Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 16 septembre 2015

L’arme migratoire et la fin des nations

syr7898923.jpg

L’ère des disséminations. L’arme migratoire et la fin des nations

Par Jure George Vujic

Ex: http://www.polemia.com

(qui vient de signer un dernier livre aux éditions Kontre Kulture : Nous n’attendrons plus les barbares/ Culture et résistance au XXIe siecle).

Jure George Vujic est un écrivain franco-croate, avocat et géopoliticien, diplômé de la Haute école de guerre des forces armées croates.

Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, il contribue aux revues de l’Académie de géopolitique de Paris, à Krisis et à Polémia. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la géopolitique et de la politologie.

_________________________________________________________________________________

La crise migratoire, le spectacle quotidien et tragique des noyades de masse des migrants, l’hypocrisie et l’incapacité des élites occidentales à prendre des mesures efficaces face à ce problème… Néanmoins, le caractère brutal et massif de ce phénomène migratoire chaotique, qui prend les dimensions d’un exode, devraient inciter à la réflexion et à la prudence sur les causes réelles de l’afflux massif de migrants sur les rives de la Méditerranée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ce sont près de 224.000 réfugiés et migrants qui sont arrivés en Europe via la Méditerranée entre janvier et juillet de cette année. Les Syriens constituent le groupe le plus important parmi ces arrivants (34%), suivis des Erythréens (12%), des Afghans (11%), des Nigérians (5%) et des Somaliens (4%). On estime qu’entre un demi-million et un million de migrants tenteront de rejoindre cette année les côtes européennes. Bien sûr, on ne peut que compatir avec les réfugiés syriens et libyens qui ont été chassés de leur foyer par l’intervention militaire des forces atlantistes en Libye et la volonté de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

Néanmoins, face à cet exode, il convient de réfléchir sur le rȏle déstabilisateur et déstructurant de l’arme migratoire, qui pour la « Vieille Europe » pourrait signifier à long terme la transposition pure et simple sur son sol de la géopolitique étatsunienne de balkanisation et de fragmentation ethno-confessionnelle qui est en œuvre au Moyen-Orient, politique qui a généré une situation chaotique dans laquelle a vu le jour le pseudo-califat de l’Etat Islamique soutenu par les alliés occidentaux, l’Arabie Saoudite et le Qatar.

La bombe démographique avec un taux de natalité exponentiel que représenterait la quantité massive des flux migratoires d’immigrées de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb pourrait bien à long terme « libaniser » les Etats européens, lesquels seraient confrontrés à une communautarisation, voire une ghettoïsation accrue, des populations allogènes, créant les conditions favorables à l’éclatement de potentielles véritables guerres inter-ethniques. Une Europe-continent affaiblie de l’intérieur et en déstabilisation permanente se devrait de supprimer ses frontières et les derniers soubresauts de souveraineté économique et politique, ce qui faciliterait l’installation du nouveau TAFTA, grand marché transatlantique, alors que les grandes corporations puiseraient abondamment dans la main-d’œuvre immigrée à bon marché tout fraîchement installée sur le sol européen. La transposition sur le continent européen du scénario du choc de civilisations entre Islam et Occident servirait les intérêts des puissances de l’Argent.

Il va de soi que cette migration massive, quand bien même fût-elle contrôlée, changera indubitablement à long terme la structure ethnique et démographique de la Vieille Europe qui semble incapable de résoudre et d’assainir les problèmes déjà existants d’absorption et d’intégration culturelle et sociale des populations extra-européennes qui résultent des flux migratoires précédents des années 1980 et 1990.

Il ne faut pas oublier que la démographie est une donnée constante de même qu’une arme redoutable dans les conflits contemporains. En effet, même si ses conséquences se font, pour la plupart, à long terme, elle ne peut être négligée d’un point de vue méthodologique, dans la mesure où elle est désormais une nouvelle arme utilisée dans les tensions géopolitiques mondiales : « La structure démographique – densité de population, masse, composition par âge et par sexe, taux d’accroissement – est en effet considérée comme un des paramètres conditionnant la violence collective. » Le même argument est développé par Jean du Verdier dans son ouvrage Le Défi démographique. L’auteur évoque la célèbre déclaration de Boumedienne à l’ONU en 1974, il y a 40 ans : « Un jour, des millions d’hommes quitteront les parties méridionales et pauvres du monde pour faire irruption dans les espaces accessibles de l’hémisphère nord, à la recherche de leur propre survie ».

Bien sûr, l’immigration massive à laquelle on assiste a pour cause non pas seulement la pauvreté et la misère économique, mais la guerre qui avait pour but le démantèlement planifié de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, qui s’inscrit donc dans une relation de cause à effet. Comme l’a si bien récemment déclaré Kader A. Abderrahim, chercheur associé à l’Iris, spécialiste du Maghreb et de l’islamisme : « La crise migratoire est en relation directe avec l’intervention franco-britannique de 2011. On ne peut pas provoquer la guerre et s’étonner ensuite du désordre » (http://francais.rt.com/opinions/5889-libye-crise-migratoire-expert). L’ampleur et la convergence des flux migratoires ainsi que les directions majeures qui s’étendent du sud au nord et d’ouest en est, les axes migratoires Libye/Maghreb-Afrique subsaharienne/Méditerranée méridionale/ Europe/Italie-Grande-Bretagne-France, Afghanistan-Irak-Somalie-Turquie/ Europe de l’Est-Roumanie-Bulgarie-Hongrie-Serbie-Allemagne ressemblent plus à un déplacement de populations qu’à des flux migratoires discontinus classiques.

Il ne faut pas oublier que les instances internationales et les centres financiers et économiques de décision mondialistes réfléchissent uniquement en termes quantitatifs, en chiffres et en valeurs ajoutées ; la démographie, la structure des populations, de même que les identités et les différences culturelles ne sont pensées et traitées qu’en termes économiques et doivent servir les impératifs et la dynamique dé-régulatrice du marché mondial unifié. Ainsi il faut rappeler que l’ONU parle ouvertement de migrations de remplacement. C’est ainsi que la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales a publié un rapport intitulé Migration de remplacement : est-ce une solution pour les populations en déclin et vieillissantes ?. Le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité. Dans chaque cas on considère différents scénarios pour la période 1995-2050, en mettant en relief l’impact que différents niveaux d’immigration auraient sur la taille et le vieillissement de la population.

Post-nationalité et « Dissémi-Nation » migratoire

Et pourtant, tout porte à croire – et en dépit de l’échec des politiques intégrationnistes, du modèle de la multiculturalité – que depuis des décennies on a conditionné les esprits et préparé l’opinion publique européenne à penser en termes de post-nationalité, de gestion migratoire et de catastrophe migratoire humanitaire, d’hybridation migratoire culturelle et identitaire. Ce discours post-national est aujourd’hui réactivé à des fins géopolitiques et d’ingénierie sociale, puisant ses sources dans le discours post-colonial classique cher à Frantz Fanon et à Edward Said, qui s’est s’attaqué dans les années 1960-1970 aux modes de perception et aux représentations dont les colonisés ont été l’objet. En effet, sous l’influence de la pensée post-structuraliste, néomarxiste et déconstructiviste, dont les chantres les plus connus sont Foucault, Derrida et Deleuze (la fameuse théorie française qui, sous l’appellation de French theory, influencera considérablement les élites universitaires américaines, par le biais des cultural studies et les subaltern studies), les élites atlantistes mondialistes en Europe ont participé en grande mesure à la légitimation du discours post-national et pro-migratoire.

La mode ambiante de la post-nationalité, l’apologie des vertus bénéfiques des brassages et des hybridations culturelles ont profondément modifié dans le mental occidental le rapport et la perception du rȏle de la frontière, dont la fonction de limite et de séparation a été systématiquement dénigrée, au profit de la conception « frontière contact », lieu d’hybridation et d’échanges et rencontres culturelles. Cet état d’esprit irénique explique les déclarations irresponsables des élites européennes face à la vague migratoire massive, qui puisent, dans le registre droit-de-l’hommien et humanitariste, sur l’impératif d’accueillir en Europe les flots d’immigrés qui traversent le tunnel de la Manche ou piétinent les barrières de protection frontalières. Cette posture, qui oublie trop souvent que la majorité des flux migratoires ont des causes et des motivations essentiellement économiques, sociales et pécuniaires, explique aussi la volonté dominante de discréditer, voire de diaboliser, les propositions de renforcement et de contrȏle aux frontières en fustigeant « l’Europe forteresse », les projets de construction de murs en Hongrie étant taxés de modèles ségrégationnistes.

Le discours globaliste et post-national corroboré par la pensée culpabilisatrice de le post-colonialisme estime que la nation, en tant que référence d’appartenance nationale et historique, serait une entité désuète, une catégorie territoriale inadaptée et historiquement consommée, qui devrait laisser la place à de nouvelles constructions transterritoriales, hybrides et fluides aux contours mal définis. La dissémination et la dispersion migratoires à l’échelle planétaire constitueraient le fer de lance de cette entreprise de liquidation de la nation, en tant qu’entité ethnique et linguistique enracinée, vecteur d’appartenance nationale et historique.

Souvenons nous de l’influence qu’exerça le concept de dissémination de J. Derrida en tant qu’outil de déconstruction sur la pensée postcoloniale de Homi Bhabha dans les années 1990, qui forgera le concept de « Dissémi-Nation », afin de proposer un nouveau lieu global sans frontières qui se cristalliserait et se formerait de manière quasi spontanée par le jeu de la dispersion migratoire. Ce jeu de mots de la « Dissémi-Nation » n’est pas aussi anodin et abstrait qu’on pourrait le croire, et l’on peut légitimement se poser cette question : l’Europe n’est-elle pas en voie de se transformer en « Dissémi-Nation », après qu’on a liquidé et décimé la Nation en tant que cadre de la chose publique et espace du vivre-ensemble citoyen ? La nouvelle Dissémi-Nation serait un condensé d’espaces intermédiaires, qui évoluerait sans frontières précises au gré des migrations de multitudes chaotiques, et qui permettrait une production de nouvelles « altérités », pensée qui influencera de nombreux théoriciens de la post-colonialisme, comme Gayatri Spivak, ainsi que la théorie de la subalternité.

Quand bien même ces extrapolations conceptuelles semblent parfois abstraites et farfelues, on est en droit de se demander si le concept de Dissémi-Nation n’est pas en train de voir le jour, par l’intermédiaire de la liquidation de la souveraineté politique et territoriale de l’Etat ? La prolifération, la dispersion et l’exportation des masses considérables de migrants extra-européens ressemblent bien à un processus de dissémination migratoire, qui à long terme pourrait bien déstructurer et déstabiliser ce qui reste encore des vieilles nations européennes, la dissémination migratoire faisant ainsi le jeu de la stratégie du « Grand Remplacement » évoquée par Renaud Camus. La dissémination migratoire massive serait alors une arme de décimation interne et massive de la nation.

Déconstruction de l’idée de frontière

Il convient de se rappeler que cette conception subjectiviste et culturelle de la frontière-contact est l’héritière d’un courant de pensée marqué par la topophilie. On se souvient que les théoriciens post-marxistes Castoriadis et Harvey voyaient déjà dans le territoire et dans la cartographie symbolique un des champs privilégiés de bataille des identités sociales, culturelles qui devaient supplanter les certitudes traditionnelles sur la territorialité souveraine, marquée le limes romain, et de l’existence d’un esprit des lieux (genius loci propre à un peuple, un groupe ethnique ou national) – opinion longtemps partagée par les géographes ou par des penseurs conservateurs et nationalistes, la nation sublimant le corps mystique républicain cher à Péguy ou la transposition générationnelle de « la terre et les morts » chère à Barrès. Cette effervescence terminologique et conceptuelle se traduira par une prolifération de notions floues telles que : lieu, emplacement, paysage, milieu, région, topographie, limite, frontière ou confins, qui viendront brouiller davantage les notions classiques géographiques et géopolitiques du territoire et de la frontière. L’engouement pour les études culturelles contemporaines en Occident comme en outre-Atlantique (les cultural studies) a abouti à une idôlatrie de la notion de topophilie qui avait été lancée par Gaston Bachelard pour insister sur le vécu subjectif de l’espace et sur les rapports de l’individu aux lieux. Pour Bachelard, les individus établissent des relations signifiantes avec les lieux. (D’après lui, il peut s’agir de saisir les modalités selon lesquelles les êtres humains construisent leurs rapports aux lieux, que ceux-ci soient symboliques ou constitutifs de l’identité – Bachelard 1957). C’est dans la même direction que l’opinion publique en Europe a longtemps été abreuvée par ce même discours cosmopolite globaliste qui imposerait de penser l’Europe, non d’une façon charnelle et différenciée, mais de façon abstraite et constructiviste, en tant que construction intellectuelle : un territoire abstrait conçu, dont certaines régions cartographiques sont volontairement éliminées (comme le remarque bien Hobsbawm, 1997).

La même opération dé-constructiviste et dé-substantialiste a été opérée par les sociologues modernes qui insistent sur le fait que la frontière n’est pas un fait spatial aux conséquences sociologiques, mais, par contre, un fait sociétal qui prend forme dans l’espace, faisant crédit à la thèse de Georg Simmel, selon laquelle les frontières sont le résultat d’un processus psychique de délimitation ayant comme résultat des territoires, des « régions » ou des « pays » – des espaces culturels représentatifs pour un certain groupe social, qui ne se superposent pas nécessairement sur les limites politiques et territoriales acceptées. Bien sûr, tout comme Simmel l’a bien remarqué, il y a à la base un acte de volonté, un rôle moteur des communautés dans la formation des limites et des frontières. Il n’en demeure pas moins qu’à force d’élargir le champ sémantique de la notion de frontière à tout processus de délimitation, voire de dispersion, dans le cas des flux migratoires, on finit par évacuer ce qui est à la base de toute structure spatiale élémentaire, à savoir les frontières en tant que discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, qui agissent, non seulement comme le soulignent Lévi-Strauss et Lassault sur le réel, mais aussi sur le symbolique et l’imaginaire d’une communauté nationale soudée par la même langue, le même sentiment d’appartenance et une certaine symbolique d’un esprit du territoire, que certains banalisent par le vocable le terroir : la patrie.

