lundi, 17 septembre 2007
Pays-Bas: guerre de religions
Mouvement Identitaire Démocratique – Bruxelles – septembre 2007
Pays-Bas : en pleine guerre de religions
Réflexions hétérodoxes sur le relativisme occidental et l’absolutisme axiologique islamique
Note à l’adresse des lecteurs wallons : Encore une réflexion issue du « ‘t Pallieterke » d’Anvers, qui tient, chaque semaine, une rubrique sur la Wallonie, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Dans la rubrique consacrée aux Pays-Bas, nous pouvons suivre l’essentiel de la politique néerlandaise, grande inconnue de notre presse subsidiée, alignée et muselée, qui a toutefois le culot de se prétendre la plus démocratique de la planète. On nous parle à satiété du Congo, d’ex-colonies françaises très éloignées de nos préoccupations quotidiennes, de dictateurs exotiques qu’il convient de fustiger avant chaque repas, fût-il le plus frugal, de méchants fascistes qu’il faut exécrer de toutes nos tripes et qui sévissent en Hongrie ou en Russie, etc. mais on ne nous dit rien de la politique allemande ou néerlandaise, scandinave ou centre-européenne, on ne nous pipe mot des mouvements de fonds qui secouent la Grande-Bretagne, comme l’indépendantisme gallois ou écossais. C’est la raison majeure qui nous a poussé à traduire ce premier article de la rubrique néerlandaise du « ‘t Pallieterke », intitulée « Den Vaderlandt ghetrouwe » (inspiré de l’hymne national néerlandais dans sa graphie du 16ième siècle).L’intérêt de cet article est de nous faire entrevoir une approche para-théologienne de la politique, inconnue chez nous, et qui mérite pleinement l’attention du politiste ou du militant engagé.
Aux Pays-Bas règne non seulement une effervescence politique mais aussi une non moins remarquable effervescence religieuse. Car la religion aux Pays-Bas est tributaire de l’identité culturelle de la nation. Jadis, les choses y étaient simples. D’un côté, il y avait les protestants dans toutes leurs diversités. De l’autre, on avait les catholiques qui formaient une unité monolithique. Dans le meilleur des cas, les deux communautés vivaient séparées, du berceau au tombeau, véritable apartheid de fait, dans un état de guerre froide perpétuelle. Dans le pire des cas, les protestants cassaient la figure aux catholiques. Cette différence religieuse n’était pas seulement de nature historique : une cassure géographique existait tout aussi clairement. Même longtemps après la deuxième guerre mondiale, on pouvait tracer une ligne droite sur la carte du pays, de Hulst en Flandre zélandaise jusqu’à Almelo dans la province d’Overijssel. Tout ce qui était au nord de cette ligne était protestant, tout ce qui se trouvait au sud était « papiste ». Une partie de la Zélande, le Brabant septentrional, le Limbourg néerlandais, le Pays de Gueldre et l’Overijssel étaient catholiques romains. Les autres provinces ne l’étaient pas. Seulement dans les provinces de Hollande septentrionale, de Hollande méridionale et d’Utrecht on pouvait trouver, ci et là, quelques enclaves catholiques dans des régions rigoureusement protestantes. A cela s’ajoutait des communautés juives plus ou moins importantes qui vivotaient, sans trop se faire remarquer, entre les deux grandes confessions des Pays-Bas.
Cette ligne de démarcation religieuse n’existe plus de nos jours : elle s’est transformée en ligne de démarcation culturelle. Mais, en réalité, les conceptions religieuses et culturelles sont partout les mêmes aujourd’hui. Tant le protestantisme que le catholicisme néerlandais ont perdu leurs aspérités doctrinales et se sont fondus dans une sorte de relativisme hollandais généralisé, qui s’insurge contre toute pensée dogmatique et qui ressemble, comme deux gouttes d’eau au libéralisme juif contemporain. Jusqu’il y a peu, ce relativisme culturel échevelé était le produit d’exportation le plus connu des Pays-Bas. Ce relativisme culturel est l’aboutissement de la révolution protestante portant sur les normes et les valeurs, une révolution qui avait commencé au 16ième siècle pour se terminer provisoirement, mutatis mutandis, dans les dernières décennies du 20ième.
Les Pays-Bas ne reconnaissent donc plus aucune valeur ni norme. En témoignent la légalisation sur l’avortement, l’euthanasie et le mariage homosexuel. Mais simultanément, le relativisme culturel, et partant, religieux, des Pays-Bas a été ébranlé dans son sommeil paisible au cours des trois dernières décennies. Par l’arrivée massive de travailleurs immigrés venus de pays islamisés, les Pays-Bas sont devenus l’arène où se déroule, de fait, une guerre de religion entre le relativisme et l’absolutisme axiologiques dans le monde de la culture et, par voie de conséquence, sur le terrain religieux. Pendant la première décennie de présence musulmane aux Pays-Bas, on n’a pratiquement rien remarqué de l’intolérance islamiste. Le nombre d’immigrants n’était pas fort important et leur présence avait le goût de l’exotisme et de la nouveauté. Aujourd’hui, les choses ont bien changé. La majorité des Néerlandais ne sont plus croyants. La plupart d’entre eux sont conscients de leur athéisme ou agnosticisme et l’affirment sans baisser les yeux et sans rougir. Mais beaucoup de Néerlandais engagés dans des cercles religieux militants chrétiens, protestants ou catholiques, ont une position plus ambiguë, car leur christianisme s’est si édulcoré qu’il n’est finalement plus qu’une maigre couche d’un vernis résiduaire bien estompé.
Une guerre culturelle
Face à ces chrétiens, toutes confessions confondues, la communauté musulmane des Pays-Bas est bien consciente de son identité religieuse. Si la première génération de travailleurs immigrés ne constituait encore qu’une minorité insignifiante, et ne cultivait aucune ambition culturelle ou sociale, la génération actuelle fait entendre bruyamment sa voix. Le catholicisme, dans ce contexte, peut aligner, en théorie, le chiffre de 4,5 millions de croyants et le protestantisme, dans sa luxuriante diversité, un peu plus de 2,5 millions ; ces chiffres sont cependant trompeurs. Car ces protestants et catholiques ne se différencient guère, sur le plan du relativisme culturel, des 43% de Néerlandais qui se déclarent incroyants. Tous, incroyants, catholiques ou protestants, sont des moutons dociles qui ne croient même pas à ce qu’ils affirment haut et fort à l’occasion, et ne font pas le poids face au gros million de musulmans du pays. Je ne veux pas dire que ces musulmans sont tous des fondamentalistes islamistes, mais la grande majorité d’entre eux sont tous simplement des croyants et inscrivent leurs existences dans un cadre de normes et de valeurs absolues.
Si l’on suit l’actualité politique néerlandaise, comme le font les rédacteurs de cette rubrique hebdomadaire, on constate que la situation ou les événements ponctuels sont bel et bien le reflet de ce choc entre un relativisme autochtone généralisé et un absolutisme axiologique allochtone. Depuis des siècles, les Pays-Bas se posent comme l’avant-garde d’un libéralisme culturel universel. Aujourd’hui, rien n’a changé sur ce chapitre, sauf que la présence des immigrés musulmans donne lieu à une nouvelle lutte qui est essentiellement spirituelle et religieuse. Le relativisme culturel est omniprésent et omnipotent aux Pays-Bas depuis que Luther et Calvin, par la réforme qu’ils ont initiée, côté protestant, et depuis qu’un théologien ultra-moderniste comme Schillebeeckx flanqué de ses acolytes et successeurs, embrayent, côté catholique, sur les aggiornamenti de Vatican II, ont sapé les assises de toute forme de pensée dogmatique en religion. Des phénomènes comme le « Mouvement du 8 mai » ou la récente offensive dominicaine aux Pays-Bas contestent désormais le caractère sacramental de la prêtrise : voilà bien une illustration claire que le travail de sape continue. L’islam radicalisé, pour sa part, n’a pas subi un tel travail de sape et conserve sa croyance en des valeurs fondées dans l’absolu. La confrontation entre relativisme et absolutisme axiologique a donc lieu, aujourd’hui même, aux Pays-Bas, avec une acuité plus forte qu’ailleurs. Le climat social, chez nos voisins du Nord, présente déjà nettement des caractéristiques proto-révolutionnaires. Le combat réel n’a certes pas encore commencé, mais une chose est d’ores et déjà certaine : les Bas Pays près de la Mer du Nord vont redevenir le théâtre de guerre où des combats décisifs vont se livrer.
« BiM ! »
(article paru dans « ‘t Pallierterke », Anvers, 12 septembre 2007).01:30 Publié dans Affaires européennes, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 15 septembre 2007
Désintérêt pour l'Agence FRONTEX
Andreas MÖLZER, député européen
Lettre de Bruxelles
Un scandale inouï : le désintérêt pour l’Agence FRONTEX
La lutte contre l’immigration de masse illégale ne semble jouer qu’un rôle mineur dans les priorités de l’UE. L’agence FRONTEX, mise sur pied pour protéger les frontières de l’Union, a dû annoncer qu’elle mettrait fin à ses activités en Méditerranée dans les semaines à venir. Or, c’est en septembre et en octobre que la « haute saison » commence pour les Africains qui veulent entrer illégalement en Europe. La volonté manque totalement de prendre toutes mesures efficaces contre le flux grandissant de l’immigration clandestine. C’est comme si l’on voulait faire comprendre aux immigrants potentiels que les portes de l’UE sont grande ouvertes pour eux.
Si Euro-Bruxelles ferme les yeux face à ce problème, il faudra compter sur une augmentation substantielle de l’immigration illégale. De plus, tous les efforts qui avaient été consentis au cours de ces dernières années pour protéger la frontière maritime de l’UE en face des Iles Canaries seront réduits à néant. Par exemple, sur base des observations effectuées, les autorités espagnoles ont pu constater que dans les sept premiers mois de 2007, le nombre de « réfugiés » arrivés par bateau avait diminué de plus de la moitié par rapport à 2006. Une diminution du même ordre s’observait également en Italie.
Or, une surveillance sévère des frontières en Méditerranée ne constitue qu’un premier pas. J’ai pu personnellement me rendre compte, de visu, en juillet 2007, lors d’une visite à Lampedusa, l’île italienne entre la Sicile et la Tunisie, que les camps d’hébergement pour illégaux venus d’Afrique étaient pleins à craquer. Vu l’ampleur que prennent les flux migratoires vers l’Europe, c’est donc un scandale inimaginable que l’agence FRONTEX ne puisse disposer cette année que de 40 millions d’euro. En revanche, quand il s’agit de subsidier diverses agences, créées à tour de bras et dont le sens et les objectifs sont généralement fort contestables, les cénacles dirigeants de l’UE se montrent exceptionnellement généreux. Le meilleur exemple de cette politique dispendieuse reste, à mon sens, la fameuse agence des « droits fondamentaux » de l’UE. Jusqu’en 2013, Euro-Bruxelles libérera 150 millions d’euro pour cette instance dont l’objectif principal est de fouiner partout et de faire la chasse aux opinions jugées incorrectes.
Si l’on compare les subsides colossaux encaissés par l’agence dite des « droits fondamentaux » aux fort maigres subsides accordés à FRONTEX, on constate immédiatement quelles sont les priorités de l’établissement politique de l’UE. Il faut, selon ces messieurs-dames, d’abord et avant tout satisfaire dans le réel les projets fumeux et irréalistes du « politiquement correct », tandis que la protection bien réelle et bien concrète de nos peuples, forgés par notre histoire, contre la marée ininterrompue des illégaux est considérée comme une activité indigne de l’intérêt des puissants du jour. Le comportement des Etats membres de l’UE est dès lors tout aussi scandaleux et honteux, car ils n’ont pas tenu les promesses faites à FRONTEX, comme l’a rappelé le Commissaire européen compétent, Franco Frattini.
Ceux qui veulent empêcher que dans les années et les décennies à venir le visage ethnique de l’Europe ne se modifie définitivement, doivent se rendre compte qu’il ne suffira pas d’accumuler des subsides pour protéger les frontières extérieures de l’UE, mais qu’il faudra travailler à « conscientiser » en profondeur les décideurs politiques de l’Union. Ce ne sont donc pas des cogitations oiseuses et pseudo-humanitaires qu’il faudra prendre en considération avant de légiférer et d’agir dans le combat contre l’immigration illégale en Europe, mais, plus concrètement, il faudra ne tenir compte que d’une chose : du salut et de l’avenir des peuples d’Europe, qu’il s’agit de protéger maintenant, tout de suite. Dans ce domaine, il y a bien entendu une mesure à prendre d’urgence : mettre sur pied une politique européenne de rapatriement des illégaux, à appliquer sans délais ni tergiversations.
Andreas MÖLZER.
(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°36/31 août 2007).
01:25 Publié dans Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 14 septembre 2007
Géopolitique de la guerre des Balkans
Géopolitique de la guerre des Balkans : le dessous des cartes
Personne n’est dupe. On ne peut objectivement traiter la guerre au Kosovo, avec ses implications géopolitiques dans les Balkans, comme une simple question interne aux Balkans. Toute décision relative à l’utilisation de forces américaines et de l’OTAN modifie de manière déterminante tous les aspects de la situation stratégique globale. La guerre menée par le régime de Milosevic au Kosovo est utilisée pour atteindre des objectifs géopolitiques et stratégiques d’un tout autre ordre :
- Ecarter la Russie, la Chine et le Conseil de Sécurité de l’ONU de la prise des décisions politiques mondiales les plus importantes.
- Rompre les liens politiques et économiques entre l’Est et l’Ouest du continent eurasiatique.
- Empêcher un nouveau Bretton Woods qui permettrait de surmonter la crise économique et financière mondiale.
La Realpolitik, qui n’ose pas dire son nom, et que les Etats-Unis et leurs alliés dociles continuent d’appliquer dans les Balkans, reste substantiellement traditionnelle et conservatrice. Que ce soit pour des raisons de jeux de puissance traditionnels ou dans l’optique d’un possible conflit de civilisation au siècle prochain, les Etats-Unis continuent à vouloir enfermer la Russie dans la masse terrestre eurasiatique, barrant son accès aux mers chaudes. Depuis deux siècles, ce verrouillage continental de la Russie a été poursuivi par une remarquable constance par l’Angleterre, puis par les Etats-Unis, leur soutien au non-alignement de la Yougoslavie titiste n’en fut qu’une des illustrations. Actuellement, l’occupation militaire et l’élargissement del ‘OTAN à l’espace reliant la Hongrie à la Grèce (toutes deux membres de l’OTAN), par le truchement du Partenariat pour la Paix et le contrôle américain des oléoducs géorgiens débouchant sur la Mer Noire, neutraliserait l’hypothétique constitution d’une transversale orthodoxe et verrouillerait Moscou, empêchant, même à moyen terme, son retour dans la région et surtout dans les ports monténégrins, dont la base navale de Boka Kotorska. L’encouragement croissant de l’Occident à la sécession du Monténégro de Djukanovic hors de la Fédération Yougoslave va dans ce sens. Washington serait donc guidée par des préoccupations globales pour étendre et préserver sa domination en érigeant l’OTAN comme superpuissance militaire néo-impériale. Nous sommes loin des préoccupations humanitaro-altruistes des Etats-Unis et de l’OTAN envers les pauvres populations albanaises. Mais cet endiguement des Moscou par Washington aura aussi à moyen terme pour conséquence de créer une alliance objective russo-chinoise, Pékin étant l’autre contestataire crédible de l’ordre américain.
Afin d’évaluer les ramifications géopolitiques des opérations militaires actuelles de l’OTAN contre la Yougoslavie, il convient de comprendre les manipulations de la situation dans les Balkans, intervenus depuis 1991. Les guerres menées par la Serbie contre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont été activement encouragées par les gouvernements britanniques et celui de Mitterrand afin d’endiguer l’Allemagne (c’était la politique de Thatcher, considérant l’Allemagne réunifiée comme un « Quatrième Reich »). Aujourd’hui, ceux qui tirent les ficelles de la guerre dans les Balkans, sont les défenseurs des intérêts du Commonwealth anglo-américain (British-American Commonwealth ou, en abrégé, le BAC), intervenant par l’intermédiaire du gouvernement Blair et du Groupe réuni autour d’Al Gore dans le gouvernement américain, comprenant Albright, Cohen et le Général Shelton. L’élément déterminant de tout changement global de la politique stratégique ou militaire est son effet sur la politique économique et financière mondiale. Il s’agit de savoir si une politique stratégique donnée favorise ou pénalise la mise en œuvre d’un nouveau Bretton Woods. De ce point de vue, le Président Clinton se trouve devant un choix décisif.
Dans un document paru le 7 avril dernier sous le titre « Balkans : la doctrine LaRouche », ce dernier, Lyndon LaRouche, écrit : « Le Président Clinton essaye actuellement de trouver un équilibre entre deux politiques absolument inconciliables. L’aspect positif, c’est qu’il défend un partenariat stratégique avec la Russie, la Chine et d’autres ; mais, d’un autre côté, en raison de ses politiques de libre échange, de mondialisation, de confrontation avec l’Irak et de déploiement de l’OTAN, auxquelles vient de s’ajouter le détonateur de la guerre contre la Yougoslavie, sa présidence risque d’être vouée à l’ignominie éternelle. Si la deuxième dynamique se poursuit, il n’y aura bientôt plus de possibilité de partenariat et le monde se dirigera alors vers une guerre mondiale de longue durée, comme celle qui ravagea l’Europe centrale entre 1618 et 1648, avec un risque de recours aux armes nucléaires. D’un point de vue américain, que faut-il faire pour parvenir à éviter la détérioration de la situation stratégique globale ? ».
Selon LaRouche, de concert avec au moins l’un de leurs principaux partenaire d’Europe continentale (la France, l’Allemagne ou l’Italie), les Etats-Unis doivent prendre les mesures d’urgence pour instaurer un partenariat stratégique général de coopération économique, entre autres, avec la Chine, la Russie, l’Inde, etc. L’objectif devrait être de revenir au type de politiques anti-britanniques sur lesquelles le Président américain Roosevelt avait tenté de fonder un nouvel ordre économique mondial plus juste, libéré de l’impérialisme, entre Etats-Nations parfaitement souverains, jouissant du libre accès aux découvertes scientifiques et technologiques les plus avancées.
Causalité financière de la guerre
La causalité fondamentale qui sous-tend la confrontation stratégique menée par le BAC vis-à-vis de la Russie et de la Chine et l’escalade militaire dans les Balkans, au Proche-Orient et ailleurs, réside dans l’aggravation de l’état du système économique et financier international. Le changement de phase est survenu lors de la faillite, en septembre 1998, du Hedge Fund LTCM, qui détenait un portefeuille de 3250 milliards de dollars en produits dérivés. Un mois auparavant, les marchés financiers internationaux avaient été secoués par la cessation de paiement de la Russie. Même la BRI a récemment admis que le système financier se trouvait à ce moment-là au bord de l’effondrement. Pour y faire face, les gouvernements et banques centrales du G7 ont lancé en octobre une folle politique hyper-inflationniste, avec réduction des taux d’intérêt, déversement de liquidités et divers programmes de renflouement. Ce miracle était destiné à retarder pour quelque temps l’effondrement systémique autrement inévitable. Cette politique a provoqué une détérioration qualitative de la lucidité des responsables gouvernementaux et parlementaires. C’est le même état d’esprit qui régnait lors des kracks financiers des 17ième et 18ième siècle en Angleterre et en France, mais les conditions stratégiques actuelles sont bien plus dangereuses.
C’est au cours du changement de phase intervenu en octobre-novembre 1998 que le Commonwealth anglo-américain a lancé l’escalade vers la confrontation. D’abord, on a utilisé le prétexte du rapport Butler, délibérément mensonger, pour lancer la guerre non déclarée contre l’Irak. Ensuite, on a imposé à l’OTAN un nouveau concept stratégique néo-impérial, avant d’en arriver à la guerre actuelle dans les Balkans. Pour comprendre comment la crise financière est devenue une crise à la fois économique et militaro-stratégique, il faut analyser la situation à partir de la triple courbe. En effet, l’étude des relations entre trois éléments —croissance explosive des agrégats monétaires, expansion hyperbolique des agrégats financiers et écroulement accéléré de l’économie physique— est la seule façon de comprendre la transposition de la crise financière au domaine militaire et stratégique, comme Clausewitz l’avait décrit au 19ième siècle. Ne pouvant ou ne voulant pas résoudre efficacement les problèmes économiques et financiers en changeant la politique économique et financière, les oligarchies démo-ploutocratiques tendent à les résoudre par d’autres moyens. L’argent, nerf de la guerre, ou la guerre, nerf de l’argent.
Clinton et la « Troisième Voie » parasitaire
La réforme de l’aide sociale, la politique étrangère au sujet de l‘Afrique ou des Balkans, dénotent l’influence dominante qu’exercent sur la Maison Blanche et sur le Président Clinton les conseillers politiques, les nouveaux démocrates du courant de Tony Blair, représentés aux Etats-Unis par Al Gore. Ces conseillers utilisent la méthode dite de la troisième voie : plutôt que de considérer les conséquences sur la vie réelle des décisions à prendre, on considère ce qui peut être permis selon les règles du jeu existantes. Concrètement, chaque impulsion politique est soumise à des considérations politiques plus générales qui visent à trouver un consensus et doivent être prévalentes. En conséquence, une politique proposée par le Président sera redéfinie afin d’être appliquée selon les règles du jeu. Dans ce processus, la politique originelle est souvent transformée en son exact opposé !
La manifestation la plus tangible de cette « troisième voie » s’incarne dans le fascisme à visage démocratique, version Tony Blair, à l’œuvre en Grande-Bretagne. Rassurons-nous, nous sommes là bien loin du « tercérisme européiste » d’essence nationale-révolutionnaire ! L’économie politique de la « troisième voie » de Blair ne se distingue en rien du néo-libéralisme radical introduit en Grande-Bretagne par Margaret Thatcher. C’est toujours la mondialisation, le libre-échange, l’écologisme, la réduction démographique, etc., mais la version « troisième voie », basée sur le consensus, se présente comme « démocratique ». Le principal interlocuteur de Blair à Washington est le vice-président Al Gore, fer de lance du projet écologiste utopique, comme l’a montré sa campagne contre le réchauffement global. Martin Walker annoncera dans le Guardian qu’une bonne partie de la pensée du courant « troisième voie » repose sur la conscience que l’économie globale est le moteur actuellement le plus puissant du changement. Au sein du parti démocrate, la « troisième voie » s’est structurée sous le vocable du « Democratic Leadership Council » (ou : DLC). Le DLC a été fondé en 1985 avec, principalement, des démocrates du Sud, dont Sam Nunn de Géorgie, Chuck Robb de Virginie, John Breaux de Louisiane. Clinton et Gore ont adhéré au DLC et Clinton le présidait avant d’être candidat à la Présidence. On les appelle les « nouveaux démocrates », du nom de leur magazine. Les « nouveaux démocrates » ont créé dans la foulée un groupe de réflexion, le « Progressive Policy Institute » (PPI). En 1992, le DLC avait des sections dans trente Etats, un budget annuel de 2,5 milliards de dollars et dix-neuf permanents. A l’origine de la fondation du DLC, qui était une réponse à la défaite de Walter Mondale à l’élection présidentielle contre Reagan en 1984, il y avait l’idée que le Parti Démocrate devait abandonner sa base traditionnelle, composée de syndicalistes, de membres des minorités ethniques, d’agriculteurs, pour courtiser plutôt les couches de la société ayant une activité plus éloignée de la production ou même parasitaire : les yuppies des banlieues chics, les employés du secteur des services, les boursicoteurs, les comptables, etc. Le DLC exerce une influence pernicieuse sur les décisions du Président Clinton, par l’intermédiaire de son vice-président Al Gore, qui a été choisi comme candidat démocrate à l’élection présidentielle de l’an 2000. L’influence idéologique de cette « troisième voie parasitaire » finit de parachever la désintégration du système financier et monétaire international et plonge le monde entier dans le pire désastre économique et social de l’histoire.
Rodolphe LUSSAC.
02:05 Publié dans Affaires européennes, Défense, Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
De l'identité confédérale des pays belgiques
Jan NECKERS, chroniqueur de l’hebdomadaire « ‘t Pallieterke » (Anvers) :
De l’identité confédérale des pays belgiques
Introduction du traducteur : Sur fond d’une crise gouvernementale aiguë, et apparemment sans solution, Jan Neckers, nationaliste flamand et chroniqueur de l’hebdomadaire « ‘t Pallieterke », reprend une idée essentielle : l’identité politique et institutionnelle des pays belgiques (romans comme thiois) repose sur un principe confédéral, comme en Suisse, et toute tentative de centraliser cet ensemble conduit non pas à l’explosion mais à l’implosion. Les fossoyeurs de l’unité -une unité qui fut tout en souplesse et sans rigidité aucune- de cet ensemble que furent les « Pays-Bas royaux » (espagnols puis autrichiens), sont ceux qui ont importé l’idéologie centralisatrice des Jacobins et des sans-culottes. Dont les héritiers, même s’ils prétendent avoir des racines catholiques et démocrates-chrétiennes, opposent un refus total à tout retour à cette identité confédérale, dont Jan Neckers rappelle, ici, l’histoire et les principes.
Doemnis ! (= « Malédiction ! »). Voilà mon juron favori : je l’ai repris sans vergogne à Henri Conscience qui le place dans la bouche de son héros Breydel, doyen des bouchers de Bruges et héros de la Bataille des Eperons d’Or. Doemnis, donc, quand je vois que les politiciens flamands forment finalement un bien vilain petit zoo de nullités, dépourvues de conscience historique. Même un Bart de Wever, président de la NVA tant décriée par les médias francophones ces jours-ci, qui est historien de formation et qui a bien eu un cours d’ « institutions des temps modernes », ne se réfère jamais à ces siècles où nos pays belgiques (1) formaient une solide confédération, et que cet état de choses confédéral ne posait aucun problème et plaçait même le pays en tête du raffinement, de la culture et de la santé économique en Europe. Aujourd’hui, dans les pays belgiques, on ne cesse de se référer, en se lamentant ou en se gargarisant, aux institutions de l’Etat belge, vieux de 180 ans seulement. D’un point de vue politique, c’est là pure absurdité. La confédération des pays belgiques existe depuis près de 600 ans ; seules ces 180 dernières années leur ont imposé une forme unitaire d’Etat, selon un modèle parisien perfide.
Seulement au cours de ces 180 dernières années, une minorité francophone anti-démocratique a empêché la majorité de réclamer ses droits. C’est seulement au cours de cette période que la majorité a été trahie par ses représentants et… par sa propre lâcheté car, il faut le dire, par honnêteté foncière, nous avons été des lâches car personne, au grand jamais, n’a forcé les Flamands, en leur pointant un couteau dans le dos, à élire les lavettes qui les ont si lamentablement représentés dans les assemblées.
Ces jours-ci, vous lirez un peu partout que ce pays, la Belgique unitaire, a été créé pour faire office d’Etat-tampon en 1830. C’est faux. On a fait des pays belgiques une zone-tampon en 1648, dans le cadre des traités de Westphalie. La cause de cette disposition vient de l’un des axiomes de la politique étrangère de la République des Provinces-Unies qui ne voulaient pas avoir de frontière commune avec la France ; par voie de conséquence, les Pays-Bas Royaux (espagnols à l’époque ; on n’utilisait jamais le terme de « Pays-Bas Méridionaux » à l’époque) devaient rester intacts, même si les Provinces-Unies, quelque fois, fermaient les yeux quand la France grignotait à son profit quelques portions de leurs territoires. L’attitude hautaine et intransigeante du Nord a empêché que le Sud tout entier ne soit absorbé par la France et ne soit devenu une « France du Nord » (Brrr… on en tremble d’effroi rétrospectivement…). Mais cette attitude a laissé des blessures morales profondes, si bien qu’au début du 19ième siècle, les projets d’unification du Roi des Pays-Bas unis, Guillaume I, ne pouvaient réussir, même si le souverain était parvenu à limiter les transferts financiers du Sud au Nord, qui étaient considérables à l’époque.
Guillaume I était trop un enfant de son temps pour pouvoir se rendre compte que les bons accords rationnels et les bons comptes financiers, équilibrés, ne suffisaient pas à créer l’harmonie dans un Etat unitaire où devaient cohabiter des partenaires différents. Sa décision d’accorder l’autonomie au Sud est dès lors venue beaucoup trop tard, car la noblesse, la bourgeoisie et l’église locales avaient décidé, depuis longtemps déjà, de restaurer les anciens « Pays-Bas Royaux », mais cette fois dans une camisole unitaire. Il serait peut-être bon que les politiciens flamands racontent à nos bonnes gens qu’ils ont toujours cherché, eux, leurs inspirations dans l’histoire politico-institutionnelle des Pays-Bas historiques et qu’ils refusent désormais une bonne fois pour toutes les structures qui furent inventées jadis par la canaille française assoiffée de sang, dont les représentants emblématiques sont Danton, Robespierre et Bonaparte.
L’idée confédérale
Quoi qu’il en soit, force est de constater que ces pays belgiques ont constitué pendant plus de trois siècles une confédération (devenue plus tard fédération) qui fonctionnait bien et sans heurts. Et sans l’arrivée des vautours français, qui furent, à partir de 1794 les vrais premiers occupants illégitimes de nos pays, cette (con)fédération aurait continué à vivre pendant fort longtemps. Cette confédération est née en 1433 lorsque Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, devint Comte de Hollande, de Zélande et du Hainaut. Ce Duc de Bourgogne était déjà Comte de Flandre, Duc de Brabant, Comte de Namur et d’Artois et, onze ans plus tard, il devint encore souverain du Duché de Luxembourg. Le ciment de cette confédération était seulement la personne du souverain unique, si bien que les « Pays de Par-deça » (Landen van Herwaerts Over) découvrirent, subitement, qu’ils pouvaient certes encore se chamailler entre eux, mais sans plus faire appel aux armes, car le souverain, en tant que Duc du pays X, ne pouvait tout de même pas faire la guerre à lui-même, en tant que Comte du pays Y.
A l’origine, le souverain négocie la levée des impôts avec chacun des pays pris isolément mais, finalement, il trouve plus aisé de rassembler les représentants de tous ces états au sein d’une instance, les Etats-Généraux (Staten-Generaal). Les membres des Etats-Généraux représentent leurs pays et non pas la « nation » (ndt : au sens jacobin et aberrant du terme) comme le stipule la Constitution belge. Ces représentants devaient dire, au souverain, ce que les états, en tant que parlements embryonnaires, leur avaient demandé de dire.
Les représentants étaient donc subordonnés à leurs commanditaires dans les pays qui formaient la confédération et, pour toute concession qu’ils auraient été amenés à faire, devaient demander l’autorisation de leurs états respectifs. Bien sûr, souvent, l’égoïsme particulier se hissait au-dessus de l’intérêt général de l’ensemble. Ainsi, lorsque Maarten van Rossum (Martin de Rossum) envahit le Brabant et le pille pour le compte du Duc de Gueldre, la Flandre et la Hollande, hypocrites, font comme si rien ne se passait, car elles ne subissaient pas directement les effets de cette invasion. Quand Charles de Gand, le futur Charles-Quint, arrive sur le trône, les choses vont changer : il mettra un terme à ses manifestations d’égoïsme particulariste. A l’étranger, on appelle de plus en plus souvent ses pays du Nord-Ouest les Pays-Bas, ou la « Belgica » en latin. Il leur donne des structures qui survivront pendant 300 ans sans gros problèmes. Les structures de Charles-Quint ont même survécu à la révolte des provinces du Nord et à la scission de l’ensemble « Belgica ». Charles-Quint avait crée quelque chose qui ressemblait à un gouvernement central, qu’il avait installé à Bruxelles, et que l’on avait appelé les « conseils collatéraux », et qui ont attiré à eux toujours plus de compétences au fil des siècles, notamment sur le plan de la politique internationale, des affaires maritimes, de la gestion des routes reliant les divers pays entre eux, des tarifs douaniers, etc., si bien que le pays, de confédéral, est devenu de plus en plus fédéral.
Mais il ne s’agissait pas d’un fédéralisme de la consommation comme aujourd’hui. Le Comte, le Duc, etc. qui vivait à Madrid et plus tard à Vienne, ne parvint jamais à lever le moindre impôt dans l’ensemble des pays de la « Belgica » sans l’accord de toutes les parties des Pays-Bas Royaux. Lorsqu’un seul des Etats refusait l’impôt proposé, le souverain n’avait légalement aucun recours. Plus encore : les Etats ont le droit de gérer tout l’argent de toutes les contributions levées sur leur territoire. Ils donnent une part de cet argent au souverain, pour l’entretien des armées et pour la cour, mais ils gardent le reste. Les Etats lèvent également des impôts pour des finalités propres à leur territoire : pour des travaux publics, des subsides, pour l’enseignement, etc. Il n’est pas question que le gouvernement central vienne écrémer leurs revenus pour aller les donner à une autre entité au nom d’une sacro-sainte solidarité ; et encore moins pour entretenir, par exemple, suivez mon regard, un parti relevant de la criminalité organisée et le maintenir en selle ad vitam aeternam. J’espère que Leterme et De Wever m’ont bien compris…
Dissiper une légende
Les Pays-Bas, dans le contexte de ces trois siècles de confédéralisme à la Charles-Quint, font certes partie d’un ensemble plus vaste, espagnol ou autrichien, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils suivent leur souverain dans tous ses errements. Pendant la guerre entre l’Impératrice Marie-Thérèse et Frédéric de Prusse, la part néerlandaise de l’empire autrichien se déclare carrément neutre et l’Impératrice doit s’en contenter. Bruxelles abrite même son propre « corps diplomatique » : les nations européennes sont donc représentées directement dans les « Pays-Bas Royaux ». Voilà qui est d’un bien meilleur niveau que les misérables représentations flamandes, appendices boiteux de certaines ambassades de l’actuelle Belgique.
Les divers pays sont administrés par des Conseils qui, tant sur le plan législatif que sur le plan judiciaire, sont maîtres chez eux (à une époque où la séparation des pouvoirs n’existe pas encore). Le souverain choisit certes les administrateurs des Conseils, mais toujours dans une liste de juristes issus du pays lui-même. Il n’est donc pas question qu’un Namurois, par exemple, ait son mot à dire en Flandre ou dans le Brabant. A Malines, siégeait le Grand Conseil, principale instance judiciaire, à laquelle tous peuvent faire appel pour les affaires civiles. Mais le Brabant et le Hainaut n’ont jamais voulu renoncer à leur souveraineté et n’ont jamais reconnu l’instance de Malines. Dans les affaires pénales, Malines ne peut intervenir. Enfin, le Brabant gardait le droit d’approuver ou de désapprouver les décisions du gouvernement central.
