de l'immigration légale". Selon lui, l'immigration n'a pas été un problème en Hongrie pendant longtemps. Au contraire, après la chute du communisme, c'est l'émigration structurelle qui a posé problème, entraînant la disparition d'une partie importante de la main-d'œuvre du pays. La crise des réfugiés de 2015 a marqué un tournant symbolique dans la perception populaire, les pays d'Europe centrale ayant remporté la première bataille contre l'Union européenne, malgré les mécanismes d'extorsion financière employés par Bruxelles dans le processus. Mais la croissance économique de ces dernières années et la forte pression exercée par les grandes multinationales ainsi que par l'UE mettent en lumière un autre phénomène : la migration légale de main-d'œuvre.

Almássy souligne délicatement que la Pologne, partenaire de Visegrád, a accordé pas moins d'un million de visas à des citoyens non européens d'ici 2021. C'est trois fois plus qu'en France ! En Hongrie, ce chiffre est beaucoup plus faible, mais il a tout de même triplé en 2021 par rapport à l'année de crise de 2015 (de 20.000 à 58.000). L'Europe centrale est-elle donc confrontée à un rattrapage accéléré dans le processus de "repeuplement" ? Selon M. Almássy, il existe une nuance importante pour l'instant : la majorité des travailleurs migrants sont actuellement des Ukrainiens, ce qui répond à certains schémas historiques profondément enracinés. "Il est évident que les Ukrainiens sont en tête de liste des immigrants légaux qui viennent travailler. S'agissant d'une population assez proche culturellement, moralement et ethniquement, notamment en Pologne, les problèmes posés par cette immigration restent limités. De plus, dans toute l'Europe centrale, il existe une tradition de cohabitation avec les autres groupes ethniques de la région. Il n'est donc pas choquant que des communautés ukrainiennes se forment ici et là ou que des quartiers deviennent ukrainiens". Cependant, cela ne change rien au fait que "le nombre de visas délivrés par la Pologne et la Hongrie à des pays tels que le Viêt Nam, l'Inde, le Bangladesh, la Turquie, l'Azerbaïdjan, la Chine, l'Égypte et la Corée du Sud a explosé. On voit également de plus en plus d'Arabes et d'Africains dans les centres-villes des capitales d'Europe centrale". En particulier, les entreprises à la recherche d'une main-d'œuvre bon marché et dépourvue de droits sociaux, telles que les sociétés de taxis et de coursiers, font figure de "pompes aspirantes", selon Ferenc Almássy.

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L'opposition hongroise s'agite. László Toroczkai (photo) était, jusqu'à la mi-2018, membre de la direction du parti nationaliste Jobbik et, pendant trois mandats, maire de la ville frontalière d'Ásotthalom, qui se trouvait dans la ligne de mire des routes migratoires. Lorsque le Jobbik a pris une orientation plus libérale pour conclure un pacte électoral contre le Fidesz avec les partis de gauche, il a fondé le parti Mi Hazánk, particulièrement populaire auprès des jeunes et qui recueille aujourd'hui environ 10% des suffrages. Dans une interview accordée à Breizh-Info, il déclare : "Le parlement hongrois vient d'adopter une nouvelle loi favorisant l'immigration dite légale. Cela montre que le gouvernement Orbán recherche un afflux de main-d'œuvre bon marché, tout comme d'autres gouvernements européens. Nous rejetons fermement cette idée, car elle ne sert que les intérêts des grandes multinationales. Il n'est pas nécessaire d'investir là où les grandes entreprises ne paient pas ou très peu d'impôts grâce aux avantages qu'elles reçoivent des gouvernements, tout en remplaçant la population autochtone de ces pays, tout cela parce que les multinationales ont besoin d'une main-d'œuvre bon marché pour maintenir les salaires à un niveau peu élevé. Des millions de personnes souffrent et des nations disparaissent pour que ces capitalistes puissent gagner des milliards en plus des milliards d'euros ou de dollars qu'ils gagnent déjà".