Des anthropologues, tels que Lévi-Strauss et Georges Dumézil, ont souligné le rôle fondateur du symbolique, qui institue et structure en tant que vecteurs des identités collectives et individuelles, symbolique qui passe par la fonction de délimitation (l’appartenance à une communauté inscrite dans un territoire qui est le sien). L’histoire et les mythes fondateurs qui président à la formation de toute conscience collective et nationale rendent compte de l’importance symbolique de l’acte de « poser une frontière » qui implique toujours un regard collectif sur « L’autre » et sur « soi ». La frontière qui délimite, enferme ou exclut met en mouvement de puissantes marques d’identité qui déterminent des rapports culturels et de voisinage spécifiques avec l’étranger. On se souvient que l’école française des Annales insistait sur l’équation significative frontière/identité. De même que Lucien Febvre avait analysé l’évolution sémantique du mot frontière comme signe d’une mutation de la réalité historique avec la formation de l’Etat-nation (Febvre, 1962), alors que le couple frontière/identité est aussi présent dans les réflexions de Fernand Braudel sur L’Identité de la France. L’approche déconstructiviste et intellectualisante de la frontière, tout comme l’approche culturaliste et post-moderniste de cette notion ont abouti à une survalorisation des projections intellectuelles (idéologiques et symboliques) au détriment du mode identitaire de penser la frontière arbitrairement taxée de « mode discriminatoire » suspect. Or, la fétichisation contemporaine de prétendues nations périphériques, les identités frontalièrers et transfrontalières ont conditionné les mentalités, et surtout les pratiques de projection culturelle telles que la littérature et les arts et la politique, à absolutiser et à ontologiser l’effacement des frontières ; la pensée post-frontalière qui revendique le nomadisme et la nouvelle figure de proue symbolique du migrant rejoint la promotion de la post-nationalité, en tant que dissolution programmée de la nation au nom d’une unification du monde par le marché et la consommation.

mig18059672.jpg

Or, paradoxalement, les discours communautaristes (Chicanos, Afro-Américains, etc.), post-colonialistes, et la théorie de la subalternité (cette théorie a été initiée par le Groupe d’études subalternes – Subaltern Studies Group, SSG – ou Collectif d’études subalternes – Subaltern Studies Collective –, un groupe de chercheurs sud-asiatiques intéressés par l’étude des sociétés post-coloniales et post-impériales d’Asie du Sud en particulier et du Tiers-Monde en général), qui s’attaquaient à l’impérialisme des élites en renvoyant au contexte hégémonie culturelle au travail du marxiste Antonio Gramsci, sont devenus l’un des leviers du discours d’uniformisation marchande capitaliste qui, pour instaurer et libéraliser le marché mondial, se doit de déconstruire les dernières entraves que constituent les nations, les territoires souverains, les identités enracinées, ainsi que les dernières frontières protectionnistes. La nouvelle narration post-nationale à base de glorification de l’hybridation et de complexification identitaire prône une identité mondiale diasporique et migratoire, qui passe par la construction du sujet Foucaldien par assujettissement aux institutions de contrȏle, aujourd’hui à la mise en pratique de la thématique Deleuzienne de la dissémination des identités fluides et mouvantes, des sujets démultipliés le long des lignes de fuite nomadiques. Ainsi, la théorie de la déconstruction se proposait de promouvoir la désoccidentalisation des esprits et des grands concepts du changement du politique par la déconstruction des certitudes métaphysiques en arrachant tous les signifiants politiques régulatoires et structurants à leur champ de référence et de représentation. Seulement à force de déconstruire et d’arracher, la condition du dominé, du subalterne, devient peu à peu l’instrument de répression et la voie du dominant, le subalterne devenant l’angle mort du processus historique contemporain en tant qu’entreprise généralisée de déracinement.

Dissémination, contagion des idées et nouvelle anthropologie

La dissémination et la contagion des idées ont toujours précédé les grands bouleversements sociaux et politiques. Et c’est la raison pour laquelle la légitimisation des bienfaits de l’immigration massive et du brassage multiculturel s’est opérée par un changement des représentations mentales des populations autochtones et leur rapport vis-à-vis de leur identité et leur rapport avec l’autre, l’étranger. Comme le souligne l’anthropologue Dan Sperber, proche du courant néodarwinien, l’évolution culturelle dans le domaine des idées obéit à une logique de diffusion qui rappelle celle des épidémies. En effet, selon Sperber, les idées et les représentations se disséminent et se répandent par une sorte de contamination, par contagion (le titre de son livre est La Contagion des idées). Ce changement idéel des représentations mentales collectives, qui corrélativement contamine et modifie le champ sociétal, s’articule autour « d’attracteurs culturels » qui sont souvent les porte-parole, les relais de la nouvelle pensée dominante, les diffuseurs de nouveaux pseudo-paradigmes fantasmagoriques tout comme l’idéologie nomadiste. En effet, l’usage métaphorique des sociétés nomades ainsi que l’éloge du déracinement, de l’errance, en vogue dans le monde culturel et des arts, dans les grands médias, les sciences sociales et la philosophie dominante, qui vante les mérites du vagabondage, de l’exil, de l’esprit artiste, du flux, de la pensée ou de la raison nomade, constitue les trames idéologiques de la « nomadologie », fer de lance de cette véritable révolution anthropologique qui devait préparer, sur le terrain des idées et de l’esprit, l’acceptation indolore des grands bouleversements psychologiques, démographiques et ethno-culturels en Europe. Cette nomadologie, bien qu’elle puise ses sources dans l’orientalisme occidental du XIXe siècle, s’affirme depuis les années 1970-1990, c’est-à-dire dans le contexte intellectuel post-soixante-huitard, suite à l’avènement du post-modernisme, de la déconstruction de la raison et de la métaphysique (occidentale) et de l’universalisme-cosmopolitisme triomphant, la mode de l’écologie et la nouvelle philosophie. En effet, la nouvelle narration nomadiste qui devait se substituer à la fin des « grands récits » (les Lumières, les grandes idéologies de la modernité, marxisme, Hegelianisme) et qui devait fournir un modèle alternatif à la pensée dominante, grâce à l’apport d’une anthropologie nomadologique suspecte qui fera l’apologie et la promotion dans le contexte global des sociétés nomades en général, et plus particulièrement des sociétés de chasseurs-collecteurs, est ainsi présentée par Pierre Clastres comme un rempart contre l’Etat (La Société contre l’Etat, 1974) ou par Marshall Sahlins comme la première forme de la « société d’abondance » (M. Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance“, 1976). La pensée libérale-libertaire deviendra un véritable laboratoire d’idées pour cette nouvelle révolution anthropologique par la diffusion de revues telles que Libre dirigée par Marcel Gauchet, des réflexions de Jean Duvignaud, Paul Virilio et Georges Pérec sur la « ville nomade » dans la revue Cause commune de 1972 ou du numéro emblématique de cette même publication consacré au thème des Nomades et Vagabonds (1975). Sans oublier évidemment le livre-phare de la « nomadologie », Mille Plateaux, de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui paraît en 1980.

Cette pensée « désirante » et « nomade » sera célébrée plus tard par Chatwin, avec Songs Lives (1986), Kenneth White, avec L’Esprit nomade (1987), Jean Borreil, naguère collaborateur de la revue Les Révoltes logiques dirigée par Jacques Rancière, avec La Raison nomade (1993), ou bien encore Jacques Attali, avec L’Homme nomade (2003), livre dans lequel cette figure est représentée par le marché, la démocratie et la foi. Le même éloge de l’errance se retrouve dans de nombreux mythes et récits bibliques dans lesquels est recyclé le grand mythe, cher au XIXe siècle, du juif errant, sans feu ni lieu (voir Du nomadisme : vagabondages initiatiques, 2006, de Michel Maffesoli, qui est ainsi articulé autour des thèmes du « juif errant », des « villes flottantes » et d’Hermès, tandis que, plus récemment, Le Siècle juif, 2009, de Yuri Slezkine, met en scène l’opposition entre « apolliniens » sédentaires et « mercuriens » nomades fonctionnels).

Il serait inutile de s’étendre sur le caractère fantasque et stéréotypé de cette pensée constructiviste, très souvent déconnectée du réel et des rapports avec les sociétés nomades « réelles », lesquelles n’existent jamais sous la forme de l’errance et de l’isolement. En fait, loin du caractère utopique et purement incantatoire de nomadisme, la diffusion de ces nouvelles formes de représentations sociétales devait servir de levier de déracinement (par les processus d’acculturation/déculturation) et d’uniformisation marchande par la promotion de l’individu comme élément central des sociétés contemporaines pour les besoins du capitalisme tardif en tant qu’acteurs de production totalement flexibles et disponibles, mobiles tout comme le sont les chasseurs-cueilleurs et nomades dans les sociétés primitives. En effet, l’idéologie néo-libérale et le nouveau capitalisme de séduction mis en exergue par Michel Clouscart instrumentalisera avec succès l’anthropologie libertaire des sociétés nomades en transposant sur l’individu et le monde du travail les caractéristiques de sociétés passées et/ou exotiques en y appliquant les nouvelles pratiques « new age » telles que les coach-chamanes, la sophrologie et le « développement personnel ».

La dissémination est le propre de la démarche post-moderne qui dans l’optique Derridienne serait destinée à interrompre et empêcher la totalisation, s’insurgeant contre l’idée de centre et de totalité, préférant le réseau et la dissémination, par l’effacement des repères normatifs et leur remplacement par une logique en apparence fluide mais opératoire. Sur le plan social et politique, la dissémination des processus dissolvants migratoires s’emploie à déconstruire de l’intérieur une société structurée par la verticalité de l’institution politique au profit de l’économique. La dissémination migratoire est le reflet de cette même post-modernité qui se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique, par le concept d’ « impureté ». Les philosophes post-modernes (notamment Foucault et Agamben) qui ont souligné l’importance des relations de pouvoir dans la formation du discours d’une époque sont devenus, sans le savoir et sans vouloir le reconnaître, les allocataires et les propagateurs de cette nouvelle forme de discours dominant et, selon Alex Callinicos, ont « contribué à créer l’atmosphère intellectuelle dans laquelle celle-ci pouvait s’épanouir », voire post-humaine dans laquelle l’arme de la dispersion indifférenciée migratoire a pour but de liquider la réalité nationale, et d’instituer le règne du « sujet sans intériorité ».

Jure George Vujic

Bibliographie

– G. Bachelard, 1957, La Poétique de l’espace, PUF, Paris.
– A. Callinicos, Against Postmodernism: a Marxist critique, Cambridge, Polity Press, 1991.
– Francois Cusset, French Theory, Foucault, Derrida, Deleuze et Cie, Les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis, La Découverte, 2003.
– Jean-Pierre Renard (dir.), Le Géographe et les frontières, Paris, L’Harmattan, 1997.
– François Géré, Pourquoi les guerres ? Un siècle de géopolitique, édition Larousse en collaboration avec Courrier International, Paris 2002.
– Jean du Verdier, Le Défi démographique, éditions Muller, note de Polémia : http://www.polemia.com/le-defi-demographique-du-general-jean-du-verdier/
– Eric Hobsbawm, 1997.
– Homi Bhabha, Nation and Narration et The Location of Culture, New York, Routledge, 1990, 1994.
– Georg Simmel, Über soziale Differenzierung : soziologische und psychologische Untersuchungen, Leipzig, Duncker und Humblot, 1910.
– Lucien Febvre, Pour une histoire à part entière, Sevpen, Paris 1962.
– Michel Foucher, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, Fayard, Paris 1986, 1991.
– « Après les frontières, avec la frontière : quelles territorialités transfrontalières ? », Colloque Institut de géographie alpine, Grenoble 2 et 3 juin 2004.
– Jacques Levy, « Frontière », Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, Paris 2003.
– Arbaret-Schulz Ch., « Les villes européennes, attracteurs étranges de formes frontalières nouvelles », in Reitel B. et alii, Villes et frontières, Anthropos-Economica, Collection Villes, 2002.
– Lévy J. et Lussault M. (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 2003.
– John R.-V. Prescott, Boundaries and frontiers, Allen and Unwin, London 1978.
– Claude Raffestin, Pour une géographie du pouvoir, Librairies techniques, Paris 1980.
– Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple, La Découverte, Paris 2000.
– J. Gottmann, La Politique des Etats et leur géographie, A. Colin, Paris 1952.
– Eric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, Gallimard, 1992.

Correspondance Polémia – 14/09/2015

dimanche, 06 septembre 2015

Anne Williamson on the havoc the US is wrecking on Europe

trainbudapest.jpg

False Flag Alert

Anne Williamson on the havoc the US is wrecking on Europe

By

Ex: http://www.lewrockwell.com

In the past week, the flood of undocumented and unregistered Middle Eastern and African migrants into the EU has become an inundation. The high water mark of the human tide is located in Hungary, which is not a logical outcome despite the country’s geographical position at the center of Europe. Understanding why is the key to understanding what is happening not in but  to Europe.

After allowing unregistered migrants to board eastbound trains to Vienna and Munich, Hungary suddenly closed Budapest’s grand Keleti Train Station on Tuesday to migrants seeking transport to Germany via Austria and the Czech Republic. Thousands are now encamped outside the station surrounded by Hungarian police officers and the agents of smugglers’ networks. Until registered and approved for a Schengen visa, the immigrants are stranded and will most likely in time be sent back from whence they came. (Germany’s earlier relaxation of its national immigration rules was the source of Hungary’s confusion on Monday.)

The displaced crowd grows by the hour as waves of migrants continue arriving from the country’s southern border with Serbia after having first transited Macedonia at whose southern border the Greeks deliver busloads of successful migrants, an alarming number of whom have been plucked from the sea by European rescue ships before being deposited onto the Greek mainland.

But why tiny Macedonia, which is neither an EU or a Nato member? Why not equally accessible Albania or Bulgaria? What are EU instructions to its chattel state, Greece? Or, as Oriental Review contributor Andrew Korybko asks, “…why don’t the migrants just use mainland Greece as a stepping stone for a final boat ride to Italy?”

Germany lies directly north of Italy, and getting there from northern Italy would require transit only through a narrow slice of western Austria, thus avoiding the multi-national trek the current route requires.

Mr. Korybko alleges (as I do) that the smuggler networks are being “influenced by western intelligence” (in Korybko’s delicate phrasing) and are being led to believe that the longer route from northern Greece through the Balkans to Budapest is the one most certain of success. (It is also possible the refugees’ travel is being financed and directed by an oil-rich ISIS at the U.S.’s behest.)

The truth is that the longer route leaves EU and Nato member Bulgaria and key U.S. ally Albania relatively undisturbed while delivering a mighty blow to those nations (and, in the case of Macedonia and Serbia, largely Orthodox populations) which have either declined to participate in or have criticized sanctions (Catholic Hungary) against Russia, and all of which hope to participate in Russia’s Balkan Stream gas pipeline project.