Je terminerais cet article en détricotant une légende tenace, qui refait surface sur fond de crise actuelle : certains Flamands pointent les Wallons du doigt, en leur reprochant d’avoir adhéré à l’Union d’Arras, au 16ième siècle, et qu’en le faisant, ils ont contribué à détacher la Flandre et le Brabant de leur biotope néerlandais naturel. C’est faux. L’Union d’Arras, de fait, a été plutôt une initiative des régions romanes comme Namur, le Hainaut et l’Artois, mais l’aversion qu’elle cultivait à l’endroit d’autres entités des Pays-Bas n’était pas motivée par une haine à l’égard de leur nature thioise/germanique, mais par une haine du protestantisme. Les régions romanes étaient catholiques et entendaient le rester (notamment parce que le rôle spirituel, social et économique des abbayes y était fort important).
Ces entités romanes de la « Belgica » du 16ième siècle avaient été effrayées par le calvinisme fanatique qui sévissait en Hollande et en Zélande et tenait ces provinces sous sa coupe, tant et si bien que la majorité catholique de celles-ci n’avait plus aucune liberté de pratiquer sa religion. Elles avaient aussi remarqué que la même intolérance calviniste s’était abattue sur Gand et sur Anvers et que cette intolérance ne reculait devant aucune violence même si la population préférait rester au sein de l’ancienne église traditionnelle. Farnèse reconquerra dès lors aisément les régions majoritairement thioises du Brabant et de la Flandre et les ramènera sans trop de heurts sous la houlette royale, aussi parce que Philippe II d’Espagne renonça à toutes ses exigences et redevint tranquillement Comte et Duc et parce que le peuple opta finalement pour le catholicisme qui lui était familier.
Jan NECKERS.
(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 05 septembre 2007).
Note :
(1) NdT : J’utilise ici l’adjectif traditionnel de « belgique », dérivé du latin « Belgica », terme latin servant à désigner le Nord-Ouest de l’Europe ayant appartenu au « Cercle de Bourgogne », sans la Franche-Comté, mis sur pied par Charles-Quint. L’adjectif « belgique » ne se réfère donc pas à l’Etat belge né en 1830, mais au Cercle de Bourgogne, de Philippe le Bon à l’invasion des hordes jacobines en 1792. La traduction néerlandaise de cet adjectif « belgique » est tout simplement « Nederlands », ou « Diets ». Au 19ième siècle, on utilisait parfois « Nederduyts ».
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jeudi, 13 septembre 2007
G. Reisegger: Entretien à POLITICA (Belgrade)
Entretien de Gerhoch Reisegger accordé à la revue POLITICA (Belgrade)
Propos recueillis par Dragos KALAJIC, lors de la 7ième Université d’été du Groupe de réflexion grand-européen « Synergies Européennes » (Perugia, août 1999)
Q. : Quelle est la différence entre les écoles économiques anglo-saxonnes et la conception allemande traditionnelle de l’économie, théorisée par des esprits comme Friedrich List, Othmar Spann, Alois Schumpeter ou par leur élève français François Perroux ? Ici, en Serbie, la plupart des observateurs, journalistes, politologues ou politistes ne sont pas capables de discerner les concepts de la pensée économique allemande ou d’évoquer des écoles économiques ; malheureusement pour nous, nos élites économiques et universitaires ne connaissent que les concepts, théorèmes et dogmes de l’école libérale anglo-saxonne et du capitalisme anglo-saxon. Pour eux, le concept fondamental qui devrait présider à la reconstruction de la Yougoslavie est le suivant : « Trouver du capital et accepter pour cela toutes les conditions ». Aujourd’hui, mêmes les Yougoslaves ne font qu’ânonner les dogmes du libéralisme à l’américaine…
GR : Ma position est le contraire diamétral des dogmes néo-libéraux. Selon ces dogmes, le capital (les « investissements directs ») conduit à l’essor de l’économie (nationale), ce qui conduit à l’opinion suivante : « Le capital crée le travail », alors que c’est le contraire qui est vrai, c’est « le travail qui crée le capital » ! On devrait se focaliser sur l’économie réelle et non pas sur l’économie « virtuelle ». Il faut donc refaire fonctionner l’économie nationale en toutes circonstances et même tenter d’inverser la vapeur, aller à contresens de la tendance générale à la globalisation. Cela implique de poursuivre des objectifs économiques déduits de priorités politiques nationales. La hiérarchie des valeurs devrait donc être : culture, politique, économie (et non l’inverse). L’économie n’est jamais qu’un moyen et non pas un but en soi au sein de tout Etat national qui se respecte et qui agit en faveur de l’ensemble de sa population.
Q. : Comment la conception économique d’un Hjalmar Schacht pourrait-elle être appliquée en Yougoslavie, si du moins, cela s’avère possible ?
GR : Schacht, dans le fond, était un partisan du libre marché, mais il a dû affronter les conditions de la grande dépression de l’économie mondiale, c’est-à-dire le chômage de masse en Allemagne, les impositions du Traité de Versailles et le manque cruel de devises en Allemagne, avec, simultanément, un besoin urgent de matières premières pour l’industrie allemande. Il a donc dû imposer des contrôles très stricts du marché des devises et du commerce extérieur. Afin d’obtenir des devises étrangères (un allongement du crédit n’était pas possible à cette époque), il proclama le « nouveau plan », afin de diriger les flux d’exportations et d’importations en direction des pays, qui acceptaient des compensations en produits finis allemands pour leurs importations en Allemagne de matières premières. Les offices du commerce extérieur allemand ont reçu pour mission d’acheter moins de produits finis, mais davantage de matières premières ou de produits semi-finis (y compris des denrées alimentaires), pour augmenter la valeur des créations et réalisations industrielles allemandes et épargner les réserves de devises.
Cette façon complexe de pratiquer le commerce extérieur a été possible dans la mesure où l’on a pratiqué, en fait, une économie de troc. Ainsi l’Allemagne a réussi à inverser la vapeur et à effacer sa balance commerciale négative et sa balance des paiements, également négative. Elle a même pu avoir un très léger excédent d’exportations. Autre mesure prise pour des raisons économiques : la substitution de matières premières chaque fois que cela était possible, afin de juguler la dépendance importante de l’Allemagne vis-à-vis des matières premières importées (ce qui permettait aussi d’économiser les réserves de devises). Pour modifier les habitudes d’achat et de production de diverses branches de l’industrie allemande, qui devaient, selon la nouvelle politique, travailler de préférence avec des matières de substitution, le ministère de Schacht a pris une série d’autres mesures : il a favorisé la recherche pour que l’on sache, dans le pays, travailler de manière optimale avec ces nouvelles matières. Il a fallu ensuite construire de nouvelles installations industrielles, éviter la constitution de monopoles, etc.
L’objectif de l’autarcie allemande et le principe de substituer, autant que possible, les matières premières habituellement importées, n’était pas le résultat d’une théorie de l’autarcie ou d’une idéologie autarciste, qui aurait été le propre de la NSDAP nationale-socialiste, mais a tout bonnement été imposé par les circonstances : l’Allemagne souffrait d’un déséquilibre entre ses exportations de biens et de services (et donc d’un manque de devises) et la nécessité inconditionnelle de payer ses importations à l’aide de devises (qu’elle n’avait pas en suffisance) (1). Le système économique allemand entre 1933 et le début de la seconde guerre mondiale n’a nullement été une « économie de guerre » placée sous la direction d’un instance centralisée (2). Mais ce système n’a pas été représenté uniquement par Schacht. D’autres personnalités et d’autres économistes l’ont impulsé et incarné. Aujourd’hui, l’Allemagne paria d’après Versailles nous semble être un modèle pour la Yougoslavie paria d’après les bombardements de l’OTAN.
Q. : L’Europe aura-t-elle un jour la force de secouer le joug de la pensée économique anglo-saxonne ?
GR : Oui, si l’Europe met volontairement un terme à son statut de protectorat des Etats-Unis. Ensuite, si l’actuelle économie mondiale s’effondre et si les Etats-Unis sont précipités dans le chaos. Malheureusement, les « élites » européennes ne sont pas du tout préparées à affronter de telles catastrophes. Pourtant, si un tel état de détresse devient réalité, il n’y aura pas d’autre issue que de mettre un terme au type d’économie « virtuelle » que les Etats-Unis ont imposé au monde.
Q. : La Yougoslavie peut surtout offrir un surplus d’énergie (électrique), de produits agricoles (blé), même si cette énergie et ces produits agricoles ne sont pas produits selon des critères écologiques rigoureux, et des techniques de communication (y compris la possibilité de les fabriquer). Comment ces atouts de l’économie yougoslave pourraient-ils être valorisés, pour accéder plus aisément aux marchés ouest-européens, est-européens et asiatiques ? Que devrait faire l’homme politique qui occuperait le poste de ministre des affaires économiques pour restaurer la position de notre pays dont les atouts sont, je le répète, l’énergie, l’agriculture et les technologies de la communication ? Surtout s’il doit faire face à un déficit de moyens financiers, s’il ne reçoit aucun crédit du FMI et s’il doit tenir compte de l’embargo imposé au pays…
GR : En aucun cas, il ne faut accepter de l’argent du FMI ni accepter un quelconque « accord politico-économique », qui porterait atteinte à la souveraineté du pays ou qui vous enlèverait, à vous les Serbes, le droit de façonner les institutions de votre pays comme vous l’entendez. Une telle politique de subordination signifierait la fin de toute stratégie nationale propre dans la reconstruction de votre économie. Si vous ne comprenez pas cela clairement, il me semble oiseux de parler de « compromis » ou d’ «alternatives », qui engloberaient les « economic adjustment policies » du FMI ou poseraient celles-ci comme des conditions incontournables. L’application de telles idées débouchent toujours sur le chaos, la destruction du tissu économique et la perte de la souveraineté nationale dans les pays qui croient naïvement aux dogmes du néo-libéralisme. Pourquoi ? Parce que les dettes ne cessent d’augmenter auprès du FMI et des banques anglo-américaines.
Q. : Comment jugez-vous les plans de Georges Sörös pour l’Europe de l’Est : les peuples de cette région devraient s’unir au sein d’une Union Balkanique qui abolirait les frontières entre les Etats actuels (Yougoslavie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie) et donc aussi les barrières douanières. Les pertes en matière de recette, jusqu’à des montants de 5 milliards de dollars ou d’euros, seraient compensées par la Commission de l’UE, l’Euro deviendrait la seule monnaie en cours dans cette Union Balkanique.
GR : C’est une stratégie qui vise la destruction des Etats nationaux. Mon compatriote, le philosophe et théologien Friedrich Römig a constaté : «La monnaie, c’est l’Etat ! » ou, inversemment, « L’Etat, c’est la monnaie ! ». Si l’on renonce au droit de battre monnaie, toute souveraineté apparente n’est qu’illusion. De tels projets, qui n’ont aucun modèle dans l’histoire ou dans l’histoire politique, qui n’ont aucune justification éthique, ethnique ou autre, débouchent forcément sur le chaos, sur la perte de l’autodétermination des peuples dans le façonnage de leur propre destin. En fait, le projet de Sörös est un projet qui vise à faire de l’ensemble de la péninsule balkanique un protectorat occidental. De plus, l’UE elle-même, dans sa constitution actuelle, n’est pas en mesure de garantir quoi que ce soit ; elle n’est pas sûre de survivre à la première crise économique sérieuse, alors qu’une crise de grande ampleur est manifestement proche…
Q. : Quel est le rôle et la signification de l’euro ou du dollar, quelles sont les conséquences de l’introduction de l’euro (même d’un euro fort) pour l’économie ?
GR : L’euro n’est nullement pris au sérieux par les Américains. Si les Etats-Unis percevaient dans l’euro un danger pour le dollar, l’euro n’aurait même pas été inventé. Nous pensons dès lors que l’euro n’est pas un avantage pour l’Europe, et surtout par pour l’Allemagne, qui perd ainsi sa dernière possibilité d’influencer le destin de l’Europe ou d’exercer une forme, même minime, de puissance sur notre sous-continent. De cette façon, la vieille recette s’applique toujours : il faut entraver et juguler l’Allemagne. La chute du cours de l’euro face au dollar montre très bien les faiblesses de cette nouvelle monnaie. Quant aux réévaluations plus récentes, elles sont artificielles, elles sont des manipulations du Japon et de la Banque Centrale Européenne (BCE), mais cela n’a absolument rien à voir avec la fin de la guerre en Yougoslavie ou avec une amélioration de la situation économique en Europe. Tout cela, c’est de la propagande.
Les raisons « techniques » de ces fluctuations de l’euro résident dans les différences en matières de législations sociales, fiscales, et de droit du travail, etc. et vouloir placer ces innombrables différences sous le dénominateur commun d’une seule monnaie contribuera à plonger les économies nationales réelles dans le désordre. Les diverses priorités d’ordre politique dans les Etats membres ne nous permettent pas d’augurer une politique cohérente de la part de la BCE (il suffit de se rappeler les débats qui ont eu lieu à propos de l’élection du premier président de cette BCE : Duisenberg a été élu pour la moitié du temps qui aurait normalement dû lui être accordé, pour laisser la place au Français Trichet ; ces discussions laissent clairement entrevoir les difficultés futures…).
Les analyses financières les plus récentes prévoient d’ores et déjà un effritement de l’union monétaire, dès que les premiers signes d’un crash du système financier international apparaîtront. Les démissions du ministre américain des finances R. Rubin et du vice-ministre des finances japonais E. Sakarikaba (surnommé « Mister Yen ») ont certainement pour cause l’éventualité fort probable d’un crash. Sakarikaba a clairement donné cette raison pour expliciter sa démission (3).
Q. : Même si les sociaux-démocrates sont au pouvoir en Europe, ce sont eux qui détruisent de facto les institutions de l’Etat-Providence et tous les filets de sécurité sociale, tissés au cours de longues décennies de luttes ouvrières. Ils remplacent les institutions sociales européennes par les principes du néo-libéralisme.
GR : Oui, effectivement, ce sont les socialistes actuels qui détricotent les filets de la politique sociale, tissés par leurs prédécesseurs ! On peut dire clairement aujourd’hui qu’ils ne sont plus du tout les représentants des intérêts sociaux de la population, mais les laquais des puissances financières hégémoniques dans le monde. On peut aussi les accuser d’être des voleurs, car ils tentent, dans l’opération, de rafler un maximum pour leurs propres poches. Les anciennes différences entre socialistes et conservateurs, entre verts et libéraux, ont fini par disparaître et perdre toute signification : tous, sans exception, mettent en pratique les penchants les plus frauduleux de la partitocratie et sont totalement corrompus. La seule chose qui les préoccupe, c’est d’être réélus et de conserver leurs « jobs ».
Q. : Quelles expériences avez-vous eues avec des élites balkaniques ?
GR : Je me suis aperçu qu’elles étaient bien souvent naïves, quand elles demandent des aides substantielles aux organisations internationales ou au FMI. Elles sont obnubilées par le néo-libéralisme sans en connaître, au fond, les principes pervers. Lorsque ces élites économiques balkaniques se présentent dans les conférences internationales, comme à Davos ou au « South European Summit » de Salzbourg ou aux conférences sur la « reconstruction », organisées par le FMI, la Banque mondiale ou l’UE, elles viennent, parfois sans s’en rendre compte, recevoir des ordres. Il semble qu’elles n’ont pas compris les mécanismes en place…
Dans la plupart des pays, la « démocratisation », toujours suivie de la « privatisation », de la « libéralisation » et de la « dérégulation », conduit à une destruction massive des capacités de production, accompagnée d’un taux de chômage catastrophique et, pire, dans les pays agricoles, d’une pénurie de denrées alimentaires (avec des débuts de famine !), parce que la dérégulation néo-libérale ruine l’agriculture. L’erreur n’a pas été de procéder à une « démocratisation » insuffisante, mais d’avoir repris et appliqué le système néo-libéral dans son ensemble et de manière a-critique.
D’abord, ce système ne pouvait pas s’appliquer dans une économie de type traditionnel. Ensuite, il n’y avait pas les conditions-cadres nécessaires (d’ordres institutionnel, légal, juridique et autres) ni suffisamment de cadres formés à ces écoles anglo-saxonnes, pour que ce type d’économie puisse s’organiser. Mais, chose plus importante encore, l’ensemble du processus de néo-libéralisation consiste en une « reprise en main par l’ennemi », en la personne de spéculateurs (le capital international, des trafiquants de toutes espèces, des escrocs). Finalement, le système néo-libéral a atteint son point terminal, le crash, comme nous pouvons le constater à la suite ininterrompue de crises dans le monde entier. L’illusion, qui consiste à croire que, si le système ancien était mauvais, le nouveau devait automatiquement être bon, est une conclusion complètement erronée. Il ne s’agit pas de cela. Si on prend conscience de QUI, ici en Europe orientale, dans des délais très brefs, en est venu à dominer l’industrie, le système bancaire ou les médias, on s’étonne et on se demande comment cela a-t-il pu se faire… Sont-ce des événements normaux ? Ou un processus téléguidé de l’extérieur par des forces anonymes et secrètes ? Pour trouver réponse à ces questions, il suffit de se demander « Cui bono ? », « A qui profite le crime ? ».
Q. : Quelles sont vos impressions après votre voyage en Serbie, frappée par les bombardements de l’OTAN ? Sur le plan géopolitique, que signifie la Serbie pour vous ? Garde-t-elle une signification dans l’affrontement futur entre l’Europe et les Etats-Unis ?
GR : La Serbie a été, est et restera très importante pour des raisons géopolitiques. Elle se situe au carrefour de plusieurs lignes de communication entre l’Europe et l’Asie. Si l’on songe à la résistance que vient d’opposer la Serbie à l’impérialisme américain et aux pressions hégémoniques de Washington, alors on peut dire, sans hésitation, que les Serbes, une fois de plus dans l’histoire, ont pris en charge la mission très difficile de défendre l’Europe contre le despotisme d’une puissance étrangère à l’espace européen. La Serbie est donc le dernier pays d’Europe à opposer une résistance au nouvel ordre mondial annoncé jadis par Bush, Président des Etats-Unis. Je me souviens d’avoir lu un livre très ancien, publié au début du siècle, qui avait pour titre « Die Serben – Wächter des Tores » (= « Les Serbes, gardiens de la porte »). Ce livre est plus actuel que jamais. Malgré toutes les nuées de la propagande, l’exemple donné par le peuple serbe cette année a changé la situation de manière décisive. Car les Etats-Unis n’ont pas atteint le but de leur guerre : ils n’ont pas un modèle casuel pour justifier d’autres interventions, comme par exemple, en Tchétchénie contre la Russie ; ils n’ont pas pu installer une nouvelle « international law » en mesure de sa passer d’un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU ; ils n’ont pas pu étendre leur contrôle à l’ensemble du territoire serbe, c’est-à-dire à l’extrémité occidentale du « pont terrestre » de la « route de la soie », et de remplacer les forces de sécurité de l’ONU par l’OTAN. L’exemple serbe est donc de première importance, surtout sur le plan mental.
ADDENDUM : Réflexions sur les notions de « terre » et de « mer » (Carl SCHMITT)
Pour répondre plus en détails à votre question sur les différences entre économie anglo-saxonne et économie allemande, il faut d’abord bien comprendre la différence fondamentale qu’il y a entre « terre » et « mer », comme Carl Schmitt l’a démontré dans son œuvre. Il a notamment approfondi ces concepts dans tous leurs aspects dans son ouvrage intitulé Der Nomos der Erde (= Le Nomos de la Terre). Les différences entre les pays qui tiennent leur puissance de la mer, comme l’Angleterre et plus tard les Etats-Unis, et ceux qui la tiennent de la terre, comme l’Allemagne, la Russie et la Chine, sont considérables. Je conseille à tous de lire attentivement l’œuvre de Carl Schmitt pour comprendre réellement combien les différences dans les forces motrices intérieures des pays maritimes et des pays continentaux sont fondamentales. Les puissances maritimes basent leur économie sur le commerce mondial illimité et exercent dès lors leur contrôle sur les mers, en tous points du globe. Elles occupent les têtes de pont stratégiques les plus importantes dans le monde entier : Gibraltar pour les Britanniques, Panama pour les Américains, Suez, etc. (4).
Une caractéristique : ces puissances maritimes veulent la concurrence illimitée entre des marchés « libres », dans le monde entier, le commerce ne peut connaître d’entraves. L’OMC/WTO et d’autres organisations internationales comme le Mercosur, l’ALENA et l’UE servent d’instruments à cette idéologie du libre-échange planétaire. Lorsqu’une économie nationale particulière a un marché solvable, génère une surproduction mais se ferme au principe du libre marché, alors les Etats-Unis appliquent, sans fard ni hésitation, leur stratégie habituelle de répression, qu’avait annoncé en son temps le Président Wilson : « S’ils ne veulent pas nous ouvrir leurs portes, alors nous allons les enfoncer… ». Exemple : le blocus subi par le Japon au 19ième siècle et perpétré par la flotte américaine ; plus tard, à partir de 1937, ces blocus directs ou indirects, ont obligé les Japonais, qui dépendaient cruellement des matières premières, à faire une guerre qu’ils ont perdue.
Aujourd’hui, les méthodes sont plus subtiles. A côté de « l’économie réelle » (investissements dans la production), dominent en économie les « financial markets ». On devrait plutôt les appeler des « marchés virtuels », car ils sont complètement détachés de l’économie réelle ; leurs transactions sont en fait des jeux d’ordinateurs, aux caractères hautement spéculatifs.
Les problèmes majeurs liés à ce type de marchés virtuels sont les suivants :
- moins de 1% des transferts financiers quotidiens concernent la paiement effectif de biens réels et de véritables services. Plus de 99% sont de nature purement spéculative.
- Les « dérivats », tels qu’on les appelle, sont en réalité purement virtuels et relèvent de l’économie casino. Ils ressemblent à ces jeux de pyramides financières et, par définition, sont des escroqueries graves et des attentats criminels contre les économies nationales et contre l’économie mondiale. Pire : la « bulle d’air » générée par les spéculations de cette économie virtuelle peut éclater à tout moment et précipiter l’ensemble du système financier et monétaire du monde dans le chaos, avec toutes les conséquences d’un effondrement économique général, frappant toutes les économies nationales, la perte de toutes les épargnes des familles et d’une masse incalculable d’emplois, la pénurie générale de tous les biens importants. Un tel crash ferait apparaître celui de 1929/1930 comme une broutille sans importance !
- Depuis quelques temps, l’ampleur des transactions spéculatives a dépassé la masse dominable. Les évaluations à la fin de l’année 1997 estiment que les « investissements » de ce type —et ils ne sont pas tous répertoriés ; de plus, parler « d’investissements » en cette matière est déjà une escroquerie— s’élèvent à 120.000 milliards de dollars. La Banque internationale des paiements rapporte que le taux de croissance de cette bulle spéculative est de 60% par an !
(La suite de cette étude de Gerhoch Reisegger dans notre prochain recueil ; version allemande parue dans la revue Staatsbriefe à Munich, http://members.tripod.de/staatsbriefe – version anglaise disponible chez l’auteur reisegger-gerhoch@netway.at ou chez robert.steuckers@skynet.be ).
Notes :
1. Hans KEHRL, Krisenmanager im Dritten Reich.
2. C’est immédiatement visible lorsque l’on observe les chiffres des budgets pour la défense et les questions militaires en pourcents du BNP :
Dépenses pour les questions militaires :
1933/34 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP
1934/35 : 1,9 milliards de RM = 4% du BNP
1935/36 : 4,0 milliards de RM = 7% du BNP
1936/37 : 5,8 milliards de RM = 9% du BNP
1937/38 : 8,2 milliards de RM = 11% du BNP
1938/39 : 18,4 milliards de RM = 22% du BNP
A titre de comparaison en 1934 : France : 8,1% du BNP ; Japon : 8,4% du BNP ; Union Soviétique : 9,0% du BNP ; Angleterre : 3,0% du BNP. Ce n’est qu’au début de la guerre que les dépenses de l’armée allemande et de l’industrie de guerre ont été comparables à celles des autres puissances.
3. Le journal financier australien Australian Financial Review a dévoilé les véritables raisons de la démission du vice-ministre des finances japonais, Eisuke Sakakibara (alias « Mister Yen »), responsable du département « finances internationales ». Sakakibara entrevoyait parfaitement la possibilité d’un gigantesque crash. « Il a dit à un ami qu’il n’insisterait pas pour rester un an de plus à son poste parce qu’il croyait que Wall Street allait crasher endéans cette période et qu’il ne voulait pas être responsable de la résolution des problèmes résultant de ce crash au Japon ». Plus loin, la magazine financier australien écrit : « Non seulement l’économie américaine s’effondrera, mais l’ensemble du système capitaliste global sera menacé ». Il est assez inhabituel qu’un ministre parle un tel langage. Sakakibara est l’homme qui a inventé un terme moqueur pour désigner l’économie américaine : « bubble.com ». « Les Etats-Unis seront aux premières loges quand la bulle internet va éclater et crasher ».
4. Dans The Grand Chessboard, Z. Brzezinski énumère toutes les positions stratégiques importantes du globe et les régions géopolitiquement importantes. D’un point de vue européen, nous ne partageons pas toutes ses analyses : elles sont néanmoins cohérentes dans les plans de l’hégémonisme américain.
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La fin du kémalisme en Turquie
Andreas MÖLZER, Député européen
Lettre de Bruxelles
La fin du kémalisme en Turquie
Avant son élection à la fonction de Président, Abdullah Gül avait promis solennellement, en jurant ses grands dieux, qu’il respecterait la constitution laïque de la Turquie. Va-t-il réellement tenir cette promesse électorale ? Pour répondre à cette question, il faudra observer ses faits et gestes avec attention dans les mois qui viennent. Personne ne s’est étonné évidemment que l’ancien ministre des affaires étrangères du gouvernement AKP islamiste cherchait à éviter toute provocation inutile à l’endroit des militaires, gardiens de l’ordre kémaliste. Au cours de ce printemps 2007, les militaires avaient menacé le pays d’un putsch, si Gül entrait au Palais présidentiel de Cankaya, menace qui avait suffi à le faire reculer mais avait aussi plongé le pays dans une crise profonde.
Aujourd’hui, on ne sait pas trop si Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan résisteront à la tentation de transformer la Turquie selon leurs visions, ce qui correspondrait, finalement, à son islamisation complète. Un premier pas dans cette direction pourrait bien survenir fin septembre 2007, lorsque Erdogan proposera l’ébauche annoncée d’une nouvelle constitution. Le point principal de cette ébauche, d’après ce que l’on sait déjà ou que l’on subodore, serait de dépouiller totalement l’armée de ses pouvoirs, ce qui signifierait de facto la fin définitive du kémalisme.
L’islamisation menaçante de la Turquie ne semble pas troubler du tout l’UE. Bien au contraire : l’élection de Gül a soulevé d’enthousiasme l’établissement politique de l’UE, surtout le Président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, car, prétendait-il, un « nouvel élan » avait enfin secoué la Turquie et permettait d’entrevoir du nouveau dans les négociations en vue de l’adhésion d’Ankara à l’Union, négociations qui s’étaient enlisées depuis quelques mois. L’Etat turc est donc désormais aux mains d’un parti d’obédience islamiste et cela ne dérange nullement l’établissement eurocratique. Au lieu de cultiver une inquiétude légitime, l’eurocratie bruxelloise préfère sottement écouter les discours lénifiants venus d’Ankara, qui disent que le processus de réforme, auquel l’Europe légale tenait tant, va enfin pouvoir se poursuivre. Alors qu’il aurait fallu, au plus tard après l’élection effective de Gül à la présidence, mettre sans délais un terme définitif aux pourparlers préparant une éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE. Car en examinant le parcours personnel de Gül et en analysant les déclarations qu’il fit dans le passé, de lourds soupçons pèsent sur le nouveau président turc, car, tout comme pour Erdogan, ce contexte nous porte à penser que les deux compères ne cherchent pas à européaniser la Turquie mais bien plutôt à islamiser l’Europe.
La sagesse empirique nous enseigne à nous méfier des promesses pré-électorales des présidents, qui changent d’avis dès qu’ils sont en poste, comme le prouve d’ailleurs, aujourd’hui, la nouvelle attitude de Nicolas Sarközy ; hier, le président français disait s’opposer à une éventuelle adhésion turque ; aujourd’hui, il tient des propos assez différents. Lors des présidentielles françaises, rappelons-nous, il jouait le rôle de l’opposant clairvoyant à toute adhésion turque. Aujourd’hui, à peine deux mois et demi après son entrée en fonction, il abandonne cette position de combat, au vif plaisir du puissant lobby pro-turc. Si les pays membres de l’UE mettaient sur pied une « Commission des Sages » pour préparer l’avenir de l’Europe, déclarait Sarközy dans un de ses discours, alors il ne s’opposerait plus à l’ouverture de nouvelles négociations avec la Turquie.
Ce dont l’Europe a besoin, ce n’est nullement d’une commission confuse qui permettrait à Sarközy de passer élégamment à d’autres la « patate chaude » que fut cette très importante promesse électorale en matière de politique étrangère, qu’il n’a plus l’intention de tenir. L’Europe a bien plutôt besoin d’hommes d’Etat véritables, capables d’aller au devant des désirs et des soucis de la population, de les prendre au sérieux, et non pas de charlatans frivoles qui, délibérément, jouent avec l’avenir de notre continent. Car le citoyen, qui est en réalité, ne l’oublions pas, le souverain réel, rejette majoritairement, et de manière claire, l’adhésion de la Turquie à l’UE, parce que ce pays a une autre culture, une autre histoire et une autre mentalité et qu’il se trouve en dehors des frontières de l’Europe.
Andreas MÖLZER.
(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°37/05 septembre 2007).01:20 Publié dans Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 12 septembre 2007
Clinton, la Turquie et l'UE
Texte ancien de 1999 pour rappeler la collusion américano-turque, aujourd'hui battue en brèche mais toujours potentiellement activable contre l'Europe !
Clinton veut ouvrir les portes de l’UE à la Turquie
A propos des déclarations du Président américain lors de sa visite à la Turquie, dévastée par un tremblement de terre
Le Président Bill Clinton a esquissé clairement, devant l’ensemble des dirigeants turcs, la tâche stratégique que les Etats-Unis entendent donner à la Turquie : celle-ci doit être un « pont », surtout par le biais de son adhésion (espérée) à l’UE, entre l’Europe et l’Islam modéré ; elle doit également être le « bastion avancé de l’Occident » contre les menaces des fondamentalistes (l’Iran) et de l’Irak ; elle sera l’élément porteur de la stabilité dans les Balkans ; elle sera l’alternative au monopole russe sur les fournitures énergétiques du Caucase, grâce à l’oléoduc Bakou-Ceyhan et au gazoduc transcaspien ; elle sera, enfin, l’alternative à l’hégémonie politique de Moscou en Asie Centrale. Toutefois, Clinton, en utilisant un langage très prudent, a aussi esquissé les « conditions » que la Turquie devra remplir pour que le peuple américain puisse accepter son rôle d’allié privilégié qu’il compte lui attribuer : « approfondir la démocratie », objectif pour lequel « il y a encore beaucoup de travail à faire » ; la Turquie doit ensuite améliorer ses rapports avec Athènes et atténuer les tensions dans l’Egée ; elle doit ensuite favoriser un accord sur Chypre. Clinton, qui est en visite officielle à Ankara et qui doit participer le 18 novembre au sommet de l’OSCE, a affirmé, devant le parlement, que « le futur de la Turquie est la clef pour donner forme au XXIième siècle ». Il a ensuite souligné, avec insistance, la grande importance géopolitique du pays, à cheval entre l’Est et l’Ouest, entre l’Occident chrétien et le monde musulman. Cependant, avec une égale insistance, la Président a insisté sur la nécessité, pour la Turquie, de continuer les réformes démocratiques, « en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression » et les droits de l’homme. Il a laissé entendre qu’il souhaitait également une solution à la question kurde. En même temps, Clinton dit l’urgence d’une amélioration des rapports de la Turquie avec la Grèce, afin que le dégel gréco-turc puisse favoriser l’adhésion à l’UE, projet que le Président américain « soutient avec force et fermeté » et aussi afin de faire de la Mer Egée une mer de paix. Clinton s’est ensuite félicité de la décision du leader turc-cypriote Rauf Denktasch d’accepter les négociations indirects qui auront lieu à New York ( !), mais il a dit au Président turc Suleyman Demirel et au Premier Ministre Bulent Eçevit qu’il attendait que ces négociations conduisent à « des pourparlers significatifs qui mèneront à un accord général sur le problème cypriote ». Allusion claire aux tentatives directes de négociations qu’a entreprises Denktasch, qui reçoit le soutien d’Ankara, mais dont la « République Turque de Chypre du Nord » n’a pas encore été reconnue formellement par d’autres pays que la Turquie elle-même. Toute la classe politique turque, à commencer par Eçevit lui-même, était présente au Parlement pour écouter Clinton, flanqué de sa femme Hillary et de sa fille Chelsea. Eçevit s’est borné à apprécier l’importance que Clinton accorde à la Turquie, soulignant, dans sa réponse, que le Président américain connaissait bien le pays. Cependant, toute l’élite turque ne semble pas avoir apprécié la visite de Clinton. Une centaine de manifestants de la gauche turque ont été arrêtés pour avoir organisé des manifestations de protestation et scandé des slogans comme « Yankees go home ». Mises à part toutes questions politiques, ce sont les terribles séismes d’août et de novembre qui préoccupent l’homme de la rue en Turquie. Effectivement, le nombre de victimes du tremblement de terre du vendredi 12 novembre 1999 ne cesse d’augmenter. Le séisme a eu une ampleur de 7,2 sur l’échelle de Richter. D’après le dernier bilan officiel, il y aurait eu 452 morts et 2386 blessés. Les espoirs de trouver encore des survivants s’amenuisent d’heure en heure, même si les équipes de secours turques et étrangères continuent à creuser ou à fouiller les décombres s’il y a la moindre chance de trouver un être humain encore en vie. Le Président Clinton a assuré le soutien des Etats-Unis, qui ne lésineront en rien et multiplieront les efforts pour aider le nouvel « allié principal » de Washington dans le désastre qui le frappe. Clinton a annoncé un financement d’un milliard de dollars, via l’Eximbank. Cette fois, le gouvernement turc est intervenu rapidement sur les lieux du séisme, en y envoyant des militaires, attitude contraire à son inertie lors du tremblement de terre du 17 août, qui a fait 20.000 victimes. Le problème principal pour les sinistrés reste le froid et l’hiver qui arrive : de sérieux problèmes resteront irrésolus, y compris pour les sans-abri du séisme de cet été. De nombreux pays continuent à envoyer de l’aide, l’Italie en tête. A Duzce et à Kaynasli, les deux localités les plus touchées en novembre, où, respectivement, 350 et 301 des 722 immeubles à étages se sont écroulés, les équipes de secours poursuivent avec obstination leurs recherches dans les ruines, mais 72 heures après le séisme, les espoirs de trouver encore quelqu’un en vie se réduisent considérablement.