Nick Krekelbergh

Sources d'information:

Le Parlement approuve une nouvelle catégorie d'emploi pour les travailleurs invités. Dans : About Hungary, 14 juin 2023 - https://abouthungary.hu/news-in-brief/parliament-approves-new-category-of-employment-for-guest-workers

Ferenc Almássy, Le Piège de l'Immigration légale. Dans : Deliberatio, 26 juin 2023 - https://deliberatio.eu/fr/opinions/le-piege-de-limmigration-legale

László Toroczkai : "Orbán fait massivement appel à la main d'œuvre étrangère en Hongrie" [Interview exclusive]. Dans : Breizh-Info, 9 juin 2021 - https://www.breizh-info.com/2023/06/09/221138/laszlo-toroczkai-orban-fait-massivement-appel-a-la-main-doeuvre-etrangere-en-hongrie-interview-exclusive/

Chine archéofuturiste

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Chine archéofuturiste

Carlos X. Blanco

Peut-on réconcilier Confucius (qui serait né en 551 av. J.-C. et mort en 479 av. J.-C.) et Marx (1818-1883) ? En Chine, c'est possible. La République populaire de Chine au 21ème siècle les a miraculeusement et étonnamment réunis.

Est-il logique de combiner l'éthique de l'ordre, de la vertu, de la méritocratie et de la culture de l'inégalité naturelle de l'homme (au profit de l'homme et de la société) avec Marx ? C'est-à-dire combiner Confucius avec une praxis révolutionnaire visant à vaincre le capitalisme, avec le progrès techno-scientifique et le contrôle de l'usure. Dans la Chine d'aujourd'hui, c'est possible, et même nécessaire. Méritocratie, vertu, hiérarchie et pragmatisme, le tout au service d'un État impérial qui a surmonté la lutte des classes et promeut la prospérité socialiste à outrance.

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Ce livre de Yao Yang nous montre comment cette "synthèse" entre l'éthique confucéenne, fondatrice de la civilisation chinoise, et le socialisme marxiste-léniniste a été possible et essentielle. Le terme idéal serait certainement (pour paraphraser le regretté Guillaume Faye) : archéofuturisme. Les dirigeants communistes chinois ont su mener à bien une synthèse archéofuturiste. Le même genre de synthèse que, mutatis mutandis, les Européens devraient faire mais que, par lâcheté et colonisation américaine, ils sont totalement incapables de faire.

"L'archéo, l'ancien, oui, mais pas le vieux et le périclité, mais le classique et le fondateur. Ce qui nous relie aux racines, et celles-ci à la terre nourricière. Pour les Chinois, Confucius. Pour l'Europe, Aristote ou Saint Thomas. Et commun à tous les peuples: le respect et l'amour des traditions, des anciens, de l'identité. S'abreuver à leurs sources toujours limpides, les sources de la tradition, pour reprendre des forces et s'élancer vers de nouveaux horizons. Les sources du passé (le passé de chaque peuple) nous catapultent vers l'avenir.

Le "futurisme", le nouveau et l'avenir. Réveiller les identités ancestrales, ce qui n'est pas collectionner des momies dans des tombes sombres, mais susciter des modes d'éthique plus fondateurs que n'importe quel fragment d'ADN ou n'importe quelle mesure crânienne, plus efficaces que tous les discours doctrinaires et nostalgiques.