Once the American misadventure in Ukraine turned sticky and was understood to have failed to bait Russia into invading, the U.S. instigated ‘Plan C’ (Migrant Madness,) which followed the earlier failure of ‘Plan B,’ which was to instigate a color revolution in Macedonia.

Americans are generally unaware of those May events in Macedonia because the country successfully deflected the murderous assault of terrorist thugs for whom the ground was being prepared by Zoran Zaev, an agent of the U.S. and George Soros via an outfit named Canvas, the commercial heir to the Optor project whose deceptive actions succeeded in destabilizing Serbia with a color revolution some fifteen years ago.

The set-up is truly diabolical. Macedonia, a nation of only slightly more than 2 million which enjoys a significant and largely peaceful Muslim minority population and which is bordered on the north by Albanian-controlled Kosovo, is at risk of partition by both Albania and Bulgaria, both of which would very much like to enlarge their own territories at the expense of Macedonia’s existence. If Macedonian Muslims can be made restive, partition is a possibility.

We now know, courtesy of former DIA Chief Michael Flynn, that the rise of ISIS was foretold in a widely circulated 2012 Memo the White House made “a willful decision” to ignore. The brutal ISIS is in fact a U.S.-manufactured military asset meant to distract a gullible American population and whose inherent violence can be directed to realize U.S. foreign policy goals of destabilization of the Middle East, North Africa, and now Southeastern Europe, as needed.

What both Macedonia and Serbia fear are ISIS terrorists intentionally being folded into the migrant horde destined for Albanian-dominated Kosovo, an ideal base for realizing their Balkan destabilization mandate. Bulgaria, an Orthodox country, has no interest in aiding an abetting ISIS terrorists and finds itself trapped by its Nato and EU membership.

Monday brought proof of Bulgaria’s and Macedonia’s shared dilemma when Bulgarian border guards seized a cell of five terrorists masquerading as refugees loaded with decapitation videos and ISIS propaganda. (In February, Turkish intelligence warned police in an internal memo that up to 3,000 trained jihadists were seeking to cross into Turkey from Syria and Iraq.)

budapesttrain.jpg

Now, how does Catholic Hungary, an EU and a Nato member, fit into the picture? Very snugly, thank you. Hungarian Prime Minister, Viktor Orban, threw down the gauntlet in a June interview with the daily Napi Gazdasag, saying, “Multiculturalism means the coexistence of Islam, Asian religions and Christianity. We will do everything to spare Hungary from that…We welcome non-Christian investors, artists, scientists, but we don’t want to mix on a mass scale.”

Rejecting the E.U. proposal for each member nation to accept a quota of refugees, Orban continued with building a 3.5 meter fence along Hungary’s border with Serbia, which brought him particularly strong statements of condemnation from both France and Germany. Today that criticism has ceased, and Bulgaria’s project of fencing its border with Turkey goes unremarked.

Europe will be happy to bottle up the refugees on the Balkan and Turkish sides of those fences no matter the damage Hungary and Bulgaria suffer from doing Europe’s dirty work. Once registered, the refugees can simply rot waiting for approval of their applications to enter Europe, which will never come since most will be declared to be economic and not political refugees (as will the refugees currently stranded in Hungary.)

All Europe has to do is to deliver appropriate funds to Greece, Italy, Hungary, Macedonia and Bulgaria for administrating the refugees’ applications and for the building and maintenance of tent cities to house them. Cheap. Problem in abeyance.

Not so fast, says Russian academician and historian Jelena Guskova. Guskova’s research has led her to the conclusion that what is being prepared for immediate effect  is the establishment of a “Green Transversal,” a Muslim state in Christian Europe.  She cites the growth of Islamic radicalism in the Balkans via Serbia’s “Wahhabi” and “Red Rose” cells, Macedonia’s “Tarikat,” and Al Qaeda cells in Kosovo and northern Albania, which in co-operation with Bosnia-Herzgovina will create the “Green Transversal.”

Guskova forsees the police in Serbia and Macedonia beginning operations against armed squads of terrorists, during which Albanian civilians will be killed in the ensuing clashes, and then the Islamists in Serbia, Macedonia and Bosnia-Herzgovina will rise up to save their “endangered brothers,” thus providing an open doorway for Nato to enter in force.

The playing out of the above scenario (especially convenient during an ongoing market collapse) will allow the United States to finally gain full control of the fiercely independent Balkans, while providing a giant wound on the European continent into which the U.S. can pour salt whenever necessary to curb any European initiative for independent action, and the establishment of a much-strengthened Nato. And, of course, the big prize: the continuation of sanctions against Russia and the elimination of the Balkan Stream pipeline. That this program will deprive the world of a vibrant and useful Europe while impeding a constructive Russia are consequences Washington regards as inconsequential when weighed against the U.S.’s intention to grind its collective boot in humanity’s face forever.

That it is only the Balkan nations and Russia which are keenly aware of U.S. plans is a tragedy an irresponsible and compromised Western media has advanced. To appreciate just how unprepared Europe is for the facts, a Russian Insider article from yesterday reporting on prominent German pundits’ call for more bombs and more intervention in the Middle East in order to “solve” the refugee crisis reveals the sad truth of Europe’s ongoing suicide at the behest of their American overlord.

Read it and weep.

mardi, 01 septembre 2015

Migrants: le cas de conscience, nouvelle arme de destruction massive...

migrants-clandestins-a-60-km-a-l-es.jpg

Migrants: le cas de conscience, nouvelle arme de destruction massive...

par Caroline Galactéros

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à l'impuissance de l'Europe face à la question stratégique de l'invasion migratoire. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre(Nuvis, 2013). 

Migrants, le cas de conscience comme nouvelle arme de destruction massive

Selon l'agence Frontex, 107 500 migrants se sont présentés aux frontières de l'Union européenne en juillet, autant que durant toute l'année 2014. Depuis janvier, plus de 224 000 seraient partis à l'assaut de l'Europe (HCR), 160 000 seraient déjà arrivés sur les côtes grecques, et plus de 2 500 se seraient noyés dans ces traversées de tous les dangers. Selon Berlin, plus de 700 000 malheureux devraient d'ici la fin de l'année avoir cherché à s'établir en Allemagne, dont 40 % en provenance des Balkans (qui viennent d'être déclarés « sûrs » pour limiter l'appel d'air). 10 à 15 % seulement de ces populations sont des « réfugiés politiques », l'immense majorité des autres fuient la misère. Judicieux calcul, singulièrement en France, si l'on considère, avec la Cour des comptes, que 1 % des déboutés du droit d'asile sont effectivement reconduits à la frontière...

Chaque jour porte son lot de nouvelles sinistres : un naufrage en Méditerranée de miséreux terrifiés, le Tunnel sous la Manche paralysé par les passages sauvages, les îles grecques prises d'assaut, la France débordée à Calais, l'Italie à Vintimille, la panique d'États membres déchirés entre empathie et indifférence. La cacophonie européenne habituelle, se rassure-t-on. Non. Cette fois, l'Europe fait face à une attaque sans précédent, au moins partiellement planifiée, qui vise la déstructuration en profondeur de nos sociétés. L'Allemagne se raidit et dénonce la réalité d'une immigration « de confort ». La Hongrie, l'Autriche, la Bulgarie, le Danemark n'entendent pas plus se laisser prendre dans la mélasse de la mauvaise conscience. Mais, sans action radicale et coordonnée, c'est l'adversaire qui triomphe, instrumentalisant notre humanisme empathique, secondé par des médias avides de sensationnalisme. Lorsqu'on voit des policiers ou des marins excédés dégonfler des canots surchargés de pauvres hères, c'est l'image de l'Europe accueillante qui succombe, c'est notre vulnérabilité qui crève l'écran. L'Europe n'est plus une forteresse protectrice de ses peuples, c'est une passoire.

Une crise est géopolitique bien plus qu'humanitaire

Mais cette crise est géopolitique bien plus qu'humanitaire : nous nous débattons dans le piège tendu par une organisation terroriste État islamique très organisée et surtout conséquente. Le « calife » al-Baghdadi, chef de Daesh, que nous répugnons toujours à combattre au sol, nous contentant de frappes si ciblées qu'elles ne font que galvaniser ses effectifs grandissants, n'avait-il pas annoncé dès février dernier qu'il submergerait le fragile esquif européen « de 500 000 migrants à partir de la Libye » si l'Italie se joignait à la coalition ? Les Soudanais, Érythréens, Afghans, Irakiens et Syriens, eux aussi malmenés par les bouleversements géopolitiques en cours en Afrique et au Moyen-Orient, n'ont fait que prendre en marche le train de cette macabre prophétie…

Les dirigeants de Daesh disent ce qu'ils font et font ce qu'ils disent. L'Europe, elle, ne dit toujours pas ce qu'elle veut faire ni ne fait ce qu'elle énonce : le blocus des côtes libyennes, la destruction préventive des bateaux, etc. Souhaitons que l'accord franco-britannique sur la lutte contre les passeurs à Calais nous fasse mentir. Engluée dans la procrastination, l'Europe donne le spectacle quotidien de sa désunion et de sa pusillanimité. Elle est coupable en premier lieu envers ses propres populations. Coupable de ne pas porter le bon diagnostic sur la nature et la gravité de la menace ; de ne pas admettre que ses États sont en guerre, de s'accrocher comme à une bouée dégonflée à ses « valeurs », sans oser le seul choix salutaire : répondre à Daesh. Sur le double front de l'intransigeance migratoire, en mettant déjà en œuvre un blocus militaire sans failles de la Libye et une fermeture efficace de ses frontières, et d'une intervention militaire massive au sol (avec forces spéciales américaines et frappes françaises en Syrie), pour contrer ceux que l'on a trop longtemps soutenus : les islamistes sunnites de « l'Armée de la conquête », qui n'ont rien de modéré ou de représentatif, et veulent mettre en pièces le régime de Bachar el-Assad afin de prendre le pouvoir en Syrie. Même leurs mentors saoudiens commencent à s'en inquiéter.

mig582-12274011.jpg

 

Idéalisme entêté, mâtiné de cynisme

Évidemment, le non-dit implicite du discours de nos « responsables » est que nous sommes les fauteurs de troubles de ces territoires en guerre (Irak, Afghanistan, Syrie, Libye, Sahel…) et que nous devons recueillir les malheureux que notre aventurisme militaire et politique a jetés hors de chez eux. Partiellement vrai. La France s'est, certes, imprudemment engagée en Libye et a contribué à la déstructuration violente de cet État. Mais le chaos irakien, matrice de toute la déstabilisation régionale, ne lui est nullement imputable, et son action courageuse au Sahel, même à l'aune de ses moyens insuffisants, doit être portée à son crédit. Quant à la Syrie, notre dogmatisme à l'égard de Bachar el-Assad qui était (comme Saddam Hussein ou Kadhafi d'ailleurs) le dernier rempart d'un équilibre ethnico-religieux imparfait mais protecteur des minorités, notamment chrétiennes, est désormais clairement en porte-à-faux par rapport au réalisme américain (comme sur les dossiers russe ou iranien).

Combien de massacres faudra-t-il encore laisser commettre, combien de morts, de chrétiens d'Orient livrés à la sauvagerie de l'ennemi, d'otages et d'attentats, avant de reconnaître que l'on s'est trompé d'ennemi une fois encore ? Espérons que le soutien unanime le 17 août du Conseil de sécurité des Nations unies à un plan « inclusif » pour des pourparlers de paix en Syrie amorce un retour au réalisme politique et stratégique, notamment du côté occidental. Notre idéalisme entêté, parfois mâtiné de cynisme, a contribué depuis quatre ans au martyre de ce pays.

Il n'est pas trop tard. Mais il faut du courage, celui de dire la vérité et d'en assumer les conséquences. Nous sommes en guerre. Nos opinions l'ont compris. Ce sont nos politiques (et aussi certains « analystes » aussi lunaires qu'irresponsables), notamment en France, qui refusent de l'admettre et de prendre les décisions – pas longtemps impopulaires – qui s'imposent. Devant cette invasion planifiée, nous n'avons plus le choix : nous devons fermer pour quelques années au moins les frontières de l'Europe à toutes les immigrations, humanitaires et même politiques. Nous devons faire en sorte que Daesh comprenne que son entreprise a échoué, qu'il ne submergera pas nos États, n'infiltrera pas ses kamikazes ni ne sèmera la discorde dans nos communautés. Il n'y a pas trente-six façons de convaincre al-Baghdadi et ses sbires, comme d'ailleurs les réseaux de passeurs, que leur idée n'est plus rentable, ni politiquement ni financièrement. La politique européenne doit devenir une politique d'accueil exceptionnel sous conditions strictes. Non plus : « on accueille par principe tout le monde sauf… », mais « on n'accueille personne sauf… » ; strictement l'inverse de ce qui provoque actuellement l'engorgement des dispositifs d'enregistrement et d'accueil. Schengen est mort. Ce dispositif était valable pour la circulation des biens et des capitaux. Mais ces hommes, ces femmes et ces enfants déversés sur les côtes italiennes et grecques ne sont pas des biens ou des capitaux ; ce sont des armes de destruction massive d'un nouveau genre, des vecteurs, malgré eux, de déstabilisation politique et de mutation identitaire.

Montée des populismes

À force de nier, de renier son histoire et son identité chrétienne comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse, l'Europe, et singulièrement la France, ont offert leurs flancs désarmés à l'offensive politique d'un islam conquérant pris en mains par des chefs déterminés et ambitieux. Notre pusillanimité les ravit. Quel cadeau inespéré que ces politiciens incapables pour la plupart de voir loin, de décider les priorités de l'action publique, ces gestionnaires qui ne dirigent rien et confondent laxisme et relativisme ! L'abstention électorale et la défiance envers le politique explosent ? Qu'à cela ne tienne ! On naturalise massivement de nouvelles catégories d'électeurs, qui voteront bientôt avec gratitude pour des pouvoirs leur assurant une survie confortable aux dépens d'une France laborieuse, d'en haut et d'en bas, écœurée par tant d'opportunisme et d'encouragement au communautarisme et à la haine sociale. Tout cela au nom d'une laïcité dévoyée et de valeurs républicaines distordues par le revanchisme social. Comment oser dès lors s'étonner de la montée d'un populisme qui fait son lit de cette pleutrerie des « partis de gouvernement » quêtant la popularité dans le renoncement ? Le ras-le-bol populaire gronde.