Mauro BOTTARELLI.
(Article paru dans La Padania, 16 novembre 1999 ; http://www.lapadania.com ).
03:50 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 10 septembre 2007
World Company: farce démocratique
Texte de 2000: toujours d'actualité pouyr connaître notre dossier "Etats-Unis" !!
Les commentaires de Rodolphe LUSSAC sur les élections américaines
La farce démocratique de la World Company
Le plus populaire et le plus grand dispensateur de morale démocratique à l'échelon planétaire, empêtré dans un imbroglio médiatico-judiciaire a bien du mal cette fois-ci à cacher la crise de son propre modèle démocratique. A ce stade de crétinisme jubilatoire des médias américains et de leurs relais européens, il ne faudrait surtout pas compter sur les Américains pour nous dire le fin mot de l'épisode burlesque qui dévoile leur système politique et leur démocratie. Il convient pour les Européens de tirer eux-mêmes les leçons de l'impasse d'un certain modèle démocratique, voué à s'exporter dans le monde entier. La crise d'une pratique démocratique et des mécanismes de la plus grande puissance mondiale n'est l'illustration d'un phénomène de banqueroute généralisé des mécanismes démocratiques à l'échelon planétaire. Bien sûr, l'hypocrisie occidentale subsiste, le décalage entre le discours "prêt-à-porter" —et plein de compassion— destiné aux pays “non démocratiques” ou “tout juste” démocratiques, et les précautions si peu "démocratiques" dont s'entoure ce même Occident pour maîtriser la démocratie et contrôler voire détourner le suffrage universel.
A/ Première leçon du fiasco de l'élection présidentielle américaine. Les spectateurs, ébahis et étourdis par les infos contradictoires, découvrent qu'un candidat ayant largement la majorité du vote populaire peur perdre l'élection. En fait, l'élection américaine en question ne se fait pas au suffrage universel direct. Pourtant, ce serait le fondement de toute vraie démocratie. La non application du suffrage universel pour l'élection présidentielle est même inscrite dans la constitution, et cela dure depuis plus de deux siècles, sans que personne aux USA, ni ailleurs, ne s'en offusque. On peut comprendre que les pères fondateurs se soient méfiés du vote populaire, du choix des citoyens; et qu'ils aient mis en place un subtil dispositif d'ajustement, un correctif de démocratie. Un suffrage indirect, avec grands électeurs et quotas par Etats. Depuis deux cents ans personne de rouspète, alors qu'on clouerait au pilori n'importe quel pays qui voudrait se démocratiser graduellement et à sa façon, et qu'on accuserait violemment de manipulation, de lèse-majesté, les Américains en premier.
B/ Les Américains sont le modèle par excellence de la bipolarisation, les champions du bipartisme, l'Amérique est le paradis d'une prétendue stabilité que le système est censé garantir. Tout a été construit, concocté dans ce sens: le mode de scrutin, le financement de la politique, le fonctionnement des institutions et du monde judiciaire, et toute la gigantesque propagande médiatique adéquate. De la sorte, deux grands partis, blanc bonnet, bonnet blanc, sont assurés du monopole éternel sur les institutions et la politique du pays. Deux écuries immuables qui, quels que soient les résultats de n'importe quelles élections, dans le rôle du battu ou du vainqueur, sont assurées d'être d'une manière ou d'une autre au pouvoir. En gros, toute idée, toute conviction, tout autre intérêt, d'hier, d'aujourd'hui ou de demain, est contraint de prêter allégeance à l'une des deux grandes familles. C'est une sorte de politique en "figures imposées". Le pluralisme, dans ce cas, ne doit pas dépasser le chiffre deux, 1+1=2, coëfficient d'intelligence moyen de nos voisins d'outre-mer. C'est binaire, kabbalistique, c'est électronique, c'est "fun" et "hightec", c'est simple, c'est "con", disons-le, mais ce n'est pas démocratique. Aux USA, on n'interdit pas les partis, on s'arrange astucieusement pour les empêcher de naître.
C/ Résultat 1: tous ceux qui n'entrent pas dans les deux moules imposés ne votent pas, ne s'intéressent pas à la politique et ne s'engagent pas. Puisque aucun parti nouveau ne peut percer dans un système verrouillé, tous ceux qui ont des revendications spécifiques et mènent une politique au "réel" se replient dans les réflexes identitaires et catégoriels. D'autres prennent même la bonne vieille Winchester pour faire de la rébellion au fin fond du Wyoming. Les groupements de Noirs, Latinos, Jaunes, Arabes, femmes, les sectes diverses témoignent alors d'un éclatement parallèle de la société américaine, qui n'est pas le pluralisme politique. Bref un décloisonnement si peu universel, si peu politique, en aucun cas démocratique.
D/ Le bipartisme planifié, verrouillant la vie politique, génère inéluctablement l'isolement de la classe politique en une petite coterie hermétique. D'abord, parce qu'elle est perçue comme une caste professionnelle fermée, et ensuite parce que les deux parties n'étant menacées par aucune concurrence ne voient pas l'intérêt d'un recrutement immédiat. C'est pourquoi il n'y a pas de circulation des élites mais omniprésence d'une oligarchie toute puissante. Les élites politiques se recrutent dans les mêmes familles, sinistres dynasties qui transmettent de génération en générations le kitch et le mauvais goût, label père et fils. Pour ne citer que les superstars de l'élection présidentielle, le candidat Bush est le fils de son père d'ancien président, et le frère de son cadet de gouverneur de la Floride, Etat de tous les litiges et affaires crapuleuses. Quant à Gore, digne des stars de films aussi débiles que lui, il est fils d'ancien sénateur, tout comme le nouveau sénateur Hillary est la femme de son célèbrissime Clinton de mari.
E/ Le discours et l'idéologie ultra-libérale, dispensés un peu partout dans le monde, qui prônent la mort des partis, le règne du consensus, le dénigrement de la politique et, du coup, l'aliénation de la volonté populaire et la soumission de tous les pouvoirs aux seules puissances de l'argent, sous-traitent la figuration et l'industrie du spectacle politico-médiatique à des partis sur mesure, ce bon vieux rêve ultra-libéral trouve son illustration et son apothéose dans le système américain. Ni gauche ni droite ni idées ni idéaux ni convictions mais deux gentils pôles interconnectés, si d'accord sur l'essentiel, sur la loi de la jungle, la société de marché et de consommation, la fatalité des inégalités, et puis, pour la galerie, un peu divergents sur deux ou trois rubriques budgétaires qui n'empêchent pas la bourse de Wall Street de dormir et de flamber.
F/ Tout ce beau système s'entretient. Les médias appartiennent bien entendu aux puissances financières qui sont toujours là pour la besogne des campagnes opulentes. Leur rôle entre deux élections est de maintenir le citoyen dans les abîmes de la médiocrité. Culture saupoudrée de l'individualisme le plus crasse, ragots et supercheries de bas étages. Pour la politique, bruits de chiottes et scandales minables. Circulez, bonnes gens, il n'y a pas d'idées. La seule institution qu'il convient d'aduler, c'est la bourse, les empires financiers, tout ce qui dispense publicité et recettes pour que vivent les médias qui ne pensent rien et surtout n'incitent pas à la réflexion. A haïr, à calomnier, à s'abrutir, se chouter, démissionner, à désespérer, à se désengager totalement de la vie collective, oui, mais comprendre, réagir, réfléchir et s'engager, non. Bref la boucle est bouclée, le système fonctionne à merveille. Mais cette fois-ci l'imbroglio électoral, la bévue monumentale des médias, les suspicions de fraudes et de manipulation, seront-ils balayés d'un coup? La démocratie américaine peut-elle prendre le risque de pérenniser un système qui révèle des failles aussi flagrantes? Oui, je le crois, car nos voisins sont trop bêtes et avachis dans leur système, à coup sûr ils perpétueront encore pour des siècles et des siècles, jusqu'à l'apocalypse peut-être, et, j'ironise bien sûr, jusqu'au paradis de la "WORLD COMPANY": Consensus, talk-shows débiles et voyeurisme grassouillet, bipolarisation forcée, négation du pluralisme, dépolitisation, dérive commerciale des médias, abstentionnisme. Ils en sont capables car ils ont peu d'imagination et pas le moindre signe d'intelligence.
La Floride, pivot des "Etats-Désunis”
Des semaines après la fermeture des derniers bureaux de vote, les Etats Unis ne sont toujours pas certains de pouvoir connaître l'identité du prochain président. La victoire dans la course à la Maison Blanche qui a mobilisé plus de 100 millions d'électeurs, se joue dans les banlieues de Palm Beach, en Floride, peut-être même au Kosovo, où plusieurs dizaines de GI's floridiens votent par correspondance. En Floride, le recomptage manuel des voix —ou judiciaire peu importe— prend progressivement les allures de guérilla juridique, sous les yeux d'une Amérique déboussolée. On envoie sur place des bataillons de juristes qui vont compliquer et alambiquer l'affaire au point d'en arriver à la farce électorale. Trois recours en justice ont déjà été intentés par les électeurs de Gore dans le comté de Palm Beach, majoritairement démocrate. La légitimité du président sortant sera —une chose est sûre— quelque peu tarie par les contorsions de la Floride. Le dysfonctionnement des mécanismes électoraux, et le déficit de la démocratie témoignent de l'abîme qui sépare deux Amériques, irréconciliables, l'une pauvre, moyenne, populaire, avachie et dépolitisée, l'autre riche, sectaire et privilégiée du système dominant. Le prochain président devra recoller les morceaux de ces Etats-Désunis. Il était tout de même plus facile de changer de président en Roumanie, en Côte d'Ivoire et même à Belgrade.
L'amphétamine judiciaire comme antidote aux réformes
La “judiciarisation” à outrance du vote floridien témoigne de la carence du système électoral américain. Des voix s'élèvent paradoxalement pour étouffer tout débat sur une réforme hypothétique du système. Des voix dans le désert synarchique. L'appât des votes floridiens est devenu si avide que les parties concernées ne cessent d'utiliser tous les recours juridiques possibles que le système électoral des Etats-Unis fabrique tel un labyrinthe pour les citoyens égarés, les noces fastueuses pour les avocats impliqués. Si cette anecdote se poursuit ad vita eternam, si cette bataille juridique perdure, alors il y aura une possibilité pour que le vote de la Floride soit récusé le 18 décembre, le jour au cours duquel les grands électeurs de tous les Etats de l'Union doivent se prononcer. Ainsi les grands électeurs de la Floride ne peuvent pas voter lorsqu'une seule et unique cause reste pendante devant les tribunaux, alors seuls leurs collègues des autres Etats pourront agir. Il leur reste le temps suffisant pour consulter tous les lobbies et groupes de pression concernés. Cela démontre que le système électoral américain reste une architecture inextricable qui suscite une confusion généralisée des esprits saturés. Seuls les avocats se délectent dans les dédales des recours judiciaires. En fait, une sacralisation des textes judiciaires aboutit à diffuser une amphétamine redoutable via les médias pour éviter un quelconque débat sur la fiabilité du système électoral, la grande majorité de la scène politico-médiatique réitère inlassablement une confiance absolue en la constitution. L'histoire est restée figée en 1787 à l'époque où l'on colonisait en toute impunité sans vote préalable des terres étrangères au nom d'un messianisme pionnier qui ne cesse de faire des ravages encore à notre époque contemporaine. Le discours passéiste et apologétique des autorités de ce pays ne cesse de ressasser que la démocratie américaine a ceci de très vertueux qu'elle est justement perfectible. En fait si refonte il y a, alors c'est bien le collège électoral auquel s'accrochent les dix plus grands Etats avec verve parce qu'il les avantage indûment par rapport aux autres Etats; bref la “judiciarisation” étouffe tout débat et contestation et les Etats-Unis se transforment en une république de sophistes censitaires et de gargantuas modernes infatués et incorrigibles.
Au royaume corrompu de la polyarchie
L'électorat universel, cosmopolite et bigarré pourrait choisir entre un président blanc bonnet et un président bonnet blanc. L'US Air Force fatiguée de larguer des bombes, pourrait bien finir par larguer les urnes. La technologie avancée de l'Oncle SAM, lassé de téléguider des missiles sur les peuples récalcitrants à la pax americana, pourrait se refaire une santé en téléguidant des volontés politiques des peuples. Pour le moment, la responsabilité d'élire ce super-président pèse lourd sur les épaules d'un seul Etat: la Floride. Connaissant l'allégeance politique de cet Etat, le problème aurait dû être réglé dès le début en faveur de Bush Junior. Mais il faut tenir compte du fait que cet Etat contient une grande concentration de militaires (théoriquement ralliés au camp Républicain) et une large communauté cubaine qui en voudrait à mort au camp démocrate du fait de l'affaire du "petit Gonzales", ceci sans oublier le rôle des démocrates dans l'affaire de la Baie des Cochons. Comment donc expliquer les résultats si serrés de l'élection, surtout en Floride? Est-ce que certains lobbies bien pensants y seraient donc pour quelques chose? Un certain lobby bien connu du public noyaute profondément l'appareil démocrate, tout en étant présent dans l'appareil républicain. Derrière Bush, on trouve tous les complexes puissants tel que le complexe militaro-industriel. Ce qui distinguerait cette élection des précédentes serait plutôt, comme le rapporte la presse américaine, qu'Al Gore s'est adjoint, et ce, pour la première fois dans l'histoire des USA, un vice-président d'origine juive. Cette décision aurait établi un consensus juif autour du camp d'Al Gore. Il ne s"agit pourtant pas de schématiser et d'adopter une position trop réductionniste car l'Amérique est dirigée par une pléthore de lobbies, avec des intérêts parfois convergents ou divergents, de sorte qu'une polyarchie corrompue se retrouve de bas en haut de la pyramide du pouvoir. Il n'en reste pas moins qu'aux plus forts moments de la crise au Proche-Orient, Hillary Clinton dénonce la résolution des Nations Unies condamnant Israël “pour usage excessif de la force contre les Palestiniens”. Ce n'est pas un concours de circonstance, mais Hillary est devenue ensuite la première femme américaine à être élue au Congrès. Qui dirige l'Amérique du Nord ? Post scriptum: secret de polichinelle.
La pax americana à la lumière de Montesquieu
L'élection présidentielle aux Etats-Unis, aussi médiocre et tragi-comique soit-elle, peut pourtant être sujette à une réflexion intéressante, voire comparative, qui générera des considérations inspirées de celles de Montesquieu sur "les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence", écrites en 1734. Elles sont toutes d'actualité et très instructives notamment lorsqu'elles se transposent à la Pax americana, et surtout dans le chapitre sur "l'Art de la conduite que les Romains tinrent pour soumettre tous les peuples". On y lit ils "tenaient à terre ceux qu'ils trouvaient abattus", "ôtaient une partie du domaine du peuple vaincu pour le donner à leurs alliés", se servaient de ceux-ci pour faire la guerre à leurs ennemis, "ce en quoi ils faisaient deux choses; ils attachaient à Rome des rois dont elle avait peu à craindre et beaucoup à espérer et en affaiblissaient d'autres dont elle n'avait rien à espérer et tout à craindre". Après avoir détruit des armées, ils ruinaient les finances en faisant payer les frais de guerre, ce qui forçait les dirigeants de ces pays "d'opprimer leurs peuples et de perdre leur amour. Les vaincus pouvaient se voir décerner les récompenses éclatantes, notamment le titre convoité "d'allié du peuple romain", amis ils n'en étaient que le plus souvent humiliés. Comment ne pas songer au Traité de Versailles, accablant et honteux, que les Etats-Unis et leurs alliés ont imposé en 1919 à l'Allemagne avec des réparations de guerre que le peuple allemand devait payer jusqu'en 1988, puis encore comment ne pas transposer cette stratégie d'assujettissement des peuples à la situation des pays du Tiers Monde sans parler des immondes sanctions infligées à l'Irak. En effet, la fin de l'ordre bipolaire, avec l'effondrement de l'URSS, permettait aux Etats-Unis, en tant que puissante dominante du moment, d'en revenir à la politique de la canonnière; la mise en œuvre d'une telle politique est le produit d'un approfondissement des réflexions stratégiques entreprises depuis 1984 sur les opérations de dissuasion sélective, lesquelles, après avoir planché sur les conflits de faible intensité, étudièrent les moyens à mettre en œuvre pour faire face à des conflits de moyenne intensité, qui mettaient en scène des puissances régionales disposant d'un important armement conventionnel comme la Syrie et l'Iraq. Dans les pays les plus faibles, on utilise la stratégie du "coupe-feu" qui consiste à monnayer au prix d'une libéralisation du marché le bouclier protecteur d'Oncle Sam et le titre d'alliés; là ou le pays est plus récalcitrant et "entêté", on met en œuvre le concept de conflit de moyenne intensité qui implique la mise au point de nouvelles techniques d'intervention, prévoyant le transport sur de longues distances, et dans les délais les plus brefs possibles, des troupes nombreuses et un matériel conventionnel important, capable de faire la différence face à des ennemis disposant d'une puissance de feu non négligeable. Bref pour soumettre l'ennemi on utilise tout d'abord la dissuasion, le "pressing diplomatique", euphémisme pour un chantage économico-financier, ou, sous prétexte de pacification, on intervient militairement et médiatiquement comme ultime recours. Ainsi, Grenade, l'Afghanistan, la Guerre du Golfe, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, ne sont que le théâtre où les Etats-Unis ont pu tester la pertinence de leurs schémas théoriques stratégiques et la fiabilité de leur logistique et de leur armement. Là où il n'y avait pas de conflit dans une zone géostratégique convoité par l'Oncle Sam, on induit artificiellement et volontairement des conflits de faible ou de moyenne intensité pour prétexter une intervention hypothétique. Les Etats-Unis sont passé maîtres en l'art de générer le chaos déterminé et minuté. Mais poursuivons la lecture de Montesquieu. L'utilisation des peuples voisins étaient en général la tactique adoptée: "quand deux peuples étaient en guerre, quoiqu'ils n'eussent aucune alliance, ni rien à démêler avec l'un ni l'autre, ils ne laissaient pas de paraître sur la scène et de prendre le parti du plus faible. C'est l'illustration de la politique d'alliance des Etats-Unis vis-à-vis des conflits régionaux du type Ossétie, Bosnie, Azerbaïdjan-Arménie, etc... "Ils s'appuyaient toujours sur des alliés à proximité du peuple qu'ils désiraient vaincre, alliés qu'ils avaient créés de toute pièces. "Ils n'accordaient point de paix à un ennemi qui ne contint une alliance, c'est-à-dire qu'ils ne soumettaient point de peuple qu'il ne leur servit à en abaisser d'autres". Les peuples soumis ou à soumettre mettaient tous leurs espoirs dans un tel traité. Pour Rome, la paix n'était qu'une manière de préparer la guerre et les traités n'étaient que des suspensions dans la guerre; les peuples vaincus, soumis ou à se soumettre n'étaient jamais épargnés même dans l'humiliation: après chaque victoire, Rome suscitait deux factions, s'immisçait dans les affaires intérieures, utilisaient les opposants qualifiés "d'alliés du peuple romain" et divisait afin d'affaiblir. Du Honduras au Salvador, en passant par le Chili et le Nicaragua, toute la politique étrangère et militaire des Etats-Unis est ici expliquée en quelques mots. Néanmoins Montesquieu constate que Rome "avait une manière lente de conquérir", "car il fallait attendre que toutes les nations fussent accoutumées à obéir comme libres ou comme alliés avant de leur commander comme sujettes". C'est ce qui distingue la mission civilisatrice universelle qu'entreprenait les Légions Romaines dans les quatre coins du monde et dans le respect des religions et de la diversité des peuples sujets, et la Barbarie hégémoniste des Etats-Unis d'aujourd'hui qui ne propose aucune vision du monde ni de véritable projet de société, et broie, pille et appauvrit tel un rouleau compresseur niveleur, impitoyablement, les peuples qui refusent de se soumettre au dictat de l'Argent-roi, du libéralisme mercantile, de la loi du marché et de la société multiculturelle.
01:25 Publié dans Géopolitique, Politique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 08 septembre 2007
Réhabilitation d'Andrej Hlinka
Slovaquie : hommage officiel à Andrej Hlinka
BRATISLAVA : Des députés en vue du parti chrétien-démocrate de l’opposition, le KDH, viennent de proposer une loi, par laquelle Andrej Hlinka (1864-1938) serait honoré pour les services qu’il a rendus à l’Etat. Ce prêtre catholique s’était engagé pour défendre les droits des Slovaques (ndt : dans l’Etat tchécoslovaque artificiel voulu par les francs-maçons Poincaré et Clémenceau), ont déclaré Vladimir Palko (ancien ministre de l’intérieur), Frantisek Miklosko et Pavol Minarik. Andrej Hlinka avait fondé en 1918 le HSLS ou le « Nouveau Parti Populaire National-Catholique Slovaque ». En 1939, après la mort de Hlinka, le HSLS devint le parti d’Etat sous l’égide du prélat catholique Monseigneur Jozef Tiso, dans une Slovaquie indépendante et alliée à l’Allemagne. Le vice-premier ministre Dusan Caplovic, qui appartient au SMER, un parti populiste de gauche qui fait partie de l’actuel gouvernement slovaque, a simplement rétorqué aux députés du KDH qu’il serait opportun de proposer la réhabilitation officielle de plusieurs autres personnalités, par une loi similaire mais plus large, car légiférer sur la seule personnalité de Hlinka s’avèrerait problématique, puisque son action suscite encore bien des controverses en Slovaquie.
(source : Junge Freiheit, Berlin, n°36/2007).04:10 Publié dans Affaires européennes, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L. Demambour: débat franco-wallon
Lothaire Demambour:
Réponses à Roger Viroux et à Jack Marchal dans le cadre du débat franco-wallon
Ayant lu l’entretien réalisé par Ons Leven avec Roger Viroux et les réactions de Jack Marchal qui s’ensuivirent, j’ai voulu participer modestement à un débat dont j’ai bien senti qu’il était plus large qu’il n’y paraissait et que la question IMPERIALE en était la clef de voûte. Marchal travaille, dit-il, avec l’association "Terre et Peuples" mais considère l’Empire comme "une tarte à la crème". Ceci est grave. C’est incohérent et idiot surtout quand on plaide par ailleurs pour l’Eurosibérie. Significativement Marchal déclare que cette "tarte à la crème" serait le propre de "nos milieux". Un chaos mental et intellectuel sévit donc en France, justement dans les milieux que Marchal qualifie de "nos milieux". Ce qui me fut confirmé par la suite, vu les échanges entre le Cercle Gibelin et Robert Steuckers à propos des égarements mentaux de la Nouvelle Droite actuelle et de ses tares incapacitantes (pas de réflexion géopolitique, juridique, économique et historique, sans parler du reste).
Les déclarations de Viroux et de Marchal comportent des aspects négatifs et des potentialités sans issues, incompatibles avec notre volonté et notre engagement populaire et impérial. Brabançon attaché à la ville de Bruxelles, ville qui, chaque année, voit les étendards d’or frappés de l’aigle du Saint Empire saluer l’entrée de Charles-Quint lors de la fête dite de l’Ommegang, j’offre ces quelque réflexions à qui veut les lire, amis ou ennemis.
Polemos étant le père de toute chose, contribuons à ce que survienne une plus grande clarté, annonciatrice de rassemblements et de luttes féconds. Luttes qui impliquent l’élimination des incohérences paralysant l’approfondissement des thèmes qui sont les nôtres ainsi que de leurs hérauts passés, présents ou à venir (qu’ils se rassurent les ignorer suffira).
Ce texte sera livré en deux parties. La première entend rappeler des continuités historiques nécessaires pour " vertébrer " le débat (normalement, tout ce qui concerne le rattachisme ne devrait pas toucher nos milieux en France. Néanmoins quand on voit leur incapacité à remettre quoi que ce soit en cause dès qu’on touche à la France ou à prendre pour des "attaques" de simples critiques légitimes des pires aspects de leur histoire, il y a de quoi se poser des questions...). La seconde concernera le modèle Impérial et visera à rétablir le sens de celui-ci.
LA WALLONIE ET LE WALLON
1) La démarche de Viroux est intéressante car elle témoigne de l’existence d’érudits et de personnes impliquées dans le mouvement wallon, mais qui ne sont pas francolâtres et rattachistes. Ce qui fut et est très souvent le cas (hormis quelques exceptions). Néanmoins je ne pense pas que l’apprentissage du wallon soit un thème porteur car :
a) Si la Wallonie existe administrativement et mentalement depuis peu, il n’existe pas de peuple wallon tel quel, légitimé par sa participation dans l’histoire en tant que peuple au sens où l’entend un Max Hildelbert BOEHM, à savoir un peuple comme communauté et comme espèce acquérant des caractéristiques propres par sa participation auto-réalisante à l’Histoire. Conception dynamique et plurilogique, organique et non réductrice.
b) ce découpage territorial unitaire, ne recouvrant pas cette réalité populaire, est insuffisant et risqué car son caractère pragmatique (rassemblement des francophones non bruxellois au sein du fédéralisme centrifuge belge) permet des ambiguïtés et n’offre pas d’assise institutionnelle garantissant son insertion et sa participation à l’instauration d’une Europe fédérale et Impériale.
Il n’y eut jamais de sentiment d’appartenance des hommes et des femmes des "provinces wallonnes" à une Wallonie comme instance d’unité. Les Wallons ne peuvent se sentir attachés qu’à leurs provinces, au sens médiéval et moderne du terme (les XVII Provinces), ainsi qu’à leurs villes; ce qui fut le cas pendant tout ce que LE GOFF appelle le long Moyen-Age, particularisme qui voyaient les villes prendre la tête de révolte lors des successions dynastiques notamment, par exemple Gand lors de la mort de Charles le Hardi, follement appelé Le Téméraire par les Français en 1477, et qui fut renforcé par le phénomène de la première révolution industrielle (voir le sentiment d’appartenance des Carolorégiens et des Borains a leurs terres industrieuses).
La seule entité englobante de type politique pour les terres wallonnes au sein d’un ensemble plus vaste et qui mérite notre attention furent les CERCLES; organisation rêvée par Charles Le Hardi, sauvegardée par Maximilien I et réalisée par Charles Quint en 1548 ("Cercle de Bourgogne" pour les Pays-Bas, hormis Liège intégrée dans le Cercle de Westphalie) dont l’aspect juridique et symbolique garde toute leur force dans notre perspective Impériale : souveraineté continentale et droit des peuples.
Je préfère proposer ces institutions aux "Wallons" dans une volonté de continuité historique et je pense qu’elles offrent des potentialités fortes pour relever les défis que nous soumet notre contemporanéité, que d’opter pour un mythe en devenir qui vu son manque de cohérence et de consistance risque de servir le modèle stato-national, à savoir : la Wallonie et sa langue. J’ajoute que les personnes qui portent et revendiquent la Wallonie sont pour le moins douteuses et incultes; j’entends par là les hommes politiques wallons de tous bords.
2) Il me semble que c’est une erreur que de trop absoluiser la langue (sur ce point je rejoins Marchal). L'équation identité égale langue n’est pas automatique et procède d’un réductionnisme rationaliste. Il est d’autres réminiscences qui vivent en nous.
Je rappelle à ce propos qu’en ce qui concerne le wallon et la France, tout n’est pas aussi simple. Ainsi le wallon de Liège a beau être le plus proche de l’allemand, cela ne préserve pas les Liégeois du pire parisianisme pour ne pas dire plus. Liège étant la seule ville de Belgique où le 14 juillet des Sans-Culottes est fêté malgré la nature de son wallon fort germanisé et son usage plus répandu qu’ailleurs (la seule perspective linguistique d’un Viroux qui cite la proximité du wallon de Liège avec l’allemand lui fait manquer cette aporie). Il faut dire que, vu les ressentiments des Liégeois envers leur prince-évêque, déjà ils avaient détruit leur majestueuse cathédrale gothique en offrande aux sans- culottes ébahis. Point de non retour ?
Au delà de toute sotériologie dialectale, une organisation impériale de notre continent intégrant les principes de subsidiarité et les principes fédératifs, permettrait aux hommes et femmes du Brabant, du Hainaut, des provinces de Liège… et d’ailleurs de parler toutes les langues qui leur plairaient; français y compris; sans que ne se pose cet aberration juridique et historique qu’est le "rattachement" à la France.
Avant d’en venir à cette imbécillité honteuse et deux fois traîtresse, je me permettrai d’ajouter que la logique maternelle du refuge dans la pratique du wallon, implique son enseignement. Voilà qui pose problème. Les programmes scolaires comportent un nombre d’heures déterminé et l’esprit du temps n’est pas à l’augmentation du travail scolaire: en effet, le ministre du fondamental [i.e. l'école primaire], l’écolo Nollet, propose la suppression des devoirs à domiciles pour le niveau primaire. Dès lors, tout ajout d’une matière dans le cadre actuel présuppose la disparition de certain cours, or je connais des personnes et des enseignants du Sud du pays qui verrait bien la suppression du grec et/ou du latin au profit du wallon. Funeste erreur, car n’oublions jamais la richesse de l’apprentissage de ces langues mortes. Car outre la formation d’analyse résultant de l’étude de la langue latine ou grecque elle-même, celles-ci offrent un matériau et un bagage de réflexion politique, philosophique et historique incomparable, essentiel à l’avènement d’hommes libres, de ce fameux citoyen que l’on invoque partout et tout le temps et que l’on nie dans sa concrétude.
Thucydide déniaise autant que Machiavel; Tacite nous renseigne sur les anciens Germains, sur leurs institutions politiques et leur esprit (Fidélité et Liberté) qui nous est si cher; Polybe, ô combien moderne, réfléchit sur le sens de l’Empire Romain, lui, le Grec vaincu et otage diplomatique, collaborateur de Rome…
Alors, face à l’entreprise d’aliénation totalitaire qui sévit à l’heure actuelle et qui atteint un stade tel qu’il n’en fut jamais, ne jetons par nos anciennes armes qui pourraient bien se révéler des plus utiles. Maximilien Ier, pour défaire les Turcs revalorisa la vielle infanterie, n’hésitant pas à montrer l'exemple en mettant pied à terre
LE RATTACHISME, UNE IDEOLOGIE DE TRAITRES, ANTI-IMPERIALE PAR ESSSENCE
Anti-impériale, par essence, au sens ou cette idée est condamnée par le passé et par l’avenir. Ni légitimité "historique" ni légitimité prospective puisque l’Europe (de Dublin à Vladivostock, s’entend) marche vers son assomption en tant que grande puissance alliant les caractéristiques du "Grossraum" schmittien et du fédéralisme.
Anachronisme politique et anachronisme historique comme charybde et scylla de notre destin, une telle volonté ne peut provenir que de traîtres attachés à l’Etat-Nation de mouture française et ce, à double titre, vu qu’il s’agit dans leur chef de l’acceptation de ce modèle illuministe et du rattachement concret de nos terres à ce modèle et à son incarnation réelle, à savoir la république française. Avant de dire et de démontrer à quel point ce rattachement est injustifiable du point de vue historique, je voudrais rappeler que la voie jacobine est une voie sans issue et dire (comme le fait Robert Steuckers et l’association Synergies Européennes montrant bien que c’est des constitutions allemande, suisse, espagnole, autrichienne dont il faut s’inspirer afin de permettre une existence organique de notre continent et de nos peuples).
DES CONTINUITES HISTORIQUES….. ?
Dans notre époque soucieuse de mémoire et de souvenir, nous les "Bons Européens" et les "hommes de la plus longue mémoire" jetons également un regard sur le passé et souvenons-nous. Viroux a raison de rappeler les affres de la domination française lors du régime dit "français" (1794-1815) où, après l’invasion des révolutionnaires, nos contrées subirent le joug de l’usurpateur Napoléon Ier. Néanmoins, jamais il ne faut se cantonner à ce temps de délires exclusivement. Certes cette époque vit, en plus de son cortège de méfaits, l’introduction de pratiques juridiques oppressantes et irréalistes contre lesquelles nous devons lutter. Mais c’est aussi sur toutes les présences de la France sur nos territoires qu’il convient de se pencher. Sinon, on risque de passer à coté de l’essentiel et de se voir rétorquer des justifications mettant en cause la nature du régime napoléonien ou les "excès" des révolutionnaires. Que ce soit Napoléon ou Louis XIV, François I ou Louis XV, il s’agit là toujours de synonymes d’invasion et de destruction pour nos peuples. L’opposition aigrie de la France à l’Empire et la même volonté centralisatrice qu’on retrouve des Capétiens aux révolutionnaires de 1789, tel que l’a démontré Alexis de Tocqueville dans L’ancien régime et la révolution, furent à la source de nos malheurs passés. Ce brillant analyste normand avait entrevu la destruction des libertés concrètes et des droits de l’homme non individualiste, d’essence germanique ainsi que le triomphe du vulgaire et la mise au pas des individualités libres, créatrices, en un mot aristocratiques; saisissant par ces deux niveaux, le caractère totalitaire du monde à venir : le nôtre.
Au XVème siècle, Louis XI —que nos instituteurs, jadis, nommaient l'«Universelle Aragne», reprenant ainsi le mot de Charles le Hardi— ayant obtenu justement la perte du visionnaire Charles le Hardi (mort en 1477 devant Nancy), s’empara par les armes de la Bourgogne, de la Franche-Comté, de la Picardie et de l’Artois et menaça la Flandre et le Hainaut. Sa malsaine volonté de puissance faisait de lui un ennemi résolu de l’Empire et de la bonne entente européenne. Sa volonté impérialiste (au sens évolien) ,son opposition aux Ducs de Bourgogne, au fiefs libres (Franche-Comté) et à l’Empire prennent une véritable valeur paradigmatique.
Au XVIème, c’est l’opposition de François Ier à Charles Quint, prince naturel de nos Pays -Bas et empereur universel, dernier grand gibelin qui nous fait souffrir du Français. Et la chose mérite d’être soulignée car cette souffrance est occasionnée en même temps à l’Europe entière. En effet, si François Ier qui garde la Bourgogne "française" (celle de la région vinicole) et qu’il envahit les Pays-Bas pour prendre la Flandre et l’Artois considéré comme acquis à la couronne; ce continuateur de Louis XI n’hésita pas à s’allier avec Soliman et l’Empire ottoman. La chose se répéta lors des guerres de l’Autriche contre les Turcs dans les Balkans. En 1736, alors que les Impériaux combattaient sous les ordres du Prince Eugène, de Charles de Lorraine et de l’Archiduc François, les Polonais sous ceux de Jean Sobieski, que les Russes participaient à la lutte de libération de l’Europe Sud-orientale et de la rive septentrionale de la Mer Noire, la France encouragea les Ottomans à sortir de leur léthargie (sic) via l’intermédiaire de leur ambassadeur Villeneuve. Louis XV sollicitait et jouait le jeu des Turcs contre les Habsbourg … et contre la Russie, jugée menaçante. Vous avez dit guerre contre l’Europe ? Il est des constantes diplomatiques troublantes.