Les Chinois se sont occidentalisés au 20ème siècle. Ils le reconnaissent eux-mêmes, ils l'acceptent, ils ne le nient nullement. Qu'ils apprennent la leçon chinoise, typique des grands réalistes et pragmatiques, que ces indigénistes ridicules, dont beaucoup portent des noms de famille et des teints asturiens, montagnards et biscayens, prennent une leçon. Que les "réparateurs" noirs qui obligent leurs semblables à s'agenouiller devant eux à la moindre occasion prennent une leçon. Que les pleurnichards qui ne cessent de geindre et de dire "l'Espagne nous vole" prennent note. Les Chinois ont été occidentalisés sous la faucille et le marteau, le drapeau rouge et le livre - non moins rouge - de Mao. Les Chinois ont été occidentalisés par la dialectique hégélienne et les chiasmes tordus et alambiqués de Marx, des matérialistes et des "progressistes". Les révolutionnaires asiatiques ont apporté l'industrie, l'électricité, la science moderne, l'abolition des classes sociales et mille autres choses, toutes nées et conçues dans l'esprit des Européens. Ils se sont occidentalisés, mais n'ont semblé abjurer que momentanément leurs origines millénaires chinoises, totalement chinoises. Aujourd'hui, la puissance destinée à dépasser l'empire yankee est prête à s'abreuver à ses immenses sources indigènes. En d'autres termes, une leçon d'archéofuturisme.

Cette occidentalisation a-t-elle donné lieu à une réaction indigène, à un rejet de toute idéologie ou mentalité qui leur était étrangère ? Pas du tout. Le professeur Yao Yang, l'un des plus grands économistes et penseurs actuels de la puissance émergente, rallié à la "nouvelle gauche" chinoise autour de Xi Jinping, estime que la clé réside dans une sinisation du socialisme.

Marx sinisé - qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l'on s'éloigne des approches doctrinaires. Il s'agit d'une sorte de mentalité pragmatique qui n'a rien à voir avec l'opportunisme ou le cynisme, comme la propagande sinophobe veut parfois le faire croire. Elle est liée à l'"archéo-éthique" propre à la Chine, si profondément enracinée dans le substrat collectif de cet immense peuple de milliards de citoyens. L'archéo-éthique confucéenne nous dit que les idées, en elles-mêmes, ne valent pas grand-chose si elles ne sont pas mises à l'épreuve de manière graduelle et mesurée. C'est l'archéo-éthique qui nous rappelle que les murs contre les barbares sont désormais construits grâce à la haute technologie et à la haute efficacité de chaque travailleur, soldat, entrepreneur ou fonctionnaire. Il s'agit de parvenir à une bonne répartition des richesses (rural-urbain, centre-périphérie, parti-populaire...) en supposant que la lutte des classes est aujourd'hui heureusement éteinte.

Les Chinois d'aujourd'hui sont eux-mêmes une leçon pour le monde. Ils ne financent pas de coups d'État ou de révolutions de couleur. Ils ne pensent qu'à faire de bonnes affaires entre eux. Contrairement aux transactions commerciales avec les Anglo-Américains, les Mahométans et les "partenaires" européens (c'est-à-dire les Francs et les Allemands), qui sont si minables, les transactions commerciales avec les Chinois ne sont pas toujours du type "l'un gagne, l'autre perd". Il s'agit souvent d'accords mutuellement avantageux. Pour l'un plus que pour l'autre, mais avantageux pour les deux parties dans de nombreux cas. Ils en savent déjà beaucoup à ce sujet en Afrique, en Amérique latine et ailleurs. Les Chinois négocient avec des dictateurs, et alors ? Ils ne jugent pas: si un peuple veut des dictateurs, c'est son choix. Un empire chinois n'est pas un empire anglo-saxon: supprimer des dictateurs et en installer d'autres, ce n'est pas de l'économie, c'est de la prédation et de l'ingérence. L'empire chinois, devenu un État socialiste de marché hautement technologique, est un empire civilisateur, pas un empire pirate. Son rôle géopolitique ne peut être que multipolaire et constructif: de nouvelles règles doivent être générées sur l'échiquier mondial. Celles-ci doivent inclure la non-ingérence dans les régimes et les traditions de chaque peuple.