Comme la France en son temps, l'Europe « ne peut accueillir toute la misère du monde ». Elle n'en a plus les moyens et de moins en moins la volonté. Riche par rapport aux parties du monde à feu et à sang, l'UE est en crise politique et identitaire profonde et en régression économique et sociale sensible par rapport à ses concurrents directs. Sans parler de son poids stratégique en recul. Elle n'est pas attaquée pour rien. Elle est le maillon faible d'un Occident qui vacille. Elle doit prendre soin de ses propres citoyens, et n'a ni emplois, ni logements, ni argent à offrir à des masses de migrants « catapultés », dans une version moderne du siège médiéval, pour modifier la composition démographique, ethnique et religieuse de nos États. Il est en fait de notre devoir moral de stopper l'accueil « de seconde zone » des migrants, indigne de nos standards de solidarité. Le paradoxe n'est qu'apparent. Un peu comme cette consigne de sécurité aérienne contre-intuitive, qui rappelle qu'en cas de dépressurisation de la cabine, il faut d'abord mettre son propre masque à oxygène avant de songer à en munir les enfants et à leur porter secours.

C'est une décision douloureuse, un renoncement apparent à ce qui a fait l'histoire de l'Europe, et singulièrement celle de la France. Mais nous sommes en lambeaux. Notre identité nationale, le cœur même du « pacte républicain » sont mis à mal, notre société est percée de mille flèches qui ont pour noms démagogie, électoralisme, communautarisme, ultra-individualisme, surendettement public, inefficacitéadministrative, naïveté internationale, dogmatisme diplomatique. Ce virage sécuritaire serré n'est que la rançon soudaine d'un trop long laxisme, d'un aveuglement entêté sur les ressorts de la résilience des sociétés modernes. Nous payons l'acceptation béate, depuis 25 ans, de « l'horizontalisation » massive du monde, de l'abaissement des États, de l'explosion des réseaux sociaux – vecteurs de progrès pour les libertés mais aussi caisses de résonance  pour les idéologies les plus macabres –, de l'hyper connectivité qui produit peu de lien mais bien des connexions assassines. Nous payons dans la douleur notre renoncement à l'autorité politique, à la hiérarchie des valeurs, à la prescription assumée des comportements individuels et collectifs. La sanction des faits est redoutable. Elle devient mortelle. À quoi sert d'être « le pays des droits de l'homme » si notre population entre dans l'ère de la défiance politique radicale, du chômage de masse et du non-travail, s'appauvrit et se désespère, se voit sommée de financer à fonds perdus des chimères humanitaires alors que ses équilibres sociaux primaires sont mis en péril par ces utopies ?

Caroline Galactéros (Le Point, 21 août 2015)

mercredi, 17 septembre 2014

Les migrations expliquées aux nuls...

index.jpg

Les migrations expliquées aux nuls...

Il y avait du travail,

Gourévitch l'a réalisé!

Est-il possible de confier la rédaction d'un ouvrage de vulgarisation sur l'immigration à un auteur souvent cité par l'extrême droite ? Les Editions First s'y risquent avec Les Migrations pour les nuls de Jean-Paul Gourévitch, en librairie ce jeudi 11 septembre et déjà contesté par des spécialistes. Ce docteur en sciences de la communication, auteur prolixe de livres sur l'Afrique ou pour enfants, est connu pour ses travaux sur les coûts de l'immigration qui lui ont valu d'être cité à plusieurs reprises par la Droite nationale et identitaire. Loin des ragots bobos des astiqueurs de niaiseries progressistes. A lire d’urgence.

 

Les migrations pour les nuls, par Jean-Paiul Gourevitch, First éd., 454 p., 23 €

00:05 Publié dans Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-paul gourévitch, migrations, livre, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 17 octobre 2013

L'Europe bientôt confrontée à des migrations africaines massives

L'Europe bientôt confrontée à des migrations africaines massives

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les naufrages à répétition d'embarcations apportant des dizaines, et maintenant des centaines d'émigrants africains autour de Lampedusa et des côtes voisines ne sont pas près de diminuer. Elles suscitent une grande émotion. Il reste, aussi impopulaire que ce soit de le dire, qu'un minimum de mises au point s'impose.

immigration.jpg

Cette carte est déjà un peu ancienne, mais dans l'ensemble, elle marque bien les tendances

Le monde qui vient, notre monde, est la proie de ce que certains ont appelé les quatre Cavaliers de l'Apocalypse (cf un de nos articles). On peut sans grand risque les identifier, même si la liste peut paraître trop courte: la multiplication des Etats faillis, la dislocation économique générant des inégalités croissante entre les pays (revenus moyens de 1 à 2 dollars par jour et par personne pour de nombreuses sociétés africaines, contre 50 à 100 en Europe), la diffusion des idéologies et religions radicales, le réchauffement climatique.

Les causes en sont très diverses, toutes sont aggravées par le capitalisme financier international principalement basé dans les pays riches, toutes pèseront en priorité sur le milliard et demi d'Africains que comptera prochainement l'Afrique, toutes finalement se traduiront par une augmentation continue des migrations provenant de ce continent et qui tentent de profiter du niveau de vie supérieur des Européens.

Les naufrages à répétition d'embarcations apportant des dizaines, et maintenant des centaines d'émigrants africains autour de Lampedusa et des côtes voisines ne sont donc pas près de diminuer., suscitant selon les cas soit l'indifférence, soit des deuils nationaux, objurgations du pape et manifestations d'ONG. Ces réactions sont tout à fait compréhensibles, les secondes sont à l'honneur de ceux qui s'émeuvent (encore que dans le même temps nul ne s'émeut vraiment du nombre des morts sur les routes, qu'il serait facile de diminuer en réduisant drastiquement la vitesse). Il reste cependant, aussi impopulaire que ce soit de le dire, qu'un minimum de mises au point s'impose.

Les citoyens des pays riches accepteraient-ils volontairement les sacrifices considérables qui seraient nécessaires pour atténuer le poids imposés sur les citoyens africains par les quatre Cavaliers de l'Apocalypse sus-désignés. La réponse est évidemment négative. Sans même envisager que des aides massives soient accordées à l'Afrique pour tenter de fixer sur le continent des millions de candidats au départ, quelle commune européenne accepterait l'implantation et l'entretien de centaines ou même de dizaines d'Erythréens, Somaliens ou ressortissants d'autres pays même plus proches de l'Europe. Pratiquement aucune.

Il faudrait que ceci soit imposé par les gouvernements, faute de politiques européennes communes en ce sens. Aucun gouvernement n'y consentira, sauf au compte-goutte. Les difficultés actuelles liées à la circulation et à l'intégration des Roms seraient multipliées à l'infini. Parler de couloirs humanitaires permettant de sécuriser des flux migratoires ne correspond à rien, dans la mesure où aucune structure d'accueil viable ne serait mise en place au bout de ces couloirs. Quant à prétendre qu'avec leurs cultures spécifiques ces migrants se dissoudraient sans effort dans les populations autochtones, ce n'est pas seulement rêver mais mentir sciemment.

L'Europe

Les opinions et les gouvernements se tourneront donc vers l'Europe, pour demander une adaptation radicale de la politique de l'Union européenne en matière de migration (cf Wikipedia). Mais comme on le constate aujourd'hui tous les jours, celle-ci est bien trop superficielle et complexe pour s'appliquer à des changements en profondeur des flux migratoires. Pour le moment, elle a surtout pour résultat d'encourager différentes maffias à faire miroiter l'éden européen à un nombre croissant de candidats au départ durement rackettés à cette occasion.

Dans quel sens la modifier? Rien de sérieux n'est pour le moment envisagé. Pourtant, d'ores et déjà, la moindre personne compétente en pratique maritime dira que pour décourager les embarcations de passeurs, il faudrait que des unités navales militaires européennes légères mais en nombre suffisant les interceptent et les repoussent vers les ports d'où elles proviennent. Ceci non seulement à partir des eaux internationales mais dans les eaux territoriales des Etats qui les tolèrent. Or nul Etat européen n'oserait le faire. On imagine sans peine, en cas de résistance voire d'accident, le scandale international en résultant. La Russie, la Chine, pour ne pas parler des Etats-Unis, seraient les seuls pays capables en ce moment, si leurs intérêts étaient menacés, de prendre de telles mesures contraires au droit maritime international.

Ajoutons que la situation ainsi décrite ne pourra que s'aggraver avec les effets du réchauffement climatique, le plus menaçant et le moins évitable de nos Cavaliers de l'Apocalypse. Ce ne seront plus alors des milliers mais des millions d'Africains qui entreprendront prochainement la longue migration vers le nord, vers une Europe de son côté affaiblie par les mêmes facteurs de destruction. Il serait illusoire de penser que ces migrants continueront à se présenter gentiment aux frontières de l'Europe. Très vite, les esprits montés par divers radicalismes, ethniques, nationalistes ou religieux, ils viendront en armes forcer les passages. L'Europe dans ce cas mobilisera ses forces militaires, comme les Etats-Unis commencent à le faire sur la frontière mexicaine, à l'encontre de migrants pourtant bien plus proches culturellement. Plus personne alors ne criera au scandale en Europe. On évoquera, à tort ou à raison en termes moraux, la légitime défense.

Que proposez vous, diront les lecteurs aux auteurs de cet article? Rien pour le moment, sinon commencer à considérer la situation actuelle dans toute son ampleur, et sur le long terme. Y compris bien sûr avec les représentants des Etats concernés et de l'ONU. Ce pourrait être le début de la sagesse, plutôt qu'en appeler à de bons sentiments caparaçonnés d'égoïsme et d'incompétence.

04/10/2013

vendredi, 12 novembre 2010

Immigration: de la dénonciation à l'acceptation

beuretteFN-496f8.jpg

IMMIGRATION: DE LA DÉNONCIATION À L’ACCEPTATION 

 « Ce que je vois autour de moi, ce sont des musulmans intégrés à la vie sociale » vient de déclarer un Jean-Marie Le Pen très assimilationniste dans les colonnes de Flash. Comment l’ affirmation identitaire, cœur nucléaire de la doctrine frontiste pendant trois décennies, a-t-elle subi un tel Tchernobyl idéologique ?

 

Le premier mouvement nationaliste à dénoncer les risques d’une immigration extra-européenne non contrôlée est incontestablement Europe-Action. Dès le milieu des années soixante, la revue de Dominique Venner voit se profiler à l’horizon le spectre d’une immigration-invasion : « Ne voient-ils pas que la doctrine de la porte ouverte aboutira, si elle triomphe, à recouvrir la Touraine et la Toscane, le Sussex et la Thuringe, le Vermont et la Crimée, d’une croûte hideuse de paillotes, de gourbis et de cagnas ?(…) Pensent-ils que le mot « France » pourrait recouvrir légitimement la France d’aujourd’hui et un hexagone sur le terrain duquel camperaient vingt millions de Maghrébins et vingt millions de Négro-Africains ? » (1).

 

 Le n°1 des Cahiers d’Europe-Action, « Sous-développés, sous-capables », qui paraît en mai 1964, est entièrement consacré au « fardeau » représenté par les « peuples de couleur » et à la menace que ces derniers font peser sur l’Europe depuis la décolonisation. Le texte de présentation est on ne peut plus explicite : « D’ici 1990, la population mondiale aura doublé. Mais les peuples blancs, qui représentaient un tiers de la population mondiale au XIXe siècle, et en représente un quart aujourd’hui, n’en formeront plus qu’un sixième dans vingt ans. La Chine, a elle seule, « accouche » d’une France tous les trois ans et d’une URSS tous les seize ans. Au danger d’une telle pression démographique, aggravée par le déchaînement d’un racisme anti-blanc, s’ajoute celui de l’invasion lente des territoires européens par des populations allogènes. La France voit arriver chaque jour, un millier de Nord-Africains et mille Noirs chaque mois. L’Angleterre compte près d’un million d’habitants de couleur. La criminalité et l’insécurité augmentent ainsi que les maladies les plus percinieuses (2) ».

 

Inlassablement, tout au long de son existence, le mouvement mènera une campagne « Stop à l’invasion algérienne en France », ce qui le rapprochera du journaliste François Brigneau, dont les éditoriaux dans Minute évoquent souvent ce problème. C’est ainsi que le n°22, d’octobre 1964, d’Europe-Action proclame en une « Ils seront bientôt un million » (3). Dans un des derniers numéros de février 1966, Dominique Venner écrit : « En France, l’immigration importante d’éléments de couleur pose un grave problème ».

 

 

HALTE A L’IMMIGRATION SAUVAGE !

 

Il faut attendre 1973 pour que l’actualité confère au thème de l’immigration une acuité subite. Le roman de Jean Raspail, Le Camp des Saints, est un succès de librairie. Son sujet : « La fin du monde blanc, sous l’invasion des millions et des millions d’hommes affamés, « sous-développés », qui constituent les trois quart de l’humanité ». Au printemps, des grèves-bouchons, menées par des manœuvres africains, paralysent la régie Renault.

 

 C’est dans ce contexte que pour relancer Ordre nouveau, la direction du mouvement décide, lors de son 3ème congrès, de mener une campagne contre l’immigration sauvage. Une motion de la commission politique énonce : « L’immigration sauvage incontrôlée menace notre substrat culturel et notre civilisation… Le front autogestionnaire CFDT-PSU et PS travaille à remettre des industries d’intérêt national à des bandes d’analphabètes… ». Lorsqu’il dirigeait la propagande d’ON, François Duprat avait toujours refusé une telle campagne, arguant qu’elle ne pouvait que susciter une démagogie anti-arabe susceptible de réveiller le tropisme pro-sioniste de l’extrême-droite française. Jean-Gilles Malliarakis partageait le même point de vue. Mais Duprat n’est plus membre de la direction et Mallia s’est éloigné d’ON.

 

 On peut lire, dans l’éditorial du numéro de juin 1973 de Pour un ordre Nouveau : « Quelque chose vient de se passer dans la conscience française. Il s’agit pour nous maintenant de transformer cette petite étincelle en flamme, d’expliquer pourquoi l’immigration clandestine, l’immigration sauvage est tolérée et même organisée, de dire tout haut qui exploite cette masse, et qui s’en sert. Qui d’autre que nous pouvait, enfin, dénoncer le scandale permanent que constitue l’importation massive de ce sous-prolétariat, masse de manœuvre des gauchistes et armée de réserve du capital ? Les risques existent. Ils sont même considérables. Mais ils méritent d’être pris » (4).

 

 Dans cette campagne, ON privilégie les arguments économiques. Le texte de la pétition lancée par le mouvement ne demande même pas l’arrêt de l’immigration, mais seulement « l’installation aux frontières d’un triple contrôle judiciaire, sanitaire et de qualification professionnelle ». Le 21 juin, soir de solstice, ON tient à la mutualité un meeting contre l’immigration sauvage, devant 700 à 800 participants. L’extrême-gauche tente d’empêcher sa tenue, affrontant violemment les forces de l’ordre dans la rue.

 

 François Duprat commentera en termes sévères cet épisode : « Il est certain que la présence de nombreux étrangers, surtout d’origine nord-africaine, est mal vue par beaucoup de français, en particulier dans les quartiers populaires des grandes villes (…) Mais ce mécontentement ne se concrétise pas en attitude politique ». En effet, « traumatisés par l’accusation de racisme (et de tout ce que le mot signifie après des dizaines d’années de campagne antiraciste), les sympathisants potentiels, apolitiques ou non-membres de l’opposition nationale, se gardent bien de tout soutien, même le plus modeste ». Conclusion : « Il était politiquement erroné de croire développer un mouvement en menant campagne sur ce thème » (5).

 

UN MILLION DE CHOMEURS, C’EST UN MILLION D’IMMIGRÉS DE TROP

 

Jean-Marie Le Pen n’approuvait pas la campagne d’ON et s’est bien gardé de participer au meeting controversé. Toutefois, candidat à l’élection présidentielle, il dénonce le 29 avril 1974, dans le cadre de la campagne officielle sur les ondes de l’ORTF, « la situation créée par la forte pression que l’immigration étrangère fait peser sur les travailleurs manuels pour le maintien au plus bas prix de leur rémunération ».

 

 En 1975, la revue Militant, dont les animateurs appartiennent alors au Front national, aborde le sujet : « Délinquance, criminalité, tensions sociales, terrorismes, subversion, guerre civile, agression militaire, pressions politiques, tels sont les apports réels ou potentiels de la présence des immigrés sur le sol français ». Et, dans la perspective des élections législatives de mars 1978, le président du FN commence à hausser le ton : « Toute immigration nouvelle doit être interdite. Si l’on n’y prend garde, la France sera bientôt débordée par l’afflux d’étrangers. Ce débordement s’effectue selon une loi quasi-météorologique de hautes pressions démographiques se déversant sur cette zone de basses pressions que sont l’Europe et le monde blanc. Je mets au défi le gouvernement de dire, à un million près, combien il y a d’immigrés en France. Pour ma part, j’estime qu’il y en a 6 à 7 millions ».

 

 Si la première affiche « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop ! » ne sera imprimée qu’un an plus tard, le slogan, signé Duprat, apparaît lors des législatives de 1978 dans des tracts diffusés par l’équipe de Militant. Duprat explique alors à ses amis : « La lutte contre l’immigration va devenir un thème de plus en plus brûlant. Il n’a pas encore payé parce qu’on l’a décliné dans une logique ethnique. Les gens sont contre l’immigration, mais pour l’instant ils ne se sentent pas directement concernés. Ce n’est pas encore une motivation de vote. En revanche, avec la montée du chômage, ça va le devenir : l’immigration sera ressentie et comme une gêne, et comme un fauteur d’insécurité économique » (6).

 

 Tous ne partagent pas cette opinion à la droite de la droite. Ainsi Jean-Gilles Malliarakis, délégué général du MNR : « Les campagnes contre les immigrés sont dégueulasses. L’immigration n’est pas la cause du chômage. Je ne souhaite pas la France algérienne, d’accord. Mais qui la souhaite ? Cela dit, l’Algérien qui travaille en France n’est pas mon ennemi»(7). De même, Pascal Gauchon du Parti des forces nouvelles, grand concurrent du FN dans les années soixante-dix, se veut plus modéré : « Notre approche de l’immigration n’est pas celle de M. Le Pen. Nous ne disons pas, nous, qu’un million d’immigrés, c’est un million de chômeurs. Peut-être est-ce effectivement sept cent mille chômeurs et faut-il réduire les déséquilibres de l’immigration » (8). Position intenable lorsque le FN explose électoralement.

 

C’est pourquoi, faisant de la surenchère sur lui, un « collectif » du PFN réclame, en mars 1984, le renvoi des immigrés de la 2ème génération (9). Peine perdue : le discours anti-immigrationniste assurera le succès électoral du FN et de son président pendant de longues années.

 

LE TEMPS DES RENIEMENTS

 

Dans un entretien publié en juillet 1992 par Les Dossiers de l’histoire, Alain de Benoist précise : « Les thèses du Front national, personnellement, me soulèvent le cœur (…) Tout d’abord, concernant l’immigration, parce que la logique du bouc émissaire m’est insupportable » (10). Qu’il est loin le temps ou le jeune de Benoist, sous le pseudonyme de Fabrice Laroche, s’exclamait dans Europe-Action, « le réalisme biologique est le meilleur outil contre les chimères idéalistes » (11).

 

 Chimères auxquelles l’ayatollah de la Nouvelle droite va succomber, trente ans plus tard, en se faisant le chantre du communautarisme et du multiculturalisme. En mars 1998, la revue Eléments publie un dossier central sur le « défi multiculturel », avec en couverture une femme arabe voilée. L’éditorialiste, de Benoist himself, prône le communautarisme, porteur d’un « pluralisme des identités », et le multiculturalisme qui offre « la possibilité à ceux qui le souhaitent de ne pas devoir payer leur intégration sociale de l’oubli de leur racines » (12).

 

 Dans le même numéro, Charles Champetier consacre un long article à la question, écrivant : « Dans une société pluri-ethnique les cultures ne doivent pas seulement être tolérées dans la sphère privée, mais reconnues dans la sphère publique, notamment sous la forme de « droits collectifs » spécifiques aux minorités ». Après avoir qualifié de fantasmes « la menace de l’ « invasion » organisée par l’ « anti-France », de l’ « islamisation » fomentée par les « intégristes » et de la « guerre ethnique » dans les banlieues », Champetier, fataliste, note « le caractère définitif de l’immigration de peuplement », excluant tout retour au pays des immigrés. « On ne sait au juste, écrit-il, ce que le Front national entend faire des immigrés qui ont acquis la nationalité française depuis deux, voire trois générations » (13).

 

 1998, c’est aussi l’année de l’éclatement du Front national et des premiers signes d’atermoiement du parti sur la question de l’immigration. Le novembre 1998, Christian Baeckeroot, membre du bureau politique, accuse : « C’est autour de Mégret qu’il y a le plus de substrats intellectuels du racisme » (14). Antienne reprise, le lendemain de l’explosif conseil national du 5 décembre 1998, par un Jean-Marie Le Pen dénonçant à la radio « une minorité extrémiste et raciste » (15). Cette dénonciation de l’Autre « raciste » s’accompagne rapidement d’un aggiornamento en matière d’immigration. Le 3 juin 1999 Samuel Maréchal, gendre de Le Pen explique : « On a évolué dans notre approche de l’immigration et sur le fait que la France, aujourd’hui, est multiconfessionnelle » (16). En juillet, c’est au tour de Pierre Milloz, membre du bureau politique du FN, de préciser dans Français d’abord : « Il est évident qu’obtenir le retour de la totalité de ces immigrés est hors de nos possibilités » (17). Le congrès d’avril 2000 ne pourra qu’en prendre acte, ainsi que s’en délectera Le Monde : « Soutenue par Farid Smahi, Conseiller régional d’Ile-de-France, la motion sur l’immigration omettait de mentionner le retour des immigrés dans leur pays d’origine » (18). Lequel Smahi, fils d’un Algérien du FLN, sera nommé en récompense au bureau politique par Le Pen…

 

 Le reniement sera total à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007. Fidèle à la stratégie de « dédiabolisation » initiée par Marine Le Pen et son conseiller marxiste Alain Soral, qui s’est concrétisée par une affiche utilisant une beurette, Jean-Marie Le Pen commet l’infamie de prononcer le discours d’Argenteuil : « Vous êtes les branches de l’arbre France. Il n’y a pas de beuritude, pour moi vous n’êtes ni des potes, ni des blacks, ni des beurs, vous êtes des citoyens français, vous êtes des Français à part entière. Vous avez les mêmes droits et devoirs que nous ». Cinquante ans plus tôt, le même Le Pen déclarait à l’Assemblée nationale : « Les Algériens seront la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés(…) Dans la religion musulmane rien ne s’oppose du point de vue moral à faire d’un croyant musulman un citoyen français complet » (19). Vous avez dit retour aux sources ?

                                                          

Edouard Rix, Réfléchir & Agir, hiver 2010, n°34, pp. 46-48.

 

 

NOTES :

(1) Europe-Action, juin 1964, pp. 17-18.

(2) Pierre d’Arribière, François d’Orcival, Henri Prieur et Dominique Venner, Sous-développés, sous capables, Edition Saint Just, Cahiers d’Europe-Action, mai 1964, n°1, 109 p.

(3) Dans ce même numéro, un dessin de Coral représente un Arabe effrayant coiffé d’un fez, la légende proclamant en grosses lettres : « On recherche Mohamed Ben Zobi, né en Algérie, résidant en France. Cet homme est dangereux ! Susceptible de : Tuer ! Violer ! Voler ! Piller etc. etc. etc. etc. Pour le trouver, inutile d’aller très loin… autour de vous, il y en a 700 000 comme lui ! ».

(4) Pour un Ordre Nouveau, juin 1973, n°20.

(5) François Duprat, La droite nationale en France de 1971 à 1975, L’Homme Libre, 2002, pp. 63-64.

(6) Gilles Bresson, Christian Lionet, Le Pen, Le Seuil, 1994, p. 382.

(7) Jean-Marc Théolleyre, Les néo-nazis, Messidor, 1982, p. 56.

(8) Ibid, p. 63.

(9) « Renvoi, contrairement à M. Le Pen, des immigrés de la deuxième génération dans lesquels se trouvent les éléments les plus criminogènes du pays ».

(10) Les Dossiers de l’histoire, juillet 1992, n°82, pp. 149-150.

(11) Europe-Action, décembre 1965, n°36, p. 9.

(12) Eléments, mars 1998, n°91.

(13) Ibid.

(14) Le Figaro, 6 novembre 1998.

(15) Grand Jury RTL, 6 décembre 1998.

(16) Ouest-France, 3 juin 1999.

(17) Français d’abord, juillet 1999.

(18) Le Monde, 3 mai 2000.

(19) Journal Officiel, 29 janvier 1958.

mercredi, 03 novembre 2010

Pour une approche scientifique de l'immigration

Pour une approche scientifique de l'immigration

Ex: http://www.insolent.fr/

101028

Michèle Tribalat fait autorité en tant que démographe. Elle appartient à l’Institut national d’études démographiques en qualité de directrice de recherche. En dépit de l'importance et de la qualité de ses travaux, on l'entend de temps en temps, mais évidemment trop peu, sur les gros médiats du service public. Citons quand même une intervention substantielle le 25 juillet sur France Culture (1). À noter aussi un très important entretien publié par "L'Express" (2). Auteur de plusieurs ouvrages de références, ses éditeurs s'appellent La Découverte, Gallimard, Denoël. Il ne s'agit pas d'un écrivain maudit. (3). Du moins, pas encore.

Elle donnait le 14 octobre une conférence-débat à la Bibliothèque d'Histoire Sociale de Nanterre (4). Le thème partait de son dernier livre "Les yeux grands fermés (5) : l'immigration en France". Malgré diverses petites misères quotidiennes, pas possible de rater cette séance-là.

Disons d'emblée que ce type de communication reste irremplaçable. Elles permettent d'aller plus loin avec l'auteur d'un livre, souvent au cœur de ses préoccupations.

La lecture des 50 premières pages provoque certes une impression terrible, presque désespérante. On imagine dès lors un processus implacable, irrémédiable, incontrôlable, létal.

La qualité essentielle de cet ouvrage ne découle pas seulement de son sérieux scientifique. Il montre au bout du compte que l'utilité industrielle du recours à la main-d’œuvre étrangère égale finalement zéro, ou presque. Pas de nécessité, encore moins de fatalité de côté-là.

Au contraire, la date charnière s'est située au cours de la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1980). Celà résulte de toutes les études réalisées sur les populations considérées. Car le tournant a été entamé du fait du regroupement familial. Cette voie est devenu la cause majeure d'une arrivée d'entrants d'un type nouveau. La pompe aspirante n'est plus activée par le besoin des usines et des chantiers, mais par les guichets sociaux.

On a pu parfois se demander donc, jusqu'ici, si une sorte de loi de la pesanteur, une manière de contrainte économique ne s'était emparée de nos sociétés d'abondance. Certains pensent aussi pouvoir établir une comparaison avec la fin de l'empire romain : pas une seconde, cependant, Mme Tribalat ne se risque à suggérer de telles hypothèses.

Au contraire, ceux qui avaient cessé de réfléchir sur la question de l'immigration et de ses conséquences à long terme se réveilleront certainement de leur torpeur.

Ceux qui croient en l'État, ou qui imaginent fiables les statistiques des organismes publics, tel que l'INSEE, découvriront sans doute à quel point leurs impôts servent à nourrir beaucoup d'incapables et une foule de malfaisants.

De ces divers points de vue, le rédacteur de ces lignes n'a pas ressenti le sentiment d'une entière révélation. Hélas cependant, l'angle de départ en renforce une sorte d'abattement prospectif : que va donc devenir la France, dans tout cela ?

Et puis aux alentours de la page 80, au détour de quelques formulations élégantes de l'auteur, on se reprend, sinon à espérer, du moins à se proposer de participer au débat civique. Si une scientifique de cette qualité, si une revue telle que "Commentaire", à droite, si même [parfois] "Marianne", à gauche, osent donner la parole à des chercheurs indépendants et prendre la plume pour rompre les consignes du silence et du conformisme ambiants comment ne pas leur faire écho ?

Une indignation perce donc. On ferme volontairement les yeux. Les pouvoirs publics sont tétanisés par les médiats. On les voit assiégés par des intérêts inavouables et rien moins qu'humanitaires. Ils se laissent dicter leurs règles de comportement par des ligues de vertu que l'on décore du sigle d'ONG. Or, celles-ci n'existeraient même pas sans les subventions qu'elles rackettent auprès des collectivités locales. Et cela semble les dispenser de toute approche objective de la vérité.

Voilà ce qui se passe en France et nous le savons tous.

Précisément Michèle Tribalat fait état de travaux impressionnants réalisés dans d'autres pays occidentaux. Le parlement britannique notamment dispose avec sa Chambre des lords d'un observatoire de qualité. Une longue enquête, très complète y a été réalisée en 2008. Elle est commentée dans tout le pays. Or cet énorme document, téléchargeable par tout un chacun sur le site des Lords, notamment la contribution de l'immigration à la croissance annuelle du produit intérieur brut. Cela donne approximativement 0,1 %. Or, l'Angleterre se trouve en pointe, et depuis quelque 50 ans, du phénomène migratoire en Europe. Aux Pays-Bas d'autres travaux mettent en lumière la question, des méthodes et des préjugés systématiquement favorables du conformisme ambiant. En France, on a effectivement confié au Conseil d'analyse économique une recherche analogue. Qui a entendu parlé de ses conclusions, inscrites dans le rapport de M. Gilles Saint-Paul ? Remis en 2009, il a été "enfoui dans un tiroir" (6). Le grand public n'en a jamais entendu parler. De même dans les pays nordiques on dispose de registres prodigieusement instructifs pour les démographes. En France un chercheur de l'Insee utilise-t-il, dans un bureau de Strasbourg, le fichier Saphir de la gendarmerie ? On ne censure pas seulement ses travaux. Ils ne seront publiés en définitive que par la revue "Commentaire", – excellente mais non spécialisée. Bien plus, on fait disparaître la source administrative, devenue politiquement incorrecte.

Il existe manifestement une sorte de consigne tendant à dessaisir les nations européennes de toute faculté de décision restrictive. On tente donc d'y prévenir les mauvaises pensées. Alexandre Zinoviev dans son roman anticipateur "Les hauteurs béantes" voyait dans cette prophylaxie la marque du système soviétique. Or, aujourd'hui les "machins" internationaux de toutes sortes, l'ONU comme la CNUCED, la CEDH comme l'UNESCO, etc. travaillent à la mise en œuvre effective du cauchemar correspondant. Ils prétendent nous imposer une vision complètement unilatérale. On nous enjoint de croire, sans jamais nous le démontrer que tout le monde gagnerait, triplement, à ce type de migrations à sens unique et sans entraves : pays vieillissants d'accueil, peuples affamés du tiers-monde, migrants familiaux eux-mêmes. Mais on se refuse à dresser le bilan, en regard, des dommages collatéraux causés aux villes envahies, aux nations d'origine, privées de leurs éléments les plus dynamiques, aux déracinés enfin.

L'objectivité scientifique se trouve donc ainsi bafouée.

Voila le point le plus scandaleux, le péché contre l'esprit, que met en lumière Michèle Tribalat. Les partisans de la gouvernance mondiale n'admettent pas de s'entendre contredire. Ils le seront pourtant, par la force des choses, par l'indestructible musique de la liberté.
JG Malliarakis

Apostilles
  1. Émission Esprit public par Philippe Meyers. Elle était invitée en compagnie de Max Gallo et Jean-Louis Bourlanges.
  2. avec Laurent Chabrun le 18 mars 2010
  3. citons : "Faire France, Une enquête sur les immigrés et leurs enfants" (La Découverte 1995) ; "De l'immigration à l'assimilation. Enquête sur les populations d'origine étrangère en France" (La Découverte 1996) ; [Avec Pierre-André Taguieff], "Face au Front national, Arguments pour une contre-offensive"(La Découverte, 1998) ; "Dreux, voyage au coeur du malaise français" (Syros, 1999) ; [Avec Jeanne-Hélène Kaltenbach] "La République et l'Islam, Entre crainte et aveuglement" (Gallimard, 2002).
  4. cf. le site de l'IHS
  5. Éditeur Denoël, 2010
  6. Les enregistrements de ces conférences sont disponibles sur le site de l'Institut d'Histoire sociale
  7. cf. "L'Express" du 18 mars 2010

00:25 Publié dans Actualité, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, immigration, sociologie, migrations, france | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 16 mai 2010

Omar Ba: "N'émigrez pas!"

N'émigrez pas !

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Une prise de conscience africaine du caractère néfaste de l'émigration : c'est tout l'intérêt du livre d'Omar Ba, N'émigrez pas ! L'Europe est un mythe, que les éditions Jean-Claude Gawsewitch viennent de publier. Bousculant le politiquement correct, il rejoint, à partir d'un point de vue différent, les analyses des observateurs les plus lucides de l'immigration en Europe. Alain de Benoist, dans un éditorial de la revue Eléments, écrivait déjà en 1983 : "L'immigration est née de l'obligation faite à des hommes de se déraciner, par un système économique désireux de faire appel à une main d'oeuvre bon marché, système fondé sur le profit qui transfère les hommes comme on transfère les marchandises ou les capitaux. Fruit de l'idéologie de la rentabilité (à courte vue), elle est une forme moderne de déportation et d'esclavage."

Omar Ba.jpg
 

"Après le succès de "Je suis venu, j’ai vu, je n’y crois plus" (plus de 10 000 exemplaires), Omar Ba nous livre un texte percutant sur l’immigration, un sujet brûlant. Omar Ba affirme que les Africains qui quittent tout pour venir en Europe perdent au change. Leur avenir est sur le continent noir. L’immigration contribue à maintenir les populations africaines en position d’assistanat. De plus, les populations immigrées sont plus touchées par le chômage : l’Europe a-t-elle besoin de l’immigration ? Les immigrés sont « conviés à la misère ». Omar Ba est contre les régularisations massives des sans-papiers, qui vont pousser de nombreux autres Africains à quitter leurs pays d’origine pour l’Europe en leur donnant de l’espoir, mais qui vont aussi priver les pays d’Afrique de leurs ressortissants. Au sujet des expulsions, il s’agit d’une sanction juridiquement approuvée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, cela ne devrait pas provoquer autant de remous. Pour Omar Ba,l’opinion publique choisit l’émotion (cas du renvoi des Afghans en décembre 2009). « Parfois il est salutaire de raccompagner l’étranger dans son pays », selon lui. Les conditions socio-économiques se dégradent dans les pays du Nord, qui ne peuvent donc plus accueillir. Mais selon Omar Ba, l’immigration ne doit pas être associée au racisme, c’est un problème socio-économique, à ne pas « racialiser » (ex : la chasse aux Camerounais exercée en Guinée Equatoriale en mars 2004, où on a vu « des Noirs s’en prendre à d’autres »)… Un texte à contre-courant des idées « bien-pensantes » sur l’immigration, le point de vue surprenant d’un immigré africain de 27 ans."

mercredi, 14 avril 2010

D'où venaient les premiers Américains?

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

D’où venaient les premiers Américains ?

 

clovis.jpgLorsque les Européens de l’époque de Christophe Colomb arrivèrent en Amérique, ils trouvèrent sur place des hommes qui ressemblaient plus à des Asiatiques (Chinois. Japonais ou Coréens) qu’à toute autre population. Depuis lors, l’opinion a prévalu selon laquelle les ancêtres des Indiens d’Amérique auraient émigré à partir de l’Asie du Nord. en suivant le détroit de Behring, via la Sibérie et l’Alaska, il y a environ 12 000 ans. La culture de Clovis, découverte en 1932 au Nouveau-Mexique et qui a pu être datée de 11 500 ans, a donc été longtemps considérée comme la première culture humaine qui se soit développée sur le sol américain. Ce sont les héritiers de cette culture qui auraient progressivement peuplé tout le Nouveau Monde. Mais plusieurs faits nouveaux ont récemment conduit les chercheurs à remettre en cause cette théorie, dite “Clovis First».

 

L’un de ces faits est la découverte à Monte Verde, au Chili, par Tom D. Dillehay, de l’Université du Kentucky, d’un ensemble d’artefacts humains vieux de 12 500 ans, soit un millénaire de plus que la culture de Clovis, alors que cette dernière se situe beaucoup plus au nord. C’est également le cas d’autres artefacts qui ont été découverts depuis dans un abri rocheux situé à Meadow Croft, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie.

 

A ces données archéologiques s’en ajoutent d’autres, de type anthropologique. Plusieurs crânes ou squelettes vieux de plus de 8000 ans retrouvés en Amérique du Nord ou du Sud présentent en effet des caractères très différents de ceux des populations mongoloïdes. Le plus célèbre est le squelette remarquablement conservé de l’homme de Kennewick, découvert en 1996 sur les berges de la rivière Columbia, dans l’État d’Eastern Washington. Ce squelette, daté au radiocarbone de 9400 ans, présente des caractères typiquement européens. Il en va de même de la femme de Pehon, âgée au moment de sa mort d’environ 25 ans, qui a été retrouvée en 1959 dans la banlieue de Mexico et a été datée récemment de quelque 15 000 ans. Par ailleurs, un squelette de femme ("Luzia») découvert au Brésil et vieux d’au moins 11 500 ans présente, lui. des caractères typiquement négroïdes semblables à ceux des habitants primitifs de l’Australie et de la Polynésie.

 

L’ancienne population européenne présente en Amérique pourrait avoir été apparentée aux Aïnous, qui vivent actuellement dans l’île japonaise de Hokkaïdo. Elle serait donc elle aussi passée par le détroit de Behring. Cependant, Denis Stanford et Bruce Bradley, de la Smithsonian Institution, pensent qu’il pourrait très bien s’agir d’Européens de l’Ouest, qui auraient traversé l’Atlantique Nord à une période très reculée. Les deux chercheurs s’appuient notamment sur la ressemblance frappante existant entre les plus anciens outils de pierre taillée mis au jour en Amérique et l’industrie solutréenne attestée en Espagne et dans le Sud-Ouest de la France il y a 20 000-16 000 ans.

 

L’hypothèse qui prévaut désormais est donc celle d’un peuplement de l’Amérique beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Celui-ci pourrait avoir commencé au pléistocène, il y a au moins 30 000 ans. à la fois en provenance de l’Europe, de l’Asie et de l’Australie.

 

(Sources: New York Times. 30 juin 2002: National Geographic, septembre 2002: Science Insights News. décembre 2002. In Eléments N°111)

clovis2222.jpg

 

vendredi, 19 juin 2009

Migrazione e diaspore : prospettive geopolitiche

immigrazione_1217855716.jpg

MIGRAZIONI E DIASPORE:

PROSPETTIVE GEOPOLITICHE

di Louis Sorel*

SINERGIE EUROPEE – BOLZANO / BRUXELLES – AGOSTO 2004

La mobilità degli uomini e, correlativamente, l’esistenza delle diaspore sono fenomeni antichi, ma in questi ambiti come in molti altri ci troviamo a vivere un’accelerazione della storia. Effettivamente questi ultimi decenni hanno conosciuto importanti e durevoli movimenti di popolazioni su scala planetaria, nonché una generalizzazione del fatto diasporico. Nei limiti del tempo qui concessoci cercheremo di inquadrare questi fenomeni in una prospettiva geopolitica, la geopolitica essendo qui compresa come analisi dei rapporti di potenza tra politìe/unità politiche così come fra «attori anomici ed esotici» — come dice Lucien Poirier — vale a dire non-statuali.
Utilizzeremo qui lo studio delle migrazioni e delle diaspore per imparare le dinamiche del sistema-Mondo. Dopo aver tracciato una rapida geografia delle migrazioni e diaspore, ne prenderemo in considerazione le conseguenze geopolitiche interne — la destrutturazione degli Stati-Nazione del «Nord» — ed esterno: il rinnovamento delle problematiche «internazionali» e conflittuali.

IL «PIANETA NOMADE»
[Questo titolo riprende il tema dell’VIII edizione del Festival internazionale di geografia di Saint-Dié-des-Vosges (ottobre 1997), «Il pianeta nomade, le mobilità geografiche di oggi»]

I flussi migratori contemporanei si organizzano attorno a pochi grandi poli/centri attrattori che possono agevolmente essere rappresentati su di un planisfero.
Principale centro attrattore, gli Stati Uniti: nel secolo scorso questo grande paese d’immigrazione ha polarizzato l’essenziale dei flussi europei, ma nel corso degli anni venti, e in seguito alla trasformazione delle correnti migratorie — la maggior parte delle quali è rappresentata dalle popolazioni euro – mediterranee e slave — lo Stato federale ha deciso di adottare misure restrittive. Nel 1965, al termine di quattro decenni di chiusura delle frontiere, queste misure sono state abolite, e negli ultimi
anni l’immigrazione è ripresa al ritmo di circa un milione di ingressi legali l’anno. Questi flussi originano dall’immediata periferia — Messico, Caraibi e America Latina —, dall’Asia orientale e dai paesi del «Sud»
non europei. Gli Stati Uniti contano così circa 20 milioni d’immigrati della prima generazione.
Altro centro attrattore, il continente europeo: l’Europa del Nord – Ovest, a partire dagli anni Cinquanta, e ormai l’Europa del Sud. Gli immigrati rappresentano circa 15 milioni di individui nell’Unione europea (senza contare i naturalizzati e i clandestini) e questi flussi persistono.
Dapprima essi hanno avuto origine dagli ex territori coloniali, più o meno periferici, ma oggi assistiamo a una mondializzazione dei flussi migratori senza rapporto con le eredità storiche (colonizzazione/decolonizzazione).
Terzo centro attrattore, fino alla fine degli anni Ottanta, i paesi petroliferi del Medio Oriente (ai quali bisogna aggiungere la Libia). In mancanza di censimenti, il peso delle popolazioni immigrate è di difficile valutazione, ma è ragionevole stimarlo fra i 7 e gli 8 milioni di persone — il che, in termini relativi, è parecchio. In molte petromonarchie gli immigrati rappresentano più della metà della popolazione. Tuttavia è necessario precisare che dopo la Guerra del Golfo i flussi migratori si sono invertiti e ancora nel 1997 le espulsioni sono state numerose.

La geografia delle migrazioni comprende anche centri d’attrazione secondari, tali cioè da polarizzare flussi su distanze più corte: l’Australia, paese – continente stiracchiato tra geografia e storia; la Costa d’Avorio, la
Nigeria e la Repubblica sud – africana; il Venezuela, l’Argentina e il Brasile; certe zone dell’Asia sul versante Pacifico… Nel corso di quest’esposizione analizziamo le cose dal punto di vista del «Nord» e di
conseguenza privilegiamo i flussi a lunga distanza e i ragionamenti su scala planetaria.

Diversi e numerosi fattori si combinano per spiegare la potenza e la direzione di questi flussi migratori: fattori demografici, economici, storici, culturali e politici.

FATTORI DEMOGRAFICI: anche se oggi è un po’ riduttivo, in materia tutti sono a conoscenza del dualismo Nord/Sud. Nei paesi sviluppati, ci sono popolazioni stabili e in via d’invecchiamento; nei paesi in via di
sviluppo, popolazioni giovani dalla demografia galoppante. Questo differenziale di crescita si spiega con la transizione demografica, modello che sembra unanimemente accettato. Tuttavia s’impongono due osservazioni. La prima è la differenziazione crescente delle situazioni dei paesi e delle macro - regioni del «Sud», autentico mosaico demografico. La seconda è il rinnovamento delle tesi maltusiane presso alcuni autori, fra cui Jean – Christophe Rufin (L’empire et les nouveaux barbares, Jean-Claude Lattès, 1991) e Yves – Marie Laulan (Les nations suicidaires, François-Xavier de Guibert, 1998).

FATTORI ECONOMICI: tanto per i flussi Nord/Sud che per quelli Sud/Sud, la ricerca di migliori condizioni di vita è uno dei principali fattori esplicativi delle migrazioni internazionali. Nel corso del periodo che va dagli anni Cinquanta agli anni Ottanta, e in seguito all’afflusso di petrodollari in Medio Oriente fra gli anni Settanta e la metà degli anni Ottanta, gli immigrati sono in cerca d’impiego. Al giorno d’oggi, sono i sistemi sociali che giocano il ruolo di pompa aspirante.

FATTORI STORICI E CULTURALI: abbiamo già menzionato il ruolo del passato coloniale nei flussi migratori; l’espansione delle potenze europee ha comportato la diffusione delle lingue del Vecchio Continente e la mondializzazione delle sue forme di civiltà. In compenso questi retaggi hanno facilitato le migrazioni Nord/Sud. È vero che a partire dalla metà degli anni Settanta le ondate migratorie sono planetarie e scarsamente rapportabili alle geografie coloniali di un tempo. È altresì necessario
prendere in considerazione un altro fattore culturale: lo strapotere dei media occidentali (soprattutto americani). La circolazione a tutto campo dei medesimi suoni e delle medesime immagini genera una sorta di «immaginario migratorio» e un’ideologia dello sradicamento che stanno alla base dei
movimenti di popolazione. Nei paesi ricettori, questa stessa atmosfera globale è propizia ad un certo lassismo in materia di regolazione dei flussi migratori. Per concludere col ruolo dei fattori culturali, è del pari necessario segnalare che le delocalizzazioni – rilocalizzazioni delle unità produttive nei paesi del «Sud», diffondendo i modelli occidentali, contribuiscono a un certo numero di partenze, com’è stato possibile osservare nelle cosiddette maquiladoras — unità produttive messicane situate nelle immediate vicinanze della frontiera settentrionale del paese e controllate da aziende statunitensi.

FATTORI POLITICI: è il caso delle persone che fuggono da un regime politico dato e/o da una situazione bellica. Lo statuto di questi rifugiati politici è stato specificato dalla Convenzione di Ginevra del 1951 e l’Alto
Commissariato per i Rifugiati dell’ONU, creato nello stesso anno e con sede nella stessa città, si fa carico attualmente di circa 27 milioni di persone.
Per far fronte alla pressione migratoria derivante da questa trafila, quasi tutti i paesi sviluppati hanno, chi più chi meno, inasprito le condizioni d’accesso allo statuto di rifugiato politico.

Come si vede, nella perennità e nell’espansione dei flussi migratori giocano un complesso di cause rilevanti e un vero e proprio sistema di mobilità.

La conseguenza di questi flussi migratori è la costituzione di diaspore.
Il fenomeno è antico, legato a migrazioni non meno antiche. Gérard Chaliand e Jean – Pierre Rageau (Atlas des diasporas, Odile Jacob, 1991) chiamano «diaspora» un popolo disperso su vasti spazi e territori non collegati fra loro, e le cui differenti ramificazioni persistono nella loro identità, a dispetto della pressione delle popolazioni autoctone. Nella maggior parte dei casi questa dispersione è legata ad un evento originario traumatico: massacri, genocidi, deportazioni, catastrofi naturali. Tuttavia, gli autori dell’Atlas des diasporas non mantengono sistematicamente l’insieme di questi criteri, il che ci permette di utilizzare a buon diritto il termine «diaspora» lato sensu.
Gli esempi più antichi di questo fenomeno sono ben noti: si pensi alla diaspora greca, ebrea e armena, senza dimenticare gli Zigani che al giorno d’oggi sono gli unici a non possedere né Stato né territorio di
riferimento (diaspora integrale). Nel corso del XVI secolo, con la tratta atlantica (il commercio triangolare), ha avuto inizio la dispersione delle popolazioni nere; nel XIX secolo si sono verificate la diaspora irlandese, quella cinese e quella indiana. Il nostro secolo ha rafforzato il fenomeno con un nuovo esodo di popolazioni armene, in seguito al genocidio commesso dai Turchi e dai Curdi alla fine della prima guerra mondiale, e altri avvenimenti e rapporti di forza geopolitici hanno poi generato la diaspora palestinese,
quella libanese e quella vietnamita.
Con il potenziamento e la mondializzazione dei flussi migratori, il fatto diasporico si generalizza: ci accontenteremo qui di menzionare le diaspore arabo – musulmana e nera, particolarmente visibili in Europa occidentale.
Certo, non sempre un disastro è all’origine di queste diaspore contemporanee e i loro membri talvolta rappresentano soltanto una parte poco rilevante della popolazione dei paesi d’origine. In compenso, con la rivoluzione delle comunicazioni (aeree e satellitari) i differenti segmenti di queste popolazioni sono sempre meglio collegati fra loro e la loro coscienza culturale e geopolitica comune si va rafforzando. Non sembra dunque indebito estendere il termine di «diaspora» a questi fenomeni.

LA DESTRUTTURAZIONE DEGLI STATI-NAZIONE DEL «NORD»

La conseguenza geopolitica interna della ridistribuzione delle popolazioni è dunque la destrutturazione degli Stati – Nazione del «Nord». Prima di esaminare questo fenomeno, dobbiamo prima di tutto soffermarci sulla forma politica che domina l’Occidente moderno.
Secondo Carl Schmitt e Julien Freund, il politico è un’essenza, vale a dire un’attività umana originaria rispondente a un dato basilare, in questo caso la conflittualità. Funzione del politico è di assicurare la concordia interna e la sicurezza esterna delle collettività umane costituite.
Successore dello Stato regale, lo Stato – Nazione è una delle manifestazioni storiche del politico, la forma politica propria della modernità. I suoi tratti distintivi sono i seguenti: centralizzazione dei poteri e abbassamento dei corpi intermedi; omogeneizzazione culturale e giuridica del territorio assunto. Questo tipo di politica cerca di far coincidere popolo – lingua – cultura, territorio e Stato.
Questa volontà di omogeneizzazione è strettamente legata al processo di democratizzazione delle società politiche occidentali. In effetti la democrazia è un regime che postula l’identità della volontà popolare e
della legge, l’identità dei governanti e dei governati. Essa suppone un démos, vale a dire un popolo la cui forte omogeneità e la chiara coscienza di ciò che propriamente lo fonda permettono l’emergere di un’autentica volontà generale (si pensi a Jean – Jacques Rousseau). È per questo che in epoca
moderna si è potuto esercitare la democrazia, o quantomeno approssimarvisi, soltanto all’interno di un quadro nazionale.
Questo ideale «nazionale» non è sempre stato realizzato, al di là di tutto.
Si sa che certe nazioni — e non delle minori: pensiamo alla Francia — si sono forgiate all’incrocio di aree culturali distinte (benché in seno ad una medesima civiltà) e sono multietniche. Se non altro ci si è avvicinati, in certa misura, all’omogeneità degli spiriti, sia nelle nazioni dell’Europaoccidentale che in quelle dell’America settentrionale. Oggi, flussi migratori massicci da un lato e la crescita correlativa delle minoranze razziali dall’altro (popolazioni arabo – musulmane in Francia e in numerosi altri Stati europei; popolazioni ispaniche negli Stati Uniti) mettono nuovamente in discussione l’omogeneità del paese d’accoglienza. La coesione di queste società, la loro «governabilità» — tanto per usare un termine
in voga — sono intaccate e, infine, a essere minacciati sono proprio i fondamenti e le strutture dello Stato – Nazione stesso.
Costretti a far fronte alla sfida immigratoria, un certo numero di Stati pensa di riuscire a controllare la situazione praticando una politica di assimilazione. In questo contesto il termine è preso come sinonimo di «naturalizzazione» nel senso etimologico del termine.
Tuttavia l’assimilazione non avviene per decreto: essa dipende da molteplici variabili — peso numerico e dinamismo demografico della popolazione da assimilare; distanza etnoculturale; dinamismo demografico, forza e attrattività del modello culturale della popolazione d’accoglienza. Ora, i paesi interessati dall’immigrazione vivono una crisi dei modelli di assimilazione. Prendiamo la Francia: essa non è più un impero, e neppure la Grande Nazione di un tempo; ha perduto il suo prestigio, e i suoi
meccanismi d’integrazione (scuola, esercito, partiti politici e sindacati) hanno perduto smalto proprio quando il mercato del lavoro non riesce più ad assorbire l’impatto dei nuovi venuti. La distanza etnoculturale degli immigrati aumenta sempre più, dal momento che i paesi d’origine non rientrano più in ambito continentale europeo ma appartengono ad altre sferedi civiltà.
Altro esempio, gli Stati Uniti. Il melting–pot si è rivelato inefficace di fronte alle identità negra e ispano-americana, tanto che oggi quando si parla delle popolazioni degli Stati Uniti, si preferisce usare il
termine di salad–bowl (insalata mista) per indicare la giustapposizione, e non la fusione, di elementi disparati e irriducibili fra loro. Una parte dell’establishment WASP (White, Anglo-Saxon, Protestant) teme addirittura che gli Stati Uniti finiscano col divenire una «maggioranza di minoranze». L’immigrazione e le sue conseguenze sono all’origine di numerosi dibattiti politici, di referendum e di nuove leggi: nel 1986, legge Simpson – Rodino sul ristabilimento delle quote; referendum californiano sulla risoluzione 187 detta «Save Our State» (i clandestini non avranno più accesso ai servizi sociali, medici e amministrativi); nel 1996, adozione di una legislazione più restrittiva sull’immigrazione; nel 1998, nuovo referendum
californiano sull’adozione dell’inglese come lingua ufficiale.
Nei paesi del «Nord» di tradizione assimilatrice, questo tipo di politica non è dunque riuscito a «naturalizzare» la maggior parte delle popolazioni interessate. Di fronte ai problemi migratori, oltre alle politiche di controllo e d’inversione dei flussi che s’impongono appare necessaria un’altra opzione, già praticata da parecchi anni in area anglosassone: quella del multiculturalismo.
L’opzione multiculturale è stata scelta dapprima in America del Nord — il «comunitarismo all’americana» è di volta in volta un modello o uno spauracchio — in ragione della sconfitta subita dal melting – pot. Essa
si articola sui seguenti princìpi:

  •  la diversità etnoculturale è non soltanto un fatto, ma un fatto positivo che occorre tutelare e promuovere;
  • gli uomini concreti non possono essere separati dalle loro appartenenze etnoculturali;
  •   le culture devono pertanto essere riconosciute nella sfera pubblica.


È da poco che l’Europa deve confrontarsi con questo tipo di situazione — il necessario riconoscimento delle identità regionali e delle patrie carnali non deve essere confuso con l’immigrazione su vasta scala di elementi non–europei: quindi il dibattito assimilazionismo/multiculturalismo vi è di recente introduzione.
Questa scelta corrisponde alla visione del mondo e ai valori che ci sono propri, ma nel contempo ci induce a porci un certo numero di domande:

  •   tutte le «differenze» sono compatibili?
  •   non esistono necessariamente dei fenomeni di rigetto?
  •  è possibile mettere legittimamente sullo stesso piano il sistema diusi/costumi/norme degli allogeni e quello degli indigeni?
  •  ci si può accontentare di giustapporre orizzontalmente delle «comunità» nel quadro di una «grande società» (di mercato)?
  •   e se no, su quali basi enunciare delle norme collettive sovracomunitarie?
  • un «patriottismo costituzionale» senza contenuto culturale?
  •   dei valori universali?
  •   e se sì, quali?


In realtà, c’è da temere che l’opzione multiculturale non sia altro che l’intellettualizzazione di evoluzioni che si è ormai rinunciato a controllare, avendo come orizzonte una società di mercato all’americana in cui le
solidarietà comunitarie giochino il ruolo di assistenti sociali.
Ricordiamo che gli insiemi multiculturali, particolarmente gli imperi, che hanno preceduto e/o sono coesistiti con gli Stati – Nazione, e hanno saputo resistere al tempo, avevano un collante: lealismo dinastico, pratica di una medesima religione e patriottismo basato su di un’unica civiltà permettevano
di superare le differenze etnoculturali e linguistiche. Oggi, niente di tutto questo!
L’opzione multiculturale va dunque rivista secondo il metro della ragione politica, quand’anche la ragione filosofica dovesse soffrirne. Per assicurare il necessario primato demografico, culturale e politico degli
autoctoni bisogna rispettare qualche condizione sine qua non: controllo e inversione dei flussi migratori; cittadinanza piena e totale per i soli indigeni e assimilati; politica prevalentemente nazionale ed europea. Le popolazioni immigrate non-assimilate non beneficerebbero né della cittadinanza né di un certo numero di diritti ad essa connessi, ma in compenso esse si vedrebbero concedere uno statuto di popolo – ospite. A queste condizioni, l’opzione multiculturale è compatibile con la perennità delle nostre identità europee; in caso contrario, essa sfocerà immancabilmente in situazioni drammatiche, poiché i paesi d’accoglienza
dei flussi migratori saranno lacerati fra civiltà diverse. Le cose sono già molto avanti su questa china…

IL RINNOVAMENTO DELLE PROBLEMATICHE «INTERNAZIONALI»

L’espansione delle correnti migratorie mondiali e la moltiplicazione delle diaspore partecipano, con i movimenti di valuta e di capitale (si pensi al mega-mercato finanziario mondiale) e la rivoluzione delle comunicazioni, alla complessificazione delle relazioni cosiddette internazionali, dal momento che nuovi attori s’impongono sulla scena mondiale.
Dal XVI al XX secolo, lo spazio mondiale si è venuto progressivamente lastricando di Stati — forma politica che ha conosciuto l’apogeo nel XIX secolo. Attore totale, lo Stato-Nazione è l’unico soggetto del diritto
internazionale; dopo il 1945, il fenomeno di territorializzazione (appropriazione delle terre emerse) si è esteso all’Oceano mondiale.
Oggi si contano circa 200 Stati, 185 dei quali sono membri dell’ONU.
Tuttavia la mondializzazione dell’ordine statuale e territoriale non può dissimulare altre e più gravi tendenze. L’«èra occidentale» è stata segnata anche dalla massificazione dei flussi di ogni tipo, particolarmente nella seconda metà del XX secolo: flussi di merci, di capitali, d’immagini e di suoni, e infine di uomini. Contrariamente alla crisi del 1929, quella del 1973 non ha affatto rallentato il movimento bensì l’ha accelerato: grazie a questo, reti molteplici — anche migratorie — scavalcano i territori statali.
Dunque nuovi attori si affermano — aziende transnazionali e multinazionali, organizzazioni non-governative, mafia, sette… e diaspore. Così queste catene di «colonie» e di enclaves collegate da flussi più o meno intensi, avvolgono doppiamente gli Stati-Nazione. Dall’alto, con le reti transnazionali che
esse costituiscono; dal basso, con la formazione di comunità infra-nazionali che si autoregolano. A fianco degli Stati, ineludibili ma di fatto elusi, e non più in grado di padroneggiare in modo esclusivo il gioco mondiale, si affermano dunque delle forze transnazionali, «attori anomici ed esotici», legate alle migrazioni passate e presenti. Le questioni della Svizzera, Stato sovrano, col Congresso Ebraico mondiale danno l’idea della potenza di alcune di queste forze.
Altra conseguenza dei flussi migratori, lo «scontro delle civiltà» descritto e analizzato da Samuel P. Huntington. È noto che secondo il geopolitologo americano la politica mondiale si ricompone secondo degli assi culturali, e le linee di frattura traccerebbero nuove frontiere fra le civiltà. Il metodo
di suddivisione scelto da Huntington è certo contestabile — si pensi alla confusione di Europa e America del Nord in una stessa civiltà occidentale da un lato, e dall’altro il limite stabilito fra cristianità latina e
cristianità greca (spazio slavo-ortodosso) — ma il modello interpretativo che egli propone, il «paradigma civilizzazionale», non è privo d’interesse.
Per riprendere le categorie utilizzate da questo autore, non si può fare a meno di constatare che le civiltà occidentale e slavo-ortodossa dividono uno stesso destino demografico. Altri autori — Yves Lacoste (Silhouetter le troisième millénaire. Tout sauf la fin de l’histoire, in “Le Monde”, 24 ottobre 1997) e Yves-Marie Laulan (Les nations suicidaires, op. cit.) — adottano del resto una definizione di Occidente allargata, che comprende America del Nord, Europa e Russia. In questo senso l’Occidente — il
«mondo-razza bianco», per dirla con Jean Cau — dovrebbe confrontarsi con le civiltà demograficamente massicce: arabo-musulmana, negro-africana, indiana e cinese.
Al riguardo, le proiezioni della Banca Mondiale, pubblicate nel 1994 poco prima della conferenza dell’Onu sulle popolazioni e lo sviluppo organizzata al Cairo, sono particolarmente illuminanti. Da qui al 2030 la
popolazione dovrebbe raggiungere la cifra di 8,5 miliardi (+ 50%) e, soprattutto, le dinamiche regionali saranno destinate a differenziarsi profondamente: l’Europa, Russia inclusa, passerebbe da 731 a 742 milioni di individui (+2%); l’Asia da 3,4 a 5,1 miliardi (+ 35%); l’Africa da 720 milioni a 1,6 miliardi
(+ 103%); l’America del Nord da 295 a 368 milioni (+ 25%); l’America Latina da 475 a 715 milioni (+ 50%). Si può dunque rilevare la forte atonia demografica delle popolazioni di ceppo europeo, tanto più che il tasso di crescita previsto per l’America del Nord, certo più importante che in Europa, sarebbe dovuto soprattutto alla forza dell’immigrazione e alla fecondità delle minoranze etniche. Secondo altre stime recenti, di qui a trent’anni i “Caucasici” (Americani di ceppo europeo) rappresenteranno il 52% della popolazione degli Stati Uniti, contro il 73% di oggi.
Queste dinamiche demografiche differenziate inducono una nuova geografia strategica, quella delle interfacce Nord/Sud: la frontiera Usa/Messico, fra America del Nord e America Latina; più ancora la frontiera Mediterranea, fra Europa e Africa; e il lato meridionale della Russia, contiguo alle aree arabo-musulmana e sino-confuciana. Queste linee di divisione sul piano demografico e su quello civilizzazionale sono dei potenziali fronti di aggressività, con qualche riserva sul Rio Grande. Naturalmente la geografia
strategica non si riduce a queste zone polemogene; è possibile circoscrivere molte altre linee di frattura, relative a poste ben altro che demografiche.
Del resto, migrazioni e diaspore comportano lo straripamento di certe civiltà sulle aree di altre civiltà. Qui è necessario ricorrere alla descrizione fatta da Huntington della struttura di una civiltà: al
centro, lo Stato o gli Stati faro, i più potenti e i più centrali dal punto di vista culturale; intorno, gli Stati membri che s’identificano pienamente, in termini culturali, con la loro civiltà d’appartenenza; alla periferia,
paesi divisi, a cavallo di una o più frontiere di civiltà, con importanti differenze culturali fra le loro componenti umane; all’estrema periferia, negli Stati delle civiltà adiacenti, minoranze culturalmente affini.
Questo schema può essere facilmente applicato alle situazioni geopolitiche contemporanee. Così la civiltà arabo-musulmana beneficia dello scambio con importanti minoranze culturalmente affini nell’ecumene europeo, particolarmente dinamiche sul piano demografico e religioso e, dopo gli accordi di Dayton (1995), con un’entità musulmana, il principato di Sarajevo. Del pari, la civiltà cinese dispone, con le sue importanti minoranze d’oltremare, di una «rete di bambù» estesa sull’Asia del Sud-Est ma anche sull’America del Nord e, benché in misura minore, sull’Europa Occidentale. Lo «scontro delle civiltà» è anche interno. Strettamente legata con l’interazione generalizzata degli spazi e delle popolazioni —questa è una delle definizioni del mondialismo — è l’elaborazione di nuovi modelli conflittuali a partire da situazioni osservabili.
Primo modello, l’intervento esterno, divenuto frequente con le numerose crisi statuali e la riconfigurazione del sistema internazionale. Dopo la fine del conflitto Est/Ovest, le potenze cosiddette occidentali (e la
Russia) manifestano una spiccata propensione agli interventi esterni sui loro confini meridionali per mantenervi una certa stabilità. I governi cercano soprattutto di evitare un confronto diretto con flussi improvvisi e massicci di rifugiati politici e, nel quadro di una politica di controllo dei flussi migratori, intendono tenere la situazione ben salda in pugno.
Dunque gli eserciti sono ristrutturati in modo da poter condurre a buon fine questo tipo di operazione (forze ridotte ma flessibili ed estremamente mobili). Questi interventi non sono sempre militari e aperti: vi si
devono includere le politiche di sostegno agli Stati-cuscinetto e ai regimi-bunker del «Sud».
Altro modello conflittuale, quello dei conflitti identitari. François Thual** (Les conflits identitaires, Ellipse-IRIS, 1995) ha descritto e teorizzato questo scontro dei caos limitati del Sud e, in Europa, quelli
dei Balcani e del Caucaso. Quando questi conflitti si scatenano in prossimità degli spazi sviluppati del «Nord», essi inducono le grandi potenze a intervenire. Questa forma di conflitto mette alle prese gruppi
culturalmente/religiosamente differenziati (etnie, nazionalità, confessioni religiose), ciascuno dei protagonisti essendo convinto del pericolo di estinzione (processo di vittimizzazione). I mezzi di comunicazione moderni permettono di mobilitare le popolazioni interessate e la diaspora, se c’è diaspora, che in tal caso assicura il sostegno economico e lo scambio mediatico. Le ricomposizioni della geografia umana dei paesi sviluppati potrebbero portare benissimo all’estensione di questo tipo di conflitto, prefigurato, su scala minore, dagli scontri etnici delle periferie.
Questo rapido giro panoramico sui fenomeni migratori e sul fatto diasporico ha mostrato gli stretti legami esistenti fra il mercato del sistema-Mondo e la crescente potenza dei flussi umani. Il sistema-Mondo è di fatto un sistema di mobilità fondato sulla messa in relazione generalizzata (mondializzazione/globalizzazione) e l’elogio del nomade (Jacques Attali, Lignes d’horizon, Fayard, 1990). Esso genera una delocalizzazione planetaria e uno sradicamento massiccio di cui la «crisi migratoria globale» (S. P. Huntington) è l’aspetto più visibile e più gravido di conseguenze.
Gli effetti destrutturanti dei flussi transnazionali — umani, commerciali, finanziari, informativi — sono tali che sembra necessario imporre loro una logica politica e quindi riterritorializzarli. Se è vero che lo Stato-Nazione resta un elemento fondamentale del sistema-Mondo, è anche vero che esso attualmente è superato dall’estensione delle scale geografiche e dalla potenza dei flussi planetari, segnatamente umani. La «crisi migratoria globale», come gli altri aspetti della mondializzazione, richiedono dunque una riflessione sul rinnovamento delle forme politiche. Qualcuno si richiama agli imperi.


* Autore con Robert Steuckers e Gunther Maschke del volume “Idee per una geopolitica europea”, pubblicato dalla Società Editrice Barbarossa

** Autore del volume “Geopolitica dell’ortodossia”, pubblicato in Italia dalla Società Editrice Barbarossa

lundi, 15 septembre 2008

Giovanni Sartori sur l'immigration

sartori.jpg SYNERGIES EUROPEENNES – BRUXELLES/MILAN –AVRIL 2004

Le grand politologue italien Giovanni SARTORI  déclare :
«Réunir plusieurs cultures sur un même territoire est dangereux»

“Ne doit entrer dans le pays que celui qui est prêt à s’intégrer”

Entretien avec Giovanni Sartori

L’immigration, non suivie de l’intégration, entraîne la mort du pluralisme et de la démocratie.

Il n’aime pas qu’on dise de lui qu’il est un homme “qui ouvre des pistes”, mais il admet en revanche se trouver en syntonie avec le Cardinal Biffi, qui  nous parle de la “bombe à fragmentation” que constitue l’ensemble des dangers représentés par l’immigration islamique.  L’homme revêtu de la toge pourpre cardinalice a lancé le débat.  Giovanni Sartori, le chef de file des politologues italiens, va, comme le Cardinal, à contre-courant et exprime sa pensée dans un nouvel essai, où il aborde cette thématique.

Son titre, peu original mais clair : «Pluralismo, multiculturalismo e estranei» [“Pluralisme,  multiculturalisme et étrangers”]. Malgré la sécheresse de cet intitulé,  la lecture de l’essai est captivante. Sartori parle à la  première personne. Il n’hésite pas à railler ses adversaires. On a l’impression d’assister à  l’un de ces innombrables conférences, si savoureuses, que ce professeur, aujourd’hui à la retraite, a prononcées à la Columbia University et à l’Université de Florence.

La thèse de Sartori est la suivante : l’immigration, non suivie de l’intégration, entraîne la mort du pluralisme et de la démocratie.  Parce que  ceux qui arrivent vivent dans une communauté fermée sur elle-même, avec des valeurs et des habitudes ramenées des pays d’origine. Inévitablement, on court à la balkanisation. Emergent forcément des conflits entre la culture du pays d’accueil et les cultures immigrées, conflits qui sont incompatibles avec le bon déroulement de la vie démocratique.

Sartori ajoute que les immigrés ne sont pas tous égaux, que ceux qui éprouvent le plus de difficultés à s’intégrer, qui sont les moins “intégrables”, sont originaires de nations “théocratiques”, qui ne connaissent pas la séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est le cas des ressortissants de pays islamiques.

 

Q.: Donc le multiculturalisme, la juxtaposition des styles de vie et des croyances différentes au sein d’un même Etat, constitue un risque pour le pluralisme?

GS : Avant toute  chose, je tiens à mettre en exergue la différence qui existe entre la notion de “multi-ethnisme” et celle de “multiculturalité”. Un pays qui est déjà multi-ethnique, qui compte en son sein des races et des peuples différents, ne doit pas craindre de voir le pluralisme disparaître. Les dangers  pour le pluralisme se perçoivent dans les pays qui sont devenus “multi-ethniques” et qui sont susceptibles de se  transformer en Etats “multiculturels”, où  l’on accorde la citoyenneté à tous ceux qui entrent, même à ceux qui pratiquent la polygamie et portent le tchador.

Q. : Le Cardinal Biffi a donc raison...

GS: Mettons les choses au point : je ne dis pas que les personnes de confession islamique ne peuvent pas venir chez nous; j’analyse le phénomène et je le  décris; je ne donne pas de recettes... Je suis partiellement d’accord avec le Cardinal, nous pouvons donc continuer l’entretien. Je dis que si tous les musulmans qui viennent s’installer en Italie s’intègrent, il n’y aura pas de problèmes. Les problèmes viennent des  fondamentalistes, car pour eux, nous sommes des Infidèles [...].

Q.: Vous  avez exprimé des critiques à l’égard du “tiers-mondisme” français et italien...

GS : Affirmatif. Parce que ce tiers-mondisme accepte l’immigration sauvage.

Q. : Qui devons-nous imiter, alors?

GS : L’Espagne,  par exemple : de manière absolue, l’Espagne refuse les “sans-papiers”, les clandestins. Les Espagnols ont créé une réseau électronique pour intercepter en mer les arrivants et pour les renvoyer immédiatement d’où ils viennent.

Q. : Vous avez également déclaré que les immigrés qui sont utiles aujourd’hui à l’économie de notre pays ne le seront plus demain...

GS: Les patrons veulent de la main-d’œuvre à bas prix mais si la conjoncture redevient défavorable, ils rejettent cette main-d’œuvre, la condamne à la marginalité : quel sera le coût social de ce jeu malsain?

Texte paru dans  "IL GIORNO", 15 septembre 2000

Ce texte peut se lire sur le site des “Cattolici Padani”: www.cattolicipadani.org