« Je me souvins de ma visite à la Godafoss, dans le nord de l’Islande, en juin 1947.
On m’avait dit que quelque temps après l’an 1000, un homme nommé Thorgeir, qui était un «godi» — un prêtre des dieux nordiques — dans la région de Ljosvatn, au nord de l’Islande, devint un chrétien. Et que, comme démonstration spectaculaire de son allégeance à la nouvelle foi étrangère — et peut-être, dans son esprit, comme un «exemple» — il avait pris les images des anciens dieux et les avait publiquement jetées dans la chute d’eau de la rivière Skjalvantaflyot, connue depuis lors sous le nom de Godafoss: la Chute d’Eau des Dieux.
Profondément émue, je m’étais rendue sur les lieux, et je me tenais devant la chute d’eau et je pensais à ces dieux — Odin, et Thor, et Baldur le Beau et les autres, que mes ancêtres vikings adoraient jadis — gisant, depuis plus de neuf cents ans au fond des eaux glacées de la Skjalvantaflyot, attendant l’aube des temps nouveaux, la grande Renaissance Païenne; nous attendant nous, m’attendant moi. J’avais apporté avec moi un papier sur lequel j’avais copié les paroles que le poète français Leconte de Lisle avait mis dans la bouche d’un dieu nordique s’adressant au doux Jésus, venu pour renverser son pouvoir:
… Tu mourras à ton tour:
J’atteste par neuf fois les Runas immortelles.
Tu mourras comme moi, Dieu des âmes nouvelles,
Car l’homme survivra! Vingt siècles de douleurs
Feront saigner sa chair et ruisseler ses pleurs
Jusqu’au jour où ton joug, subi deux mille années
Fatiguera le cou des races mutinées;
Où tes temples, dressés parmi les nations,
Deviendront en risée aux générations;
Et ce sera ton heure!
–Leconte de Lisle, Poèmes Barbares, «Le Runoïa»
Mon bras droit tendu vers l’Orient, j’avais récité ces vers, et ensuite jeté le papier dans la cataracte grondante. Et ensuite — bien que je n’avais pas encore repris espoir; bien que le désastre [de 1945] avait, à mes yeux, retardé, peut-être pour des années et des années, la grande Renaissance païenne de mon rêve — j’avais parlé aux anciens dieux. «Dieux du Nord, frères des dieux védiques que l’Inde vénère encore», avais-je dit, «dieux aryens, dieux de ma race, vous savez que pendant toute ma vie j’ai défendu les valeurs que vous incarniez jadis dans le cœur de vos adorateurs. Oh, quel que soit le destin que vous me réservez, vous que les ancêtres de ma mère invoquaient au milieu des éclairs et du tonnerre, sur les vagues furieuses de la Mer du Nord, aidez-moi à ne jamais cesser de combattre pour nos grands idéaux; à ne jamais cesser de combattre pour le culte de la jeunesse, de la santé, de la force, pour le culte du Soleil — pour votre vérité, notre vérité — où que ce soit dans le monde, jusqu’à ma mort!»
Et ayant dit cela, j’avais senti courir un frisson glacé le long de mon dos, et j’avais été submergée par la conscience d’une solennité infinie, comme si je venais d’être l’instrument d’un rite préparé et attendu depuis longtemps; comme si les dieux nordiques, rejetés par leur prêtre Thorgeir, avaient réellement attendu mon geste symbolique. Il était 10h30 du soir mais il faisait plein jour, comme c’est naturel en juin sous cette latitude. Et je m’étais soudain souvenue que c’était le 9 juin, le septième anniversaire du jour où, également à 10h30 du soir, un brahmane, représentant de l’aryanité la plus à l’Est, avait pris ma main dans la sienne au-dessus du feu sacré et m’avait donné son nom et sa protection. Et j’avais senti que ma visite à la Chute d’Eau des Dieux, et mon geste symbolique en un tel jour, avaient un sens dans l’invisible; qu’il y avait là davantage qu’une simple coïncidence. Maintenant, je me souvenais de cet épisode, qui prenait, à la lumière de l’histoire entre ces deux années, une valeur symbolique plus grande que jamais. «Dieux du Nord, dieux des forts», pensais-je, «dieux aryens, enseignez-moi ce détachement sans lequel il n’y a pas de force véritable, pas d’efficacité durable! Faites de moi un témoin digne de votre vérité — de notre vérité. Débarrassez-moi de toute faiblesse!»
Savitri Devi.




del.icio.us
Digg


La politique autonome de l’ENI s’est adressée surtout aux pays du Proche et du Moyen Orient et d’Afrique du Nord. L’Iran fut évidemment l’exemple le plus prestigieux dans le palmarès du groupe italien, qui était parvenu à s’insinuer dans un pays considéré comme chasse gardée et exclusive de la « British Petroleum ». Mais il y eut aussi l’Egypte de Nasser : elle fut le premier pays avec lequel Mattei amorça des rapports stables et durables, dès 1956. Il faut aussi évoquer l’appui financier qu’accorda Mattei au Front de Libération National algérien, ce qui irrita bien entendu la France, dont la classe dirigeante s’était faite à l’idée de perdre ses territoires d’Outremer. Les rapports entre l’ENI et le FNL étaient de fait assez étroits : le chef politique du mouvement indépendantiste algérien, Mohammed Ben Bella, avait un appartement à sa disposition à Rome.


Les revenus générés par cette activité éditoriale demeurèrent assez sporadiques, ce qui obligea les habitants de la Maison Fidus, auxquels s’était jointe la femme écrivain du mouvement de jeunesse, Gertrud Prellwitz, à adopter un mode de vie très spartiate. L’avènement du national-socialisme ne changea pas grand chose à leur situation. Fidus avait certes placé quelque espoir en Adolf Hitler parce que celui-ci était végétarien et abstinent, voulait que les Allemands se penchent à nouveau sur leurs racines éparses, mais cet espoir se mua en amère déception. La politique culturelle nationale-socialiste refusa de reconnaître la pertinence des visions des ermites de Woltersdorf et stigmatisa « les héros solaires éthérés » de Fidus comme une expression de l’ « art dégénéré ». Dans le catalogue de l’exposition sur l’ « art dégénéré » de 1937, on pouvait lire ces lignes : « Tout ce qui apparaît, d’une façon ou d’une autre, comme pathologique, est à éliminer. Une figure de valeur, pleine de santé, même si, racialement, elle n’est pas purement germanique, sert bien mieux notre but que les purs Germains à moitié affamés, hystériques et occultistes de Maître Fidus ou d’autres originaux folcistes ». L’artiste ne recevait plus beaucoup de commandes. Beaucoup de revues du mouvement « Lebensreform » ou du mouvement de jeunesse, pour lesquelles il avait travaillé, cessèrent de paraître. Sa deuxième femme, Elsbeth, fille de l’écrivain Moritz von Egidy, qu’il avait épousée en 1922, entretenait la famille en louant des chambres d’hôte (« site calme à proximité de la forêt, jardin ensoleillé avec fauteuils et bain d’air, Blüthner-Flügel disponibles »). L’ « original folciste » a dû attendre sa 75ème année, en 1943, pour obtenir le titre de professeur honoris causa et pour recevoir une pension chiche, accordée parce qu’on avait finalement eu pitié de lui.