Cette alliance est chose souvent relevée du strict point de vue de l’histoire narrative mais je voudrais soumettre à l’appréciation de mes lecteurs cette troublante continuité politico-historique. A l’heure ou le projet otano-sionistico-ubuesque d’intégrer la Turquie à l’Union Européenne nous est imposé (en contradiction avec le traité de Rome qui prévoit la condition du caractère européen du candidat à l’adhésion), le sociologue Emmanuel TODD propose de favoriser et de pousser en avant cette adhésion. Cet universitaire, qui écrit pourtant des choses quelquefois intéressantes (notamment sur l’immigration ou sur Friedrich LIST), est en faveur de l’adhésion turque car il pense que cela favoriserait et le modèle jacobin et la création d’un axe jacobin en Europe (in la revue suisse L’hebdo, 16 Décembre 1999, p.40). La république française comme tête de pont ou plutôt aboutissement de la dorsale islamique ?
La France comme intermédiaire entre les USA et l’islamisme politique; au grand dam de notre sociologue, qui, par ailleurs, croit combattre l’un et l’autre ! ! Méfaits d’une étude purement idéologique qui se jette dans le mirage du kémalisme, version loukoum du jacobinisme, et de l’état-nation (ce qui est du pareil au même). Cet halluciné, dans sa lancée, plaide pour un "nouvel universalisme à la française". Pitié: l’Universel, oui; l’universalisme, jamais! Je recommande la lecture d’Alexandre Del Valle à Monsieur Todd car, par compassion, je ne voudrais pas qu'il reste l'allié objectif de ce qu’il croit combattre. Ce serait dommage et pour lui et pour nous.
C’est en vue de protéger les Pays Bas de l’impérialisme français que Charles-Quint constitua le cercle de Bourgogne en 1548, créant ainsi une unité dynastique héréditaire qui devait consacrer une fois pour toute l’unité bourguignonne et empêcher sa désagrégation au fil des attaques successives de la France, grâce à la protection allemande.
Au XVIIeme, période de guerre civile européenne, s’il en est, ce furent les politiques continues de Richelieu, Mazarin et de Louis XIV qui provoquèrent les incursions des troupes françaises dans le Sud de notre pays qui, pour éviter les pillages et les destructions, se couvrit de moulins et d’églises fortifiées lesquelles étaient reprises ensuite comme avant-postes français. Notre pays devant essentiellement devenir aux yeux du roi, une forteresse et une vaste garnison protégeant son pré carré. Lors de l’année 1695, les bombardements français détruisirent le vieux Bruxelles (quartier de la Grand place et partie centrale de la ville). Je laisse là le XVIIème siècle, trop de facteurs étant liés dans une guerre civile d'ampleur continentale.
Le XVIIIème avait débuté tout comme il finit (1794-1815) par l’invasion et la domination française. La soldatesque arriva en 1700, à la faveur de la guerre de succession d’Espagne. Elles restèrent jusqu’en 1702, c’est la période du régime "anjouin". Louis XIV voulant offrir le trône espagnol (et donc les Pays-Bas) à son petit-fils, le Duc d’Anjou. L’affaire fut réglée entre les puissances à notre détriment. La politique anti-européenne du monarque eut comme conséquence l’imposition du "Traité de la Barrière" à nos contrées au grand regret de l’Empereur, lequel sachant bien que cela impliquait des mesures désagréables pour la population (entretien de troupes étrangères aux frais du pays, réquisitions et impôts,…). Sombre siècle qui vit en 1746, l’entrée de Louis XV à Bruxelles lors de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) la France profita de la montée sur le trône de l’Impératrice Marie-Thérèse (décidément voilà un pays qui sait faire place aux femmes politiques … De tout temps !) pour attaquer l’ennemi héréditaire: l’Empire, qu’il soit habsbourgeois ou non.
Commandées par le Maréchal de Saxe, les troupes de Louis XV prirent possession des Pays-Bas de la façon la plus vaste qu’il n’avait jamais été: tous les Pays-Bas, avec Berg-op-zoom au nord (Hollande) et Maastricht à l’Est furent enlevés.
Ceci fut le résultat de la bataille de Fontenoy (11 mai 1745), mais ce qui est plus grave, c’est que ces campagnes furent suivies d’exactions et de pillages épouvantables (que les historiens comparent aux razzias des Arabes… Décidément!).
Villes et campagne furent pillées, la population violentée et les réquisitions entraînèrent un cycle de famine pour deux ans. C’est également durant cette guerre que fut saccagé le magnifique château de Tervueren, demeure des Ducs de Brabant, de Bourgogne, de Charles-Quint et des Archiducs Albert et Isabelle. Les troupes du Maréchal de Saxe qui y séjournèrent n’y laissèrent que des dégâts. Logique me rétorquera-t-on, ce sont les méfaits naturels d’une guerre et du logement des militaires. Les troupes hollandaises qui y séjournèrent aussi le laissèrent intact!!
Je rappelle également l’opposition française au ravitaillement des populations belges et néerlandaises lors de la Première Guerre Mondiale (cfr. Henri Haag, Le ministre Brocqueville et les luttes pour le pouvoir, Louvain-Paris, 1990) ainsi que le traitement encouru par les autorités belges et les partisans de la politique de neutralité de la Belgique lors de la seconde Guerre Mondiale. Lors de l’"exode" du mois de mai 40, ils furent arrêtés (sans motif concret, de manière illégitime en contradiction avec la plus simple légalité et ce, qu’il soient publicistes, littérateurs, parlementaires en théorie inviolables, journalistes ou homme politiques… livrés aux Français par des autorités complices et placés dans des camps de concentration républicains (notamment celui du Vernet).
Ayons ensemble, une pensée pour Joris van Severen et son compagnon Jan Rijckoort abattus ignoblement à Abbeville par des flics saouls répondant à on ne sait quels ordres sur ces terres qui virent couler tant de sang depuis les attaques de Louis XI contre L’Empire. J’ajoute qu’un des soucis constant des autorités belges durant l’occupation fut de prévenir et d’empêcher toute annexion de la part de la France. Léopold III envoya plusieurs émissaires officieux pour s’enquérir des visées possibles de cette dernière. C’est Laval qui empêcha la réalisation et, du moins, l’émergence de volontés semblables au sein du gouvernement français.
Face à ce bilan et les continuités qu’il implique, je ne peux appeler un rattachiste que par le nom de "traître". Et j’espère que l’on a bien compris que du petit-nationalisme, qui plus est belgicain, n’a bien entendu pas sa place ici (c’est idiot, triste et inutile). Les exemples de Maurice de Saxe et d’Eugène de Savoie témoignent d’une attitude autre que le repli dans des sotériologies dialectales qui sont parfois porteuse d’ambiguïté quant aux affinités électives entre les peuples et les cultures. Ainsi le Breton et son usage n’a pas les même potentialités métapolitiques que le Wallon (sans parler de leur différence de statut, vu la disparition des langues celtiques; ce que souligne Marchal).
A ces traîtres je demande ce qui légitime leur action. Je leur dit que leur "rêve" est une injure à toute notre Plus Grande Histoire passée et à venir car si nous sommes les hommes de la plus longue mémoire, nous sommes aussi des peuples LONG-VIVANTS (concept ô combien métapolitique emprunté à Raymond Ruyer par Guillaume FAYE et dont on ne s’est pas encore rendu compte et de sa pertinence et de sa force révolutionnaire).
Viroux en comparant l’idéologie des francolâtres à une idéologie de collaborateur est certes sympathique car il est possible qu’il arrive à jeter le doute chez ces olibrius (quoique j’en doute). Néanmoins, il faut savoir à quoi l’on "collabore" et quel est le système de valeurs qui nous inspire, si Viroux est patriotard c’est son affaire. Quant à moi j’ai choisi la perspective européenne et c’est l’axe référentiel souverain.
Je préfèrerais poser une question à nos hexagonophiles, et les sommer de répondre (ce qui risque de leur provoquer plus qu’un doute, sûrement des crises de spasmes, des éructations et des nuits agitées. Tant mieux, le manque de sommeil tue son homme): au vu de notre histoire totale, qui a fait le plus de mal à nos populations, à nos provinces, à notre culture, à l’Europe l’Allemagne ou la France; la France ou l’Autriche? L'Autriche dont l’orientation pro-européenne allant essentiellement dans le sens d’un plus grand élargissement, d’une plus grande intégration (notamment militaire) et d’un approfondissement du principe de subsidiarité (comme en témoigne la déclaration Schüssel-Haider du 2 février 2000) est aujourd’hui combattue par la France seule (hormis le bouffon Miche, facilement manipulé par le Quai d’Orsay).
LA CONSPIRATION DU RATTACHISME
Le spectre du rattachisme plane en effet dans l’air du temps. Dès lors, je tiens à mettre en garde tous ceux qui acquiesceraient à l’argument simpliste de Viroux qui consisterait à ne pas trouver cette idée dangereuse sous prétexte qu’elle concernerait qu’un petit nombre de personnes. Illusion naïve! Une minorité agissante est capable de bien des choses, surtout si elle est implantée dans les sphères du pouvoir et qu’elle profite de relais culturels (l’impact de la "francophonie").
Arguons que l’inculture aidant, beaucoup de citoyens ne trouveraient rien à redire, voire n’en seraient pas capables. Que l’on se souvienne de la pseudo-réaction de la population belge lors de l’affaire Dutroux. Beaucoup de Wallons, par ressentiment envers les Flamands, par absence de connaissances historiques, par mauvaise compréhension des phénomènes politiques (le rattachement.… pourquoi pas, on fait l’Europe!) seraient capables d’y accorder leur sympathie ou leur masse d’inertie.
Car il faut rappeler qu’au-delà des traîtres qui sévissent en Belgique au sein de mouvements explicitement rattachistes (RWF, le demi-dingue Gendebien) ou au sein du FDF ou du PS (J. Happart, C. Eerdekens, à qui le député Tony Van PARIJS (sic) répondit en pleine assemblée : Tu veux la France…Vas à la France ou encore le médiateur de la si mal nommée "Communauté française"; fils d’un rattachiste célèbre, impliqué dans le mouvement wallon; (les deux allant quasi toujours de pair, hormis une ou deux exceptions), cette hérésie a ses admirateurs-propagateurs en France. Lesquels se retrouvent sur un éventail très large: du PS au MNR!
De Mitterand qui s’enquérait de savoir combien de membres comptait la Communauté française qu’il prenait pour un mouvement rattachiste à Bruno Mégret qui envisage de proposer un référendum aux Wallons sur le sujet. Rien ne va plus à Paris, on peut être diplômé de différentes universités et polytechnicien, partisan de l’Etat-Nation et anti-européen et proposer des absurdités juridiques de ce type illégitime, illégal et contraire à ses propres principes juridico-diplomatiques (mais suis-je bête; pour les jacobins tout homme a deux patries, la sienne et la France, et s’il n’en est convaincu, on l’envahira ou on lui coupera la tête pour le lui apprendre. Ce n’est pas pour rien que la France apprécie et porte le pseudo-droit d’ingérence, son illuminisme la prédestine à ce genre d’aberration); ce droit d'ingérence est un facteur bellogène, s’il en est (cfr. la guerre du Kosovo). Mais que l’on se rassure le Boerenkrijg n’est pas pour demain, ce référendum étant prévu pour après la victoire électorale du MNR!
A l’approche des élection communales (octobre 2000), les murs du Brabant (d’habitude, c’est plus au Sud ) se voient recouverts d’affiche du RWF appelant au rattachisme, sur fond d’hexagone bleu et de coq rouge. Ces affiches non seulement existent mais ne sont ni arrachées, ni commentées. Signe des temps ? Ce coq qui orne le drapeau wallon est insupportable et stupide et nous le considérons, avec Jean COCTEAU, pour ce qu’il est: un animal sur un tas de fumier (ce qui pour l’auteur des Enfant terribles symbolisait bien la France). Je rappelle que d’Ostende à Arlon les blasons des provinces belges portent des lions et que de nombreuses villes possèdent l’aigle impérial dans leurs emblèmes. A nous la force généreuse, la liberté et la hauteur des vues, à vous la basse-cour et le fumier; affinités électives, disais-je ?
Que la France abandonne son drapeau tricolore, son hymne d’assassins qui est surtout rouge du sang d’Européens (le sang impur censé abreuver leurs sillons était le sens de nos soldats wallons des régiments de Ligne, de Beaulieu, de Clerfayt, de Latour, etc., et celui de leurs camarades hongrois, croates, prussiens, autrichiens et lombards) et surtout qu’elle cesse d’opprimer nos compagnons d’hier et de demain. Qu’elle adopte une Constitution laissant vivre et participer de manière organique les Bretons, les Lorrains, les Provençaux et tous les peuples de son territoire à notre destin commun : l’EMPIRE.
A SUIVRE - 13 juin 2000
Lothaire DEMAMBOUR pour le "Cercle EMPIRE ET PUISSANCE" et la "Sodalité Guinegate".
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vendredi, 07 septembre 2007
Du maoïsme au national-populisme
Du Maoïsme au National Populisme [03/06/2002]
Allocution du Pasteur Blanchard au Colloque de l'antenne d'Ile-de-France d'UR, Paris, 6 avril 2002
Il était de tradition dans les familles populaires de considérer que les enfants qui n'étaient pas spontanément "doués" pour les études, devaient travailler en usine. Il n'y avait là rien de péjoratif, à cette époque le vieux mythe de gauche (au sens Sorélien du terme) de la classe ouvrière avec sa dignité, son sens du devoir, sa droiture, sa moralité, opposée à la décadence bourgeoise a engendré des générations de militants ouvriers à la vie exemplaire. Mon père, sorti de son statut d'ouvrier agricole en raison de la précarité et de l'irrégularité des revenus ( les jours d'intempérie ne permettant pas de travailler la vigne, étaient rémunérés à moitié, ce qui représentait déjà un progrès énorme, car avant guerre ils n'étaient pas payés du tout !) Pour échapper à une vie médiocre, il suivit le même parcours qu'un nombre impressionnant de personnes du midi à cette époque qui partirent pour rejoindre les emplois fonctionnarisés de la SNCF, la poste, la police, la gendarmerie afin de connaître des conditions matérielles différentes et de " mieux vivre ", mais au prix de quel renoncement : mon père ne pouvait écouter la chanson de Ferrat " La montagne" et surtout le passage où il est dit " Ils quittent un à un le pays pour aller gagner leur vie ….ils seront flics ou fonctionnaires en attendant que l'heure de la retraite sonne "sans avoir une larme à l'œil. Il entra donc dans la gendarmerie où il restera durant toute sa carrière simple gendarme.
Peut être lié au fait que mon père, en sa qualité de gendarme mobile fut soumis à de multiples mutations et déplacements, ma scolarité fut très perturbée, et c'est avec beaucoup de peine que je réussis à décrocher mon certificat d'études à l'âge de 14 ans. Pour fêter cet " exploit " mon père m'offrit un verre au café et me dit : " Maintenant que tu es plus diplômé que moi, tu es bon pour l'apprentissage ou l'usine ". Je choisis la première proposition et je rentrai comme garçon de restaurant au " Grand Balcon " à Mazamet, mais cela ne dura pas et comme la majorité du milieu ouvrier mazamétain je me retrouvai dans le délainage. C'est là que Mai 68 me prit, bouleversant ma vie. Jusque là j'avais une vie rangée, l'éducation stricte que j'avais reçue ne m'aurait jamais laissé entrevoir, sans ces circonstances, la possibilité de me rebeller contre l'autorité parentale et contre les systèmes en place.
Mon père voyant que je lui échappais pensa que je ne suivais pas un bon chemin et que je n'arriverais à rien, il fit pression pour que je m'engage dans l'armée, ce qui fut une catastrophe ! Je fus de retour à Mazamet à la fin de l'année 1969, plus révolté que je ne l'étais au départ, j'allais vivre dans une communauté qui reproduisait le mode de vie hippie californien dans le village de Calmont, proche de Mazamet, tombant dans la marginalité. Je m'enfuis pour errer à travers l'Europe pour assister au festival de l'île de Wight où j'eus la chance de voir, Hendrix, les Doors, Dylan et à partir de là j'ai écumé tous les rassemblements musicaux et alternatifs de France et d'Europe.
Mon flirt avec les trotskistes
Mon point d'attache était la région de Mazamet mais je passais la moitié de mon temps sur les routes, dans notre communauté les débats politiques fusaient, nous connaissions les communistes mais notre sympathie allait vers l'ultra gauche. Nous rencontrâmes à Castres le responsable de la Ligue Communiste (L.C.). du secteur, et nous commençâmes à fréquenter les colloques, séminaires, tant régionaux que nationaux. On ne rentrait pas facilement à la ligue communiste, il fallait être formé, devenir un vrai " bolchevik ", un vrai révolutionnaire pour être accepté comme membre. J'ai souvenir d'avoir assisté à la toute première fête de Lutte Ouvrière à Prailles, et quelques années plus tard d'avoir rencontré et dialogué avec ceux qui venaient de créer le journal Mao "Libération". Les années 1970 furent celles où Sartre rallia bruyamment le Maoïsme. Mon flirt avec les Trotskistes s'étiolait, leur dogmatisme, l'attitude haineuse et sectaire des petits chefs me révulsaient, pour nous " ils étaient pires que les Stal ".
Je me renseignai auprès de la gauche prolétarienne à Paris qui me mît en contact avec un groupe de Toulouse, du jour au lendemain je devins un renégat pour les trotskistes. Ma chance fut de tomber sur l'aile spontex (spontanésite ) proche des situ (situationnistes) du mouvement Mao, pour qui la révolution était un " happening " permanent, la révolution culturelle étant conçue comme une libération. L'aile spontex était très mal vue des doctrinaires parisiens de la gauche prolétarienne., mais cela n'entamait en rien notre sens festif et notre goût pour les canulars. Je me revois avec le groupe de Toulouse aller saluer les Mao stal (staliniens) qui avaient un stand à la fête de lutte ouvrière, où pour nous amuser et provoquer le service d'ordre Trotskiste, nous vendions les œuvres du petit père des Peuples, et c'était à celui qui criait le plus fort pour vanter ses mérites !
C'est tout naturellement que je me retrouvai dans l'aventure de Lutte Occitane dont une des composantes essentielles lors de sa constitution étaient les Mao de Montpellier et de Toulouse. Je fus partie prenante de toutes les grandes manifestations de l'époque : Le Larzac, Béziers, Montpellier, les festivals occitans de Montségur et du plateau des Mille Vaches. Je faisais partie de ces très nombreux jeunes qui suivaient tout ce qui se passait sans être réellement militant, mais mon engagement était si fort qu'il ne passa pas inaperçu., à tel point qu'un jour arriva à la gendarmerie de Mazamet un message signalant qu'un certain Jean-Pierre Blanchard faisait partie des activistes extrémistes de gauche les plus dangereux, mon père fut inquiété par sa hiérarchie.
Le désenchantement de la fin des années 70
La fin des années 1970 furent celle du désenchantement : Le mouvement occitaniste se trouvait dans une impasse, se radicalisant en devenant " vollem viure al païs ", il se transformait en une minorité incapable de prendre en compte les aspirations réelles du peuple d'Oc, s'enfermant dans une logique groupusculaire sectaire, de moins en moins nombreux leurs membres étaient convaincus de détenir la vérité. Quant à l'extrême gauche, les hommes sortis de ses rangs démontraient que, contrairement aux déclarations de Sartre, le Marxisme n'était pas la science insurpassable, mais bel et bien une métaphysique, une religion sécularisée. Mais pour moi le choc révélateur fut la lecture du livre d'André Glucksman : " La cuisinière et le mangeur d'homme " qui m'amena à une douloureuse autocritique et à une remise en cause de mes visions politiques. La grande et glorieuse révolution bolchevik ne s'avérait être en fait qu'un coup de mains d'activistes sans scrupules qui se drapaient dans l'imagerie des journées d'octobre.
Le choc fut tellement violent que je renonçais immédiatement à toute activité politique et ce, pendant des années, désabusé, ne croyant plus à rien. Mais à la lueur d'un contre choc, l'enseignement reçu à l'Ecole de formation des Educateurs, j'investis alors un nouveau champ. Je le raconte dans la préface de " Aux sources du National Populisme ".Alors que j'assistais lors de ma formation d'éducateur à un séminaire sur l'économie dispensé par un brillant économiste qui présentait les différents systèmes en vigueur, il démonta en pièce le premier jour le système libéral, j'attendis avec impatience le lendemain pour qu'il m'apporte enfin une réponse alternative à cette question, hélas, trois fois hélas, il ressorti l'ancienne cantilène de l'ultra gauche et des situationnistes : si les bolcheviks avaient préféré les soviets à l'électricité la révolution n'aurait pas été dévoyée. Connaissant par cœur ce type d'argument fallacieux et ayant fait ma révision définitive du marxisme, j'en arrivai par ce travail de remise en question à la conviction fondamentale que je n'avais pas changé, que je restais, comme dans ma jeunesse, toujours contre le système, la bourgeoisie et le capital, j'étais un révolutionnaire. Ce thème était hélas associé au sein de la gauche et de l'ultra gauche au postulat égalitaire et internationaliste. Je m'aperçus qu'en enlevant ces deux éléments centraux je pouvais garder le reste et comme beaucoup d'anti-conformistes des années 30 je cheminais vers la seule réponse véritablement alternative : le National Populisme.
Le déclic se produisit un peu par hasard, un peu par chance, beaucoup par quête, lors d'un inter cours alors que je m'étais rendu sur les quais de Seine, j'y découvris les " Idées à l'endroit " de Alain de Benoist, ce fut le début d'une construction intellectuelle qui m'a conduit au Front National, à la création de l'Entraide Nationale et à la rédaction d'ouvrages. Pour le reste : ma formation théologique et mon ministère, c'est une autre histoire qui n'a rien à voir avec notre propos.
Jean-Pierre BLANCHARD.
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jeudi, 06 septembre 2007
Pour l'Europe: ni USA ni Islam
Pour l'Europe : ni USA ni Islam
Communisme ou capitalisme ? Etats-Unis ou Union Soviétique ? La recherche d'une troisième voie entre ces deux options politiques et économiques ou la construction d'un espace géopolitique entre ces deux puissances étrangères ont été effectivement les options potentielles qui ont caractérisé la politique européenne entre 1945 et 1991. Cette recherche s'est ensuite muée en défi, avant que tout ne se solde par un colossal effondrement. Depuis l'effondrement du bloc communiste, en effet, une seule et unique puissance vise à exercer son contrôle sur la planète entière : ce sont les Etats-Unis d'Amérique, mais, sur la voie triomphale qui les mène à la domination de tout le globe, ils rencontrent des écueils, se heurtent à des réalités culturelles qui résistent au rouleau compresseur du mondialisme; parmi elles, il y en a une qui semble résister avec davantage de force que les autres et qui, peut-être —mais nous en doutons fortement—, se transformera un jour en un pôle indépendant de puissance : c'est le monde arabe et musulman —que nous appellerons l'Islam dans la suite de cet exposé. En Europe, nous voyons une nouvelle fois des doutes s'exprimer, des incertitudes se faire jour, notre classe politique s'avérant absolument incapable de canaliser la volonté des gouvernants, afin que notre vieux continent devienne à son tour une puissance mondiale de premier plan. La discorde s'installe, avec force, ente ceux qui militent pour une alternative proprement européenne mais qui finissent tourmentés par leurs frustrations face aux difficultés qu'il y a à renforcer l'idée d'une Europe autonome. Dans un tel contexte, ils voient en ces deux pôles —dont l'un est l'Islam, mais qui est finalement plus imaginaire que réel— des alliés potentiels pour consolider le projet de construction nationale-européenne, ou, pour être plus précis, voient dans l'un ou l'autre un allié face à la menace qu'est censée représenter l'autre. Nous sommes une fois de plus en face de la même erreur : aucun de ces deux pôles ne jouera jamais la carte de la liberté européenne; tous les deux sont des ennemis de la renaissance européenne. Une fois de plus, la question est mal posée, ou, pour dire mieux, c'est d'office une mauvaise question dès le moment où nous la posons; avant, certains disaient "Ni USA ni URSS" et, aujourd'hui, face à la question "Les Etats-Unis ou l'Islam?", la réponse doit être sans circonlocutions inutiles : "Ni les Etats-Unis ni l'Islam! Pour une Europe unie, grande et… armée!". Le problème de fond est le suivant : tant les Etats-Unis que l'Islam sont doublement en conflit avec l'Europe; ils le sont sur le plan purement politique, parce qu'ils ont tous deux la volonté de s'étendre et de dominer; ils le sont aussi sur le plan idéologique, car en dépit du fait que ces deux pôles de puissance sont sous-tendus par des conceptions du monde fondamentalement différentes, ils sont néanmoins tous deux antithétiques par rapport aux valeurs et visions de nos peuples d'Europe.
Simplismes et manichéismes
Aux Etats-Unis, mis à part tout ce que veulent faire voir les producteurs de cette grande machine de propagande qu'est Hollywood, mis à part le fameux "melting pot" tant vanté et le "rêve américain" tout en paillettes et en chansonnettes de Broadway, il n'y a pas de culture commune. Il n'y a nul point de comparaison entre les fermiers du Minnesota et les citadins de Harlem ou de Little Italy, ni entre les Chinois de Californie et les Hispaniques de Floride. L'"American Way of Life" est une "culture entéléchie", dans la mesure où ce sont des minima communs que partagent les Anglo-Américains, les Irlando-Américains, les Italo-Américains, les Judéo-Américains, les Germano-Américains (peu de gens le savent, mais c'est le groupe ethnique le plus nombreux du pays), les Américains d'origine scandinave, les Américains de souche haïtienne ou chinoise, etc. Seuls quelques traits communs unissent vaille que vaille cette mosaïque d'ethnies et font que la cohabitation entre ces groups reste supportable et ne dégénère pas en conflits quotidiens et continus. Ces traits sont vraiment un minimum commun, l'essence de l'"American way of Life" n'est rien de plus que le base-ball, les hamburgers, une idée bien définie de la liberté individuelle, combinée à une forte dose de sensiblerie infantile, à un puritanisme moralisant, à une intolérance de facture biblique contre tout ce qui ne correspond pas à ce "way of life" et à un fondamentalisme libéral-démocratique. Nous avons donc affaire à une société simple, animée par des notions simples et manichéennes qui réclament toujours des explications tout aussi simples et des réponses violentes à l'endroit de tout ce que cet américanisme considère comme une menace contre son rêve.
Pour ce qui concerne l'Islam, il nous paraît difficile, pour ne pas dire erroné, de s'y référer comme s'il était une unité ou de le penser comme un bloc arabo-islamique unique et compact, capable de se manifester comme tel sur la scène politique internationale. Mis à part le traditionnel clivage entre Sunnites et Chiites, nous rencontrons, dans l'immense corridor d'Ouest en Est, qui va du Maroc à l'Indonésie, des réalités politiques et culturelles absolument différentes les unes des autres, recelant forcément des antagonismes : cela va des Alaouites du Maroc à ceux qui structurent l'armée syrienne et des Wahhabites saoudiens aux régimes religieux semblables à celui des Chiites iraniens —qui appuient la lutte de la minorité chiite du Sud de l'Irak contre Saddam Hussein— en passant par un régime comme celui du Colonel Khadafi en Lybie, qu'il nous paraît bien difficile à cataloguer car il est passé d'un panarabisme fort enthousiaste à un panafricanisme très déconcertant, tout en ponctuant sa trajectoire de coups d'éclat, visant à lui donner un leadership sur un Maghreb unifié. Ensuite, nous avons le régime laïc égyptien et les deux pays héritiers du socialisme nationaliste et panarabe de Nasser, la Syrie et l'Irak, tous deux gouvernés par un même parti, le Baath, mais scindé en deux factions différentes et devenues mortellement ennemies l'une de l'autre. Enfin, nous avons les talibans en Afghanistan —et tout se qui se rapporte à leur mouvement— puis les pétro-monarchies corrompues du Golfe, l'intégrisme d'inspiration saoudienne qui sévit au Pakistan, les guérilleros tchétchènes ou le "Frente Moro de Liberación" aux Philippines. Face à cette extrême diversité, réellement, de qui peut-on espérer une aide ou un appui, comme l'imaginent les Européens qui voient en l'Islam un allié potentiel pour assurer la renaissance européenne? Cette question reçoit toujours des réponses changeantes et variées au gré des événements qui ponctuent la politique internationale : tantôt c'est l'Iran de Khomeyni qui apparaît comme l'allié providentiel, à la place de la Libye de Khadafi, et, ultérieurement, les mêmes voient en l'Irak de Saddam Hussein la pièce maîtresse de leur dispositif imaginaire; les plus lamentables de tous avancent même aujourd'hui que Ben Laden et ses bandes de brigands pourraient jouer ce rôle.
A plusieurs reprises au cours de l'histoire, les Etats-Unis n'ont pas hésité à utiliser leurs ennemis théoriques du moment comme pièce essentielle de leur stratégie de domination mondiale. Ils ont fait de l'Arabie Saoudite, le pays musulman le plus intégriste, le gendarme du Golfe Persique; ils ont financé la guérilla séparatiste tchétchène en lutte contre la Russie; ils se sont alliés avec les musulmans d'Albanie et de Bosnie (1) pour justifier leur présence militaire permanente dans les Balkans et pour mettre un terme à toute entente constructive entre les puissances européennes, jadis antagonistes, et, plus spécialement, pour empêcher l'entente qu'ils craignent le plus, celle entre l'Allemagne et la Russie.
Même pendant la période soviétique, ils ont utilisé les extrémistes musulmans à leur avantage; la CIA fut chargée de créer de toutes pièces Ben Laden et de donner forme à son mouvement, Al-Qaeda et ses talibans. Bien au-delà de leurs fantasmagoriques menaces terroristes —en effet, beaucoup de commentaires pointent des doigts accusateurs vers d'autres cibles que CNN pour désigner les barbares responsables des attentats du 11 septembre 2001— Ben Laden et ses amis talibans représentent tout ce qui est opposé à l'âme européenne : le fait d'avoir détruit les statues millénaires des Bouddhas de Bamiyan démontre qu'ils seraient parfaitement capables de dynamiter le Parthénon, la Cathédrale de Burgos ou la Chapelle Sixtine s'ils en avaient l'occasion. Le vandalisme contre les Bouddhas suffit à démontrer à quel type d'individus on a affaire. Qui plus est, l'islamisme d'inspiration wahhabite que pratiquent Ben Laden & Co. n'a rien à voir avec l'islam traditionnel : c'est précisément une sorte d'islam dépouillé de tous rites profonds, de toute doctrine ésotérique, qui considère son propre héritage traditionnel comme étant "païen"; il cherche ainsi à imposer une interprétation particulière de la doctrine originelle du Prophète. Il faut bien se rendre compte que l'intégrisme wahhabite est aussi l'ennemi de l'islam traditionnel, ce qui explique l'opposition radicale entre l'Iran, d'une part, et le trinôme Pakistan/Arabie Saoudite/Ben Laden, d'autre part. S'il était possible de faire un parallélisme avec le christianisme, on pourrait dire qu'une même opposition se retrouve entre un catholicisme ancestral et paysan, d'une part, et un protestantisme puritain et exalté, d'autre part, justement semblable à celui que les Etats-Unis imposent avec force dans le monde.
L'Europe doit se tourner vers elle-même
Si l'Europe cherche les piliers sur lesquels construire sa puissance pour le millénaire qui commence, elle doit cesser d'être à la remorque des événements spectaculaires actuels, et tourner son regard vers elle-même : vers une Russie qui reste une grande puissance militaire, vers une Allemagne qui devrait abandonner définitivement ses complexes de nanisme politique et jouer à plein son rôle de locomotive économique, capable de lui rendre sa fonction d'axe du continent, vers une France qui, depuis 1945, a été le seul Etat européen qui a refusé fermement de devenir une colonie yankee, vers une Italie où les enjeux idéologiques sont encore véritablement débattus, vers une Espagne qui est consciente de ses énormes potentialités politiques et stratégiques. C'est dans ces pays, et dans ces pays seuls, que nous trouverons tous les éléments pour donner naissance à une Europe, puissance mondiale. Nous n'oublions pas les peuples britanniques (anglais, gallois, écossais, scoto-ulstérien) et irlandais, héritiers des meilleures traditions européennes, qu'elles soient celtiques, romaines, germaniques, scandinaves, traditions qui sont une part essentielle et incontournable de l'Europe. Nous devons aussi prendre en considération la côte orientale de l'Amérique du Nord, car ses habitants, eux aussi, doivent participer à la mission historique de maintenir leur héritage et leur identité, car ils sont appelés, très logiquement, à conserver une relation spéciale avec leurs frères aînés de ce côté-ci de l'Atlantique. L'Europe ne doit pas oublier qu'elle doit œuvrer avec tous les Euro-Américains du Nord comme du Sud (2), car ils restent un fragment de l'Europe et il nous paraît impossible de penser l'Europe complètement sans eux.
Lorsque certains dirigeants soviétiques ou communistes parlaient à Staline du pouvoir du Pape, le chef géorgien de l'URSS répondait toujours par une question : « Combien de Panzerdivisionen possède le Pape? Telles sont effectivement les réalités de la politique mondiale, et l'Europe, si elle veut devenir une véritable puissance, devra joindre en un indéfectible faisceau les acquis de son développement économique, le principe de l'unité politique et une armée puissante. Ce n'est que par la ferme conjonction de ces atouts que l'Europe parviendra un jour à une unité réelle. Voilà pourquoi, au début de cet article, nous avons exprimé la nécessité de forger une Europe armée et que nous lançons l'idée de créer une grande et unique armée européenne, qui devra se montrer capable d'affronter avec succès n'importe quelle menace qui pèserait sur nos terres, tant pour garder la frontière méridionale (face aux peuples islamiques) que pour contrer la prépondérance américaine sur le sol européen.
La crise internationale provoquée par les attentats du 11 septembre 2001 semble désormais se dénouer : l'incursion des troupes occidentales en Afghanistan arrive à sa fin et, en guise de conclusion, nous pouvons dire que sont désormais patentes les contradictions dans lesquelles va se dépêtrer le "nouvel ordre mondial" au moment il doit imposer sa domination sur ce monde si complexe des débuts du troisième millénaire, même si en apparence il semble mettre en œuvre des plans infaillibles. Malgré ces projets mirobolants, les échecs sont évidents et les situations que provoque ce "nouvel ordre mondial" ne donnent pas toujours les résultats espérés. Au début des événements d'Afghanistan, il était clair que les Etats-Unis appuyaient l'Alliance du Nord, parce qu'ils n'osaient pas se risquer à une invasion terrestre ; les mudjahidins devaient faire le sale travail et subir les rigueurs du combat que craint l'armée impérialiste, plus prompte à bouffer des hot dogs, à fréquenter les night-clubs et à visiter le psychanalyste qu'à se lancer dans des combats au corps à corps. Au fur et à mesure que la situation évoluait, le scepticisme s'imposait quant à l'identité réelle de l'Alliance du Nord, qui ne partageait évidemment pas les options idéologiques occidentales; les positions idéologiques de cette Alliance, sa soif de revanche et ses appuis extérieurs ne correspondaient pas tout à fait à ce qu'espéraient les Américains. Finalement, nous voyons que la peur américaine d'affronter l'ennemi taliban sur le terrain a conduit à appuyer d'autres islamistes, ceux du Nord, a conduit à un résultat désastreux pour les Etats-Unis sur le plan des relations internationales :
(1) Les Etats-Unis ont détruit un régime qu'ils avaient eux-mêmes créé pour freiner l'influence soviétique (puis russe) et l'influence iranienne dans la région.
(2) Les Etats-Unis ont perdu beaucoup de crédit auprès de leur plus fidèle allié parmi les musulmans non arabes : le Pakistan, dont le régime est fragilisé à l'intérieur comme à l'extérieur.
(3) Les Etats-Unis ont envenimé leurs relations avec leur meilleur allié arabe : les Saoudiens.
(4) Les deux grands bénéficiaires de la nouvelle situation, née par l'installation du nouveau gouvernement à Kaboul, sont les deux bêtes noires de la diplomatie américaines, tous deux alliés potentiels de l'Europe : l'Iran, qui, malgré les intentions de Khatami d'introduire des réformes, reste un môle de résistance au mondialisme; et l'Inde, ennemie traditionnelle des Etats-Unis et du Pakistan, gouvernée aujourd'hui par les traditionalistes hindous du BJP.
Le "nouvel ordre mondial" est vulnérable. L'hégémonie yankee présente des faiblesses rédhibitoires. L'Europe, dans ce contexte, doit simplement avoir la volonté de se muer en grand protagoniste de la politique mondiale, comme elle l'avait été jadis, en faisant face aux Etats-Unis et en faisant face à l'Islam, en faisant face à tous les adversaires qui voudront l'affronter. Cette volonté, il faut la réveiller, en la criant dans les rues, en la défendant et l'illustrant dans les revues, dans les fora d'opinion, pour défendre ses forêts et ses lacs, ses cathédrales et ses musées, les tombes de ses héros et de ses artistes. Il faut œuvrer pour l'éveil de cette volonté à Galway, à Moscou, à Stonehenge, dans les ruines de Delphes, dans le théâtre romain de Sagonte, dans la cathédrale de Strasbourg, sur le parvis de Notre-Dame de Paris, à Poitiers, à Lépante et partout ailleurs. Cet article aussi est un cri qui appelle à l'éveil.
Enrique RIPOLL.
Notes:
◊ 1. Rappelons que les Bosniaques ont pris pour référence à l'identité de leurs pays, l'Islam, parmi d'autres possibilités qui auraient pu s'offrir à eux. Alors que cet islam s'était fortement estompé au point de venir quasi anecdotique chez eux, sa réactivation a provoqué une nouvelle division idéologique en une région très sensible en Europe. Elle a amené une division interne en Bosnie-Herzégovine entre Musulmans, d'une part, et Croato-Bosniaques catholiques et Serbo-Bosniaques ortohodoxes, d'autre part, ruinant les assises de cet "Etat-avorton" qui prétendait être islamique et uni, tourné vers La Mecque.
◊ 2. Nous devrions éviter d'utiliser des termes confus comme "hispano-américain" ou "latino-américain", car ils imposent une confusion entre les "Euro-Américains" originaires de pays de langue romane, d'une part, et les indigènes, les Afro-Américains et tous les autres types de symbiose raciale et culturelle qui composent l'Amérique tout en ayant pour dénominateur commun l'usage de la langue castillane ou portugaise. Nous assistons, étonnés, à la mode actuelle de la musique dite "latina", baptisée ainsi par les demi-analphabètes qui officient dans les grands médias de communication nord-américains : la salsa, la merengue et autres phénomènes analogues ne sont pas autre chose que des rythmes afro-caribéens adaptés et chantés en espagnol ; si nous suivions le même raisonnement, nous devrions dire que les orchestres de rap new-yorkais relèvent d'"auteurs anglo-germaniques".
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La guerre en Irak affaiblit l'US Army
La guerre en Irak affaiblit l’US Army
Peter Pace, général américain qui part à la retraite, a exigé, avant son départ, la diminution des effectifs US en Irak. La présence de plus de 100.000 soldats en Irak constitue une charge trop lourde pour les forces armées américaines et diminue leurs capacités à réagir à d’autres menaces, a déclaré cet officier de haut rang aux journalistes du « Los Angeles Times ». Cet officier du Corps des Marines peut partir à la retraite car George Bush n’a pas réclamé le renouvellement de son contrat ; il quittera donc ses fonctions en septembre 2007. Il présentera ses réflexions et conclusions au Président américain mais à titre privé seulement, précise le « Los Angeles Times ». Le quotidien précise en outre que les chefs d’état-major ont exprimé leurs inquiétudes : en effet, la guerre menée en Irak empêche de faire face à d’autres menaces, comme celle que pourrait constituer l’Iran. Pour sa part, le Sénateur républicain John Warner de l’Etat de Virginie a demandé au Président Bush d’annoncer, le 15 septembre, le retour prochain de 5000 soldats du théâtre irakien. Les Etats-Unis doivent montrer au Premier Ministre irakien Nouri al-Maliki que l’engagement américain en Irak ne sera pas éternel, a déclaré le Sénateur, qui est également membre de la Commission des forces armées. Et il a ajouté : « Le gouvernement irakien a laissé tomber nos troupes ».
(source : Junge Freiheit, Berlin,n°36/2007).
Commentaires:
L’hypertrophie impériale est une constante de la politique extérieure et militaire des Etats-Unis. Les engagements militaires finissent par s’avérer très lourds, sur le plan budgétaire, pour faire face simultanément à d’autres impératifs (sociaux, investissements structurels, etc.). De plus, l’intervention en Mésopotamie, au fond de ce bras de mer profondément enfoncé dans les terres de la masse continentale eurasienne implique un bouleversement tel de l’équilibre régional et de sa périphérie, qu’il implique, bien plus qu’au Vietnam, l’émergence de nouveaux conflits et défis ; ainsi, nous voyons une Turquie qui vacille, ne montre plus la même fidélité inconditionnelle à l’alliance atlantique ; un Iran qu’il faut déstabiliser par insurrections tribales interposées au Baloutchistan et dont l’invasion exigerait des troupes bien plus considérables ; une Asie centrale ex-soviétique qui lorgne, du coup, à nouveau vers Moscou ; une effervescence dans le Caucase que les Etats-Unis ne peuvent maîtriser en dépit des promesses faites à leurs nouveaux alliés, etc. Dans un tel contexte, la Vieille Europe, vilipendée par la clique néo-conservatrice autour de Bush, pourrait faire valoir ses droits à un environnement stable, de concert avec la Russie de Poutine, voire avec la Chine et l’Inde, mais cette réaction salubre ne s’avère plus possible avec la disparition de facto de l’Axe Paris-Berlin-Moscou, les positions d’Angela Merkel étant plus molles et vagues que celle de son prédécesseur social-démocrate et l’alignement de Sarközy, le nouveau président français, sur les Etats-Unis devenant de plus en plus patent.
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mercredi, 05 septembre 2007
Fondation de la "Garde Hongroise"
Fondation de la « Garde Hongroise »
Le petit parti hongrois, d’obédience nationaliste de droite, le « Mouvement pour une Meilleure Hongrie » (en abrégé : « Jobbik ») a suscité bien des émois dans le pays quand il a décidé de fonder une « Garde Hongroise » (Magyar Garda). En présence de quelque 3000 personnes, 56 hommes en uniforme noir massés derrière le drapeau blanc et noir des Arpad ont prêté serment devant le palais présidentiel à Budapest. L’ancien ministre de la défense nationale, Lajos Für, a octroyé, lors de cette cérémonie, des attestations d’appartenance à la nouvelle Garde. Maria Wittner, une ancienne combattante de l’insurrection hongroise de 1956, aujourd’hui députée du parti FIDESZ, a tenu un discours, tandis que des prêtres bénissaient les drapeaux. La Garde a été fondée pour « sauver les Hongrois », a déclaré le chef du Jobbik, Gabor Vona. Elle ne se mêlera pas de la politique quotidienne, mais ses membres « déclarent d’ores et déjà la guerre au capitalisme globaliste qui entend dégrader le citoyen pour en faire un simple consommateur ». Le Premier Ministre socialiste Ferenc Gyurcsany, contesté très vivement par les masses l’an dernier, a dit que la création de cette Garde était une « honte pour la Hongrie ». Gabor Demszky, le bourgmestre de Budapest, un libéral de gauche, a déclaré qu’il serait compromettant que la Garde Hongroise soit enregistrée comme une association normale. Les organisations juives et tziganes réclament la dissolution de la Garde.
(source : Junge Freiheit, Berlin, n°36/2007).
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samedi, 01 septembre 2007
ANZUS
Création de l'ANZUS
1 septembre 1951 : Les Etats-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande forment le pacte de défense qui prendra le nom d’ANZUS. Il s’agit de monter la garde devant le Sud-Est asiatique, derrière la barrière indonésienne et devant l’embouchure des grands fleuves indochinois, qui prennent leurs sources au Tibet ou à proximité de celui-ci, sur le territoire de la République Populaire de Chine, que vient de créer Mao victorieux. Les trois puissances anglo-saxonnes entendent, en Asie comme en Europe, tenir le continent adverse par le Sud-Est. Cela conduira à l’éviction de la France hors d’Indochine puis à la guerre du Vietnam et du Cambodge. La même stratégie de contrôle par le Sud-Est est appliquée en Europe depuis la dislocation de l’ex-Yougoslavie : alliance turque et blocage du Danube à hauteur de Belgrade. L’Administration Clinton incarnait mieux cette stratégie que celle, postérieure, de Bush Junior. Le voyage de Clinton en Turquie en 1998 et les discours qu’il y a tenus illustrent à merveille cette option, impliquant une survalorisation de l’allié turc, au détriment des alliés européens, du processus d’unification européen en direction de l’Europe danubienne et balkanique, et des intérêts russes en Mer Noire. De cette vision politique et stratégique émergera le conflit contre la Serbie de 1999. L’ANZUS sévit également en Europe dans la mesure où tous les Etats qui en sont membres font partie intégrante du système ECHELON, mis en place, comme la politique balkanique, sous le règne du démocrate Clinton. Le système ECHELON permet l’espionnage civil et militaire de toute la planète et de l’Europe en particulier. Par ce système et par l’effondrement du bloc soviétique, les Etats-Unis affirment pouvoir se passer d’alliés : leurs stratèges parlent désormais de « alien powers », de « puissances autres », qu’il faut contrôler et par là même contenir grâce au déploiement de satellites espions.
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mercredi, 29 août 2007
Die "Westliche Werte-Gemeinschaft"
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vendredi, 17 août 2007
Irak: échec du gouvernement Maliki
Irak : échec du gouvernement Maliki, balkanisation garantie…
Günther DESCHNER
Déjà quand le Président américain George W. Bush, en janvier 2007, a annoncé sa « nouvelle stratégie irakienne », qui permettrait enfin de faire progresser les choses là-bas en dernière minute, la plupart des observateurs étaient sûrs que les points essentiels de cette stratégie n’avaient guère plus d’assises concrètes que les numéros gagnants d’une loterie, faite de pur hasard : « D’ici à septembre », annonçait la Maison Blanche, « une offensive de sécurité » pacifierait définitivement le chaudron irakien en ébullition, l’armée et la police du nouvel Irak seraient enfin en mesure de faire face à la situation et de garantir la sécurité intérieure du pays en ne comptant que sur leurs propres forces ; ensuite, l’industrie pétrolière irakienne redeviendrait le moteur économique du pays détruit parce qu’une nouvelle loi réglementant l’exploitation des champs pétrolifères assurerait une base sûre au redémarrage. Enfin, le gouvernement irakien en ressortirait renforcé et démontrerait ses capacités à s’imposer. Il reste donc aujourd’hui, début août 2007, quelque quatre semaines pour réaliser ce programme…
Mais voilà que le gouvernement du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki ne s’est jamais trouvé dans une position aussi inconfortable qu’aujourd’hui. Les partis sunnites ont quitté la coalition gouvernementale ; leurs six ministres ont quitté leurs cabinets. Six autres ministres, proches du leader religieux chiite Moktada al-Sadr, avaient déjà quitté le gouvernement al-Maliki en avril dernier, parce que le premier ministre avait refusé d’établir un calendrier pour le départ des troupes américaines.
La moitié du cabinet irakien est en dissidence
Le 7 août 2007, les cinq ministres du mouvement séculier « Alliance pour l’Irak », de l’ancien premier ministre de transition Ayad Allawi, ont annoncé, à leur tour, qu’ils ne participeraient plus aux sessions du cabinet. Cette décision prend un effet immédiat. Par cette nouvelle dissidence, cela fait actuellement dix-sept ministres, soit la moitié du cabinet, qui ont quitté définitivement ou partiellement le « gouvernement d’union nationale ». Plus personne ne peut nier, désormais, que le gouvernement al-Maliki part en quenouille, et à grande vitesse.
Au Parlement aussi, on ne trouve plus aucun élan : seul un quart des parlementaires autoproclamés s’est éreinté à préparer les lois les plus nécessaires au pays et voilà que l’ensemble des députés vient de s’octroyer un congé de longue durée, non prévu. Ils ne se réuniront plus avant le 4 septembre. Rien ne permet de prévoir que la « loi sur le pétrole », fort contestée, passera devant ce Parlement.
Afin qu’on ne leur reproche pas de « vendre à l’encan les richesses nationales » à des puissances étrangères, le gouvernement, dans son projet de loi, a exclu des effets potentiels de la nouvelle loi les vingt-sept champs pétrolifères encore en exploitation. Le droit d’exploiter les soixante-cinq autres, qui sont nouveaux et n’ont pas encore été mis en œuvre, sera octroyé par vente à des consortiums internationaux.
En dehors de la « zone verte », le pays est sens dessus dessous. Attentats à la bombe, attentats suicides se multiplient : la spirale de la mort ne cesse de tournoyer au-dessus du pays. La situation générale en matière de sécurité s’est quelque peu modifiée, mais ne s’est certainement pas améliorée. Un officier supérieur de l’armée américaine en Irak, le Lieutenant-Général Raymond Odierno, vient de déclarer que, dans ces dernières semaines, les Chiites sont responsables d’à peu près les trois quarts de tous les attentats commis contre les troupes américaines. Certes, bon nombre d’insurgés sunnites ont été chassés de Bagdad par l’ « offensive de sécurité » et se sont repliés dans d’autres régions, mais leur place a été prise, désormais, par des combattants chiites.
L’efficacité des forces de sécurité irakiennes laisse à désirer, alors que leur constitution est une condition impérative pour que les Etats-Unis consentent à évacuer leurs propres troupes. Les Etats-Unis avaient fourni à ces forces irakiennes quelque 200.000 fusils d’assaut et pistolets. Ces armes ont toutes disparues sans laisser la moindre trace. Les autorités américaines craignent qu’elles soient aux mains d’insurgés ou de bandes criminelles.
Les réalités de l’Irak d’aujourd’hui, auquel doit s’appliquer la « nouvelle stratégie » de Bush, s’avèrent de jour en jour plus violentes et chaotiques. L’échec du gouvernement al-Maliki montre, une fois de plus à l’évidence, que l’Irak s’est, de facto, fragmenté en plusieurs centres régionaux de pouvoir. Le pouvoir politique, policier et économique, en effet, est passé du centre aux périphéries régionales ou locales, selon des clivages ethniques, religieux et tribaux. Le gouvernement de Bagdad n’est plus qu’un acteur politique parmi beaucoup d’autres, au statut quasi étatique. Les Kurdes au Nord, les Chiites au Sud ne cessent de consolider leurs autonomies.
Le fractionnement de la société et du monde politique irakiens a pour effet que ce n’est pas une seule guerre civile qui fait rage, mais tout un éventail de guerres civiles. Insurrections et luttes pour le partage du pouvoir se déroulent selon des clivages changeants, entraînant dans leur sillage toutes les forces vives de la société. Cet effondrement général a également pour résultat que le sentiment d’une appartenance commune à un Irak unitaire, sentiment déjà fort faible au demeurant, est en train de disparaître complètement.
L’Iran, l’Arabie Saoudite et la Turquie agissent de leur propre chef
D’autres facteurs de déstabilisation de l’Irak se manifesteront à coup sûr d’ici la fin de 2007 : le fédéralisme apparaît désormais comme la seule issue possible pour les Kurdes et pour un nombre croissant de Chiites. Le débat en cours sur le partage et le contrôle des ressources pétrolières et gazières, la question du statut de Kirkuk (« Kerkûk » en langue kurde), qui, d’après la constitution, doit être réglée à la fin de 2007 par un référendum populaire, sont autant de questions explosives en soi, grosses d’effondrements futurs.
Dans un tel contexte, les trois plus puissants voisins de l’Irak en lambeaux, soit l’Iran, l’Arabie Saoudite et la Turquie, ajouteront, pour leur propre compte et pour des raisons différentes et divergentes, un surcroît de déstabilisation ; chacun d’entre eux tentera de modifier le cours des choses en Irak à son profit.
L’Institut d’études stratégiques britannique, Chatham House, a abordé ces dures réalités dans tous les détails en juin dernier. Ses conclusions, fin juin, sont toujours bien valables, vu le peu de changements survenus dans l’équilibre des pouvoirs irakiens et par l’offensive de « sécurité » lancée par les Américains : « Les réalités, sauf si de nouvelles stratégies permettent de trouver une solution politique, ne nous laissent pas d’autres issues que de dialoguer avec les organisations soutenues par la volonté du peuple, même si elle ne partagent pas les intérêts des Américains dans la région ».
Günther DESCHNER.
(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°33/2007).03:25 Publié dans Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 16 août 2007
Partitocratie: effets pervers
Université d’été de «Synergies Européennes», Trente, 1998
Séminaire de Synergies-France, Pange/Lorraine, septembre 1998
Des effets pervers de la partitocratie
par Robert STEUCKERS
Très tôt, la science politique ou les observateurs des mécanismes de la politique dans les démocraties parlementaires occidentales ont été conscients des dérives potentielles de ce système.- Montesquieu insistait sur la séparation des pouvoirs, idéal à atteindre pour garantir les libertés citoyennes. Pour Montesquieu, la démocratie est le régime qui garantit justement ces libertés citoyennes: on ne peut les atteindre optimalement qu’en garantissant une séparation aussi nette que possible entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. En abattant toutes les cloisons entre ces pouvoirs, la partitocratie a annulé la démocratie au sens où l’entendait Montesquieu. Par rapport à l’idéal démocratique, la partitocratie constitue donc une régression. Et non, comme elle le prétend trop souvent, son accomplissement définitif.
- Tocqueville, en observant les mécanismes électoraux aux Etats-Unis dans la première moitié du XIXième siècle, constate, en fait, que la liberté d’entreprendre et de créer de la nouveauté, de penser, de vivre selon ses désirs et ses convictions, risque à terme d’être mise en danger par la démagogie égalitaire des partis et par l’action sans scrupules de démagogues irresponsables, regroupés en sociétés, en lobbies, en groupes de pression ou en patronnages divers, ne s’adressant quasiment jamais à la raison, mais toujours aux sentiments les plus troubles ou aux sens les plus veules, empêchant ainsi le citoyen moyen de regarder les réalités politiques avec lucidité. En principe, Tocqueville ne s’oppose pas à l’égalité, mais estime qu’elle ne doit jamais menacer l’exercice de la liberté.
- Max Weber, en prenant le relais de Tocqueville, écrivait dans Le savant et le politique que le système politique anglo-américain, en dépit de son étiquette démocratique, était “une dictature, reposant sur l’exploitation de l’émotionalité des masses”. Weber a d’abord plaidé pour un fonctionnariat d’Etat complètement détaché des partis car il craignait par dessus tout les dérives d’un spoil system à l’américaine, qu’avait déjà entrevues Tocqueville. Weber était cependant fasciné par les grandes machines politiques américaines du début de notre siècle, bureaucratisées à l’extrême mais plus honnêtes que leurs futures imitatrices européennes, dans la mesure où à chaque élection, les fonctionnaires nommés par le gouvernement précédent sont irrémédiablement démis de leurs fonctions si leur parti perd la partie: ils sont renvoyés à la société civile, quitte à recommencer leur quête politique, en se “rebranchant” à nouveau sur la vie réelle de la population, en partageant ses efforts et ses déboires face aux conjonctures économiques ou aux pratiques du pouvoir. Weber aura une position ambivalente: d’un côté, il admire la neutralité axiologique des fonctionnariats permanents et non partisans, sur le mode prussien; de l’autre, il admire la sélection impitoyable exercée par les “bosses” des partis américains qui se choisissent à chaque élection un personnel dévoué, qu’ils installent dans les rouages de l’Etat (mais pour quatre ans seulement, si la fortune politique ne leur sourit qu’une fois! Accepter le verdict électoral est honnête, en dépit des magouilles politiciennes; refuser le verdict des urnes est une malhonnêteté foncière, même si les magouilles sont mieux contrôlées!). La pratique de nommer définitivement les fonctionnaires des cabinets provisoires, en dépit des aléas électoraux, est notamment une perversion du système belge.
- Toujours dans Le savant et le politique, Weber a eu ces mots durs, pour les premières manifestations de partitocratie en Allemagne, qu’elles émanent des socialistes ou des démocrates-chrétiens: «[Les constitutionalistes révolutionnaires du pays de Bade] considèrent [...] l’Etat et les emplois administratifs simplement comme des institutions destinées à procurer uniquement des prébendes. [...] le parti du Zentrum (ndlr: d’obédience chrétienne-démocrate) [...] inscrivit même à son programme l’application du principe de la répartition proportionnelle des emplois selon les confessions religieuses, sans se soucier de la capacité politique des futurs dirigeants». Aberration aux yeux de Weber, car «... le développement de la fonction publique moderne [...] exige de nos jours un corps de travailleurs intellectuels spécialisés, hautement qualifiés, préparés à leur tâche professionnelle par une formation de plusieurs années et animés par un honneur corporatif très développé sur le chapitre de l’intégrité. Si ce sentiment de l’honneur n’existait pas chez les fonctionnaires, nous serions menacés d’une effroyable corruption et nous n’échapperions pas à la domination des cuistres. En même temps, il y aurait grand péril pour le simple rendement technique de l’appareil d’Etat...». Quant aux révolutionnaires les plus radicaux: «Ils abandonnent la direction de l’administration à de véritables dilettantes, tout simplement parce qu’ils disposent de mitrailleuses». Weber a dénoncé clairement l’esprit partisan, tant chez les pseudo-démocrates aux discours soft que chez les ultra-révolutionnaires annonçant l’avènement d’un système totalitaire.
Marco Minghetti, les partis politiques et leur ingérence dans la justice et l’administration
Marco Minghetti (1818-1886) était un homme politique italien du XIXième siècle, qui a vécu l’unification italienne et a assisté à l’émergence de la culture politique particulière de son pays. Très tôt, il a perçu les dérives potentielles de la partitocratie à l’italienne (et à la belge). Deux secteurs de l’appareil d’Etat sont principalement menacés par les démagogues de la partitocratie selon Minghetti: la justice et l’administration. Ces secteurs sont soumis à toutes sortes de pressions, afin d’édulcorer toute sévérité éventuelle des magistrats à l’encontre des démagogues. La partitocratie, dès son émergence dans l’histoire, tente d’abolir toutes les cloisons entre les pouvoirs, non pas pour rendre le pouvoir au peuple, mais pour le confisquer entièrement au profit d’états-majors occultes, qui ne veulent laisser aucun espace neutre dans l’appareil d’Etat.
Minghetti s’oppose à ce processus pour garantir les droits et les libertés de ses concitoyens. Dès lors, la lutte contre l’utilisation partisane de l’administration et de la justice a pour objectif de protéger les citoyens contre toutes interventions arbitraires, émanant d’une administration ou d’une justice ayant perdu et leur indépendance et leur objectivité, qui se montrent simultanément juge et partie, ce qui est une hérésie sur le plan du droit. Minghetti veut préserver la séparation des pouvoirs, afin d’éviter une trop grande concentration du pouvoir entre les mains de la majorité, qui contrôle déjà de droit le gouvernement. Il faut dès lors qu’au sein des assemblées législatives, les députés puissent conserver un maximum d’indépendance d’esprit et de vote; ensuite, que l’administration et la magistrature puissent, le cas échéant, résister efficacement à l’exécutif.
Entre les partis qui émergent au temps de Minghetti et les partis d’aujourd’hui, il y a une différence de taille. L’Etat n’était guère interventionniste du temps de Minghetti: il demeurait cantonné dans ses attributions classiques (battre monnaie, faire la guerre, organiser l’armée, assurer la diplomatie, maintenir l’ordre intérieur, etc.). Aujourd’hui, les attributions de l’Etat se sont considérablement étendues: elles englobent des pans entiers de la sphère sociale, du domaine de la santé, de l’enseignement et interpellent beaucoup plus étroitement la vie économique.
L’Etat a donc été amené à multiplier les contrôles de nature formelle et de tolérer le développement de pouvoirs de fait, vastes, arbitraires et largement capillarisés dans la société. Cette évolution n’est nullement condamnable en soi, mais elle implique une technicité accrue des interventions, que le personnel habituel, fauteur et bénéficiaire de la démagogie, n’est pas en mesure de prester, puisqu’il n’a pas été sélectionné pour ses compétences mais pour sa fidélité à des slogans, des doctrines simplistes et boîteuses ou une camaraderie de mauvais aloi avec des ténors sans scrupules. La complexification et la diversification des administrations auraient dû aller de paire avec une formation toujours plus poussée du personnel administratif et des fonctionnaires. Depuis une centaine d’années, constatent les admirateurs italiens actuels de Minghetti, malgré l’ampleur continue du processus de complexification des interventions de l’Etat, peu de choses sinon rien n’a été entrepris pour améliorer les qualifications professionnelles des fonctionnaires. Les décisions arbitraires d’un personnel inqualifié (sinon inqualifiable) sont effectivement condamnables et inacceptables, tandis que les décisions réfléchies d’un personnel bien écolé garantiraient efficacité et correction pour le bénéfice de tous. Un fonctionnariat qualifié constitue une garantie de liberté pour les citoyens. Un fonctionnariat non qualifié, recruté par démagogie partisane, constitue une menace permanente et inacceptable pour la masse des citoyens.
Minghetti et ses disciples actuels énumèrent quelques tares majeures de ce système de partis:
Première tare: Les “démocraties” multipartites ont œuvré pour que soient exclues de l’administration toutes les personnalités compétentes. Celles-ci se sont recyclées dans le secteur privé, affaiblissant du coup les pouvoirs réels de contrôle de l’administration étatique.
Deuxième tare: le personnel administratif est recruté trop exclusivement parmi les juristes, dont la tendance est de vénérer le formalisme juridique au détriment de toutes les autres démarches de l’esprit. Depuis Minghetti, peu de choses ont changé en ce domaine.
Troisième tare: le personnel administratif, recruté par les instances partisanes, se ligue désormais en syndicats, qui interviennent lourdement dans les mécanismes de la décision politico-admininistrative. Ou bloquent la machine étatique pour obtenir des avantages de toutes sortes, salariaux ou autres. Le risque est patent: aucun correctif aux dysfonctionnements ne peut plus être apporté, s’il égratigne, même très partiellement, les intérêts immédiats et matériels des fonctionnaires syndiqués.
Quatrième tare: l’indépendance des juges risque de devenir lettre morte. Les collusions entre élus de la classe politique et magistrats entraînent des alliances fluctuantes entre les uns et les autres, au détriment des simples citoyens non encartés et non politisés.
Face à ces déviances, Minghetti suggère:
- Une réduction de l’aire d’intervention de l’Etat (c’est une option libérale classique);
- Une décentralisation administrative;
- De développer des méthodes de contrôle de l’administration;
- D’assurer une meilleure formation des fonctionnaires, en limitant le juridisme de leur formation antérieure et en créant de bonnes écoles de sciences administratives, où le savoir empirique est mis à l’honneur, au détriment des savoirs trop abstraits (ce vœu de Minghetti n’a quasiment pas été exaucé);
Conclusion: Minghetti a plaidé pour une déconstruction des appareils partisans, auxquels il reprochait de représenter un “catholicisme étatique” ou “un catholicisme des partis”.
Moiséï Jakovlevitch Ostrogorsky (1854-1918), critique des démocraties partisanes
- Russe de confession israëlite, Ostrogorsky a étudié et enseigné à Saint-Petersbourg, à Paris (à l’Ecole libre des sciences politiques) et aux Etats-Unis.
- Ses références sont Montesquieu et Tocqueville; sa pensée est influencée par Roberto Michels et Max Weber (qui, à son tour, tirera profit de son œuvre).
- Il participe activement à la vie politique russe et en 1906 il est député à la Douma pour le parti constitutionnel-démocrate (les “Cadets”).
- En France, son œuvre, rédigée en français, influence Charles Péguy et Charles Benoist (tous deux sceptiques à l’égard du suffrage universel).
Pour Ostrogorsky, les partis ne sont au départ que de simples associations privées, des regroupements de citoyens qui demandent éventuellement, sur le mode de la pétition, au pouvoir politique de légiférer dans tel ou tel sens. Au titre d’associations privées, les partis ne sauraient être considérés comme des agents institutionnels permanents. Mais comme ils le sont devenus, on peut légitimement admettre que la démocratie parlementaire n’est plus qu’une façade, derrière laquelle se déploie un système de décision occulte, arbitraire, orchestré dans les états-majors des grands partis.
Ostrogorsky ne réclame pas la suppression des partis, mais prône le dépassement voire le démantèlement des “partis permanents” et leur remplacement par des “partis ad hoc”, c’est-à-dire des regroupements politiques qui se constitueraient à intervalles réguliers et sous la pression des faits, pour obtenir telle ou telle réforme concrète et disparaîtraient de la scène une fois celle-ci obtenue). Ostrogorsky nommait “ligues” ou “initiatives à projet unique”, ces “formations ad hoc”, destinées à soutenir des candidats prêts à voter ou faire voter un projet. Bien qu’il ne l’ait jamais dit explicitement, le modèle d’Ostrogorsky semble avoir été les ligues françaises de la fin du XIXième siècle: Ligue des Patriotes (1882), Ligue des Droits de l’homme (lors du procès Dreyfus), Ligue d’Action Française (Maurras et Daudet).
La permanence des partis indique qu’ils ne sont pas là pour réaliser des réformes concrètes, utiles et urgentes pour la communauté populaire, mais pour promouvoir des “chefs” (des “bosses”) ou des oligarchies fermées, à l’aide d’une idéologie préfabriquée, irréaliste et démagogique, incapable d’appréhender les ressorts du réel, excitant une fraction des masses d’électeurs, utile seulement au recrutement de voix qui seront comptabilisées pour maximiser l’influence du parti et de ses chefs dans la société en général, en s’emparant d’autant de postes de commande que possible, afin d’amorcer la pompe à finances via les recettes fiscales.
Ostrogorsky constate que la fonction des masses dans la démocratie moderne n’est pas de gouverner, comme l’affirme la théorie démocratique, car elles n’en seraient de toute façon pas capables, même si on leur donne tous les instruments constitutionnels et juridiques pour le faire (législation directe, référendum, etc.). Dans tous les cas de figure, ce sont de petites minorités qui accèdent au gouvernement des pays. Ces minorités agissent pour concentrer le maximum de pouvoir autour d’elles: c’est ce qu’Ostrogorsky appelle “la loi de gravitation de l’ordre social”. Les masses servent de réservoir de voix pour des minorités alternatives, qui concentrent petit à petit du pouvoir autour d’elles. Les masses les servent pour intimider les gouvernants, qui risquent de perdre des plumes dans les “loteries électorales”, s’ils ne vont pas à l’encontre des désirs divers et souvent incohérents du gros de la population.
Face à ces minorités, les individualités non encartées, non inféodées aux formations de masse sont écrasées et tyrannisées par le biais de la police ou surtout de l’impôt. Dans cette société civile se cristalisent des contre-poids, qui ne sont toutefois pas assez puissants pour abattre tout de suite les oligarchies dominantes. Les citoyens non encartés doivent louvoyer entre les obstacles dressés par les oligarchies, parier sur les innovations techniques (cf. Schumpeter) pour contourner les interdits imposés par le régime en place, ou en appeler aux anciens résidus religieux, forces morales établies et avérées, éventuellement mobilisables contre le régime en place.
Finalement, le citoyen isolé n’a que très peu d’influence sur la désignation des candidats figurant sur les listes qu’on lui présente à chaque élection. Il peut créer l’opinion, en pariant tantôt sur l’héritage du passé tantôt sur les espoirs d’avenir, mais cette opinion qu’il exprime ou formule sera filtrée par les états-majors des partis, qui désigneront des candidats qui voteront selon les injonctions du parti et non pas selon les intérêts des citoyens qui les ont élus.
Le gouvernement est donc aux mains d’une classe politique, certes relativement ouverte —elle n’est pas une caste fermée— mais qui constitue néanmoins un groupe en soi. Elle gère le pays face à l’indifférence et la passivité des masses. Celles-ci ne sont pas davantage actives que du temps où toute opposition était absente et où il n’y avait pas de “démocratie” . Le droit de vote est considéré comme une évidence, mais on ne lui accorde par une grande valeur, on ne comprend pas clairement l’enjeu et le sérieux de ce droit. Cette ignorance générale des masses laissent aux minorités actives une large marge de manœuvre.
Ostrogorsky dénonce enfin le “formalisme politique” ou le “formalisme partisan”. C’est, dit-il, un ennemi de la raison, il oblitère la conscience individuelle et le courage civil. L’organisation de tout parti est toujours trop rigide, la doctrine idéologique est trop simpliste, les rituels annihilent les volontés et l’esprit critique. Certes, admet Ostrogorsky, toute forme culturelle implique organisation, doctrine et rituels, mais, dans le cas des partis politiques modernes, le degré d’organisation, le poids de la doctrine et des rituels ont dépassé la limite acceptable. Le parti ne sert plus à faire passer de l’innovation dans la société, à y injecter un surplus d’éthique, à restaurer des valeurs estompées, mais à couvrir d’un “voile de bienséance” les turpitudes et les corruptions des oligarques.
Ce formalisme, explique Ostrogorsky, est le nouveau visage de la tyrannie, qui a toujours, au fil des temps, changé sa face pour mieux se dissimuler aux naïfs et les tromper. La tyrannie est une hydre à mille têtes: inutile d’en trancher une, il en repoussera d’autres, sans discontinuité. La liberté est un idéal qui a du mal à s’implanter dans les têtes, alors que les hommes acceptent benoîtement la tyrannie, sous quelque forme qu’elle se présente. Vouloir changer ces dispositions de l’âme est un travail de Sisyphe.
Panfilo Gentile reprend le flambeau de Minghetti
Panfilo Gentile (1889-1971), politologue et célèbre journaliste italien, n’hésitera pas à parler de déviances mafieuses du système des partis. Les démocraties partitocratiques sont pour lui des “démocraties mafieuses”. Il écrit: «Quand le pouvoir est exercé au profit du parti [...] tout scandale est couvert par un vaste réseau de complicités. La responsabilité remonte très haut, implique les leaders et les sous-leaders du parti, les hommes du gouvernement [...] Les faits scandaleux sont alors ignorés et si des adversaires les dénoncent, on trouve le moyen de les minimiser». Ou encore: «Les oligarchies mafieuses, que les démocraties modernes tendent à produire, sont des oligarchies de petits bourgeois sans occupation fixe, imbus de cléricalisme idéologique, portés à l’intolérance et à l’esprit sectaire». «Mais les idéologies ne sont en réalité que de vieilles idées, devenues populaires [...]. Des schémas doctrinaires ont été créés qui trouvent tout à coup une codification intangible. Chaque parti a sa Torah, ses docteurs, ses pharisiens et ses zélotes. L’idéologisme porte à la cléricalisation des esprits. Les démocraties modernes reposent sur le dogmatisme universel, même si l’on admet théoriquement la concurrence entre une pluralité de dogmatismes».
Le tableau est planté. Panfilo Gentile, disciple de l’école élitiste italienne (Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto, Roberto Michels), a dénoncé, vingt-cinq ans avant les scandales politiques italiens du début des années 90, les mécanismes corrupteurs de la partitocratie. Ceux-ci se développent à partir des linéaments idéologiques suivants:
1. Le marxisme intellectuel, religionnaire, considéré comme l’ersatz d’une eschatologie ou d’une sotériologie religieuse (==> PCI). Les formations politiques qui se réclament de cette sotériologie laïque sont prêtes à mobiliser toutes les ressources sans hésitation pour accéder au pouvoir, prélude à l’avènement d’un modèle social, posé d’emblée comme définitif.
2. L’ingérence constante des ecclésiastiques dans la politique, dans l’espoir de forger un “parti unique des catholiques” (==> DC). Ce parti unique devra barrer la route à tous les autres et s’étendre à toutes les strates de la population.
3. L’engouement pour les programmations économiques et le planisme irresponsable, conduisant à énumérer toutes les choses désirables à réaliser, ... sans couverture financière réelle. Une fiscalité lourde étant censée alimenter le financement de ces projets fabuleux.
4. L’infiltration par les partis, mus par les idéologèmes que nous venons d’énumérer, de tous les rouages de l’Etat.
Dans l’Italie des années 60, la partitocratie, disait Gentile, est un “clérico-marxisme”, ou, disait Augusto Del Noce, un “catho-communisme”. Elle a conduit à “une politique purement démagogique qui a accumulé déficit sur déficit et a fragilisé l’économie”. C’est le “système de la carte du parti qui a pollué l’appareil bureaucratique et les pouvoirs de l’Etat. Un régime ainsi stratifié et consolidé semble aujourd’hui pratiquement impossible à modifier et à restructurer”. Dans un interview accordé en 1969, Panfilo Gentile précise sa pensée: «En d’autres mots, les démocraties mafieuses sont des régimes basés sur la détention de la carte du parti, tout comme dans les véritables régimes totalitaires. La différence entre les deux systèmes, c’est que dans les régimes totalitaires, il n’y a qu’un seul type de carte, tandis que dans les “démocraties mafieuses”, on consent à l’existence de plusieurs types de carte; mais il s’agit de cartes finalement “confédérées” au sommet et, en définitive, cela revient au même, c’est comme s’il n’y avait qu’une carte unique; celle au singulier du régime totalitaire ou celles au pluriel des régimes partitocratiques, sont toutes génératrices de privilèges, octroyés par ceux qui sont au pouvoir [...]. Alors, quand de tels régimes se constituent, les oppositions n’ont plus de place [...]. Les oppositions sont reléguées dans une espèce de ghetto invisible. Les détenteurs du pouvoir détiennent également le monopole des moyens de propagande et de persuasion occulte. Les éditeurs, la presse, les prix littéraires, les subventions aux théâtres et aux cinéastes sont invariablement soumis à une insupportable discrimination politique».
Les seize tares majeures de la partitocratie selon Gonzalo Fernandez de la Mora
Pour Gonzalo Fernandez de la Mora, ancien ministre d’Espagne, philosophe du politique de réputation internationale, directeur de la revue Razon española (Madrid), jette un regard critique sur les pratiques des partitocraties et y décèle seize contradictions majeures:
1. Les partis de la partitocratie subissent un processus d’oligarchisation interne:
Selon la loi mise en exergue au début du siècle par Roberto Michels, c’est-à-dire la “loi d’airain des oligarchies”, les partis tendent à se fermer sur eux-mêmes, à se hiérarchiser et à renforcer la puissance de leurs appareils. Ce processus relègue les bases à l’arrière-plan, celles-ci ne sont autorisées à voter que pour un délégué désigné par la direction. L’impulsion est donc autoritaire et non populaire. L’ensemble des adhérents aux partis en compétition n’excède jamais 5% de la population. Les partis sont donc de toutes petites minorités qui prennent arbitrairement en charge la totalité des électeurs. La contradiction est donc flagrante: les partis ne sortent en aucun cas du cycle des oligarchies qu’ils avaient prétendu abolir au nom de la démocratie.
2. Les partis de la partitocratie impliquent une professionnalisation de la politique.
Les membres des oligarchies partisanes se transforment rapidement en professionnels de la lutte pour le pouvoir. Mais ces professionnels ne se cantonnent pas dans un domaine précis, pour lequel ils auraient effectivement des compétences dûment sanctionnées par l’université ou une grande école. Les “professionnels de la politique”, au contraire, ne sont spécialistes de rien et se retrouvent tour à tour présidents d’une banque publique, directeurs d’un réseau ferroviaire, d’un service hospitalier, d’un service postal, d’une commission de l’énergie nucléaire ou ambassadeurs dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue ni les mœurs. Nous nous trouvons dès lors face à un personnel non spécialisé, dépourvu de compétences, mais posé arbitrairement comme “omnivalent”.
La contradiction est également flagrante ici: les partis se présentent comme des agences efficaces, capables de placer au poste ad hoc les citoyens compétents, sans discrimination d’ordre idéologique, mais ne casent finalement que leurs créatures, en excluant tous les autres et en n’exigeant aucune compétence dûment sanctionnée.
3. Les partis provoquent une crise de l’indépendance.
L’idéal démocratique, c’est d’avoir des assemblées de notabilités capables de juger les choses politiques en toute indépendance et objectivement. Le système des partis coupe les ailes à ceux qui souhaitent se présenter en dehors de toute structure partisane. En effet, le parcours du candidat-député indépendant est plus long et plus difficile. Même s’il réussit à se faire élire, il aura des difficultés à faire entendre sa voix, face aux verrous placés par les partis dans la sphère des médias et de la presse.
La contradiction est une nouvelle fois patente: les partis annoncent qu’ils sont démocratiques, qu’ils défendent la liberté d’expression de tous indistinctement, mais, par leur action et leur volonté de tout contrôler et surveiller, il semble de plus en plus difficile de se porter candidat en dehors de leurs circuits.
4. Les partis provoquent l’appauvrissement de la classe politique.
Les oligarques des partis tendent à recruter des adjoints fidèles et naïfs incapables de leur porter ombrage ou de les dépasser. Conséquence: le niveau intellectuel et moral du parti s’effondre. Les ficelles sont tirées par des démagogues conformistes et peu compétents. Les quelques talents qui s’étaient perdus dans les coulisses des partis sont progressivement mis sur la touche ou quittent le parti, dégoûtés.
La contradiction est nette: les partis ne sont nullement des agences qui assurent la promotion des meilleurs, mais, au contraire, qui sélectionnent et propulsent aux postes de commande les plus médiocres et les plus corrompus.
5. Les partis éclipsent le décor politique.
Les états-majors des partis sont tenus à une certaine loi du secret. Ils ne dévoilent jamais entièrement leurs batteries. L’information qu’ils fournissent aux citoyens est souvent mensongère et biaisée.
Contradiction: l’électorat, censé choisir clairement ses dirigeants, ne reçoit que des informations tronquées et maquillées. L’électorat n’est pas informé mais désinformé. Ses choix sont dès lors peu raisonnables.Le décor politique devient flou, vu les dissimulations et la polysémie de langage dont usent et abusent les oligarchies politiciennes. On ne sait plus qui défend quoi.
6. Les oligarchies partisanes spolient l’électorat. Si de larges strates de l’électorat ne se retrouvent pas dans les principaux partis, si les candidats indépendants n’ont pratiquement aucune chance de faire passer leur programme, l’électorat n’a plus d’autre possibilité que l’abstention. Mais celle-ci, par la magie électorale, se transforme en appui à la majorité.
Contradiction: non seulement les oligarques partisans cumulent les voix de leur propre clientèle (ce qui est logique), mais ils “rackettent” celles des opposants silencieux qui s’abstiennent. La démocratie partitocratique, qui avait claironné qu’elle serait plus représentative que les formes antiques et médiévales de la représentation populaire, constitue de fait une régression. Le citoyen n’a plus la liberté de ne pas être client, de vaquer tranquillement à ses occupations professionnelles, à ses devoirs familiaux, avec l’assurance d’être traité en toute équité en cas de problème. Il n’est plus perçu comme un homme libre, capable de faire un choix judicieux, qu’il s’agit de respecter, mais comme le réceptacle docile de propagandes simplistes, distillées par les bureaux des partis.
7. La partitocratie est un réductionnisme d’ordre éthique.
Sur le plan éthique, le système des partis constitue également une régression dangereuse:
1. Tous les adversaires de ce système sont dénoncés comme des “ennemis de la démocratie”, dénonciation qui équivaut à celle de “satanisme” dans les procès de sorcellerie au moyen-âge. Or comme le terme de démocratie recouvre un océan de définitions divergentes, on peut condamner même la personne la plus innocente, en la désignant comme “ennemie de la démocratie”. Les partitocraties montrent par cette pratique qu’elles ne respectent aucune opinion qui serait susceptible de leur porter ombrage.
2. Les partis, pour fonctionner dans les partitocraties, pompent énormément de deniers publics, y compris auprès de ceux qui n’ont pas voté pour les formations du pouvoir. Si ceux-ci émettent des protestations, ils sont accusés de ne pas être “solidaires”. Les oligarques utilisent le réflexe de l’éthique de la solidarité pour justifier une spoliation, dont les victimes ne peuvent se défendre ni par le biais des tribunaux politisés ni à travers le travail des chambres qui sont muselées.
3. Les partis ont fait voté des lois qui leur permettent de récupérer en dotations publiques leurs frais de fonctionnement ou de propagande. Le procédé est malhonnête car ces sommes ont été levées par coercition, sans qu’aucun contribuable ne puisse y échapper. Pour Gonzalo Fernandez de la Mora, «c’est, assurément, la forme la plus répugnante de rapine à main armée que celle qui s’exerce par les armes de l’Etat et en marge de la légalité comme dans le pire des féodalismes, mais en proportions incomparablement supérieures».
8. L’instrumentalisation des parlementaires.
La discipline qu’imposent les partis-machines aux députés qui ont été élus sur leurs listes est telle que le parlementaire ne peut plus émettre, dans les assemblées, un vote divergent de celui qu’ordonne le parti. Sinon, il est marginalisé voire exclu des prochaines listes électorales. La liberté individuelle du parlementaire est ainsi annulée.
9. Le paradoxe des transfuges.
Le transfuge, qui, à la suite d’un désaccord ou par pur opportunisme, change de liste ou de parti, conserve son mandat et commet une double fraude: à l’égard de ses anciens dirigeants et à l’égard de ses électeurs. Mais la partitocratie admet ce genre de procédé, montrant ainsi la dépersonnalisation totale du député, qui devient un pion interchangeable.
10. les partis provoquent la dévaluation intellectuelle des chambres.
Les projets de la majorité sont présentés au parlement. L’opposition minoritaire n’a que quelques minutes pour préparer ses réponses ou suggérer des amendements. Il est donc impossible, de cette manière, de lancer un débat de fond et de développer des arguments approfondis, raisonnables et cohérents. Les chambres déchoient ainsi en fictions rhétoriques, en spectacles.
11. Les partis provoquent la dévaluation politique des chambres.
Comme l’exécutif procède de la majorité parlementaire, et que celle-ci est composée de députés dociles, dont le vote est parfaitement prévisible, les chambres perdent leur rôle politique: celui de critiquer l’exécutif, de lui imposer des amendements, de le faire tomber le cas échéant. La partitocratie confisque aux chambres leur rôle dans le fonctionnement de la démocratie.
12. Les partis dévaluent le rôle des chambres sur le plan fiscal.
Les chambres sont nées justement pour limiter le pouvoir du souverain et surtout pour freiner ses appétits économiques. Les chambres sont là pour défendre les citoyens, faire en sorte que ceux-ci ne paient que le strict nécessaire en matière d’impôt. Dans les assemblées d’origine, les chambres s’opposent aux exagérations du Prince. Dans les partitocraties, au contraire, elles se transforment en assemblées dociles qui entérinent les décisions de l’exécutif et ne défendent plus les intérêts des citoyens. Ce qui est une entorse supplémentaire au principe de la représentation démocratique.
13. Les partis dévaluent le rôle législatif des chambres.
Les chambres ont été créées pour contrôler le Prince ou le pouvoir exécutif en exerçant leurs compétences légiférantes. Les lois devaient ainsi être forgées pour le bénéfice du peuple, en le soustrayant à tout arbitraire du Prince ou de l’exécutif. Dans les partitocraties, ce rôle de légiférant-protecteur est annulé, dans la mesure où la majorité parlementaire entérine formellement les textes que l’oligarchie partisane a décidé de transformer en lois. L’idée inspiratrice de ces textes vient du chef ou de l’état-major et de leurs conseillers et non pas des membres de l’assemblée, qui n’ont même pas l’obligation de les lire!! les chambres déchoient ainsi en un espèce de notariat collectif qui accorde une sorte de caution publique à des textes composés et décidés ailleurs. Conclusion: la capacité législative des chambres dans les partitocraties décroît, jusqu’à atteindre le point zéro.
14. Le pouvoir des partis dans une partitocratie conduit à l’irresponsabilité du gouvernement.
En théorie, le gouvernement est responsable devant les assemblées. Dans les partitocraties, où il y a une majorité stable, il a les mains absolument libres et n’est même plus obligé de tenir compte de l’opposition. Il s’accorde l’impunité et compte sur la mémoire courte des électeurs, qui oublieront ses trafics avant les nouvelles élections.
15. La partitocratie conduit à la politisation de l’administration.
On peut parler d’une politisation de l’administration, dès que les fonctionnaires agissent dans le sens que leur dicte leur parti, ne cherchent plus à appliquer l’ordre juridique en place et ne respectent plus le principe de l’équité. L’oligarchie partitocratique peut ainsi politiser l’administration, en limitant son accès à ses affiliés ou ses sympathisants ou en octroyant des récompenses et des promotions à ses seuls féaux. Nous avons assisté à l’émergence d’une sorte de népotisme collectif. Toute administration politisée est par définition partiale et donc injuste.
16. La partitocratie conduit à la fusion des pouvoirs.
L’idéal démocratique de Montesquieu, repose, pour l’essentiel, sur la séparation des pouvoirs. Depuis des temps immémoriaux, les hommes savent que l’on ne peut être à la fois juge et partie. Gonzalo Fernandez de la Mora écrit: «Pour faire en sorte que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne soit pas diminuée ou annulée par des normes que le pouvoir exécutif fabrique à son bénéfice exclusif, il faut que le pouvoir législatif soit indépendant du pouvoir exécutif [...] (Mais) dans les partitocraties [...] le pouvoir exécutif assume de fait le pouvoir législatif et tend à influencer aussi l’interprétation et l’application des lois [...]. Le mode le plus efficace pour atteindre de telles fins est d’intervenir dans la nomination et le placement des magistrats».
Conclusion.
Le constat de Gonzalo Fernandez de la Mora est simple: la partitocratie tend à confisquer à son profit tous les pouvoirs, en noyautant l’administration par placement de ses créatures, en intervenant dans la nomination des magistrats, en annulant l’indépendance des parlements et des députés. Elle est ainsi la négation de l’Etat de droit (qu’elle affirme être par ailleurs), parce qu’elle désarme les gouvernés face aux erreurs et aux errements de l’administration et face aux abus d’autorité. La fusion des pouvoirs, au bénéfice d’un exécutif de chefs de partis, correspond à ce que les classiques de la science politique nommaient la tyrannie. Même la dictature provisoire à la romaine respectait l’indépendance des juges et garantissait ainsi l’équité. Outre l’anarchie et la loi de la jungle, l’installation de tribunaux partiaux et partisans est la pire des choses qui puisse arriver à une communauté politique. Les événements de Belgique l’ont prouvé au cours de ces dernières années.
Robert STEUCKERS,
Forest, juillet 1998.
Bibliographie:
- Peter E. J. BUIKS, Alexis de Tocqueville en de democratische revolutie. Een cultuursociologische interpretatie, Van Gorcum, Assen, 1979. - Alessandro CAMPI, «La critica alla partitocrazia nella cultura politica italiana: 1949-1994. Una rassegna storico-bibliografica», in: Futuro Presente, n°4, Perugia, 1993. - Ramon COTARELO, «¿Son necesarios los partidos politicos en la democracia?», in: Razón Española, n°53, mayo-junio 1992. - Gonzalo FERNANDEZ de la MORA, «Contradicciones de la partitocracia», in Razón Española, n°49, sept.-oct. 1991. - Gonzalo FERNANDEZ de la MORA, «Cooptación frente a sufragio universal», in: Razón Española, n°54, jul.-aug. 1992. - Julien FREUND, Sociologie de Max Weber, PUF, Paris, 1968. - Jesus FUEYO, «La degradación de la democracia», in: Razón Española, n°53, mayo-junio 1992. - Panfilo GENTILE, Democrazie mafiose (a cura de Gianfranco de TURRIS), Ponte alle Grazie, Firenze, 1997. - Hans-Helmut KNÜTTER, «Staats- und Parteienverdrossenheit - Ursache und Konsequenzen», in: Mut, 1994. - Hans-Helmut KNÜTTER, «Man weiß nicht mehr, was man will, sondern nur, was man ablehnt», in: Junge Freiheit, n°6/1994 (Interview réalisé par Peter Boßdorf). - Klaus KUNZE, «Der totale Parteienstaat», in: Junge Freiheit, Januar-Februar 1992. - Klaus KUNZE, «Der Weg der Parteiendemokratie in den feudalen Parteienstaat», in: Staatsbriefe, 3/1992. - Klaus KUNZE, «Plebiszite als Weg aus dem Parteienstaat», in: Junge Freiheit, Okt. 1992. - Angel MAESTRO, «La partitocracia en crisis», in: Razón Española, n°54, jul.-aug. 1992. - Marco MINGHETTI, I partiti politici e la loro ingerenza nella giustizia e nell'amministrazione, Prefazione di Carlo Guarnieri, Societa Aperta, Milano, 1997. - Wolfgang MOMMSEN, Max Weber. Gesellschaft, Politik und Geschichte, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1974.
- Vincenzo PACIFICO, «Marco Minghetti: il padre della “destra storica” italiana e la sua opera. Spirito de patria», in Percorsi, n°4, mars 1998.
- Karl PISA, Alexis de Tocqueville. Prophet des Massenzeitalters. Eine Biographie, DVA, Stuttgart, 1984. - Caspar von SCHRENCK-NOTZING, «Die verdeckte Krise des Parteiensystems», in: Junge Freiheit, Juli/August 1991. - Caspar von SCHRENCK-NOTZING, «Das Grundübel unserer Demokratie liegt darin, daß sie keine ist», in: Junge Freiheit, Dezmber 1993. - Robert STEUCKERS, Partitocratie et polyarchie: le cas belge, manuscrit non encore publié. - Helmut STUBBE-da LUZ, «“Nicht die Formen studieren, sondern die Kräfte!”. Moisei J. Ostrogorski (1854-1919), ein Pionier der Parteienkritik», in: Criticón, n°148, pp. 193-198, München, 1995. - Juan VALLET de GOYTISOLO, «¿Democracias no partitocracias?», in: Razón Española, n°54, jul.-aug. 1992. - Alberto VANNUCCI, Il mercato della corruzione. I meccanismi dello scambio occulto in Italia (Prefazione di Alessandro PIZZORNO), Sociéta Aperta, Milano, 1997. -Max WEBER, Le savant et le politique (Préface de Raymond ARON), UGE-10/18, Paris, 1963.03:25 Publié dans Définitions, Politique, Sociologie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 13 août 2007
Roth, Chomsky & Huntington
Jürgen Roth, Noam Chomsky et Samuel Huntington:
La maison d’édition “Europa-Verlag”, de Hambourg, publie les écrits de Noam Chomsky, qui, comme on le sait, critique sévèrement l’impérialisme américain, l’accusant d’hybris, ainsi que la politique israélienne, en l’accusant, elle, d’entretenir une logique de la guerre civile permanente au Proche-Orient. Retenons aussi de l’œuvre actuelle de Chomsky une dénonciation systématique du rôle des médias dans la fabrication d’opinions bellicistes ou dans la banalisation d’agressions militaires, qui ne servent que les seuls desseins de Washington, au détriment des intérêts de toutes les autres puissances du globe. “Europa-Verlag” œuvre donc en Allemagne pour diffuser la pensée alternative de Chomsky. On peut évidemment regretter que l’instrumentarium déployé par ce linguiste américain est seulement critique et, à nos yeux, pas assez constructif. Rien n’est dit quant à la seule solution envisageable pour contrer cet impérialisme ubiquitaire : construire l’alliance stratégique grande-continentale et eurasiatique, comme l’avaient voulu Haushofer et ses inspirateurs japonais du début du 20ième siècle.
De même, “Europa-Verlag” a publié naguère le fameux ouvrage de Samuel Huntington sur le “choc des civilisations”, grand classique politique des années 90 du siècle dernier, mais qui ne cesse d’alimenter le débat de manière féconde. L’éditeur allemand ne s’est cependant pas borné à ce seul ouvrage désormais classique : il a également publié le débat entre Huntington et Lawrence E. Harrison sur la lutte entre les valeurs, suite logique des thèses énoncées dans le “choc des civilisations”. Enfin, troisième volume de cette série “huntingtonienne” : Who are we? Die Krise der amerikanischen Identität (= Qui sommes-nous? La crise de l’identité américaine). Huntington s’interroge sur les valeurs de la société américaine. Le peuple américain est-il bien conscient des valeurs qui fondent une civilisation? Ou est-il victime —la première victime— de l’anomie généralisée induite par l’esprit marchand depuis le 19ième siècle? Poser ces questions équivaut à aborder l’essentiel à la veille, justement, d’un choc des civilisations, celui qui s’annonce, inexorablement, à court terme.
Ensuite, le même éditeur nous fait découvrir un autre non-conformiste intéressant, allemand celui-là : Jürgen Roth. Celui-ci a successivement abordé les thèmes du lien mafias/entreprises/politique, des réseaux terroristes liés à la drogue et donc aux mafias, des oligarques post-soviétiques qui déstabilisent l’ex-bloc de l’Est et, aussi, par voie de conséquence et par multiplication des métastases mafieuses en Europe occidentale, nos propres pays [Jürgen Roth, Ganz reale Verbrecher. Millionen, Macht und Auftragsmord, (= Des criminels bien réels. Les millions, le pouvoir et le crime commandité), ISBN 3-20381528-1, 17,90 Euro; Netzwerke des Terrors, (= Les réseaux du terrorisme), ISBN 3-203-81529-X, 16,90 Euro; Der Oligarch. Vadim Rabinovich bricht das Schweigen, (= L’oligarque. Vadim Rabinovitch rompt le silence) ; ISBN 3-203-81527-3, 19,90 Euro; Die Gangster aus dem Osten. Neue Wege der Kriminalität, (= Les gangsters venus de l’Est. Les nouvelles voies de la criminalité), ISBN 3-203-81526-5, 17,90 Euro]. Adresse de l’éditeur : Europa Verlag GmbH, Neuer Wall 10, D-20.354 Hamburg; http://www.europaverlag.de ].
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dimanche, 12 août 2007
Une économie qui affaiblit
Une économie qui appauvrit:
Horst Afheldt est irénologue (c’est-à-dire une personne qui étudie les conditions pour que règne la paix au sein d’une aire civilisationnelle), écologue et économiste, attaché à l’Institut Max Planck de Munich. Les Français se rappelleront sans doute d’un ouvrage important de sa plume, paru aux éditions La Découverte, qui esquissait les conditons nécessaires pour établir une zone de paix entre les deux blocs, dans la foulée du bellicisme reaganien et de l’installation de fusées otanesques pointées sur le territoire de la RDA et de la Tchécoslovaquie. Les Allemands se souviendront encore davantage de ses nombreux textes bien étayés, visant à dégager leur pays de la politique mortelle que lui imposaient les Etats-Unis et l’OTAN. Horst Afheldt (°1924), bientôt octogénaire, reste très actif. Son dernier ouvrage est une critique aussi serrée que raisonnée du néo-libéralisme ambiant, introduit en Europe en même temps que la logique bellogène des Reagan avant-hier, des Clinton hier (les démocrates ne sont pas moins va-t’en-guerre que les républicains), des Bush aujourd’hui. L’économie, comme son nom et son étymologie grecs l’indiquent, sert à normer l’oikos, l’habitat premier de l’homme et de sa famille, à générer des richesses assurant la survie d’une communauté clairement circonscrite à la Cité grecque ou à l’Etat social de keynésienne mémoire. L’économie vise la distribution juste et équitable des richesses produites par la communauté, la Polis ou l’Etat-Nation. Elle n’a pas d’autres raisons d’être. Si elle faillit à cette mission, qui est la sienne et est son propre, elle constitue forcément une aberration. Le néo-libéralisme, introduit dans les institutions productrices d’idéologies et de praxis politiques depuis les avènements de Thatcher en Grande-Bretagne et de Reagan aux Etats-Unis, inverse la logique traditionnelle de l’économie, ou retourne au manchestérisme le plus pur, dans la mesure où elle réduit les salaires et augmente la production. En bout de course, nous assistons à l’émergence, non pas de chômeurs démunis parce qu’ils sont victimes d’accidents conjoncturels, mais de travailleurs à temps plein, dont l’emploi est stable depuis de longues années, qui n’arrivent pas à nouer les deux bouts. Une théorie “économique” qui génère de telles incongruïtés ne relève pas de l’économie économique, comme le disait Julien Freund. En éclatant la société de la sorte, la fausse économie en place devient “in-économique”, conclut Afheldt. L’économie est indissociable de la notion grecque de “nomos”, d’ordonnancement équitable et raisonnable. L’hybris accumulateur, déséquilibrant, est un facteur de liquéfaction, de déliquescence, de la chose publique, équilibre entre politique et économique.
[Références : Horst AFHELDT, Wirtschaft die arm macht. Von Sozialstaat zur gespaltenen Gesellschaft, Verlag Antje Kunstmann, München, 256 p., 19,90 Euro. http://www.kunstmann.de ].
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samedi, 11 août 2007
Sur les politiciens
Sur les politiciens:
Hermann Scheer (°1944), président de l’association EUROSOLAR, qui plaide pour l’énergie solaire et pour les énergies renouvelables, détenteur du Prix Nobel alternatif en 1999, nous avait déjà intéressé à maintes reprises, notamment à l’occasion d’un colloque de “SYNERGON-Deutschland” en novembre 1997 à Sababurg, où nous avions analysé, très positivement, les jugements sévères et parfaitement justes qu’il portait à l’encontre d’un monde politique figé dans ses certitudes et ses erreurs. Hermann Scheer est l’auteur de Klimawechsel. Von der fossilen zur solaren Kultur. Gespräche mit Christiane Grefe (= Modification climatique. De la culture des énergies fossiles à la culture de l’énergie solaire. Conversations avec Christiane Grefe), livre rédigé avec le concours de Carl Amery, théoricien notoire de l’écologie; et aussi de : Solare Weltwirtschaft. Strategie für eine ökologische Moderne (= Economie mondiale à énergie solaire. Stratégie pour une modernité écologique). Dans le premier de ces ouvrages, Scheer et Amery déplorent l’absence de réaction des autorités politiques allemandes et européennes face à la crise écologique et économique générée par l’utilisation systématique des énergies fossiles et nucléaires, non renouvelables. La nouvelle majorité rouge-verte en RFA, qui a remplacé au pouvoir l’Union chrétienne-démocrate de Kohl, malgré ses promesses électorales, n’a pas fait un pas de plus dans la direction d’une nouvelle culture énergétique. Dans Solare Weltwirtschaft, il développe le même constat et la même amertume. Il avance l’argument, d’une confondante évidence, qu’il suffirait d’une simple décision politique pour amorcer le passage salvateur des énergies dangereuses à l’énergie solaire et naturelle. Son dernier ouvrage, paru en cette année 2003, s’intitule plus simplement Die Politiker (= Les politiciens). On y retrouve le même tonus et la même vigueur critique. Son éditeur écrit : “La politique est une des conditions de l’existence réelle d’une société. Sans politiciens, il n’y aurait pas de politique. Il faut dès lors tirer le signal d’alarme quand, dans certaines sociétés, le terme “politique” devient un mot imprononçable et quand l’appelation “politicien” devient une insulte. Lorsque les électeurs ne font plus confiance aux députés et aux partis élus, ainsi qu’aux solutions qu’ils proposent, le déclin guette les états constitutionnels démocratiques. Ce livre examine quelles sont les conditions fondamentales qui président à l’action politique, quelles sont les structures de nos institutions politiques, quels sont les acteurs politiques actuels et quelles sont les idées que nous nous faisons d’eux. Pourquoi attend-on des politiciens qu’ils résolvent quasiment tous les problèmes, alors que nous leurs accordons de moins en moins le droit d’influencer et de façonner la vie politique et la vie quotidienne? Scheer décrit les processus de déliquescence de la démocratie, mais aussi les espaces où l’action politique peut réellement exercer sa fonction formatrice; il aborde les espaces d’action politique perdus comme ceux qu’il convient de reconquérir à nouveau. Sans concession et avec un regard panoramique, de manière concrète et stimulante, il plaide pour une réactivation de la démocratie classique, qui repose sur la séparation des trois pouvoirs, ensuite pour une vision nouvelle de la politique, qui ait un réel avenir, et nous exhorte à avoir le courage de coopérer à la chose politique de manière intelligente et adéquate”.
Un livre à lire en parallèle avec beaucoup d’autres —comme celui, sur lequel nous reviendrons inévitablement, d’Hans Herbert von Arnim sur le déclin d’un univers politique surdéterminé par les partis (H. H. von Arnim, Das System. Die Machenschaften der Macht, Droemer, München, 2001). En Scheer nous trouvons une voix pertinente appartenant à la famille politique écologique. Se référer à son œuvre sauverait assurément du naufrage les partis écologiques belges et français, animés, hélas, par des sourds, voire des sourds-dingues, qui ne font montre d’aucun réalisme politique (ni même écologique) et se contentent de répéter des slogans ineptes de facture soixante-huitarde. Mieux, Scheer réconcilie l’écologisme politique et la grande politique; ses projets de faire fonctionner notre modernité industrielle avec l’énergie solaire ou avec d’autres énergies renouvelables nous assurerait à terme une indépendance énergétique par rapport au pétrole, dominé par les consortiums anglo-saxons et saoudiens. Tel est bien l’enjeu d’aujourd’hui. Et de l’Axe Paris/Berlin/Moscou, auquel devront se joindre Beijing, New Delhi et Tokyo.
[Références : H. SCHEER/C. AMERY, Klimawechsel..., 144 p., 9,90 Euro; H. SCHEER, Solare Weltwirtschaft..., 344 p., 16,90 Euro; H. SCHEER, Die Politiker, 380 p., 22,90 Euro; à commander chez : Verlag Antje Kunstmann, Georgenstraße 123, D-80.797 München, http://www.kunstmann.de ].
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vendredi, 10 août 2007
Chine / USA
Texte déjà ancien (1999!), cet article de M. Wiesberg relève des faits permanents ou des éléments dont il faut tenir compte dans le conflit potentiel qui pourrait, dans de prochaines décennies, opposer la Chine aux Etats-Unis. Raison pour laquelle, nous l'archivons sur ce blog.
La confrontation Chine-USA est-elle inévitable ?
Le 8 avril dernier, le New York Times écrivait que des fonctionnaires du gouvernement américain avaient reçu au début de l’année 1996 un rapport inquiétant émanant d’un agent américain en place en Chine. Des collaborateurs des services secrets chinois se vantaient, rapportait cet espion, d’avoir volé des documents confidentiels aux Etats-Unis, permettant aux experts chinois d’améliorer leur programme de bombe à neutrons. Le New York Times remarquait que cet agent américain avait dans le passé fourni des renseignements exacts et qu’on pouvait dès lors croire que ses informations étaient sérieuses.
Ce rapport était inhabituel, dans le sens où, généralement, les Américains relativisent les activités d’espionnage de la Chine. Le porte-paroles de Clinton, Lockhardt, a déclaré à ce propos qu’il n’y avait pas de preuves sûres permettant d’affirmer que les Chinois avaient orchestré un espionnage de grande envergure dans le secteur nucléaire américain.
Cette déclaration, sur fond d’article dans le New York Times, est une grossière déformation des faits. Déjà, le 6 mars 1999, James Risen et Jeff Gerth rapportaient dans le même quotidien que les experts ès-armes atomiques à Los Alamos supposaient, après avoir examiné les données relatives à la dernière expérience nucléaire souterraine des Chinois, qu’il y avait « une curieuse ressemblance » entre les types d’armes nucléaires récentes des Américains et des Chinois.
Ces indices permettent d’opérer un rapprochement avec les déclarations du député républicain Christopher Cox (Californie) relatives aux activités d’espionnage des Chinois aux Etats-Unis. Dans son rapport, Cox écrit, notamment, ce qui suit : « La République Populaire de Chine aurait dérobé des informations concernant les têtes nucléaires américaines les plus avancées. Ce vol doit être mis en rapport avec le programme d’exploration des services de renseignements chinois déployés depuis plus de deux décennies et toujours en activité. Ce programme contient, outre des activités d’espionnage, un volet prévoyant d’importants projets d’échanges scientifiques avec des personnalités travaillant dans des institutions américaines développant des systèmes d’armement à Los Alamos, Lawrence Livermore, Oak Ridge et Sandia.
Ce sont précisément ces programmes d’échanges qui ont considérablement compliqué les enquêtes sur les activités d’espionnage des Chinois, d’après les enquêteurs du FBI. Ainsi, James Risen écrit dans le New York Times du 9 mars, que les Chinois retirent souvent de gros avantages de ces programmes d’échanges et de toutes les autres formes de contacts dans le domaine scientifique. Ils parviennent de cette façon à s’emparer d’informations importantes et considérables ; il s’avère dès lors difficile de repérer le lieu et le moment de la fuite, de savoir comment des secrets militaires ont pu tomber entre les mains des Chinois.
Les échanges académiques à fins d’espionnage
Un facteur supplémentaire dans la difficulté de tout contrôler : le nombre disproportionné de scientifiques américains nés à l’étranger. Tim Weiner cite à ce propos dans l’édition du 14 mars du NYT les paroles d’un diplomate américain, actif à Pékin du temps de Ronald Reagan. Celui-ci se demandait avec inquiétude si, dans l’avenir, un soupçon général n’allait pas peser sur tous les scientifiques chinois. « Allons-nous vers une nouvelle chasse au sorcières ? », disait ce diplomate. Et il ajoutait : « Qu’adviendrait-il de la capacité américaine à affronter la concurrence si ces scientifiques étrangers ne travaillaient plus aux Etats-Unis ? ».
Le COSTIND chinois comme fer de lance de l’espionnage scientifique
Les Chinois utilisent les programmes d’échanges académiques pour parfaire des activités de renseignement : cela semble clair. Nicholas Eftimiades, qui travaille au contre-espionnage américain, écrit, dans son livre Chinese Intelligence Operations, paru en 1994, que les services de renseignement chinois utilisent une méthode avérée, lorsqu’ils poussent les scientifiques de leur pays à inviter en Chine des collègues universitaires américains dans le cadre de programmes d’échanges. Eftimiades constate ensuite que le COSTIND (« China’s Commission of Science, Technology and Industry ») prenait en charge tous les frais entraînés par les programmes de visite. Après les heures de cours avec les collègues américains, fixés dans le programme, des « séances spéciales » étaient organisées, en présence d’experts du COSTIND, qui sondaient de manière appropriée les scientifiques américains. En résumé, Eftimiades constate que le COSTIND envoie des scientifiques chinois aux Etats-Unis, afin de glaner toutes sortes d’informations pour développer les systèmes d’armement chinois.
D’autres informations en ce sens nous ont été fournies par le texte des positions prises par le gouvernement US après l’audition de Peter Lee, un scientifique sino-américain, soupçonné d’espionnage au profit de la Chine. Dans ce texte, on trouve également des déclarations du fonctionnaire du FBI Gilbert R. Cordova, qui a acté ce qui suit : « Il y a en Chine surtout deux institutions scientifiques, qui s’occupent d’espionner les scientifiques américains : la CAEP (Académie Chinoise des Ingénieurs en Physique) et l’IAPCM (Institut de Physique Appliquée et de Mathématique Informatique). Ces deux institutions ont pour attribution de planifier et de développer le programme de l’armement nucléaire chinois.
Les renseignements que les Chinois auraient dérobé aux Etats-Unis auraient permis, selon le Rapport Cox, de construire des têtes nucléaires modernes et de les tester avec succès. Ce qui chagrine surtout les Américains, c’est que le développement de leur nouveau type de tête nucléaire, mis au point à Los Alamos pour servir au départ de sous-marins, le W-88 (W = Warhead), a été espionné avec une quasi certitude par les Chinois.
L’importance du missile W-88
Le W-88 est utilisé sur les fusées Trident D-5 SLBM (= Submarine Launched Ballistic Missile). La caractéristiques principale de ces têtes modernes, c’est qu’une seule fusée peut en transporter plusieurs. De cette façon, la charge explosive de 12.500 tonnes de TNT (celle de la Bombe « Little Boy » d’Hiroshima) peut être augmentée jusqu’à 300.000 tonnes. Cela signifie, par exemple, que les fusées inter-continentales américaines « Peacekeeper » (portant la tête W-87) peut transporter 24 fois la charge de la bombe atomique d’Hiroshima.
Le Rapport Cox part du principe que les Chinois possèdent désormais des connaissances sur la construction et le fonctionnement de toutes les têtes nucléaires utilisées par l’armée américaine aujourd’hui.
Quelles pouraient être les conséquences de cet état de choses pour les Etats-Unis dans les circonstances actuelles ? Telle est la question que posait l’ancien ministre de la défense Perry dans les colonnes du NYT, le 15 mars. Avec ou sans la tête nucléaire W-88, la Chine est désormais en mesure de menacer directement les Etats-Unis. Perry sait de quoi il parle. Il a visité la Chine ce printemps et a rencontré de très hauts représentants de l’armée chinoise ainsi que le Président Jiang Zemin. Les Etats-Unis doivent s’attendre à ce que la Chine augmente considérablement son potentiel militaire dans les années à venir. La Chine va devenir un facteur de puissance à l’échelle globale. Le défi consiste à savoir comment les Etats-Unis réagiront à cette nouvelle donne.
La Chine combat la domination globale de l’Occident
Dans le même quotidien toutefois, Bates Gill, spécialiste des questions militaires chinoises auprès du célèbre Institut Brookings, écrit que, même si la Chine troquait ses têtes nucléaires habituelles contre de nouvelles têtes multiples, les Etats-Unis conserveraient leurs avantages stratégiques et resteraient dominants. Toutefois, les opérations stratégiques américaines s’avèreraient plus compliquées, vu les avancées de l’armement chinois.
Il faut néanmoins retenir l’hypothèse que la Chine et les Etats-Unis deviendront rapidement des concurrents sur la scène internationale. C’était déjà vrai quand la Chine accusait un retard technologique important en matière d’armements nucléaires. C’est aussi l’avis de deux experts américains des questions asiatiques, Richard Bernstein et Ross H. Munro, dans leur dernier livre The Coming Conflict with China (New York, 1997). Ces deux auteurs défendent la thèse suivante : l’antagonisme entre la Chine et les Etats-Unis constituera le premier grand conflit du 21ième siècle. Cette rivalité entre les deux super-puissances s’étendra à tous les domaines de concurrence : le secteur militaire, la stabilité économique, l’hégémonie sur d’autres nations et, surtout, là où l’Ouest estime avoir une chasse gardée : le plan des normes et des valeurs internationales.
La Chine cherche à être la puissance dominante dans l’Extrême-Orient pacifique
Bernstein et Munro perçoivent un conflit d’intérêt quasi sans solution et très dur entre la Chine et les Etats-Unis. Nos deux auteurs disent qu’au cours du siècle écoulé, les Etats-Unis se sont efforcés d’empêcher la domination exclusive d’un seul Etat dans la région extrême-orientale de l’Asie. Or c’est cette domination que cherche à asseoir la Chine aujourd’hui. Automatiquement, les intérêts des deux pays entreront en collision.
Ensuite, Bernstein et Munro constatent que la Chine coopère étroitement avec la Russie, apporte son aide technologique et politique à des Etats islamiques en Afrique du Nord et en Asie centrale et consolide ses positions en Asie orientale, ce qui l’amène dans un réseau dense d’Etats dont l’objectif est de contester fondamentalement les objectifs politiques des Américains. Tous ces Etats sont liés par un rejet commun de la domination occidentale. Bernstein et Munro concluent donc que la Chine ne peut plus être considérée comme un allié stratégique, mais comme un adversaire des Etats-Unis, qui le restera sur le long terme.
Pour étayer leurs thèses, les deux auteurs avancent les arguments contenus dans un livre (« L’armée chinoise peut-elle gagner la prochaine guerre ? »), qui n’était jusqu’ici qu’un document interne, seulement accessible pour les plus hauts fonctionnaires. Par une négligence, ce livre s’est retrouvé à l’étal d’une librairie de Pékin, où un citoyen américain a pu en acheter un exemplaire. Grâce à l’initiative personnelle de ce citoyen, l’Occident a pu se faire une meilleure image des intentions chinoises.
Les auteurs chinois de ce livre disent que la région asiatique du Pacifique deviendra prioritaire dans la stratégie américaine après l’an 2000. La Chine est donc contrainte d’agir, écrivent-ils, tant que les Américains sont occupés ailleurs. Ils constatent : « Le poids majeur des confrontations militaires à la fin de ce siècle et au début du siècle prochain se concentrera sur les guerres régionales. Celui qui, dans la phase de transition, prendra des initiatives, acquerra une position décisive dans le futur ordre militaire ». Ensuite, les auteurs chinois écrivent : «Vu leurs intérêts économiques et politiques divergents dans la région du Pacifique en Asie, ces deux Etats (les Etats-Unis et la Chine) vont se trouver en état de confrontation permanente ».
Les enjeux économiques freinent la confrontation
Cette analyse montre clairement que le concept de « partenariat stratégique », forgé par les Présidents Clinton et Jiang Zemin, ne vaut même pas le prix du papier sur lequel il est imprimé. Pourquoi, dès lors, les Etats-Unis se montrent-ils si modérés à l’égard de la Chine ? Question légitime dans le contexte que nous venons d’évoquer. Bernstein et Munro y apportent une réponse : ils nous parlent de l’influence croissante du « lobby chinois » aux Etats-Unis. Il existe également toute une série d’hommes politiques connus aux Etats-Unis, dont le plus célèbre est l’ancien ministre américain des affaires étrangères Harry Kissinger, qui se sont recyclés en conseillers ou en intermédiaires pour les entreprises américaines actives en Chine et touchent par là de plantureux honoraires. Kissinger lui-même, disent Munro et Bernstein, aurait fondé une entreprise (« Kissinger Associates »), qui aurait pour tâche de représenter un « grand nombre de sociétés américaines faisant des affaires avec la République Populaire de Chine ». Elles paieraient royalement l’ancien ministre des affaires étrangères pour les « contacts exceptionnels qu’il favoriserait avec les détenteurs du pouvoir en Chine ».
Kissinger, figure du proue du lobby chinois
Vu ces circonstances, on ne s’étonnera pas que Kissinger s’est abstenu de tout commentaire désobligeant à l’égard du massacre de la Place Tien An Men et a même demandé à ses compatriotes de comprendre l’attitude du pouvoir chinois. Une condamnation trop véhémente du massacre aurait compromis ses très bons contacts avec les sphères du pouvoir à Pékin et donc aurait eu des conséquences financières importantes.
Les Chinois savent y faire quand il s’agit d’instrumentaliser les intérêts économiques américains en leur faveur. Les hommes politiques américains, qui se montrent trop critiques vis-à-vis de la Chine, perdent rapidement tout crédit auprès des puissants de Pékin. Cette situation explique pourquoi le gouvernement de Clinton adopte un profil bas dans l’affaire d’espionnage actuelle. Les intérêts économiques oblitèrent encore une réalité stratégique qui évolue vers la confrontation Washington-Pékin. Celle-ci sera inévitable.
Michael WIESBERG.
(ex : Junge Freiheit, n°24/1999).03:20 Publié dans Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 05 août 2007
Géostratégie américaine, impuissance européenne
Sur la géostratégie américaine et l'impuissance européenne
Entretien avec Andreas von BÜLOW
Andreas von Bülow a été député de la SPD socialiste au Bundestag de 1969 à 1994. De 1976 à 1980, il a occupé le poste de secrétaire d'Etat au ministère fédéral allemand de la défense. De 1980 à 1982, il a été ministre fédéral de la recherche scientifique. Aujourd'hui, retiré de la politique, il est avocat à Bonn. Il est l'auteur d'un livre qui a fait beaucoup de bruit : Im Namen des Staates. CIA, BND und kriminelle Machenschaften der Geheimdienste [Au nom de l'Etat. De la CIA, du BND et des machinations criminelles des services secrets], paru chez l'éditeur Piper à Munich en 2000.
Q.: Dr. von Bülow, dans un entretien récent, paru dans nos colonnes et traitant de la politique intérieure de la RFA, vous nous avez démontré comment les Etats-Unis, quasiment depuis la naissance de la RFA, ont recruté dans les milieux radicaux de droite un groupe terroriste, l'ont constitué, financé, équipé et même armé. Dans votre livre "Im Namen des Staates", vous évoquez une liste noire de politiciens de la gauche et de la sociale démocratie "qu'il conviendrait, le cas échéant, d'assassiner". Pourriez-vous être plus clair?
AvB: Ce type de "préparation", avec l'argent et les armes de la CIA, pouvait se repérer partout en République Fédérale au début des années 50; tout cela se passait au su de quelques rares fonctionnaires en poste auprès du cabinet du Chancelier, auprès du Ministère de l'Intérieur et à l'Office de Protection de la Constitution (Verfassungsschutz).
Q.: Donc le Verfassungsschutz était au courant…
AvB: Parfaitement, mais seulement le représentant du Président, qui venait du BND ("Bundesnarichtendienst" - Office d'Information Fédéral), qui, à l'époque, était encore occupé par d'anciens membres de la NSDAP. Dans les services secrets, il est souvent important que le principal responsable puisse à tout moment nier, avoir su ou deviné quelque chose. De cette façon, en cas de besoin, on peut envoyer ce représentant à la retraite prématurée. Ensuite, le pouvoir américain de l'époque se préparait à affronter militairement l'Union Soviétique, qui pouvait attaquer à tout moment, et entendait pouvoir compter, en cas de coup dur, sur des partenaires potentiels.
Q.: Il existait donc en Allemagne un système comparable au Gladio d'Italie, où la CIA, le "Secret Service" et l'OTAN ont mis sur pied en 1956 une troupe secrète et paramilitaire dénommée "Gladio", qui aurait eu pour mission, en cas de victoire électorale communiste, de faire un putsch d'extrême-droite?
AvB: Le réseau Gladio n'existait pas seulement en Italie, mais dans tous les pays de l'OTAN: en France, en Belgique, aux Pays-Bas, etc. Et même en Suède et en Suisse! La souveraineté de la RFA, comme celle de la plupart des Etats européens, était fort limitée durant le conflit Est-Ouest.
Q.: Vous affirmez par ailleurs qu'aujourd'hui encore le radicalisme de droite en Allemagne reçoit un soutien de l'étranger et, même, est créé de toutes pièces à partir de l'étranger. Qu'en est-il plus précisément?
AvB: Le milieu de l'extrême-droite américaine est largement infiltré par les services secrets de Washington. A partir de ce milieu d'extrême droite aux Etats-Unis, avec notamment les cercles des "suprématistes" blancs aryens (White Aryan Supremacists), du Ku Klux Klan, des groupes qui sèment la haine raciale et des petites partis nazis, les services de diversion tentent d'acquérir une influence sur le milieu de l'extrême droite allemande. Ainsi, par exemple, un "suprématiste aryen" se vantait, lors d'une émission de télévision aux Etats-Unis, d'avoir servi d'abord chez les Marines, puis dans une troupe spéciale mise à la disposition des services secrets, d'avoir entraîné, après la réunification allemande, des bandes de skinheads dans vingt villes allemandes afin qu'elles apprennent les techniques de la guerre de guérilla et qu'elles se préparent à des attentats contre les demandeurs d'asile et les étrangers. Mieux: sur ce chapitre, les services américains, qui sont pourtant profondément infiltrés dans ces milieux, refusent de coopérer avec les services allemands du Verfassungsschutz.
Q.: Vous donnez dans votre livre un exemple révélateur : les Allemands, dites-vous, sont provoqués afin qu'ils se comportent comme des "extrémistes de droite", et les protestations des Kurdes, au milieu des années 90, qui ont connu de sérieux dérapages, étaient en quelque sorte destinées à susciter des réactions violentes chez les Allemands…
AvB: Posons d'abord une question : quel pourrait bien être l'intérêt des dirigeants de la communauté kurde en Allemagne de bloquer totalement la principale autoroute allemande un vendredi? Les organisateurs de ce blocus savaient parfaitement que les Allemands allaient considérer cette action comme une entorse grave au droit d'asile qu'ils avaient accordé à ces Kurdes. Cette action, à terme, ne pouvait que nuire à la cause kurde. Les organisateurs de cette action, qui travaillent vraisemblablement à couvert, devaient avoir pour objectif de réduire à néant les sympathies que cultivent les Allemands à l'endroit de la cause kurde ou bien de provoquer une vague de xénophobie au sein de la population allemande.
Q.: Dans quel but?
AvB: Il s'agit principalement de donner une image totalement négative de l'Allemagne à l'étranger : l'Allemagne doit y apparaître comme un pays où les brutalités des skinheads sont monnaie courante, où l'on ne cesse de profaner des cimetières juifs ou des synagogues, où l'on fait la chasse aux étrangers pour les molester. L'image des Allemands doit être celle d'un peuple qui a la haine, aux capacités intellectuelles réduites, à la bêtise caricaturale, correspondant à l'image du nazi de tous les temps. On veut dépeindre notre pays comme dépourvu d'attraits. Y compris pour les têtes les mieux faites de la planète.
Q.: L'objectif est donc de tenir l'Allemagne en échec…
AvB: Le conseiller du Président Carter en matières de sécurité, le célèbre Zbigniew Brzezinski, écrit dans son livre "Le Grand Echiquier" que la puissance qui contrôle l'Eurasie (c'est-à-dire toute la masse continentale entre les Iles Britanniques et l'Archipel japonais), contrôle le monde, tout simplement parce qu'elle aurait alors accès aux ressources naturelles inépuisables. Les challengeurs des Etats-Unis, dans la course à la domination de l'Eurasie, sont seulement la Grande-Bretagne, le Japon, la France et l'Allemagne. Brzezinski écrit cependant que la Grande-Bretagne est un pays "fatigué" sur le plan géopolitique, qui n'est plus utile qu'à une seule chose, c'est-à-dire à épauler les Etats-Unis au titre de premier partenaire, notamment pour des opérations cachées. La France a des capacités intellectuelles, qui lui permettrait de poursuivre des objectifs géopolitiques à long terme, mais elle est trop faible économiquement. Quant à l'Allemagne, elle dispose d'une puissance économique réelle, mais elle ne peut pas faire valoir pleinement ses visées hégémoniques, parce qu'elle doit sans cesse tenir compte des implications de l'holocauste. Le tandem potentiel France-Allemagne serait rapidement tenu en échec par ses propres voisins. De cette démonstration de Brzezinski, on peut aisément conclure quelle est la politique à suivre que suggèrent, à l'endroit de l'Europe et surtout de l'Allemagne, les têtes pensantes (comme Brzezinski) de la politique étrangère américaine et de ses services secrets. Je ne suis pas un aficionado des petits jeux de monopoly à la sauce géopolitique, mais, force est de constater, tout de même, qu'ils existent bel et bien et qu'ils se présentent à nous, hostiles, sous la forme du jeu que jouent actuellement la politique extérieure américaine et les services secrets US - nous ne pouvons plus adopter la politique de l'autruche. Les Etats-Unis s'apprêtent, très concrètement, à mettre la main sur les ressources du monde, à commencer par l'Eurasie et cette région d'Asie centrale que Brzezinski a appelé les "Balkans eurasiens", à titre de compensation, pensent-ils, pour le rôle de "policier de la planète" qu'ils occupent; en prime, ils deviendront donc la seule et unique puissance mondiale. C'est ce que nous déclare en fait Brzezinski sans beaucoup de vergogne. A l'heure actuelle, l'objectif est principalement les ressources de pétrole et de gaz naturel qui se trouvent autour de la Caspienne, sur le territoire de l'ancienne URSS. Pour obtenir ces ressources de pétrole et de gaz, les Etats-Unis doivent évidemment tenir fermement sous leur contrôle les voies d'accès qui y mènent ou qui permettent de sortir le pétrole. Pour y parvenir, les Etats-Unis actualisent un vieux projet géopolitique britannique: transformer la masse continentale compacte de l'ancien empire colonial russe en Asie centrale en une mosaïque de petits Etats. Les Britanniques avaient tenté de le faire immédiatement après la révolution de 1917, mais ils avaient échoué. Aujourd'hui, les Etats-Unis prennent le relais en mobilisant toutes leurs forces.
Q.: Quel est dès lors le jugement que vous posez sur les hommes politiques allemands qui, par leurs comportements, font tout pour maintenir l'Allemagne dans cette situation d'étranglement qu'induit ce discours tissé de moralisme?
AvB: Nous avons une dette envers les Etats-Unis dans la mesure où ils nous ont débarrassé du national-socialisme, où ils ont permis le redressement économique et culturel de notre pays après la guerre et, enfin, où ils ont apporté leur soutien actif lors de la réunification en 1990. Cependant, il faut dire que la conscience historique des Allemands n'a pas encore été capable de comprendre une chose : que nous étions déjà un instrument de la politique anglo-saxonne avant 1945 et que nous le sommes restés jusqu'en 1990. Toutefois, il me semble aujourd'hui que l'Allemagne, de concert avec les autres peuples européens, doit emprunter une voie émancipatrice. C'est clair : les Etats-Unis ont des intérêts économiques et politiques qu'ils vont imposer au monde de manière impitoyable et féroce, même envers et contre le droit des gens. Dans cette démarche, ils veilleront évidemment à ce qu'aucun concurrent européen ne se mette en travers de leur chemin. Nous, Allemands, ne pouvons en aucune manière cesser de penser notre destin (géo)politique, sous prétexte que nous devons aussi être reconnaissants à l'égard des Etats-Unis.
Q.: Comment allez-vous rencontrer un véritable acteur géopolitique? Si l'on jette un regard réaliste sur la situation, il n'y a plus qu'une alternative : ou bien on fait soi-même de la géopolitique ou bien on fait la géopolitique d'un autre…
AvB: La première chose à faire, c'est de s'efforcer de voir clair dans le jeu. Le droit international est aujourd'hui une entrave aux objectifs géopolitiques d'une grande puissance, qui, jusqu'ici, a utilisé comme méthode l'incitation à la révolte ou au terrorisme, via des expédients camouflés, comme le financement par la drogue ou la livraison d'armes à des minorités en état d'insurrection. L'Europe tout entière doit s'opposer à cette façon d'agir. Impossible, face à cette stratégie globale des Etats-Unis, d'imaginer un rôle particulier et isolé de l'Allemagne. Expressis verbis, je rejette cette illusion! Berlin n'est plus aujourd'hui que la capitale d'une province qui traîne des casseroles et marine dans sa naïveté! Quand Londres et Paris joindront leurs efforts aux nôtres pour donner une réponse commune à la politique actuelle des Etats-Unis et pour la traduire en actes, alors nous aurons une chance de sortir du carcan idéologique actuel et de concrétiser une véritable géopolitique.
Q.: Je me permets une question critique : pensez-vous que, par votre appel "soft" à devenir une "grande puissance culturelle", vous allez pouvoir mettre en œuvre ce projet? A entendre l'analyse lucide et réaliste que vous nous faites ici, ne pourrait-on pas vous faire le reproche d'avoir peur, anticipativement, de la fournaise terrible qu'induiraient vos idées, si elles trouvaient un début de concrétisation, fournaise qui se ferait d'abord sentir sur le plan de la politique intérieure, avant de s'étendre à la politique extérieure?
AvB: Non, car mon objectif n'est pas d'affronter l'Amérique. Je rêve encore et toujours à une solution pacifique. En Amérique, nous pourrions sans crainte démarrer une discussion sur ces sujets, par exemple quant à savoir quelle est la mission de l'Amérique dans le monde; et cette mission a-t-elle été de détruire les mouvements démocratiques et libertaires dans le monde, de liquider leurs chefs charismatiques et de les remplacer par des régimes corrompus? Effectivement, cette politique liberticide a été mise en pratique parce qu'on s'imaginait à Washington —et on craignait— que les chefs charismatiques du tiers monde allaient tôt ou tard choisir le camp de l'Union Soviétique. C'est par cette peur du danger communiste que l'on justifiait la lutte contre les mouvements de libération nationale et qu'on les décapitait sans hésiter, même avant qu'ils ne se soient installés au pouvoir.
Q.: Il y a une hypothèse plus plausible que l'émancipation européenne pour les prochaines décennies : dans cet avenir immédiat, il semble plus évident que nous serons, en Europe, impliqués encore plus profondément dans le système géopolitique des Etats-Unis, et donc dans les guerres qu'il va susciter. La Chine n'est-elle pas le challengeur le plus probable du 21ième siècle?
AvB: En 1952, les Américains ont envoyés des combattants au Tibet, afin d'y déclencher des insurrections. Les Chinois ont immédiatement riposté. La brutalité qu'ils déploient dans leur oppression du Tibet est une cause directe de cette immixtion indirecte des Etats-Unis. L'Afghanistan a, pendant longtemps, été une zone tampon entre les sphères d'influence britannique, russe et chinoise. Cette espèce de "no-man's-land" vient d'être occupé par les Etats-Unis. Pour quelle raison? Pas seulement parce que les talibans s'avéraient incapables de protéger les oléoducs d'Unocol qui doivent amener le pétrole aux rives de l'Océan Indien, mais, plus prosaïquement, pour se donner des bases militaires afin de contrôler l'espace asiatique. La Chine risque bien de s'organiser encore davantage et de devenir ainsi le grand challengeur. En Afghanistan, il ne s'agit pas seulement de combattre le terrorisme. Là-bas, le scénario est le même qu'en Arabie, où l'on a utilisé comme prétexte l'invasion irakienne du Koweit, ou que dans les Balkans, où l'on a argué qu'il fallait mettre fin aux guerres de Bosnie et du Kosovo. On prend aujourd'hui le prétexte de la guerre contre le terrorisme pour se tailler des points d'appui en Asie centrale. Les Etats-Unis ne se contenteront d'ailleurs pas de l'Asie centrale, mais installeront leurs soldats partout où cela s'avèrera nécessaire, selon leur optique; ils nous diront tout simplement que là où ils veulent s'installer, il y a quelques combattants d'Al-Qaeda, ou leurs financiers ou leurs hôtes.
Q.: Donc la lutte contre le fondamentalisme islamique des talibans et d'Al-Qaeda n'est qu'un pur prétexte pour atteindre enfin une hégémonie complète sur le monde…
AvB: Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 n'ont probablement pas été l'œuvre de musulmans.
Q.: De qui alors?
AvB: Je ne peux pas vous le dire. L'action intentée en justice a pour objectif de prouver l'identité des vrais coupables.
Q.: Comment donc en êtes-vous arrivé à cette conclusion?
AvB: Si je ne peux pas vérifier la véracité de la théorie sur base de faits, alors je dois recommencer l'enquête dès le début. Or, il y a un fait qui est désormais certain : des dix-neuf pilotes suicides théoriques, on a pu prouver que sept étaient encore en vie. En plus, dans la liste des passagers des quatre avions détournés, qui ont été publiées, nous ne trouvons pas un seul nom arabe. La présentation des faits, telle qu'elle nous est servie aux Etats-Unis et en Europe, est plus que probablement fausse, tout simplement. Ou, pour le dire mieux: elle a été falsifiée. De surcroît, la lutte planétaire contre le terrorisme est un prétexte en or pour mener des actions contre tous les pays qui entravent les projets géopolitiques de l'Amérique. Quelques figures importantes de l'administration de Washington parlent même de soixante Etats récalcitrants, qu'il s'agit désormais de mettre au pas. Ces Etats ont probablement été désignés à cause de leur position stratégique et des ressources que recèle leur sol.
Q.: Vous n'allez tout de même pas nous dire que la CIA se cache derrière ces attentats?
AvB: Immédiatement après la seconde guerre mondiale, les Britanniques et les Américains ont commencé à développer des procédés permettant de téléguider des avions au départ du sol. Ils sont ainsi parvenus à maîtriser par téléguidage le décollage et l'atterrissage d'aéronefs et, même, les vols en formation. Les professionnels, qui ont organisé l'attentat du 11 septembre 2001, ont probablement fait usage de ces techniques; à des fins de désinformation, ils ont ensuite diffusé des listes d'auteurs présumés pour faire croire à une piste islamiste. Je ne peux émettre aucun jugement sur les affirmations en ce sens que formule l'ingénieur aéronautique britannique qui a évoqué cette possibilité. Mais il y a une chose que je constate bel et bien, c'est que certains indices n'ont pas été retenus, n'ont pas été évoqués dans les médias. L'administration américaine a donc pu donner l'ordre de marche à ses soldats, en invoquant la conspiration de Ben Laden. Certains silences persistants confirment mon scepticisme.
Q.: Mais Ben Laden a déclaré clairement la guerre aux Etats-Unis. Ce fait ne permet-il pas de dire que la piste Ben Laden est effectivement la plus plausible?
AvB: On a souvent l'impression que les services secrets américains se détestent plus entre eux qu'ils ne haïssent l'ennemi de leur pays. En plus, on peut dire que le Mossad israélien a intérêt à démontrer à l'Occident qu'il est autant concerné qu'Israël par la menace islamiste. En tout cas, on peut dire des attentats du 11 septembre 2001 qu'ils ont été organisés par des professionnels de très haut niveau. L'organisation de telles actions ne peut donc pas avoir été mise au point au départ d'une grotte perdue dans les montagnes afghanes. Une telle hypothèse est à exclure. Pour ce qui concerne directement Ben Laden, je puis dire qu'il m'apparaît comme une pure fabrication des services américains. Sans les opérations couvertes de la CIA en Afghanistan afin d'en déloger les Soviétiques et de combattre leurs troupes, nous n'aurions pas vu arriver en Afghanistan 30.000 combattants islamiques, venus de tous les pays musulmans, pour servir de mercenaires, nous n'aurions pas vu naître l'association des anciens combattants islamistes d'Afghanistan (les "Afghanis"), qui s'appelle… Al-Qaeda. De même, les talibans n'auraient jamais été les maîtres à Kaboul. Ce sont les fonds fournis par les Américains et les Saoudiens, sans compter la tolérance de tous les services policiers et judiciaires à l'endroit du trafic des drogues aux Etats-Unis et en Europe, qui ont permis au fondamentalisme islamiste de prospérer dans le monde musulman. Conclusion: ce sont les services secrets occidentaux, y compris le Mossad, qui nous ont fabriqué le fondamentalisme islamiste.
(propos recueillis par Moritz Schwarz et publiés dans Junge Freiheit, n°7/2002 - http://www.jungefreiheit.de ).
02:20 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique, Manipulations médiatiques, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 29 juillet 2007
De l'Europe à l'Eurasie militaire
De l'Europe à l'Eurasie militaire
par Robert STEUCKERS
A la demande de Reinhard Staveaux, prématurément décédé voici quelques années, et de Karim Van Overmeire (député de Flandre orientale), j'ai prononcé l'allocution suivante dans un débat contradictoire en février 1994, lors de la “Fête” du parti flamand. Mon honorable contradicteur, lors de cette table ronde, était l'écrivain flamand Mark Joris, qui a surtout mis l'accent sur le “danger islamique” et a rapellé les doctrines militaires successives de l'Alliance atlantique. J'ai ajouté au texte initial quelques éléments nouveaux, dictés par l'actualité.
Depuis l'effondrement de l'URSS, la situation militaire de l'Europe est devenue extrêmement compliquée. La disparition de l'«ennemi» crée un flou artistique, si bien que le commun des citoyens n'y voit plus clair.
D'une part, nous avons les institutions européennes (la CEE, l'AELE/EFTA —ou ce qu'il en reste— le Groupe de Visegrad avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque), qui n'ont aucune compétence militaire; ensuite, nous avons le vaste ensemble que constitue la CSCE, qui regroupe certes tous les pays européens et toutes les républiques de l'ex-URSS mais aussi le Canada et les Etats-Unis, qui appartiennent à un autre hémisphère, au nouveau monde, selon la planisphère établie jadis par Mercator. Cette projection ne nous permet pas d'apercevoir l'importance cruciale de la zone arctique, où Canadiens, Américains et Russes sont mitoyens, ce qui pourrait nous amener, un jour, à parler d'un hémisphère nord, plutôt que d'une juxtaposition d'un «vieux» et d'un «nouveau» monde, d'un hémisphère occidental américain et d'un hémisphère oriental eurasien.
Enfin, nous avons l'UEO, qui a en théorie des compétences militaires, mais où le poids de la France et de la Grande-Bretagne est très nettement marqué, au détriment peut-être des autres puissances européennes. Dans cet imbroglio institutionnel, force est de constater que l'OTAN est la seule structure qui a fonctionné au cours des décennies qui viennent de s'écouler. Mais, sans rideau de fer, cette institution militaire (et civile, on l'oublie trop souvent) doit se donner des objectifs nouveaux, pour ne pas demeurer en porte-à-faux par rapport à la nouvelle donne stratégique.
Nos souhaits se portent vers une rédéfinition globale de la CSCE et de l'UEO: les territoires européens et ex-soviétiques de la CSCE devraient représenter le nouvel espace stratégique, le nouveau sanctuaire, où aucune puissance extérieure ne devrait intervenir. L'intérêt de l'UEO dans cette optique, c'est qu'elle est exclusivement européenne, n'implique ni les Etats-Unis ni une autre puissance de l'«hémisphère occidental», et qu'elle s'est donné un instrument militaire, l'Eurocorps, qui considère l'Allemagne comme un partenaire à part entière. Cependant l'Eurocorps ne peut nullement demeurer l'affaire du tandem franco-allemand: l'adjonction récente de troupes espagnoles et belges lui confère une dimension plus européenne; les manœuvres germano-polono-tchèques préparent, avec des unités allemandes qui ne sont ni inféodées à l'OTAN ni à l'Eurocorps, un élargissement centre-européen de la défense du continent sans ingérence américaine. Effectivement, il nous semble bon de prévoir l'inclusion de troupes est-européennes dans une structure militaire hors OTAN, où il n'y a pas de présence américaine. Ce processus pourrait s'amorcer dès que les pays de l'ex-COMECON trouveront la stabilité.
En effet, l'Eurocorps ou tout embryon d'armée européenne, ne peut être réservé aux seules puissances de l'Ouest, aux pays fondateurs de la CEE. Militairement et stratégiquement, nous concevons l'Europe comme un bloc indivisible, dont l'Ouest n'est qu'une partie, une frange atlantique.
Certes, la marche vers cet idéal d'unité sera longue. Les événements dans l'ex-Yougoslavie ont prouvé l'incapacité des Européens à agir de leur propre chef, sur leur propre territoire. Dans le conflit sud-slave, diplomates et militaires européens devraient s'abstenir de toute phobie: ni croatophobie, ni serbophobie, ni islamophobie en Bosnie (à ce propos, je rappelle que hier le délégué croate, qui est aussi le Président de l'association Flandre-Croatie, a réfuté l'islamophobie anti-bosniaque). L'attitude froide et mesurée que devraient prendre les décideurs européens, extérieurs à ce conflit, doit conduire à réfléchir sur la notion de “frontière juste et claire”. Tous les peuples de l'ancienne fédération yougoslave doivent avoir accès à l'Adriatique (les Serbes l'ont via le Montenegro dans la nouvelle fédération yougoslave; les Bosniaques doivent l'obtenir en Dalmatie méridionale); de même, à l'intérieur des terres, les peuples doivent avoir accès aux grandes rivières (Save, Danube) pour autant que le cours de ces fleuves ait eu une importance à un moment de leur histoire. C'est sur ces réalités concrètes que doivent s'axer les négociations et non sur des découpages artificiels, tracés dans des états-majors étrangers, dans des cabinets, où règne la méconnaissance du terrain. Le découpage farfelu de Lord Owen a conduit à la tragédie bosniaque plus que la férocité des combattants!
En ex-Yougoslavie, une Europe adulte ne pourrait tolérer l'immixtion globale de l'ONU; sans doute, pourrait-elle tolérer que les intervenants supranationaux soient à la fois membres de l'ONU et de la CSCE (hémisphère oriental uniquement!), préparant du même coup une «continentalisation» au sein de la structure planétaire, «continentalisation» qui impliquerait automatiquement des «interdictions d'intervention pour les puissances extérieures à un espace donné» (donc pas de casques bleus européens en Amérique ou dans les Caraïbes ou en Extrême-Orient, de la même façon qu'au Rwanda, il ne devrait y avoir que des soldats onusiens issus d'Afrique noire). Il nous apparaît aberrant de voir des soldats pakistanais, kenyans ou nigérians monter la garde à Sarajevo, à Vukovar ou à Mostar.
Dernière remarque concernant la catastrophe sud-slave: l'idéologie de la paix absolue, l'irénisme idéologique, sont mauvais conseillers; la guerre en ce monde est trop souvent inévitable. L'objectif ne doit donc pas être de la supprimer —ce qui serait impossible— mais de la limiter dans certaines proportions. La présence de troupes onusiennes empêchent une solution militaire du conflit, où les protagonistes directement concernés mettraient, eux-mêmes, de leurs propres forces, un point final (provisoire) à la guerre. Le hasard des combats décide du destin, en bonne logique traditionnelle. L'ONU pérennise le conflit en voulant le supprimer.
Dans un concert européen, les nouveaux Etats doivent être des Etats fédéraux, prévoyant la protection des minorités, sur le modèle des cantons de l'Est en Belgique et des minorités danoises et sorabes en Allemagne. Ce respect des minorités implique un gouvernement tenant compte de toutes les formes de subsidiarité. Les voies de communication doivent être respectées au bénéfice de tous. Les coopérations interrégionales, dont Alpe-Adria est l'exemple le plus probant, sont une solution d'avenir, qui contribue à surmonter les divisions bétonnées par les Etats nationaux pour créer des fora européens adaptés à l'immense diversité de notre continent, mais dans le respect des identités locales, économiques et humaines.
Nous sommes donc en faveur d'un système de défense purement européen, capable d'intégrer les pays occidentaux de l'OTAN, les pays de l'ex-Pacte de Varsovie, les neutres et, peut-être dans un pilier autonome, les forces des nouveaux Etats issus de l'ex-URSS. Entre le pilier occidental et le pilier oriental, soit entre l'Europe de l'Atlantique au Boug et la Russie du Boug au Pacifique, un accord pourrait être signé pour maintenir la présence russe en Asie centrale et pour contenir toute avancée chinoise en direction de la Sibérie voire du Turkestan (Européens et Russes n'ont pas intérêt d'ailleurs à ce que la Chine mette la main définitivement sur le Sinkiang et sur le Tibet; de concert, nous devons réclamer la protection des minorités dans ces deux régions contrôlées par la Chine, à la suite de l'essouflement russe et européen consécutif à la seconde guerre mondiale).
Quant à l'Eurocorps, nous souhaitons que son fonctionnement soit plurilingue comme celui de l'OTAN, quitte à trouver une koiné. Ensuite, nous souhaitons que la France mette fin à l'ambigüité qu'elle entretient: se placera-t-elle avec l'Eurocorps en dehors de la structure intégrée de l'OTAN ou retournera-t-elle avec l'Eurocorps dans la cette structure intégrée? Cette valse-hésitation ne permet pas de clarifier le problème.
Les Etats-Unis craignent de voir se constituer une Europe totalement indépendante du point de vue militaire; déjà, les velléités de construire un pôle européen autour de l'UEO, avant même qu'on ne parle d'Eurocorps, avaient suscité le désaccord de Washington. Mais à l'heure où les Etats-Unis veulent se donner un nouveau destin américain en formant l'ALENA (NAFTA), comment pourraient-ils contester aux Européens le droit de conjuguer leurs efforts au niveau de leur propre continent? Aux Etats-Unis, trois écoles s'affrontent: les isolationnistes, qui veulent se dégager des affaires européennes (ce que nous souhaitons); les internationalistes qui se subdivisent en deux groupes: les unilatéralistes et les multilatéralistes. Avec les unilatéralistes, pas de discussion possible. C'était l'option de Bush: le monde entier devait s'aligner derrière les positions américaines sans discuter. Dans cette optique, l'Eurocorps devrait être entièrement intégré dans l'OTAN, contrôlé par Washington. C'est la logique de la guerre froide, qui ne nous semble plus de mise. Les multilatéralistes veulent un partage des tâches et des responsabilités: avec eux la discussion est possible, surtout si l'on tient compte du facteur arctique, que nous oublions trop souvent tant nous sommes accoutumés aux projections de Mercator.
Dans l'immédiat, la position minimaliste, la première petite pierre à poser dans les circonstances actuelles, reflets de notre misère politique, c'est d'exiger que l'Eurocorps, même s'il doit rester provisoirement dans l'OTAN, fasse respecter scrupuleusement la souveraineté des Etats européens face à la centrale américaine. Du respect de cette souveraineté, on pourra aisément passer à l'élaboration d'un pilier européen plus étoffé que l'UEO, dans lequel l'Eurocorps serait le bras armé et où seraient progressivement incluses les armées des neutres (Suède, Finlande, Autriche, Slovénie) et des pays du Groupe de Visegrad. Des manœuvres communes auraient lieu, à une étape ultérieure, avec les armées des pays de la CEI, Russes compris. Autre objectif: développer une logistique grande-continentale pour venir éventuellement en aide aux fronts centre-asiatique et extrême-oriental. Progressivement, la CSCE, pilier oriental, se doterait d'une armature militaire cohérente.
Robert STEUCKERS, février 1994.
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mardi, 24 juillet 2007
Stratégie de Washington au Vénézuela
Cris CARLSON :
La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela ou Comment on fomente des troubles à Caracas
Un correspondant nous adresse un texte émanant d’un journaliste indépendant vivant au Venezuela, Cris Carlson. Particulièrement sensible aux questions relatives à la mondialisation et à son économie dévorante, ce dernier démonte les mécanismes de la globalisation tels que les Américains les pratiquent pour étendre leur influence et leur contrôle sur le monde.
Cette enquête, émaillée de notes renvoyant à des ouvrages ou à des articles de presse américaine, anglaise et vénézuélienne, est à rapprocher de deux articles parus dans « Le Monde » des 19 et 20 juin 2007 bien que la presse française dans son ensemble soit plutôt muette sur le sujet. Le premier a pour titre « Les projets en Iran de la compagnie gazière autrichienne OMV provoquent la colère de Washington » – le titre, à lui seul, est suffisamment explicite – et, dans le second, « La lutte contre l’insécurité grandissante est devenue la priorité des Vénézuéliens », on retrouve, avec certains faits cités à mots couverts, quelques-unes des observations de Cris Carlson.
Nous sommes en Amérique du Sud ; cet article est donc teinté de tiers-mondisme. On remarquera toutefois que les méthodes appliquées pour instaurer le mondialisme sont universelles.
Polémia
La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela
ou Comment on fomente des troubles à Caracas
Utilisée pour la première fois en Serbie en 2000, Washington a maintenant mis au point une nouvelle stratégie impériale pour maintenir sa suprématie dans le monde. Alors que les invasions militaires et l’installation de dictatures ont été traditionnellement les moyens employés pour dominer des populations étrangères et les maintenir à l'écart de la marche des affaires, le gouvernement des Etats-Unis a désormais développé une nouvelle stratégie qui n'est pas aussi compliquée ni brutale mais beaucoup plus douce; tellement douce, en fait, qu’elle est presque invisible.
Elle a été si peu visible en Serbie, en 2000, que personne n’a semblé se rendre compte, au moment du renversement du régime, que le pays s’ouvrait à une privatisation massive et au transfert, aux mains des Etats-Unis et des multinationales, des énormes industries, des sociétés et des ressources naturelles appartenant au secteur public. De la même manière, peu de gens ont remarqué que des pays de l'ancien bloc soviétique avaient été, il y a peu, les victimes de la même stratégie, avec exactement les mêmes résultats.
Les nations qui ne cèdent pas aux exigences de l'empire et à l'expansion du capitalisme mondial font l’objet d’un plan secret et bien conçu destiné à changer la situation politique de leur pays et à ouvrir leurs portes aux investisseurs. Avec le soutien des Etats-Unis des groupes, à l’intérieur de ces pays, renversent le président en donnant l’impression qu’il n’y a aucune intervention venant de l’extérieur. Et aujourd’hui, Washington se tourne vers une nouvelle menace, la plus grande : l'Amérique latine, et plus particulièrement le Venezuela.
La montée du Nouvel Ordre mondial
Au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, les capitalistes américains ont pris conscience que les perspectives nationales d’investissement et de croissance arrivaient à saturation. Les volumes d’affaires atteignaient un niveau où les possibilités d’expansion, à l’intérieur des frontières du pays, étaient pratiquement épuisées et la seule possibilité de croissance était de rechercher à l'étranger de nouvelles perspectives d’avenir. Des groupes d’entreprises en voie d’expansion cherchaient à développer leurs opérations partout dans le monde, en investissant, en privatisant et en achetant tout ce qui leur tombait sous la main. Le capital national se tournait vers l’international et à la fin du siècle le capitalisme était vraiment devenu mondial.
« Grossir ou se faire manger » : telle était leur nouvelle philosophie, et ils décidèrent de grossir en avalant des nations entières. Avec l'aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, partout des économies étaient ouvertes à la privatisation. Les systèmes de télécommunication, les réseaux électriques, la distribution de l'eau et les ressources naturelles étaient rachetés par de riches capitalistes partout dans le monde. Le capitalisme du libre-échange régnait alors en maître : un paradis pour le capital international puisque la richesse du monde était de plus en plus concentrée dans leurs mains (1).
Quelques nations, cependant, étaient bien résolues à ne pas se laisser manger. La privatisation était un concept impopulaire parmi des populations qui avaient développé la folle idée que leurs ressources naturelles leur appartenaient, à elles et non pas à des sociétés étrangères. Une résistance s'est installée dans plusieurs régions du monde, et un certain nombre de nations n’ont pas voulu se plier à la logique du capitalisme mondial. Mais Washington était décidé à ouvrir le monde au développement de ses entreprises. Il obligerait ces pays qui n’obtempéraient pas, soit par la force soit par la ruse.
Le cas de la Yougoslavie : un modèle pour le changement de régime
Ce fut en Yougoslavie, et plus particulièrement en Serbie, que la nouvelle stratégie de Washington allait vraiment prendre forme pour la première fois. De là, cette stratégie allait être exportée à d’autres pays afin d'essayer de renouveler l’énorme succès de l'expérience serbe. Et il n'est pas difficile de voir pourquoi. Après que le renversement du régime Milosevic eut permis une privatisation en masse, tout ce qui restait de l’ancien pays socialiste, y compris certaines des plus grandes réserves européennes de ressources naturelles, tomba bientôt dans les mains des Etats-Unis et des investisseurs internationaux.
La stratégie est une stratégie très élaborée. Dans le dessein d'évincer un régime indésirable, le gouvernement des Etats-Unis se consacre au renforcement et à l’union de l'opposition à son gouvernement. Ceci comprend le financement des partis politiques d'opposition et la création d’organisations non gouvernementales visant à renverser le régime au pouvoir. Par-dessus le marché, les Etats-Unis peuvent engager par contrat des conseillers politiques et des instituts de sondage pour aider leur candidat favori à gagner l’élection. Mais au cas où ils ne peuvent pas gagner l’élection, de faux sondages jettent le doute sur les résutats électoraux officiels et l'opposition crie à la fraude. Des manifestations en masse et la quasi-totalité des médias mettent la pression sur le régime pour qu’il se retire et cède aux exigences de l’opposition (2).
Aussi peu vraisemblable que cela puisse paraître, c’est exactement cette stratégie qui fut utilisée pour renverser Slobodan Milosevic en Serbie, en 2000. Après que la guerre du Kossovo et les bombardements de l’OTAN eurent échoué à provoquer le changement de régime, les Etats-Unis travaillèrent à renforcer les adversaires internes de Milosevic en les unissant derrière un candidat, Vojislav Kostunica, et en alimentant sa campagne électorale avec près de 40 millions de dollars (3). Des ONG et des conseillers électoraux financés par les Etats-Unis réussirent à lancer une campagne de propagande autour des élections et travaillèrent en coulisses à l’organisation d’une résistance massive au régime de Milosevic (4). Le jour du vote, des « aides aux électeurs » formés par les Etats-Unis étaient déployés dans tout le pays pour suivre de près les résultats. Les Etats-Unis avaient même fourni à de jeunes activistes des milliers de bombes de peinture et d’autocollants pour couvrir le pays de slogans anti-Milosevic (5).
Selon les résultats officiels du premier tour des élections, aucun candidat n'avait obtenu la majorité des voix, et il devait donc y avoir un deuxième tour. Mais les conseillers américains publièrent leurs propres « sondages à la sortie des bureaux de vote » qui donnaient Kostunica largement en tête et que Milosevic refusa de reconnaître (6). L'opposition cria à la fraude et des groupes soutenus par les Etats-Unis organisèrent des actions de résistance non violente pour faire pression sur le gouvernement. Des groupes armés envahirent l'Assemblée fédérale et le siège de la télévision d'Etat (7). Des manifestations et une rébellion massive obligèrent Milosevic à se retirer. Il ne devait pas y avoir de deuxième tour et le candidat de Washington, Vojislav Kostunica, prit le pouvoir. La stratégie avait fait son œuvre.
Mais pourquoi les Etats-Unis avaient-ils pris la Serbie pour cible et, plus particulièrement, la petite province du Kossovo ? La réponse remonte à l'administration Reagan et à un document secret de 1984 sur « La politique américaine à l’égard de la Yougoslavie ». Une version censurée fut révélée en 1990 qui préconisait « le déploiement d’efforts pour encourager une “révolution pacifique” visant à renverser le gouvernement communiste et les partis » (8).
Pendant des années le gouvernement des Etats-Unis a travaillé au démantèlement et au morcellement de la Yougoslavie socialiste, soutenant tous les mouvements d’indépendance, quels qu’ils fussent, à l’intérieur des différentes provinces, y compris l’intervention militaire de 1999 au Kossovo pour favoriser la séparation de cette province. Ce qui avait été, par le passé, un relatif succès économique sous le célèbre Josip Tito et son économie socialiste fondée sur la propriété collective et l’autogestion des entreprises, ne permettait pas les investissements étrangers ni le capital américain. C'était un péché mortel vis-à-vis du capitalisme mondial moderne. Comme l'écrit Michael Parenti :
« La Yougoslavie était le seul pays d’Europe de l'Est qui ne voulait pas démanteler son économie collectiviste d'état-providence. Elle était la seule à ne pas avoir sollicité son entrée à l'OTAN. Elle poursuivait – et c’est encore le cas pour ce qui en reste – une route indépendante, non conforme au Nouvel Ordre mondial (9). »
Morceler le pays en petits Etats dépendants et détruire leur économie collectiviste étaient l’objectif final, et Milosevic, un admirateur du socialiste Tito, était leur seul obstacle.
Leur travail fut considérablement récompensé. Une fois Milosevic disparu, une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement fut d’abroger la loi de 1997 sur la privatisation et de permettre aux investisseurs étrangers d’acquérir 70% du capital d’une entreprise (10). En 2004, la mission de l'ONU au Kossovo annonça la privatisation de 500 entreprises, et ce furent les sociétés américaines qui se révélèrent les grandes gagnantes. Phillip Morris acheta une manufacture de tabac pour 580 millions de dollars, U.S. Steel traita une affaire de 250 millions de dollars avec un producteur d’acier, Coca-Cola s’empara d’un fabriquant d’eau en bouteilles pour 21 millions de dollars, et ainsi de suite (11).
De surcroît, les investisseurs occidentaux avaient désormais accès à ce que le « New York Times » appela le « prix fabuleux de la guerre », les deuxièmes plus grands gisements de charbon d’Europe et les énormes réserves de plomb, de zinc, d’or, d’argent et même de pétrole (12). Et la perle des perles se situait dans la province du Kossovo : l’énorme complexe minier de Trepca, évalué à plus de 5 milliards de dollars, ouvert aujourd’hui au plus offrant (13).
Le succès de la stratégie en Serbie servit merveilleusement de leçon aux décideurs politiques de Washington. Ils allaient la répéter à plusieurs reprises dans l'ensemble de l'Europe de l'Est, dans des régions comme la Géorgie (en 2003), l’Ukraine (en 2004), le Kyrgyzstan (en 2005) et la Biélorussie (sans succès en 2001). Au cours de ce qu’on a appelé les « Révolutions de couleur », chaque mouvement, aidé par les Etats-Unis, allait remplacer un régime par un autre plus favorable aux politiques de libre-échange promues par Washington (14). La stratégie préférée pour obtenir un changement de régime devint cette nouvelle sorte de résistance non violente, et maintenant l'empire dirige son regard sur l'Amérique du Sud, où une nouvelle menace pour le capitalisme mondial est soudainement apparue.
Le problème du Venezuela
Si, pour la Serbie, la mine de Trepca au Kossovo était le gros lot de l'intervention dans ce pays, au Venezuela c'est la compagnie pétrolière d'Etat, PDVSA. Le Venezuela possède certaines des plus grandes réserves de pétrole du monde, peut-être devant l'Arabie Saoudite si l’on tient compte de tous les gisements de brut. Et c'est PDVSA qui domine au Venezuela, avec un total monopole sur les ressources pétrolières de la nation. Avec une capacité de production de 4 milliards de barils par jour et un revenu annuel 65 milliards de dollars, la compagnie possède également un réseau de plus de 15.000 stations-services aux Etats-Unis ainsi que plusieurs raffineries, à la fois aux Etats-Unis et en Europe, la plaçant à la deuxième place des plus grandes compagnies de toute l'Amérique latine (15).
On peut être sûr que les investisseurs en entreprises aimeraient mettre la main sur PDVSA, comme sur d’autres sociétés du secteur public du Venezuela. En fait, c’est ce qu’ils ont fait tout au long des années 1990. En 1998, les sociétés multinationales avaient déjà raflé la compagnie nationale du téléphone, la plus grande compagnie de l'électricité, et l’opération sur PDVSA traversait ce qu’ils appelaient une période d’ « ouverture » au capital international ; une façon plus élégante d’appeler la privatisation (16).
Mais cette même année, Hugo Chavez fut élu président sur une plateforme anti-impérialiste, et la vente aux enchères du Venezuela cessa brusquement. En fait, Hugo Chavez est devenu un vrai problème pour les impérialistes industriels et leurs domestiques à Washington. Non seulement il a mis fin aux privatisations mais il fait actuellement marche arrière en re-nationalisant tout ce qui a, par le passé, été privatisé. La privatisation de la compagnie pétrolière d'Etat est désormais interdite par la loi, et son gouvernement a pris son entier contrôle, en l’utilisant pour financer le développement du pays.
Mais ce qui inquiète encore plus Washington et ses promoteurs économiques c’est de voir que cette tendance se propage à travers l'Amérique latine. Le gouvernement Chavez a tissé des liens étroits avec beaucoup de ses voisins, et beaucoup marchent dans ses pas. Des pays comme la Bolivie et l'Equateur reprennent le contrôle de leurs énormes réserves de gaz et de pétrole, laissant moins d’emprise aux grosses sociétés qui espéraient les posséder un jour.
Et par conséquent, exactement comme ils l’ont fait en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et ailleurs, Washington a déployé ses forces au Venezuela avec l'intention de se débarrasser de la menace Chavez. Après avoir tenté différentes actions au cours des années, y compris un coup d’Etat qui a fait long feu, une manipulation électorale et des manifestations de masse, Washington n'a pas été capable de renverser le chef populaire. Mais ils n'ont pas abandonné pour autant. Au contraire, ils continuent précisément à augmenter leur niveau d’implication.
Répétition de l'expérience de l'Europe de l'Est au Venezuela
La nouvelle stratégie impériale comprend ce que l’on appelle « les coins américains ». Ces « coins » sont de petits bureaux, mis en place par Washington à travers le pays cible, qui servent pratiquement de mini-ambassades. On ne sait pas très bien ce que font exactement ces « coins », mais on y trouve tout un choix de renseignements sur les Etats-Unis, y compris des offres d'études à l'étranger, des cours d’anglais et de la propagande pro-américaine. En plus de tout cela, les mini-ambassades organisent également des événements, des formations et des cours pour jeunes étudiants.
Curieusement, ces « coins » semblent se trouver en très grand nombre dans les pays que Washington cherche à déstabiliser. Les anciens pays yougoslaves ont un total de 22 « coins américains », dont 7 en Serbie. L'Ukraine en a 24, la Biélorussie 11, la Russie 30, l’Irak, même, 11. La concentration de loin la plus élevée des « coins » est en Europe de l'Est, sur laquelle Washington dirige ses tentatives de déstabilisation depuis quelques années (17).
Il existe au moins quatre « coins américains » au Venezuela, implantation la plus importante de tous les pays latino-américains, et les Etats-Unis financent aussi littéralement des centaines d'organismes dans tout le pays pour un montant de plus de 5 millions de dollars par an (18). Ces organisations financées par les Etats-Unis travaillent de concert pour transplanter l'expérience de l’Europe de l’Est au Venezuela. Comme le rapporte Reuters, l’opposition vénézuélienne est déjà en train d’apprendre les tactiques serbes de renversement de régime de la bouche d’un colonel de l’armée américaine en retraite, nommé Robert Helvey :
« Helvey, qui a enseigné à de jeunes activistes au Myanmar [en Birmanie] et à des étudiants serbes qui ont participé à la destitution de l'ancien dirigeant yougoslave Slobodan Milosevic en 2000, donne, cette semaine, des cours de tactique d'opposition non violente à une université à l’est de Caracas », dit l’article. « Ni Helvey ni les organisateurs du séminaire de Caracas n’ont voulu donner de précisions sur les tactiques d'opposition enseignées. Mais, dans sa mission en Serbie avant la chute de Milosevic, Helvey fournissait des instructions aux étudiants sur les façons d'organiser une grève et sur la manière de miner l'autorité d'un régime dictatorial », rapportait Reuters (19).
Et plus récemment, dans la ville universitaire de Mérida, un professeur d'histoire du Texas, Neil Foley, a animé une manifestation organisée par l'ambassade des Etats-Unis et le Centre vénézuélo-américain (Cevam), qui n’est pas officiellement un « coin américain » mais qui vise le même objectif. Foley, qui s’est exprimé dans divers « coins américains » de Serbie, a donné des conférences en Bolivie et au Venezuela sur « les valeurs américaines » (20).
J’ai assisté à l’une des conférences de Foley et, comme prévu, c’était une véritable campagne de propagande pro-américaine infligée aux étudiants de l’université. Le professeur a donné très exactement le message pour lequel il avait été payé par l’ambassade des Etats-Unis, en vantant les mérites de la société américaine et de « la démocratie américaine ». Selon Foley, les Etats-Unis résolvent tous leurs problèmes par la tolérance envers les autres et un « dialogue » sans exclusive avec leurs opposants. Et par un clair appel du pied en direction de ces étudiants vénézuéliens, Foley laissait entendre que tout gouvernement qui ne respectait pas ces critères « devait être renversé » (21)
Tous ces efforts convergent dans une campagne à l’échelle nationale visant à unir, renforcer et mobiliser l'opposition au gouvernement démocratiquement élu de Chavez. L’objectif final, naturellement, est de déstabiliser le gouvernement, en organisant et en dirigeant des groupes d'opposition qui devront commettre des actes de résistance pacifique et des manifestations de masse. Comme cela a été fait en 2002, quand les groupes vénézuéliens d'opposition ont organisé des manifestations massives qui ont tourné à la violence et finalement conduit au renversement provisoire du gouvernement Chavez, la campagne financée par les Etats-Unis cherche à déstabiliser le gouvernement, de n’importe quelle façon, pouvant aller jusqu’à provoquer la violence dont ils rejetteront plus tard la responsabilité sur le gouvernement (22).
A présent presque tous les éléments de la stratégie utilisée en Serbie et dans d’autres pays de l'Est ont été mis en œuvre au Venezuela au moment où Washington dirige et contrôle la campagne de l'opposition vénézuélienne. Les mêmes « conseillers électoraux » employés pour la Serbie, l’entreprise Penn, Schoen et Berland basée à Washington, ont été également utilisés au Venezuela pour publier de faux sondages effectués à la sortie des bureaux de vote dans le dessein de faire planer le doute sur les élections vénézuéliennes. Cette stratégie de manipulation électorale a été employée à l’occasion du référendum de rappel de 2004 où l’ONG Sumate, financée par les Etats-Unis, et la firme Penn, Schoen et Berland ont diffusé de faux sondages à la sortie des bureaux de vote annonçant que Chavez avait perdu le référendum. Ils refirent la même chose avant les élections de 2006, en prétendant que l’adversaire de Chavez « avait nettement le vent en poupe » (23). Aussi bien en 2004 qu’en 2006, les faux sondages donnaient raison aux allégations de fraude avancées par l'opposition avec l'espoir de provoquer des manifestations de masse contre le gouvernement. La stratégie a en grande partie échoué mais elle a jeté un doute sur la légitimité du gouvernement de Chavez et a affaibli son image sur le plan international.
Les tentatives de déstabilisation prennent forme de manière concrète dans les semaines qui viennent avec les énormes manifestations antigouvernementales de Caracas contre l’action entreprise par le gouvernement à l’encontre de la chaîne de télévision privée RCTV. Des groupes d'opposition se sont mis en place autour de cette décision du gouvernement, proclamant qu’elle piétinait la « liberté d'expression », et ils ont organisé une série de grandes manifestations dans la capitale aboutissant à un défilé massif le 27 mai, jour où expire le permis d'émission de RCTV.
Tous les médias privés ont joué leur rôle en annonçant et en invitant les téléspectateurs à participer au défilé pour manifester contre le gouvernement. Tout le monde s’attend à ce qu’il y ait une énorme participation à la fois de la part des partisans du gouvernement et de la part de ses opposants, et le gouvernement a déjà prévenu qu’il pourrait y avoir au cours de ce défilé des violences dont on tentera de rejeter la responsabilité sur lui pour déstabiliser le régime. Ces derniers jours, les services de renseignements du gouvernement ont découvert, chez les opposants, 5 fusils destinés à des tireurs isolés ainsi que 144 cocktails Molotov, qui semblent bien prouver que la violence est au menu (24) (25).
C'est exactement ce genre de manifestation qui, en 2002, a entraîné des dizaines de morts, des centaines de blessés et le renversement provisoire du gouvernement Chavez. Les chaînes de télévision privées comme RCTV ont manipulé les reportages filmés pour attribuer la responsabilité des morts aux défenseurs de Chavez, et condamné le gouvernement pour ses atteintes aux droits de l'homme. Aussi, cette fois, les fonctionnaires du gouvernement ont-ils demandé aux activistes pro-gouvernmentaux de surveiller les manifestations de l’opposition avec photos et vidéos les 27 et 28 mai afin d'éviter une situation semblable à celle du coup d’Etat de 2002.
S'il n'y avait eu les énormes manifestations pro-gouvernementales après que Chavez eut été renversé en 2002, la stratégie de Washington se serait peut-être déjà débarrassée de ce président populaire. Mais la stratégie a échoué, et par conséquent l'empire poursuit ses tentatives. Comme cela s’est passé en Ukraine, en Serbie, en Géorgie et ailleurs, la stratégie exige de faire descendre dans la rue un grand nombre de personnes pour manifester contre le gouvernement. Indifférents au fait que le gouvernement dispose ou non d’une popularité, qu’il soit élu démocratiquement ou non, les groupes d’opposition tentent d’imposer leur volonté au gouvernement en mettant la pression.
Ce que la plupart des manifestants ne savent probablement pas, c’est qu'ils sont simplement les pions d’une plus grande stratégie qui a pour objectif de déboucher sur un capitalisme mondialiste de « libre-échange » et des privatisations dominées par les grosses entreprises. Tandis que d’énormes sociétés multinationales se partagent le monde, de petites nations comme la Serbie et le Venezuela sont simplement des obstacles malencontreux à la réalisation de leurs objectifs. Dans la ruée mondiale pour voir qui grossira et qui se fera manger, le fait que des pays préféreraient ne pas être mangés n’a tout simplement pas d’importance pour les bureaucrates de Washington.
Cris Carlson, journaliste indépendant habitant au Venezuela.
Voir son blog personnel à : www.gringoinvenezuela.com
13 mai 2007
Venezuelanalysis.com
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Notes :
1. Pour en savoir plus sur la façon dont la Banque mondiale et le FMI forcent la privatisation sur les pays pauvres :
http://www.thirdworldtraveler.com/IMF_WB/IMF_WB.html...
2. Quatre articles de Michael Barker expliquent plus amplement cette stratégie.
http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=10987...
3. Michael A. Cohen et Maria Figueroa Küpçü, « Privatizing Foreign Policy », « World Policy Journal », Volume XXII, n° 3, automne 2005 :
http://worldpolicy.org/journal/articles/wpj05-3/cohen.html
4. Chulia, Sreeram : « Démocratisation, révolutions de couleur et le rôle des ONG : Catalyseurs ou saboteurs ? »:
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
5. Michael Dobbs, « Les conseillers politiques américains ont aidé l'opposition yougoslave à renverser Milosevic », « The Washington Post », 11/12/00 : http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn?pagename=article...
6. Ian Traynor explique comment l’opposition a utilisé les sondages à la sortie des bureaux de vote pour renverser les régimes en Europe orientale, « The Guardian », 26/11/04 :http://www.guardian.co.uk/ukraine/story/0,15569,1360236,0...
7. Chris Marsden, « Comment l’Ouest organisa la chute de Milosevic » : http://www.wsws.org/articles/2000/oct2000/yugo-o13_prn.sh...
8. Finley, Brooke : « Remembering Yugoslavia: Managed News and Weapons of Mass Destruction », extrait du livre « Censored 2005 », Seven Stories Press, 2004.
9. Michael Parenti, « The Media and Their Atrocities, You Are Being Lied To », p. 53, The Disinformation Company Ltd., 2001.
10. Neil Clark, « The Spoils of Another War/NATO’s Kosovo Privatizations », Znet, 21/09/04 : http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=6275...
11. Elise Hugus, « Eight Years After NATO’s “Humanitarian War”/Serbia’s New “Third Way” », « Z Magazine », avril 2007, volume 20 n° 4 : http://zmagsite.zmag.org/Apr2007/hugus0407.html...
12. Hedges, C., « Kosovo War's Glittering Prize Rests Underground », « New York Times », 08/08/98.
13. Michel Chossudovsky, « Dismantling Former Yugoslavia, Recolonizing Bosnia-Herzegovina », « Global Research », 19/02/02, « Covert Action Quarterly », printemps, 18/06/96 :
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
14. Jonathan Mowat, « Coup d’Etat in Disguise: Washingtons’s New World Order “Democratization” Template », « Global Research », 09/02/05 :
http://www.globalresearch.ca/articles/MOW502A.html...
15. http://es.wikipedia.org/wiki/Petróleos_de_Venezuela...
16. Steve Ellner, « The Politics of Privatization, NACLA Report on the Americas », 30/04/98 :
http://www.hartford-hwp.com/archives/42/170.html...
17 http://veszprem.americancorner.hu/htmls/american_corners_...
18. Jim McIlroy & Coral Wynter, « Eva Golinger: Washington's “Three Fronts of Attack” on Venezuela », « Green Left Weekly », 17/11/06 :
http://www.greenleft.org.au/2006/691/35882
19. Pascal Fletcher, « US Democracy Expert Teaches Venezuelan Opposition », Reuters, 30/04/03 :
http://www.burmalibrary.org/TinKyi/archives/2003-05/msg00...
20. La page web de l’ambassade américaine de Bolivie témoigne que Neil Foley a prononcé un discours à La Paz, en Bolivie, pour « La semaine culturelle des Etats-Unis », dans la semaine qui a précédé son arrivée au Venezuela.
http://www.megalink.com/USEMBLAPAZ/english/Pressrel2007En...
21. Notes personnelles prises par moi-même lors du discours de Mr. Foley à l’université des Andes à Merida, Venezuela, le 16 avril 2007.
22. Pour plus de détails sur le coup d’Etat de 2002 on lira le récent article de Gregory Wilpert : « The 47-Hour Coup That Changed Everything » :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=2018...
23. Voir mon précédent article « Coup d’Etat au Venezuela: Made aux Etats-Unis/Le projet américain de destitution d’Hugo Chavez dans les jours qui ont suivi l’élection », Venezuelanalysis.com, 22/11/06 :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=1884...
24. Le président Chavez annonce que les services de renseignements ont infiltré des groupes d’opposition et qu’ils ont trouvé parmi eux un homme en possession de cinq fusils avec silencieux, « Chávez anuncia incautación armas vinculadas a complot en su contra », Milenio.com, 606/05/07 :
http://www.milenio.com/index.php/2007/05/05/65937/...
25. La police de Los Teques, près de Caracas, a trouvé 144 cocktails Molotov tout prêts à être utilisés pour « être emportés dans la rue la semaine prochaine dans l’intention de troubler l’ordre public et favoriser une confrontation directe avec les autorités », « Prensa Latina », 09/05/07 :
http://www.prensalatina.com.mx/article.asp?ID=%7BEEAA37C7...)
Correspondance Polémia
Traduction René Schleiter
Polémia - http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=12&iddoc=14...
22/06/07
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