Mais revenons à l'essai de Yao Yang. Le lecteur trouvera dans ces pages une auto-perception plus que curieuse de l'éthique fondatrice de la Chine. Une vision de son peuple, de son histoire et de sa projection dans l'avenir qui heurte de plein fouet la propagande raciste anglophone sur le civilisation chinoise. Cette propagande, si répandue dans le cinéma, présente les Chinois comme un peuple indolent, semi-civilisé, habitué à vivre sous le despotisme et, tendanciellement ou instinctivement, collectiviste. Selon les circonstances du moment, des traits similaires ont été utilisés pour qualifier les Hispaniques, les Russes, les Africains, etc., c'est-à-dire les peuples et les empires qui ont opposé une résistance à l'impérialisme anglo-saxon. Cela suffit à nous mettre sur nos gardes. Mais contre les clichés de la propagande anglo-yankee, contre la caricature du petit Chinois à nattes, servile mais rusé, robot indifférencié face à une masse égalitaire, captive des despotes, masse qui par son nombre représentait déjà le "péril jaune", notre auteur, Yao Yang, invoque un peuple individualiste (mais profondément enraciné dans la famille et la communauté locale). Un peuple raisonnable, pragmatique, éduqué à la vertu... La philosophie germanique, si puissante et profonde, est également tombée dans le piège des clichés "occidentaux": Nietzsche et Spengler, mais aussi notre Ortega (dans ce qu'il avait de germanique et d'"européiste") ont écrit des paragraphes lamentables sur les Chinois, qui nous ont éloignés de la vérité.

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Le professeur Yang nous surprend avec un portrait du Chinois d'aujourd'hui, un véritable archéofuturiste, un type d'homme qui, au nom du progrès techno-scientifique que lui et son peuple sont les seuls à mener, se veut l'héritier de Confucius et le participant d'une "révolution" pacifique qui appelle à l'éducation et à la dignité matérielle de tous les hommes. Il réclame de nouvelles règles du jeu sur l'échiquier mondial, des règles qui bannissent définitivement la prédation anglo-saxonne. L'auteur nous surprend en parlant d'un Confucius qui était déjà, à l'époque axiale, au Vème siècle avant J.-C. !, un vrai libéral, un libéral plus libéral que l'esclavagiste et persécuteur des catholiques appelé Locke ! Si l'on entend par libéral celui qui revendique une éthique de la personne au service des autres par le biais du perfectionnement de soi, on commence à se comprendre...

Pendant que les universités de l'Occident collectif pourrissent et mijotent dans leur propre graillon (études de genre, pédagogie, mémoire historique et autres pseudo-sciences), les centres d'élite asiatiques lancent chaque année des millions de diplômés hautement qualifiés, comme les soldats d'une immense armée, des armées et des armées de cerveaux aptes à la transformation du monde.

L'Espagne prépare son autodestruction, qui passe par l'explosion de ce qui fut sa belle machine éducative de granit construite sous le régime franquiste, une machine éducative dont il ne reste plus rien. L'Espagne avait réussi à endiguer l'eau et à réserver les cerveaux pour les temps difficiles. Suite à l'avènement de la Constitution de 1978, les barrages qui contenaient l'idiotie ont été rompus et l'ont maintenue à distance. Aujourd'hui, l'idiotie nous submerge et nous étouffe. La Chine a pris la direction la plus opposée que nous puissions imaginer: la culture de l'excellence académique, professionnelle, de la fonction publique et techno-scientifique. Bien sûr, au lieu d'un tas de ferraille de partis politiques parasites et charognards, ils ont un Parti-Timonier. Le PCC dirige la nation et est lui-même une école de dirigeants.

L'essai récemment publié par les éditions Letras Inquietas, (La nouvelle philosophie politique chinoise de Yao Yang, https://www.letrasinquietas.com/la-nueva-filosofia-politica-china-de-yao-yang/) est une grande opportunité pour tous ceux d'entre nous qui aspirent à une certaine sinisation de l'Europe et de l'Espagne, aujourd'hui si exangues et misérables.

 

12:22 Publié dans Actualité, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, livre, chine, asie, affaires asiatiques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook